Au mois de septembre 1~89, M. Matra~
consul de sa majesté britannique’à. Tanger~
s’adressa, au général Oharà commandant
Gibraltar, pou!’ le p~er d’envoyet un chirut-<
'A
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(~)
l\Jr" 10'" Ah
glen expérimenté à Muley Absulem, fils chéri
de l'empereur de Maroc, qui étoit menacé de
perdre la vue.
L'expression de Muley devant être souvent
employée dans le cours de cet ouvrage, je
dois prévenir le lecteur que c'est un titre
honorifique qu'on donne à la famille royale
de Maroc, et qui revient à celui de prince
dans un'autre pays. 1
Muley Absulem, dont les yeux étoient dans
le plus triste état, souhaitoit ardemment de
consulter quelque médecin européen, croyant
qu'il en obtiendroit plus de soulagement que
des mauvais Esculapes de l'empire de Maroc.
Il avoit pron~a de récompenser magninque-
ment celui qui le guénroi.t il devoit être dé-
frayé par-tout, et avoir, pour sa sûreté per-
sonnelle, un détachement de soldats maures
qui lui serviroient d'escorte pendant le voyage
mais ce qui étoit le plus fait pour déterminer
une âme sensible à. se rendre au desir du
prince, c'étoit la promesse de remettre au
médecin qui entreprendroit sa guérison, plu-
sieurs captifs chrétiens qui languissoient dans
JLes fers. On comptoit parmi ces infortunés le
capitaine d'un vaisseau anglais, et neuf ma-
telots de cette nation, qui avoient eu le mal-
heur d'échouer sur là côte d'Afrique, dans
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T)ar des AraL<
la partie habitée par des Arabes sauvages.
On verra, par les détails dans lesquels j'au-
rai occasion d'entrer, le peu de fonds qu'il y
avoit à faire sur la parole du prince africain.
Je dirai seulement ici qu'étant prévenu avan-
tageusement (ainsi que la plupart des hommes)
pour les personnes d'un rang distingué, et
sur-tout entraîne par cette avide curiosité si
naturelle à la jeunesse, on n'eut pas de peine
à me décider à entreprendre un voyage qui
me mettoit à même de voir un pays très-peu
connu des Européens.
Quoique mes espérances aient été trompées
par rapport aux avantages pécuniaires sur
lesquels je devois naturellement compter
cependant je ne saurois regretter d'avoir fait
un voyage qui m'a procuré plus de cohnois-
sance des mœurs et des coutumes de ces con-
trées barbares, qu'aucun Européen n'en avoit
acquise avant moi. Le harem royal, cette en-
ceinte impénétrable, m'a été ouvert, et rien
de cet asyle n'a échappé à ma curiosité, il est
vrai que je ne me suis tiré que par une espèce
de. miracle des dangers que j'ai courus mais
le bonheur d'avoir fait sur les lieux des notes
qui pourront amuser mes lecteurs, me console
de toutes les peines que j'ai essuyées il ne
'm'en restera aucun souvenir, s'ils daignent
a
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accueillir cet ouyrage avec indulgence, et
s'ils trouvent quelque pl&isir à lire les aven-
tures qui me sont arrivées chez un peuple
ignorant et barbare.
Le jour de mon départ étant fixé et l'équi-
page d'un homme accoutumé à voyager mili-
tairement, ne demandant pas de grands pré-
paratiis, je fus bientôt prêt à partir. Je fis
YQile de Gibraltar le t4 septembre 1~8~ à.
bord d'un petit bâtiment qui me transporta
en six heures à Tanger, où M. Matra m'at-
tend.oit. La bonne réception qu'il me nt, et
les services qu'il m'a rendus pendant mon
séjour en Barbarie, lui ont acquis à b~en juste
titre des droits ma reconnoissànce.
J'appris bientôt que Muley Absulem que j&
venons traiter, étoit, au moment de monarri-.
\ée, par tordre de l'empereur son père à la
tête d'unp armée, dans les montagnes qui se-
parent la ville de Maroc de celle de Taru-
dant. Cette circQnsta.nce m'obligea, dé rester
à Tanger, jusqu'au retour du prince à Taru~:
dant, ou i~ faisoit saL résidence ordinaire.
personne n'ignore que la ville et le fort de
Tanger faisoien~ autrefois partie des posses".
siqns étrangères de la Grande -< Bretagne. L~
vme étpit bien fortinée t lorsqu'elle apparte-
npit au~ Anglaise ntais quand tis l.'a.bandoh-
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existe de
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.nèrent sous le règne de Charles II, ils en dé-~
truisirent les fortifications. On voit encore des
vestiges de cette démolition. Il ne subsisté
plus qu'un petit fort en assez bon état, situé
à l'extrémité nord de la ville, et une batterie
de canon en face de la baie. Cette place étant
aussi mal défendue, il est évident qu'elle ne
pourroit faire qu'une foiblé résistance contre
l'ennemi qui l'attaqueroit.
La ville occupe un très-petit espace, et
n'a rien de remarquable; elle est bâtie sur
une éminence fort près de la mer elle e§t en-
tourée d'une vieille muraille qui tombe en
ruine, ses environs sont couverts de vignobles;'
on y voit quelques vergers ensemencés en
bled. En s'éloignant de la ville, on ne trouve
que du sable et des montagnes arides et sans
culture. La situation de Tanger n'est rien
moins qu'agréable les maisons y sont en
général mal bâties, et annoncent la misère,
Leurs toits sont plats. Les murs sont commu-
nément blanchis à. l'extérieur.. Le plancher
des appartenions est simplement de terre bat-
tue. Les maisons n'ont point de second étage.
Les juifs et les Maures vivent mêlé$ en-
semble à Tanger ce qui se. voit rarement
en Barbarie. Cette'cordialité entretient plus.
de confiance entr'eux qu'il n'en existe dans
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le l'empire at
les autres parties de l'empire aussi les juifs
au lieu Je marcher nu-pieds, comme à Maroc,
à Tarudant et dans plusieurs autres villes, ne
sont assujétis à ce pénible usage que quand ils
passent dans une rue où il se trouve une mos-
quée, ou un de ces édifices appelés sanctuaires,
qui sont particulièrement révérés des Maures.
Tous les consuls étrangers ( excepté celui
de France .qui est établi à Salé ) font leur
résidence à Tanger quoique les habitans n'y
soient pas plus civilisés que dans les autres
villes de Maroc. Avant le règne de Sidi-Ma-
homet, il leur étolt permis de s'établir à
Tétuan, qui est bien préférable à Tanger,
sur-tout à cause de l'agrément 'des campa-
gnes qu'on trouve dans les environs. Une
aventure de fort peu d'importance fit chasser
les chrétiens de cette agréable cité. Un euro-
péen qui s'amusoit à tirer des oiseaux dans
le voisinage de la ville, eut le malheur de
blesser 'upe femme maure qui se trouva par
hasard dans la direction de son fusil, et cet 't
accident ayant été rapporté à l'empereur, il
jura D~r sa barbe qu'aucun chrétien n'entre-
troit à l'avenir dans Tétuan~ et, comme ce
serment ( par la barbe ) n'est jamais fait par
les Maures que dans des occasions impor-
tantes, et que l'empereur ne le violoit jamais,
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faisoient leur
les chrétiens qui faisoient leur demeure à
Tétuan, en ont tous été renvoyés.
Le peu d'agrément dont jouissent les con-
suls dans ces contrées barbares, ne doit pas
faire envier leur sort. On a même de la
peine à concevoir qu'il se trouve des hommes
assez avides de faire fortune pour abandon-
ner leur patrie, et venir ici mener la vie la
plus ennuyeuse. Lès habitans ne font aucune
société avec les consuls, et les traités qu'ils
ont signés au nom de leurs souverains, sont
souvent insuffisans pour les garantir des in-
sultes auxquelles ils se voyent sans cesse ex-
posés. En butte aux caprices d'un-despote qui
n'a d'autre loi que sa volonté, il leur or-
donne de venir à la cour, et après leur avoir
fait faire un voyage cher et pénible, il les
renvoye sans qu'ils puissent retirer d'une
course aussi fatigante aucun avantage pour
leur pays quelquefois même ils ignorent
pourquoi ils ont été ainsi mandés sans né-
cessité. Les consuls anglais, suédois et da-
nois, ont fait bâtir des maisons de campa-
gne dans les environs de Tanger, où ils
vont se consoler des dégoûts qu'on leur fait
éprouver ils's'y occupent de leurs jardins,
de la pêche, et sur-tout de la chasse, qui est
fort agréable dans ce pays-là, à cause de
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(S)
!)~f D~t n
l'abondance du gibier. On peut en prendre
l'amusement sans que personne y trouve à
redire vu q
se réfugie dans une de ces chapelles, it y est
fort en sûreté. L’empereur, qui ne se fai6
pas scrupule de violer toutes les lois lors-
qu’elles gênent son autorité, respecte le pri.
yilége de ces sanctuaires. Un mahométan qui
a .quelque peine de corps ou d’esprit, vole au
sanctuaire le plus voisin de sa demeure, pou?
demander à DIeules grâces dont il a besoin.
Cette pieuse démarche rétablit le calme dan~
so~ a~e et il s’en. retourne l’esprit beaucoup
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tie doutant pas que
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plus tranquille, ne doutant pas que Ses vceux
ne soient bientôt exaucés. La confiance dé ce
peuple est si grande pour les chapelles où re-
.posent les cendres des saints musulmans~
qu’il les regarde comme sa dernière ressource
dans les cas désespères.. )
Il y a deux sortes de saints én Barbarie. Les
plus révérés sont ceux qui, par de fréquentes
ablutions, de ferventes prières et d’autres
actes de dévotion, ont acquis une réputation
extraordinaire de piété. Ce masque religieux
cache beaucoup d’hypocrites. Cependant on
en voit qui prient dé bonne foi. Ceux-là
prennent soiri des malades, assistent les pau-
vrès et consolent les affligés. Une conduite
aussi respectable imposera toujours silence à
l’esprit philosophique qui voudroit anéantir
les préjugés qui dirigent les hommes.
Des idiots et des fous forment la seconde
classe de saints. Tous les peuples ont cru que
les malheureux qui avoient l’esprit aliéné
étoient protégés par les Dieux. Sans cette
opinion, les oraclés et les prophètes’payens
M’aurolent pas été aussi célèbres. Ces idées se
conservent même en Europe, chez les gens peu
instruits elles sont si naturélles à l’homme.
ignorant, qu’il ne faut pas s’étonner que Ie~
Maures voient dans ces pauvres insensés des
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( )
et même inspirés par la
êtres privilèges et même inspirés par la Divi-
nité.
La superstition qui règne à Maroc est peut-
être, à bien des égards, utile à l’humanité
sans les préjugés qu’elle enfante, les malheu-
reux privés de raison seroient sans protec-‘
teùrs et sans amis. L’intérêt qu’ils inspirent les
fait nourrir et habiller gratuitement. On pour-
voit à tous leurs besoins, et souvent on leur
fait des présens.
Il y auroit moins de danger pour un Maure
de faire une insulte à l’empereur, que de met-
tre ett courroux un de ces faux prophètes.;
Concluons de tout ceci que les opinions reli-.
sleu&es, quelque bizarres qu’elles soient,’ne
font pas toujours le malheur des hâtions.
Indépendamment de l’espèce de licence que
les préjugés populaires autorisent, et dont
abusent ces hypocrites insensés, ils proCteht
de la vénération qu’on a pour eux, pour com-
mettre impunément toute sorte de crimes. Il
n’y a pas long-tems qu’on voyoit à Maroc un
saint, dont l’amusement ordinaire étoit de
blesser, même de ‘tuer les personnes qui
aboient le malheur de se trouver sur son che-
min cependant, malgré les conséquences fu-
nestes de sa frénésie, on le laissoit en liberté.
Sa mécha.hceté étoit telle~ que pendant qu’on
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.1 1
i~SQtt I~spriere$, il épioit le moment de pou-
voir passer une corde autour du cou de la
première personne qu’il pouvoit atteindre, J
~un de l’étraagler.
Pendant mon séjopr Maroc, j’ai été à por*
tée de pie convaincre par moi-même du dan-
ger qu’il y avoit de s’approcher de ces saints
en démence. J’ai vu que leur plus grand plai-
$ir ~toit d’insulter Ie$ chrétiens)
Je ne dois pas oublier les marabouts, qui
sont les premiers saints dé Maroc. Cette classe
d’imposteurs prétend être fort habile en ma-‘
gle elle jouit: d’une grande considération par-
mi les naturels du pays. I~es marabouts m~
nent upe vie de t’ainëans, vendent des sorti-
lèges, et s’enrichissent aux dépens du peuple.
H y a. encore des montagnards ambulans
qui se disent lés favoris de Mahomet, aucune
~te venimeuse n’oseroit les attaquer. Les
plus singuliers de ces gens-cl sont les ~~?
pu mangeurs de $erpens, qui repr~se~-
tem en public les jour~ de m~rch~. Lfe pepple
se po~e en foule pour leur voir avaler des
serpens vivans. J’ai pris m~ part de cet horri-
bte spectacle. Je vis un homme qui, en moin~
de deux heures, avala un serpent en yi.e de
plus de quatre pieds de long. H d~nsa tout lie
tems de ce repas dégoûtant, au son d’une
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musique vocale e(: instrumentale, dans un
cercle que formoient les spectateurs. A~”t
d’attaquer son serpent, il fit une courte prière,
qui fut répétée par tous les assistans. II com-
menta à manger l’animal par la queue, et les
curieux ne s’en furent que quand il l’eut en-
tièrement dévore.
Cette longue digression m’a. un peu écarte
de mon sujet, je m’empresse d’y revenir, pour
ne pas fatiguer le lecteur de récits qui ne peu-
vent amuser que les amateurs de l’histoire des
petites-maisons.
J’arrivai de bonne heure, dans là soirée du
5 octobre, à Mamora, qui est à soixante-
quatre milles de Larache. Cette ville est située
sur une colline, à l’embouchure de la rivière
de ~~oc~ qui se jette en cet endroit dans
rOcéan atlantique, et forme un havre pour les
petits bâtimens. Mamora a beaucoup de res”-
semMance avec “les autres villes de l’empire de
Maroc, c’est-à-dire qu’elle n’a rien de curieux.
Pendant qu’elle appartenoit aux Portugais
elle étoit entourée d’une double enceinte de
murailles, dont on voit encore les ruines. Elle
avoit dans ce tems-là quelques fortifications t
qui sont également détruites. La seule défense
qui lui reste à-présent, consiste dans un pe·
qui lui reste à-présent, consiste daus un pe.
tit fort survie bord de la mer..
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‘(~)
[é des lacs. des be
J’ai déjà parlé des lacs, des belles ,pl