- HISTOIRE DE BABOY, LE 20° DES CATHOLICOS (464-484)
[Baboï reçut] d’eux 2 beaucoup d’argent ; il déposa ceux qui occupaient les sièges, parce qu’ils avaient lancé contre lui des propos injurieux alors qu’il était en prison.
De son temps tout tomba dans le trouble et la confusion : les hommes et les femmes se mirent à intriguer pour élire les évêques et les faire consacrer à force de présents.
« Celui-ci, disait-on, est l’évêque d’un tel celui-là est l’évêque d’une telle. »
Les fidèles dirigeaient les affaires de l’Église, offraient le Sacrifice dans leurs maisons et conféraient le baptême hors de l’église ; les évêques permirent aux femmes d’entrer dans le baptistère pour voir le baptême ; des oeuvres honteuses furent pratiquées ; l’adultère était fréquent ; les moines et les prêtres se marièrent illégitimement ; et, si l’on excommuniait quelqu’un pour un péché commis et qu’on lui interdit l’entrée de l’église, il s’approchait des sacrements dans les maisons des fidèles.
Les Pères, témoins de ces choses, se réunirent en la 25° [27°, 484] année de Piroz, pour faire des reproches à Baboy sur sa conduite ; ils établirent des canons où ils interdisaient le mariage avec la femme du père, avec celle du frère, avec deux femmes, et beaucoup d’autres choses encore.
Baboy, d’accord avec les évêques ses partisans, se prononça contre eux et les excommunia ; ceux-ci agirent de même et anathématisèrent quiconque transgresserait ce qu’ils venaient d’établir et de prescrire.
Bar Ṣawma, évêque de Nisibe, écrivit une lettre, dans laquelle il permit le mariage aux prêtres et aux moines qui ne pourraient vivre dans la continence. Il prenait pour prétexte la parole de Paul : Il vaut mieux se marier, que de brûler par la concupiscence. Les évêques assemblés avec lui approuvèrent ce décret.
En la 26° année de Piroz, la persécution se déchaîna contre les chrétiens dans la région de Madā’īn. Ce roi ordonna aux chrétiens d’appeler le soleil « Dieu », le feu, l’eau et les astres enfants des dieux. Quiconque refusait d’obéir était mis à la torture. Les chrétiens tombèrent dans un grand malheur ; les uns persévérèrent, les autres succombèrent. Baboy, épouvanté de ces choses, écrivit une lettre à Zénon, roi des Romains, pour lui exposer ce qui était arrivé à ses ouailles et le prier d’écrire à Pirōz, afin qu’il allégeât leurs souffrances; il mit la lettre dans le creux d’une canne et l’envoya avec un messager. Celui-ci, à son arrivée à Nisibe, fut reconnu par les partisans de Bar Ṣauma qui interceptèrent la lettre et l’envoyèrent à Piroz. D’autres disent que ce fut l’oeuvre de Bar Ṣauma.
Le roi appela Baboy et lui remit la lettre munie de son sceau. ne put en nier l’authenticité. Il avait inséré dans la lettre ce que Hanania et ses compagnons avaient dit touchant Nabuchodonosor, à savoir que Dieu l’avait livré à un gouvernement impie, le plus mauvais de tous les gouvernements de la terre. Le roi, s’étant fait lire et traduire le message en persan, s’irrita contre Baboy et lui dit :
« Tu mérites la mort, parce que tu as appelé mon empire un empire tyrannique et impie ; j’aurais dû te mettre à mort dès le jour où tu m’as désobéi en ordonnant des évêques ; mais, ayant négligé de te punir, tu as outrepassé les bornes. »
« Par le gouvernement impie, dirent les chrétiens qui étaient présents, il a voulu entendre un gouvernement opposé à celui des chrétiens. S’il avait négligé de le dire, les Romains auraient cru que tu es chrétien, et c’est par là qu’il aurait déshonoré ton empire. »
Baboy s’excusa en disant :
« Je prie toujours pour le roi ; je le bénis et j’aime son empire.
-Ton crime, lui dit Piroz, est trop grand pour être pardonné. Si l’amitié, dont tu viens de parler, est sincère, adore le soleil, afin que je puisse m’en rendre compte. »
Baboy ayant refusé, le roi le condamna à être suspendu à une potence par le doigt même qui portait l’anneau dont il s’était servi pour sceller la lettre. On le suspendit par le petit doigt hors de Séleucie, où on le laissa jusqu’à ce qu’il mourût. Des gens de Ḥīra portèrent son corps dans leur ville, où ils l’ensevelirent. Son nom fut inscrit avec ceux des martyrs. Il fut patriarche pendant plus de 20 ans
2. HISTOIRE DE LÉON, ROI DES ROMAINS
En 769 d’Alexandre (458), Léon régna sur les Romains. Il était brave ; il embrassa la foi orthodoxe des Pères de Chalcédoine. Timothée patriarche d’Alexandrie et ses partisans s’efforcèrent de le faire renoncer à sa foi. Il refusa ; il réunit même 50 évêques, pour s’informer auprès d’eux de la foi des 318 ; il adhéra à la foi orthodoxe qu’ils lui exposèrent, et exila les dissidents. Il y eut à Constantinople un grand tremblement de terre, qui fit crouler beaucoup d’églises et de maisons.
3. HISTOIRE D’ANATOLIUS, PATRIARCHEDE CONSTANTINOPLE
Cet homme pur laissait croire à Dioscore qu’il avait la même foi que lui. Mais dans le concile de Chalcédoine, il l’anathématisa et fit valoir la cause de Léon (pape) en s’en tenant à sa doctrine. Il gouverna l’Église pendant 21 an ; il déposa en faveur de l’orthodoxie de Ibas, évêque d’Édesse, et de Théodoret, évêque De Cyr, et attesta qu’ils n’avaient d’autre but en anathématisant Nestorius que de faire marcher les affaires. Ils confessaient tous, deux natures. Vous pourrez vous en rendre compte en lisant leurs livres et leurs lettres.
La doctrine des Théopaschites n’était point connue en Orient ; tous les Orientaux s’en tenaient à la foi orthodoxe, que leur avaient transmise Addaï, Mari et leurs pieux successeurs.
Après la conclusion de la paix entre Yazdgerd et Théodose, quelques Perses, dans le but d’acquérir de la science, se rendirent à Édesse, où ils entendirent les paroles de Dioscore et de ses partisans, qui, pour avoir enseigné une seule nature dans le Christ, ont été anathématisés par le concile de Chalcédoine. Leur doctrine se répandit et s’affermit ; elle a été proclamée par Jacques Baradée, Jacques de Sarūj, évêque de Batnan, Sévère, Pierre le Foulon (al-Qassayr) et Philoxène de Manbij : que Dieu le Très-Haut les rende détestables eux et leurs innovations. Leur histoire, s’il plaît à Dieu, trouvera place dans cet ouvrage.
4. HISTOIRE DU ROI ZÉNON
En 783 d’Alexandre (472) mourut Léon, Zénon, son gendre, lui succéda ; il appartenait à une famille sénatoriale ; il était brave et chef de brigands.
On avait averti Léon d’un complot, tramé contre lui par ses généraux ; il les punit et échappa ainsi à leur trahison. Alors Zénon jouit de l’estime du roi, qui le nomma général de ses troupes et l’envoya contre les barbares, qui avaient fait une incursion dans son empire. Zénon les ayant mis en déroute, Léon lui donna sa fille en mariage et lui légua son empire. Mais, après la mort de Léon, les chefs se réunirent et nommèrent roi le fils de Zénon ; c’était le petit-fils de Léon et il portait son nom. Sa mère lui dit :
« Si ton père vient te saluer, ôte le diadème de ta tête et mets-le sur la sienne. Quand donc le peuple, accompagné de Zénon, vint présenter ses hommages au jeune roi, celui-ci obtempéra à l’ordre de sa mère. Alors les Romains louèrent Dieu et le remercièrent par des acclamations de joie. Zénon régna. Mais sa belle-mère le trahit ensuite et excita son propre frère à le trahir. Celui-ci l’attaqua et le chassa de l’empire. Après un éloignement de 2 ans, les anciens guerriers romains le rappelèrent ; il bâtit son frère, le mit en déroute et le tua après deux ans de règne. Il tua aussi sa belle-mère. Devenu le maître de tout l’empire, il chassa les hérétiques et adhéra à la doctrine des dyophysites ; mais il changea d’idée à la fin de sa vie, et protégea Pierre le Foulon. Il conclut la paix avec le roi de Perse.
A son époque une grande famine désola la Syrie. Son règne dura 17 ans.
5. MORT DE PIROZ, ROI DES PERSES
Piroz, 2ans après son retour du pays des Turcs et sa délivrance de la main du roi des Haytal, pour se venger de l’affront qu’il avait reçu, revint à la charge, violant ainsi l’alliance qu’il avait conclue avec ces peuples, cassant le contrat et se décidant à faire périr leur roi. Sans songer à la longanimité de Dieu envers lui, il fit voeu que, s’il revenait de là sain et sauf, il anéantirait la religion chrétienne : Son coeur, s’endurcit comme celui de Pharaon : le malheureux ne savait pas que c’était là que la punition l’attendait. Avant son départ, il ordonna au Marzban d’Iraq de détruire les églises et les monastères, en attendant son retour. Celui-ci démolit l’École de Mar ‘Abda et beaucoup de monastères. Les chrétiens en furent affligés, et plusieurs d’entre eux se réfugièrent en des lieux lointains. Piroz, sur son chemin, massacra 300 chrétiens.
Les Haytal, ayant aperçu son mouvement, son retour et sa perfidie, lui livrèrent un combat acharné, dans lequel ils tuèrent la plupart de ses soldats ; les autres prirent la fuite. Piroz, de peur d’être fait prisonnier, se jeta sur son épée, à l’instar de Saül, et se tua. Les Haytal ne le surent que lorsqu’ils le trouvèrent étendu parmi les morts.
Dieu en délivra ; ses stratagèmes se retournèrent contre lui et sa violence sur lui. Dieu détourna ce coup des chrétiens et ne les lui livra point. C’est ainsi qu’il avait puni Pharaon, en le faisant engloutir par la mer, parce qu’il avait résolu de molester les enfants d’Israël ; c’est ainsi qu’a été massacré dans le temple de ses idoles Sennachérib qui avait juré la perte des enfants d’Israël et la ruine de Jérusalem.
6. HISTOIRE DE GENNADE, PATRIARCHEDE CONSTANTINOPLE.
A la mort d’Anatolius, patriarche de Constantinople, Gennade lui succéda. De son temps les luttes et les troubles agitèrent l’empire et l’Église en Orient et en Occident. En Orient Bar Ṣawma lutta avec Baboy ; Pierre le Foulon, patriarche d’Antioche, soutenu par le roi Zénon, agita l’Occident et anathématisa quiconque confesserait deux natures dans le Christ. Gennade et Félix patriarche de Rome, lui résistèrent; ils réunirent les Pères, rétablirent la foi et anathématisèrent quiconque confesserait une seule nature dans le Christ. Gennade fut patriarche pendant 15 ans. Son successeur Hilidiyon, après 3 ans de pontificat, mourut dans un incendie qui éclata dans la ville.
7. HISTOIRE D’UN MOINE AVEC LE DÉMON.
Dans un désert vivait un ermite. Satan, déguisé en moine, vint le trouver pour le prier de le recevoir dans sa cellule et d’accepter ses services. Le moine y consentit et le laissa loger chez lui. Au bout de quelques années, le diable maudit lui dit :
« Je voudrais de la viande ; si tu m’aides, nous immolerons un bélier que nous mangerons ensemble. »
Le moine refusa en disant :
« A Dieu ne plaise que je rompe Je pacte que j’ai fait avec Dieu. Quant à toi, si tu ne peux maîtriser ton appétit, mange ce que tu voudras. »
Il eut beau retourner ensuite plusieurs fois à la charge, le moine refusa toujours. Alors ce diable, déguisé en moine, apporta un bélier, l’égorgea, le fit rôtir et le mangea en présence du moine; et, pour le tenter, il s’absenta exprès, après avoir pris et mis. les deux rognons sur une fenêtre, comme s’il les y avait oubliés. Le moine, voyant les rognons, supposa que son .compagnon les
avait oubliés. Il en fit rôtir un sur le feu et le mangea. Le démon, à son retour, remarquant qu’un des rognons avait disparu, comprit que le moine l’avait mangé ; mais il s’abstint de lui en parler.
Quelque temps après il lui dit :
« Que nous sert de demeurer ici ? nous ne pouvons être utiles aux-frères. Entrons dans la ville. Je connais un endroit mû il y a beaucoup d’argent; nous le prendrons et nous bâtirons un monastère, où nous réunirons des moines et où nous recevrons les étrangers et les passants. Ainsi nous mériterons une récompense. »
Le moine lui obéit ; ils partirent ensemble pour la ville, et se dirigèrent vers la maison d’une
personne riche, où ils entrèrent ; c’était la nuit. Le diable maudit prit une corbeille pleine de deniers d’or, et la mit sur Id tête du moine. Mais aussitôt que celui-ci fut arrivé près de la porte, le diable réveille le maitre de la maison en lui disant :
« Attrape le voleur; il a pris tout ce qu’il y avait dans ta maison. »
L’homme se lève aussitôt, saisit le moine, lui prend la corbeille sans rien dire et l’emprisonne pour le livrer au gouverneur le lendemain matin.
Le diable maudit vient le trouver; et, le voyant pleurer et s’arracher les cheveux, il le fait taire et lui dit :
« Je te donne un conseil ; si tu le suis, tu seras délivré et tu auras même les deniers. Si le maitre de la maison vient à te citer devant le gouverneur et à prendre la corbeille à témoin du vol, tu
nieras son assertion et le démentiras en disant : Je ne suis pas, un voleur mais un moine menuisier. Cet homme m’a lait travailler plusieurs jours sans me payer mon salaire. Quand j’ai réclamé mon droit, il s’est disputé avec moi, m’a emprisonné et a prétendu que j’étais un voleur. Pour vérifier ce que je viens d’avancer, je vous prie de regarder dans la corbeille, qui ne contient que de’s outils de menuiserie. Alors moi, par mes enchantements, je ferai en sorte qu’on prenne les deniers pour des outils de menuiserie. Et si le gouverneur trouve fa déclaration conforme à la vérité, il te fera remettre les outils de menuiserie et réclamera pour toi ton salaire ; ainsi tu seras sauvé. Si l’on te donne l’argent, nous en ferons trois parts : l’une pour toi, l’autre pour moi etia dernière pour celui qui a mangé le rognon. »
Le moine suit son conseil ; il prend la corbeille et son salaire et se retire tout étonné. Le démon, l’ayant rencontré
« Tu as très bien fait, lui dit-il, de suivre mon conseil. Je ne suis pas un homme, mais un des démons déchus de la gloire céleste. J’ai voulu faire pénitence et demeurer avec les moines.
Ayant été reçu par Dieu, j’ai désiré te faire connaître, à toi et’ aux autres moines, comment vous devez être sur vos gardes. Va maintenant bâtir un couvent, avec l’argent que tu viens de prendre, pour y recevoir les étrangers, et prie pour moi. Je t’ai dit de partager l’argent et d’en donner un tiers à celui qui a mangé le rognon, pour t’avertir de ton action afin que tu t’attaches, à la vérité que tu possèdes et ne l’échanges pas contre le mensonge. Je t’ai donné la tentation de manger de la. viande, et tu en as mangé ; d’aimer l’argent, et tu en as volé ; je t’ai tenté par l’amour de la vaine gloire, et tu as été séduit en voulant bâtir un couvent. Je t’ai donc vaincu. Maintenant, en
persévérant dans la prière, mets-toi, et mets encore les autres, en garde contre les démons, qui n’ont d’autre but * que de perdre les hommes. »
Le démon disparut ensuite et ne se montra plus; nous prions Dieu le Très-Haut de nous délivrer de la perversité des méchants.
8. HISTOIRE D’ACACE LE 21° CATHOLICOS (484-5/496).
Après le martyre du catholicos Baboy, Acace, le docteur, fut élu catholicos ; il était parent de Baboy, ainsi qu’il le déclare lui-même dans la lettre qu’il écrivit à Bar Ṣawma. Acace fit ses études à l’École d’Édesse ; il trouva Théodule, disciple de l’Interprète’, qui le bénit et le nomma « la colonne de l’Orient ». Il était bon et vertueux. Lors des démêlés de Bar Ṣawma avec Baboy, Acace se rendit d’Édesse à Madā’īn, où il enseigna tout le temps que vécut Baboy, l’aidant et le soutenant avec les évêques. contre Bar Ṣawma. Il réfuta la lettre que celui-ci écrivit contre le
catholicos. Quand il fut à la tête de l’Église, il dirigea les affaires avec beaucoup de sagesse.
Les mazdéens, auxquels il s’opposa, l’emprisonnèrent quelque temps et le maltraitèrent. Les partisans de Bar Ṣawma, qui le détestaient, l’accusèrent d’adultère, mais ils ne réussirent pas dans leur dessein : Acace, pour confondre ses calomniateurs, fut fore de se mettre à nu devant les évêques, afin de leur montrer qu’il était eunuque. Alors ceux qui l’avaient accusé rougirent de leur action. Acace se rendit au pays des Romainns, au temps du roi Zénon, et le pria de rappeler les évêques qu’il avait exilés. Il composa un traité sur la foi, dans lequel il confondit ceux qui confessent une seule nature dans le Christ ; il écrivit aussi trois autres traités sur le jeûne. Les Romains et les Persans rendirent témoignage de sa sagacité et de sa vertu.
9. HISTOIRE DU VENÉRABLE ET SAINT MAR NARSAY, DOCTEUR.
Ce saint vénérable était d’un village appelé `Ayn Dūlbē dans la région de Ma‘altēyē. Il alla avec Acace trouver Théodule, disciple de l’Interprète, qui le bénit et l’appela la langue d’Orient et il le fut. Il séjourna 20 ans à Édesse tes dissidents, ayant appris qu’il professait la même foi que Diodore et de Théodore, voulurent incendier sa cellules ; il s’enfuit à Nisibe, où il trouva une petite école, fondée par Siméon Gramqāyā ; il s’y fixa. L’évêque Bar Ṣawma s’intéressa à sa cause et le soutint. Beaucoup de gens se rendirent auprès de lui de toutes parts ; les Syriens qui étaient à Édesse, se retirèrent, eux aussi, auprès de lui. Il composa 360 homélies métriques correspondant au nombre des jours de l’année et partagées en 12 volumes :
Il y réfuta les écrits de Jacques de Sarūg, et mit à nu la malice de sa croyance. Il écrivit aussi un livre intitulé « De la corruption des moeurs », dans lequel il inséra ce que faisaient les prêtres et les moines hérétiques. Il commenta le Pentateuque, Josué Bar Nūn, les Juges, l’Ecclésiaste, Isaïe, les 12 Prophètes, Jérémie, Ézéchiel et Daniel. Il écrivit aussi des oraisons funèbres. Les dissidents, à sa sortie d’Édesse, avaient brûlé ses livres ou plutôt quelques-uns de ses ouvrages ; il mourut après avoir habité Nisibe pendant 40 ans, et fut enseveli dans l’église, connue sous son nom jusqu’à nos jours.
chèrent sur ses traces. Abraham composa des commentaires sur Isaïe, Josué Bar Nūn, les Juges, Ézéchiel, Daniel, Bar Sira, les Douze, le livre des Rois, le Cantique des Cantiques, des discours
poétiques, des lettres et un traité sur la Cause de la fondation des écoles 2 ; il dirigea l’École de Nisibe environ 60 ans et eut plus de mille disciples.
Jean rédigea un volume de Questions et de Commentaires sur le Pentateuque, Jérémie, Ézéchiel et Job ; un autre livre contre les Juifs et un autre contre les Mazdéens ; il composa aussi des oraisons funèbres, des homélies, des discours sur les Rogations et un discours sur la mort de Ḫosrō Qawad.
Ma`na, qui a été nommé métropolitain de Perse, était-lui aussi avec Narsaï, Bar Sauma et Acace dans l’École d’Édesse ; il était originaire de Širaz ; quand il fut nommé métropolitain, il traduisit du grec en syriaque les livres de Diodore et de Théodore. Mâna et Marna, métropolitains de. Perse, qui furent presque les contemporains de l’Interprète, ne les avaient point traduits.
Après Mâna, Marna et Mari, métropolitains de Perse, ce fut ce saint qui proclama la foi orthodoxe dans le pays de Perse. Ibas, évêque d’Édesse, avait déjà écrit à Mari ce qui était arrivé à Nestorius avec Cyrille. Marna rédigea aussi en persan des odes religieuses, des poésies et des hymnes pour être chantées à l’église ; il envoya les livres qu’il traduisit aux pays maritimes et aux Indes. Il s’opposa d’abord à Baboy et soutint Bar Ṣawma, mais ayant assisté au Synode d’Acace, il annula ses premières démarches.
10. HISTOIRE D’ANASTASE, ROI DES ROMAINS ; CE QUI ARRIVA DE SON TEMPSDE LA PART DE SÉVÈRE ET DE SES PARTISANS (491-
En 802 d’Alexandre (491), année à laquelle mourut Piroz, roi de Perse, Anastase régna sur les Romains après Zénon. Il s’attacha à la croyance de Sévère, en confessant une seule nature dans le Christ et en se détournant de la croyance de Macédonius, patriarche de Constantinople. Deux hommes maudits, dont l’un se nommait Damastius le sophiste et l’autre Mazphola, s’étant liés avec lui, lui enseignèrent l’erreur des dissidents. Sur l’ordre d’Anastase, Sévère et ses partisans se réunirent et anathématisèrent quiconque confesserait deux natures dans le Christ et recevrait les décrets des Pères du concile de Chalcédoine, que du reste ils excommunièrent. Ils ajoutèrent au Sanctus Immortalis ces paroles : Qui crucifixus es pro nobis. Les gens s’agitèrent et voulurent
déposer le roi.
« Comment, dirent-ils, pourrait-il régner sur nous celui qui attribue le supplice de la croix au Dieu, puissant et grand, créateur du ciel et de la terre ? »
Le maitre de la milice d’Anastase, qui était orthodoxe, se révolta et marcha contre lui. Devant le danger qui le menaçait, Anastase ôta la couronne de sa tête, et, promettant de revenir sur ses actes, pria le maître de la milice de renoncer à son projet. Le peuple se calma. Mais dès que le maître de la milice se fut retiré dans le pays de la Thrace, Anastase reprit son oeuvre mauvaise : il ajouta de nouveau le canon au Trisagion, tua plusieurs moines solitaires, et, pour plaire au maudit Sévere et à ses partisans, exila beaucoup de Pères orthodoxes.
En la dixième année de son règne, le 2 hazirân, à trois heures du jour, le soleil s’éclipsa ; la terre resta enveloppée de ténèbres pendant 4 heures du jour, en sorte qu’on ne voyait rien. Il y eut un terrible tremblement de terre à Constantinople. Les sauterelles vinrent aussi en grande quantité ravager les récoltes
Le disque du soleil, durant 14 mois, parut inégal : ce qui excita l’étonnement de tout le monde et fit croire qu’il resterait toujours ainsi, en punition de l’excommunication des Pères. La ville de Nicopolis s’affaissa et, engloutit ses habitants
« Dieu, disaient le roi et Sévère, châtie ceux qu’il aime. »
Anastase soutint les dissidents durant toute sa vie ; Sévère, que nous venons de mentionner, était originaire de l’Asie ; il était païen ; il apprit la philosophie en Palestine ; il reçut le baptême à Constantinople [sic, à Tripoli] dans un couvent, connu sous le nom de Théodore, bâti par des moines eutychiens [sic, à Gaza]. Les moines de ce couvent n’admettent ni le baptême, ni le sacerdoce, prétendant que toutes choses ont été corrompues depuis le concile de Chalcédoine, qui avait enseigné deux natures dans le Christ. Ce monastère avait un chef nommé Épiphane. Celui-ci étant tombé malade :
« Que ferons-nous, dit-on, s’il vient à mourir ? Qui transmettra le sacerdoce à cette Congrégation, qui n’a point d’évêque ? » Il bénit une chape et leur dit : « Lorsque vous voudrez ordonner un prêtre ou un diacre, vous la lui mettrez sur la tête. »
Après sa mort, on lui coupa la main droite, qu’on embauma et qu’on mit avec la chape. C’est dans ce couvent que se fixa Sévère. Philoxène (Akhasnâyd) et les évêques ses partisans,
ayant vu sa sagacité et son aptitude à défendre leur secte, l’ordonnèrent patriarche. Sévère, soutenu par Amantius, chambellan du Roi, réunit ses sectateurs et anathématisa tous ceux qui s’étaient rassemblés à Chalcédoine et qui admettaient deux natures dans le Christs. Les oiseaux d’or, que le roi Constantin avait fait fabriquer et placer sur le baptistère dans l’église d’Antioche, Sévère les prit, les fondit et les donna à son complice’. Hormisdas (Ilourmyoudh), patriarche de Rome, ayant appris ces nouvelles, réunit les Pères et anathématisa Sévère. Celui-ci implora le secours d’Anastase et causa beaucoup de maux. Il envoya en Perse des légats, munis de ses lettres, pour proclamer sa croyance.
Jacques de Sarūj, qui était orthodoxe ; qui avait fait ses études avec Bar Ṣawma dans l’École d’Edesse ; qui défendait la doctrine des Pères de Chalcédoine, qui avaient enseigné deux natures dans le Christ, ayant vu que le roi soutenait et fortifiait la secte de Sévère et de ses partisans, s’écarta de sa croyance pour passer à celle des hérétiques et pour être rebelle à la vérité. Sévère et Philoxène l’ordonnèrent évêque de Batnan.
Il écrivit beaucoup de discours poétiques touchant l’économie de Notre-Seigneur, dans lesquels il défend et la doctrine de Julien, quienseignait l’immortalité du corps de Notre-Seigneur, et celle de Sévère etde ses partisans, qui admettaient une seule nature dans le Christ et l’uniondes personnes : au sens très grossier. Il envoya ses livres et ses discours en Šām, ou ils furent reçus par les Sévériens et par ceux qui confessaient deux natures dans le Christ. L’imposteur ! il attribua la passion et lamort à l’essence divine. Il donna son nom aux Jacobites jusqu’à nos jours.
11. HISTOIRE DE MILAS, ROI DE PERSE.
Après la mort de Piroz, les Persans furent en désaccord sur l’élection d’un roi. Finalement toutes les voix tombèrent sur son fils Milas ; on le fit régner, et on rejeta Qawad. Milas (Bala) fut bienveillant envers les chrétiens ; les églises furent rebâties de son temps. Il faisait bon accueil au catholicos Acace, qui se présentait chez lui.
La deuxième année de son règne, les hérétiques et les partisans de Sévère se mirent à répandre en Perse leur doctrine et à corrompre la croyancedes gens ; ils purent facilement et promptement les instruire, les baptiser etbâtir pour eux des églises. Le catholicos Acace, ayant eu connaissance de ce qu’ils faisaient, réunit les Pères pour les anathématiser, eux et tous les ennemis de la foi orthodoxe. Il établit des canons concernant la discipline ecclésiastique ; il prescrivit aux moines et aux dévots d’établir, selon l’usage, leurs demeures dans les lieux éloignés des hommes, et leur interdit d’habiter les villes, les villages et les localités où se trouvaient déjà des évêques et des prêtres, d’y offrir les oblations, ou d’y administrer le baptême, corrompant ainsi les lois de l’Église et jetant le trouble parmi les fidèles.
Il fit cela à cause des hérétiques, qui étaient venus en Perse et qui se donnaient des airs d’ascétisme et de mortification. Il anathématisa quiconque s’insurgerait contre ce qu’il venait d’établir ; il se réconcilia avec Bar Ṣawma et commença à correspondre avec lui ; il annula tous les anathèmes et interdits que Baboy et Bar Ṣawma avaient portés l’un contre l’autre.
A la mort d’Acace, patriarche de Constantinople, Euphémius lui succéda ; il était âgé, versé dans, les écrits de l’Interprète : ce dont il se glorifiait. Il était l’ami de Bar Ṣawma, métropolitain
de Nisibe et son correspondant. On l’accusa devant le roi Anastase d’être attaché à la croyance de Nestorius, il y en a qui disent qu’ayant désobéi au roi, qui le pressait d’anathématiser Diodore, Théodore, Nestorius et leurs partisans, il fut exilé et remplacé par le moine Macédonius, qui lui aussi était orthodoxe et professait deux natures dans le Christ. Mais Anastase ne le sut qu’après l’avoir rétabli. Il réunit un synode, dans lequel il anathématisa Dioscore et son concile. Il fit même des reproches à Anastase sur sa croyance. Celui-ci, irrité, le chassa sous prétexte qu’il professait la croyance d’Eutychès et d’Apollinaire.
12. HISTOIRE DE QÂWAD, ROI DE PERSE.
Quand les Persans élurent Milas, fils de Piroz, et rejetèrent Qawad, celui-ci, irrité, se rendit auprès du roi des Haphtarites, et lui raconta l’histoire de Milas jusqu’à son avènement. Il fut bien accueilli et resta chez lui 3 ans. La quatrième année il l’envoya avec des troupes pour combattre son frère. A son arrivée à Madā’īn, il le trouva mort. Ainsi les gens furent quittes de la guerre et du sang versé. Il avait régné 4 ans. Il y en a qui disent qu’on le massacra, après lui avoir crevé les yeux.
Il avait bâti une ville sur les rives du Zab, dans le territoire de Margā.
Qawad régna sans difficulté ; il envoya des présents au roi des Haphtarites. Bien loin de punir ses sujets de ce qu’ils avaient fait, il leur fit au contraire du bien.
Il était le plus doux des rois de Perse et le plus versé dans le mazdéisme. Au commencement de son règne, il s’appliqua à bâtir des villes et des villages. Il jeta sur les rivières des ponts en pierre et en bois ; il fit monter l’eau en des endroits difficiles ; il bâtit dans les régions de Mossoul et d’Iraq beaucoup de villages, où il transporta des gens venus d’ailleurs qu’il appliqua à l’agriculture. Il donna la permission de bâtir des églises et des couvents ; il soutint la doctrine de Zoroastre, qui reconnaissait deux grands et éternels principes et la communauté des femmes, en sorte qu’aucun homme ne devait s’unir à une femme à l’exclusion d’un autre. Il fit même construire dans tout son empire des temples et des hôtels, pour y réunir les plus voluptueux des hommes et des femmes, adonnés à l’incontinence : ce qui causa beaucoup de peine aux mazdéens à cause de leurs femmes et de leurs enfants.
A l’instar de Julien, roi des Romains, il diminua les dépenses de cuisine :
« Un tel luxe, disait-il, devient de la prodigalité. »
Il imita les Romains en creusant des canaux, pour l’amélioration de la culture des terrains. Il détestait les luttes et les guerres.
Les Mazdéens le prièrent d’annuler les lois dans lesquelles il prescrivait les pratiques de la religion de Zoroastre ; il refusa en leur disant :
« Le mazdéisme ordonne que la femme ne soit point empêchée de s’unir secrètement à un autre mari que le sien ; et, si elle vient à avoir un enfant d’un autre mari que le sien, elle devra le lui attribuer. »
Ils employèrent des ruses pour le tuer, mais ils ne purent. Enfin au bout de 10 ans de règne, ils parvinrent à le déposer
13. HISTOIRE D’ÉLISÉE (502-509), le DOCTEUR, MÉTROPOLITAINDE NISIBE.
Qawad ordonna que chaque religion qui se trouvait dans son empire fitun traité sur sa foi, pour le lui présenter. Le catholicos Acace, ne pouvant y travailler, parce qu’il était absorbé par la direction des affaires ecclésiastiques, écrivit à Élisée, qui était interprète à Nisibe, et un de ceux qui avaient quitté Édesse avec Narsay, pour le prier de composer un livre, dans lequel il prouverait la réalité et l’orthodoxie de la religion chrétienne.
Celui-ci écrivit sur la vraie religion un ouvrage divisé en 38 chapitres, ayant pour sujet : l’essence divine, la Trinité, la création, l’hexaméron, la formation de l’homme, la création des anges, la chute de Satan et la venue de Notre-Seigneur à la fin des temps ; il l’envoya à Acace, qui le traduisit en persan et le présenta à Qawad. Ce roi le préféra à tous les autres ouvrages qui lui furent présentés. Le même docteur rédigea aussi des commentaires sur toutes les lettres
les Juges. Il compléta le Commentaire de l’Interprète sur Samuel, depuis la prière qu’il avait faite; il écrivit aussi la Cause de la fondation des écoles.
14. HISTOIRE DE ZAMASP, ROI DES PERSES.
Les mazdéens, après avoir déposé Qawad, élurent Zamasp à sa place ; quant à Qawad, il fut jeté en prison. Sa soeur voulut parvenir jusqu’à lui, mais elle n’y réussit pas malgré ses efforts réitérés. Elle s’adressa alors à Zamasp, qui, cédant à ses instances, lui permit d’entrer chez son frère et de rester auprès de lui. Dès lors, elle ne cessa d’employer des ruses pour le faire sortir de prison. Finalement, elle eut recours au stratagème que voici : elle enveloppa son frère dans une natte, et, déclarant que c’étaient les habits, dont elle s’était servie pendant ses règles, elle fit venir le blanchisseur pour les emporter et les laver. Les gardes de la prison n’en approchèrent pas, de crainte d’étre souillés : ainsi Qawad s’échappa et s’enfuit auprès du roi des Turcs, avec lequel il avait déjà contracté une étroite amitié, lors de son séjour chez lui du temps de son père.
Ayant imploré son secours, il obtint de lui des troupes avec lesquelles il retourna clans son pays, renversa Zamasp, après 2 ans de règne, et le rejeta ; il tua quelques mazdéens et en emprisonna plusieurs. Il fut bienveillant envers les chrétiens, parce que quelques-uns d’entre eux lui avaient rendu des services dans sa fuite au pays des Turcs.
15. HISTOIRE DE BABAY, LE 22° DES CATHOLICOS
Le catholicos Acace que ses prières soient avec nous — mourut dans la ??? année de Qawad. L’évêque de Ḥīra, qui était son disciple, transporta son corps à Ḥīra, où il l’ensevelit. Zamasp régna. Les chrétiens eurent besoin de choisir un catholicos. Zamasp avait un astrologue chrétien,
appelé Moïse ; celui-ci demanda à son maître la permission de faire élire un catholicos. Ayant été exaucé, tous les Pères choisirent un habitant de Séleucie, parent de l’astrologue Moïse, et secrétaire du Marzban de Beyt Aramâyē (Nabṭ). Il s’appelait Babay, fils de Hormizd. Il était très àgé ; il avait une femme et des enfants ; il était vertueux et versé dans les Écritures ; il donnait l’hospitalité aux évêques et aux étrangers, imitant la conduite des moines et des saints. Babay refusa ; mais les évêques ne le quittèrent qu’après l’avoir ordonné catholicos.
Zamasp, ainsi que Qawad après son retour du pays des Turcs, se montrèrent bien disposés en sa faveur.
Babay réunit 32 Pères ; il établit des lois pour le gouvernement de l’Église ; il annula les correspondances de Baboy, de Bar Ṣawma et d’Acace et les anathèmes qu’ils avaient lancés les uns contre les autres. Admettant ce qu’Acace, Bar Ṣawma et les évêques avaient établi sur le point du mariage, il ordonna que tous les ministres de l’Église contracteraient ouvertement mariage avec une seule femme ; il ordonna aussi que la réunion des Pères se tiendrait une fois tous les 4 ans, au mois de Tešrin II (Novembre), près du Catholicos, pour régler les affaires de l’Église et subvenir à ses besoins.
Un jour qu’il se présenta avec Moïse, son parent, chez le roi Zamasp :
« Les cadavres, lui dit celui-ci, sont pourris et réduits en poussière. Pourquoi donc honorez-vous les ossements des morts ? Pourquoi les vénérez-vous et ne les mettez-vous pas, à l’exemple des mazdéens, dans les sarcophages ?
-Nous savons, lui répondit-il, que les corps des hommes sont dans une inertie absolue et qu’ils sont consumés et réduits en poussière ; mais nous croyons qu’ils ressusciteront beaucoup plus beaux et plus éclatants qu’ils ne l’étaient. Cette doctrine nous a. été confiée par les livres de notre religion : En un clin d’œil tous les hommes ressusciteront immortels. Comme le Christ est ressuscité des morts, de même nous aussi nous ressusciterons ; comme le grain, qui meurt sous la terre et qui perd sa beauté, pousse ensuite pour être plus beau qu’il ne l’était, ainsi feront les fils d’Adam. Si tu ne crois pas à ce que je viens de dire, considère que l’homme doit son existence à une goutte, qui le forme dans les ténèbres des entrailles ; puis il reçoit des membres, des veines et des os ; enfin, au bout de neuf mois, par la toute-puissance de Dieu, il vient tout formé au monde. Il en est ainsi de la résurrection et du changement de l’homme et de l’état des corpS après leur résurrection. »
Le roi approuva sa parole. Babay sortit de chez lui content. Les affaires marchèrent bien de son temps; il reposa après un pontificat d’environ 5 ans.
16. JOLIE HISTORIETTE
Un des Pères raconta ceci : Il y avait dans une localité, une femme riche, charitable et vertueuse. Elle avait pour voisine une pauvre veuve, à laquelle elle faisait l’aumône. Un jour que cette dernière se trouvait seule chez la femme riche, celle-ci sortit ses bijoux pour s’en parer après qu’elle aurait fini son travail ; elle perdit un collier de perles ; l’ayant cherché inutilement partout, elle soupçonna la veuve de l’avoir volé et le lui réclama.
La veuve nia et jura qu’elle ne savait rien de tout cela, que jamais elle ne se serait permis cette mauvaise action en retour des bienfaits qu’elle avait reçus d’elle.
Leur querelle se prolongea et les gens en furent informés ; on jugea que, vu l’impossibilité de trouver des témoins du fait, il fallait faire jurer la femme soupçonnée et frapper d’excommunication, par la parole de Dieu, celle qui aurait pris le collier. Les deux femmes y consentirent. On pria un prêtre aveugle, qui passait par là et qui se rendait à l’église sous la conduite d’un enfant, de faire tomber l’excommunication sur le voleur. Le prêtre refusa.
Puis, comme on insistait, il dit
« Celui qui a pris le collier est obligé par la parole de Dieu de le rendre. »
A peine avait-il achevé ces mots, qu’une souris sortit, tenant le collier à la bouche ; et après l’avoir jeté devant les gens, qui
attendaient le résultat, et s’être éloignée un peu, elle creva. Les gens émerveillés adressèrent à Dieu de multiples louanges pour ce qu’ils venaient de voir. J’ai rapporté cette histoire étonnante, afin que les ignorants ne méprisent pas la parole divine ni l’excommunication lancée par les prêtres.