Quand on jette les yeux sur la carte de la Syrie, on observe que ce pays n’est en quelque sorte qu’une chaîne de montagnes, qui d’un rameau principal se distribuent à droite et à gauche en divers sens: la vue du terrain est analogue à cet exposé. En effet, soit que l’on aborde par la mer, soit que l’on arrive par les immenses plaines du désert, on commence toujours à découvrir de très-loin l’horizon bordé d’un rempart nébuleux qui court nord et sud , tant que la vue peut s’étendre : à mesure que l’on approche, on distingue des entassements gradués de sommets , qui, tantôt isolés, et tantôt réunis en chaînes , vont se terminer à une ligne principale qui domine sur tout. On suit cette ligne sans interruption, depuis son entrée par le nord, jusque dans l’Arabie. […] Pendant ce trajet, il se détache de cette ligne, comme d’un tronc principal, une infinité de rameaux qui vont se perdre, les uns dans le désert, ou ils forment divers bassins, tels que celui de Damas, de Haurân, etc., […]
Je connais quatre espèces distinctes de chameaux :
– le chameau, qui est proprement le chameau arabe , porteur de fardeaux , n’ayant qu’une bosse et très peu de poil sur le corps.
-le chameau coureur appelé Hajjin au Caire , plus svelte dans toutes ses formes , n’ayant qu’une bosse : c’est le véritable dromadaire des Grecs[…] ces deux espèces sont répandues depuis Maroc jusqu’en Perse.
-le chameau turkman, répandu de Halab à Constantinople et au nord de la Perse. II n’a qu’une bosse; il est moins haut que le chameau arabe ; il a les jambes plus courtes , plus grosses , le corps plus trapu et infiniment mieux couvert de poil. Celui du cou pend jusqu’à terre et est généralement brun ;
-chameau tartare ou bactrien : répandu dans toute la Chine et la Tartarie. Celui-là a deux bosses. L’on ne voit que de ceux-là à Pékin , tandis qu’ils sont si rares dans la basse Asie, que je citerais une foule de voyageurs , même Arabes , qui, comme moi, n’y en ont jamais vu aucun
Arabes du désert :
Leurs voisins, les Syriens mêmes, les regardent comme des hommes extraordinaires. […] surtout pour les tribus du fond du désert, telles Tay, les ‘Anaza, les Khaybar et autres, qui ne s’approchent jamais des villes. Lorsque, du temps de Dzâhir , il en vint des cavaliers jusqu’à Acre, ils y firent la même sensation que feraient parmi nous des sauvages de l’Amérique.
On considérait avec surprise ces hommes plus petits , plus maigres et plus noirs qu’aucuns Bedoins connus : leurs jambes sèches n’avaient que des tendons sans mollets ; leur ventre était collé à leur dos ; leurs cheveux.étaient crêpés presque autant que ceux des nègres.
De leur côté, tout les étonnait ; ils ne concevaient ni comment les maisons et les minarets pouvaient se tenir debout, ni comment on osait habiter dessous, et toujours au même endroit ; mais surtout ils s’extasiaient à la vue de la mer, et ils ne pouvaient comprendre ce désert d’eau.
On leur parla de mosquées, de prières, d’ablutions ; et ils demandèrent ce que cela signifiait, ce que c’était que Moïse, Jésus-Christ et Mahomet , et pourquoi les habitans n’étant pas de tribus séparées, suivaient des chefs opposés. . .
Tribus, guerre :
Les Arabes-Bedouins sont divisés par tribus, qui constituent autant de peuples particuliers. Chacune de ces tribus s’approprie un terrain qui forme son domaine ; elles ne diffèrent pas à cet égard des nations agricoles[…] Chacune de ces tribus compose un ou plusieurs camps qui sont répartis sur le pays[…] mais comme l’espace entier est nécessaire à la subsistance annuelle de la tribu, quiconque y empiète, est censé violer la propriété; ce qui ne diffère point encore du droit public des nations.
Si donc une tribu […] entre sur un terrain étranger, ils sont traités en voleurs, en ennemis, et il y a guerre. Or, comme les tribus ont entre elles des affinités par alliance de sang ou par conventions, il s’ensuit des ligues qui rendent les guerres plus ou moins générales. […] On se rencontre, on parlemente; souvent on se pacifie, sinon l’on s’attaque par pelotons ou par cavaliers ; […]rarement la, victoire se dispute; le premier choc la décide ; les vaincus fuient à bride abattue sur la plaine rase du désert. […]
Talion
[…]L’intérêt de la sûreté commune a dès lontcmps établi chez les Arabes une loi générale, qui veut que le sang de tout homme tué soit vengé par celui de son meurtrier, c’est ce qu’on appelle le Târ: le droit en est dévolu au plus proche parent du mort. […] s’il néglige de prendre son, talion , il est à jamais déshonoré. En conséquence , il épie l’occasion de se venger ; si son ennemi périt par des causes étrangères, il ne se tient point satisfait, et sa vengeance passe sur le plus proche parent. Ces haines […]ne cessent qu’[…] moins que les familles ne s’accordent en sacrifiant le coupable, ou en rachetant le sang pour un prix convenu en argent ou en troupeaux. Hors cette satisfaction , […]il y a du sang entre nous, se dit-on en toute affaire ; et ce mot est une barrière insurmontable. […] Ceci, joint à leur genre de vie, fait des Bedouins un peuple militaire, sans qu’ils soient néanmoins avancés dans la pratique de cet art.
Camps :
La disposition de leurs camps est un rond,(dwâr) […] une seule ligne de tentes […] tissues de poil de chèvre ou de chameau, noires ou brunes[…] dans le lointain , un tel camp ne paraît que comme des taches noires[…]. Chaque tente habitée par une famille, est partagée par un rideau en 2 portions , dont l’une n’appartient qu’aux femmes. L’espace vide du grand rond sert à parquer chaque soir les troupeaux […] les chevaux restent sellés et prêts à monter à la première alarme ; mais comme il n’y a ni ordre ni distribution, ces camps ne seraient d’aucune défense en cas d’attaque : aussi arrive-t-il chaque jour des enlèvemens de bestiaux.
Relations aux étrangers :
Les tribus qui vivent dans le voisinage des Turks [ces étrangers !], sont traités comme des vassaux rebelles, ou des ennemis inquiets et dangereux et ils ne cessent de leur faire une guerre sourde on déclarée. Les pachas […]tantôt leur contestent le terrain qu’ils leur ont loué ; tantôt exigent un tribut dont on n’est pas convenu. Si l’ambition […] divise une famille de Chaikhs , ils secourent tour-à-tour l’un et l’autre partis, et finissent par les ruiner tous les deux. Souvent ils fout empoisonner, ou assassiner les chefs dont ils redoutent le courage ou l’esprit, fussent-ils même leurs alliés.
De leur côté , les Arabes regardant les Turks comme des usurpateurs et des traîtres […] ce sont presque toujours les paysans qui payent, […] à la moindre alarme, on coupe leurs moissons, on enlève leurs troupeaux , on intercepte […] le commerce : les paysans crient aux voleurs , et ils ont raison ; mais les Bedouins réclament Je droit de la guerre , et peut-être n’ont-ils pas tort ; ces déprédations établissent entre [eux…], une mésintelligence qui les rend mutuellement ennemis.
Gouvernement tribal :
Chaque tribu est composée d’une ou de plusieurs familles principales, dont les membres portent le titre de chaikhs […]l‘un […d’eux] commande […] à tous les autres ; c’est le général de cette petite armée. Quelquefois il prend le titre de Amîr.[…]
Plus il a de parents, d’enfants et d’alliés, plus il est fort et puissant. Il y Joint des serviteurs […] en fournissant à tous leurs besoins […et] se range autour de petites familles qui […]ont besoin de protection et d’alliance. Cette réunion s’appelle Qabîla. On la distingue […] par le nom de […] de la famille commandante […] on les appelle enfants d’un tel, quoiqu’ils ne soient pas réellement tous de son sang […] Ainsi l’on dit : B. Tamîm , Wulâd Tayî […]
Le gouvernement de cette société est tout à la fois républicain, aristocratique et même despotique, sans être décidément aucun de ces états.
Il est républicain : parce que le peuple y a une influence première dans toutes les affaires, et que rien ne se fait sans un consentement de la majorité.
Il est aristocratique : parceque les familles des chaikhs ont les prérogatives que la force donne partout.
Enfin, il est despotique, parce que le chaikh principal a un pouvoir indéfini et presque absolu […], il peut porter son autorité jusqu’à l’abus; mais […] il est des bornes […].
En effet, si un chef […] tuait un Arabe, […]le ressentiment de l’offensé n’aurait nul respect pour son titre; […]et s’il ne payait pas le sang, il serait infailliblement assassiné […]. S’il fatigue ses sujets par sa dureté , ils l’abandonnent, et passent dans une autre tribu. Ses propres parens profitent de ses fautes , pour le déposer et s’établir à sa place. […] ses sujets communiquent entre eux trop aisément, pour qu’il puisse […] se faire une faction […]
C’est le chaik principal qui […] reçoit les visites des alliés […] dans le prolongement de sa tente, est un grand pavillon qui sert d’hospice à tous les […] passants [où…] se tiennent les assemblées […] pour décider des campements, […] de la guerre, des démêlés avec les gouverneurs turks et les villages, des procès […] des particuliers. A cette foule […], il faut donner le café, le pain cuit sous la cendre, le riz et quelquefois le chevreau ou le chameau rôti; en un mot, il faut tenir table ouverte ; et […]l’arabe affamé place avant toute vertu la libéralité qui le nourrit; […] de là ce proverbe[…] Main serrée, cœur étroit.
Pour subvenir à ces dépenses, le chaik n’a que ses troupeaux, quelquefois des charnps, le casuel des pillages avec les péages des chemins ; […] dans le pays de Ghazza, le plus puissant des cantons ; […] son mobilier, consistant en quelques pelisses, en tapis, en armes, en chevaux et en chameaux, ne peut s’évaluer à plus de 5o ooo livres[dont…] 4 juments à 6000 […]. On ne doit donc pas […] attacher nos idées ordinaires aux mots […]de seigneur […] qui commande à 500 chevaux [mais] ne dédaigne pas de seller et de brider le sien, de lui donner l’orge et la paille hachée […] c’est sa femme qui fait le café, qui bat la pâte , qui fait cuire la viande. Ses filles et ses parentes lavent le linge, et vont, la cruche sur la tête et le voile sur Ie visage, puiser l’eau à la foutaine : c’est précisément l’état dépeint par Homère, et par la Genèse dans l’histoire d’Abraham […]
Divers :
[…] Ce qui manque au pauvre, […] est la jument : […] préférée au cheval, parce qu’elle ne hennit point, parce qu’elle est plus docile, et qu’elle a du lait qui, dans l’occasion, appaise la soif et même la faim de son maître. […] tous leurs arts se réduisent à ourdir des tentes grossières, à faire des nattes et du beurre. Tout leur commerce consiste à échanger des chameaux, des chevreaux, des étalons et des laitages, contre des armes, des vêtements, quelque peu de riz et de blé, et contre de l’argent qu’ils enfouissent […] et rien n’est si rare , même parmi les chaiks, que de savoir lire.
Littérature :
Toute leur littérature consiste à réciter des contes et des histoires[…]ces narrations remplissent […] leurs loisirs : […]
Le soir ils s’asseyent à terre à la porte des tentes […] et là rangés en cercle autour d’un petit feu de fiente, la pipe à la bouche, et les jambes croisées, ils commencent d’abord par rêver en silence, puis, à l’improviste, quelqu’un débute par un il y avait au temps passé, et il continue jusqu’à la fin les aventures d’un jeune chaik et d’une jeune bedouine :
il raconte comment le jeune homme appercut d’abord sa maîtresse à la dérobée, et comme il en devint éperdument amoureux ; il dépeint trait par trait la jeune beauté, vante ses yeux noirs, grands et doux comme ceux d’une gazelle ; son regard mélancolique et passionné; ses sourcils courbés comme deux arcs d’ébène; sa taille droite et souple comme une lance ; il n’omet ni sa démarche légère comme celle d’une jeune pouline, ni ses paupières noircies de kohl, ni ses lèvres peintes de bleu , ni ses ongles teints de henné couleur d’or, ni sa gorge semblable à un couple de grenades , ni ses paroles douces comme le miel. Il conte le martyre du jeune amant, qui se consume tellement de desirs et d’amour, que son corps ne donne plus d’ombre. Enfin, après avoir détaillé ses tentafives pour voir sa maîtresse, les obstacles des parens, les enlèvemens des ennemis, la captivité survenue aux deux amans, etc. il termine, à la satisfaction de l’auditoire, par les ramener unis et heureux à la tente paternelle ; et chacun de payer à son éloquence le Incha allah (i) qu’il a mérité. […]
Pillage et Hospitalité :
L’Arabe n’a point un courage sanguinaire […]et si on lui résiste, il ne juge pas qu’un peu de butin vaille la peine de se faire tuer. Il faut verser son sang pour l’irriter; mais alors on le trouve aussi opiniâtre à se venger, qu’il a été prudent à se compromettre.
On a souvent reproché aux Arabes cet esprit de rapine; mais[…] il n’a lieu que pour l’étranger réputé ennemi, et par conséquent il est fondé sur le droit public de la plupart des peuples. Quant à l’intérieur de leur société, il y règne une bonne foi, un désintéressement , une générosité qui feraient honneur aux hommes les plus civilisés.
Quoi de plus noble que ce droit d’asile établi chez toutes les tribus ? Un étranger, un ennemi même, a-t-il touché la tente du Bedouin, sa personne devient, pour ainsi dire, inviolable […] Le Bedouin a-t-il consenti à manger le pain et le sel avec son hôte, rien au monde ne peut le lui faire trahir. La puissance du sultan ne serait pas capable de retirer un réfugié d’une tribu, à moins de l’exterminer toute entière. (Ils font une distinction entre mostajir, ou implorant protection ; et matnûb, ou qui plante sa tente au rang des autres, c’est-à-dire, qui se naturalise)
Ce Bedouin, si avide hors de son camp, n’y a pas plutôt remis le pied, qu’il devient libéral et généreux : […] s’il prend son repas, il affecte de s’asseoir à la porte de sa tente, afin d’inviter les passans; sa générosité, il ne la regarde pas comme un mérite, mais comme un devoir : aussi prend-il sur le bien des autres le droit qu’il leur donne sur le sien. […] Cependant ils connaissent la propriété ; mais elle n’a point cette dureté que l’extension des besoins du luxe lui a donnée chez les peuples agricoles.
Liberté, égalité :
Ils sont du moins heureux que cette nécessité établisse chez eux un état de choses qui a paru aux plus sages législateurs la perfection de la police, je veux dire une sorte d’égalité ou de rapprochement dans le partage des biens et l’ordre des conditions : […] Il est moins facile à leurs chaiks de se former une faction qui asservisse et appauvrisse la masse de la nation […] la pauvreté particulière devient la cause et le garant de la liberté publique.
Cette liberté s’étend jusque sur les choses de religion [..] il est vrai que sur les frontières des Turks, les Bedouins gardent par politique des apparences musulmanes ; mais elles sont si peu rigoureuses, et leur dévotion est si relâchée, qu’ils passent généralement pour des infidèles, sans loi et sans prophètes.
[…] « Comment faire des ablutions, puisque nous n’avons point d’eau ? Comment faire des aumônes, puisque nous ne sommes pas riches? Pourquoi jeûner le ramadan, puisque nous jeûnons toute l’année? Et pourquoi aller à la Mekke, si Dieu est partout ? »
Du reste, chacun agit et pense comme il veut, et il règne chez eux la plus parfaite tolérance. Elle se peint très-bien dans un propos que me tenait un jour un de leurs chaiks, nommé Ahmed, fils de Bâhir, chef de la tribu des Quahidié. « Pourquoi, me disait ce chaik, y veux-tu retourner chez les Francs? Puisque y tu n’as pas d’aversion, pour nos mœurs, puis» que tu sais porter la lance et courir un cheval » comme un Bedouin, reste parmi nous. Nous 2> te donnerons des pelisses, une tente, une » honnête et jeune bedouine , et une bonne juy ment de race. Tu vivras dans notre maison….
Mais ne sais-tu pas, lui répondis-je, que né parmi les Francs, j’ai été élevé dans leur religion? Comment les Arabes verront-ils un infidèle, ou que penseront-ils d’un apostat? Et toi-même, répliqua-t-il, ne vois-tu pas que les Arabes vivent sans soucis du Prophète et du Livre ? Chacun parmi nous suit la route de sa conscience. Les actions sont devant les hommes ; mais la religion est devant Dieu.
Un autre chaik, conversant un jour avec moi, m’adressa par mégarde la formule triviale: Ecoute, et prie sur Je prophète; au lieu de la réponse ordinaire, J’ai prié; je répondis en souriant: J’écoute. Il s’appercut de sa méprise, et sourit à son tour. Un Turk de Jérusalem qui était présent, prit la chose plus sérieusement. « O chaik, lui dit-il, » comment peux-tu adresser les paroles de* » vrais croyans à un infidèle »? lia langue est légère, répondit le chaik, encore que le cœur soit blanc (pur); mais toi qui connais les coutumes des Arabes, comment peux^tu of~ fenser un étranger avec qui nous avons mangé le pain et le sel? Puis se tournant vers moi: Tous ces peuples du Frankestan dont tu m’as parlé, qui sont hors de la loi du prophète , sont-ils plus nombreux que les Musulmans ? On pense, lui répondis-je, qu’ils sont cinq ou six fois plus nombreux) même en comptant les Arabes,… Dieu est juste, reprit-il, il pèsera dans ses balances (i).
Wahhabites
Depuis trente ans il s’est élevé dans le Najd unenouvelle religion, dont les principes sont analogues aux dispositions d’esprit dont je parle : Niebuhr : « Ces principes sont que Dieu seul doit être invoqué et adoré comme auteur de tout ; qu’on ne doit faire mention d’aucun prophète en priant, parce que cela touche à l’idolâtrie ; que Moïse, Jésus-Christ, Mahomet, etc. sont à la vérité de grands hommes, dont les actions sont édifiantes; mais que nul livre n’a été inspiré par l’ange Gabriel, ou par tout autre esprit céleste Enfin, que les vœux faits dans un péril menaçant ne sont d’aucun mérite ni d’aucune obligation. Je ne sais jusqu’où l’on peut compter sur le rapport du Bedouin qui m’a raconté ces choses. Peut-être était-ce sa façon même de penser ; car les Bedouins se disent bien Mahométans, mais ils ne s’embarrassent ordinairement ni de Mohammed ni du Koran » ;: II, 208
Cette insurrection a eu pour auteurs 2 Arabes qui, après avoir voyagé, pour affaires de commerce, dans la Perse et le Malabar, ont formé des raisonnemens sur la diversité des religions qu’ils ont vues, et en ont déduit cette tolérance générale. L’un d’eux, nommé ‘Abd-al-Wahab , s’était formé dans le Najd un état indépendant dès 1760 : le second, appelé Mekrâmî, chaikh de Najrân , avait adopté les mêmes opinions, et par sa valeur il s’était élevé à une assez grande puissance dans ces contrées. Ces deux exemples me rendent encore plus probable une conjecture que j’avais déjà formée, que rien n’est plus facile que d’opérer une grande révolution politique et religieuse dans l’Asie.
Il est remarquable que les mêmes vertus se retrouvent presque également chez les hordes turkmanes, et chez les Kourdes; en sorte qu’elles semblent attachées à la vie pastorale. Il est d’ailleurs singulier que ce soit chez ce genre d’hommes que la religion a le moins de formes extérieures, au point que l’on n’a jamais vu chez les Bedouins , les Turkmans ou les Kourdes, ni prêtres, ni temples, ni culte régulier.