Quand Bélisaire vît que la muraille [de Sisaurane] était bonne, et que de plus elle était défendue par de vaillants hommes, il jugea à propos d’assembler tous les chefs, et de leur faire ce discours
Nous avons appris par une longue expérience de la guerre à prévoir l’avenir, et à choisir le plus sûr dans les conjonctures où il y adu danger. Vous savez combien il est périlleux de conduire une armée dans un pays ennemi, et d’avoir derrière soi des places fortifiées défendues par de puissantes garnisons. C’est l’état ou nous sommes maintenant réduits. Si tous avançons, nous serons suivis par des partis qui sortiront du fort de Sisaurane, et de la ville de Nisibe, et qui nous incommoderont extrêmement dans les défilés, et dans les lieux propres aux embuscades. Que si nous rencontrons d’autres ennemis en face, nous ne pourrons les combattre tous ensemble, sans courir le dernier hasard. Ajoutez que si nous perdons la bataille, il nous sera impossible de retourner dans notre pays. Ne nous précipitons point dans le danger par une vaillance indifférente, et ne ruinons point les affaires de l’Empire par un désir déréglé de la victoire. Les Etats se perdent par une hardiesse inconsidérée, et ils se conservent par une retenue judicieuse. Je suis donc d’avis que nous demeurions ici, pour tâcher de nous rendre maîtres du fort et que nous envoyions les troupes d’Harêth-â dans l’Assyrie., d’autant que les Sarracènes qu’il commande ne sont pas propres à faire des sièges, et qu’ils sont propres à faire le dégât dans la campagne. Ils seront soutenus par un bon nombre de vaillants hommes, qui exerceront toutes sortes d’hostilités dans ce pays, s’ils le trouvent sans défense; ou qui. viendront nous rejoindre s’ils y rencontrent des obstacles. Quand nous aurons pris le fort, comme je l’espère avec l’aide de Dieu de le prendre, nous traverserons le Tigre. Nous ne craindrons plus alors d’être poursuivis par les ennemis.
Ce discours de Bélisaire ayant été approuvé de l’assemblée, il travailla incontinent a l’exécution, et envoya Harêth-â avec ses troupes, auxquelles il ajouta 1200 hommes de la garde, conduits par deux excellents capitaines, Trajan et Jean, surnommé le Mangeur. Il donna à Harêth-â le commandement tant des Sarracènes, que des autres soldats, avec ordre de ravager l’Assyrie, et de revenir dire au camp quelles forces il y aurait trouvées. Harêth-â ayant passé le Tigre, trouva un pays où depuis longtemps il n’y avait point eu d’ennemis, et où il amassa un riche butin.