Nous avons rapporté, dans nos précédents ouvrages, les opinions diverses sur l’origine du genre humain et sur sa dispersion à la surface de la terre, professées par les différentes sectes, tant de ceux qui suivent la loi que de ceux qui refusent de s’y soumettre, comme les brahmanes et autres, mais enseignent pourtant que le monde est produit; nous n’avons pas omis non plus de reproduire les doctrines des anciens sages de l’Inde, des philosophes, des dualistes manichéens, et en général de tous ceux qui ont disputé sur ce sujet. Parions donc maintenant des sept nations. Ceux qui ont étudié l’histoire des peuples antiques et les contrées où ils ont vécu pensent que dans les anciens âges les nations les plus puissantes et les plus importantes étaient au nombre de sept, différant entre elles en trois points : les caractères physiques, les mœurs, le langage.
Les Perses sont une nation dont le territoire comprend le Djébal, c’est-à-dire la région des Mahat et d’autres régions, l’Aderbaïdjàn jusqu’au pays d’Arménie, le territoire d’Arrân et de Beïlakau jus([u’à Derbend qu’on appelle aussi Bâb al-Abwàb, Rey, le Tabaristàn , al-Maskat, ech-Ghabarân, Djourdjân, Ebréchehr ou Niçabour, Hérat, Merw et d’autres pays du Khoraçân, le Sedjestàn, la Karmanie, le Fars, l’Ahwaz et des contrées voisines formant aujourd’hui le territoire des peuples ‘Ajam. Tous ces pays constituaient un seul royaume régi par un seul roi, ils parlaient la même langue, sauf de légères différences que présentaient leurs idiomes; en effet des idiomes sont une même langue, lorsque les lettres que l’on écrit y sont les mêmes et qu’elles y sont composées entre elles de la même façon, bien que toutes les autres particularités ne s’accordent pas comme on le voit dans le Pehlwi, le Déri, l’Adéri et les autres idiomes perses.
La seconde race est celle des Khaldéens ou Syriens.
Il en est fait mention dans la Tôrah où Dieu, puissant et grand, dit à Abraham :
« Je suis le Seigneur qui t’ai tiré du bûcher des Khaldéens. Je te donnerai ce pays en héritage. »
Aristote en parle aussi dans son traité intitulé « du Gouvernement des villes ». Il y décrit les gouvernements de plusieurs nations et de nombreuses cités chez les Grecs et chez les différents peuples. Ce traité s’appelle en grec Politique (Bûlitik).
Les peuples et les cités dont il fait mention sont au nombre de 170. Aristote a encore parlé de cette nation dans plusieurs traités, ainsi que Ptolémée et d’autres savants. Tous l’ont désignée par ce nom de Khaldéens. Le siège principal de leur puissance était la ville de Kalwàda dans l’Irak, d’où leur est venu leur nom. Parmi les peuples et tribus de cette race, étaient les Ninivites, les Assyriens, les Araméens, les Ardawâns, les Djerâmakah, les Nabatéens de l’Irak, les habitants du Sawad. Le nom do Nabatéens est venu, dit-on, à ce peuple de ce qu’il descendait de Nabit b. Baçur b. Sham b. Nûh ; selon d’autres, de ce qu’il drainait les terres et canalisait les eaux; et ces étymologies ne sont pas les seules. Il y a encore d’autres tribus et peuples de race Nabatéenne. On a dit que les Araméens furent appelés de ce nom parce que, après l’extermination des ‘Ad, on donna aux Thamûd le nom d’Aram, et que, après la destruction des Thamûd, les survivants des habitants d’Aram furent nommés Armàn ; ceux-ci sont les Nabatéens Araméens. Ibn al-Kalbi et d’autres savants arabes parlent d’une manière analogue dans leurs récits sur les nations de l’antiquité.
Le territoire occupé par les Khaldéens comprenait l’Irak, le Diar Rabï‘a , le Diar Mudar, la Syrie, le territoire actuel des Arabes nomades et sédentaires c’est-à-dire le Yémen, le Tihâma, le Hijâz, le Yamâma, l’Aroud, le Bahrayn, le Chihr, le Hadramaut, Oman, et le désert tant du côté de l’Irak que du côté de la Syrie. Toute cette région, qui est la péninsule des Arabes, formait un seul royaume, gouverné par un seul roi, et où l’on parlait une seule langue, la langue syrienne. C’est le langage originel, celui d’Adam, de Noé, d’Abraham, et d’autres prophètes, comme l’enseignent les exégètes.
Les idiomes des différents peuples syriens n’ont entre eux que des différences légères, du même ordre que celles que nous avons signalées dans la langue perse. L’hébreu est un de ces idiomes. L’arabe est, après l’hébreu, l’idiome le plus voisin de la langue syriaque, et la différence entre l’arabe et l’hébreu n’est pas considérable. On dit que le premier qui parla hébreu fut Abraham, l’Ami de Dieu , après qu’il fut sorti du bourg appelé Our Kachd du pays de Kouta dans le Khounirat qui est le climat de Babel , qu’il fut venu à Harran, en Mésopotamie, et qu’il eut passé l’Euphrate pour se rendre, avec ses compagnons, en Syrie. Il parla alors cette langue qui prit le nom d’hébreu parce qu’elle apparut au temps de ce passage, du mot ‘Abr, passage. C’est dans cette langue que fut révélée la Tôrah. Mais les Israélites de l’Irak parlent un idiome syrien désigné par le nom de Targûm, dans lequel ils traduisirent la Tôrah de l’hébreu ancien, parce que cet idiome leur est usuel et clair, au lieu que l’intelligence et la prononciation de l’hébreu sont difficiles à la plupart d’entre eux.
Il est communément admis par les Nizarites, qui sont les descendants de Rabî‘a et de Mudar, les deux purs Ismaélites, et les descendants d’Iyâd et d’Anmar que l’on dit être fds de Nizar b. Ma‘add b. ‘Adnan […] b. Nabit b. Kaïdar b. Ismaël fils d’Abraham, ou qui sont, selon une variante, […] par les Yéménites, qui sont les descendants de Himyar et de Qahtan b. Saba […] b. d’Arfakhshad b. Shâm b. Nûh, et parmi lesquels d’autres descendent de Jurhum et de Hadramaut b. ‘Abir, par les Israélites et par d’autres tribus, — qu’Abraham l’Ami de Dieu parlait la langue syrienne et qu’il était Abraham fils de Tarikh ou Azer fils de Nakhor fils de Saroug fils d’Arou fils de Faleg fils d’Abir fils de Chalikh fils d’Arfakhchad fils de Sem fils de Noé […] apparenté aux Yéménites par Abir.
La plupart des généalogistes et des savants Yéménites croient que le premier qui parla l’arabe fut Yarub b. Qahtan, et qu’il tira son nom de ce qu’il avait donné aux mots des formes arabes; que la langue de Qahtan n’était pas l’arabe, mais qu’elle était conforme à la langue originelle, celle de Sem fils de Noé et d’autres patriarches; qu’Ismaël fils d’Abraham commença seulement à parler l’arabe au temps où, tout enfant, il fut établi avec sa mère Hagar à la Mecque, au milieu des Amalécites descendants d’Amlâk fils de Loud fils d’Aram fils de Sem fils de Noé et des Djorhomites.
Les Nizarites descendants d’Ismaël fils d’Abraham et les Israélites descendants d’Isaac fils d’Abraham s’accordent aussi à dire qu’Abraham ne parlait pas arabe non plus qu’Isaac son fils et que le premier qui s’exprima et parla en arabe fut son fils Ismaël.
Tous les Nizarites et tous les Yéménites s’accordent encore à dire que Houd et Sâlih étaient deux arabes qui furent envoyés aux tribus d’Ad et de Témoud et qu’ils étaient antérieurs à Abraham l’Ami de Dieu, bien que la Tôrah ne fasse pas mention d’eux.
[…]
Chaque année inventeront-ils une nouveauté condamnable et donneront-ils d’un songe une explication fausse ?
Ad a une tradition qu’il garde; nous la révérons toute notre vie et jusqu’à la tombe.
Nous rougirions des choses au sujet desquelles nous insultent, entre autres, Djorhom et Himyar,
Les histoires de Himyar et de Kehlân sont fort anciennes, elles sont d’une antiquité plus haute que celle de plusieurs nations disparues; les siècles se sont écoulés à côté d’elles, et les années se sont accumulées sur elles par milliers. Les hommes ont dit à ce sujet une foule de choses; mais la plupart de leurs discours remontent à Abîd fils de Ghariah le Djorhomite, aux narrateurs de Hîrah ou à d’autres. Les controverses qui eurent lieu sur ce point entre les Yéménites et les Nizarites sont volumineuses et leurs discussions prolongées. Ce serait la matière d’un fort chapitre et de discours étendus. Mais qui s’est imposé d’être bref doit s’interdire les développements. Nous avons traité ce sujet et reproduit presque tous les arguments et prétentions formulés par les parties adverses en prose et en vers, dans le livre « des diverses sortes de connaissances et de ce qui est arrivé dans les siècles passés » et dans le livre « du mémorial des événements des anciens Ages ». Dans le présent ouvrage nous ne donnons que la substance de chaque sujet pour rappeler l’attention sur nos livres précédents et passer en revue ce qu’ils contiennent. Celui-ci en est à la fois comme le couronnement et l’escalier qui y donne accès.
La troisième race est celle des Grecs, des Romains, des Slaves, des Francs, et des nations voisines qui habitent sous l’Aquilon, c’est-à-dire au nord. Toutes ces nations parlaient la même langue et obéissaient à un même roi.
La quatrième race est celle de Libye comprenant les peuples qui habitent l’Egypte, les contrées voisines dans le Teïman ou Midi, et la contrée du Magreb jusqu’à la mer extérieure Océan. Ces peuples parlaient une même langue et obéissaient à un même roi.
La cinquième race comprend les différentes branches des Turcs, les Khourlakhïah, les Gozzéens, les Kaïmak, les Tougouzgouz et les Khazars. Ces derniers sont appelés en turc Sabir et en persan Khazaràn; ils constituent une peuplade turque sédentaire. Leur nom a reçu en arabe la forme d’al-Khazar. Cette race comprend encore d’autres branches qui toutes parlaient la morne langue et obéissaient à un même roi.
La sixième race comprend les peuples de l’Inde et du Sind et des contrées avoisinantes. Ils parlaient une même langue et obéissaient à un même roi.
La septième race comprend les peuples de la Chine, du Sîla (Corée) et des contrées attenantes habitées par les fils d’Amour fils de Japheth fils de Noé. Ils avaient un même roi et une même langue.
Dans la suite les hommes se multiplièrent dans chaque race; les peuples se formèrent et se ramifièrent en peuplades et en tribus; les idiomes divergèrent; les nations se scindèrent et devinrent distinctes; elles se spécifièrent par des différences dans les croyances, dans la religion, dans les habitations et dans les rites.
Ces sept races étaient distinctes les unes des autres et chacune avait un roi qui lui était propre. Toutes adoraient les idoles; mais chacune honorait des idoles, images de certains dieux différents des dieux qu’adorait une autre; pourtant ces images variées étaient toutes des symboles représentant les substances supérieures et les corps célestes qui sont les sphères des sept étoiles, à savoir des deux luminaires le soleil et la lune et des cinq planètes Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, Mercure, auxquelles il faut joindre les autres étoiles douées d’influences sur notre monde terrestre. Les lois de chaque race dépendaient de son culte, des moyens qu’elle avait de vivre, du tempérament physique avec lequel avaient été créés les hommes qui la composaient et ceux des autres races dont elle était voisine.
Nous avons parlé, dans le livre « du mémorial des événements des anciens âges », auquel le présent ouvrage sert de suite et de complément, des sept célèbres assemblées que tinrent, dans l’antiquité, les sages de ces sept races ; chaque assemblée comprenait sept sages ; elles eurent lieu en des âges différents et à des époques éloignées les unes des autres, par suite de situations et de circonstances diverses. C’est à ces sages qu’on doit toutes sortes de remarques et d’observations et un grand nombre d’enseignements et de leçons sur les événements qui se sont produits dans chaque âge, renversements de dynasties, changements de religions, ainsi que des discours sur le monde, sa nature, ses dispositions, ses fins, la succession en lui des causes et des effets, la relation de ses parties externes et internes, les essences qui le composent, la procréation et la croissance des corps, ce qui adviendra de lui après sa destruction, et toutes sortes de recherches et d’observations sur des sujets analogues.
Ayant traité des sept races, des lieux qu’elles ont habités, de leurs langues, de leurs croyances, et de toutes les questions qui se rapportent à celles-là, nous allons parler des Perses, de la succession de leurs rois et des années de leur règne.