Comme mes compagnons avaient le désir de s’établir dans ce canton, le douty leur fit présent d’une belle brebis, et je fus assez heureux pour me procurer une bonne quantité de grain pour mon cheval. Les naturels soufflaient ici dans des dents d’éléphants pour annoncer la prière du soir, comme à Kemmou.
Le lendemain 14 juillet, de bon matin, pendant que mes compagnons faisaient des prières pour la prospérité de notre hôte, je le remerciai de son hospitalité, puis nous partîmes. Vers trois heures nous arrivâmes à Mourja, ville grande et fameuse pour son commerce de sel. Les Maures y en apportent de grandes quantités, qu’ils échangent contre du grain et de la toile de coton. La plupart des naturels étant ici mahométans, il n’est pas permis aux kafirs de boire de la bière qu’ils appellent neo-dollo, esprit de blé, excepté dans certaines maisons. Je vis dans l’une de ces maisons environ vingt personnes assises autour de grands vases pleins de bière. Ces gens avaient l’air fort gai, et la plupart étaient ivres. Comme le maïs y abonde, les habitants sont généreux pour les étrangers. Je crois que nous reçûmes de différentes personnes autant de grain et de lait qu’il en eût fallu pour trois fois plus de monde que nous n’étions. Nous passâmes là deux jours, et nous ne vîmes point que cette prolongation de séjour eût rien diminué de la libéralité de nos hôtes.
Le matin du 16, nous repartîmes avec une caravane de quatorze ânes chargés de sel, et destinés pour Sansanding. Le chemin, singulièrement pittoresque, passait entre deux collines de roches dans lesquelles les Maures se cachent quelquefois pour piller les étrangers. Aussitôt que nous eûmes gagné le pays plat, le maître de la caravane de sel nous remercia de l’avoir accompagné jusque-là et nous invita à avancer. Le soleil était presque couché avant que nous arrivassions à Datlibou.