Nous passâmes la nuit à un petit village appelé Médina : ce lieu appartient en entier à un marchand mandingue, qui par un long commerce avec les Européens a contracté quelques-unes de leurs habitudes. On lui servait ses aliments dans des plats d’étain, et les maisons mêmes sont bâties dans le genre de celles qu’ont les Anglais sur la Gambie.
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Karfa, qui jamais n’avait entendu parler en anglais, nous écoutait avec grande attention. Tout ce qu’il voyait lui semblait merveilleux, les meubles de la maison, les chaises, etc. ; les lits surtout et leurs rideaux excitaient particulièrement son attention. Il me faisait sur l’usage, sur la nécessité de chaque objet mille questions auxquelles il m’était quelquefois difficile de répondre.
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Le schouner de M. Ainsley était à l’ancre devant la place : c’était l’objet le plus surprenant que Karfa eût encore vu. Il eut de la peine à comprendre l’usage des mâts, des voiles et des agrès, et il ne concevait pas qu’avec toute l’adresse possible on pût faire mouvoir à son gré un si grand corps par la seule force du vent. La manière de joindre les unes aux autres les planches qui composaient la coque du bâtiment et d’en fermer les joints pour empêcher l’eau d’y entrer était absolument neuve pour lui ; enfin le schouner, ses câbles et son ancre tinrent Karfa dans la méditation pendant la plus grande partie du jour.
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Mais, quand il remarquait les produits de nos manufacturés et notre supériorité dans tous les arts qui embellissent la vie civilisée, il semblait rêveur et s’écriait avec un soupir involontaire : Fato fing inta feng, c’est-à-dire « les hommes noirs ne sont rien ».
D’autres fois il me demandait avec un grand sérieux ce qui avait pu m’engager, moi qui n’achetais point d’esclaves, à parcourir un aussi misérable pays que l’Afrique. Il voulait dire par là qu’après tout ce que j’avais vu dans ma patrie rien dans la sienne ne devait me paraître digne d’un moment d’attention. J’ai cité ces traits de ce bon Nègre non seulement par attachement pour lui, mais aussi parce qu’ils me paraissent prouver qu’il possédait une âme supérieure à sa condition. Ceux de mes lecteurs qui aiment à étudier la nature humaine dans toutes ses variétés et à suivre ses progrès depuis l’état le plus grossier jusqu’aux derniers degrés de la civilisation ne liront peut-être pas sans intérêt ce que je rapporte de cet honnête Africain.