A cette époque, le pape de Rome quitta son siège et se rendit à Jérusalem, et de là à Antioche. Les Grecs, partisans du concile de Chalcédoine, accoururent à lui, et se mirent à tourner en dérision les Syriens jacobites. Ils lui dirent: «Ces imposteurs nous haïssent, ainsi que le concile de Chalcédoine, et révèrent Bar-Cawmâ, qui a maudit le quatrième concile ; ils possèdent sa main droite renfermée dans une cassette d’or, et trompent le peuple en prétendant que cette relique fait des miracles. Mais lorsque nous les prions de nous en rendre témoins, ils objectent qu’ils ne peuvent pas, dans la crainte qu’il ne survienne des inondations et des grêles. » Tels étaient les propos railleurs que ces gens-là tenaient. Alors le pape ayant ordonné de déposer cette main dans l’église de Saint-Pierre, elle y fut apportée de la montagne. Puis il dit [aux Syriens] de la retirer du reliquaire. « Nous n’osons point, lui répondirent-ils; ouvre ce reliquaire toi-même, père. » Dès qu’il l’eut ouvert, le ciel s’obscurcit, des bruits et des tonnerres se firent entendre; la pluie tomba accompagnée d’éclats de la foudre et de grêlons énormes. Les éléments semblaient conjurés pour abîmer la ville. Le patriarche et tous les habitants tombèrent la face contre terre et rentrèrent la relique, au milieu des lamentations qui retentissaient; mais ensuite le fléau s’arrêta.
Cette année, les sauterelles ravagèrent le district d’Antioche. Le pape dit: « Passez la nuit en prières, ô Syriens, afin de conjurer ce malheur; car je suis persuadé que le Seigneur aura pitié de vous par l’intercession du saint qui a «opéré un si grand miracle. » Les orthodoxes, s’étant réunis, prièrent depuis le matin jusqu’à l’aurore suivante; et ayant pris la dextre du saint, ils sortirent en dehors de la ville portant ce signe vivificateur. Par la vertu de Jésus-Christ, par les supplications des orthodoxes, et grâce à la médiation et à la protection de cette relique vénérée, toute cette nuée de sauterelles prit son vol et se précipita dans la mer. On rendit à Dieu de solennelles actions de grâces, ainsi qu’à Mar Bar-Cawmâ. Le pape prononça anathème contre quiconque se permettrait de blasphémer contre ce saint, en le condamnant à subir la sentence portée par le concile de Chalcédoine, « car, dit-il, Dieu, qui scrute les choses secrètes, repose dans ses ossements, et nous n’avons rien à objecter contre sa volonté. » Il fit rechercher ceux qui avaient mal parle du saint pour les châtier; mais on ne put les découvrir, parce qu’ils étaient en fuite. Il donna l’ordre de ne pas les recevoir dans la ville, « comme étant la cause, ajouta-t-il, du malheur que nous avons éprouvé. Mais vous, vous êtes les membres du Christ, conservez la paix entre vous, et seulement combattez les infidèles. »