La majeure partie des Maures croient que nous habitons sur la mer, et que nous n’avons que quelques petites îles semblables à celle de Saint -Louis : sous ce rapport, ils s’imaginent que nous voulons nous emparer de leur pays, qu’ils estiment être le meilleur du monde. Cependant les marabouts ne partagent pas cette erreur ; ils savent que nous habitons une terre infiniment meilleure que la leur. Aussi me disaient-ils souvent qu’ils étaient fâchés de n’avoir rien de bon à m’offrir; mais que Dieu me récompenserait des privations que je m’imposais volontairement, en abandonnant l’heureux pays des chrétiens pour habiter parmi eux. Cependant ils n’ont aucune idée de nos arts ni de nos manufactures. Ils m’interrogeaient souvent pour savoir à quel usage nous employions la gomme; mais ils ont toujours cru que je les trompais : ils sont persuadés que nous la transformons en ambre, dont la couleur s’en rapproche un peu, et en autres marchandises de grand prix ; que nous ne pouvons-nous passer de gomme, et que sans elle nous ne pourrions exister. Il m’a été impossible de les détromper sur ce point ; aussi, quand il y a quelques discussions aux escales ou marchés, ou qu’on refuse ce qu’ils demandent, ils menacent de ne plus apporter de gomme.