17. HISTOIRE DE L’ATTAQUE D’AMID PAR QAWAD, LA VISION
Qawad, à son retour du pays des Turcs, attaqua Amid et l’assiégea longtemps ; mais il ne put s’en emparer à cause de ses larges remparts. Ayant résolu de la quitter pour aller assiéger d’autres villes grecques, il eut un songe cette nuit-à :
« Ne te décourage pas, lui disait la vision ; reste ici. »
Tout étonné, Qawad resta, et, la nuit suivante, enleva la ville d’assaut. Il y massacra beaucoup de monde. Plusieurs se réfugièrent dans les églises.
Qawad se rendit à l’église, qu’on lui ouvrit ; y étant entré, il aperçut une image de Notre-Seigneur et demanda ce que c’était. On lui répondit que c’était l’image du Christ ; il l’adora en disant à sa suite :
« C’est Bette image, qui m’est apparue en songe et qui m’a dit : Retourne à la ville et je te la livrerai, à cause des péchés de ses habitants. »
Il fit épargner ceux qui s’étaient réfugiés dans les églises et cesser le massacre ; mais il prit tout ce qu’il trouva dans la ville, pour l’emporter à Madā’īn, et y laissa une garnison. Quand ils apprirent la prise d’Amid, les Romains vinrent assiéger les Perses qui s’y trouvaient, les vainquirent et les chassèrent.
18. HISTOIRE DE SAINT MAR ABRAHAM LE GRAND
Ce fut au temps du roi Qawad que cet homme vertueux sortit de Cašcar, pour se consacrer à la vie religieuse et aux oeuvres célestes. De même que Dieu avait établi Abraham pour être le père des nations, qui croiraient en Dieu, ainsi il établit cet Abraham pour être le père des moines dans tout l’empire perse. Il se rendit tout d’abord à Ḥīra, où il évangélisa beaucoup de gens et les détourna du culte de l’étoile, qui s’appelle Az-Zuhra. Puis il quitta cette ville ; et après avoir parcouru bien des pays, il se rendit en Égypte pour visiter les saints anachorètes du désert et du mont Sinay. Là, le Saint-Esprit lui révéla bien des choses. Ensuite, il revint à Nisibe et se fixa à l’École, où il étudia avec Abraham l’interprète et Jean son compagnon.
La fille d’un des notables de Nisibe fut possédée du démon, qui la tourmentait beaucoup. Dieu voulant manifester les vertus de Mar Abraham, le démon cria par la bouche de cette jeune fille :
« Malheur à moi ! Voici que cet Araméen vêtu d’un manteau et qui habite l’École, me chasse et me tourmente. »
Le père de la jeune fille, ayant entendu ces cris du démon, se rendit à l’École pour le chercher; il le trouva appliqué à la lecture des livres de l’Interprète. Les écoliers, qui étaient présents, lui ayant demandé avec P. u insistance de prier sur la jeune fille, il finit par céder et la guérit.
Il sortit secrètement pendant la nuit et gravit la montagne d’Izla, pour y vivre dans la solitude; il s’installa dans la grotte qu’avait jadis habitée Jacques, métropolitain de Nisibe, se nourrissant d’herbes de montagne. Sa renommée grandit et les moines vinrent se grouper autour de lui. De
toutes parts, on lui amenait des malades, et il les guérissait.
Il y eut dans cette montagne beaucoup de sauterelles. Les habitants s’en plaignirent au saint ; celui-ci leur donna de l’eau bénite, qu’ils mêlèrent à l’eau qui arrosait leurs terres ; toutes les sauterelles disparurent aussitôt. Quand les frères étaient tourmentés par des fantômes et des voix diaboliques, ils prenaient un morceau des habits du saint et les maudits prenaient la fuite.
Il bâtit ensuite un monastère, où de nombreux moines se réunirent de tous côtés. C’est lui qui leur prescrivit la tonsure; il changea leur costume et la forme de leurs chaussures, pour les distinguer des hérétiques.
Il bénit ses enfants avant sa mort et ordonna à plusieurs d’entre eux de fonder des couvents dans les montagnes et les déserts. Il vécut jusqu’à l’époque de Hormizd, fils de Ḫosrō. Il mourut dans son couvent et y fut enseveli. Ses nombreuses biographies font connaître ses actions et ses travaux. Que ses prières soient avec nous !
19. HISTOIRE DE SILA, LE 23° DES CATHOLICOS
Sila. était archidiacre du catholicos Babay et originaire de Madâ’īn, il fut ordonné catholicos en la 16ème année de Qawad ; il était marié et avait une fille. Infatué de sa science, il s’occupait beaucoup des affaires mondaines et aimait trop l’argent. Il excommunia le docteur Mari de Ta414, qui lui avait fait des reproches sur sa conduite. Qawad l’honorait à cause de Buzaq, évêque d’Ahwâz, qui l’avait guéri, lui et sa fille, d’une maladie dont ils étaient atteints. A son époque, les chrétiens jouirent de la paix ; les églises furent bâties.
Il y en a qui disent que la femme de Sila portait son mari à ramasser de l’argent et à s’écarter de la bonne voie. En effet, beaucoup d’hommes vertueux ont été trompés par les femmes : Adam le premier, ensuite Joseph, Samson, David et Salomon. Job au contraire, pour avoir résisté à sa femme, qui l’excitait à blasphémer contre Dieu, et pour l’avoir appelée insensée, remporta la victoire et fut sauvé. Achab, pour avoir suivi les conseils de sa femme Jézabel contre Nàboth, fut puni avec elle. Mamoy, femme de Bar Ṣawma, métropolitain de Nisibe, exaspérée de voir les habitants de Nisibe se rendre auprès de Narsay pour l’honorer, porta son mari à exiler celui-ci de l’École :
« Qu’avons-nous, lui disait-elle, à faire ici ? Ne vois-tu pas que tout le monde se presse autour de Narsy ? »
Celui-ci se retira au pays de Qardū, où il composa des discours, dans lesquels il traita de ce qui lui était arrivé et de la malice des femmes. Il envoya ces discours à Nisibe. Ils y furent débités dans l’église en présence de Bar Ṣawma, qui, s’étant repenti de ce qu’il avait fait, rappela Mar Narsaï, et l’honora de son amitié tout le reste de sa vie.
Plusieurs femmes, au contraire, ont pris part à l’amélioration des affaires de leurs maris, en les portant à pratiquer la vertu et à faire le bien. Sara, femme d’Abraham, parce qu’elle était hospitalière, servit les anges, qui vinrent chez son mari.
Rébecca parce qu’elle était vertueuse, recommanda à son mari de ne pas laisser son fils Jacob prendre pour femme une fille des peuples infidèles, et alla trouver le prêtre Melchisédec pour le consulter sur ses affaires et sur sa conception. La mère de Grégoire, évêque de Nazianze, fut cause que son mari , ses deux fils et sa fille se firent chrétiens ; quand son mari fut nommé évêque, elle dirigea ses affaires, l’exhortant à faire le bien, ainsi que le rapporte le Théologien. La femme du catholicos Babay l’aidait aussi à faire le bien et à diriger les affaires ecclésiastiques. Anastase, après avoir exilé Macédonius, patriarche de Constantinople, le remplaça par Euphémius, qui, quoiqu’il fût orthodoxe et adversaire de Pierre et de ses partisans,
toutefois, pour suivre le. roi dans ses idées, changea bientôt et s’écarta de sa croyance. Félix, patriarche de Rome, lui écrivit de se rétracter ; ne l’ayant pas fait, il fut anathématisé par lui. Et quand Acace convoqua le synode, il anathématisa Euphémius et tous ses partisans. Timothée, qui lui succéda, mourut la même année qu’Anastase, après avoir dirigé l’Église pendant 6 ans.
20.HISTOIRE DE JUSTIN, ROI DES ROMAINS
Après Anastase, Justin régna sur les Romains en 829 d’Alexandre (518), il prit soin durant toute sa vie de la foi orthodoxe ; il proclama le concile des Pères de Chalcédoine, qui avaient
reconnu deux natures dans le Christ; il rappela les Pères que Sévère et ses partisans avaient exilés sous Zénon et sous Anastase, et écrivit à Hormisdas, patriarche de Rome, pour remédier aux maux qui désolaient l’Église depuis environ 30 ans et qui en avaient éloigné les hommes équitables. De son temps, cent quarante-trois 3 évêques se réunirent pour anathématiser Sévère , ses partisans et tous ceux qui professaient une seule nature dans le Christ. Il massetera Amantius, le protecteur de Sévère, qui s’était enfui et avait changé son nom ; il exila Philoxène, évêque de Manbij à Philippopolis : il fut emprisonné dans une chambre, qui se trouvait sur la cuisine ; la fumée lui montait par une lucarne qu’on avait ouverte, en sorte qu’il mourut asphyxié.
Après la fuite de Sévère, Jean, patriarche de Jérusalem, convoqua 30 évêques et l’excommunia. Cette même année, 40 évêques se réunirent à Tyr pour l’anathématiser aussi. Errant de tous côtés, Sévère écrivit à Théodora, femme de Justin, pour demander son appui. Après être resté caché quelque temps à Constantinople, il s’enfuit dans le désert d’Égypte, où il resta ignoré jusqu’à sa mort. Son corps fut la proie des loups, ainsi que l’avait dit le prophète aux Israélites, au moment où ils furent frappés du châtiment : C’est pourquoi le lion de la forêt les a rencontrés ; le loup du soir les a déchirés et le tigre est au guet sur leur route’ ; car ils, n’ont pas connu la voie du Seigneur.
La doctrine de Sévère se répandit à Nisibe et dans ses environs ; il avait composé deux liturgies, des hymnes et d’autres écrits.
Au temps de Justin, il tomba beaucoup de neige ; les sauterelles ravagèrent pendant 5 ans les fruits et les semences ; la pluie manqua. Ce roi exila tous ceux qui refusèrent d’accepter le concile des Pères de Chalcédoine et celui de Hormisdas, patriarche de Rome, et il démolit leurs églises. Ainsi il purifia la terre des hérétiques dissidents, dont la plupart se retirèrent en Syrie.
21. HISTOIRE DE JACQUES BARADÉE
En la cinquième année de Justin, mourut Jacques de Saroug, dont la doctrine a été propagée et entretenue par un certain Jacques, appelé Al-Barada‘i. Ce surnom lui vint des habits râpés qu’il portait ; il était prêtre et originaire d’un village de Nisibe, nommé Al-Ajama. Sévère, dans sa fuite au temps de Justin, le consacra évêque avec deux autres prêtres appelés Théodore et Paul le Noir, et leur ordonna de parcourir les pays pour proclamer la fausse croyance des dyophysites [sic] et du concile convoqué par Justin. Sévère se retira en Égypte ; Jacques se rendit en Orient, où se joignirent à lui deux Arméniens, appelés Jiyorjī et Jiworjīs ; il les ordonna évêques, et eux le consacrèrent catholicos. Il ne cessa d’ordonner des prêtres et des diacres partout où il allait et de mettre la discorde entre les évêques et leurs ouailles ; il prenait souvent le costume des soldats romains ; quelquefois il se revêtait de l’habit noir des moines et d’autres fois de l’habit civil ; le plus souvent il portait des habits usés et déchirés : c’est pour cela qu’il fut surnommé Baradée.
Le roi Justin, à qui il fut dénoncé, envoya ses gens à sa recherche pour le prendre ; mais ils ne purent le trouver, parce qu’il changeait à chaque moment de costume. Anthime, patriarche de Constantinople, Pierre, évêque d’Apamée et Jacques fournirent à ses dépenses durant sa vie. Il se rendit en Perse, où il prêcha aux hommes la fausse croyance du concile des Pères de Chalcédoine, défendant la doctrine de Sévère et de ses partisans et divulguant l’erreur de Jacques de Saroug. Il fut reçu par les habitants de Tagrit, de Karmé et de Hassâsa Quelques-uns de ceux qui, du temps de Justin, s’étaient enfuis se joignirent à lui et, se répandant partout, engagèrent les hommes dans cette secte. Il vécut 73 ans ainsi que le rapportent les Jacobites. Il est dit dans quelques livres romains que ce Jacques fut ordonné prêtre dans une citadelle près de Constantinople avec d’autres personnes exilées au temps de Justin, roi chrétien — que Dieu lui fasse miséricorde !
22. – HISTOIRE DES HÉRÉTIQUES AVEC JUSTIN.
Ce roi, ayant appris que les hérétiques prenaient la sainte hostie pour la jeter ailleurs s’irrita contre eux, et sur l’ordre et le conseil de Jean, patriarche de Constantinople, le jour du dimanche des Rameaux, il ordonna d’arrêter leurs prêtres et de les emprisonner. Plusieurs d’entre eux furent jetés en des prisons étroites ; les autres s’enfuirent en Syrie. Il écrivit à tous les fonctionnaires, chargés de surveiller les limites de l’empire du côté de la Perse, d’exiler tous les monophysites, qui ne confesseraient pas deux natures dans le Christ. Quelques-uns des fuyards se retirèrent à Ḥīra. Ayant été dénoncés, le catholicos, tout plein de confiance en Dieu, les rechercha pour leur donner à choisir entre ces trois choses : la profession de la doctrine dyophysite des chrétiens de l’empire persan ; la controverse ; ou bien l’exil.
Soutenus par l’hérétique Al-Ḥajjāj b. Qays de al-Ḥīra, courtisan de Mundir b. Nu‘man, roi des Arabes, ils rejetèrent sa proposition.
Sula les interrogea ensuite en présence de Munḏir et de ses gens et leur dit :
« Que dites-vous ? Dieu le Verbe a-t-il pris un corps de Marie ou bien sa personne a-t-elle été changée en chair. Si vous admettez l’union dans ce dernier sens, qui serait celui qui aurait commencé à exister dans les entrailles, qui aurait été conçu, qui serait né, qui aurait eu soif, qui aurait pleuré, qui serait mort, et aurait été enseveli ? »
Ils n’eurent rien à répliquer. Les assistants approuvèrent l’orthodoxie.
Justin écrivit à Mundir de chasser tous les dissidents qui s’étaient retirés de l’empire romain dans son pays. Mundir ayant exigé cela d’eux, les uns prirent la fuite, les autres restèrent cachés : quelques-uns d’entre eux se retirèrent à Najran, où ils se fixèrent et semèrent la doctrine de Julien, maître de Sévère, qui prétend que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ est descendu du ciel. Cette doctrine se répandit sur toute la terre de Païram. Ils trompèrent par leur enchantement des gens de la Haute-Égypte (As-Ṣa‘īd), qui, pour fuir les empereurs romains, s’étaient enfuis dans cette région’. Ils ont été ensuite convertis par saint Mar ‘Abdā b. Hanif, qui bâtit le couvent de Gamra. Sila se reposa en la 34è année de Qawad (521-2), après un pontificat de 18 ans.
Justin ordonna à Jean, qui avait occupé après Timothée le siège patriarcal de Constantinople, d’anathématiser Sévère, Jacques et leurs partisans. Il réunit 43 évêques et les excommunia. Il transporta les ossements de Macédonius et les mit avec ceux des Pères ; il mourut après avoir gouverné l’Église pendant 2 ans.
Épiphane, homme érudit, lui succéda. Sur l’ordre de Justin, il convoqua les Pères et excommunia Pierre, Sévère, Jacques (Baradée) et tous leurs partisans. A sa demande, le roi exila les païens, dont plusieurs reçurent le baptême : les uns par amour de la religion, les autres par crainte de l’empereur.
23. HISTOIRE DE JUSTINIEN, ROI DES ROMAINS
Justin — que Dieu lui fasse miséricorde — mourut en 838 (527) après avoir régné 9 ans. Son parent Justinien, qui lui succéda, l’imita en chassant du pays de Syrie les hérétiques et les Manichéens. Au mois de Tešrin I (octobre) de la première année de son règne, un terrible tremblement de terre détruisit la ville de Laodicée. Pendant quatre ans, il fit la guerre aux Perses; il y eut beaucoup de morts des deux côtés.
De son temps, les Juifs s’étant révoltés en Palestine et s’étant donné un roi, ïl envoya contre eux (un général) qui les battit et qui les soumit. Au mois de Nisan de la septième année (534-5), le soleil s’éclipsa et pendant 40 jours, apparut dans le firmament un signe semblable à une lance.
24. — HISTOIRE DE ḪOSRŌ ANOŠIRWAN
Qawad régna 42 ans ; il avait beaucoup d’enfants ; avant sa mort, il désigna comme successeur Ḫosrō Anoširwan, qu’il avait eu dans la région des Turcs pendant qu’il y était en fuite. Il l’aimait plus que tous ses autres enfants. Ḫosrō, ayant montré après la mort de son père le testament que celui-ci avait fait en sa faveur, fut accueilli par les mazdéens.
Il massacra ses propres frères et les généraux de l’armée, de peur qu’il ne lui arrivât ce qui était déjà arrivé à son père. Il était très versé dans la philosophie, qu’il avait apprise, dit-on, chez Mar Bar Ṣawmā, évêque de Qardā, durant son séjour dans cette région, et chez Paul le
philosophe perse, qui, n’ayant pu obtenir le siège métropolitain de Perse renonça à la religion chrétienne.
Il avait de la sympathie pour les chrétienset préférait leur religion à toutes les autres. Mais, la paix entre luiet les Romains ayant été rompue, et Mar Aba ayant tardé à sortir avec luiau pays des Romains, il changea de conduite et manifesta sa haine.
Toutefois ]es chrétiens étaient à son service comme ils avaient été déjà au service de son père. Ḫosrō s’attacha à la, doctrine de Mani, qui admettait deuxdieux éternels : le bon et le mauvais, et abrogea la religion de Zoroastre.
25. HISTOIRE DE NARSAY ET D ‘ELISÉE, LES 24° et 25° DES CATHOLICOS
Quand Sula mourut, l’Église jouissait de la paix et les chrétiens étaient en repos. Mais les délibérations sur le choix d’un successeur provoquèrent des dissensions entre les supérieurs et les fidèles. Narsaï et Élisée voulaient le pontificat ; ils eurent chacun leur parti. Les fidèles se réunirent à Madâ’ïn, chacun d’eux choisit celui auquel il s’intéressait ; alors ils se querellèrent. Bouzaq évêque d’Ahwâz, étant intervenu dans l’affaire, la foule accepta sa médiation, parce qu’il refusait pour lui le catholicat. Il s’entendit avec tous les fidèles pour choisir Narsaï, scribe savant, bienfaisant, vertueux, assidu au jeûne, à la prière et à la lecture des Écritures, habile dans la controverse et honoré de l’estime des autres scribes et du peuple. Ayant donné leurs suffrages par écrit devant l’Évangile dans l’église d’Aspanir, ils firent appeler Taïman métropolitain de Bara et d’autres évêques pour venir le consacrer. Bouzaq, évêque de Suse, se
rendit auprès du roi à liolwan, où celui-ci s’était fixé à cause de la salubrité dû climat.
Les prêtres et les autres ministres de l’Église protestèrent contre l’élection de Narsay :
« Nous n’acceptons pas, dirent-ils, cet homme qui est mondain, qui ignore les lois de l’Église et ne peut en diriger les affaires. »
Ils choisirent un certain Élisée, originaire de Ctésiphon, où se trouvait l’église cathédrale. Élisée avait passé quelque temps dans le pays des Romains , et y avait appris la médecine. Sa profession de médecin lui avait fait gagner, lors de .son retour à Séleucie, l’amitié du roi et de ses ministres.
Sila, qui voyait son influence et la sympathie que lui portaient les mazdéens, lui donna sa fille en mariage et, par testament, le désigna pour son successeur.
« Celui-ci, disait le peuple, est enfant de l’Église ; il est propre à ses affaires, apte à la diriger ; les mazdéens l’honorent et respectent son droit. »
Un parti consentit; l’autre refusa, disant qu’il ne renoncerait jamais aux engagements qu’il avait contractés et signés. Les Pères se présentèrent pour consacrer Narsay ; mais ceux qui avaient élu Élisée arrivèrent et les empêchèrent. Ainsi l’affaire demeura en suspens depuis Hazirân jusqu’à Nisân.
Enfin, David (signe en 554 le synode), métropolitain de Merw, arriva, accompagné dequelques évêques sans équité, et consacra Élisée dans l’église d’Aspanir,s’écartant des règles, qui.prescrivaiént la consécration des patriarches dansl’église de Madā’īn, connue sous le nom d’Al-Akwāḫ.
Élisée, grâce au décret royal qu’obtint pour lui Biron, médecin du roi, etaux nombreux présents qu’il distribua aux ministres du roi, occupa lesiègedans l’église de Séleucie, bâtie par Mar Mari, l’apôtre — que la paix soit avec lui ; Jawhar, métropolitain de Nisibe, l’évêque de Zâbé 4 et l’évêque de Ḥīrā arrivèrent avec d’autres évêques et consacrèrent Narsaï, selon l’usage, dans l’église cathédrale. Jacques, métropolitain de Goundi-Šabor, et Samuel, évêque de Kaškar, s’isolèrent sans prendre parti.
La confusion, la simonie et les querelles devinrent inouïes et sans précédent. Chacun de ces deux (catholicos) ordonna des évêques qu’il envoya partout ; dans chaque église on, dressa deux autels ; les chrétiens qui allaient aux églises, au lieu de prier, se frappaient les uns les autres et cherchaient même quelquefois à s’entretuer. Il y eut de l’inimitié entre les pères, les enfants, les frères et les parents. Les dissidents en riaient, tandis que les anachorètes et les moines habitant les montagnes pleuraient et suppliaient Dieu le Très-Haut de dissiper les nuages de l’épreuve dont l’Église était assombrie, comme déjà, par l’intermédiaire de Qawad et de Ḫosrō, son fils, il avait mis fin aux malheurs arrivés sous le règne de Piroz.
Élisée, avec l’appui du roi, put emprisonner Narsaï et plusieurs de ses partisans.. Mais celui-ci, par les soins du fils de Ḫosrō, fut délivré de la prison. Élisée commença à parcourir les pays ; il alla à Raï et à Merw, où il emprisonna plusieurs de ceux qui lui résistèrent; il revint ensuite en Perse, dans le Huzistan, et le Bahrein, où il consacra des métropolitains et des évêques et destitua ceux qui lui résistèrent. Jacques, métropolitain de Goundi-Šabor, lui résista ; il composa un livre dans lequel il parla des devoirs des supérieurs, relatifs à l’administration ecclésiastique, et des dommazdéens notables causés par Élisée.
Celui-ci, de retour à Séleucie, se mit d’accord avec les métropolitains et les évêques ses partisans pour se venger des habitants de Cacar; il leur ordonna donc un évêque, appelé Barâaba à la place de Samuel. Cet évêque ayant été refusé, retourna chez Élisée. Grâce au médecin Biron, qui lui obtint un édit royal ayant pour but de lui prêter secours, et aux maîtres de la milice, qui furent de concert avec lui, Élisée résolut d’attaquer les Cašcariens pour s’en venger. Ceux-ci, ayant appris la nouvelle, se préparèrent à se défendre, à combattre et à repousser quiconque les attaquerait. Ils furent soutenus par beaucoup de gens du Huzistan et de Beith Garmaï, qui étaient contre Élisée. Ce dernier en fut très ému :
« Comment, dit-il en présence des hommes à Séleucie, les habitants, ces viles mouches, qui prétendent ne m’avoir point reçu et m’avoir même humilié, pourraient-ils me vaincre, moi qui ai triomphé de tous les pays ? »
Cette parole arriva aux oreilles des. Cašâcariens, et augmenta leur colère. Élisée retourna dans sa demeure, tenant à la main l’édit royal. Un des Cašcariens s’approche de lui au milieu de la foule pour lui baiser la main ; le Catholicos la lui ayant tendue, le Cašcarien lui enlève l’édit et le remet à un autre. On a beau chercher cet homme, on ne le trouve point. La querelle s’allume ; on se déchire les habits les uns des autres, on en vient aux mains.
Élisée s’affligea beaucoup d’avoir perdu l’édit royal, qu’il avait eu de la peine à obtenir, et d’avoir été l’objet de la raillerie offensante des Cašcariens, ses adversaires.
Narsaï mourut. Le médecin Biron demanda au roi d’autoriser Élisée par ordonnance ; le roi, loin d’exaucer sa prière, ordonna de le priver de sa dignité en le déposant et de le remplacer par Paul, évêque de Suse.
L’évêque Samuel retourna à Cašcar, où les Pères se réunirent et anathématisèrent Élisée et tous ses partisans. Le schisme de ces 2 catholicos dura 12 ans, c’est-à-dire depuis la 35° année de Qawad jusqu’à la sixième de son fils Ḫosrō (522-537)
26. HISTOIRE DE FeiliLe LE 26° DES CATHOLICOS I .
Ce Pèré était l’archidiacre de Bouzaq, évêque de Suse. Il succéda à Narsaï après sa mort. Jacques, métropolitain de Goundi-Šabor, et l’évêque de Cašcar l’avaient porté à ne prêter secours ni à Narsaï, ni à Élisée ; et de fait il avait juré de ne prendre le parti d’aucun d’eux. Ḫosrō lui témoigna de la faveur, parce qu’en la troisième année de son règne lors de son départ de la Perse pendant une chaleur étouffante, Paul avait porté sur des bêtes beaucoup d’eau, et cette eau avait suffi à toute l’armée, qui souffrait de la soif dans ces dures montagnes. Il l’avait admiré, parce que, seul parmi tous les habitants de Suse, il, s’était donné de la peine pour lui, en se préoccupant de, ses intérêts. Il l’avait ‘donc aimé et il avait résolu de le récompenser en le faisant nommer chef des chrétiens. Quand s’accomplirent les événements que nous venons de mentionner et que les chrétiens-demandèrent un catholicos, sur l’ordre du roi , Paul fut élevé à cette dignité. Il mourut au bout de deux mois, le jour d’Hosanna en la sixième année de Ḫosrō. Paul, une fois catholicos, oubliant son serment et ses engagements, eut quelque sympathie pour Élisée.
27. HISTOIRE DE MAR ABA LE GRAND 27° DES CATHOLICOS (persécution de 540-45, durant la guerre avec Justinien)
Ce saint et vertueux Père était originaire d’un village, appelé Hâlé,dans la contrée de Radan ; il était mazdéen et fort attaché à sa doctrine ; il futscribe du Marzban de Beith Aramàyé, qui habitait à Radan.Dieu, ayant voulu le choisir, fit en sorte qu’un jour, comme il se disposait
à traverser le Tigre en bac pour aller à Hâlé voir sa maison, un étudiant,appelé Joseph, se présenta pour passer avec lui. Mar Aba le chassa et le fitsortir du bac ; mais quand le bac arriva au milieu du Tigre, le ventsoufflant avec violence et soulevant les flots, contraignit Mar Aba de retournerà la rive, pour attendre le calme. La tempête s’étant apaisée, Joseph réitérasa demande ; mais Mar Aba repoussa de nouveau sa prière, le réprimandaet ne le laissa pas passer avec lui. A peine arrivé au milieu du Tigre, voicique la tempête reprit et le força encore à regagner la rive. Cette fois, quandle vent se fut apaisé, et qu’on recommença la traversée, la modestie et lecalme de Joseph, qui était déjà entré dans le bac, portèrent Mar Aba à lerespecter et à lui permettre de s’y installer.
Dès le début de la traversée,le vent tomba complètement. Mar Aba, étonné, lui demanda quelle était sareligion; l’étudiant la lui fait connaître. Mar Aba, impressionné, l’interrogeasur les dogmes de la foi ; Joseph l’instruisit et le convainquit de la vérité dela religion chrétienne. Dès lors il s’adonna au jeûne, à la prière et aux recherches; il confessa même la foi chrétienne devant son maitre, qui, le voyantfréquenter l’église, lui en demanda la cause. Ayant tout abandonné, il reçutle saint baptême dans un village, appelé Miad, des mains d’un vieux prêtre,connu sous le nom de Bar Sahdé, fondateur du cou vent de Alleja à Ḥīra, ou il fut ensuite enseveli.
Cette Alledja était fille de Na`man, fils de l’ArabeAl-Moundir.
Il alla ensuite à Nisibe, où il s’installa dans l’École, et s’attacha à Marna,qui devint plus tard évêque d’Arzoun. 11 s’instruisit en peu de temps etfut établi interprète. Il se rendit ensuite dans le pays des Romains, où il rencontra un édessénien, nommé Thomas qui lui enseigna le grec, dans laconnaissance duquel il était très versé. Mar Aba, qui connaissait déjà lepersan et le syriaque, apprit aussi le grec. Étant entrés dans le pays des Romains, ils gagnèrent Alexandrie, où ils réunirent les livres de Théodore l’interprète.
Mar Aba parlait en syrien et son compagnon Thomas interprétait en grec. LesJacobites, irrités de ce qu’une foule nombreuse se rendait auprès d’eux pourécouter leurs interprétations, se réunirent en grand nombre et les expulsèrentd’Alexandrie. Ils se retirèrent à Constantinople où ils manifestèrent leurscience. Leur renommée arriva jusqu’au roi Justinien, qui ordonna de lesforcer à anathématiser les bienheureux pères Diodore, Théodoreet Nestorius ; comme ils refusaient, il commanda deles mutiler ; mais les évêquesn’exécutèrent pas cet ordre. — C’était une marquede respect de la part de plusieurs d’entre eux.—Dèslors ils cherchèrentà s’enfuir.
Arrivés à Nisibe, les habitants de cette ville vinrent trouver Mar Aba,pour le prier de vouloir se charger de l’instruction, de l’interprétation et dela prédication, parce que ses paroles étaient claires et aimables. Ils le choisirentsur la demande de Mar Abraham premier quiétait avant lui.
Ce Pèrese retira à deux milles de Nisibe ; il commença à écrire des traités et à fairetomber de sa bouche des perles cachées jusque-là ; il réforma quelques abus, qui s’étaient introduits dans les églises de ce pays-là. Sa renommée se répandit partout. Il s’efforça surtout de dévoiler l’ignominie et l’opprobre de Zoroastre gareide, pour détourner les hommes de ses impuretés et leur inspirer de l’horreur de sa doctrine, dans laquelle toutes les voluptés corporelles sont permises.
Il ramena à la vraie foi et fit changer d’avis Théophile, qui s’était égaré de la droite route.
Paul catholicos était mort sans avoir pu, à cause de son court pontificat, réparer les désordres causés par les discussions de Narsaï et d’Élisée. Les Pères, et tous les chrétiens qui étaient au service du roi Ḫosrō, se réunirent pour lui donner un successeur. Les mérites et les vertus de ce Père les décidèrent à le choisir ; il fut ordonné patriarche en l’an 847 (536) d’Alexandre, qui est la 6° année du roi Anoširwan. Il dirigea l’Église avec beaucoup de sagesse et de sagacité ; il réforma les abus ; il annula la dualité de l’épiscopat dans les églises, causée par ses prédécesseurs ; il fonda à Séleucie une école, où il établit comme interprète Isar’, puis Ḥamiô’; il renouvela les canons, qui avaient été établis successivement en pays grec, en Orient et à Édesse, en y ajoutant ce que les circonstances exigeaient.
11 traduisit des livres de l’Ancien Testament du romain en syriaque des canons pour le Psautier ; il commenta le premier livre du Pentateuque, les Psaumes, la Sagesse de Salomon et les lettres paulines ; il écrivit beaucoup de lettres et beaucoup de choses sur la science ecclésiastique.
Quand le roi Anoširwan envahit l’empire romain, Mar Aba, pour ne pas voir l’effusion de sang, s’abstint de l’accompagner. Or les mazdéens, qui le haïssaient, l’accusèrent auprès du roi de 4 choses :
1° il avait renoncé à la religion des mazdéens pour se faire chrétien ;
2° il avait empêché les chrétiens d’épouser plus d’une femme ;
3° il annulait les décrets de leurs juges et soustrayait les procès à leur juridiction ;
4° il baptisait les mazdéens et les faisait chrétiens.
Ainsi par ces accusations ils excitèrent le roi à le détester ; sur son ordre il fut emprisonné 7 ans en Adhorbedjan, d’où il ne cessa de diriger les affaires ecclésiastiques, faisant des miracles étonnants et correspondant par des lettres avec toutes les régions au sujet de leurs intérêts. Les canons du Psautier furent composés en prison.
Mar Aba, ayant eu connaissance de ce qui était arrivé au temps de Sila catholicos décréta que les catholicos ne seraient point mariés, mais qu’ils resteraient comme Siméon Bar Sabbâ` et ses pareils.
Il, fit des miracles éclatants en prison. En voici un 2 On le pria pour une femme atteinte d’une maladie d’entrailles, et fatiguée des médicaments et des remèdes ; il lui envoya un morceau de son pain : « Qu’elle mange ce pain, dit-il à celui qui était venu lui demander cette grâce, et dans trois jours elle sera guérie. ».
La chose eut lieu comme il l’avait prédit.
Il y avait en Adhorbedjan un renégat, ancien évêque de Gorgan, que Mar Aba avait déposé et excommunié pour des actions honteuses, dont il était convaincu, à savoir l’adultère et le libertinage, et qui avait embrassé la … des mazdéens et pris toutes leurs manières. Celui-ci groupa autour de lui une foule de ses semblables pour s’opposer à Mar Aba et le molester ; il chercha même à le faire périr en se servant de ruses pour le massacrer et dire ensuite qu’il s’était enfui au pays des Romains. Mar Aba, averti de la nouvelle, prit la fuite pendant la nuit et se présenta à la Porte du roi.
Celui-ci, ayant appris son arrivée, lui envoya une lettre, dans laquelle il lui disait :
« Ne t’avons-nous pas obligé à rester dans la demeure où nous t’avons exilé ?
– Si je me suis enfui, lui répondit le Père illuminateur, c’est pour éviter une mort violente. Si j’étais mis furtivement à mort, contre qui pourrait-on intenter un procès ? Qui pourrait constater le fait ? Si le roi le veut, il pourra me tuer ; et pour faire sa volonté, je me présenterai spontanément à celui qui, sur son ordre, me mettra à mort.
-Va-t’en, lui dit le roi, et reste chez toi, jusqu’à ce que le Mobed des Mobeds t’inflige la peine que tu mérites pour être passé de notre religion à celle des chrétiens et pour regarder comme Dieu celui qui a été crucifié par les Juifs. »
Mais les mazdéens ne cessèrent d’intriguer auprès du roi jusqu’à ce qu’il eût fait charger de fers le catholicos ; il resta longtemps dans ces tourments. Enfin il le délivra des fers ; mais il fit massacrer et crucifier plusieurs évêques et mettre à mort beaucoup de chrétiens.
La cause fut celle-ci : les grands Marzbans avaient pillé un bateau, qui venait des Indes et qui était rempli d’objets et de choses précieuses d’une énorme valeur appartenant à un négociant grec. Celui-ci se rendit auprès de l’roi des Romains, dont il obtint une lettre au roi de Perse pour réclamer ces objets. Ils nièrent mais ils furent contraints de les rendre. C’est alors que, pour se venger du négociant romain, ils excitèrent le roi par leurs intrigues contre le catholicos et contre tous les chrétiens.
Dieu frappa Ḫosrō Anoširwan d’une maladie grave, qui mit ses jours en péril ; il eût alors recours à Justinien, roi des Grecs, et lui écrivit, le priant de lui envoyer un médecin habile, éminent, pour le guérir d’un embonpoint excessif, qui le mettait dans l’impossibilité de respirer et le privait des douceurs de la vie. Il lui envoya un médecin, appelé Trikhoma
Avant son arrivée, la reine lui fit dire :
« Si le roi t’offre l’or des mines; l’argent de la Perse, les perles de la mer et les richesses du Khoràsan, n’accepte pas : je te dédommazdéenrai au double. Demande-lui seulement de renvoyer les chrétiens d’Antioche qu’il tient en captivité. Si tu fais cela, je te rassasierai d’or au delà de tes désirs. »
Le médecin se présenta chez le roi et lui fit perdre beaucoup de son embonpoint.
Ḫosrō, tout joyeux et tout heureux de son habileté, lui dit d’exposer ses requêtes. Il lui demanda ce que la reine chrétienne lui avait suggéré. Le roi en fut fâché et fronça les sourcils ; toutefois il répugna à rejeter la demande de celui qui l’avait guéri et auquel il avait donné à choisir tout ce qu’il voudrait. Le médecin, voyant que le renvoi des captifs était difficile, demanda qu’on leur donnât des villages. Un des assistants, qui comprit qu’on serait obligé de se rendre à son désir, déclara qu’il le ferait renoncer à ce qu’il venait d’exiger.
Le roi lui confia le soin de cette affaire et l’autorisa à la conduire comme il le jugerait à propos. Il mit à sa disposition les trésors des perles et les trésors publics’, afin d’en tirer tout ce qu’il faudrait pour contenter le médecin. On appela celui-ci et on lui offrit des perles précieuses, une somme considérable d’argent et des vêtements splendides- : « Ces choses, lui dit-on, te seront plus utiles et te conviennent mieux que ce que tu as demandé. » * Alors son âme vile et basse fut séduite parce qu’elle voyait et refusa ce que la reine lui avait suggéré. Elle prit ces choses, qu’elle préféra au salut des âmes affligées. La reine le fit appeler et lui dit : « Ne t’avais-je pas assuré que je te rassasierais d’or et d’argent au delà de tes désirs et que je te paierais le double de ce que le roi t’aurait donné ?
Toutefois, quoique ton ambition t’ait fait manquer à ta parole et que tu m’aies dégagée ainsi de ma promesse, je te paierai ce que je t’ai promis. »
Aussitôt, par son ordre, on apporta une grande quantité d’or.
On le fondit au point qu’il devint comme de l’eau, et on en fit boire au médecin, après l’avoir lié, jusqu’à ce que son ventre en fût plein ; il mourut sur-le-champ.
Un des fils de Ḫosrō se révolta contre lui et gagna Goundi-Šabor, où il se fortifia, les habitants ayant pris son parti contre son père. C’est le catholicos, dirent les mazdéens au roi, qui a poussé ton fils à se révolter contre toi. »
Le roi, irrité, appela le catholicos et lui dit :
« Puisque les habitants de Goundi-Šabor font ce qu’ils veulent en prenant le parti de mon fils , moi aussi, je commencerai à tourmenter les chrétiens ; et je te punirai, toi, qui es leur chef.
Tu as raison, ô roi, lui répondit le catholicos ; je suis leur chef comme tu le dis ; mais je ne mérite pas d’être même leur serviteur. Comment me rends-tu responsable des crimes de toute une communauté ? Voici que le roi — que Dieu prolonge sa vie — est le chef des mazdéens et de tous les autres hommes.
Or, lui, est-il responsable des crimes d’un seul d’entre eux ? » Le roi apaisé lui répondit : (( Je veux que tu écrives aux habitants de Goundi-Šabor de ne pas prendre le parti de ce jeune insensé. »
Le catholicos leur écrivit et les excommunia ; ils s’éloignèrent alors du fils du roi et ouvrirent les portes de Goundi-Šabor aux armées royales, qui y entrèrent. Le roi et les hommes admirèrent cette obéissance et cette crainte de l’excommunication et il s’abstint pour quelque temps de nuire aux chrétiens.
Puis, poussé par le démon à les molester , le roi Anoširwan appela le catholicos et lui dit
« Si tu veux que je ne massacre point les chrétiens, va Ahwâz, à Goundi-Šabor et- aux alentours, prélève un impôt sur les tiens et envoie-le-moi ; sinon, je détruirai leurs églises et j’en ferai des temples du feu. »
Le catholicos, craignant, s’il résistait, qu’il ne lui arrivât à lui et aux siens ce qui était arrivé à Siméon Bar Sabbah de la part de ‘Sabor obéit au roi et amassa de fortes sommes d’argent qu’il lui offrit. Mais ensuite le roi ne tint pas sa promesse et viola son pacte. 11 envoya quelqu’un, qui leur fit subir toutes sortes de tourments. Le catholicos en éprouva une angoisse mortelle ; il se retira dans les villages d’alentour.
28. CONTROVERSE DU CATHOLICOS AVEC UN MAZDÉEN; LE MIRACLE QU’ILOPÉRA CONVERTIT CE MAZDÉEN, LEQUEL DONNA UN PYRÉE AU CATHOLICOS
Le catholicos rencontra un des principaux et des plus illustres mazdéens.
Celui-ci lui dit :
« Qu’est-ce qui t’a poussé à embrasser la religion chrétienne et à renoncer à celle de tes ancêtres ?
-J’ai vu, lui répondit le catholicos, les chrétiens confesser avec raison un seul Dieu Créateur et Directeur de toutes choses ; j’ai vu aussi les mazdéens admettre deux créatures : le soleil et la lune, prétendre que l’univers a deux auteurs, un bon et un mauvais, et adorer deux êtres créés, sourds, aveugles, sans perception, intelligence ni raison.
-Pour que je te suive, lui dit le mazdéen, j’ai besoin que tu me montres un prodige éclatant qui confirme la vérité de ta parole.
– Cesse, lui répliqua le catholicos, d’adorer le feu et le soleil ; et alors leur Créateur te donnera une preuve convaincante de la vérité.
-Comment, lui répondit le mazdéen, renoncerais-je à adorer le feu, mon Dieu ? »
Le catholicos lui dit :
« Je vais le fouler aux pieds et il ne pourra ni me nuire, ni m’être utile. »
Le mazdéen lui répondit :
« Ceci ne t’est pas possible.
-Allons, lui dit le catholicos, faire un grand feu de bois à grosses braises, et je te montrerai la puissance du Dieu dont j’ai embrassé le culte, et la faiblesse de tes dieux. »
Aussitôt, sur l’ordre du mazdéen, on alluma un grand feu, sur lequel on mit beaucoup de bois. Cela se passait dans le Pyrée, oû est maintenant l’École de Séleucie. Le feu brûla et les flammes s’élevèrent jusqu’aux nues. Le catholicos fit sur elles le signe de la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu caché et source de pardon, ôta ses chaussures et marcha courageusement sur le feu, se moquant de ses adorateurs ; il prit ensuite la main du mazdéen en lui disant :
« Marche, toi aussi, et ne crains rien : Notre-Seigneur le Christ, Créateur de tout ce qui respire et dissipateur des ténèbres, viendra à notre secours. Je crains pour moi, lui répliqua le mazdéen.
-Ne crains pas, lui, répondit le catholicos ; quand je lèverai le pied dans le feu, mets le tien sur
ma trace. »
Et il ne cessa de l’encourager comme un brave général qui, à la rencontre de l’ennemi, exhorte ses troupes. Il finit par le décider à marcher sur le feu, en mettant le pied sur la trace du sien. Ils marchèrent en long et en large en faisant une croix. Voyant le feu fuir sous leurs pas, le mazdéen crut, et reçut le baptême des mains du catholicos avec tous ses parents sauf son frère, et lui donna la propriété du lieu où s’était accompli ce miracle.
Le catholicos y bâtit une école avec l’argent que le mazdéen lui donna de son trésor. Il y fit de ses propres mains une croix en plâtre, dont les écoliers se servaient avec avantage, comme d’une clef, pour ouvir la porte de leur esprit et y faire pénétrer l’instruction quand l’un d’eux \la trouvait difficile ; et de fait Dieu ouvrait l’esprit de ceux qui prenaient un petit morceau de
cette croix. Quand cette croix fut placée, la maison fut remplie de souris, de chats et de lézards : c’étaient des démons qui logeaient dans le pyrée ; mais quand Mar Aba en eut pris possession et qu’il eut exorcisé les démons, ceux-ci s’en éloignèrent pour jamais, n’osant plus en approcher. Ainsi Dieu les remplaça par des gens de science, de lettres et de bienséance I : la maison où les adorateurs du feu faisaient entendre leurs cris gutturaux devint le dépôt des livres spirituels de l’Église; la séance du Mobed des Mobeds fut remplacée par celle des Pères. Tout cela eut lieu à la suite des controverses et des questions qui furent débattues en présence du roi entre le catholicos et cethomme, l’un des nobles de sa nation. On avait posé au catholicos trois questions auxquelles il répondit victorieusement.
Le catholicos, après avoir répondu victorieusement aux trois questions, dit :
« Je te ferai une seule question ; si tu peux y répondre, sinon, vous serez vaincus en présence du roi.
-Dis, lui répondit-on, ce que bon te semble.
-Que dites-vous, demanda le catholicos, d’une femme qui, après être sortie, tenant du feu à la
main, serait surprise par la pluie et en même temps par ses règles, et qui aurait peur de jeter par terre le feu que la pluie éteindrait ? Que devrait-elle faire, à votre avis ? »
N’ayant pu répondre, ils lui demandèrent un délai de 3 jours. Et comme, après 3 jours d’efforts, ils ne surent que répondre à la question du catholicos, ils lui attribuèrent la victoire ; il prit donc possession du temple du feu, y fit le miracle que nous avons mentionné, et y établit une école. Cette maison était encore debout du temps du catholicos Ézéchiel, qui la restaura et la rebâtit.
On rapporte que le Roi ressentit une profonde tristesse, lorsque son fils se révolta contre lui.
« Son éducation, dit-il, m’a coûté beaucoup de peine ; j’ai fait tous mes efforts pour le corriger, espérant qu’il marcherait dans la voie droite, qu’il réussirait et qu’il ferait mon bonheur ; et il a été un mauvais fils ».
Et il ne voulut point se consoler, malgré tous les moyens qu’on employa pour dissiper son chagrin. Saint Mar Aba, qui se présenta chez lui, se servit du stratagème ingénieux que voici :
« Roi ! dit-il, je vais poser une question au Mobed des Mobeds. Pose-la, lui dit le roi.
-Voici, dit-il, sur un foyer une marmite pleine d’eau, sous laquelle il y a du bois et du feu qui brûle et qui fait bouillonner et bouillir l’eau. Que dit l’eau qui bout à la marmite ? Que dit la marmite au bois ? Et que dit le feu au vase ? Nous voyons le feu brûler ; nous entendons un bruit et nous apercevons l’ébullition de l’eau et son bouillonnement. Dis-moi maintenant ce que
dit chacun d’eux à son compagnon? »
Le Mobed, étonné, garda lé silence ; le roi, qui avait passé bien des jours sans parler, rit et dit au catholicos :
« Parmi ceux qui se présentent chez nous, nul n’est plus savant que toi ni ne peut t’égaler en connaissance et en érudition ; je, veux donc que tu me fasses connaître toi-même la réponse à ta question.
-Volontiers, répondit-il ; L’eau qui bout dit à la marmite : ‘N’est-ce pas par moi que l’argile dont tu es faite a été pétrie ? Sans moi tu ne serais pas marmite ? Pourquoi donc me fais-tu souffrir et me tourmentes-tu ? Puis la marmite dit au bois : ‘N’est-ce pas l’eau qui a fait pousser les arbres et leurs branches d’où tu es tiré ? Pourquoi donc, à force de me chauffer et de me brûler injustement, me pousses-tu à faire du mal à l’eau, qui a pétri mon argile et qui, de fange que j’étais, m’a fait marmite ? Le bois dit au feu : ‘C’est toi seul qui as opprimé la société, car tu nous as portés à léser nos parents, alors que nous nous con-tentions de la chaleur du soleil en hiver. Quand ta chaleur est devenue excessive, nous avons changé de nature et rendu à nos parents le bien pour le mal. Tu es donc la cause manifeste de ces injustices.’ »
Le roi, entendant les paroles du catholicos, comprit ce qu’il voulait dire, à savoir qu’il est très difficile aux parents d’être à couvert de la méchanceté de leurs enfants.
« Tu dois supporter ton fils, ajouta le catholicos, car on n’arrache pas les ongles à quelqu’un sans lui causer une violente douleur et de cruelles tortures, et l’on ne pourrait tirer la graisse des rognons à un animal sans lui donner la mort. »
Le roi reconnut la vérité de ses paroles, accepta ses consolations et l’en félicita ; il lui enjoignit d’ordonner aux Goundiabor et de se détacher du parti de son fils : ce qui fut fait, ainsi qu’il a
été dit plus haut.
Puis le catholicos fut fréquemment accablé de peines à cause des prêtres, des diacres et de ceux ciui s’occupaient des sciences ecclésiastiques La colique le fit souffrir quelques jours; puis il reposa. Que Dieu sanctifie son âme !
C’était un des jours de Pirozdejan, pendant lesquels, d’après les mazdéens, il ne mourait que des hommes bons et vertueux. Le roi, informé de la nouvelle de sa mort, ordonna aux siens de l’honorer à ses funérailles. Ses obsèques furent magnifiques et solennelles, et les cérémonies longues. Il mourut dans la nuit du deuxième vendredi de Carême. Qyoré le porta à Ḥīra où il l’inhuma, et il bâtit sur son tombeau un monastère, qui existe encore. Il fut catholicos pendant 16 ans. Išō‘ Barnûn, catholicos, dans un discours qu’il composa sur ce Père, dit qu’il avait été ordonné à Ḥīra et qu’il avait recommandé dans son testament qu’on l’y portât pour y être enseveli. Il mourut en la 21° année du roi Anoširwan, qui répond à la 863e année d’Alexandre (552).
On rapporte que Mar Aba avait amené de chez les barbares un homme de haute et forte taille, vêtu de haillons. Il se montra très gracieux à son égard, le fit raser et laver, le revêtit d’un habit de laine grossière et l’ordonna pour les « étrangers » (‘ajam). Puis, après lui avoir indiqué comment il devait saluer le roi et lui offrir ses voeux, il l’introduisit chez lui. En l’apercevant, le roi admira la sagesse du catholicos, son discernement et sa bonté ; car il l’avait déjà vu auparavant et avait compris qui il était.
29. MENTION DE SES DISCIPLES
Narsay, évêque d’Anbar ; Jacques, métropolitain de Beyt Garmay ; Paul, métropolitain de Nisibe ; Ézéchiel, qui devint ensuite patriarche ; Qyoré, qui fonda une école à Ḥīra ; Ramike, l’interprète, qui devint évêque d’Anbar ; Moïse, évêque de Karḫā de Suse, Bar Sabba, évêque de Šahrzor ; David, métropolitain de Merw ; Thomas l’édessénien ; oublialmâran, évêque de Kaškar ; Sergius, fils de Sâbiq le docteur de Ḥīra 3 ; Jacques, le pénitent. Tous ceux-là s’instruisirent à son école. Bar-Sahdé en a parlé dans son Livre d’histoire.
30. — HISTOIRE D’ABRAHAM DE NETPAR ET DE JOB, SON DISCIPLE .
Ce saint, contemporain de ce Père, et originaire d’un village appelé Beyt Netpra en Adiabène, était parent de ces martyrs, qui, sous Sapor, avaient reçu en Adiabène la palme du martyre, des mains de son frère Ardašir. Vieillard vénéré, philosophe habile, moine dévot et mortifié, il parvint avec Mar Abraham à faire connaître dans le pays de Perse les règles et les institutions de la vie monastique. Ils firent changer le costume des moines, pour les faire distinguer des moines hérétiques. Car du temps de Mar Eugène et de ses disciples, les moines s’habillaient comme ceux de l’Égypte. Ces deux saints étant venus, donnèrent une forme nouvelle aux monastères et aux cellules, qui, avant eux, étaient comme ceux de Mar ‘Abda et de ses. semblables. Ce saint habita un certain temps dans une grotte de la montagne d’Adiabène, il se rendit ensuite à Jérusalem, et en Égypte, où il rencontra les saints, qui habitaient le désert. De retour dans sa grotte, il y demeura 30 ans, se nourrissant de pain et d’herbes de la montagne, exempt de toute indisposition et de toute maladie. Une vision, qu’il eut, le poussa à se rendredans les montagnes d’Adiabène, pour en évangéliser les habitants qui sacrifiaient aux idoles. Il les invita au culte du vrai Dieu et à renoncer à l’erreur. Ils furent sourds à son appel et le tourmentèrent; ils l’admirèrent toutefois,le voyant rester chez eux plusieurs jours sans prendre de la nourriture.
Puis il leur dit :
« Voici mon bâton que je mets sur vos sacrifices. Si le feu vient à descendre et à les consumer, sans qu’il puisse cependant brûler le bâton, promettrez-vous d’ajouter foi à mes paroles et de répondre à mon appel ? ».
Ils le lui promirent ; la chose eut lieu comme il l’avait dite ; ils écoutèrent sa parole et se firent baptiser. Il leur bâtit des églises et des couvents, et écrivit pour eux des livres sur la vie ascétique. Il mourut sur une montagne du pays d’Adiabène ; son cercueil fut déplacé pendant la nuit et enterré dans une église de son village.
Quand Job, son disciple, arriva, il transforma sa grotte en un couvent, connu jusqu’à nos jours sous le nom de couvent de Rabban Job.
Celui-ci était originaire de Daysam, siège métropolitain de Perse ; son père, qui, sous Anoširwan, fils de Qawad, faisait le commerce des perles, avait des richesses, des esclaves et un hôpital dans son pays. Job, étant tombé un jour malade, fit voeu que s’il obtenait sa guérison, il renoncerait au monde, dont il venait de méditer les vanités. Sa guérison, due à Dieu, fut la cause de son salut, de même que * la cécité de Paul avait été la cause de sa foi. Il renonça à tout ce qu’il avait et se rendit auprès d’Abraham de Netpar, qui lui donna la tonsure, à lui et à ses deux disciples Isaïe et Élisée.
Il se retira ensuite dans la cellule, pour y vivre seul. Ils lui enseignèrent la vie des saints.
Ayant entendu parler du couvent de Mar Abraham, il s’y rendit pour demander la bénédiction des saints qui s’y trouvaient, et pour en connaître les règles et les institutions ; après y être resté quelque temps avec Rabban Dadie ; et Mar Babaï, il revint tout joyeux à son ancienne demeure, où il traduisit du syriaque en persan les règles de Mar Abraham et les discours de Mar Abraham de -Nethpar. Sa renommée se répandit ; beaucoup de moines se dirigèrent vers lui, et, après la mort de ses deux compagnons Isaïe et Élisée, habitèrent aux environs de sa grotte. Il transforma la grotte de son maître en couvent, où il introduisit les règlements qu’il avait reçus de Mar Babay. Il prédit l’heure de sa mort. En un seul jour, il guérit 31 malades, qui étaient venus solliciter sa prière :
« Dieu, dit-il aux assistants, ne rejette pas la demande de Job, le faible ; le Seigneur Christ accordera aujourd’hui la guérison à tous les malades. »
Il fit crier. dans tous .les villages d’Adiabène :
« Que ceux qui désirent voir Job viennent à lui le mercredi de la dernière semaine de Mar Élie : car il a un secret à leur confier. »
Le dimanche qui précéda le jour fixé , après avoir récité l’office avec les frères et mangé avec eux, il les bénit en faisant sur eux le signe de la croix et se retira dans sa cellule. Le mercredi, les gens, attirés par sa promesse, se présentèrent chez lui en foule ; après une attente de trois heures, à la porte de sa cellule, voyant que personne ne venait leur parler, ils montèrent dans sa cellule, et le trouvèrent mort, enveloppé et prosterné devant la croix. Ils prièrent sur lui et l’ensevelirent dans le temple devant l’autel.
Nous demandons à Dieu d’avoir pitié de nous par les prières de ce saint vénérable, de nous pardonner nos péchés, de nous délivrer et d’exaucer nos prières.
32. HISTOIRE DE JOSEPH CATHOLICOS QUI FUT DÉPOSE ET QUI EST LE 28° SELON L’ORDRE.
Cet homme passa la plus grande partie de sa vie dans l’empire romain, où il apprit la médecine. De retour à Nisibe, il s’installa quelque temps dans un monastère et s’attacha à un roi Araméen (Nabatéen), qui remplissait alors en ce lieu la charge de Marzban. Celui-ci honora Joseph à cause de son costume et le présenta môme à Ḫosrō (Kisrâ) Anoširwan, qui venait de tomber malade. Ḫosrō fit chercher Joseph, qui le soigna avec succès. Ses apparences trompèrent les gens. Après la mort du catholicos Mar Aba, les chrétiens ayant demandé l’autorisation d’élire un catholicos, Joseph fut nommé par Anoširwan et ordonné patriarche 2. En la deuxième année de sa nomination, les Pères, réunis en concile établirent 22 canons 5, concernant l’administration ecclésiastique. Pendant 3 ans il gouverna avec beaucoup de sagesse ; mais changeant bientôt de conduite, il se mit à recevoir des présents, à faire peu de cas des évoques, à mépriser les prêtres et à se permettre d’autres choses contraires aux lois de l’Église et de la chrétienté.
Ensuite Ḫosrō Anoširwan désapprouva et détesta Joseph, pour avoir visité quelques personnes, qu’il avait jetées en prison parce qu’elles avaient révélé un de ses secrets : Joseph eut recours à Radan Farūj, le grand marzban, pour lequel le roi avait une grande estime. L’ayant gagné à sa cause par ses présents et par sa qualité de médecin, il le pria de l’aider à
chasser de leurs sièges les évêques et les métropolitains. II le fit. Joseph se jeta alors sur les prêtres, qu’il lia avec des rênes, pour les conduire à des étables construites par lui et remplies de paille, par ses soins.
Là, il leur dit : « Mangez de ce fourrage, vous qui êtes des bêtes privées de discernement et de raison. Il se mit à leur raser la tête, à les souffleter, (que Dieu le maudisse!)et à rire aux éclats, comme un fou, un ignorant, un insensé, un misérable ! Il se saisit de Siméon, évêque d’Anbar, qui était connu pour sa piété et sa pureté ; et le laissa longtemps en prison.
Après une longue captivité, il dressa dans son cachot un autel pour y célébrer la messe et communier les jours de fêtes et les dimanches. Un jour le cruel Joseph pénétra chez lui ; les moines venaient d’offrir le saint Sacrifice, et l’évêque allait communier. Joseph enlève de l’autel les oblats, se jette sur l’évêque, foule les oblations soits ses pieds sales et impurs, et renverse le calice par terre, — que la colère et le courroux de Dieu soient sur lui ! nous prions Dieu de nous délivrer de ses crimes. — Cet évêque, victime de l’injustice de cet homme maudit, appelé catholicos, mais qui de fait ne l’était pas, dut boire des coupes pleines de vin de coloquinte, jusqu’à ce qu’il mourut dans p.:96 sa prison, et alla se reposer, là où il sera récompensé de sa patience et vengé de son oppresseur :
Joseph attaqua ensuite l’évêque de Zàbé, qu’il chassa de son siège et qu’il remplaça par un certain Ézéchiel. Celui-ci, grâce à sa distinction, à son savoir-faire, à sa profession de médecin et à sa connaissance de la langue persane, eut ses entrées chez le roi et gagna son amitié.
Ḫosrō l’expédia avec des plongeurs pour pêcher des perles dans la mer 3.
Il lui pécha une perle rare, merveilleuse, d’un très grand prix. Il monta encore dans l’estime du roi, et par son ordre s’attacha à son service.
Mar Malekh évêque de la ville de Darabgerd, vint prier Ézéchiel de lui obtenir un décret royal qui suspendrait la persécution dans son diocèse.
Ézéchiel, selon sa coutume, lui obtint le décret royal qu’il désirait. Mais le catholicos Joseph en fut irrité il se présenta chez les chefs des mazdéens et leur dit :
« Si je suis le chef des chrétiens, c’est à moi de m’occuper de toutes leurs affaires et de les régler. Pourquoi donc avez-vous laissé cet évêque obtenir un décret royal pour protéger les chrétiens et leur donner la liberté de pratiquer leur religion ? »
Il enleva le décret à Mar Malekh
Les habitants de Perse 2, dès qu’ils apprirent ce qu’il venait de faire, unanimes à reconnaître sa conduite criminelle, rayèrent son nom des diptyques et s’affranchirent de son obéissance. Que Dieu le place au plus profond de l’enfer, séjour de ses semblables !
Les crimes de cet homme vil augmentant tous les jours, les Pères et les fidèles se réunirent et lui envoyèrent trois messagers pour lui dire en face leurs sentiments et le forcer à leur faire connaître ses desseins, à plaider sa cause et à renoncer à sa conduite pour reprendre sa charge. Mais il les accueillit d’une manière méprisante, avec des vociférations, et ne fit d’eux aucun cas. Ils lui expédièrent trois autres messagers, qu’il traita avec la dernière arrogance. Ils lui en dépêchèrent encore trois autres, qu’il traita avec le mépris dont il était coutumier.
La cause de cette réunion et de cette correspondance avec Joseph, était le témoignage que celui-ci avait rendu contre un chrétien ; à l’entendre, ce chrétien avait volé dans le trésor royal un objet très précieux, d’un haut prix. On avait déféré l’affaire au roi, qui l’avait jugée nulle et qui avait déclaré l’accusé innocent de la calomnie dont on le chargeait. Ainsi Joseph fut convaincu par un incrédule de faux témoignage contre un croyant. Le roiavait donc ordonné à quelques chrétiens de le citer devant eux pour le punirde sa mauvaise action. Joseph, le prétendu catholicos, avait eu beau protester contre cette citation, on ne l’avait pas écouté, et les Pères s’étaient réunis pour correspondre avec lui, comme nous venons de le dire. Paul, métropolitain de Nisibe, et d’autres métropolitains, et des évêques absents, lui écrivirent également pour exécuter l’ordre (du roi). D’un commun accord et d’une manière absolue, ils l’excommunièrent, le dépouillèrent de sa dignité et le déposèrent de tous les .autres degrés du sacerdoce. Ils anathématisèrent tous ceux qui désôrmais recevraient de ses mains l’oblation 1 et le baptême, rendirent mille toute excommunication qui serait lancée par lui, et excommunièrent l’évêque Isaac, qui était de son parti. Joseph ne tint pas compte de cette excommunication, et il ordonnait des prêtres et des diacres.
Alors ils portèrent plainte au roi contre lui.
Moïse de Nisibe, se servit de l’ingénieux apologue que voici :
« Un roi, dit-il, accueillit près de lui un pauvre et lui accorda son amitié. Ensuite il lui donna un de ses éléphants. Le pauvre conduisit l’éléphant chez lui ; mais la porte de sa maison était trop étroite, pour que l’éléphant pût y passer ; au reste il ne pourrait jamais le nourrir. Très embarrassé, il réfléchit et retourna chez le roi avec son éléphant, priant les courtisans de le reprendre et de demander au roi de casser sa donation, parce qu’il avait trouvé en cet éléphant des choses qui l’avaient frustré dans son attente : sa maison ne pouvait le contenir, sa porte ne pouvait lui donner accès et lui-même ne pourrait jamais le nourrir. Le roi y consentit et reprit l’éléphant. »
A ces paroles de Moïse de Nisibe, le roi sourit et comprit le sens de l’apologue.
Moïse continua :
« Nous sommes pauvres. Voici notre éléphant que le roi nous a donné : Nous nous voyons frustrés dans les espérances que nous avions fondées sur lui et sur sa suprématie. Que le roi daigne nous le reprendre ; nous lui en serons reconnaissants. »
En conséquence le roi fit déposer Joseph et l’empêcha de gouverner les chrétiens ; il lui ôta aussi la possibilité d’exercer son pouvoir sur ceux qui n’aimaient pas sa supériorité. Ainsi Dieu le punit, comme il le méritait. Au mois de ‘ebat, de la 36° année (566-7) du règne dé Ḫosrō Anoširwan, on s’occupa de choisir un nouveau catholicos. On avait supporté cet homme pendant 12 aus3, c’est-à-dire depuis son élévation, jusqu’au jour ou Dieu en délivra (les hommes) en extirpant sa racine par (le glaive de) l’anathème. Après son excommunication, on tomba d’accord pour choisir Ézéchiel, évêque de Zâbé 4 (Az-Zoudbi).
Les partisans de Joseph, qui n’avaientpoint de religion, furent récalcitrants. Les fidèles se querellèrent. A cette nouvelle, Ḫosrō défendit d’élire un catholicos, jusqu’à ce que tous les chrétiens se fussent mis d’accord pour déposer Joseph. Mari, évêque de Cacar, dirigea les affaires pendant trois ans, jusqu’à ce que Dieu eut extirpé par la mort la racine de Joseph, qui s’en alla à son Seigneur pour retrouver ses oeuvres. Son châtiment dura 15 ans ; il y en a qui disent qu’il dura 18 ans. Joseph fut enseveli à Anbar.
Pendant cette période néfaste, alors que le roi Justinien régnait sur les Romains, Ḫosrō Anoširwan envahit Antioche, la pilla et en transporta les habitants captifs à Madā’īn, il bâtit pour eux une nouvelle ville semblable à Antioche, l’appela Antia Ḫosrō et les y établit : c’est celle qu’on appelle Ar-Rūmiya. Cela causa une horrible peine à l’empereür des Romains.
En la dixième année de son règne les hommes furent frappés de la peste dans tout son empire et dans toutes les contrées de la Perse, des Indes et de l’Éthiopie. Les symptômes de la mort chez l’homme, c’étaient trois taches noires de sang, dans la chair, sur la paume de la main il ouvrait la bouche pendant qu’il marchait et tombait mort. D’autres s’ulcéraient au point que la peau se détachait de la chair. Les villes et les villages devinrent déserts ; les vivres et les biens meubles restaient abandonnés, personne n’osait les prendre ; les gens, par crainte de la mort, s’enfuyaient de pays en pays ; ceux qui échappaient à la peste étaient frappés d’une autre cruelle
maladie, qui les faisait soupirer après la mort. Le mal était terrible et la punition universelle , ainsi que le dit le prophète David : Il envoya coutre eux l’ange du mal, ouvrit les sentiers mauvais et ne préserva pas leur âme de la mort .
La mort frappa d’abord les pauvres et les indigents, et les riches durent les ensevelir. Bientôt elle se jeta aussi sur les riches. Lorsque quelqu’un sortait (de sa maison), il écrivait ‘ le nom de sa famille et celui de sa maison sur un morceau de papier qu’il attachait à son cou, afin que, s’il venait à mourir, il pût, à l’aide de ce papier, être reconnu des siens, s’il lui en restait, et être transporté en son domicile. Souvent des cadavres restaient des jours entiers sans sépulture sur les routes et leur puanteur rendait les chemins impraticables aux hommes. Ce fléau se répandit dans toutes les régions.
Voici une anecdote relative à cette peste . Les habitants de Beith Armâyé (Nabt) furent tous enlevés par la mort ; il ne resta que 7 personnes et un jeune garçon. Résolus à prendre la fuite par crainte de la mort, ceux-ci rassemblèrent leurs biens dans une même maison : 7 d’entre eux y moururent; il ne resta que le jeune garçon, qui s’enfuit tout droit devant-lui, mais qui fut ramené à la porte de cette maison où se trouvaient les effets, par une forme humaine qui lui apparut à la porte de la ville. Cette forme humaine ne le laissa plus sortir. Un des notables de la ville, qui en était absent, apprit cette nouvelle. Il vint et s’arrêta devant la porte de la ville avec ses esclaves. De là il envoya l’un d’eux, pour prendre des nouvelles de sa maison. L’esclave trouva le garçon assis; il lui demanda où se trouvait la maison qui contenait les effets et les vivres. Le garçon la lui montra.
L’esclave prit de ces objets autant qu’il en put pôrter et se fit accompagner du garçon pour le faire sortir de la ville; mais il ne put ; car l’homme qui avait (auparavant) empêché le garçon de sortir, leur apparut. Ayant pensé que c’était à cause des objets qu’il venait de prendre, que cet homme les empêchait de sortir, pôur les remettre à leur place, l’esclave retourna avec le garçon à la maison ; tous deux y trouvèrent la mort. Ceux qui étaient hors de la ville et qui attendaient le retour de l’esclave, furent sauvés.
La peste fit d’immenses ravages. Les fossoyeurs étaient enterrés avec les morts pour lesquels ils creusaient des fosses.
Ce fut alors que mourut Jean, parent de Mar Narsay.
A cette époque éjalement Ḫosrō fut frappé de la maladie appelée Sar’ūta, à savoir la peste ; il perdait son sang.
Cette maladie sévit avec tant de violence à Alexandrie, qu’elle dérangea le cerveau des habitants et les fit ressembler aux ivrognes.
Justinien, roi des Romains, désigna un homme pour la sépulture des morts et lui remit une somme considérable d’argent ; celui-ci jetait une quantité innombrable de morts dans les fosses qu’il faisait creuser. Les grands malheurs dont le monde fut accablé défient toute mesure et toute description. On raconte qûe trois personnes, que le courtisan de l’roi avait louées pour enterrer les morts, gagnèrent quatre cent cinquante deniers en portant les morts et en les ensevelissant, et qu’elles moururent aussitôt qu’elles se réunirent pour en faire le partage.
On rapporte que la peste sévit avec cette violence pendant trois ans et demi. Enfin Dieu le Très-Haut eut pitié de ses créatures et les délivra. Ce Dieu puissant et, grand avait dit à Fange qui, du temps de David, avait étendu la main sur Jérusalem pour la détruire : Tu as multiplié la ruine; retire donc ta main. Les hommes s’arrachèrent .à leurs péchés et à leurs crimes.
Bar Sahdé, auteur d’une , histoire, dit que Joseph, appelé catholicos, s’appliqua à ensevelir les morts jetés dans les rues et sur les routes et qu’on ne lui connaît pas d’autre mérite.
Une faim dévorante succéda à la peste dans l’empire de Justinien, en sorte qu’on mangeait sans pouvoir se rassasier.
En la 26ème année de son règne (551), la peste sévit si cruellement sur les boeufs, qu’on fut obligé de labourer avec les ânes, les chameaux et les autres bêtes de somme Si grandes furent les calamités, que les hommes s’enfuyaient d’une ville dans une autre.
Un des événements de cette époque malheureuse fut l’écroulement de la ville appelée Tripoli, sise aux bords de la mer; elle devint le tombeau de ses habitants. Des gens prirent la fuite ; mais la terre s’étant affaissée sous leurs pieds, ils furent engloutis par les eaux.
Quand Justinien eut fini ses guerres, il cérivit un l’ivre sur la croyance à la dualité des natures, confessant une union composée et inclinant à la doctrine de Julien, professeur de Sévère ; il envoya son livre à Anastase, évêque d’Antioche, lui ordonnant de convoquer les évêques et de les forcer à le signer. Anastase rejeta le livre. Justinien composa ensuite un autre livre, dans lequel il disait qu’une des personnes a souffert avec le corps et que Dieu le Très-Haut est limité et passible.
Il envoya ce livre par un de ses généraux pour contraindre les Pères à y mettre leurs signatures.
On rapporte que Justinien, après la conclusion de la paix avec Ḫosrō, demanda à celui-ci de lui expédier quelques savants persans. Ḫosrō luienvoya Paul, métropolitain de Nisibe ; Mari, évêque de Balad ; Bar Sauma, évêque de Qardī ; Isay, interprète à Madā’īn ; d’Arzun, qui devint catholicos d’Orient, et Babay, évêque de Sinjar. Il les honora tous. La controverse, qui fut écrite, dura 3 jours. Ils firent connaître la foi orthodoxe.
« Je veux, dit-il à Bâbay, que tu me dises quels sont les passages des Livres inspirés et des Commentaires que les Pères ont allégués. »
Celui-ci cita beaucoup de passages, que l’âme de l’roi inclina à recevoir. Ils lui firent comprendre que ni la nature ne pourrait exister sans l’hypostase, ni l’hypostase sans la nature, et que, par conséquent, les deux natures ne pourraient être une seule hypostase. Il les écouta et les renvoya comblés d’houneur. Justinien changea d’avis dans la suite en anathématisant Diodore et ses compagnons ; il mourut après un règne de 39 ans.
Certains disent qu’Abraham et Jean, disciples de Narsay, faisaient partie du groupe qui fut envoyé au Roi des Romains et que celui-ci approuva les explications de tous deux, loua leur parole et les combla de présents en même temps que Paul.
33. Histoire de Justin II
Celui-ci était parent de Justinien, il régna en 877 d’Alexandre (566). Il confessait la croyance à la dualité des natures ; il exila les partisans de Sévère et renvoya à leurs sièges les Pères, que
Justinien avait convoqués pour les forcer à souscrire au livre qu’il avait composé sur la foi. Mais il changea ensuite d’opinion, anathématisa Diodore et ses partisans et, entraîné vers la doctrine de Justinien, son prédécesseur, écrivit un livre dans lequel, quoiqu’il défendît la doctrine des Pères de Chalcédoine, il enseigna toutefois que le corps de Notre-Seigneur était incorruptible Son esprit fut dérangé en la 9ème année de son règne (574) ; et, à cause de sa maladie, il ne put sortir pour repousser Ḫosrō, qui avait envahi son empire et qui détruisit beaucoup de villes romaines.
La frénésie le conduisit à aboyer quelquefois comme un chien et à mordre cèux qui l’approchaient. On fit pour lui, à l’instar d’une caisse ayant des portes, une maison en bois de platane couvert d’or, dans laquelle on l’enfermait chaque fois qu’il avait un accès de frénésie, et on lui faisait passer le … en lui racontant des contes. Les affaires de l’empire allant en décadence à cause de l’aggravation de sa maladie, il associa au trône un certain homme, nommé Tibère (574), sur la tête duquel lui-même mit la couronne en la dixième année de son règne ; il mourut après un règne de 13 ans
34. HISTOIRE DU PATRIARCHE EUTYCHUS
Quand le pariarche Eutychius donna sa démission (564) il fut remplacé par Jean. Celui-ci, qui était orthodoxe, convoqua les Pères et anathématisa les Jacobites, il mourut après avoir dirigé l’Église 14 ans (577).
Alors on se réunit auprès d’Eutychius, dont on connaissait, les bons services qu’il avait rendus à Justinien pendant qu’il était malade, pour le prier de retourner à son siège. Il y retourna. De son temps les affaires ecclésiastiques marchèrent bien ; il mourut après 5 ans (582). La première et la dernière fois il occupa le siège pendant 12 ans. Il y avait à cette époque plusieurs savants que, pour n’être pas long, j’ai négligé de mentionner, et qui ont écrit des commentaires et des controverses contre Sévère ; l’Église a fait les recueils de leurs ouvrages.
35. HISTOIRE DE BABOUKABR
Celui-ci traduisit l’Ancien Testament de l’hébreu en syriaque. Il changea ensuite de conduite en s’attachant à la doctrine d’Ébion, qui prétendait que l’humanité du Christ était dépouillée de sa divinité et qu’il était de la race d’un certain charlatan, appelé Paul l’apôtre .
A cette époque, les Pères se réunirent au sujet de l’erreur de ceux qui enseignaient que l’âme de l’homme est mortelle comme son corps et que par conséquent elle ressuscitera aussi avec lui. Origène avait déjà discuté contre eux ; mais en les réfutant, il avait inventé une doctrine pire en enseignant la transmigration d’une âme d’un corps dans un autre.
Cet Origène était interprète à Alexandrie. Etant mutilé, il fut chassé par Démétrius, évêque d’Alexandrie, et empêché d’interpréter. « Cet homme, dit-il, est meurtrier. Car Dieu a créé ce membre et l’a rendu respectable pour être la cause de la génération. »
Ce saint ne dépassa pas les limites ; mais il obéit à l’ordre que Simon as-Safa donna à son disciple Clément dans les règles qu’il établit.
36. HISTOIRE D’ÉZÉCHIEL, LE 29° DES CATHOLICOS
Ce Père était évêque de Zàbé et disciple de Mar Aba catholicos. Après la mort de Joseph, privé de la dignité du catholicos, on se réunit pour choisir quelqu’un pour le remplacer sur le siège patriarcal.
L’élection tomba sur Išay le docteur ; mais Paul, métropolitain de Nisibe, et d’autres Pères s’y opposèrent, ne voulant point se détourner d’Ézéchiel, disciple de Mar Aba et évêque de Zâbé, qu’ils avaient choisi, lorsqu’ils étaient réunis pour déposer Joseph de sa dignité sacerdotale, et que le roi Ḫosrō Anoširwan, qui l’avait jadis envoyé à Bahrein et à Ian’Allia, d’où il lui avait apporté des perles, aimait et estimait. L’archiâtre Marozi surnommé Nawrozi, fit savoir au roi le choix qu’on venait de faire et le pria de l’autoriser. Sur son autorisation, les Pères se réunirent et l’ordonnèrent patriarche à Madā’īn. Habile dans les affaires profanes, versé dans les sciences, il conduisit très bien les affaires et contenta tout le monde, même ceux qui étaient contre lui lors de la déposition de Joseph; indulgent envers les prêtres et les diacres ordonnés par. Joseph, il se contenta de les faire tenir devant l’autel pour réciter sur eux les prières propitiatoires sans réitérer leur ordination.
En la 45ème (576) année du roi Ḫosrō, il convoqua les Pères et établit 36 canons, relatifs à. la discipline ecclésiastique.
573 : Il fit un voyage à la Montagne à la suite de Ḫosrō ; puis il eut une conduite blâmable à l’égard des Pères, envers lesquels il se montra grossier.
Il accompagna le roi Ḫosrō jusqu’à Nisibe, quand celui-ci attaqua la ville de Dara, pour s’en emparer et exterminer les Romains qui s’y trouvaient. Paul, métropolitain de Nisibe, accueillit le catholicos très honorablement et très pompeusement et le conduisit en cérémonie à sa cellule, d’où ils entrèrent à l’église. Là le métropolitain monta sur l’ambon et prononça un très beau discours, dans lequel, entre autres choses, il dit ceci :
« Chrétiens ! le Christ vient de vous visiter aujourd’hui ; purifiez vos corps ; ôtez vos habits usés et augmentez les nouveaux. »
Les assistants, ayant compris que par ces paroles il voulait flatter, le catholicos, le prirent pour un ignorant, le regardèrent comme indigne d’estime et de considération ; ils se mirent même à le déprécier. Le catholicos affirma avec serment que, si le roi parvenait à assiéger Dara et à la prendre, il déposerait Paul et le priverait de sa dignité métropolitaine. Je crois que le catholicos en voulut au métropolitain, parce que celui-ci avait dit :
« Augmentez les nouveaux. »
Mais il ne réussit pas. Car Paul, ayant appris la nouvelle, se mit à s’adonner à la prière et au jeûne, se prosternant nuit et jour devant Notre-Seigneur le Christ, le suppliant de le faire mourir et de hâter sa fin avant la prise de Dara, pour qu’il ne fût point frappé d’anathème. Or, au moment
même où Ḫosrō s’empara de la ville, dont le siège lui avait coûté tant de grandes et de pénibles fatigues, l’ange vint emporter l’âme de Paul , métropolitain, — que Dieu la sanctifie ; — ainsi il échappa à l’horrible anathème que le catholicos aurait fulminé contre lui s’il était resté en vie.
A cette époque Išō‘ Yahb était interprète à Nisibe ; il fut remplacé par Abraham, fils du forgeron auquel succéda le célèbre Ḥnana qui avait 300 disciples dont quelques-uns furent très puissants, et dont on a parlé dans leurs biographies.
Ce père Ézéchiel, en punition de s’être moqué beaucoup de ceux qui avaient le moindre vice dans les yeux ; comme le blanc et le gonflement, d’avoir appelé aveugles les Pères vertueux et braves, fut frappé par le Christ de cécité, dont il lui fit goûter l’amertume pendant 2 ans. Il mourut en la troisième année du roi Hormizdad b. Anoširwan (583). Il tint le siège pendant 11 ans, suivant les uns ; 20 ans, suivant les autres. Il fut transporté et enseveli à Ḥīra, d’après les uns ; à Madâ’ïn, d’après les autres.
A cette époque les affaires allèrent bien.