Le 20 novembre, un hassane vola les bœufs d’un marabout de notre camp, ce qui causa une grande rumeur ; tout le monde fut sur pied toute la soirée : deux amis de celui qui avait été volé partirent pour le camp du hassane, afin de réclamer les bœufs. On me dit que si le roi s’était trouvé là, le voleur aurait été sévèrement puni.
Le même soir, Mohammed Sidy Moctar arriva : je m’attendais à voir éclater la joie dans sa famille; je fus fort surpris qu’on n’allât pas même au-devant de lui. Il entra dans la tente, salua tout le monde : on lui rendit froidement son salut ; sa fille seule se leva, et lui posa respectueusement les mains sur la tête, sans aucune démonstration d’amitié.
Je n’ai jamais vu les Maures s’embrasser : un amant même n’embrasse pas sa maîtresse; il lui pose la main sur la bouche, puis la reporte à la sienne pour recueillir sans doute le baiser qu’elle y a déposé.
Le lendemain, les marabouts qui étaient allés réclamer les bœufs, revinrent sans les avoir obtenus.
Le 2 8 novembre, le grand marabout alla lui-même les réclamer, et les fit rendre ; mais il eut beaucoup de peine, et ce ne fut que le 6 décembre qu’il revint ; les bœufs arrivèrent peu de temps après lui.
Les Maures ont des lois très sévères contre le vol ; mais elles sont rarement exécutées. Si le voleur est pris en présence du roi, sa majesté peut, sans aucune forme de procès, lui faire appliquer cinquante ou 60 coups de fouet sur le dos ou lui faire couper les oreilles. La peine de mort est quelquefois infligée aux tributaires, mais jamais aux hassanes ni aux marabouts.
Suivant la loi de Mahomet, le voleur doit avoir le poignet coupé : mais tous ont intérêt à l’adoucir ; car si elle était rigoureusement exécutée, tous les Maures seraient manchots. Cette loi n’est pas applicable à ceux qui volent les chrétiens; au contraire, ils font une bonne action : aussi saisissent-ils toutes les occasions de les piller.