69. HISTOIRE DU MÉDECIN GABRIEL ET DE SAINT MAR Sabr-Īšō‘ LE CATHOLICOS, QUE SES PRIÈRES NOUS CONSERVENT
Ce Gabriel était premier médecin du roi, on l’appelait aussi Gabriel le Sinjarī. Mar Sabr-Īšō‘ ` l’ayant excommunié pour avoir pris une seconde femme, le roi intercéda en sa faveur, en demandant au Saint de le relever de son excommunication. Mais le Saint refusa. Gabriel alors abjura sa foi, se fit jacobite, et chercha de mille manières à faire du mal aux Nestoriens. Le roi,
lors des opérations devant Dara pour s’emparer de cette ville (604), réitéra sa demande auprès de Mar Sabr-Īšō‘ qui était alors à Nisibe attendant sa fin prochaine. Non seulement le Saint ne voulut pas accorder au roi ce qu’il demandait, mais il rendit encore son anathème plus terrible, en le confirmant davantage.
70. HISTOIRE DU MEURTRE DE MAURICE (602), QUE DIEU SANCTIFIE SON AMEET DU CHANGEMENT DE SENTIMENT DE ḪOSRŌ A L’ÉGARD DES CHRÉTIENS.
Plus de 12 ans la paix et la concorde durèrent entre les deux empires. Ḫosrō honorait l’Église, en esprit de reconnaissance pour le secours que lui avait apporté Maurice contre son ennemi l’usurpateur Bahram: mais il changea ensuite quand les Romains massacrèrent Maurice, ses
enfants et sa femme Maurice était un homme austère, humble, priant beaucoup, jeûnant toujours. Il aimait faire des aumônes, bâtir des églises.
Il s’opposait à ce qu’aucun de ses gouverneurs, ou fonctionnaires, opprimât personne. Pour leur faire perdre cette habitude, il alla même jusqu’à confisquer les biens des chefs. Ceux-ci le prirent en haine et parvinrent par leurs ruses à le massacrer et à le remplacer par Phocas. A cette nouvelle, Ḫosrō ressentit de l’affliction et une grande colère. Il résolut d’attaquer les Romains pour tirer vengeance de ce crime et reprendre ce qu’il avait cédé à Maurice. Il envoya un message aux grands de l’empire pour les menacer. A son retour l’ambassadeur lui fit part du mauvais accueil fait à son message. Il se dirigea aussitôt vers Nisibe en se faisant accompagner par Mar Sabr-Īšō‘pour demander le secours de sa prière. A son arrivée à Lašom en Beyt Garmay, sachant que beaucoup de sang serait versé, il pria Notre-Seigneur le Christ de lui épargner ce spectacle.
Trois jours après, le roi décida de se mettre en route, et on amena au catholicos un âne pour le monter. Mais Jean le médecin lui prescrivit de monter à dos de mulet à cause de la faiblesse de son corps :
« L’heure du repos, lui dit le catholicos, est bientôt venue ; nous partons sur un âne ; mais nous retournerons sur un chameau.
Ḫosrō, à son arrivée à Nisibe, dit au catholicos :
« C’est par ma confiance en l’eficacité de ta prière que je vais comencer cete campagne pour venger le sang du pieux Maurice et pour faire siéger à sa place son fils Théodose, qui a échapé au massacre. Si donc tu sais que je suis victorieux dans cette guerre, je vais l’entreprendre ; sinon, je vais m’en abstenir. »
Le catholicos lui dit tristement et en pleurant :
« Tu es victorieux de la part de Dieu ; agis donc, ô roi, avec douceur et mansuétude ; ne te hâte pas, car la précipitation est loin de ton caractère généreux ; et si, malgré la dureté de leur coeur, que je connais, tu obtenais d’eux ce que tu cherches ! Cependant, pour que je ne sois pas blâmé par leurs chefs et les grands de leur Église d’avoir négligé de prier en faveur du peuple des croyant, mes yeux ne veront pas, j’en ai la conviction en Dieu, ce qui sera pour eux une cause d’épreuves.
-J’agirai come tu le dis, répondit le prince, et je leur écrirai encore une seconde fois. Seulement tu m’afliges en disant que tu vas retrouver ton Seigneur. »
Puis il écrivit aux Romains :
« Notre bonté ne nous permet pas de nous hâter de vous punir de votre crime ; le catholicos, notre père céleste, le meileur ami de la paix, a intercédé pour vous en nous exhortant à vous doner un délai. Prêtez-moi obéisance et détrônez celui que vous avez fait siéger ; que le fils du roi succède légitimement à son père ; sinon, ne nous blâmez pas. »
Ils se jetèrent sur le mesager, déchirèrent sa lettre, le chargèrent de fers et l’envoyèrent dans leur pays. Ḫosrō ayant appris cete nouvelle, envoya son avant-garde contre Dara. Sabr-Īšō‘ resta à Nisibe pendant 4 mois ; et comme il savait ce qui arriverait aux chrétiens, il ne cessa de prier Dieu et de lui demander de le faire mourir avant de voir ces événements. Dieu lui révéla qu’il avait exaucé sa prière, et lui fit même savoir le moment où il devait quitter ce monde. Il arriva que 15 jours après la prise, Ḫosrō envoya deux des siens à Madā’īn pour annoncer aux habitants la nouvelle de la conquête et de la victoire, et pour lui rapporter les nouvelles de ces provinces de l’empire. Quand ils entrèrent à Nisibe, ils allèrent saluer Mar Sabr-Īšō‘ le catholicos ; car tout mazdéens qu’ils étaient, ils l’honoraient.
Comme il leur demandait de l’attendre pour aller avec eux :
« Qui te laissera partir? » lui dirent-ils.
Il leur répondit :
« Celui auquel personne ne peut résister, me laissera partir ; j’irai sur un chameau. Si vous ne m’attendez pas, je vous rejoindrai sur la route. »
Mais eux ne s’arrêtèrent pas à cette parole.
71. MORT DE SAINT M AR Sabr-Īšō‘, LE CATHOLICOS
Trois jours après le départ des messagers, Mar Sabr-Īšō‘ tomba malade. Ḫosrō lui envoya Takhrid pour savoir les nouvelles que son coeur était impatient de connaître, et pour lui demander de prier son Seigneur de retarder sa mort jusqu’à la fin de la guerre, comme il l’avait déjà prié de l’avancer.
Gabriel le médecin parvint à demander au roi d’écrire de l’absoudre avant sa mort de l’anathème. Le roi lui écrivit pour obtenir cette grâce. Le Saint lui répondit :
« Loin de moi de renoncer au moment de mourir à l’attachement et à l’affection que j’ai pour toi ; mais je ne désobéirai jamais à l’ordre de Dieu et je ne foulerai point aux pieds ses décrets et ses lois, alors que Gabriel est lié dans le ciel et sur la terre. Toutefois que les remèdes qu’il te donne soient bénis et efficaces. On nous a ordonné de ne pas nous opposer à la puissance ; car celui qui s’y oppose s’oppose à Dieu. Par égard pour cet ordre, que les remèdes qu’il te donne soient bénis et efficaces. »
Le messager rapporta ces paroles au roi, qui s’écria :
« A cause de cela, notre peine s’accroît davantage ; nous ne trouverons jamais pour les chrétiens un chef qui vaille celui-ci. »
Le roi revint à la charge au sujet de Gabriel et de son absolution. Le messager arriva tandis qu’on avait apporté le cercueil et que les médecins préparaient, sur son ordre, les aromates pour l’embaumer ; il lui dit :
« Ta mort est proche ; accorde donc au roi ce qu’il demande en faveur de son médecin. Je vois qu’il ne te reste que deux heures à exercer ton pouvoir sur les chrétiens ; exerce la miséricorde envers un homme qui demande miséricorde.
-Si je l’avais absous, lui répondit-il, il faudrait, aujourd’hui que je vais comparaître devant le juge juste, que je le lie à nouveau. Gabriel est donc lié avec tous les dissidents ses compagnons dans le ciel et sur la terre. »
Le messager lui demanda alors de le bénir ; le Saint lui donna sa bénédiction, et il expira, que Dieu sanctifie son âme ! un dimanche à 9 heures, le 18 septembre, correspondant au 5 Khardadmalt, en la 15ème année du règne de Ḫosrō Parwez b. Hormizd.
Les médecins l’embaumèrent, comme le roi leur avait commandé ; et, après l’avoir enveloppé dans les habits que lui avaient envoyés le roi et la reine Šīrīn, ils jetèrent sur lui du musc et du camphre. Il avait dépassé 80 ans, et passé huit ans dans le catholicat. On pria sur sa dépouille pendant 3 jours ; il se fit autour du Saint un concours innombrable d’hommes ; ses disciples le mirent dans le cercueil et demandèrent l’autorisation du roi pour le porter, selon sa volonté, dans le couvent qu’il avait bâti.
Il la leur accorda. Les habitants de Nisibe et ceux de Ḥīra eussent désiré qu’il fût enseveli chez eux : les premiers par le désir de le posséder, les autres parce qu’ils étaient accoutumés à donner la sépulture à d’autres catholicos. Mais ni les uns ni les autres ne purent l’obtenir. On mit le cercueil sur un chameau agile, ainsi qu’il l’avait prédit, et il rejoignit les deux messagers en Adiabène.
L’escorte s’étant approchée de Karkha de Guédan, l’auguste et fidèle Yazdin ayant appris la nouvelle, fit sonner les cloches dans toutes les églises et tous les couvents. On alla à sa rencontre avec beaucoup de vénération, et en récitant des prières. On le fit pénétrer dans l’église, où on veilla toute la nuit ; le lendemain matin, on célébra les saints mystères. Yazdin voulait garder sa croix, où se trouvait un morceau de la croix de Notre-Seigneur le Christ ; mais il n’osa le faire, les disciples du Saint s’y étant opposés, et lui ayant fait savoir qu’il avait recommandé qu’on la plaçât dans le couvent où il serait enseveli. Yazdin fit accompagner le cercueil par une foule de prêtres, de diacres et de chrétiens, qui le déposèrent dans son couvent, selon son désir. Ce couvent porte son nom et se trouve dans la province de Karkha de Guédan.
Les miracles et les prodiges opérés par ce Saint sont nombreux. Si nous en mentionnions même une faible partie, nous rendrions ce livre volumineux. Pierre (Fetros) supérieur du couvent de Beyt ‘Abe a écrit l’histoire de sa vie ascétique, épiscopale et patriarcale.
72.ÉVÉNEMENTS QUI EURENT LIEU DE SON TEMPS.
En la 7ème année du règne de Ḫosrō Parwez (596-7), les métropolitains et les évêques d’Orient se réunirent auprès de saint Sabr-Īšō‘ et déclarèrent qu’il y avait parmi eux certains hommes qui, revêtus de l’habit religieux, modifiaient la vérité reçue des apôtres et enseignée par les 318 Pères du synode de Nicée ; qui blâmaient les docteurs légitimes et véridiques de l’Église, enseignaient aux gens une doctrine contraire à celle de ces docteurs, pervertissaient l’esprit des simples, prétendant que le péché est gravé dans la nature de l’homme.
Il y en avait aussi qui prétendaient que la nature d’Adam aurait été créée immortelle dès l’origine ; qui retranchaient les litanies et les hymnes composées par les vrais et sincères docteurs de la vérité.
Le catholicos, les métropolitains et les évêques présents décidèrent de faire disparaître de l’Église ces choses détestables ; ils chassèrent ceux qui en étaient les propagateurs, les excommunièrent et les exilèrent; ils confirmèrent la foi véritable qui est la base et la beauté du christianisme et la vie des âmes, qu’elle a été transmise par les apôtres sons l’inspiration du Saint-Esprit. ils écrivirent un libelle sur la foi et sur d’autres matières comme ils l’entendirent; ils appuyèrent cet écrit de la tradition et des canons des Pères ; ils le scellèrent et le confirmèrent de leurs signatures et de leurs sceaux, s’engageant, à l’observer, à y adhérer et à l’enseigner à leurs ouailles. Ils prononcèrent de redoutables anathèmes contre ceux qui les contrediraient, en repoussant la doctrine de Théodore ; ils excommunièrent toutes les sectes des dissidents en les nommant l’une après l’autre et condamnèrent les hérésies une à une. Ils excommunièrent et déclarèrent déchus de tous les ordres du sacerdoce ceux qui s’écarteraient de cette doctrine écrite, leur interdirent l’entrée de l’église et la réception des oblations. Ils s’engagèrent aussi avec serment à n’avoir pas de relations avec ceux qui contrediraient ce qu’ils venaient de confirmer, àmoins que ceux-ci n’aient fait pénitence et ne se soient repentis de leurs erreurs. Que Dieu nous aide à agir selon sa volonté.
73. HISTOIRE DE SAINT ZINAI
Ce Père s’installa dans une grotte dans la montagne tout près d’Étienne, le moine ; il se nourrissait de racines sauvages de la montagne.
Puis il se rendit en. Adiabène, où il bâtit un couvent sur le Petit Zab, et il y demeura ; des moines se réunirent auprès de lui. Mar Babaï de Nisibe y vécut deux ans. L’auteur de la biographie de Rabban Zinaï raconte que les larmes coulaient sans cesse de ses yeux; à sa mort, il confia son monastère à son disciple Rabban ‘abtha, qui avait bâti un couvent clans la terre de Ma’althâyé. ll écrivit deux livres ascétiques. Que leurs prières nous gardent.
74. HISTOIRE DE GRÉGOIRE, MÉTROPOLITAIN DE NISIBE
Ce Saint, par la vie solitaire qu’il mena dans le désert et par les miracles qu’il opéra, ressemble à saint Jean-Baptiste par l’évangélisation des hommes, à Paul et par son zèle pour sa religion et par son orthodoxie à Élie. Qui pourrait raconter ses vertus et sa vie apostolique ? Il était originaire de Kaškar.
Quand il eut fini de lire les psaumes de David et qu’il fut capable de comprendre, il alla à l’École de Séleucie, où il resta quelque temps; il se rendit ensuite à l’École de Nisibe, où il suivit les leçohs d’Abraham l’interprète.
Les habitants d’Adiabene qui entendirent parler de lui, l’établirent interprète dans leur pays. Il demeura ainsi onze ans. Ensuite il les quitta et retourna à son pays pour en appeler les habitants au christianisme ; un ;roupe d’entre eux s’attacha à la suite du Saint. Il fonda une école, qui réunit trois cents étudiants ; il bâtit ensuite une autre école dans un village de Kaškar et prescrivit aux étudiants de jeûner et de s’adonner à la prière. Chaque année, pendant le carême, il se faisait accompagner par ceux qui avaient appris les prières, et se dirigeait vers’ les villages voisins pour appeler leurs habitants à la foi. Quand ceux-ci le laissaient pénétrer, il les bénissait, priait sur leurs têtes et leur enseignait la foi. Quand ils l’empêchaient d’entrer, il se tenait avec sa suite en dehors du village, priant, expliquant toute la journée la religion chrétienne, recevant des coups et des pierres avec patience. Grâce aux prodiges et aux miracles qu’il opérait, il baptisait
chaque jour une foule nombreuse ; on brisa dans la terre de Maiâan et de Cašcar beaucoup d’idoles dont on démolit même les temples pour bâtir, à leur place, des églises.
De son temps, il y eut une terrible peste dans le pays de Caâcar ; les chefs des mazdéens, s’étant rassemblés, vinrent environner l’école pour lui demander de prier pour eux ; il le lit, et la peste disparut par l’effet de sa prière.
Sa réputation arriva jusqu’à Īšō‘ Yahb le catholicos, qui le fit, malgré lui, évêque de Cašcar. Ḫosrō lui-.même, qui entendit parler de lui et de ses oeuvres, fut dans l’admiration et en conçut plus de sympathie pour les chrétiens ; sur son ordre il fut transporté au siège métropolitain de Nisibe parce qu’il voulait un homme en qui il pût mettre sa confiance, pour cette ville limitrophe des deux empires. Le docteur de Nisibe était alors Ḥnana d’Adiabène (depuis 572) disciple de Moïse ; depuis longtemps, il était à l’École, curieux de la lecture des écrits hétérodoxes ; il avait expliqué des choses contrairement à Théodore l’Interprète ; il s’était écarté de la vérité pour, adhérer à des doctrines hérétiques.
Quand Grégoire devint métropolitain de Nisibe (596 en même temps que Sabr-Īšō‘), les lettrés l’informèrent de ce qu’on entendait dire à Ḥnana ; il lui donna alors sa désapprobation et lui reprocha sa manière d’être. Mais Ḥnana ne voulut pas revenir sur ses assertions ; alors Grégoire condamna les livres qu’il avait composés. Ḥnana fit à ce moment semblant de renoncer à ses erreurs et il resta longtemps dans cette situation, jusqu’à ce qu’il eut trouvé occasion d’implorer le secours des médecins du roi, auxquels le métropolitain Grégoire avait défendu d’épouser deux femmes et qu’il avait excommuniés pour leur résistance opiniâtre. Grégoire écrivit à Mar Sabr-Īšō‘ qui était alors catholicos, pour l’informer de l’erreur de Ḥnana. Celui-ci envoya, de son côté, à Sabr-Īšō‘ une lettre, dans laquelle il se jouait de lui comme le faux prophète avait agi à l’égard du vrai prophète La foule des Pères censurèrent la lettre, dont ils eurent connaissance, et en tirèrent le motif d’une excommunication contre Ḥnana. Mais le catholicos, bien loin de confirmer leur sentence, accueillit favorablement la lettre de Ḥnana. Grégoire, ayant appris cette nouvelle, s’en alla ; et, après avoir secoué la poussière de ses sandales à la porte de Nisibe, il quitta la ville (v. 595).
Les étudiants furent fortement affectés de cette décision de Sabr-Īšō‘, qui avait repoussé la parole du métropolitain pour accepter celle de Hnana ; remplis de ce zèle dont parle le prophète, quand il dit : J’ai été ému de zèle pour le Seigneur Dieu des armées, ils sortirent de l’École, distribuant les objets qu’ils avaient ; ils emportaient des évangiles et des croix sur des voiles noirs, avec des encensoirs; et ils sortirent de la ville en prières, et en chantant les hymnes des rogations ; ils étaient environ 300. Les habitants de la ville pleurèrent et gémirent de leur départ ; tandis que les chefs méchants étaient tout à la joie d’avoir chassé Grégoire ; ils ne savaient pas les malheurs et les calamités qui devaient fondre sur eux et les atteindre et qu’ainsi les hommes pieux en seraient délivrés. Il ne resta dans l’École que 20 personnes et à peine autant d’enfants.
Alia, Isaïe de Tabal, Meskêna de ‘Arabāyē, disciples de Ḥnana et quelques autres de leur parti refusèrent de les accompagner.
Ceux-ci, à leur arrivée à la porte de la ville, terminèrent la prière ; et, après s’être dit adieu les uns aux autres, ils se séparèrent. Quelques-uns d’entre eux se rendirent au couvent de Mar Abraham ; d’autres allèrent trouver Marc, évêque de Balad, qui les réunit dans une école qu’il leur bâtit en dehors de la ville. Parmi ceux qui sortirent de l’École de Nisibe, il y avait Išō‘-Yahb de Gdala qui devint plus tard catholicos, Hada’ Sabba ‘Arbàya, qui fui fait métropolitain de Ḥūlwan et Isô’yahb d’Adiabène qui devint catholicos ; Paul l’interprète dans le couvent d’Abimalek Michaël le docteur et plusieurs autres savants.
Peu après, les habitants de Nisibe subirent leur châtiment. Quant à Grégoire, calomnié par des envieux auprès de Ḫosrō, il eut le même sort que le vertueux Mar Nestorius. Ḫosrō lui ayant ordonné de retourner à son pays, il se retira en solitaire dans un endroit désert entre Niffar et Kaškar ; c’est là qu’il vécut longtemps après sa sortie de Nisibe, s’adonnant au jeûne et à la prière. Il y avait près de là un village dont les habitants adoraient les serpents. Il les invita à confesser Dieu et leur montra l’horreur de leur culte. Mais ils ne l’écoutèrent pas et restèrent dans leur impiété. Un jour leur prètre, qui était chargé de servir les serpents, étant allé leur jeter de la nourriture, les trouva tous morts. Alors tous ceux qui étaient là allèrent demander à Grégoire de leur pardonner leurs péchés, d’agréer leur pénitence et de les baptiser. Il exauça leur demande et leur bâtit une église, où il établit des piètres. Puis il se transporta de là à un autre endroit nommé Bizz el-Anhâr, où il construisit un grand couvent. Des écoliers vinrent de toutes parts se grouper autour de lui. Par ses prières, l’eau se remit à couler dans le lit du fleuve, qui était à sec depuis huit ans. Ce couvent est situé près de Niffar sur les limites de Barésma Grégoire — que Dieu sanctifie son âme et que ses prières se souviennent de nous ! — mourut en la 22ème année du règne de Ḫosrō (611-2) et il fut inhumé dans son couvent. Théodore Bar Roui et Élie métropolitain de Merw ont parlé de lui en détail dans leurs livres d’histoire ecclésiastique.
75. HISTOIRE DU CHÂTIMENT QUI FUT INFLIGÉ AUX HABITANTS DE NISIBEA CAUSE DE SAINT GRÉGOIRE
Dieu retira aux habitants de Nisibe sa providence et les rétribua selon ce qu’ils avaient fait contre le métropolitain Grégoire. Le châtiment arriva en mai, un an après le départ de Grégoire, c’est-à-dire au mème mois où il avait quitté le pays. Par la permission divine, ceux qui avaient secouru Ḥnana, et s’étaient ligués contre Grégoire, au sujet de la défense qu’il leur avait faite de prendre une seconde femme et d’avoir des concubines, ceux-là se révoltèrent contre Ḫosrō et massacrèrent le marzban résidant dans le pays. Ce crime irrita le roi, qui envoya contre eux le général de ses armées avec des combattants. Il le fit encore accompagner par Sabr-Īšō‘ le catho-
licos et les évêques de Beyt Garmay, de Mossoul et de Nisibe. Il ordonna au général des armées d’amadouer les habitants pour qu’ils ouvrissent la porte de la ville devant le catholicos. Une fois la porte ouverte, il devait massacrer les chefs et piller toutes les maisons.
Quand l’armée arriva sous les remparts de la ville, le catholicos harangua les habitants, et leur écrivit, disant que, s’ils ouvraient, il leur garantissait la vie sauve : il ignorait en effet ce qu’on avait conçu contre eux. Le général de l’armée leur promit aussi les meilleurs traitements, et toute sa mansuétude ; il les engagea à obéir au roi. Trompés par sa parole, ils ouvrirent la porte. Mais quand l’armée entra dans la ville, elle accomplit les ordres que le roi lui avait donnés, et se mit à massacrer, à piller, à détruire et à incendier. Et elle n’épargna personne qu’elle put rencontrer. Ceux qui échappèrent s’enfuirent au pays des Romains, où ils se dispersèrent. Il leur arriva ce qu’a dit David : ‘Il les a fait errer par des lieux déserts, où il n’y a point de chemin’. en amena plusieurs captifs à Ḫosrō qui es jeta en prison, où ils moururent. Ceux qui restèrent dans la ville s’humilièrent et se soumirent ; et ils furent convaincus que ce châtiment avait fondu sur eux uniquement pour les punir de leur conduite à l’égard de leur métropolitain Grégoire.
Ainsi qu’Antiochus avait agi à l’égard des habitants de Jérusalem, qu’il avait fait périr en les trompant, de même agit Ḫosrō à l’égard des habitants de Nisibe. Ainsi s’accomplit ce dont Grégoire les avait menacés, c’est-à-dire qu’ils seraient punis, s’ils ne renonçaient pas à leurs oeuvres. Quant à Mar Sabr-Īšō‘, il fut contristé de ces événements, et il reprocha au général de l’armée sa manière d’agir a son parjure.
« J’ai péché, dit-il, contre eux, parce que je leur fis une promesse sur laquelle ils se reposèrent. »
Il vit le massacre de Yazdgerd et de Homizd Sapor. Il anéantit le pouvoir des chefs qui furent la cause de ce qui arriva au métropolitain.
On dit qu’à la suite du différend qui eut lieu entre Grégoire et Mar Sabr-Īšō‘, celui-ci fut privé du don de la révélation. Après la mort du métropolitain Grégoire, les habitants de Nisibe écrivirent le nom de celui-ci avec celui des Pères.
76. HISTOIRE DE RABBAN ???.
A cette époque apparut ce Saint, qui était originaire de Beith Nouhadra. Après avoir fait ses études dans l’École de la ville de Thmanoun dans la région de Qardū, il alla chez l’anachorète Īšō‘-Zkha, qui avait guéri An-Nu‘mān b. Al-Mundhir, roi des Arabes.
Après avoir rempli pendant un certain temps la charge de lecteur que l’anachorète lui avait confiée, il se rendit auprès de Mar Babay de Nisibe, qui le fit moine dans son couvent.
Au bout de quelque temps, la grâce divine l’ayant appelé à devenir chef de moines, il quitta sa cellule et se rendit à la montagne de Beyt Nouhadra, où il habita près du couvent de Italaha le martyr. Les moines, qui entendirent parler de lui, se groupèrent autour de lui ; il bâtit dans la montagne un couvent dans un endroit où les Kurdes offraient des sacrifices aux démons. Un jour qu’il était assis, il vit les démons qui prirent une pierre pour la lui jeter. Par le nom de Dieu il en arrêta la chute, et elle resta suspendue comme on la voit encore de nos jours. Rabban Yozadaq, qui bâtit un couvent dans la région de Qardou, rapporta qu’il n’y avait personne en ce temps-là comme saint Išō‘ Yahb pour opérer des miracles et des guérisons. Après être resté cinq ans ainsi, il mourut et fut inhumé dans le martyrion de son couvent. Que ses prières nous assistent.
77. HISTOIRE DE SAINT GABRONA
Ce fut à cette époque que ce Saint sortit du couvent de Bar Toura et habita une grotte dans la montagne de Badroun , dans la région de Beyt Zabday. Il s’abstint de toutes les joies de ce monde, acquit la sagesse divine et la crainte de Dieu parfaite, et il vécut dans la plus pure dévotion. Sa réputation parvint à un homme, appelé Samona, qui gouvernait cette région sous les ordres du roi de Perse ; il vint le trouver au sujet d’une fille qu’il avait, que le démon tourmentait et à laquelle les médecins avaient défendu de prendre quoi que ce soit d’aliments cuits. Quand on la lui amena, il prit de sa grotte un peu de blé, qu’il fit cuire, et le donna à manger à la jeune fille ; elle guérit aussitôt et recouvra la raison. Samona l’aida à bâtir un couvent au même endroit et lui donna tout ce qu’il demanda. Le couvent, après sa construction, fut habité par des moines et on l’appela Couvent de Samona. Saint Gabrona après sa mort y fut inhumé. Que ses prières soient avec nous !
78. HISTOIRE DE MAURICE ROI DES ROMAINS
En la treizième année du règne de Ḫosrō, qui est la 914° année d’Alexandre (602) Phocas, maître de la milice, se jeta sur Maurice et sur ses enfants, les massacra et usurpa la couronne. Maurice avait vu en songe un homme richement vêtu se tenir devant lui, qui lui dit de tendre les mains ; Maurice les avait tendues et l’homme avait écrit sur elles quatre lettres en grec qui signifiaient :
« Dieu ordonne que Phocas règne à la place de Maurice ! »
Il s’était résigné à la volonté de Dieu et avait demandé dans ses prières qu’il fût puni dans ce monde. Son règne avait duré 20 ans.
Eutychius (552-564/577-582) tint le siège patriarcal pendant 12 ans ; après sa mort, il eut pour successeur Jean pour lequel Maurice avait de son vivant de l’affection ; celui-ci établit métropolitain de Chalcédoine Marūtā, le philosophe : homme érudit, qui connaissait le grec, le syriaque et l’hébreu, et qui a écrit le commentaire des livres de logique.
Ce fut lui que Maurice envoya en ambassade auprès de Ḫosrō ; il visita Sabr-Īšō‘ le catholicos, dont il admira la vertu, qu’il vit opérer des miracles, et touchant lequel Ḫosrō lui avait dit :
« Voici un homme céleste sous un pauvre costume. »
Jean mourut après 6 (sic) ans de pontificat. Cyriaque, qui lui succéda en la 11ème année de Maurice (595), était très avancé en âge. Les rois romains, quand ils voulaient être couronnés, avaient coutume de se rendre au couvent de Mar Sergius, qui était tout près du palais royal ; le patriarche, accompagné de trois évèques, venait y célébrer les mystères ; après la communion, ils prenaient la couronne déposée sur l’autel et la mettaient sur la tête de l’empereur, qui s’asseyait alors sur le trône. Lors donc que Phocas s’empara du pouvoir et qu’il eut mis lui-même la couronne sur sa tête, le patriarche l’emmena à l’église cathédrale, où, après l’avoir communié, il l’oignit du saint Chrême. Dieu le priva ainsi de la coutume que les empereurs avaient instituée et il comprit que Cyriaque le haïssait. Celui-ci occupa le siège patriarcal pendant 7 ans (sic) ; après sa mort (606), Jean le remplaça pendant 8 ans (sic, Thomas : 3 ans) et mourut l’année de l’avènement d’Héraclius (610).
LXXIX. HISTOIRE DE THÉODOSE FILS DE MAURICEROI DES ROMAINS
Théodose, le plus jeune des enfants de Maurice, avait échappé au massacre de son père et de ses frères et s’était réfugié auprès de Ḫosrō, qui l’avait recueilli, se souvenant comment son père avait agi à son égard, alors qu’il avait demandé sa protection, et comment il l’avait aidé à reconquérir le trône. Il l’avait couronné’ et lui avait promis et assuré qu’il ferait tous ses efforts pour le faire régner. Le malheur de Maurice affligea beaucoup Ḫosrō ; il le pleura et porta son deuil longtemps. Puis il exposa à ses courtisans et aux autres grand, personnages la reconnaissance qu’il levait à Maurice pour les services qu’il lui avait rendus, et les informa qu’il voulait le venger et faire triompher son fils. Ils lui répondirent qu’il serait obéi.
Le roi envoya donc avec Théodose un général cruel, inhumain, et dur ; et il apaisa son courroux en leur donnant une armée. Le général se dirigea avec Thépdose vers Dara qu’ils assiégèrent. Quelques jours après, Ḫosrō aussi sortit pour attaquer les Romains ; il se fit accompagner de Mar Sabr-Īšō‘ le catholicos. Il assiégea Dara qu’il prit après 9 mois de siège. Il retourna ensuite à Séleucie, après avoir laissé là ses armées. Puis Théodose mourut empoisonné.
A cette époque, Ḫosrō fit mourir Nathaniel évêque de Šahrzor à l’instigation des mazdéens, qui lui en voulaient d’avoir empêché dans son pays la destruction des églises. A la même époque mourut à Nisibe saint Mar Sabr-Īšō‘ le catholicos ; il fut porté n h an ha de Guédan, ainsi que nous l’avons dit ci-dessus.
80. HISTOIRE DE GREGOIRE, LE 31° CATHOLICOS .
Cet homme était originaire de Ḥayan, il avait une belle prestance ; son visage était d’une grande beauté ; il était docteur et avait, suivi les leçons de Isaï le docteur de Séleucie. Quand Ḫosrō retourna à Séleucie, après la conquête de Dara, les chrétiens se réunirent pour choisir un successeur à Mar Sabr-Īšō‘. Celui-ci avait recommandé aux fidèles de choisir Bar Hadbsabba le moine qui habitait la montagne de Saian.
Les Pères choisirent Grégoire, métropolitain de Nisibe, qui était connu pour son orthodoxie et pour son esprit apostolique. Ils demandèrent l’autorisation du roi, qui la leur accorda ; et grâce à la sollicitude de Šīrīn, il donna l’ordre de convoquer les Pères à Séleucie pour ordonner Grégoire le métropolitain.
Mais quand Abraham de Nisibe, le médecin, et d’autres chrétiens qui étaient au service du roi, apprirent cette nouvelle, ils craignirent qu’une fois patriarche, il ne se vengeât de la malveillance qu’ils lui avaient opposée, quand il était à Nisibe ; ils allèrent trouver Mar Aba de Cakar l’astrologue de Ḫosrō et son familier, pour lui demander de ne pas lui désigner Grégoire et de le détourner de lui accorder sa faveur. La reine Šīrīn choisit Grégoire le docteur et demanda aux Pères de l’ordonner, en prétendant que c’était lui que le roi voulait. Ce fut donc une homonymie qui emporta l’affaire. Mar Aba le médecin aussi s’était rangé à son parti. Les Pères écoutèrent la reine et ordonnèrent Grégoire patriarche selon le rite, au milieu du peuple joyeux et en fête. Šīrīn l’avait choisi ; elle veilla à ses intérêts. Les médecins de Nisibe l’introduisirent chez le roi pour qu’il priât pour lui et le bénît. Mais dès qu’il l’aperçut, le roi comprit qu’il y avait quelque supercherie dans son ordination.
« Ce n’est pas celui-ci, dit-il, que je vous avais commandé d’établir, mais Grégoire métropolitain de Nisibe.
-C’est la reine Šīrīn répondit Mar Aba le médecin, qui a ordonné de l’établir, parce qu’il est son concitoyen ; sans nul doute le roi l’acceptera à cause d’elle ; c’est d’ailleurs un homme intelligent, sage et savant.
Ḫosrō s’en réjouit, il l’honora ; et il fut ravi de la beauté de son visage ; mais l’ayant examiné, il trouva que son intérieur était l’opposé de son extérieur. Il reprocha à Šīrīn de l’avoir choisi. Puis Grégoire se détourna de l’équité et il agit contre toute justice ; il aima à amasser de l’argent ; il en réclama aux prêtres et aux chefs.
La joie des chrétiens se changea en tristesse. L’excommunié Gabriel de que Mar Sabr-Išô‘ avait anathématisé, le diffamait sans arrêt. Ḫosrō ordonna de le représenter sur les éventails dont il se servait. Un éventail le représentait palpant une poule pour savoir si elle était grasse ou non ; un autre le représentait examinant une pièce d’or qu’il retournait dans sa main; sur ses genoux était assise une jeune fille.
On se mit à détester les évêques aussi à cause de lui ; et les chrétiens en conçurent une profonde affliction. Ḫosrō avait enlevé de Dara, alors qu’il s’en était emparé, beaucoup de livres ; il obligea Grégoire à les acheter, pour 20 000 statères d’argent et lui en demanda le paiement ; Grégoire fit payer cette somme par les églises, et les chrétiens éprouvèrent de ce chef un grand préjudice. Il tint le siège patriarcal pendant quatre ans.
Il mourut en la 20° année du règne de Ḫosrō (609). Celui-ci confisqua tout ce qu’il avait laissé ; il fit même arrêter ses disciples et les emprisonna jusqu’à ce qu’ils eussent livré son argent. Dès lors, son opinion à l’égard des chrétiens fut modifiée ; il ne leur accorda plus ses bienfaits ; il opprima même ses propres sujets, les accabla d’impôts et confisqua leurs biens. Il défendit aux chrétiens d’avoir un catholicos. L’Église resta donc veuve, sans chef, durant 17 ans. Elle fut dirigée, pendant ce temps, par Mar Aba archidiacre, dont le nom a été inséré dans les obituaires, aidé de Mar Babay le Grand, du couvent de Mar Abraham le Grand, jusqu’à l’assassinat de Ḫosrō et l’avènement de son fils Siroé.
81. —Noms DES CHRÉTIENS QUI ÉTAIENT AU SERVICE DE ḪOSRŌ
Mar Aba originaire de Cašcar. Il était le premier, le chef et le plus distingué. Il était instruit dans la philosophie, l’astronomie et la médecine. Il savait le persan, le syriaque, le grec et l’hébreu. Il composa un grand nombre de livres ; il traduisit des textes hébraïques qui n’étaient pas encore
passés en syriaque. Ḫosrō l’envoya en ambassade auprès de Maurice. Il s’occupa constamment des affaires de l’Église du temps de Mar Sabrisô` et de Grégoire.
Yazdin le généreux et le vertueux, dont la renommée s’étendait partout, en même temps que les largesses ; il bittit des églises et des couvents en Orient. Ḫosrō lui conféra une grande autorité et lui confia l’administration de toutes les provinces depuis Beyt Garmay jusqu’aux pays des Romains : c’est lui qui prêta son appui aux fidèles dans l’affaire de l’excommunié Gabriel
après la mort de Grégoire le catbolicos.
Jean de Cašcar ; il succéda à Yazdin après sa mort dans l’administration des provinces. Il a un couvent dans la terre de Cašcar. Après la mort de Ḫosrō il tomba dans la misère, ses biens ayant été confisqués.
Son fils Sergius fut massacré par Al-Ḥajjāj b. Yūsuf.
Jean Sendori, médecin nisibien. hosrau l’aimait beaucoup ; mais après la supercherie dont il usa, et que le roi découvrit, dans l’affaire de l’élection de Grégoire le catholicos, Ḫosrō lui retira sa faveur. Toutefois à l’avènement de Siroé sa dignité lui fut rendue.
Gabriel, médecin Sinjarien qui fut excommunié pour avoir pris des concubines et avoir épousé deux femmes. Il se fit jacobite et fit beaucoup de mal aux fidèles.
Ḫosrō employa encore plusieurs autres chrétiens à son service pour montrer son dédain aux Mazdéens envieux ; que Dieu les maudisse et fasse miséricorde à Ḫosrō !
82. HISTOIRE D’HERACLIUS ROI DES ROMAINS
Dans l’empire romain, les ministres sont de deux clases. L’une d’elles s’apele Prasina (les Verts) ; c’est en elle qu’on choisit un empereur, quand le prince est mort sans laiser d’héritier. L’autre clase, qui est rivale de la première, s’apelle Veneta (les Bleus), selon le nom de la reine des Romains. C’est dans ce clan que le prince choisit sa femme, quand il arriva au pouvoir sans être marié.
Lorsque Maurice fut asasiné avec ses enfants, son frère Pierre ne régna point après lui. Phocas s’empara du pouvoir ; il était du clan apelé Veneta.
Le clan adverse ne voulut pas le reconaître. Phocas étendit la main, alors, pour tuer les chefs de ce parti, négligeant ainsi de résister aux Perses, qui s’engageaient dans son empire, et couvraient de ruines tant de provinces ; il metait toute son ardeur à masacrer ses partisans, si bien qu’il se trouva sans soldats. Puis il marcha contre le maître d’Alexandrie, parce qu’il était de l’autre parti. Celui-ci le combattit ; mais Phocas le mit en déroute et le tua. Puis il eut à se mesurer avec le maître d’Afrique et avec celui d’Égypte, tous deux du parti nommé Prasina, et émus de voir tous les maux que Phocas
causait, craignant pour sa famille. Chacun des deux envoya son fils avec une armée ils convinrent que le premier qui porterait la guerre à Constantinople et aurait la victoire, serait reconnu roi. Héraclius, fils du maître d’Egypte, partit par mer, et Nicétas, fils de Grégoire maitre d’Afrique, par la voie de terre. Le vent favorable donna de l’avance au général qui allait par mer, et ses navires atteignirent Constantinople. Les ministres sortirent à sa rencontre. Phocas écrivit qu’il se retirerait du trône pourvu qu’on lui garantit la vie sauve. Comme il sortait pour combattre, un des soldats lui donna un coup de lance par derrière; il tomba de sa monture et mourut. Il avait régné huit ans.
Héraclius occupa le trône le premier septembre de la 21ème année du règne de Ḫosrō, qui est la 922° (610) année d’Alexandre. On l’amena au couvent de Sergius, où il communia après la célébration des mystères. Le patriarche le couronna selon la coutume des empereurs grecs. Nicétas, ayant appris cette nouvelle, s’arrêta à Alexandrie. Héraclius se mit à réparer les maux que Phocas avait causés. Il écrivit à Ḫosrō pour demander la paix ; mais celui-ci la lui refusa. En la première année de son règne, à la mi-carême, il y eut un terrible tremblement de terre qui fit tomber beaucoup de maisons.
En sa deuxième année des étoiles tombèrent du ciel d’une manière effroyable comme un jet de !lèches depuis l’Orient jusqu’à l’Occident.
De ses jours devint patriarche de Constantinople, Sergius, qui avait la même croyance et la même opinion que Théodore l’interprète. De ses jours encoreapparurent les dyothélites, connus encore sous le nom de Samta, et quienseignèrent que de même que le Christ a deux natures, de même il a deuxopérations et deux volontés. Sergius repoussa cette doctrine et n’y adhérapoint ; il fut imité par les autres patriarches et par le roi Héraclius.
83. HISTOIRE DES HERETIQUES ; DE LA CONTROVERSE DES KRES,ET DE L’EXCOMMUNICATION DE ḤNANA
Après la mort de Grégoire catholicos, l’Église resta sans chef ; alorsles hérétiques, c’est-à-dire les dissidents, les partisans et les disciples de Ḥnana se répandirent partout, grâce à l’appui de l’excommunié Gabriel de Sinjar, homme influent auprès du roi Ḫosrō, et ils corrompirent les espritsdes hommes. Ḫosrō, qui entendit parler de cela, ordonna que les deuxpartis se réunissent pour discuter.
612 : Se rendirent à la discussion : Younadab métropolitain d’Adiabène, \loublialmaran métropolitain de Beyt Garmay, Īšō‘ Yahb de ‘Arabāyēa évêque de Balad, le futur Catholicos ; le moine, qui bâtit un couvent à Daraban ; Georges, moine du couvent de Mar Abraham, qui fut martyrisé ; Sergius le Sahhâr, docteur, du pays de Cašcar, et Gabriel évêque de Nahargoul. Après la controverse, ils mirent par écrit la doctrine orthodoxe, et y ajoutèrent les questions difficiles ; et ils l’adressèrent à Ḫosrō comme il l’avait demandé. Celui-ci prit connaissance
de leurs paroles de vérité. Mar Babay, qui n’avait pas pu se rendre à cette réunion à cause de sa faiblesse et de son âge avancé, leur avait été d’un grand secours par sa plume.
Il avait aussi écrit un ouvrage, pour réfuter le commentaire de Ḥnana sur la doctrine des 318, lequel combattait l’enseignement de Théodore l’Interprète. Il envoya cet ouvrage aux Pères, qui l’acceptèrent.
Puis Yazdin le Bon réunit les autres Pères à Karkha de Guédan, où ils anathématisèrent à nouveau Ḥnana et ses sectateurs. Ils citèrent clairement les endroits où il se trouve en désaccord avec le grand interprète et tous les Pères. Ils interdirent la lecture de ses livres et anathématisèrent celui qui les lirait. Déjà Īšō‘ Yahb, aussitôt qu’il avait eu connaissance de ses ouvrages, les avait condamnés ; et les Pères dans leur synode tenu sous la présidence de Mar Sabr-Īšō‘ avaient confirmé la sentence de Īšō‘ Yahb ; Grégoire, quand il fut nommé métropolitain de Nisibe, l’avait aussi excommunié il avait montré les points sur lesquels il s’était trompé et l’avait obligé à se rétracter. Paul, métropolitain de Nisibe, l’avait chassé du temps d’Abraham parent de Narsay. Il ne cessa de parcourir les pays d’Orient jusqu’à la mort de celui-ci et il employa bien des ruses jusqu’à ce qu’il parvint à prendre sa place.
84. HISTOIRE DE MAR BABAY LE GRAND
Ce Saint était un des notables habitants de Zabday ; il avait les avantages de la fortune, beaucoup de biens et d’esclaves. Après s’être instruit dans les livres persans, il se rendit à l’hôpital de Nisibe, où il étudia les livres de médecine ; et il séjourna à l’École, s’instruisant dans les sciences ecclésiastiques. Il demeura ainsi quinze ans, et acquit une science approfondie. Un jour qu’il était à lire à l’hôpital, le sommeil le prit. Il entendit une voix terrible qui lui ordonnait d’émigrer au mont Izla auprès de Mar Abraham chef des moines Il distribua ses biens ; et de tout ce que son père lui avait laissé n’ayant pris avec lui que soixante statères d’or pour les partager entre les moines, il se rendit au couvent, où il prit l’habit monastique, s’adonnant à la prière et au jeûne et menant une vie ascétique très dure. Depuis qu’il se fit moine, il ne coucha jamais sur une natte. Il s’enfermait pendant des mois entiers dans sa grotte sans en sortir. Dieu lui accorda par la prière de Mar Abraham une science parfaite. Il composa des livres. Vingt ans après s’être fait moine, son corps s’étant affaibli, il s’accorda l’usage d’un peu de vin. Après la mort de Rabban Mar Abraham, son disciple Dadik lui succéda. Après lui Babay fut élu pour diriger le couvent. Il en répara la construction ; il opéra de nombreux miracles ; il guérissait les malades ; il convertit une foule de mazdéens et d’hérétiques à la foi orthodoxe. Sa renommée se répandit dans tout l’empire persan. Les Pères et les docteurs reconnurent son mérite.
Après la mort de Grégoire Catholicos, par la volonté de Ḫosrō Parwez, l’Église étant restée sans chef, ainsi que nous l’avons dit plus haut,les hérétiques purent se répandre partout, ilss’emparèrent des églises etcorrompirent la foi des hommes. Ce Saint, encouragé par plusieurs métropolitains et évêques travailla avec ardeur à restaurer les affaires de l’Égliseet à empêcher ces maudits de nuire aux chrétiens. Dans cettelutte, il eut l’appui de Yazdin le bon. Mar Babay gouverna le couvent pendant 24 ans. Il mourut à l’âge de 75 ans, en la 38 année de Ḫosrō(627). Il a laissé beaucoup de livres.
Liste des livres qu’il composa :
Livre contre ceux qui disent que les corps au jour de la résurrection ressusciteront dans la forme d’une sphère, contrairement à leur constitution actuelle.
Livre contre les partisans de Qousta, connus sous le nom de Mealliens, qui prétendent qu’étant parvenus à la perfection, ils sont dispensés du jeûne, de la prière et de la réception des oblations.
Livre dans lequel il rapporte les vertus de Mar Abraham et celle de plusieurs de ses disciples
Un ouvrage ascétique pour les novices.
Livre de l’union.
Livre dans lequel il réfuta la lettre de l’hérétique Jean d’Edesse
Livre dans lequel il expliqua, en abrégé, les paroles de Mar Evagrius.
Explication de la lettre de Jean Ḥazzāyā.
Livre dans lequel il réfuta la lettre de Moïse l’hérétique.
Traité sur l’origine de la fête des Rameaux.
Recueil de témoignages tirés des Pères orthodoxes soit grecs, soit syriens, pour la controverse.
Livre dans lequel il réfuta les paroles de Procle patriarche de Constantinople, de Philoxène évêque de Manbij et de l’hérétique Massva.
Livre sur quelques questions (l’ascétisme monastique.
Livre dans lequel il réfuta l’écrit de Justinien, le Roi romain, touchant la foi.
Livre dans lequel il réfuta les paroles du moine dissident Manus.
Livre dans lequel il réfuta la croyance du dissident Isaïe Tahlityā
Et d’autres ouvrages qui ont pu nous échapper.
85. HISTOIRE DE ḤNANIŠO‘ LE MOINE.
Cet homme naquit à Ḥīra ; il. s’appelait ‘Amr b. ‘Amr. Il servit le roi An-Nu‘mân b.Al-Mundhir. Il était connu aussi de Ḫosrō pour sa bravoureet son habileté à la guerre. La méditation des choses de ce monde, et de sonétat transitoire, l’ayant décidé à y renoncer, sur l’ordre d’An-Nu‘man, il distribua ses biens, affranchit ses esclaves et se fit moine. Il suivit Élie le moine,qui bâtit un couvent à Mossoul, et Georges qui avait été mazdéen et qui fut martyrisé sous Ḫosrō à l’instigation du Sinjarien.
Bien qu’il eût passé la plus grande partie de sa vie dans le luxe, Ḥnan Īšō‘ habita une grotte étroite, et en supporta l’inclémence ; il aida Élie à la construction de son couvent. Il était doué d’une intelligence parfaite et il surpassait tous ses contemporains dans l’art de la controverse. Il était avec les autres présent à la controverse qui eut lieu dans l’affaire de Gabriel de Sinjar et des hérétiques, auxquels il ferma la bouche. Mar Bahaï dans un de ses livres affirme qu’à cette époque il n’y- avait personne qui fût semblable à Ḥnan Īšō‘ par l’orthodoxie de la doctrine et par la vie ascétique. Il composa un livre dans lequel il réfuta la lettre d’Isaïe ; il réduisit aussi au silence Meskēna ‘Arbayā, qui fut pendant un certain temps docteur de l’École de Balad. Il écrivit aussi sur l’union un ouvrage d’un grand mérite, dans lequel il réunit les arguments déduits de la raison, ainsi que ceux qui sont fondés sur l’autorité des Écritures.
Après avoir achevé ces travaux, et quand Gabriel fut mort, il se rendit au pays de Darabad, où il convertit beaucoup de monde ; il construisit des églises pour les nouveaux fidèles ; des moines se réunirent autour de lui, il leur construisit mi monastère. Une nuit, les brigands attaquèrent le couvent ; par sa prière ils furent frappés de cécité et restèrent ainsi toute la nuit, ne sachant pas où se diriger. Quand il fit jour, leurs yeux se rouvrirent, et ils reconnurent leur chemin. Le Saint sortit pour les aborder, il leur donna à manger et à boire ; et ils s’engagèrent à n’approcher plus jamais du couvent. Il vécut vingt ans après la construction du monastère. Après sa mort, il fut inhumé dans le temple du couvent ; on le nomme le couvent de `Amr al-Jannūn : parce que le Saint avait donné du Henné à la femme d’un des chefs de la région et elle avait eu un fils.
86. HISTOIRE DU MARTYR GEORGES MARTYRISE PAR ḪOSRŌ
Cet homme naquit à Cašcar (575) ; il était mazdéen et docteur des mazdéens. MaisDieu le puissant le choisit ; il reçut le baptême des mains de Siméon b. Jâbir, évéque de Ḥīra et étudia les Écritures. Ayant distribué sesbiens à ses parents et afranchi ses esclaves, il se rendit au couvent de MarAbraham, où il habita avec Mar Babay, s’adonant au jeune et à la prière.
Il composa un livre dans lequel il confondit la religion des mazdéens en mettantà nu leurs mystères honteux, qu’il conaisait bien, et en dévoilantl’ignominie de la doctrine de Zoroastre.
??? après la mort deGrégoire le catholicos, Gabriel de Sinjar dénonça à Ḫosrō les Pères quil’avaient anathématisé et prétendit que le docteur Ḥnana était digne d’êtrecatholicos, lui ou l’un de ses disciples, le roi céda à sa parole; mais1’ayant su, après s’être fait renseigner sur sa vie, qu’il était mazdéen, il ordonna qu’on entrât avec lui eu discussion. C’est alors que se réunirent lespersonnages dont il a été fait mention ci-dessus ; et parmi eux se trouvaitce Georges, et il ne craignait point les mazdéens. Ils écrivirent un livre touchaitleur foi et le présentèrent à Ḫosrō, qui, l’avant lu, dit :
« Si la religionchrétienne était vraie, ce serait celle des Nestoriens. »
Les dissidents rougirent. Gabriel, confondu, continua à calomnier sesennemis auprès de Ḫosrō et à intriguer pour les faire massacrer. Šīrīn ordonna qu’on fit la commémoraison du martyr MarSergius dans le couvent du Saint, qui était hors des remparts de Séleucie.
La foule y vint. Gabriel et ses partisans résolurent d’en chasser les fidèlespour le livrer à leurs propres partisans. Mais Soubhalmaran, métropolitainde Beyt Garmay, et Georges le moine s’y opposèrent :
« Nous ne livreronspas, dirent-ils, à nos ennemis la maison de Dieu, qui est la première de nos
maisons. »
Et même Georges interpella Gabriel de la façon la plus violente. Celui-ci alla trouver le roi pour l’exciter contre eux ; il lui fit savoirque Georges était un mazdéen apostat, et qu’il avait dit :
« Ne te glorifie pointde la place que tu occupes auprès de ce roi qui mourra, et dont le règnepassera. »
Le roi ordonna de les jeter en prison; ils y restèrent un an ethuit mois, endurant toutes sortes de tortures. Puis il exila Soubhalmarandans un pays lointain ; et il fit dire à Georges de retourner à la religiondes mazdéens, sinon qu’il serait tué. Georges refusa ; et il fut crucifié, la 25° année du règne de Ḫosrō (614-5) ; on le frappa de flèches jusqu’àce qu’il mourût. Les fidèles parvinrent à enlever son corps et à l’ensevelirdans le couvent de Mar Sergius. On en prit des reliques qui furent disperséesen différents pays. Que ses prières nous assistent.