Wansharisi, Pierre de Touche des Fatwas, Tome II, à traiter, v. 1490 n-è

DE L’INTERDICTION_AL-HAJR

DES ACTES DE L’INTERDIT

Ibn Zarb

Un mineur sous la tutelle de son père achète une esclave qui devient enceinte de ses œuvres. Que décider ? S’il est établi devant toi que le pupille est sous la tutelle de son père, l’achat fait par lui n’est pas valable et ne l’oblige point.

On rapporte, en effet, d’après Asbagh ibn AI-Faraj et ‘Isa ibn Dinar, dans une espèce analogue, que l’esclave doit être restituée au vendeur à l’exclusion de son enfant, lequel sera rattaché à son père, sans que celui-ci soittenu de payer un prix estimatif. Le vendeur restituera également le prix qu’il a reçu du pupille. Selon une autre tradition rapportée à ce sujet, d’après Asbagh, l’esclave deviendra Umm Walad pour l’incapable, sans qu’il soit tenu de rien rembourser du prix 2.

Ibn Abû Zaid

Quid des actes du faible d’esprit accomplis avant l’interdiction, ce faible d’esprit étant de ceux qu’il convient d’interdire ?

Seul Ibn Al-Qâsim décide que ses actes ne sont pas valables. La jurisprudence, d’après l’opinion de Mâlik, est, au contraire, que ses actes sont valables, et c’est ce qu’admet la majorité des adeptes de Mâlik. C’est aussi, à mon avis, la solution la plus vraisemblable. Au demeurant, Dieu le sait mieux.

Abû-l-Qâsim Al-Ghubrîni

L’interdit peut-il réclamer ses droits, les établir à l’encontre de ceux qui en sont tenus, les prouver et donner mandat à leur sujet ?

Oui, surtout si cet interdit est une femme.

Ibn Rushd

Le juge ayant interdit à un homme la vente de ses biens-fonds, en lui laissant la liberté de faire tous les autres actes d’administration, cette interdiction est-elle obligatoire au point d’entraîner la nullité de son acte et de la vente seulement, ou de tous ses actes ?

Cette interdiction, par le juge, de la vente des biens fonds seulement est une erreur de la justice, car Dieu a dit « Ne donnez pas aux faibles d’esprit vos biens Que Dieu vous a donnés comme moyens d’existence. » Les termes de ce verset sont généraux et ne visent pas particulièrement les- biens-fonds à l’exclusion des autres biens. Une preuve de l’erreur commise par ce juge, c’est qu’en permettant à cet homme la libre gestion, sauf la vente de ses immeubles, cet homme devient responsable des dettes qu’il aura contractées, ce qui entraîne, de ce chef, la vente forcée de ses immeubles. Or, celui dont la faiblesse d’esprit est établie et qui n’est pas en tutelle, ou qui, étant en tutelle, ne jouit pas d’une capacité intellectuelle dûment prouvée, ne peut pas être valablement autorisé à gérer ses biens, encore qu’il lui soit défendu de vendre ses immeubles, à moins que sa fortune mobilière en dehors des immeubles ne soit égale à la quantité de biens que l’on met généralement entre les mains du faible d’esprit pour l’éprouver. Dans ce cas, la décision de ce juge s’expliquerait.

Abû-l-Hasan Al-Qâbisî

Etant donné des héritiers n’ayant ni tuteur testamentaire, ni tuteur nommé par le qâdî, est-il permis à celui d’entre eux qui atteint la puberté de vendre les droits indivis qu’il a recueillis dans la succession de son père, sans qu’ils aient été déterminés par le partage ? Si, après sa puberté, l’héritier est tel qu’il convient pour lui qu’il soit maître de sa personne, qu’il administre sa fortune et la prenne des mains du tuteur, s’il en avait un, par suite de son aptitude et de sa capacité intellectuelle, dans ce cas, ses actes, ventes et autres, seront valables. Mais si, après sa puberté, il se trouve dans l’état de celui qu’on doit mettre en tutelle, dans ce cas, s’il n’a rien vendu, on ne pourra acheter de lui qu’avec l’autorisation d’un qâdî compétent. S’il a déjà agi et vendu, la question est controversée. Il appartient au qâdî équitable d’examiner cet acte. S’il juge qu’il y a lieu d’annuler la vente, il l’annulera; s’il estime qu’il y a lieu de la déclarer valable, comme acte de bonne administration, il pourra le faire; enfin, s’il est d’avis que l’intérêt du jeune homme exige que la vente soit annulée, dans ce cas celuici n’est tenu du prix que jusqu’à concurrence de la portion qui en aura été trouvée entre ses mains. S’il a dissipé le prix sans en profiter et qu’on n’en trouve rien entre ses mains, la perte en sera pour l’acheteur, sans qu’il puisse recourir contre l’incapable pour quoi que ce soit 2. Et c’est d’Dieu que vient l’assistance

Ibn Lubb

Une pupille a passé la majeure partie de sa vie chez son subrogé tuteur. Celui-ci désire la marier dans la ville où il se trouve, tandis que le tuteur testamentaire veut la marier dans sa propre ville, qui est le pays du père [défunt] de la jeune fille et le siège de sa fortune. L’acte de tutelle porte que « le tuteur mariera la fille avant ou après sa puberté, sans en demander la permission ». Que décider ?

La décision, quant au mariage, appartient au tuteur, qui demandera au subrogé tuteur de se mettre d’accord avec lui. Si celui-ci le fait, c’est bien; sinon, que le tuteur établisse par devant le qâdî de la localité que le mariage est un avantage pour la fille, que l’époux auquel il requiert de la donner en mariage est de condition égale à la sienne, enfin que la vue saine [des intérêts de la fille] commande de la marier audit époux. Il établira également par devers le dit qâdi le refus du subrogé tuteur de se mettre d’accord avec lui. Le qâdî donnera alors au tuteur le pouvoir de conclure seul le mariage.

Ibn Al-Hâjj 

Un homme est tuteur testamentaire d’un faible d’esprit; celui-ci ayant eu un enfant, le tuteur a-t-il le droit de surveiller le fils comme il surveille le père ? P

Le qâdî Muhammad ibn Yabqâ ibn Zarb a été d’avis que le tuteur n’a pas la surveillance de l’enfant; mais il a été traditions rapportées par Mâlik contredit sur ce point, par Ibn ‘Attâb et Ibn Al-Qattân’, lesquels ajoutent: « Telle est la jurisprudence chez nous. »

Ibn ‘Attâb

-Un faible d’esprit étant sous la surveillance d’un tuteur nommé par le qâdî, qui est-ce qui prendra soin à sa place des enfants, garçons et filles, qu’il peut avoir et qui n’ont pas été mentionnés dans la tutelle dative. Est-ce à ce tuteur nommé d’office de défendre les intérêts de ces enfants en matière de vente, d’achat et autre, sans avoir été nommé d’office leur tuteur ?

Cette question a été posée par le qâdî Abû-1-Asbagh ibn Sahl au jurisconsulte ci-dessus, qui a répondu en ces termes

Cette solution est celle qui ressort de l’argumentation des traditions, à savoir, que le tuteur du père représente activement et passivement les enfants.

-Selon Ibn AI-Qattân, il faut une nouvelle nomination du tuteur. Telle est l’opinion de Mâlik

Al-‘Abdûsî

Les docteurs disent, en parlant de la vente par le père des biens de son enfant, que cette vente est valable, si elle constitue un acte de bonne administration, et qu’elle est au contraire rescindée et annulée, lorsqu’elle constitue un acte de mauvaise administration? Que signifie « mauvaise administration » ? Est-ce, par rapport à la lésion, lorsque, par exemple, une chose qui vaut cent est vendue pour vingt; ou bien lorsque le père vend une chose qu’un homme jouissant de sa capacité intellectuelle ne vendrait pas, à cause de l’avantage évident qu’il a à la conserver, encore qu’elle ait été vendue à son prix ou à un prix supérieur ?

Il y a mauvaise administration de la part du père, tantôt en considération de la lésion dans le prix de vente, tantôt parce que la chose est très recherchée, de sorte que sa vente constitue, de l’avis de tous les hommes de bon sens, un acte de mauvaise administration, ou pour d’autres motifs. La règle en la matière est que la loi a fait du père le mandataire de son fils. Or, le mandataire n’administre qu’en conformité des intérêts [du mandant]. S’il y contrevient, son acte est révoqué, car il n’a pas reçu mandat à cet effet. On reconnaît si l’acte est de bonne ou de mauvaise administration en l’appréciant au moment où il s’est produit, vu que les cas de bonne ou de mauvaise administration ne sont pas limités; ils varient, au contraire, selon les temps et les lieux. L’appréciation de la lésion se fait [en se plaçant] au jour de la vente, car si on l’appréciait après, peu de ventes seraient maintenues. La jurisprudence est que la vente est rescindable pour cause de lésion, encore que l’acheteur ait payé la différence entre le prix d’achat et la valeur réelle. Mais il y a trois opinions sur cette question.

Anonyme

Que décider lorsqu’un tuteur testamentaire reconnaît une dette à la charge de ses pupilles ?

Si c’est une dette relative à des opérations que le tuteur a entreprises lui-même, cet aveu est comme celui que le tuteur ferait contre lui-même, et, en conséquence, on en tiendra compte. Mais si son aveu est relatif à la succession du défunt [le père des mineurs], il est considéré comme un témoin contre les pupilles.

Ibn Zarb

Le tuteur nommé d’office par le qâdî a-t-il le droit d’émanciper son pupille a ?

Non.

Ibn Al-Hâjj

On dit à ce jurisconsulte « Et si le tuteur a déjà émancipé le pupille, son émancipation sera-t-elle exécutoire ou révoquée ? » Il répondit « Elle sera révoquée, et ne deviendra exécutoire qu’avec l’autorisation du qâdî. » Puis, le dit jurisconsulte argumenta ainsi « Le tuteur testamentaire désigné par le père est lui-même l’objet d’une controverse quant à l’émancipation accordée par lui, et l’on a dit que cette émancipation n’est exécutoire qu’avec l’autorisation du qâdî. A plus forte raison quand il s’agit du tuteur nommé par le qâdî. (Ibidem.) Quid lorsque la personne en tutelle est absente à Alméria, tandis que le tuteur qui lui a été nommé est dans la ville de Cordoue, par le qâdî de laquelle il a été commis, et que l’on a besoin de vendre une partie de ses immeubles ou de ses [autres] biens?

L’affaire sera tranchée par la justice de la ville d’Alméria, parce que le pupille est un de ses habitants le qâdî de Cordoue n’a aucune compétence sur aucun des habitants d’Alméria. Cela est évident, s’il plaît à Dieu, qu’il soit exalté 1

Le tuteur nommé à un orphelin par le qâdî, quand il prétend qu’il a prélevé sur ses deniers la zakât (aumône légale), sera-t-il cru quant à cette déclaration, ou doit-il en faire la preuve ?

En ce temps-ci, il est indispensable qu’il en fasse la preuve et il ne sera pas ajouté foi à sa déclaration. Mais, d’après Mâlik, le tuteur est cru sur ce point.

DES PERSONNES ASSIMILÉES AUX INTERDITS

Ahmad ibn Nasr

A partir de quel moment la femme enceinte est-elle considérée comme un malade [au point de vue de la validité de ses actes]? P

D’après Mâlik, les actes de la femme sont valables jusqu’au moment où elle est prise des douleurs de l’enfantement. C’est l’opinion à laquelle je me rallie.

Al-Mâzarî

Quid des actes faits par la femme enceinte après six mois de grossesse ?

Cette question est régie par les usages, car la crainte pour la personne, par suite du changement d’état, est réglée par l’usage. Or, la mort causée par la grossesse est rare, et ce qui est fréquent ne peut être soumis aux mêmes règles que ce qui est rare. Si l’on faisait une enquête sur les mères d’une ville, certes on trouverait que la plupart d’entre elles sont en vie, ou qu’elles sont mortes autrement qu’à la suite des couches. La mort de ce fait est bien rare. De sorte que la femme enceinte est soumise aux mêmes règles que la personne qui serait en état de santé. C’est d’ailleurs l’opinion préférée par AsSouyûrî. Au contraire, Ad-Dâûdi rapporte qu’il y a unanimité que, au moment de la délivrance, la femme est considérée comme une malade. La question est cependant sujette à examen, à cause de la règle sus-indiquée. As-Souyoùrî ne fait pas mention de cette unanimité. En résumé, si l’unanimité dont parle Ad-Dâûdî est établie, elle ébranle la règle ci-dessus. En tout cas, l’opinion que nous préférons, l’unanimité n’étant pas établie, est qu’il soit fait application de l’interprétation que nous avons indiquée.

As-Saraqustî

Doit-on interdire le vieillard âgé, lorsqu’il fait de très nombreuses donations et des donations déguisées, étant d’ailleurs en possession de toutes ses facultés et capable de discernement, mais faible au point qu’il y a lieu de craindre pour lui qu’il ne devienne paralysé ou aveugle et ne soit ainsi une charge pour les autres ? Ou bien ne peuton l’interdire que si ses facultés mentales se dérangent, étant donné que certains vieillards agissent de la façon susdite à la suite d’une inimitié survenant entre eux et leurs héritiers ? Si l’on acquiert la certitude qu’ils ont agi de cette façon, peut-on annuler leurs donations, leurs donations déguisées sous une vente, une dation en paiement, etc. ? On n’interdit que le prodigue qui dissipe sa fortune, la compte pour rien et la dilapide pour ses plaisirs, ou un mineur, ou un fou. Quant à celui qui fait de nombreuses donations pour des raisons de bienfaisance et qui dépense sa fortune en œuvres pies, ce n’est pas un prodigue, c’est, au contraire, un homme apte à gouverner ses biens, doué de discernement.

Al-Mâzarî

Quid de la vente consentie par un homme dans la gêne ? 1. Aboù ‘Abd Allah Muhammad b. Ahmad Al-Ansàri As-Saraqousti, jurisconsulte et traditionniste malékite, qàdi de Saragosse. II mourut en Ce qui ressort des textes, d’après les anciens disciples de Mâlik, c’est que la vente consentie par celui qui est dans la gêne ne l’oblige point, et qu’il a le droit de se faire restituer ce qu’il a vendu. Cette théorie n’est contredite que par As-Souyûrî, qui a rendu une fatwa déclarant exécutoire la vente consentie par celui qui est dans la gêne. Il estime qu’il y a dans cette doctrine un avantage et une aide pour les personnes pressées d’argent 1. Parmi les modernes, il en est qui disent: « S’il a vendu pour un prix qui n’est pas vil, il n’a rien à réclamer, puisqu’il n’a été ni pressé, ni contraint. »

DE L’ABSENT_AL-MAFQÛD

DE L’ABSENT PROPREMENT DIT

Ibn Lubb

Un navire fait naufrage dans les parages du port d’Alexandrie. Comment arriver à établir le décès de celui qui a quitté ses héritiers (en s’embarquant sur ce navire), afin de partager sa succession ?

Que décider au sujet des femmes de ceux dont le décès n’est pas prouvé de ceux qui ont laissé des biens entre les mains d’un mandataire ? Celui-ci continuera-t-il sa gestion, ou doit-il se démettre lui-même ?

Sera-t-il cru quant au montant du salaire à lui fixé par le mandant, qui lui a confié l’administration des biens qu’il détient ?

Que décider au sujet des frais d’entretien (nafaqa) payés aux épouses pendant un temps où il est prouvé, ensuite, que le mari était déjà mort y a-t-il lieu à restitution ?

La meilleure manière de procéder dans cette affaire est d’établir un acte contenant que Il Un Tel, dont s’agit, connu individuellement et de nom, des témoins (de l’acte), qui l’ont vu de leurs propres yeux et assisté à son embarquement sur tel navire, à telle date, à tel endroit; qu’il est parti sur ce navire et qu’ils ne sachent pas qu’il ait débarqué à l’une des escales par lesquelles le navire a passé que le navire a continué sa route, avec ses passagers, jusqu’au moment oit il a disparu totalement dans telle région maritime; qu’ils savent, par la commune renommée (as-samâ’ al-fûshî) et le bruit qui court sur les bouches des hommes dignes de foi et autres, d’une manière qui fait acquérir la science et la certitude, que le navire en question a sombré dans tels parages et a été englouti dans l’abîme de la pleine mer que, très probablement, les passagers (Dieu leur fasse miséricorde et rende leur rétribution considérable !) ont fait naufrage et péri avec le navire enfin qu’ils savent cela dans les termes que dessus, d’une manière ininterrompue jusqu’aujourd’hui, sans qu’ils aient appris le retour de l’individu en question, ni aucune nouvelle de lui; qu’ils ont consigné ce qui est à leur connaissance, ainsi que dessus, connaissant, d’autre part, l’individu dont s’agit, de la manière sus-indiquée, leur témoignage ayant été requis d’eux à telle date. »

Une fois que cet acte est établi et dûment constaté, le qâdî fixera à l’individu disparu un délai d’une année complète à partir du jour de la décision. Il mentionnera dans l’acte qui fixe le délai, que si l’année expire sans qu’il arrive aucune nouvelle de l’existence du disparu, il sera d’ores et déjà considéré comme décédé. Dans ce cas la femme entrera dans la retraite légale requise après le décès (du mari). Les biens du disparu seront partagés, par application de la tradition rapportée par Ashhab et Ibn Nâfî’, d’après Mâlik, au sujet des disparus en pays d’Islâm. Cette riwâya a été suivie en Andalousie pendant la guerre du fossè et dans l’affaire de Tarîq.

Elle constitue l’opinion préférée par les qâdî et les shaikh. Après l’expiration de l’année, on applique les règles comme en cas de décès, et avant ce délai, comme si le disparu était encore vivant. Cependant le qddî fera remonter la date du décès au moment du naufrage qui en est la cause, et c’est à ce moment et à cette date qu’il doit se placer pour considérer ceux qui sont héritiers 4. Quant à la nafaqa (frais d’entretien) due aux épouses ou autres, au maintien du mandataire dans ses fonctions, à la confiance et au crédit qu’on doit lui faire en continuant à lui laisser les biens qu’il détient, au paiement de son salaire d’après sa déclaration, tout cela est réglé comme si l’absent était vivant, jusqu’à la fin de l’année. La seule différence est que le salaire dû au mandataire, s’il n’est pas établi par témoins, sera estimé d’après le salaire de ses semblables.

Aucune nafaqa (frais d’entretien) n’est due à l’épouse durant la ‘idda (retraite légale), car elle s’y trouve à titre de ‘idda après décès.

S’il est établi que l’absent était déjà mort avant la cause qui devrait le faire déclarer décédé, on répétera contre sa femme et ses enfants tout ce qu’ils ont dépensé sur ses biens depuis la date de la mort. La mort prouvée, en effet, donne la certitude, tandis que dans le cas de déclaration de décès par jugement [£*,y* latnwit), on ne restitue pas ce qui a été dépensé après la cause qui est présumée avoir produit le décès. Ce droit de dépenser, au contraire, continue jusqu’à l’achèvement du délai (fixé par le qâdî). Telle est la manière dont cette affaire doit être jugée.

Misbâh Al-Yâliçûtî

-Un homme s’absente étant âgé de 80 ans sera-t-il présumé mort à raison de la cessation de ses nouvelles ? Si vous admettez [la présomption] de sa mort, que fera-t-on de sa succession quand on ignore son ‘âsib1? Explique-nous cela.

Que Dieu vous honore Si la disparition de l’homme en question est prouvée et si, depuis sa naissance, il s’est écoulé quatre-vingts ans, comme vous l’avez dit, son cas sera soumis à un qâdî des grandes villes, lequel rendra un jugement déclarant son décès et attribuera sa succession à ses héritiers, s’ils sont connus. S’ils sont inconnus, il attribuera la succession aux pauvres et aux indigents de la population de sa ville. Le jugement du magistrat de campagne n’est pas valable dans cette question, car elle est de la compétence exclusive des qâdîs des grandes villes, ainsi que cela est dit textuellement par Ibn Abû Zamnîn 2 dans son ouvrage Al-Mugkrib, d’après les docteurs de Cordoue. Quant à l’opinion que nous avons mentionnée, d’après laquelle la présomption de vie pour l’absent est de 80 ans, c’est une des opinions de Mâlik, et elle a été adoptée par Abû Muhammad ibn Abû Zaid et Abû-l-Hasan Al-Qàbisî dans leurs fatwa. Gela a été copié d’après eux par Ibn Muhriz Que Dieu soit satisfait de leur ensemble.

-Un homme, ayant un frère absent, se présenta à son sujet devant qui de droit et établit le fait de son absence et la durée de celle-ci. Un jugement fut alors rendu en sa faveur, déclarant la mort de l’absent et lui attribuant sa succession. Le réclamant fit donation ensuite de ce dont il a hérité de l’absent, à un autre homme, puis le dit héritier, le donateur, mourut en laissant un fils, qui recueillit toute sa succession, et auquel il avait donné tous ses biens pendant sa vie. Le fils susmentionné avoua alors que l’absent dont le décès avait été déclaré par jugement en faveur de son père, est encore vivant. Acte fut pris de son aveu sur ce point. Comme on ne trouvait pas moyen de retirer les biens de l’absent des mains du donataire, par le seul fait de l’aveu de l’héritier du donateur, le plus proche parent dudit absent intenta une action à l’auteur de l’aveu, lui réclamant le paiement de la valeur estimative des biens de l’absent, dont son père a fait donation. Il argumenta de la façon suivante « Ou bien ton père savait que l’absent était vivant, et dans ce cas il a commis sciemment un délit, ou bien il l’ignorait, et dans ce cas il a disposé par erreur des biens d’autrui. » Monseigneur, l’auteur de l’aveu est-il tenu de payer la valeur de ceux des biens de l’absent que son père a donnés, et la paiera-t-il à raison de ce dont il a hérité de son père ou de ce que celui-ci lui a donné ? Éclaircis-nous cela, puisses-tu être rétribué [par Dieu], comblé d’éloges! Que Dieu le Très-Haut vous honore Il n’y a aucune responsabilité à la charge de l’individu en question, à raison de ceux des biens de l’absent que son père lui a donnés, car il n’a pas reconnu que son père savait que l’absent était en vie, et cela n’est pas établi par une preuve testimoniale. Il se peut que son père n’ait pas eu connaissance de l’existence de l’absent et, dans ce cas, son acte a été une erreur tolérée par la justice. C’est ce qui est dit textuellement dans le Livre de l’épave et dans le Livre de la revendication de la Revendication. Prends-en connaissance au siège de la matière.

Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance.

Al-Majâçî

Un individu quitte son pays, se rendant en pèlerinage à la Mecque. Il laisse une épouse et des enfants mineurs nés de celle-ci. Après un certain laps de temps, la dite épouse réclama et prétendit que ses enfants sus-indiqués se trouvaient dans le besoin et la misère. Elle s’en plaignit à une assemblée des habitants de la ville, qui délégua, comme mandataire de l’absent, l’oncle des enfants. Ce mouqaddam (préposé, mandataire) vendit certaines parcelles faisant partie des biens-fonds de l’absent, à l’effet de pourvoir à l’entretien des enfants sus-indiqués. Or, la mère et ses enfants habitent une localité où la justice du Sultan peut les atteindre et leur être appliquée, mais la mère n’a pas porté sa plainte devant le souverain, ni procédé personnellement àla vente. Estimez-vousquelavente, faite dans ces conditions, est exécutoire à l’encontre de l’absent, et que la délégation donnée par l’assemblée est également valable, malgré la possibilité de recourir au Sultan? Doit-on, au contraire, annuler cette vente ? Explique-nous cela, puisses-tu être récompensé [par Dieu]. Salut. S’il est reconnu que les enfants étaient dans le besoin et la misère, que l’absent n’avait pas d’autres biens dont la vente eût été plus avantageuse et que la vente n’a pas eu lieu à vil prix, dans ce cas l’aliénation est valable, car on a fait ce qu’aurait fait l’Imâm (souverain) ou son préposé.

Al-‘Uuqbânî

Un individu épouse une femme, puis s’absente avant la consommation du mariage, de sorte qu’on ignore le lieu de sa résidence. La femme a-t-elle le droit de porter son affaire devant le juge, et quel délai celui-ci peut-il accorder au mari ?

Si l’on a cessé d’avoir des nouvelles du mari et que l’on ignore sa résidence, c’est un absent. Aussi, quand la femme portera son affaire devant le juge, celui-ci lui impartira-t-il le délai habituel en matière d’absence. Si l’absent a des biens, la femme en prendra le nécessaire pour son entretien et pour se vêtir, dans la mesure qui lui sera déterminée par la justice. S’il n’a pas laissé des biens suffisants pour cela, on lui donnera un délai d’un mois ou d’une durée qui en approche à l’expiration dudit délai, les choses étant en l’état, la femme aura le droit de porter son affaire devant la justice et d’obtenir son divorce.

Ibn Rushd

Un homme possède en commun avec un autre quatre cents brebis. L’un des deux associés ayant disparu, l’autre associa un tiers au troupeau en question. L’absent ayant reparu, alors que le troupeau a été réduit à deux cents ou a péri entièrement, comment tranchera-t-on la question ?

Si l’associé [présent] a apporté en société la part de l’absent et l’a remise au [tiers] associé, il en répondra.

DU NON-PRÉSENT

Ibn Al-Hâjj

La propriété d’un individu absent est vendue [en son absence] pour payer une dette dont il était tenu. Puis l’absent reparaît et prouve qu’il s’était acquitté de la dette en question. Que décider ?

Si les biens de l’absent sont vendus pour [l’acquittement] d’une dette prouvée à sa charge, et si l’absent reparaît et établit qu’il en était quitte, la vente de la propriété de l’absent sera maintenue, mais celui-ci aura un recours contre le créancier pour toute la portion du prix qu’il a touchée.

Al-‘Uqbânî

Un homme s’absenta pendant longtemps dans la région du Maghreb, en sorte que l’on ne lui y connaissait pas de résidence. Il laissa dans sa ville une terre, que le qftdî vendit, en son nom, pour un motif qui autorisait cette vente. Après un certain temps, survint la chèreté de vie qui s’était produite durant la famine qui vient de s’écouler. Le prix [de la maison] fut dépensé alors pour les besoins des enfants de l’absent, ceux-ci ayant fait la preuve de la non-présence de leur père. Sur ces entrefaites, arriva un homme porteur d’un acte contenant qu’il a acheté ladite maison de son propriétaire, l’absent. Toutefois, la date d’enregistrement de la vente de la maison par le qâdî est antérieure à la date invoquée par le tiers. Maintiendra-t-on la vente faite par le qâdî au nom de l’absent, à cause de sa priorité en date, ou bien celle consentie en faveur du tiers par le propriétaire ?

La vente faite par le qâdî est valable, bien que le contraire se trouve rapporté d’après Ibn ‘Attâb l’opinion que nous avons donnée est attribuée à Ibn Lubâba, et c’est la plus juste. Celui dont l’achat est le plus ancien en date a plus de droit à la chose vendue, à moins que le deuxième acheteur n’ait pris livraison de la chose vendue, tandis que le premier n’en a pas reçu la tradition. Dans ce cas, celui qui a pris livraison sera préféré, comme vous le savez d’après l’opinion des docteurs exposée au sujet des deux questions de la vente et celle, très connue, du mariage, où la femme est donnée en mariage par deux wall (représentants) 1 à deux hommes différents, dont le second consomme [avec elle] le mariage, sans savoir [qu’elle est déjà mariée] 2. 11 est, dans ce cas, préféré [au premier mari].

Ibn Al-Barâ

Un individu tenu d’une dette s’absente, laissant une maison que [ses créanciers] ont vendue, pour son compte, du chef de la dette, et ils se sont payés de ce qui leur était dû. Puis cet individu arrive et prétend qu’il y a eu, dans la vente de la maison, une lésion considérable. Que décider ? S’il est prouvé qu’il y a eu, dans la vente de la maison, une lésion d’un tiers ou plus, l’individu qui arrive [de voyage] ne sera pas empêché de réclamer ce qui lui est dû et d’en obtenir le paiement intégral. Ce droit appartient à lui-même, à ceux qui sont présents et le savent parmi les créanciers qui ont requis la vente ou parmi ceux à qui la propriété des biens [du débiteur] a passé par succession après son retour.

Ibn Rushd

Un des frères, copropriétaires de certains biens, s’étant absenté, les autres firent des cadeaux de noces à leurs épouses et échangèrent avec un tiers certains des biens qu’ils possédaient par indivis avec leurs femmes et l’absent. Celui-ci étant revenu par la suite, trouva sa part desdits biens entre les mains du coéchangiste, qui lui dit « Tes frères m’ont donné ceci, c’est-à-dire ta part, la leur et celle de leurs épouses, en échange de ce que je leur ai livré. L’absent répondit « Ce contrat ne m’oblige pas. » Les épouses des frères [échangistes] répondirent au tiers: « Nous ne t’avons donné en échange que nos parts à nous seulement, tu nous a donné un terrain que nous avons planté, et il apparaît maintenant que la moitié de ce terrain est la propriété d’un autre que toi. Le coéchangiste répondit «Je ne vous ai donné en échange que ma part seulement et non celle qui ne m’appartient pas. » Que devient la part de l’absent, étant donné qu’il y a été fait des constructions et des plantations, et que le coéchangiste prétend que les épouses étaient au courant de l’échange 1 et qu’il a fait des constructions et des démolitions pendant environ quinze ans, sans que les épouses aient protesté ?

Si les choses sont telles qu’elles sont rapportées, l’absent aura le droit de reprendre sa part de ce que le coéchangiste a construit et planté, après [lui] avoir payé la valeur estimative de la construction et de la plantation, celles-ci étant estimées debout, à moins que ses frères ne préfèrent qu’il reçoive la valeur de sa part estimée nue, sans plantation.

DES TRIBUTAIRES

Multiple :

Doit-on défendre aux chrétiens de fabriquer du pain et de le vendre, et aussi de vendre de l’huile, du vinaigre et autres liquides, dans les marchés ? Leur sera-t-il défendu de blanchir le linge des gens, à cause de ce qu’a dit Mâlik: « On ne fera pas les ablutions (wudû) avec le reste d’eau laissé par le chrétien, ou avec l’eau où il a introduit la main» ? La fabrication et la vente du pain, comme la vente de l’huile, du vinaigre et autres liquides, ainsi que le blanchiment du linge seront défendus aux chrétiens à cause de la généralité des paroles de Mâlik. Je suis d’avis qu’ils doivent être enlevés de tous nos marchés, à raison de ce qu’ils n’observent aucune précaution, quant aux choses liquides.

J’ai vu jadis à Alexandrie des juifs médecins ayant des breuvages qu’ils mettaient en vente. Il arrivait que les gens avaient besoin de recourir à eux dans cet art, comme ils étaient obligés de recourir aussi à des juifs, au souq de l’orfèvrerie. C’est pour cette raison, mais Dieu le sait mieux que personne, que les qâdîs ne leur ont point mis d’obstacle.

Dans l’ouvrage intitulé A l-Hâwî, d’Ibn ‘Abd An-Nûr, il est dit

« Il n’est pas permis de traiter avec le chrétien qui vend le vin aux musulmans.

Mais, a-t-on objecté, la vente du vin n’est-elle pas permise chez les chrétiens ?

« Oui, répondit Ibn ‘Abd An-Nûr, mais seulement entre eux. »

Quant [à la possibilité] de la vente du vin aux musulmans, cela ne se trouve dans aucun livre, dans aucune tradition. C’est une violation du pacte, ‘ahd, puisque nous ne leur avons pas accordé le pacte pour qu’ils vendent du vin aux musulmans. On n’acceptera pas d’eux la capitation provenant de cet argent, et on leur imposera l’obligation de payer la capitation en deniers d’une autre provenance, qu’ils le veuillent ou non. Si même, ne trouvant pas d’autre moyen, ils mettaient en gage ledit vin, nous refuserions de recevoir les deniers [qui en proviendraient].

D’après Abû Muhammad, si un musulman achetait ce vin d’un chrétien et le buvait, il aurait un recours pour reprendre le prix [qu’il a payé]. Et ce serait une belle chose, s’il le distribuait en aumône.

Ibn Rushd

Est-il permis de vendre des pieds de vigne à des chrétiens, qui en feront du vin ? La vente sera-t-elle annulée, si elle a déjà eu lieu ?

Cela est mal vu, blâmable, mais pas au point d’être prohibé.

Ibn Sirâj

-Est-il permis de traiter avec les juifs, par vente, achat ou création de dettes ?

Lorsqu’un individu vend ou achète à des juifs, dans les conditions permises par la loi, sans traiter avec eux à intérêt ou d’une manière prohibée par la loi, cela est permis, bon, licite.

-Un individu, juif tributaire, invoque contre un homme musulman trois titres, dont l’un remonte à quinze ans de date, et les deux autres à onze ans de date. Il déclare qu’il reste créancier d’un solde de chacun de ces titres et le réclame. Le musulman prétend qu’il s’est entièrement acquitté envers lui de ces trois titres. Doit-on s’en remettre à la déclaration du débiteur, qui affirmera, sous serment, avoir acquitté son créancier des sommes portées auxdits actes, et qui, dans ce cas, serait tenu quitte vu la longueur du laps de temps écoulé ? Doit-on, au contraire, ne pas tenir compte de son dire, à moins qu’il n’y ait une preuve testimoniale ?

Il est de l’habitude des juifs Que Dieu les maudise –de regarder comme permis les biens des musulmans. C’est, chez eux, une telle habitude, Que Dieu en a fait mention en parlant d’eux. D’habitude, personne ne laisse son bien entre les mains d’un autre pendant longtemps à plus forte raison quand c’est un infidèle, kâ fir, qui a affaire à un musulman.

D’ailleurs, les faqîh (jurisconsultes) ont dit que les règles [du droit] sont retournées contre celui qui est connu pour être un prévaricateur et un injuste. Aussi, celui qui prétend un droit contre un homme dont telle est la conduite n’a qu’à prêter serment pour avoir droit à ce qu’il réclame.

On suit la règle inverse, dans l’espèce présente, et c’est de cette façon qu’on tranchera les affaires concernant les juifs le musulman jurera qu’il s’est acquitté envers le juif de ce qu’il réclame; une fois qu’il aura juré, le droit du juif tombe.

Ibn Mandhûr

Les juifs, qui s’occupent d’affaires dans les villages et autres localités, invoquent des titres dressés dans les formes légales et établissant des créances contre des musulmans. Les dates de ces titres sont éloignées. Il en est qui datent de vingt ans ou plus, ou de trente, ou de quinze, ou enfin de dix ans. Les débiteurs prétendent être quittes, sans en avoir la preuve [testimoniale]. Quant aux juifs Que Dieu les maudisse – par leur perfidie et leur turpitude, ils nient avoir touché. Les juifs prêteront-ils le serment décisoire, ce qui obligera les débiteurs à payer, après l’expiration de ces longues années, ou bien est-ce aux débiteurs à affirmer leur prétention par serment ? Comment solutionner leur affaire ? Je sollicite une réponse de vous à ce sujet.

Pour quel délai, peut-on juger en faveur des juifs en leur déférant le serment et en condamnant les débiteurs à payer ? Est-ce quand le délai est de dix ans ou moins, ou d’un mois ? Éclaircissez-nous cela.

Pour ce qui est de la question des juifs Que Dieu les maudisse l’examen de ce qui les concerne est remis à la discrétion du qâdî, Que Dieu le préserve! Ainsi, lorsque le qâdî voit que l’un de ces juifs en plus de leur turpitude et de leur bassesse recherche avidement les procès et les contestations, sa demande est affaiblie et diminuée par la longueur du temps [écoulé]. On s’en remettra alors à la déclaration du musulman sous serment. Il a été 1. C’est le renversement du fardeau de la preuve le musulman est dispensé de rapporter la preuve de sa libération.

jugé et rendu des féitvas d’après ce principe. Or les héritiers prennent le lieu et place de celui dont ils héritent1. Il en sera ainsi quand les choses ne laissent pas de doute. Mais si l’affaire est douteuse, il vaut mieux s’abstenir de juger.

S’il est établi que le juif [en question] est un homme qui patiente et ne se montre pas dur ce qui est rare le principe est qu’il faut laisser les choses dans leur statu quo.

Quant à la durée de la prescription2, pour ceux qui l’admettent, elle n’a pas de limite fixée. On rapporte, d’après le maître Al-Haffâr3, qu’elle est de seize ans. La décision, à ce sujet, appartient au qâdî. Mais l’expiration de cette durée n’infirme pas la demande.

Enfin, si l’on ignore les antécédents du juif, il vaut mieux le supposer comme étant de la première catégorie.

Tel est mon avis, et puisse Dieu préserver votre gloire

Ibn Lubâba

Est-il permis aux juifs de vendre aux musulmans la viande des animaux qu’ils considèrent comme tarif ?

L’achat de la tarîf ne nous est pas défendu, bien que la Tarîf soit considérée par les juifs comme un vice rédhibitoire, car Dieu, qu’il soit exalté ! ne nous l’a pas défendue. La décision contraire rendue par ce mufti d’esprit faible est une erreur, et il a endossé lui-même une grave responsabilité.

Quant à la décision rendue par le juge, c’est une iniquité. S’il y avait quelque peine à appliquer dans ce cas, c’est plutôt le juge qui la méritait, car en contraignant le juif à payer 10 dinârs, il a commis une iniquité au premier chef. Lui donner ensuite des coups, en s’appuyant sur la fatwa (consultation juridique) d’un ignorant, est une erreur. S’il y avait dans cette localité un magistrat équitable, qui juge et examine selon l’équité, il eut défendu à un pareil ignorant de donner aux gens des fatwas sur des choses qu’il ignore. En effet, rendre une fatwa sur ce qu’on ignore est un péché. Dieu le Très-Haut a dit: « Dis Mon Maître a défendu les vilenies, celles qui sont apparentes et celles qui sont cachées. et [il a défendu] que vous disiez sur le compte d’Dieu ce que vous ignorez. »

Ibn Al-Qâsim n’aimait pas les tarîfa et désapprouvait l’achat de la viande aux boucheries juives et chrétiennes. Mais Ibn Wahb, Ashhab et Ibn Nâfi’ déclaraient cet achat licite et ne le désapprouvaient pas. Or, Ibn Wahb est le plus savant d’entre eux et le plus compétent dans les traditions relatives à cette question. Quant à Ibn Al-Qâsim, il n’a aucun motif sur lequel il appuie sa désapprobation, mais c’est uniquement pour aggraver la répugnance qu’il a contre les juifs et les chrétiens.

Mais pour un péché, ce n’en est pas un.

?

Que décider au sujet d’un juif qui imite le costume des musulmans et ôte le bijou au moyen duquel on le reconnaît.

Il sera puni de prison et de flagellation. Ensuite on le promènera à travers les quartiers des juifs et des chrétiens, comme avertissement donné à ceux qui lui ressemblent, et comme mesure de sévérité contre eux, motivée par l’acte de ce juif. C’est ainsi que ‘Alî ibn Abû Tâlib écrivit à l’un de ses qâdts d’obliger les juifs et les chrétiens à ce que leurs ceintures (zounndr) fussent larges sur le devant du costume, afin qu’on les y reconnaisse. Celui qui contrevenait à cette défense recevait tout nu vingt coups de fouet, puis était incarcéré. S’il récidivait, on lui appliquait une flagellation douloureuse, exagérée, et on le gardait longtemps en prison.

DE L’ÉCHANGE_AL-MOU’ÂWADHA

DE LA FORME DE L’ÉCHANGE

Ibn Lubb

Est-il permis d’échanger des œufs contre du son non livrable immédiatement ?

L’exécution immédiate du contrat de part et d’autre est indispensable, car on est ici en matière d’échange de comestible contre comestible. Pour ce qui est des œufs, cela (la qualité de comestible) est reconnu par tout le monde. Il doit en être de même du son, car il dérive de la farine, dont il est une partie. Il est même rare que le son ne renferme pas de la farine. C’est ainsi que les faqîh (jurisconsultes) voient d’un mauvais œil le fait de se laver les mains avec du son, à cause du respect que l’on doit à la farine [qui nous sert de nourriture]

Ibn Sirâj

Est-il permis d’échanger les denrées alimentaires de la façon suivante l’un des coéchangistes met sa denrée dans un des plateaux [de la balance] et l’autre coéchangiste mettant la sienne dans l’autre?

L’échange (al-moubâdala) n’est pas permis, quand on met le sel dans un des plateaux de la balance et l’orge dans l’autre plateau, ou des denrées analogues, car c’est comme la pesée au moyen d’une pierre dont le poids est inconnu. Ce n’est pas permis, car cela constitue un aléa, à moins que l’on ne connaisse le poids de l’une des deux denrées, au moyen de ce qui sert à déterminer le poids de l’autre. Dans ce cas, cela serait permis, parce que la denrée serait déterminée [quant au poids]. La prohibition, là où nous l’avons mentionnée, a été textuellement indiquée par ‘Abd Al-Mâlik ibn Habîb.

DE LA REVENDICATION DE L’OBJET ÉCHANGÉ

Sidi Misbâh

Un échange intervient entre deux hommes, à l’occasion d’une terre. L’un des deux objets donnés en échange ayant été revendiqué, le coéchangiste évincé recourt-il contre l’autre partie pour la valeur estimative de la chose qu’il avait remise en échange, ou pour la valeur de celle qui a été revendiquée entre ses mains, ou enfin revendique-t-il la chose même qu’il avait remise en échange ? Si la revendication résulte, pour partie, d’un droit de propriété [du revendiquant] et, pour partie, d’un droit de préemption, doit-on appliquer les mêmes règles que s’il s’agissait d’une revendication basée pour la totalité sur un droit de propriété? Explique-nous cela; puisse Dieu le Très-Haut vous préserver

Que Dieu vous honore! Si les choses sont telles que vous les avez dites, le coéchangiste évincé exercera son recours sur la chose qui est entre les mains de son associé ils seront tous deux associés pour cette chose dans la même proportion où ils étaient associés avant le partage1, si toutefois la chose qui subsiste entre les mains de l’associé existe encore et n’a pas été irrévocablement transférée, par suite de plantation, construction, vente, donation ou autre cause de transfert analogue. Si la chose a été définitivement transférée par l’un de ces moyens, le coéchangiste évincé recourra pour la valeur de sa part dans la chose en question, selon le principe posé par Ibn Al-Qâsim, qui considère le partage comme une vente, contrairement à Ashhab et Sahnoùn qui ne regardent le partage comme irrévocable que si la chose est sortie des mains [du | copartageant]. Cela ne s’applique d’ailleurs qu’au partage par tirage au sort. Quant au partage consensuel, on s’accorde à le considérer comme une vente, et comme irrévocable, même quand la chose n’est pas sortie des mains du copartageant.

Que la chose ait été enlevée au coéchangiste évincé par la revendication, ou à la fois par la revendication et la shoufa (préemption), cela est indifférent, car, d’après la meilleure opinion du rite, la shouf’a est une revendication. Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance.

DE LA LÉSION EN MATIÈRE D’ÉCHANGE

Ibn Lubb

Deux individus échangent deux propriétés. L’un des coéchangistes veut demander la rescision du contrat pour cause de lésion. Que décider ?

J’ai pris connaissance de la question écrite ci-dessus, du contrat d’échange qui a été conclu à ce sujet, ainsi que de l’acte constatant la lésion. La règle à cet égard est que l’échange oblige ceux qui l’ont contracté, et il n’y a aucun moyen de l’annuler par décision judiciaire, sans le consentement réciproque des deux parties, car l’opinion la plus répandue et la plus solide dans la doctrine est qu’il n’y a pas de rescision pour cause de lésion, en faveur de celui qui est capable. Obligez les hommes à ce à quoi ils se sont obligés. Laissez Dieu faire gagner les hommes les uns par l’intermédiaire des autres. C’est cette opinion qui est suivie dans la pratique. Les faqîh l’ont déclarée licite, et à plus forte raison dans l’espèce, présente, étant donné qu’il s’est écoulé six mois depuis la conclusion de l’échange et que le réclamant a formulé sa demande dans le septième mois. Il n’y a donc aucun moyen, en l’espèce, de demander la rescision pour cause de lésion.

DU LOUAGE_AL-KIRÂ’

DES OBLIGATIONS DU BAILLEUR

?

Que décider lorsqu’une souris ou un chat tombe dans le puits d’une maison donnée en location ?

Le propriétaire de la maison est tenu d’enlever l’animal, car le puits est du nombre des utilités de la maison c’est donc à lui qu’il incombe de le curer. Si l’animal reste plusieurs jours dans le puits, le locataire bénéficie d’une réduction proportionnelle à la jouissance qu’il n’a pu retirer du puits. Ainsi jugé à Cordoue.

Ibn Zarb

-Que décider lorsqu’un homme donne sa maison en location pour dix ans et qu’il veuille ensuite la vendre ?

Il ne lui est pas permis de la vendre pour être délivrée après la période susdite (dix ans).

-On fit remarquer au jurisconsulte sus-nommé, qu’Ibn Al-Qâsim a permis la vente de la terre avec délivrance différée pour dix ans. « Parfaitement, dit Ibn Zarb, c’est le contraire de la maison. » Puis il se tut.

DES ACCESSOIRES DE LA CHOSE LOUÉE

?

Un homme prend en location une maison dans laquelle se trouvent des silos, qui, au moment de la conclusion du contrat de location, n’ont été mentionnés ni par le propriétaire de la maison, ni par le locataire. Le propriétaire veut y enfouir son grain, mais le locataire s’y oppose, en argumentant de ce qu’il a loué la maison avec tout ce qu’elle renferme, silos ou autres. Que décider? Si le locataire avait connaissance des silos, ils seront compris dans sa location, sans que leur propriétaire y ait aucun droit, vu qu’il ne se les ait pas réservés par une stipulation spéciale au moment de la location. S’il n’en avait pas connaissance, il n’aura que les choses apparentes qu’il a louées. Quant au propriétaire de la maison, il ne pourra y pénétrer fréquemment qu’avec l’autorisation du locataire.

Al-Mâzarî

L’eau de pluie recueillie dans la citerne d’une maison donnée en location appartient-elle au propriétaire de la maison ou au locataire ?

On doit s’en référer à l’usage admis à ce sujet. Quant au point de vue juridique de la question, le système d’Abû Muhammad ‘Abd Al-Hamîd est que l’eau appartient, en l’espèce, au propriétaire de la maison. A Médine, au contraire, les muftis, comme As-Soulamî et d’autres, attribuaient l’eau au locataire. J’ai demandé alors à Aboù Muhammad ‘Abd AI-Hamîd sur quel argument il étayait son opinion. Il me répondit « Nul n’est dépossédé de son bien, sans une cause déterminée transférant la propriété à un autre. Or, celui qui a loué la maison, a loué uniquement le droit d’y habiter, et l’habitation ne comprend pas le droit à l’eau, ni d’après les textes [du droitJ, ni d’après le “oarf (coutume). De sorte que le propriétaire n’est dépossédé que des utilités Q* manâfi’) qu’il reconnaît avoir louées, ou qui doivent l’être d’après la coutume. En cas de doute, les choses restent la propriété du bailleur. C’est pour cela que je décide dans mes félwas que l’eau appartient au propriétaire de la maison. »

Je me suis séparé, dans la suite, de ce jurisconsulte et je fus d’avis, en partant de son propre système, que l’eau appartient au locataire. C’est que, en effet, il a pris à bail du propriétaire la totalité des utilités de la maison; or, l’eau fait partie des utilités de cette maison, puisqu’elle provient de ses terrasses elle appartient donc au locataire. Voici, d’ailleurs, la teneur de ma réponse à ce jurisconsulte

« Selon moi, l’eau appartient au locataire, car il a droit aux utilités; or l’eau provient des utilités de la maison. Elle appartient donc à celui qui possède la chose principale dont cette eau provient, comme si un pigeon ou une sauterelle venaient à tomber sur les toits de la maison ils appartiendraient au locataire. » Tels sont les termes mêmes, ou à peu près, de ma réponse. Puis, sept ans environ après cette discussion, j’ai vu que mon argumentation était susceptible d’être combattue. En effet, le locataire a pris à bail du propriétaire toutes les utilités de la maison mais le fait que l’eau fait partie de ces utilités est une allégation qui a besoin d’être prouvée. Aussi me suis-je rangé depuis à l’opinion qui s’en réfère à l’usage.

DU LOYER

Ibn Rushd

Un homme prend à bail une maison pour plusieurs années, moyennant un loyer payable à des échéances déterminées. Il meurt dans l’intervalle. Son décès rend-il exigible tout le loyer, comme toutes les autres dettes, ou, au contraire, n’y a-t-il d’exigible que ce qui était échu, avant son décès, le restant étant à la charge personnelle des héritiers, qui auront droit au restant de la jouissance? Dans le chapitre « de l’insolvabilité judiciairement déclarée » de la Hioudàwwàna, il y a des questions de ce genre ayant pour auteur des Qairouanais, et qui sont controversées, ainsi que l’a dit Al-Lakhmî. Deux opinions peuvent être émises sur cette question. La plus solide est que tout le loyer ne devient pas exigible par le décès du locataire ou sa déclaration judiciaire d’insolvabilité, car ces deux événements ne rendent pas exigible ce qui n’est pas payable immédiatement après perception de la contre-valeur 1. C’est le principe posé par Ibn Al-Qâsim., qui ne regarde pas la prise de possession de la maison comme équivalant à la prise de possession de l’habitation, même lorsque celle-ci est assurée, « parce que, dit Ibn Al-Qâsim, je n’approuve pas la perception du loyer en retour d’une obligation dont on reste tenu » D’après ce principe, le loyer [entier] ne devient pas exigible par la mort du locataire les héritiers de celui-ci prendront ses lieu et place, à moins que le propriétaire de la maison ne consente pas à les accepter comme débiteurs, auquel cas le contrat est résilié.

« 11 en est de même dans le cas d’insolvabilité judiciairement déclarée [du locataire]. Le bailleur rentrera en possession de sa maison et ne pourra la laisser [entre les mains de l’insolvable] et venir à la distribution par contribution, pour le montant du loyer, que du consentement des autres créanciers. »

Ailleurs, Ibn Al-Qâsim a dit que le bailleur peut laisser sa maison [entre les mains de l’insolvable] et participer à la distribution par contribution avec les autres créanciers, pour le montant du loyer. C’est une variation de son opinion, qui ne cadre pas avec ses principes. Elle est identique à l’opinion d’Ashhab, car celui-ci regarde la perception du commencement comme une perception s’appliquant au reste [de la chose]. Dans ce système, la prise de possession de la maison louée est valable comme contrevaleur de la dette [du loyer], et, dans ce cas, tout le loyer devient exigible par l’insolvabilité judiciairement déclarée ou la mort du locataire. On donne alors le choix au bailleur de reprendre sa maison ou de la laisser et de participer à la distribution avec les créanciers, comme dans l’opinion d’Ibn Al-Qâsim qui est en désaccord avec son principe.

Abû-l-Hasân As-Saghîr

Un individu prend (loue) un bœuf pour le labour moyennant le dixième [de la récolte]. Il le nourrit pendant un certain temps, puis s’aperçoit qu’il ne laboure pas. Que décider ?

Tout d’abord, il n’est pas permis de prendre le bœuf à cette condition aléatoire. Ensuite, le preneur aura un recours pour la nourriture qu’il lui a donnée, attendu que ce bœuf ne laboure pas.

An-Nawâwî

Un homme donne en location sa maison ou autre chose, moyennant une jeune esclave. Que décider ?

11 aura le droit de cohabiter avec elle après l’istibrâ (délai de viduité 2) et avant l’expiration de la durée du bail, lors même que hypothèse rare l’esclave opposerait que la maison tombe en ruine ou une autre raison. Cela n’empêche pas qu’elle demeure en sa propriété. Cette question a été exposée clairement par nos amis, notamment par AI-Mâwardî1, à l’occasion de la question de la zalcdt (aumône légale) due sur le loyer avant l’expiration du bail.

DES CAS FORTUITS

?

Un individu prend à ferme une terre, et la pluie étant tombée après qu’il eut ensemencé, la terre fut submergée pendant quelques jours ou pendant un mois et la récolte périt. Que décider ? `?

Si [l’accident] est arrivé après l’époque la plus favorable aux semailles 3, cela est identique à la gelée 4. Mais si cela s’est produit pendant l’époque favorable aux semailles, de sorte que, si l’eau s’était retirée, la récolte eût poussé de nouveau, et si la terre est restée submergée jusqu’à ce que l’époque en question fût écoulée, c’est comme si la terre a été inondée pendant le moment favorable. En conséquence, le fermier ne doit pas de fermage. Mais si l’eau s’était retirée pendant l’époque favorable, il serait tenu du fermage.

Ibn Rushd

Lorsque la récolte est endommagée par un froid intense, alors que les plantes sont déjà assez hautes, si la sécheresse y succède, le propriétaire de la récolte est-il tenu du fermage ?

Si la sécheresse a persisté de telle façon que l’on a acquis la certitude que, si même la récolte avait échappé intacte au froid intense [qui a précédé], la sécheresse l’aurait fait périr, le fermage cette d’être du par le propriétaire de la récolte.

Al-Yaznâsni

Un homme prend à bail une terre ba’lïa 1 pour y faire des labours. Il la laboure et l’ensemence, mais les sauterelles viennent et y pondent cela donna naissance à des larves 2, qui mangèrent la récolte en question, jusqu’à la détruire entièrement. Le locataire de ladite terre est-il tenu d’une partie quelconque du fermage ? Le locataire de la terre ne doit aucun fermage, car ce fléau a sa cause dans la terre elle-même 3. Au demeurant Dieu le sait mieux.

Ibn Rushd

Lorsque le commerce baisse dans les boutiques prises en location, par suite du petit nombre de clients, cela est-il considéré comme un cas fortuit, donnant droit au profit des locataires à une réduction du loyer proportionnelle à la baisse de leur commerce ? Quid, si les boutiques appartiennent aux habous sont-elles régies par les mêmes règles que les boutiques non habousées ? Le manque de commerce dans les boutiques prises à loyer par suite du marasme des affaires n’est pas un cas fortuit, pour que leur locataire ait le droit de s’en prévaloir. Qu’il s’agisse de boutiques appartenant aux habous ou non, la règle à ce sujet est la même. Cependant, si le qâdi estime, en ce qui touche les boutiques des habous, qu’il y a lieu d’accorder une réduction de loyer aux locataires à raison de ce dont ils se sont plaints, à titre de prime pour les gagner, cela est permis, de même qu’il est permis au mandataire général de consentir, à ce titre, un rabais sur les prix de ce qu’il a vendu pour le compte de son mandant.

Ibn Abd As-Salâm

Une femme prend en location un silo et y garde son blé. Elle le trouve ensuite charançonné. Que décider, étant donné que le propriétaire du silo savait que celuici communiquait le charançon ?

Le propriétaire du silo est responsable, comme dans « la question du moulin qui est exposée dans la Mudawwana.

DROIT DE PRÉFÉRENCE DU PREMIER LOCATAIRE

Ibn Al-Qâsim

Un des habitants de Monastir quitte cette ville pour le pèlerinage, puis revient; a-t-il le droit de réoccuper la maison qu’il habitait, par préférence à tout autre ? Il y a plus de droit que tout autre. C’était ma réponse anciennement, et [ce sera ma réponse] jusqu’à ce que l’Heure dernière arrive, à moins que je ne change d’avis.

CONTESTATIONS

Al-Mashdâlî

Un individu donne sa maison à bail pour une certaine durée. Celle-ci expire, et le propriétaire de la maison dit [au preneur] « Tu as épuisé ta location et tu as habité pendant la durée pour laquelle tu as loué la maison. » Quedécider ? a

S’il y a une preuve testimoniale de ces faits en faveur du propriétaire de la maison [point de difficulté]. Sinon le locataire prêtera serment qu’il ne s’est pas installé dans la maison ni ne l’a habitée. Si la durée est expirée, le locataire sera tenu de ce dont les témoins auront déposé. Mais s’il n’y a pas de preuve testimoniale, le bail est annulé dans les rapports des deux parties. Et alors, si [le locataire] a payé, il aura un recours pour le loyer [payé d’avance]; s’il n’a pas fait de paiement anticipé, il ne sera pas tenu de l’effectuer, et il aura le droit de référer le serment.

 

 

DU LOUAGE D’OUVRAGE OU D’INDUSTRIE ET DU LOUAGE DE SERVICES _ AL IJÂRA

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DE L’OBJET DU CONTRAT

Al-‘Uqbânî

Est-il permis de recevoir un salaire pour enseigner le droit? Le professeur a-t-il besoin, pour enseigner le droit, de l’autorisation de son maître ? Dans l’affirmative, suffit-il, pour cela, d’une simple autorisation verbale, ou est-il indispensable de dresser par écrit une licence et d’en requérir témoignage ?

Dans la Mudawwana, Mâlik voit d’un mauvais œil le salaire [stipulé] pour l’enseignement du droit. La prohibition complète et la licéité de ce salaire ont également des partisans, de la même manière qu’on est partagé sur la question de la vente des livres de droit. La doctrine de la Mudawwana est préférée, parce que, vu la faiblesse des ressources des savants, la science pourrait se perdre car si les savants étaient empêchés de [toucher] le salaire, la poursuite des moyens d’existence les occuperait au détriment de l’enseignement.

Quant à la subordination de l’enseignement à une licence, personne n’a formulé cette règle. C’est tout comme le muftî (jurisconsulte qui rend des fatwas), qui n’a guère besoin d’une licence. Toute personne, au contraire, dont on connaît la science et le sentiment religieux, a le droit d’enseigner et de rendre des fatwas (consultations juridiques). Quant à celui qui reçoit l’enseignement, s’il voit le maître faisant profession d’enseigner et de rendre des fatwas, tandis que les gens le vénèrent, il lui sera permis d’étudier sous ce maître. S’il lui est possible de se renseigner à son sujet, qu’il le fasse et s’il est informé que c’est un savant ayant les sentiments religieux, il lui sera permis de le consulter. Quant à savoir s’il suffit des renseignements fournis par une seule personne, il y a deux opinions sur la question. Enfin, si le maître sait par lui-même qu’il est apte, tant au point de vue religieux qu’au point de vue scientifique, à enseigner et à donner des fatwas, il en sera tenu, tantôt à titre d’obligation individuelle (fard ‘ain) tantôt à titre d’obligation de suffisance (fard kifâya), selon la diversité des lieux, d’après les règles que l’on connaît en cette matière. Mais s’il sait par lui-même qu’il est incapable d’enseigner ou de donner des fatwas, il ne lui est pas permis de s’en occuper. Quant à celui qui, étant apte à cette fonction, en est empêché par un de ses maîtres, il ne lui est pas permis d’obéir à ce maître. A l’inverse, celui qui, étant incapable, est autorisé par son maître à enseigner ou à donner des fatwa, ne doit pas lui obéir; il est, au contraire, tenu de lui désobéir. La licence n’est exigée et n’est utile que pour transmettre des récits ou des poèmes célèbres et certaines autres compositions. Quant à la science juridique, nul n’a dit que l’enseignement ou les consultations aient besoin d’une autorisation d’un maître. Mais il n’est permis à personne d’apprendre une question de droit, si ce n’est d’un homme dont la science et les sentiments religieux sont connus. La manière d’arriver à cette connaissance est celle que nous avons indiquée ci-dessus. Dans le livre intitulé Kitâb al-Wuçûl (le Livre des bases), on rapporte que tout le monde est d’accord que si on voit un individu faisant profession de donner des fatwas (consultations juridiques), tandis que les gens le consultent et font grand cas de lui, on a le droit de lui demander des fatwas et de recevoir son enseignement. L’accord général rapporté dans le Kitâb al-ousoul signifie qu’il y a unanimité (ijmâ’). Le shaikh Abû ’Abd Allah ibn Rushaid  – Que Dieu lui fasse miséricorde a raconté comme anecdote sur le shaikh Shihâb Ad-Dîn (le flambeau de la religion) Al-Qarâfi que certain étudiant suivit ses leçons pendant un certain temps moyennant salaire ; puis il le quitta et suivit l’enseignement de Shams Ad-Dîn (le soleil de lareligion) Al-Isbahânî1, dont il fut très satisfait. Il revint alors réclamer à Shihâb Ad-Dîn le salaire qu’il lui avait payé, en invoquant comme argument qu’il n’a pas tiré profit de son enseignement. Voici qu’elle fut la réponse de Shihâb Ad-Dîn « Si ta vue ne s’était pas accoutumée à la lumière du flambeau (Shihâb Ad-Dîn), elle eût été aveuglée par les rayons du soleil (Shams Ad-Dîn). »

« C’est, ajoute Ibn Rushaid, la conduite habituelle de tous les mauvais débutants, à l’égard des grands savants. »

Al-Qâbisî

Est-il permis de recevoir un salaire pour enseigner le calcul?

Cela est permis, comme [pour] l’écriture. De même, si [le maître] enseignait à l’élève les règles qui sont unanimement admises en matière successorale, cela serait permis.

Ibn Al-Makwî Al-Ishbilî

Un homme loue ses services pour lire [le Qur’ân] sur les tombes, moyennant un salaire déterminé, afin de lire chaque jour et chaque nuit une partie du Qur’ân. Cela estil permis ?

C’est une innovation blâmable (bid’a), qui est mal vue, mais qui n’est point défendue

Ibn Lubb

Un individu qui traite la possession des mauvais génies et guérit ceux qui en sont atteints a-t-il le droit de se faire rétribuer pour cela

Si ce traitement est d’une efficacité prouvée par l’expérience, d’une utilité et d’un succès connus par l’usage, et si les écrits ;ou les incantations que cet homme fait, consistent dans des noms d’Dieu ou des passages du Qur’ân, cela est bon, et il a droit, de ce chef, à une rétribution de la part de celui pour lequel il a travaillé, selon ce qu’il a stipulé, s’il a stipulé quelque chose. Sinon, on s’en remettra à la générosité de celui pour le compte duquel le travail a été fait. Il n’y a pas de quantum ni de limites fixés à cet égard.

An-Nawawî

Un homme ayant été injustement emprisonné par le Sultan ou autre oppresseur offre une certaine somme à un homme qui, grâce à son influence ou à un autre moyen, interviendrait pour le faire élargir. Cela est-il permis ? Et la question a-t-elle été signalée par un auteur quelconque ?

Oui, cela est permis. Cette solution est clairement indiquée par plusieurs auteurs, dont le qâdî Husain, au chapitre premier de l’Usure, de sa Ta’lîqa. Il a d’ailleurs rapporté cette décision d’après Al-Qâffal AI-Marwazi lequel a dit: « C’est un forfait (ou promesse conditionnelle) licite. » Et le qâdi Housain ajoute « Et cela n’est pas de la même nature que le cadeau corrupteur; c’est, au contraire, une contre-valeur licite, comme toutes les promesses conditionnelles.

Ibn Lubb

Un individu figure dans un partage au nom de sa femme, à l’occasion d’une succession qui lui est échue, et reçoit pour elle la part qui lui revient. Il réclame maintenant pour cela un salaire à sa femme. Y a-t-il droit ? Ce que l’épouse a obtenu par l’entremise de son mari, sans qu’il ait fait beaucoup de frais, elle l’aura sans que son mari ait droit à un salaire pour l’avoir encaissé. Au contraire, la femme devra indemniser son mari pour ce qu’elle a obtenu par son entremise, lorsqu’il a dû faire des frais, des démarches, et interrompre, à cause d’elle, la poursuite de ses propres intérêts et qu’il prétende n’avoir pas assumé ce travail pour rien.

DU SALAIRE

Ibn Lubb

-Est-il permis de fixer le salaire du vannage [des grains] à tant de mesures (mudd) 1 par charge (ahmâl), sans qu’on sache d’avance le nombre de charges que la récolte produira ? Le salaire, tel qu’il est indiqué ci-dessus, est indéterminé (majhûla), car, bien qu’on sache parfois la quantité approximative d’une charge, on ignore le nombre de celles-ci. Il en serait autrement si l’on connaissait à peu près ce nombre la fixation du salaire sur les bases susdites n’aurait pas de mal dans ce cas.

-Peut-on s’engager à battre les épis moyennant la paille ? C’est un salaire indéterminé, vu que l’on ignore la quantité de paille qui en sortira. Cela serait permis, si une approximation était possible. (Le méme. Ibidem.)

Al-Mâzarî

Est-il permis de salarier un homme pour faire la cueillette des olives, moyennant une part de la récolte, et avant la maturité ?

La question est exposée dans les ouvrages de droit célèbres, comme la Mudawwana et autres. Si la difficulté [qui vous embarrasse] tient seulement à ce que la récolte n’est pas encore mûre, [sachez] que ce qui est prohibé, c’est seulement le fait d’acheter cette récolte sous la condition de la laisser [provisoirement] en branches. Mais si c’est pour cueillir les fruits, cela est permis. Enfin, si les 1. Voy. t. I, p. 490, note 1.

parties stipulent, pour la récolte non encore mûre, que le prix sera payé comptant, ou qu’il sera mis de côté [en attendant], et si la récolte périt avant l’entrée en maturité, l’acheteur n’est tenu d’aucune obligation et ne doit pas le prix

Ibn Rushd

Un individu loue ses services moyennant une quantité de denrées alimentaires, dans une ville déterminée. Puis les deux parties quittent cette ville, et il leur devient difficile d’y retourner. Le patron doit-il donner au salarié [la même quantité] de denrées alimentaires, dans la ville où ils se sont rendus ?

Le salarié n’a droit qu’à la quantité de denrées alimentaires qu’il avait dans la ville où l’engagement a eu lieu. Si le patron consent à lui donner la même quantité dans la ville où ils se trouvent, cela est permis. Mais il n’est pas permis [au salarié] de toucher le prix à la place des denrées, à cause de la prohibition de vendre les denrées alimentaires avant leur perception. Si le [patron] ne con-.sent pas à payer la même quantité de denrées dans la ville où ils sont actuellement, et porte l’affaire devant le qâdî, celui-ci le condamnera à [payer] la valeur estimative du travail du salarié, à raison de la difficulté d’arriver jusqu’à la ville où le contrat est intervenu. Si on ne l’a pas condamné à payer la valeur estimative des denrées, telle qu’elle est constatée au lieu du contrat, c’est parce que la valeur estimative de la chose est comme son prix c’est alors vendre la chose avant de l’avoir perçue. Ceux qui admettent que la valeur estimative est différente du prix, en admettent aussi le paiement dans la ville où les deux parties se trouvent actuellement.

Mâlik

Un salarié demande à la personne pour laquelle il a travaillé de lui donner un vêtement à la place des dix dirhems qu’elle lui doit. Celle-ci répond « Je n’en ai point, mais je t’achèterai un vêtement avec les dix dirhems. » Cela est-il permis ?

Cela est désapprouvé (makrûh). La bonne solution, c’est que l’employeur achète le vêtement pour lui-même, puis le revende au salarié

Ibn Abû Zaid

-Que décider lorsque le maçon salarié est empêché, par la pluie, de travailler pendant une partie de la journée ? »~ Il aura droit à un salaire proportionnel à son travail on ne tiendra pas compte du reste de la journée.

La même décision est rapportée d’après Sahnûn. Mais un autre auteur dit que le maçon aura tout son salaire, car l’empêchement n’est pas de son fait.

-Il est de règle que l’ouvrier salarié pour creuser un puits, a droit à un salaire proportionnel à ce qu’il a creusé, lorsque le puits vient à s’effondrer avant l’achèvement des travaux tandis que le tailleur n’a droit à aucun salaire, lorsque la perte de l’étoffe survient avant l’achèvement de la façon 2. Pourquoi cette différence ? C’est parce que, dans quelque proportion que le puits soit creusé, l’utilité en subsiste au profit du propriétaire, tandis que l’utilité, en ce qui concerne l’étoffe, n’existe que par l’achèvement de la façon 1.

Ibn Lubâba

Un homme prend à gages un salarié pour moissonner ou pour bâtir. Mais entre la moisson (ou l’endroit où il faut bâtir) et le domicile du salarié, il y a une journée ou partie d’une journée de marche. Le salaire lui est-il dû à partir du moment où il est sorti se rendant au domicile de celui qui l’a engagé, ou à partir du moment où il est arrivé et a commencé son travail?

Si le contrat n’a été conclu qu’à l’endroit où se trouve le salarié, dans ce cas le salaire lui est dû pour la journée pendant laquelle il se rend au lieu du travail, à moins que celui qui l’a engagé n’ait stipulé qu’on ne tiendrait pas compte de la journée pendant laquelle ils se transporteraient tous les deux. Mais si le maître de l’ouvrage a dit simplement au salarié « Viens avec moi, pour que je traite une affaire avec toi », et que le salarié ne lui ait encore répondu sur aucun point, il n’aura pas de salaire pour la journée pendant laquelle ils se transportent

D’après Abû Sâlih, le maître n’est tenu du salaire que lu jour où l’ouvrier commence à bâtir ou à moissonner. Point de salaire pendant le voyage, à moins que le contrat n’ait eu lieu à cette condition.

Sidi Misbâh

Le notaire doit-il indiquer d’avance son émolument, avant la rédaction de l’acte qu’il est requis de dresser ? Pour les actes dont le cût est connu, il n’est pas besoin d’une fixation anticipée. L’usage y tient lieu de fixation. Quant aux actes qu’on rédige rarement, il est indispensable d’en indiquer le cût avant leur rédaction à moins que le rédacteur ne soit d’un caractère noble, acceptant ce qu’on lui donne; dans ce cas, point n’est besoin d’une fixation anticipée. Mais Mâlik a dit « Je préfère la fixation du cût d’avance. »

Ibn Rushd

Un individu achète à un autre une marchandise à un prix déterminé et à un terme déterminé. Cet acheteur désire se faire remettre par le vendeur des étoffes pour les coudre ou les teindre et en déduire le salaire du prix qu’il doit, pour qu’il lui soit plus léger, le vendeur y consentant. Tout cela a lieu avant l’arrivée du terme. Cela seraitil permis, si on était après l’arrivée du terme? Cela n’est pas permis, que le terme soit ou non arrivé, à moins que l’acheteur ne fasse pour le vendeur le travail de couture ou la teinture, sans condition, sauf à régler leur compte après.

DES OBLIGATIONS DU SALARIÉ

Abû Muhammad

L’instituteur est-il tenu d’examiner les tablettes (alwâh) des élèves, pour voir si elles contiennent des fautes dans le tracé des lettres ? Quid, s’il a stipulé qu’il ne les examinerait pas? Il est tenu d’examiner les tablettes des élèves et de corriger les fautes qu’elles contiennent. La stipulation contraire est une erreur, qui ne serait pas permise. D’après Ibn Sahnûn2 2 il faut que l’instituteur enseigne aux élèves la syntaxe désinentielle du Qur’ân cela est obligatoire pour lui; plus les points-voyelles, l’orthographe, la calligraphie, la bonne lecture, les règles des ablutions (wudû), de la prière, les obligations canoniques et les obligations traditionnelles de celle-ci, la prière des morts et les vœux (du’â) de cette prière, la prière pour demander [à Dieu] la pluie (ou rogations), la prière à l’occasion de l’éclipse de la lune. D’après Muhammad Ibn ‘Arafa, en parlant de « la syntaxe désinentielle du Qur’ân »

Ibn Sahnûn vise l’enseignement du Qur’ân prononcé sans barbarismes quant à la syntaxe grammaticale, elle est difficile. Par les mots « la bonne lecture », il a entendu dire la lecture élégante du Qur’ân (al-lajould), ce qui n’est pas obligatoire, d’après la coutume en usage chez nous, si ce n’est pour celui qui a pris l’engagement devant témoin de l’enseigner. Quant aux règles des ablutions et des autres choses mentionnées après, il est clair que cela n’est pas obligatoire d’ailleurs, beaucoup d’instituteurs sont incapables de les enseigner.

Ibn Lubâba

Que décider lorsqu’un berger frappe une vache ou une brebis avec un gros bâton, ou lui lance un petit bâton ou une pierre et la tue ?

Il est responsable. Mais s’il a lancé le bâton ou la pierre à distance du troupeau et que le projectile ait rebondi de la terre et tué l’animal ou si la brebis ou la vache, ayant pris la fuite, est tombée dans un précipice et s’est fracturée ou est morte, il n’encourra aucune responsabilité. C’est ainsi que les bergers jettent d’ordinaire [les pierres ouïes bâtons].

Si de deux bergers salariés pour garder un troupeau de moutons, l’un s’en va pour acheter sa nourriture, ou pour une affaire l’intéressant, et qu’une brebis s’égare ou est mangée par un lion, la responsabilité n’incombe pas aux deux bergers, car il est indispensable que l’un d’eux aille faire les courses pour ce dont ils ont besoin. Si les moutons commettent, la nuit, des dégâts dans des cultures, la responsabilité pèse sur les propriétaires, si les troupeaux passent la nuit chez eux; mais si les bergers les gardent à la campagne, ils n’en seront pas responsables.

SECTION I.

DES ARTISANS

Ibn Zarb

Un individu remet à un savetier une peau pour lui faire une paire de bottines, sans lui indiquer la forme qu’il désire. Le savetier fait une forme qui convient à un homme tel que le client. Que décider ?

Le client est tenu de l’accepter. Au contraire, s’il donnait à un teinturier une étoffe pour la teindre, sans lui indiquer la couleur, et que l’ouvrier la teignait en une couleur qui sied au client, celui-ci n’est pas tenu de l’accepter, et le teinturier répondra de la pièce d’étoffe, attendu qu’il ne lui a pas commandé la couleur.

« Et quelle est la raison de la différence, demanda-t-on au jurisconsulte ci-dessus, entre le teinturier et le savetier ? »

« Il y a une différence entre les deux, répondit-il, car les bottines se ressemblent toutes à peu de chose près, tandis que les couleurs diffèrent beaucoup, de même que les gens diffèrent énormément au point de vue de la préférence qu’ils donnent à certaines couleurs sur d’autres. Les bottines, au contraire, sont à peu de chose près identiques les unes aux autres. »

-Un homme remit à un meunier du blé pour le moudre puis, trouvant qu’il y avait encombrement, il laissa la charge [de blé] et dit [au meunier] « Ne le fais pas moudre jusqu’à ce que j’assiste à sa mouture. » Que décider, la charge de blé ayant péri ?

Pas de responsabilité à la charge du meunier, car, lorsque le propriétaire du blé a posé comme condition qu’il ne le ferait pas moudre, si ce n’est en sa présence, c’est comme s’il ne le lui avait pas remis.

Les membres du Conseil avaient été partagés sur cette question.

Asbagh ibn Khalîl

Un homme paie son salaire à l’artisan, et celui-ci s’étant levé pour lui sortir son vêtement, l’homme lui dit « Laisse-le [chez toi] pour le moment. » Que décider lorsque l’artisan prétend que le vêtement s’est perdu par la suite ?

Pas de responsabilité à sa charge. Le motif de cette décision est qu’en lui disant « Laisse-le », c’est comme contraire, en cas de contestation sur la couleur commandée. C’est qu’en effet, dans l’espèce ci-dessus, il n’y a pas eu du tout de couleur désignée, et l’on se trouve hors du domaine d’application du principe que nous venons de rappeler. si le client a ajouté foi [à la déclaration de] l’artisan, quant à l’existence du vêtement dans la boutique, et l’a laissé chez lui à titre de dépôt1.

Ibn Al-Hâjj

Que décider, lorsque, le pain s’étant brûlé au four, le boulanger déclare que c’est le pain d’un tel, tandis que celui-ci dit que ce n’est pas son pain ?

La déclaration à admettre est celle du boulanger, et il n’encourra aucune responsabilité. C’est l’opinion d’Ibn Zarb.

Ibn Al-Makwî al-Ishbîlî

Que décider, lorsqu’une esclave, placée chez un juif pour lui donner des soins médicaux, disparaît pendant qu’elle était chez lui ? P

Il en répondra.

Ibn Al-Hâjj

La solution la plus conforme à la vérité, selon moi, est qu’il n’y a pas de responsabilité, à cet égard, à la charge du médecin, lequel sera tenu de prêter serment, s’il est sujet à caution.

La mise de la responsabilité à la charge des artisans n’a lieu, dit-on, que pour les choses susceptibles d’être dissimulées. Or, l’esclave n’est pas une chose de nature à pouvoir être dissimulée.

SECTION II.

DE LA SOCIÉTÉ ENTRE COURTIERS

Abû Imràn

Les courtiers peuvent-ils s’associer valablement pour conclure des ventes chacun séparément et partager ensuite les bénéfices ?

Cela n’est pas permis. Mais s’ils se mettaient tous ensemble pour vendre une même marchandise et se partager ensuite leur rémunération, cela serait permis

DE LA RESPONSABILITÉ

DES COURTIERS

Ibn Rushd

Les courtiers sont-ils responsables de la perte de la marchandise survenue entre leurs mains ? Quelle est la pratique suivie chez vous ? Applique-t-on, dans les rapports du courtier avec celui qui lui confie la marchandise, les mêmes règles que dans ses rapports avec celui à qui il demande lui-même une marchandise pour un acheteur qui l’en a chargé, tel qu’il est d’usage dans les suqs (marchés) ?

La doctrine que j’adoptais dans mes fatwa, comme étant celle que j’approuvais, vu la controverse qui existe sur la question, est qu’on n’ajoute pas foi à la déclaration des courtiers quant à la prétention de la perte [de la marchandise], à moins qu’ils ne soient connus pour leur bonne foi et dignes de confiance. Le principe est, du reste, qu’ils n’encourent pas de responsabilité, vu qu’ils sont des salariés fiduciaires. Cependant, AI-Fadl a raconté, d’après certains disciples de Sahnûn, que celui-ci rendait les courtiers responsables, par analogie avec les artisans. Al-Fadl approuvait cette décision, qui a un point d’appui dans les règles de l’analogie (al-qiyâs).En effet, les courtiers se sont consacrés à ces sortes d’opérations; cela est devenu pour eux un métier une profession. C’est en considération de cette idée que certains docteurs ont rendu responsables le berger associé 2 et le gardien du hammâm 3. De sorte que celui qui assimile les courtiers aux artisans, quant aux objets qu’ils ont reçus pour la vente, sans les avoir eux-mêmes demandés, se trouve obligé de les leur assimiler également, quand il s’agit de marchandise qu’ils ont demandée aux commerçants, pour la vendre à celui qui la leur a commandée. Mais cela n’est pas évident, pour les motifs que nous avons indiqués.

Au cas où, par application de cette dernière opinion, ou du principe qu’ils sont des commissionnaires fiduciaires, les courtiers sont déclarés irresponsables, la perte de ce qui a disparu entre leurs mains sera pour celui qui leur a Ternis la marchandise ou, selon d’autres, pour celui qui les a commis, parce qu’ils sont les commissionnaires fiduciaires des deux parties à la fois. Mais on est en désaccord sur le point de savoir laquelle de ces deux confiances l’emporte sur l’autre. Le plus vraisemblable est de donner la prépondérance à la confiance témoignée par celui qui a envoyé les courtiers, car elle est antérieure en date. Cependant, si l’on disait qu’aucune de ces deux confiances ne doit l’emporter sur l’autre, et que celui qui a commis le courtier est tenu de la moitié de la valeur de la marchandise, cette opinion serait également soutenable

DES CONTESTATIONS ENTRE COURTIERS ET COMMETTANTS

Ibn Lubâba 

Un individu a une contestation avec un juif au sujet d’un vêtement que le juif a vendu. Le musulman prétend qu’il l’a vendu au juif sans en toucher le prix, tandis que le juif soutient qu’il est seulement courtier, et que le musulman lui ayant donné l’ordre de vendre le vêtement, il l’a vendu, versé le prix au musulman et touché son salaire. Que décider ?

L’opinion adoptée par la majorité des adeptes de Mâlik et de Sahnûn est que l’on doit admettre la déclaration du juif sous serment. Ces auteurs disent « Quiconque reconnaît [avoir reçu] une chose confiée à sa bonne foi, n’en sera pas tenu comme l’ayant reçue pour son compte 1. » 1. C’est-à-dire qu’il sera cru quant à l’indication des circonstances

« Ceci est évident, dit Ibn Rushd, car celui qui’ réclame le prix de la marchandise est demandeur; c’est donc à lui qu’incombe la preuve tandis que l’autre est défendeur; or, nul ne peut être tenu au delà de ce qu’il a avoué contre lui-même. »

Ibn Abû Zaid

Un homme remet des perles à un autre, et celui-ci les perd. Le propriétaire des perles dit « Je te les ai vendues. » L’autre répond « Tu ne me les a remises que pour les vendre pour ton compte. » Il n’y a pas de témoins entre eux. Que décider ?

On admettra la déclaration de celui qui a reçu les perles, à charge par lui de prêter serment que les perles ont été perdues et qu’il ne les a pas reçues de l’autre à titre d’achat.

Abou ‘Imrân

-Le courtier peut-il se porter lui-même acquéreur d’un vêtement qu’il a été chargé de vendre, lorsqu’il a fait tous ses efforts pour lui faire atteindre le prix le plus élevé aux enchères ?

Il ne doit pas le faire, à moins qu’il n’en informe le propriétaire du vêtement.

-Que décider, lorsque le courtier prétend avoir restitué l’étoffe à son propriétaire, qui la lui avait remise pour la vente, tandis que l’autre nie [cette restitution] ? Pas de responsabilité à la charge du courtier; il n’est tenu d’aucune obligation lorsqu’il prétend que la chose a été perdue ou qu’un vice y est apparu. S’il est suspect, il prêtera serment. Néanmoins s’il a reçu la chose devant témoins, il ne sera quitte qu’en produisant des témoins à son tour. Un homme tel que le courtier est digne de confiance pour recevoir les marchandises des gens, dans les souqs (marchés).

QUESTIONS DIVERSES

Ibn Lubâba

Un salarié, par suite d’une erreur, va moissonner le champ d’un autre que celui qui l’a engagé. Que décider ? Il n’aura droit à un salaire ni contre le propriétaire de la récolte [moissonnée], ni contre celui qui l’a engagé. Il a commis une erreur et ne peut s’en prendre qu’à luimême. Toutefois, si l’homme dont il a moissonné la récolte ne la moissonne qu’en payant des salaires, il devra à celui. qui a commis l’erreur le prix de son travail.

Al-‘Uqbânî

-Un individu a été emprisonné à raison d’une accusation de meurtre ou d’un vol, et il n’a été établi contre lui aucune charge qui entraîne paiement d’une indemnité, talion ou prix du sang (dïa). Qui supportera le salaire du geôlier ?

Le salaire du geôlier, en l’espèce, est à la charge de celui qui a intenté l’action pour cause de meurtre, ou qui a prétendu [être victime] du vol.

-Un boulanger faisait cuire le pain de son gendre pendant environ quinze ans, le gendre étant d’ailleurs indigent. Puis, celui-ci étant revenu à meilleure fortune, le boulanger veut maintenant lui réclamer le prix de la cuisson pour toute la durée sus-indiquée. En a-t-il le droit ? Le silence du boulanger à réclamer [le salaire] pendant la durée que vous avez indiquée, ajouté à la parenté que vous avez mentionnée, montre évidemment qu’il faisait cuire le pain de ce gendre gratuitement. En conséquence, il ne pourra le poursuivre, ni alléguer qu’il ne s’était abstenu de lui réclamer son salaire qu’en considération de son indigence en effet, ce que le boulanger reçoit chaque mois est une somme minime, qui ne dépasse guère les moyens de la plupart des pauvres. Aussi, la prétention du boulanger est-elle nulle.

DU LOUAGE DES BÊTES DE SOMME ET DES NAVIRES KIRA AR-RAWÂHIL WA-D-DAWÂBB

SECTION I. DU LOUAGE DES BÊTES DE SOMME

Al-Khawlâni

Un homme loue des bêtes de somme avec leurs bâts et leurs sacs L’une des montures ayant disparu avec sa charge, le locataire laisse les autres auprès d’un autre individu et s’en va à la recherche de celle qui s’est égarée. Mais voici qu’une autre bête disparaît. Que décider ?

Le locataire n’est pas responsable de la perte de la première, ni de son bât, s’il l’a loué en même temps que la bête, à moins que son mensonge ne devienne évident. Et il ne répond pas de la seconde bête, ni de ce qu’elle portait, s’il l’avait laissée auprès d’un homme de confiance, qu’on ne peut soupçonner au sujet de la bête disparue. Mais si celle-ci était auprès d’un homme qui n’est pas digne de confiance, le locataire sera responsable. Enfin si une récompense conditionnelle a été promise à celui qui rechercherait l’animal, cette récompense sera, dans tous les cas, à la charge du propriétaire de la monture: c’est l’opinion d’Ibn Lubâba.

An-Nawawî

Un homme loue une monture et, l’ayant montée, il lui donna des coups tels qu’on en donne habituellement elle en mourut. Que décider

Nos confrères ont ditqu’il n’y a pas de responsabilité dans ce cas, car cela (la mort) est résulté d’un acte qu’on a le droit de faire. Ils ont ajouté que la différence entre ce cas et celui où le mari donne des coups à sa femme qui en meurt, dans des circonstances où il en est responsable, tient à ce que le mari peut corriger sa femme sans la frapper, contrairement à ce qui en est de la bête

Ibn Lubâba

Un homme loue d’un autre une monture. Celle-ci s’étant égarée, le locataire et le propriétaire promirent tous deux une récompense à quiconque l’amènerait. Lequel des deux supportera [le paiement] de la récompense ? P 1. La kounya de ce jurisconsulte malékite est Aboù ‘Abd Allah. JI est connu sous le nom d’An-Nahwi et est l’auteur d’un abrégé de la Moudammana. Sa patrie était Valence, où il mourut aveugle en 364/974

La récompense est à la charge de celui qui l’a promise. Le propriétaire de la monture ne doit rien.

Ibn Abû Zaid

Un individu donne en location des montures à un juif. Le jour du sabbat arrivant, le juif veut que ce soit un jour de repos 2. Doit-on condamner le musulman, en faveur du juif, à se reposer le samedi ?

Non, le musulman ne sera point condamné. De même, s’il y a entre eux un procès et que le jour du samedi arrive, il faut décider que le juif comparaîtra avec le musulman, ou qu’il donnera pouvoir à un mandataire, car il s’agit d’un procès entre un musulman et un tributaire (dhimmî).

DES AFFRÈTEMENTS

Ibn ‘Abdûs (m. 273)

Des individus affrètent un navire pour un transport de marchandises et s’embarquent eux-mêmes sur un autre navire. Lorsque le premier arriva, son capitaine prétendit que la tempête les ayant saisis, ils ont jeté les marchandises il n’y a pas d’autres témoins que ceux dont la déclaration n’est pas admissible. Que décider dans ce cas, et dans celui où la marchandise consisterait en denrées alimentaires ?

Le capitaine du navire sera cru, selon l’opinion d’Ibn Al-Qâsini, quand il s’agit d’objets mobiliers autres que les denrées alimentaires. Au contraire, d’après l’opinion d’Ashhab, on n’ajoutera foi à sa déclaration que s’il y a des témoins.

Quant à ce qui est des denrées alimentaires, le capitaine ne sera cru [quant à leur jet] que s’il y a des témoins, selon l’opinion des deux jurisconsultes ci-dessus.

Abû Muhammad

Un navire qui était à Mahdia (Tunisie) fut surpris par la tempête ayant heurté de sa coque le fond de la mer, on craignit que sa perte ne s’ensuivit. Aussi, les commerçants jetèrent-ils [à la mer] une partie de sa cargaison, pour l’alléger et l’empêcher de toucher le fond de la mer. La tempête ayant cessé, le navire échappa au péril. Les propriétaires du chargement voulurent alors faire contribuer le navire dans la valeur de ce qu’ils en ont jeté. Le capitaine du navire s’y refuse. Que décider ? Si une partie de la cargaison du navire a été jetée, de crainte qu’il ne pérît du choc de son fond [contre les rochers de la mer], il contribuera dans la valeur [de ce qui a été jeté]. On fera état, à sa charge, de la part qui lui incombe dans la valeur de ce qui a été jeté.

Ibn Sahnûn

Un homme affréta un navire pour un voyage de Sicile à Sousse (Tunisie). Le vent les ayant jetés dans les parages de Tunis, le capitaine du navire vira dans la direction de ce port, et l’on y débarqua. Les passagers payèrent des droits de douane plus élevés que d’habitude. Certains des passagers ayant demandé à arriver jusqu’à Sousse, le capitaine leur répondit « Vous supporterez [tous] le prix du passage [intégralement], et vous aurez le choix de rester ici ou de continuer le voyage avec moi, jusqu’à Sousse. » Que décider?

Si le port où ils ont débarqué est sûr, celui qui a fait virer le navire sans l’autorisation des commerçants, répondra de ce que le Sultan leur a fait payer. Il en est de même, si, pouvant aborder à un autre port sans danger, il l’a abandonné pour cingler vers celui-ci (Tunis). Mais si ce port-là n’était pas sans danger, et que le capitaine ait été forcé de se réfugier dans celui-ci (Tunis), il ne devra rien.

Quant à ceux qui veulent débarquer [leurs marchandises] à Tunis en payant un fret proportionnel, s’il y a péril à ce qu’ils se rendent à Sousse, ils sont libres de débarquer à Tunis ou de continuer le voyage jusqu’à Sousse; mais dans les deux cas il est indispensable qu’ils paient le prix du voyage intégralement.

Abû-l-Qâsim ibn Ward

 

Un capitaine de navire s’engage à transporter cent brebis à l’île Majorque. Mais le vent le ralentit jusqu’à ce que les brebis eussent mis bas. Est-il tenu de transporter le tout, comme dans le cas de la femme qui accouche durant le voyage à La Mecque ou autre ? Cette espèce s’est présentée dans la pratique.

Cette question n’est pas analogue à celle de la femme qui accouche pendant le voyage pour le pèlerinage. Elle est identique à celle du troupeau de brebis, pour lesquelles on a loué un berger, et qui mettent bas. La réponse, en ce cas, est que l’on se conforme à l’usage, s’il y en a un. Sinon, le berger n’est pas tenu de faire paître les petits, si ce n’est moyennant un salaire correspondant. Dans l’espèce présente, on ne connaît pas d’usage coutumier. En conséquence, le capitaine est obligé de transporter les petits des brebis en question moyennant le fret dû pour des petits semblables, mais non calculé d’après le taux fixé pour les mères.

Et c’est de Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance

DE LA SOCIÉTÉ ASH-SHARIKA

DE LA FORMATION DE LA SOCIÉTÉ

Abû-l-Qâsim ibn Ward

Un individu achète du blé en une année qui n’est pas une époque de famine, mais il ne restait pas d’autre blé au marché. Un individu voulut alors y participer avec lui. L’acheteur refusa et lui dit « C’est une chose que tu trouveras. » N’y a-t-il pas de différence selon que l’année est ou non une année de disette ? C’est une question qui se présente souvent.

L’association en pareil cas, d’après toutes les règles du rite et d’après ce que comporte la doctrine, pour qui sait en comprendre le sens, n’est obligatoire que s’il y a une des quatre conditions suivantes

1° Lorsque la chose se passe entre gens qui n’ont qu’un seul marché et pour s’aider mutuellement à subsister. 2° Lorsque c’est le moment le plus favorable à l’achat de la denrée, pour permettre [à celui qui demande à s’associer] de profiter du bas prix.

3° Lorsqu’il y a à cet égard un usage pratiqué par la population, et qui tient lieu de condition.

4° Lorsqu’ils [ceux qui demandent à s’associer] tombent d’accord avec l’acheteur pour cela.

Dès lors, si cet homme, au sujet duquel vous questionnez, rentre dans l’une de ces catégories, il aura droit à la société. Sinon, non. Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance.

Al-‘Uqbânî

Que décider lorsqu’un individu ne produit qu’un seul témoin de la société qu’il allègue ?

Il jurera en conformité de la déposition de son témoin et la société sera prouvée en sa faveur. Si l’on trouvait un second témoin honorable pour reconnaître l’écriture de l’associé qui nie, cela serait considéré comme si l’aveu de celui-ci était prouvé, et le demandeur n’aurait pas besoin de prêter serment. Certain docteur du rite est d’avis que lorsqu’un individu nie son écriture et qu’il n’y a pas de preuve testimoniale contre lui, à ce sujet, il lui sera ordonné d’écrire et d’écrire longuement. S’il appert que l’écriture est semblable à celle qui est niée, jugement sera rendu contre lui sinon, on ne tranchera pas [l’affaire] en se basant sur l’écriture et l’on recourra à un autre moyen.

Ibn Makki

Quel est le mode d’association permis par la loi, relativement aux abeilles ?

Un docteur de ceux que nous avons connus, a dit « La société, appliquée aux ruches d’abeilles, est permise, à condition que l’on achète à leur propriétaire une part de ces ruches, après avoir pris connaissance de leur nombre, de la productivité ou de la faiblesse des abeilles qu’elles renferment, de l’abondance ou de la paucité du miel qu’elles donnent. » On traitera pour cette part, dans les conditions sus-énoncées, avec le propriétaire ou son mandataire, moyennant un prix déterminé payable à terme, et à la condition que la main-d’œuvre sera à leur charge à tous deux, au prorata de leurs parts.

Si l’un d’eux s’engage spontanément à prendre à sa charge toute la main-d’œuvre, et cela après la conclusion de la société en due forme, cela est permis. Enfin si, dans l’acte de société, l’un d’eux stipule contre l’autre qu’il fournira un travail déterminé pendant une période déterminée, cela est permis également.

Abû-l-‘Abbâs Al-Abyânî

Est-il permis à deux professeurs, dont l’un est aveugle et l’autre doué d’une bonne vue, de s’associer ensemble ?

Cette association est permise.

Ibn ‘Arâfa

Cette espèce s’était produite anciennement à Qairouân, et je n’ai pas entendu qu’une décision ait été enregistrée à cet égard. (Abû ‘Imrân.) Cette association est permise si l’enseignement des professeurs est oral. Elle serait défendue si l’un d’eux enseignait l’écriture, tandis que l’autre enseignerait oralement.

Al-‘Abdalli est d’un avis contraire à cette dernière décision.

Ibn Lubâba

Un individu achète du chanvre et n’ayant pas avec lui de quoi payer, il va trouver un homme et lui dit « Paie-le, et tu seras avec moi à titre d’associé. » Que décider? Le bailleur de fonds n’aura que son capital. Quant à ce qui peut résulter de la marchandise, en fait de bénéfice ou de déficit, il profitera à l’acheteur ou sera supporté par lui.

DES EFFETS DE LA SOCIÉTÉ ENTRE ASSOCIÉS

Ibn Abû Zaid

Deux associés vendent leur marchandise et enfourchent leurs montures pour aller toucher le prix de la marchandise. Ils attachèrent leur monture dans un certain endroit. Une monture ayant disparu, l’un des associés donna une certaine somme à un homme pour la chercher. La monture fut ensuite trouvée dans la maison d’un individu. La somme donnée est-elle à la charge des deux associés ou de celui-là seul qui a donné ? P

Si l’autre associé ne l’a pas autorisé à donner cette somme, ni consenti [après coup], il n’y contribuera en aucune proportion, même, ajoute un auteur, lorsque la somme a été payée à un homme dont c’est le métier de rechercher les objets perdus.

DE L’ADMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ

Al-‘Utbî

Des associés possédaient en commun un troupeau de moutons, qu’ils poussaient devant eux vers le marché, pour le vendre. Quelques-uns d’entre eux dirent « Nous allons [vous] devancer à la ville pour indiquer aux commerçants l’arrivée de ce troupeau et qu’ils peuvent l’acheter ici. » Certains de ces associés se rendirent donc à la ville, tandis que les autres restèrent dehors avec le troupeau. Les premiers étant entrés dans la ville, informèrent les commerçants de l’arrivée du troupeau et le leur vendirent d’après la description. D’autre part, ceux qui étaient restés en arrière vendirent également le troupeau sur place et l’acheteur extérieur prit possession [du troupeau] et paya le prix. A qui appartient le marché ?

Le marché appartient à celui qui a acheté le premier, à moins que l’autre acheteur n’ait déjà obtenu la délivrance. Dans ce cas, il a plus de droit que le premier. Si le premier acheteur nie que le second ait obtenu la délivrance, c’est à celui-ci à faire la preuve qu’il a reçu l’objet acheté.

Abû Sâlih

Deux associés possèdent en commun un champ de céréales l’un d’eux désire le faire garder contre le sanglier et le lièvre, tandis que son associé s’y refuse. Que décider ?

Ils seront traités d’après ce qui est en usage parmi les associés.

DE LA RÉPARTITION DES BÉNÉFICES ET DES PERTES

Ibn Rushd

Deux associés en bœufs possèdent l’un vingt bœufs, l’autre vingt-deux. Ce dernier en mit vingt en société avec l’autre et conserva la propriété exclusive des deux restants. Un des bœufs étant mort, celui qui n’en possède que vingt dit que le bœuf mort est l’un des deux qui sont restés en dehors de la société, tandis que l’autre soutient que c’est l’un des bœufs de la société. Que décider?

La perte sera supportée par quarts, à raison d’un quart par celui qui possède vingt bœufs et de trois quarts par celui qui possède les deux bœufs en excédent, car la prétention de celui-ci 1 met [déjà] à sa charge la moitié de la perte. Quant à l’autre moitié, il prétend, lui, qu’elle doit être supportée par son associé, tandis que celui-ci dit qu’il n’en est nullement tenu. On partagera donc cette moitié en deux, de-sorte que celui qui a vingt-deux têtes supportera [en définitive] les trois quarts de la perte, tandis que l’autre en supportera le quart.

-Un des amis du jurisconsulte ci-dessus, lui dit « C’est donc comme la question des cent et un dînârs dont il se perd un sur la totalité, et qui est controversée » « Parfaitement », dit Ibn Rushd.

Il en est ainsi, dit-on, lorsque les deux boeufs sont individualisés, mais qu’on n’a pas pu les identifier. Mais s’ils étaient mêlés au reste [des bœufs], la valeur estimative [du bœuf perdu] aurait été supportée proportionnellement au nombre des têtes, d’après le calcul des fractions, ainsi que le dit Mâlik, comme l’ont expliqué Al-Lakhmî et d’autres au sujet de cette question.

Al-Yaznâsni

Un individu achète une parcelle de terre, sur laquelle se trouvaient quelques figuiers, parmi lesquels il y avait un vieux tronc. Cet individu prend des rameaux du vieux figuier et les plante dans ladite parcelle, où ils se ramifient et produisent des arbres. Puis le bruit se répand qu’une tierce personne est propriétaire, pour le tiers, du vieux figuier. Cette personne demande à l’acheteur de la parcelle de la mettre en possession de son tiers dans tous les arbres produits par les rameaux pris sur le figuier dont elle est propriétaire pour le tiers. L’acheteur de ladite parcelle s’y oppose. Le propriétaire du tiers du vieux tronc aura-t-il un tiers de tout ce qui a été planté parmi les rameaux pris sur le vieux tronc et qui s’est ramifié sur ladite parcelle ? Éclaircissez-nous cela, puissiez-vous être récompensé. Et Que Dieu fasse durer votre tranquillité. Sur vous soit le salut ainsi que la miséricorde de Dieu Le copropriétaire du tiers du vieux figuier a droit au tiers de tous les arbres produits par les rameaux sur ce figuier indivis. Il est libre d’arracher les arbres qui composent sa part et de les emporter là où il lui plaira.

Ibn Kinânâ

L’un des deux associés s’étant absenté, l’autre obtient le paiement d’une créance leur appartenant en commun. La somme perçue est perdue que décider ?

La perte sera supportée par les deux, car cela peut arriver. Mais si l’associé [qui allègue la perte] est suspect, il prêtera serment.

Barakât al-Barûnî

Trois frères ouvrirent une boutique pour y faire le commerce de la laine2. L’un d’eux s’y occupa delavente et des achats, jusqu’au jour où il mourut, laissant des filles et ses deux frères susdits. L’un de ceux-ci s’occupa à son tour de la vente et des achats, jusqu’au jour où il mourut, laissant deux filles et le frère sus-indiqué, lequel prit la place de ses deux frères. Puis la fortune augmenta entre les mains de ce dernier frère, qui se mit à acheter des jardins et des champs. Quant à ses neveux, ils étaient mineurs sous la tutelle de leur oncle. Puis quand celui-ci fut à l’article de la mort (ou dans l’état de santé), il requit témoignage que tout ce qu’il laissait serait en commun entre ses enfants et ses neveux mâles à l’exclusion des femmes. [Que décider ?]

J’ai lu votre question consignée au verso et j’ai compris ce que vous désirez connaître par votre question. La réponse, d’après ce que comportent les f étwàs rendues par les jurisconsultes à ce sujet, est que, s’il y a une preuve testimoniale que les trois frères n’avaient pas d’autres biens que ceux qu’ils ont mis dans la boutique, tout ce qu’ils ont gagné par la suite sera en commun entre eux, car ils ont eu en vue la société universelle de tous biens. Tout ce que l’un d’eux aura acquis, sera en copropriété avec ses associés et les héritiers de celui d’entre eux qui sera mort, lesquels viendront aux lieu et place de leur père, jusqu’à ce qu’il soit procédé au partage. Il en sera de même s’il est prouvé que les trois frères étaient associés dans tout ce qu’ils possédaient, encore que le mandat général [donné par tous à chacun d’entre eux] ne soit pas établi.

Si l’un d’eux prétend avoir acquis certains biens pour son compte personnel, sa prétention n’aura aucun effet, car il était mandataire or le mandataire ne peut conserver à lui seul les bénéfices. Les héritiers [des autres frères décédés] auront, à leur majorité, l’option de devenir les associés du frère survivant, quant à la chose acquise, ou de le rendre responsable de leur part dans le prix de celle-ci. Mais si ce frère survivant, ou tous les frères n’ont pas fait entrer tous leurs biens dans la société et qu’ils se soient réservé une portion de biens qu’ils n’ont pas mis dans la boutique en question, ou enfin, si l’un d’eux a acquis des biens après la conclusion du contrat de société, cette acquisition étant d’ailleurs prouvée par témoins on devra, dans ce cas, s’en remettre à la déclaration de celui qui a fait l’achat, lorsqu’il affirme que le prix de la chose ne provient pas des deniers de la société. Il prêtera d’ailleurs serment à ce sujet et affirmera aussi, sous serment, qu’il n’a pas eu l’intention de faire entrer ladite chose en société. Dans ce cas, il gardera la chose acquise en propre, à l’exclusion de ses associés et de leurs enfants. (Abû-l-Fadl Râshid ibn Abû Râshid Al-Walîdî. V, 109-10) Un individu achète la moitié [indivise] d’une jument, à la condition de prendre-à sa charge la totalité de la nourriture de celle-ci et de son croît pendant la durée de la société dont elle est l’objet, l’acheteur ayant, d’ailleurs, le droit exclusif de monter ladite jument. Cette vente est-elle nulle ? Si oui, quels sont les droits de chacune des parties vis-à-vis de l’autre, étant donné que l’opération a eu lieu pendant une année de disette ?

Si la condition dont il s’agit a été insérée dans l’original du contrat de vente, celle-ci est nulle. L’acheteur se fera restituer la même quantité de fourrage que la jument a mangée. Il ne pourra exiger la valeur estimative de ce fourrage, ni celle des soins qu’il a donnés lui-même à la jument.

DE LA COMMUNAUTÉ OU QUASI-SOCIÉTÉ

Al-‘Abdûsî

Deux individus sont copropriétaires par indivis d’une jument, mais ils n’ont pas accédé à sa propriété par la même voie. Au contraire, chacun d’eux a acheté d’un vendeur différent de celui qui a vendu à l’autre associé. L’un d’eux demande la vente de toute la jument par un seul et même acte, ou que l’un d’eux la prenne pour son compte. L’autre refuse la vente du tout et dit « Vends ta moitié à qui tu veux. » Mais le premier répond « Je ne trouverai personne qui veuille devenir ton associé et qui paie un bon prix. » Expliquez-nous cela.

La réponse est qu’il n’appartient pas à l’associé de contraindre son associé à vendre, en même temps que lui, l’objet de leur société, sauf lorsqu’ils y sont entrés [en société] à la suite d’un seul et même fait, par succession, vente ou autrement. Mais s’ils sont devenus propriétaires chacun de sa moitié isolément, celui qui demande à vendre le tout en un seul marché, ne peut pas contraindre celui qui s’y refuse. C’est cette opinion que le qâdi ‘Iyâda enregistrée.

Sahnûn

Deux hommes sont copropriétaires d’un navire. L’un d’eux ayant voulu charger des objets à lui appartenant, dans la partie du navire dont il est propriétaire, l’autre, qui n’avait rien à charger, lui dit « Je ne te laisserai rien charger dans le navire, si ce n’est moyennant fret. » L’autre répondit « Je charge la partie dont je suis propriétaire. » Que décider?

Le copropriétaire a le droit de charger la partie du navire qui lui appartient. Il ne sera pas condamné à payer le fret à son associé. Celui-ci a le droit de charger comme lui la même quantité de marchandises ou de bagages. Sinon, le navire sera vendu par autorité de justice.

Al-Mâzarî

Une reine d’abeilles s’envole d’une ruche et s’en va auprès d’une autre reine appartenant à un autre individu. Que décider ?

Le jurisconsulte dénommé ci-dessous répondit que, si l’on ne peut pas distinguer la reine qui s’est envolée, elle appartiendra en commun aux deux propriétaires des ruches. Comme on lui demandait pourquoi il s’était rangé à cette opinion, alors que l’une des deux opinions exprimées dans la Mudawwana est en sens contraire, et attribue la reine au propriétaire de la seconde ruche, il répondit

« Sache que les choses susceptibles de propriété se divisent en deux catégories. Il en est dont la propriété se rattache à ce fait seul qu’elles existent, comme les marchandises, l’esclave né chez le maître, du commerce de deux esclaves à lui appartenant. Il en est ainsi de toutes les autres choses dont la propriété se rattache à leur existence même. Pour toutes ces choses, il n’y a pas de divergence que leur propriété reste à celui à qui elles appartiennent, lors même qu’il a cessé de les détenir.

« La seconde catégorie comprend les choses dont la propriété est liée à leur possession matérielle. Il en est ainsi des animaux sauvages qui sont pris à la chasse leur propriété est liée à leur détention matérielle. De sorte que, s’ils venaient à échapper à leur propriétaire et se trouvaient appréhendés par un autre, on n’est pas d’accord pour savoir s’il faut les attribuer au premier ou au second propriétaire.

« C’est ainsi que Mâlik, parlant d’une terre morte qu’un individu a vivifiée, et dont un autre individu est venu prendre possession sans rien donner en échange, en a attribué la propriété à ce dernier. On applique ces mêmes règles aux animaux non domestiques dont on se saisit, comme les gazelles ou autres, parce qu’il est possible de retenir ces animaux. Il en est différemment des abeilles, qui ne s’apprivoisent jamais, prennent leur vol et s’en vont à la campagne. Il en est de même des pigeons. »

Sahnûn a des doutes sur le point de savoir si les abeilles doivent ou non être considérées comme des animaux sauvages. Or, si nous admettons que les abeilles ne sont pas sauvages, elles doivent appartenir, dans l’espèce présente, au premier propriétaire, sans divergence aucune. Si nous les considérons, au contraire, comme des animaux sauvages, on est alors partagé sur le point de savoir s’il faut les attribuer au premier ou au deuxième propriétaire. De sorte que, dans le premier système, la reine appartient, sans controverse, au premier propriétaire, et, dans le second, il y a aussi une opinion qui la lui attribue. Il se peut cependant que l’opinion contraire soit la meilleure. Aussi, suis-je d’avis que la question est sujette à la dis- cussion sur les règles applicables aux mélanges (al-ikhtilâtât).

?

Un chemin appartient par indivis à deux propriétaires. L’un d’eux voulant bâtir sur la partie qui lui appartient, l’autre s’y oppose. Que décider?

Le propriétaire de la terre n’a pas le droit de bâtir jusqu’à la limite qui lui appartient. S’il bâtissait, et si l’autre en faisait autant jusqu’à sa limite, le chemin disparaîtrait. On doit donc laisser ce chemin en l’état, chacun d’eux en ayant droit à la moitié. On démolira ce que l’un d’eux a bâti, sans que le silence de l’autre puisse lui nuire.

Al-Qâbisî

Un homme est propriétaire d’une rivière qui traverse l’héritage d’un autre. A qui appartiennent les roseaux qui viennent à pousser dans la rivière ?

Les roseaux et Dieu le sait mieux appartiennent au propriétaire de la terre [traversée]. Le propriétaire de la rivière n’a droit qu’au passage de l’eau purement et simplement.

Ibn ‘Attâb

Un homme donne comme cadeau de noce à sa femme la moitié indivise de ses biens. Quid, s’il en vend ensuite une part indivise ?

Si le mari a vendu la moitié ou moins, la femme n’a pas d’autre réclamation à faire qu’en ce qui concerne la shoufa (retrait d’indivision). Si c’est plus de la moitié, comme si le mari vendait les trois quarts, elle aura un recours pour tout ce qui excède la moitié de la chose vendue. Quelle que soit la chose, on suivra cette procédure

D’après Ibn Al-Qattân, la vente porte indivisément sur le tout, et la femme a le droit de recourir pour la moitié de ce qui a été vendu.

DE LA CONCESSION BÉNÉVOLE DE SERVITUDES _ AL-IRFÂQ

De la servitude de passage.

Al-Yâliçûtî

Le propriétaire du fonds en question ne peut s’opposer à celui qui voudrait créer, sur la route, un pacage pour son troupeau. Mais on empêchera celui-ci de causer du dommage au propriétaire du fonds on lui ordonnera de conduire son troupeau de manière qu’il n’en résulte pas de préjudice, soit en conduisant ses bêtes muselées, ou une à une, soit en les faisant passer en deux files sur les deux côtés de la route, si cela peut supprimer le préjudice.

Ibn Lubb

Un individu vend une parcelle de terre, traversée par un chemin appartenant à un tiers. Une contestation s’élève sur le chemin lui-même et sur sa largeur, vu que ce chemin est destiné aux bêtes de somme et autres. Que décider ?

La règle est qu’on fixera, au profit du propriétaire du chemin, une largeur suffisante pour marcher lui-même avec ses bêtes. On le saura en suivant la coutume en usage dans les cas semblables.

DE LA SERVITUDE D’ÉCOULEMENT

Sidi Misbâh

Des individus possèdent un canal qui amène l’eau d’irrigation dans leurs terres. Chacun d’eux a droit à une quantité d’eau déterminée At s’en sert une ou deux fois par jour lorsqu’elle traverse son fonds, suivant la quantité qui lui revient, puis la laisse passer à son voisin et ainsi de suite. Sur ce point, il n’y a aucune contestation entre les parties. Mais quand la pluie tombe, les eaux s’accumulent dans les fonds situés au-dessus du canal et viennent grossir celui-ci, qui, arrivé à son point terminus, cause des dégâts au terrain où il déverse son trop-plein. Parfois même, la rigole, grossie par les eaux de pluie, déborde avant d’arriver à son point terminus, et submerge la terre de ce propriétaire intermédiaire. Le propriétaire du terrain où se jette la rigole intenta alors une action aux propriétaires des fonds traversés par le canal, en leur disant « Que chacun de vous démolisse le canal dans la partie qui traverse son fonds, en sorte que l’eau amenée par la rigole se déverse dans son terrain par cette issue. » Les propriétaires de ces terres ont répondu « Nous avons tous des droits égaux à ladite rigole l’eau coulera, et ce dont le torrent viendra la grossir restera en l’état. Que cette eau nuise à qui elle aura nui, ou profite à qui elle aura profité. » Que décider ? Si les choses sont telles que vous les avez décrites, les propriétaires des fonds supérieurs ne seront point contraints à percer le canal qui amène l’eau accumulée par le torrent, vers les terrains sus-dits. Le propriétaire du fonds inférieur s’ingéniera à écarter l’eau de son terrain. S’il n’y parvient pas, c’est un malheur qui serait venu fondre sur lui, pourvu, toutefois, que les propriétaires des fonds supérieurs n’en soient pas la cause.

Ibn Lubb

Un individu achète une maison, et le vendeur stipule contre lui que la maison subit l’écoulement de l’eau de pluie de là ‘maison de son voisin. L’acheteur prétend empêcher son voisin de faire les ablutions (oudû) dans le canal en question, lequel est destiné à l’écoulement de l’eau de pluie. Que décider ? ` Je suis d’avis que l’acheteur a le droit d’empêcher son voisin de faire couler l’eau des ablutions [oudoù) dans le canal sus-mentionné, car l’eau de pluie n’existe pas d’une manière permanente, par tous les temps, tandis que l’eau des ablutions a ce caractère. Or, nul n’a le droit d’aggraver un dommage

DE L’ENCLAVE

al-Yaznâsnî

Deux frères se partagent une terre qu’ils ont reçue en héritage de leur père, ladite terre étant en bordure d’une vieille route. Le lot qui était en bordure de la route échut à l’un des frères, tandis que l’autre eut un lot sans accès, si ce n’est en passant sur le terrain de son frère, qui borde la route. Or, ils n’ont pas déclaré, au moment du partage, que le propriétaire de l’enclave pourrait passer sur le lot de son frère, lequel d’ailleurs ne lui a pas refusé ce droit. Le propriétaire du lot sans accès désire, maintenant, traverser le terrain de son frère pour se rendre au sien, mais son frère l’en empêche. Ce partage est-il valable, le propriétaire de l’enclave devant avoir le droit de passage sur le lot de son frère ? Celui-ci peut-il l’en empêcher, jusqu’à ce qu’il soit procédé à un nouveau partage, dans lequel on spécifiera les droits de chacun à ce sujet ?

Le propriétaire de l’enclave aura le passage sur le terrain de son frère, à moins qu’il ne soit stipulé qu’il n’aura pas ce droit. Telle est la doctrine, bien que la question soit controversée.

D’après le jurisconsulte Sidî Misbâh ibn Muhammad, à défaut de toute convention, le propriétaire du lot qui est en bordure de la route aura l’option, ou de maintenir le partage en consentant au passage de son voisin sur son terrain, ou, s’il refuse, d’annuler le partage et de procéder à un nouveau, en stipulant que le passage sera à la charge de celui qui aura la route, sauf à lui augmenter son lot, en compensation de cette charge.

SERVITUDES DIVERSES

Sidi Misbâh

Un individu possède une aire pour le battage des grains, tout près et même contiguë à une terre appartenant à un autre individu. Quand arrive le moment du battage, l’ouvrier batteur se trouve obligé de stationner sur le terrain de cet individu. Souvent même les épis débordent sur ce terrain ou bien les bœufs, s’échappant de l’aire, y vont piétiner. Aussi le propriétaire duditterrain veut-il empêcher le propriétaire de l’aire de se livrer à tous ces empiétements. En a-t-il le droit ? ou ne l’a-t-il pas, à raison de ce que ce sont là des conséquences inévitables du voisinage de l’aire ? a

Si les choses que vous avez décrites sont établies, le propriétaire du terrain n’a pas le droit d’empêcher le possesseur de l’aire de laisser stationner ou passer ses bœufs sur le terrain en question. Cela ne constitue pas un dommage dont la cessation soit prescrite.

Ibn ‘Arafa

Un homme autorise son voisin à planter une solive dans son mur. Le mur s’étant ensuite écroulé, le propriétaire qui a autorisé l’enfoncement de la solive l’a reconstruit. Son voisin lui demanda alors de replacer sa solive comme elle était en vertu de la première autorisation, mais l’autre refusa. Que décider ?

Si l’écroulement du mur est dû à la faiblesse de sa construction et non à une cause qui a été suscitée volontairement, on ne condamnera pas le propriétaire à subir de nouveau l’enfoncement de la poutre. Sinon, il y sera condamné, pourvu, toutefois, que l’autorisation n’ait pas été temporaire, dès le début.

Al-Haffâr

Un individu est propriétaire d’un arbre sur le terrain d’autrui. L’arbre ayant besoin d’être étayé, à raison de ce qu’il penche trop et menace de tomber, son propriétaire prie son voisin de lui permettre de planter un tuteur sur son fonds pour maintenir l’arbre. L’autre refuse et demande une indemnité exagérée. Le propriétaire de l’arbre (le mûrier) invoqua alors que l’endroit où il devait planter le tuteur n’était pas soumis au droit de propriété de son voisin. Est-il vrai que les jurisconsultes ont dit qu’on entoure le tronc de l’arbre d’une corde, dont on place ensuite un des bouts contre le tronc, et que tout le terrain atteint par l’autre bout de la corde appartient au propriétaire de l’arbre, qui peut en jouir comme il lui plaît, sans que le propriétaire de la terre ait rien à objecter? Expliquez-nous, monseigneur, la règle juridique à cet égard. A-t-il le droit d’étayer son arbre, que le propriétaire de la terre le veuille ou non, et à quelque endroit que le tuteur soit placé; ou bien doit-il se contenter du terrain déterminé par la longueur de la corde qui entoure le tronc de l’arbre ? Cette opinion des jurisconsultes, que je vous ai indiquée, au sujet de la corde, est-elle vraie ? Celui qui est propriétaire d’un arbre planté dans le terrain d’autrui, est propriétaire de la place occupée par l’arbre et du harîm de celui-ci. Le harîm est une portion de terrain qui entoure l’arbre, le protège et l’alimente d’eau, lorsque celle-ci arrive dans ledit harîm. Il varie avec les différentes variétés d’arbres, et l’on s’en rapporte, à ce sujet, à la décision des gens compétents, les agriculteurs. Ceux-ci déterminent l’étendue du harîm qui appartiendra au propriétaire de l’arbre. Si celui-ci vient à tomber, son propriétaire peut le remplacer s’il penche et a besoin d’être étayé, et qu’il soit possible de planter l’étai dans les limites du harîm, il pourra le faire, sans que le propriétaire du terrain puisse l’en empêcher, puisqu’il plante l’étai dans sa propriété qui est le harîm de son arbre. Mais si l’arbre penche au point que, débordant du harîm, on ne puisse planter utilement l’étai que dans le terrain d’autrui le propriétaire peut s’y opposer, jusqu’à ce qu’on lui accorde satisfaction.

Quant à l’opinion d’après laquelle on entoure le tronc de l’arbre d’une corde, laquelle déterminera ensuite le rayon du cercle de terrain qui appartiendra au propriétaire de l’arbre, je ne me souviens pas que les faqîh (jurisconsultes) en aient parlé. Mais cette opinion est répandue. Cependant, elle prête à l’équivoque, car le tronc de l’arbre augmente de grosseur avec les années, de sorte que le harîm varierait constamment. Aussi, l’opinion la plus digne de confiance est celle des faqîh, à savoir, que l’on doit s’en remettre aux personnes de compétence en matière d’arboriculture.

DE LA SOCIÉTÉ AGRICOLE _ AL-MOUZÂRA‘A

INTERPRÉTATION DU CONTRAT

Ibn Khâlid, Ibn Yahyâ

Un individu donne sa terre à un autre à titre d’association agricole, où chacun a droit à la moitié. Le bailleur apporte sa terre et la moitié de la semence, l’autre mettant la moitié de la semence et son industrie. De quel travail le preneur est-il tenu, étant donné que le propriétaire du sol dit « Tu es chargé de la moisson, de la ‘ficelle, du dépiquage, de l’émondage et du transport », tandis que le preneur répond « Je ne suis ténu que des labours seulement et pas d’autre chose. » Aucune explication n’a d’ailleurs été donnée à ce sujet, au moment du contrat. Que décider ?

Oui, le preneur est tenu de toute la main-d’œuvre, de la moisson et du dépiquage.

Le preneur est tenu de tout le travail, si cela a été stipulé. Si le bailleur ne l’a pas stipulé, le preneur n’est tenu que des labours seulement.

?

Deux associés apportent, l’un la semence, l’autre les bœufs et la terre, celle-ci étant prise à ferme. N’ayant pas fait mention de la main-d’œuvre, le propriétaire des bœufs s’en chargea jusqu’à ce que [la récolte] fut en grain dépiqué. Il demanda ensuite, à celui qui avait apporté la semence, la moitié de tous les frais faits jusqu’au dépiquage. Que décider?

On interprète [cet acte] comme s’il y avait eu libéralité. Si celui qui a fourni son industrie nie cette libéralité, il prêtera serment qu’il n’a agi ainsi que pour recourir ensuite [contre son associé] et recevra la moitié de la valeur estimative des frais faits.

L’usage, en pareille matière, est de considérer la proportionnalité (entre les apports et les bénéfices), et c’est la déclaration de celui qui l’invoque que l’on doit admettre. Quant à l’autre, il invoque au contraire la nullité de la convention 2.

DU KHAMMÂS

Abû ‘Alî Al-Qarwî

Un khammâs, après avoir labouré une partie de la terre, entre en relations avec un autre [propriétaire] et s’en va avec lui. Il revient ensuite demander le salaire de ce qu’il a labouré. Que décider ?

S’il a quitté et est allé s’associer avec un tiers de son plein gré, il n’aura droit à rien. S’il a été expulsé, il aura le salaire du travail déjà fait, d’après l’estimation des hommes versés dans la connaissance de l’agriculture.

Le jurisconsulte ci-dessous nommé a répondu sur la question du [contrat] khammâs, comme suit

Quant au [contrat de] khâmmas, il n’est permis que s’il est fait dans le sens d’une société. La valeur de l’industrie du khammâs doit être proportionnelle à la part qui lui revient [dans la récolte]. Il faut encore que le khammâs participe à tous les avantages et à toutes les charges de la société proportionnellement à sa part. Cette convention est licite, et le khammâs aura, dans ce cas, sa part distincte de celle de son associé, dans tout ce qui adviendra de la récolte. Mais ce qui est généralement pratiqué aujourd’hui par les gens dans cette sorte de convention, est illicite, parce que le khammâs s’engage moyennant une chose indéterminée 2.

?

Un khammâs, sans avoir stipulé l’aide [du bailleur], laboura une partie du champ, dans la mesure de ses moyens; le bailleur du cheptel, voyant qu’il était impuissant à labourer le reste du champ, attela, pour l’aider, une paire de bœufs, jusqu’à ce que le champ fût entièrement labouré. Il lui réclama ensuite le salaire de cette aide. Que décider?

S’il a fourni spontanément son aide, il n’aura droit à rien; dans le cas contraire, il prêtera serment et touchera le salaire que lui attribueront les experts.

COMBINAISONS ILLICITES

Ibn Rushd

Un individu met en société la terre, la semence et les bœufs, l’autre associé apportant son industrie, à condition que celui-ci aura le quart, et l’autre les trois quarts. Cette convention est-elle valable ?

La question de cette association comporte trois interprétations. Ou bien les deux contractants ont conclu cette convention en employant le mot société (sharika) et elle sera alors licite. Ou bien ils se sont servis du mot louage (idjâra), auquel cas la convention est illicite. Ou bien, enfin, ils n’ont désigné [leur convention] ni par le mot société, ni par le mot louage (comme si l’un disait « Je te confie ma terre, mes bœufs et ma semence; tu te chargeras, toi, de la main-d’œuvre et des autres travaux analogues, et tu auras le quart, ou le cinquième, ou toute autre fraction) », et, dans ce cas, Ibn AI-Qâsim l’interprète comme un louage et ne la permet pas. Sahnûn, au contraire, y voit une société et la déclare licite. Et c’est à la première opinion que s’est rangé Ibn Habîb. Telle est l’analyse de cette convention selon moi. Quant aux savants que j’ai connus, ils ne l’analysent pas et se bornent à rapporter, d’une façon générale, la controverse [qui existe à ce sujet]. Et cela n’est pas exact.

Ibn Lubâba

Deux associés sèment chacun séparément, sans mélanger la semence ni la réunir dans un endroit, jusqu’à ce que chacun d’eux eût semé ses grains séparément. Que décider ?

L’opinion que je préfère sur cette question est qu’il n’y a pas de société entre eux, et que la part de semence employée par chacun d’eux reste à sa charge, sans que son associé en supporte la moindre part, car la société[agricole] n’est conclue que par le mélange [des grains], afin que la responsabilité des risques pèse sur les deux conjointement, à moins que l’un d’eux ne sème ses grains avant son associé, comme s’il lés lui prêtait.

CONTESTATIONS

Al ‘Attâr

Un individu meurt en laissant une terre l’un des héritiers l’ensemença, mais en respectant la part des autres héritiers. Que décider ?

L’héritier qui ensemencé ne doit aucun fermage, car il n’a ensemencé que sa part..

On objecta alors au jurisconsulte ci-dessus, que si un navire appartenant à deux individus était chargé seulement par l’un d’eux, l’autre ne trouvant rien à charger [le chargeur serait tenu de payer à l’autre l’affrètement de la moitié du navire] 1

« Cette espèce, répondit-il, n’est pas identique à celle de la terre [en question]. En effet, pour le navire, on lui fait faire un voyage et l’associé n’est pas obligé de le laisser partir gratuitement, tandis que la terre reste en l’état. » D’après Ibn Lubâba, si l’homme est mort pendant la saison favorable aux semailles et que l’un des héritiers ait ensemencé sa terre, en se servant de ses bœufs et de sa semence, et si, l’époque de la moisson arrivant, les héritiers qui n’ont pas semé disaient [à l’autre héritier] « La récolte nous appartiendra en commun et vous aurez votre salaire », tandis que l’héritier qui a préparé la récolte répondrait « La récolte m’appartient, vous aurez le prix de location de vos bœufs », dans ce cas, dit Ibn Lubâba, la récolte leur appartiendra en commun, et celui qui a préparé la récolte aura son salaire. Si les bœufs périssent ou si la terre est frappée de sécheresse, l’héritier qui a préparé la récolte sera tenu de la valeur des bœufs et de la même quantité de grains [employés comme semence]

?

Un individu achète de la semence d’oignon ou une autre semence, puis, après un certain nombre de jours, vient prétendre que ces graines n’ont pas germé. On n’a connaissance de ce fait que par la déclaration de l’acheteur, tandis que le vendeur nie ce fait basé sur sa déclaration. Que décider ?

Si les témoins n’ont pas quitté l’acheteur jusqu’au moment où il a semé les graines dans une terre qui n’est pas pierreuse, et si l’acheteur n’a pas manqué d’irriguer la terre au moment où elle devait l’être, il aura un recours pour le prix contre le vendeur, sans être tenu de lui restituer une semence pareille à la sienne, puisqu’elle n’a aucune utilité.

Si les témoins ont quitté l’acheteur, et si, d’autre part, des témoins honorables examinent la terre et constatent que les graines n’ont pas poussé, le vendeur prêtera serment qu’il n’a pas trompé l’acheteur et que, à sa connaissance, il lui a donné de la semence de bonne qualité. Si la constatation des témoins n’a pas eu lieu, il n’y aura pas de serment, si Dieu le veut.

Abû ‘Umar Al-Ishbîlî 

Un individu donne sa terre [à un autre] à titre de ?? au lieu de muzûra’a (association agricole) valable, moyennant la moitié [de la récolte]. La terre a produit cinq wasq [charges de chameau] de blé. Que décider ?

Aucun d’eux ne doit la zakât, tant que sa part n’atteint pas la quantité imposable. Il en est différemment du colonage partiaire (musâqât) et de la commandite, car dans ce cas [le colon et le commandité] ne paient la zakât que pour la propriété de celui auquel appartient le fonds. La preuve de cela se rencontre dans l’espèce suivante la zakât est due par les vergers constitués en 1\ (tabous au profit de personnes déterminées, alors même que la récolte n’atteint que cinq wasq, parce que le fonds appartient à un seul c’est pour sa propriété qu’il paie la zakât.

Abû Sâlih

Une terre appartient en commun à plusieurs individus; l’un d’eux s’étant empressé de la labourer pour son compte, ses associés réclament leurs droits. Que décider ? a Si les associés lui ont intenté l’action au moment favorable à la culture, et avant que ce moment soit passé, ils auront le droit de se partager le terrain, et ce qui leuréchoit dans leurs lots, ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Mais s’ils lui ont intenté l’action après l’expiration de l’époque des labours, il sera tenu envers ses associés du fermage de leurs parts et il conservera la récolte.

DU BAIL A COMPLANT_MUTGHÀRASA

DES DROITS DU PRENEUR

Ibn al-Hâjj

Un individu conclut avec un au Ire un bail à complant valable pour l’époque où les arbres seront en rapport. A ce moment-là, ils se partageront, la plantation [avec le sol] à raison d’une moitié pour chacun. Mais lorsque ce moment arriva, la plantation fut détruite par un incendie. Le propriétaire de la terre se refusa alors à donner au preneur la moitié de la terre, parce que l’acte dit « ils se le partageront ». Que décider ?

Le propriétaire n’a rien à dire; le preneur aura la moitié de la terre, car les deux parties ont atteint le terme [du partage] de la mughârasa.

DU BAIL A COMPLANT

Abû-l-Hasan As-Saghir

Le preneur, dans un bail à complant, plante des fèves entre les arbres, avant qu’eux soient en plein rapport. Il est actionné [de ce chef] par le propriétaire de la terre (le bailleur) soit avant, soit après la saison favorable à la culture. Que décider ?

Cet homme commet un trouble, car il n’a aucun droit sur la terre, si ce n’est après la pleine croissance1 [delà plantation]. Aussi, devra-t-il arracher [ses fèves si l’on est encore dans la saison favorable à la culture, et, si l’on a dépassé cette époque, payer le loyer [de la terre]. Il sera également interdit au propriétaire de la terre d’ensemencer la terre complantée d’arbres, car cela constitue un préjudice pour la plantation, à moins que ce ne soit l’usage dans la région.

Ibn Lubâba

Un homme prend une terre i\ titre de mughârasa (bail à complant). Il la planta, et, dans l’espace [compris entre les arbres], il planta des concombres, qui étouffèrent d’autres légumes et les dépassèrent. A qui appartient la récolte de cette année ? 3

La récolte des concombres appartient à celui qui a planté, à charge par lui de payer au propriétaire du fonds le loyer du sol. Il n’est pas permis au preneur dans un bail à complant de faire quoi que ce soit dans le fonds sans l’autorisation du propriétaire.

Ibn Rushd

Le preneur, dans un contrat de mughârasa, complante la terre moyennant une quote-part déterminée il féconde sa plantation et lui donne ses soins pendant un ou deux ans. Puis, étant dans l’impossibilité de continuer le travail ou désirant quitter, avant l’achèvement de la mughârasa, la localité où la plantation a été faite, il pense vendre le travail qu’il a accompli, soit au propriétaire de la terre, soit à un autre, ‘qui s’occuperait de ladite mughârasa, jusqu’à son achèvement, et ce moyennant la quote-part pour laquelle il s’y était engagé. Quid, selon que le propriétaire l’y autorise ou le lui défend ? Comment estimez-vous que la question doive être jugée ?

Tout cela est permis, et le propriétaire de la terre n’a rien à dire à ce sujet, si le preneur se substitue [un autre] r moyennant une contre-valeur qu’il reçoit de lui.

DU BAIL A COMPLANT APPLIQUÉ AUX TERRES HABOUS

Ibn Al-Hâjj

Est-il permis de donner la terre de habous titre de bail à comptant (mughârasa) ?

Il n’est pas permis de donner la terre habousée par bail à complant2, car cela conduit à en aliéner une partie. Si néanmoins la chose s’est produite et qu’une terre habousée au profit d’une mosquée ait été livrée par bail à complant, on donnera à celui qui a planté la valeur de la plantation, en la prenant sur les revenus de la mosquée, si elle en a et la plantation et le sol demeureront exclusivement comme habous au profit de la mosquée. Au cas où celle-ci n’aurait pas de revenus, elle deviendra associée de l’auteur de la plantation, celui-ci pour la valeur de sa plantation, la terre étant estimée d’abord non plantée, puis estimée avec sa plantation. L’option n’appartient pas au planteur. On lui dira « Paie la valeur estimative de la terre », car cela est plus propre à sauvegarder le habous, surtout d’après la doctrine d’Ibn Al-Mâjishûn, qui est de cet avis, même quand il s’agit de la propriété libre 1 revendiquée par le véritable propriétaire.

J’ai vu l’opinion suivante attribuée à Sahnûn, au sujet de la terre revendiquée en qualité de habous, alors qu’elle porte des constructions 2. On dira au revendiquant, lorsque les bénéficiaires du habous refusent de payer la valeur estimative des constructions « Paie la valeur du sol. » Avec cette somme on achète un autre terrain, qui deviendra habous, avec la même affectation que le premier terrain. Si l’on applique la doctrine rapportée par Al-Faradj (?) sur la validité de la vente des immeubles [habous] lorsqu’ils sont en ruines, l’on pourrait dire que le bail [à complaiat] de la terre du habous lorsqu’elle est en friche, sans que la moindre portion en soit défrichée, est permis.

DES NULLITÉS

?

Que décider au sujet de cette variété de- mughârasa (bail à complant) ?

Dans le djebel (montagne) Waslât, de la région de Kairouan (en Tunisie), un individu donne à un autre un olivier ou un caroubier, à condition que le preneur greffe cet arbre .au moyen d’une bonne espèce et le soigne jusqu’au .moment où; il sera en rapport. Les fruits leur appartiendront alors par moitié, jusqu’à ce que l’arbre meure par l’effet du temps, sans que le preneur n’ait aucune part du sol. La mughârasa conclue jusqu’à la mort des arbres, le sol demeurant au propriétaire, est entachée de vice. Dans ce cas, Ibn Al-Qâsim a dit, selon l’audition de ‘Isa « Si les deux parties ont stipulé que les fruits seuls seront en commun, tant que dureront les arbres, cette stipulation est nulle, et tous les fruits appartiendront au preneur, auquel le propriétaire de la terre restituera tout ce qu’il en a pris, à la mesure, si c’était des fruits secs, ou d’après la valeur estimative, si c’était des dattes fraîches. Le preneur sera tenu du fermage de la terre, à partir du jour où il en a pris possession à la place du propriétaire, et non du jour où l’arbre a commencé à produire: Quant au propriétaire du- sol, il remboursera au preneur la valeur estimative de la plantation arrachée, ou lui ordonnera de l’arracher lui-même. » • Ibn Al-Qâsim a ajouté, d’après l’audition de Yahyâ, que le preneur est tenu du fermage de la terre depuis le jour où il y a fait la plantation, jusqu’au jour où on réglera la situation il devra en payer le fermage comptant, après que la location du terrain eut été soumise aux enchères du public.

Ibn ‘Attâb

Quelles sont les règles du bail à complant atteint de vice ?

Il y a désaccord sur les règles applicables au bail à complant (mughârasa) et au colonage partiaire (musâqât) lorsqu’ils sont entachés de vice dans leur conclusion et que les choses ne sont plus entières par suite du travail exécuté. La solution que j’admets est que le preneur qui a fourni son travail aura le salaire dû dans ce cas à ses semblables, pour les plantations qu’il a faites ou qu’il a soignées.

Il en est de même de la terre qui serait donnée par bail à complant, alors qu’elle porte des arbres debout. C’est l’opinion préférée, mais il y en a plusieurs autres sur cette question.

CONTESTATIONS

Ibn Muzain

Un homme donna sa terre à un autre à titre de mughârasa (bail à complant). Après que le preneur eut fourni son travail et achevé sa plantation, les deux contractants se trouvèrent en désaccord sur la proportion adoptée pour le partage et en divergence sur la mughârasa, le preneur disant « Je l’ai acceptée [la terre] à condition que j’aie les deux tiers et que tu aies le tiers », tandis que le propriétaire répond « Non, je te l’ai donnée à condition que j’aie la moitié et toi la moitié. » Que décider ?

On s’en rapportera au dire du preneur, sous serment, si, toutefois, son allégation est vraisemblable.

DU COLONAGE PARTIAIRE_AL-MUSÂQÂT

DU COLONAGE PARTIAIRE

Un individu ensemence son terrain, et la récolte commence à pousser. Puis cet individu prit un associé pour la main-d’œuvre et pour travailler avec lui moyennant une quote-part déterminée. L’associé travailla avec lui un certain temps, puis s’enfuit. Le propriétaire de la terre continua alors le travail lui-même ou [le fit continuer] moyennant salaire. Cette société est-elle licite, l’associé prenant sa part dans les bénéfices et dans les pertes, comme en cas de louage Ou bien, est-elle nulle, l’associé n’ayant que le salaire du travail qu’il a fourni ?

Cette société est entachée de vice. L’associé aura le salaire proportionnel au travail qu’il a fourni. La continuation du travail ne s’impose pas, à raison de la nullité de cette société.

DU PRÊT A USAGE OU COMMODAT _ ‘ÂRÎYA

DE LA DUREE DU COMMODAT

Sidi Khalîl

Un homme vient demander à un autre de lui accorder un endroit dans sa maison pour y creuser un silo. Le propriétaire de la maison l’autorisa à creuser le silo, et, après qu’il l’eut creusé et qu’il y eut enfoui son blé, qui y resta quatre ou cinq mois, le propriétaire de la maison lui intenta une action et l’invita à sortir son blé du silo. Que décider ?

Il n’a pas le droit de l’expulser, jusqu’à ce qu’il s’écoule un temps et un délai en vue desquels on estime raisonnable de creuser des silos

DE LA RESPONSABILITÉ DES RISQUES

Ibn Lubâba

_Que décider, lorsqu’un homme emprunte une monture et vient dire ensuite qu’elle a été volée ou qu’elle a pris la fuite ?

S’il a été négligent, il répondra de la valeur de l’animal. Mais s’il n’y a pas eu négligence de sa part, et qu’il ait agi comme on agit à l’égard de sa propre monture, en la remisant là où se trouve sa monture et en lui donnant les autres soins d’où l’on peut conclure qu’il n’a pas été négligent, dans ce cas il n’encourra pas de responsabilité, mais il est tenu de jurer par Dieu « Je n’ai pas eu de négligence ni commis sciemment, à l’occasion de la monture, aucun acte dont elle ait péri » et il ne sera pas responsable.

_Un homme demanda à un autre de lui prêter un bœuf l’autre lui dit « Va le prendre là où tu le trouveras, etramène-le, ensuite, à l’endroit de son pâturage soit dans le pré, soit dans la montagne.» [Que décider, si l’on ne trouve pas le bœuf ?]

Si l’emprunteur a ramené le bœuf à l’endroit d’où il l’a pris ou à son pâturage habituel, sain et sauf comme il l’a pris, et cela par-devant témoins qui attestent ce fait en sa faveur, il ne doit rien. Mais s’il n’a pas de preuve testimoniale et que l’on ne sache pas comment le bœuf a péri, il en répondra.

-Un homme ayant emprunté une monture [pour aller] à un endroit déterminé d’avance, la monture périt par suite de ce voyage. Que décider ?

L’emprunteur est tenu de prêter le serment suivant « Par Dieu, je ne l’ai pas chargée au delà de ce pourquoi je l’ai empruntée je ne lui a pas fait dépasser [la distance convenue], ni commis d’actes abusifs sur elle. » Il sera ensuite tenu quitte. Quant au prêteur, il devra fournir la preuve testimoniale que l’emprunteur a commis un trouble à son préjudice s’il établit la preuve de ce trouble, l’emprunteur en sera responsable.

« Et, demanda-t-on au jurisconsulte ci-dessus, si le prêteur établit la preuve testimoniale que l’emprunteur a chargé la bête au delà de ce dont on charge une bête semblable, les témoins auront-ils à prouver qu’elle est morte de cet excédent de charge ? » Il répondit « Les témoins n’ont à déposer que sur le fait de l’abus. »

-Un homme loue ou emprunte une monture à un autre.. Ayant égaré la monture, le locataire ou l’emprunteur promit une récompense à celui qui l’amènerait. A la charge de qui mettez-vous [le paiement] de la récompense promise ? P

La récompense est à la charge de celui qui a promis. Le propriétaire de la bête n’en supportera rien.

-Une femme emprunta des vêtements pour aller à une 1. Voyez une fatwa identique du même auteur, au chapitre du louage des bêtes de somme el des navires, p. 84.

cérémonie. Elle rentra chez elle de nuit et déposa les vêtements avec les siens sur un trépied qu’elle avait dans sa chambre. Un voleur vint et vola lesdits vêtements avec ceux de la femme. Que décider ?

Elle est responsable, à moins qu’elle n’amène, comme preuve, deux témoins honorables, qui attestent avoir vu tous deux le voleur emportant les vêtements. (Ibn

DE L’EMPRUNT SANS LE CONSENTEMENT DU PROPRIÉTAIRE

Asbagh

Un homme possédait, du côté de la frontière de Fâlita, une jument. Un jour les chrétiens firent une incursion dans cette région. Or, c’était l’usage chez les habitants de ce pays, lorsque la cavalerie ennemie les attaquait, de prendre la fuite, et quiconque trouvait une jument appartenant à son voisin, la montait sans en consulter le propriétaire. Il sauvait ainsi la jument, pour la détenir au nom du propriétaire, et se sauvait aussi lui-même grâce à cette monture. L’homme, dont il est ci-dessus question, trouvant une jument sellée appartenant à l’un de ses voisins, l’enfourcha. Les cavaliers ennemis l’ayant poursuivi, après sa fuite, pendant un moment, il se jeta alors de la jument et escalada la montagne. Les cavaliers ennemis s’emparèrent de la jument, dont le propriétaire dit à l’individu en question: « Il faut que je t’en rende responsable, car en montant [ma jument] tu as commis une usurpation. » Que décider ?

Si les faits sont tels que vous les avez rapportés, cet homme n’encourra pas de responsabilité, car l’usage est considéré comme un mandat [tacite].

CONTESTATION SUR LA NATURE DU CONTRAT

Ibn Al-Hâjj

-Une femme emprunte aune autre un bijou qu’elle perd. Elle prétend l’avoir pris en location, tandis que la femme à qui appartient le bijou affirme qu’elle le lui a prêté, sans qu’il y ait eu louage. Que décider ?

Si la propriétaire du bijou est une des femmes qui louent ces objets, la déclaration à admettre est celle de la femme qui, ayant perdu le bijoux, affirme l’avoir pris en location. En conséquence, elle échappera à la responsabilité des risques. Mais si cette femme est de condition telle qu’elle ne loue pas les bijoux, on admettra sa déclaration, car nul ne peut être tenu de plus que ce qu’il a avoué lui-même. L’opinion à laquelle je me rallie et qui, selon moi, est la plus solide, est le premier système, à savoir, que l’on doit admettre la déclaration de la femme chez qui le bijou a été perdu, quand elle affirme qu’il a été pris en location. Quant au deuxième système, c’est l’opinion d’Ashhab.

D’après l’opinion d’Ibn AI-Qâsim, on doit, au contraire, admettre la déclaration du propriétaire du bijou, comme lorsqu’une partie affirme qu’il s’agit d’un prêt de consommation (tjo* qard), tandis que l’autre dit qu’il s’agit d’une commandite ((j»|y> qirâd).

-Ibn Al-‘Awwâd^ dit: « J’ai vu dans les gloses marginales d’un livre, qu’il y a controverse sur le point de savoir à la charge de qui sont [les frais] d’enlèvement de la chose prêtée Il semble, d’après le hadîth, que c’est à la charge de l’emprunteur, à cause de ces paroles du Prophète adressées à Safwân : « charge toi de l’enlèvement ». II y a également, sur [la question des frais de] restitution de la chose prêtée, deux opinions. Pour ceux qui considèrent le commodat comme un acte gracieux, c’est au prêteur à achever son bienfait 3. Mais l’opinion la plus accréditée est que c’est à la charge de l’emprunteur

DU PRÊT DE CONSOMMATION

DE L’OBJET DU PRÊT

Ibn Sirâj

Est-il permis d’emprunter de la farine {daqîq) au poids à ses voisins ? Certaines personnes le défendent et y voient de l’usure {ribâ).

De même, est-il permis d’emprunter du pain, un contre un, ou un certain nombre contre ce même nombre, deux contre deux, trois contre trois ?

Il est permis d’emprunter de la farine au poids. Je ne sache pas qu’il y ait aucune dissidence sur ce point. L’opinion qui y voit une usure est une erreur.

Quant au prêt du pain sans pesée, mais par approximation, en évaluant la quantité de farine contenue dans le pain, on examinera, quand l’emprunteur restitue un pain, s’il contient la même quantité de farine. Si oui, il n’y a pas de doute [sur la validité de ce procédé de restitution.] Si la quantité est moindre et que le prêteur y consente, le prêt est permis. Si le prêteur ne consent pas, il ne peut être tenu d’accepter cette restitution et aura le droit de réclamer la différence en moins. Si la quantité est supé- rieure et que l’emprunteur consente à payer cet excédent, cela serait permis, dans tous les cas, d’après ‘Isa ibn Dînâr, et d’après Ashhab, seulement quand l’excédent est minime. Quant à l’opinion d’Ibn AI-Qâsim, il semble qu’on doive prohiber ce mode de restitution, car cet auteur refuse, en matière de prêt, le payement d’un excédent, et cela sans aucune restriction.

Il est possible que cela soit déclaré permis, dans l’espèce présente, même d’après la doctrine d’Ibn Al-Qâsim, vu que l’excédent est de peu d’importance, que cela entretient les bonnes relations entre voisins, et vu la difficulté d’arriver à une égalité absolue à tous les points de vue. Dans l’espèce présente, en particulier, l’opinion que je préfère est celle qui admet ce mode de restitution, pour les raisons que j’ai indiquées.

Alî ibn Mahsûd

Est-il permis d’emprunter des céréales encore sur pied i et des fèves encore vertes, quand il y a nécessité ? Cela est permis, en cas de besoin et de grande famine, parce que cela peut sauver la vie à des hommes.

(Un algérois)

Est-il permis à quelqu’un d’emprunter une jarre de beurre fondu et salé et un quartier de viande ? L’emprunt d’une jarre de beurre fondu et salé, si le contenu en a été emprunté à la condition que la jarre serait considérée comme une mesure de capacité rentre dans la catégorie du prêt au moyen d’une mesure déterminée, et, d’après les textes, cela est permis. Si [l’emprunteur] restitue, à la place de la jarre de beurre, une jarre semblable, la licéité ne fait pas de doute.-S’il ne lui est pas possible de restituer une jarre semblable, qu’il en restitue la valeur estimative. Et il a le droit de donner au prêteur en paiement de la valeur, dès que celle-ci est fixée, ce qu’il voudra, pourvu que ce soit immédiatement et de leur consentement à tous les deux. Mais il ne lui est pas permis de lui donner une autre jarre, par approximation, car la jarre qu’il a empruntée est considérée comme une mesure de capacité pour la denrée qu’il a empruntée. Or Ibn Rushd a dit dans le Recueil des venies (jâmi’ ): « Et celui qui est tenu de fournir, au poids ou à la mesure, une chose où l’inégalité n’est pas permise, ne peut s’en acquitter par approximation. » Au demeurant Dieu le sait mieux.

Quant à la question du quartier de [viande], la restitution par approximation est permise à cause du peu de différence [d’un quartier à l’autre] et de la nécessité [d’adopter ce mode de restitution]. Un cas analogue se trouve dans la Mudawwana, au sujet de la vente à livrer de la viande par approximation. D’ailleurs, la vente des deux brebis, l’une moyennant l’autre, lorsqu’on est en mesure d’évaluer approximativément [la quantité de viande qu’elles peuvent fournir] alors qu’elles sont encore dans leurs peaux1, est un indice en faveur de cette solution.

DE LA RESTITUTION

Ibn Lubâba

Un individu emprunte du blé à un autre et se trouve dans l’impossibilité de le lui restituer lui est-il permis de lui acheter ce blé et de lui en donner [comme prix] de la paille, ou de l’huile, ou du sel?

Oui, cela lui est permis, dans les termes que vous indiquez, à condition que ce soit de la main à la main, sans qu’il y ait retard, ni délai et avant que les deux parties se soient séparées.

Ahmad AI-Qabbâb

Un homme emprunta des dirhems à la balance 1 et lorsque le prêteur les lui réclama, il ne trouva pas la balance. En conséquence il le paya sans balance et lui dit « S’il te reste quelque chose chez moi, ou s’il me reste quelque chose chez toi, tu es dans l’absolution. » L’autre fit aussi la même déclaration. Que décider ?

Cela ne sert à rien, car [la prohibition de] l’usure est une obligation envers Dieu très glorifié, à laquelle on ne saurait utilement renoncer. Toutefois Sahnûn a permis à celui qui a acheté à un autre de la viande au poids, de l’accepter de lui par approximation, lorsque la balance se casse. Cela s’entend du cas où l’acheteur est capable d’évaluer approximativement. J’ignore si Sahnûn a exprimé cette opinion au sujet des dirhems. En tout cas, il n’y a pas de doute que l’approximation, quand il s’agit de dirhems, est moins acceptable que s’il s’agit de viande.

Ibn Qaddâh

Un homme emprunte une jarre de beurre fondu et salé dy* saman), et désire rendre, à la place, une jarre e d’huile. Que décider ?

Cela est permis, mais sujet à examen.

DU DÉPÔT AL-WADÎ’A

RESPONSABILITÉ DU DÉPOSITAIRE

Abû Muhammad

Un homme écrivit à son dépositaire « Remets le dépôt à celui qui te fera parvenir ma lettre. » L’envoyé ayant laissé tomber le billet, un tiers le ramassa et s’en servit pour se faire remettre le dépôt. Le dépositaire est-il responsable ? P

S’il est établi que c’est bien l’écriture du déposant, et si le dépositaire l’a reconnue, celui-ci ne devra rien. Il en est de même si le déposant a dit « Remets le dépôt à celui qui t’apportera ma lettre ou à celui qui te fera parvenir ma lettre. » Il ne devra rien et ne sera pas tenu de prêter serment 1 que le déposant ait dit « à celui qui fera parvenir la lettre » ou « à celui qui te fera parvenir ma lettre », car il n’a pas commis de faute.

Mais s’il avait dit « Remets-le (le dépôt) à mon messager », le dépositaire serait responsable de la perte, s’il l’a remis au porteur de la lettre.

L’absence de responsabilité (dans le premier cas) s’explique, a-t-on dit, par ce fait que le déposant a été coupable envers lui-même en ne mentionnant pas le nom de l’envoyé. C’est comme celui qui donne une contre-valeur en échange d’une donation aumônière à lui faite, par ignorance, croyant qu’il y était obligé, ou comme celui qui, d’après l’une des deux opinions exprimées à ce sujet, avoue un délit qui est de nature à être supporté par la â’qila, croyant qu’il en était tenu. Quant à la responsabilité dont il est question, au cas où le déposant a employé le mot ar-rasûl (l’envoyé, le messager), elle est sujette à controverse, sur le point de savoir si le dépositaire diligent est ou non excusable.

Ibn ‘Arafa

Un homme reçoit en dépôt une marchandise pour l’apporter avec lui à Alexandrie; lorsqu’il y arriva, il plaça la marchandise dans un autre emballage que le sien, afin qu’elle échappât à la dime; ou bien, il la dissimula ou la déposa chez un autre 2, afin de la faire sortir à un autre moment. Mais le percepteur de la dîme découvrit la marchandise et la confisqua. Que décider?

Le dépositaire répond de la marchandise, parce que le déposant a tacitement assumé les droits d’entrée. En cherchant à dissimuler la marchandise, le dépositaire l’a exposée à la perte il est donc en faute.

?

Un homme meurt en voyage et remet [avant de mourir] ses biens à un de ses compagnons, en lui recommandant de les transmettre à l’un des héritiers. Son acte est-il valable ? Le dépositaire peut-il faire ce qu’il lui a ordonné ?

Si le défunt s’était proposé d’attribuer exclusivement les biens à celui à qui ils seront remis, il n’est pas permis au dépositaire de se conformer à cette recommandation. S’il le fait, il sera responsable envers les autres héritiers de leurs parts [dans lesdits biens]. Mais si le défunt voulait simplement que les biens restassent entre les mains de l’héritier pour le compte des autres, dont il serait le représentant, cela lui serait possible. Mais si cet héritier ne représente pas les autres, il n’est pas permis au défunt de les frustrer de leurs parts dans sa succession. Lorsque le dépositaire arrivera de la ville du déposant, il ne pourra se dessaisir des biens sans l’autorisation des héritiers, sous peine de responsabilité, en cas de contravention et si les biens périssent [au détriment des héritiers].

Abû Muhammad

Un enfant porteur d’une somme d’argent et marchant avec une caravane, redoutant les brigands, remit la somme à l’un des hommes de la caravane pour la lui garder. Puis, le danger ayant cessé, l’homme rendit la somme à l’enfantt. Que décider? P

L’homme est responsable de la somme, car il l’a restituée à une personne à qui il n’est pas permis de la donner

Ibn Mafrûq, al-qâbisî

Un homme confie en dépôt un groupe de dirhems à un marchand de légumes, qui le laisse dans sa boutique pendant la nuit. Que décider, lorsque, la boutique ayant été volée, les dirhems déposés disparaissent avec d’autres choses de ladite boutique ?

On examinera la manière dont le boutiquier agit à l’égard de ses propres deniers. S’il a l’habitude de laisser, dans cette boutique, la majeure partie de sa marchandise, ainsi que les objets remis en gages par les gens, ensemble le dépôt, et que les uns et les autres viennent à disparaître, il n’encourra aucune responsabilité. Mais s’il est rentré chez lui avec ses biens et les objets remis en gages par les gens, en laissant le dépôt seul, et en fermant la serrure de son tiroir et de la boutique, il répondra du dépôt, car il l’a exposé au risque et n’a pas agi, en ce qui le concerne, comme il a agi à l’égard de ses biens, vu qu’il a abandonné le dépôt tandis qu’il a emporté ses biens au lieu le plus sûr.

Selon Al-Qâbisî, ce qu’il faut considérer, c’est, non pas l’habitude du dépositaire, mais l’usage des hommes établis dans le même sûq que lui. Si ceux-ci ont l’habitude de laisser les dépôts dans leurs boutiques, la perte survenant, le dépositaire n’en répondra pas, car il a agi comme tous les autres.

Ibn Lubaba Ibn Ghâlib

Un jeune esclave, revendiqué par un juif, prétend qu’il est de condition libre et qu’il a été contraint à embrasser le judaïsme. Ayant été mis en séquestre chez un homme de confiance, il s’évada. Le juif déclara alors que le motif de son évasion est que le séquestre l’a amené à son champ. Que décider ?

La demande du juif, tendant à faire payer une indemnité au séquestre, n’est pas fondée, à raison du hadtth (tradition), qui dit « II n’y a pas d’indemnité à la charge du séquestre, à moins qu’il ne transgresse. »

S’il est établi qu’il a fait sortir l’esclave, qu’il l’a ramené et que celui-ci s’est enfui après, le dépositaire n’encourra aucune responsabilité. Il en répondra, au contraire, si l’esclave s’est enfui quand il l’a fait sortir.

 

S’il est établi qu’il l’a fait sortir dans son propre intérêt, il sera responsable mais si c’est pour continuer à le surveiller, il n’en répondra pas. (Ibn Ghâlib’, ibidem.)

Ibn ‘Arafa

Un homme entre dans une mîdâ (bassin aux ablutions), enlève ses vêtements et sa bourse, dans laquelle se trouve un dépôt (wadî’a). Il fait ses ablutions et sort, oubliant la bourse, laquelle se perd. Que décider ?

Cet homme est responsable de la perte du dépôt

Cette décision a été prise par Ibn ‘Arafa par analogie avec la question du hammam (établissement dé bains), qui a été soumise à Sahnûn. Voici cette espèce « Un homme reçoit un dépôt et le serre dans le pan de sa manche avec l’argent de sa dépense. Il entre ensuite au hammam et perd ses vêtements avec leur contenu. Sahnûn a répondu que cet homme est responsable. (Ibidem.)

Ibn Lubâba

Deux hommes confient un dépôt et disent au dépositaire « Celui de nous deux qui t’apportera tel signe, remets-lui le dépôt. » Que décider lorsque le dépositaire vient dire ensuite « Ton compagnon m’a apporté le signe convenu et je lui ai remis le dépôt ? »

Pas de responsabilité à sa charge. Mais il jurera qu’il a bien remis le dépôt, et il sera quitte.

Ibn Kauthar « Cela signifie pour moi que confiance est due au signe convenu. »

CONTESTATIONS

Ibn Shablûn

Un homme confie un dépôt à deux individus, qui sont en désaccord sur le point de savoir chez qui sera le dépôt. Que décider ?

S’ils sont en désaccord, le dépôt sera confié au plus honorable des deux 2. Si aucun d’eux n’est honorable, le qâdî retirera le dépôt des mains de l’un et de l’autre, et le mettra en séquestre pour le compte du déposant. Il en sera ainsi lorsque le déposant n’a pas confié le dépôt à l’un des deux seulement. Dans le cas contraire, le dépôt demeurera entre les mains de celui qui l’a reçu, à l’exclusion de l’autre.

Al-Mâzari

Un objet mobilier était, pendant plus de quarante ans, entre les mains d’un individu qui disait le détenir à titre de dépôt, pour le compte d’un homme qu’il connaissait seulement de vue. Puis, cet individu mourut, laissant ledit objet et des héritiers, qui ne le partagèrent point et reconnurent que c’était un dépôt dont on ignore le propriétaire et confié à leur père. Lesdits héritiers étant morts, leurs héritiers remirent ce dépôt, demandant à en être déchargés, vu que l’on n’espère pas connaître son propriétaire, dont on ne sait ni le nom, ni le pays. Que décider ?

Je suis d’avis que l’objet en question soit mis en séquestre pendant une année, suivant un ordre du qâdi. Si l’année s’écoule sans que personne vienne le revendiquer, le qâdî en homologuera la vente, après que la justesse du prix aura été établie par-devant lui. On distribuera ensuite le prix en aumônes aux pauvres et aux indigents, en donnant la préférence à ceux d’entre eux qui dissimulent leur pauvreté, à ceux qui ne découvrent pas leur visage en recourant à la mendicité. On aura l’intention, en faisant cette aumône du prix, d’en rapporter [la récompense divine] au propriétaire de l’objet, le déposant. C’est le moyen, pour ceux qui détiennent le dépôt, de s’en décharger. Un acte en sera dressé, par ordre du qâdî, pour demeurer entre les mains des héritiers (du dépositaire).

Ibn Al-Hâjj

Un acte établit qu’un homme a envoyé des objets mobiliers avec un autre homme vers Alexandrie, en vue de les vendre et d’en faire parvenir le prix à AI-Mahdiyya • ou à l’Andalousie. Il lui fixa, pour cela, un salaire. Puis, le mandataire étant mort, en laissant un fils et une fille à Zawîla1, ceux-ci se proposèrent de quitter le pays. Le mandant intenta alors une action, réclamant son dû du prix de la maison [du fils] avant le départ de celui-ci. On ignore si le défunt a laissé une succession à Alexandrie. Que décider ?

L’opinion la plus répandue dans la doctrine est que, si le dépôt n’est pas retrouvé en nature, il devient une dette grevant [le patrimoine] du défunt. Selon d’autres, le dépôt ne devient pas une dette personnelle, à raison de la possibilité de sa perte. Cette dernière solution est considérée comme celle qui résulte de l’analogie (alqiyâs), par certains de nos maîtres. La première solution se restreint à l’hypothèse où le mandataire a vendu l’objet du dépôt, qui, changé en une somme d’argent 2, devient pour lui une dette personnelle, à titre de prêt. Toutefois on doit examiner s’il s’est écoulé un laps de temps suffisant pour que la somme eût pu être envoyée à Al-Mahdiyya ou à l’Andalousie. Si oui, la question comporte une autre controverse, à laquelle nous avons répondu au sujet d’une précédente question. En tout cas, si le dépôt devient une dette personnelle grevant la succession, le déposant aura le droit de faire saisir-arrêter une somme égale à son dû, jusqu’à ce que l’on se renseigne sur la deuxième succession 1, pour savoir si le dépôt s’y trouve.

Al-Wanshârisî

Le jurisconsulte ci-dessus fut de nouveau questionné sur le point de savoir quelle serait la solution si, entre la mort du mandataire et le moment où il a été envoyé, il s’est écoulé un laps de temps suffisant pour renvoyer [le prix] au lieu de destination. Nous n’avons pas rencontré la réponse à cette question.

DU MANDAT _AL-WAKÂLA

DU MANDANT

‘Iyâd

Un gouverneur d’une ville a un procès avec un homme; a-t-il le droit de donner mandat à un des hommes de son entourage ?

Le gouverneur susdit ne sera pas empêché de se faire représenter par un mandataire aux fins que vous avez mentionnées.

DE LA CAPACITÉ DU MANDATAIRE

Ibn Al-Hâjj

Un individu donne mandat de toucher une créance lui appartenant, à un mineur impubère, qui en obtient paiement. Que décider ?

La perception par le mineur libère le débiteur, car le titulaire du droit a accepté l’enfant [comme mandataire] et l’a mis en son lieu et place.

DES POUVOIRS DU MANDATAIRE

Al-Barjînî Un homme vendit une maison lui appartenant dans une ville, toucha une portion du prix et donna mandat [à un autre] de toucher le restant. Il partit pour son pays et mourut après un certain nombre d’années. Ses héritiers ayant réclamé le restant du prix, [le mandataire] prétendit qu’il l’avait fait parvenir [au mandant] et qu’il n’était pas tenu de répondre à cette demande. [Le mandataire] est-il obligé d’expliquer comment l’argent est arrivé [entre les mains du mandant], et sera-t-il tenu de prêter serment ? Le mandataire est digne de foi relativement à la perception de ce qu’il a reçu mandat de percevoir, tant que le contraire n’apparaît pas Ainsi lorsqu’il allègue avoir touché et envoyé [l’argent], son dire est admis et on y ajoute foi, s’il s’est écoulé un long laps de temps, et surtout si le mandataire est manifestement digne de foi.

Ibn Abû Zaid

Un homme vendit de la semence de henné, et informa l’acheteur qu’il a reçu mandat de [stipuler] qu’elle germe. La semence n’ayant pas germé, l’acheteur intenta une action au vendeur, le mandataire. Celui-ci reconnut que c’était bien la semence qu’il lui avait vendue, tandis que le fournisseur de cette semence, le mandant, nie. Que décider ?

On s’en rapporte au dire du mandataire, sous serment, et le fournisseur de la semence sera tenu en vertu de l’aveu du mandataire. Il en est ainsi, si le fournisseur est coupable de dol. S’il n’a pas commis de dol, il paiera la différence entre la valeur de la semence bonne et sa valeur quand elle est mauvaise’.

Ibn Al-Hâjj

Un individu donna mandat à un homme de [veiller] à à ses droits, et s’absenta, après avoir requis acte du mandat par devant le qâdî, en présence du mandataire en personne. Puis un des débiteurs du mandant comparut et refusa de payer sa dette au mandataire, si ce n’est après interpellation finale (ïdhâr) adressée au mandant. Que décider ?

Si le mandant est absent à une distancer approchée, comme de trois jours ou moins, on lui écrira et on lui adressera l’interpellation finale; le débiteur sera tenu de fournir une caution de la dette, pendant l’intervalle. Mais si le mandant2 est absent à une distance plus éloignée, le débiteur sera condamné à payer la dette au mandataire, si Dieu le veut.

DU MANDAT GÉNÉRALOU FIDUCIAIRE

Al-‘Uqbâni

Un individu donne à un autre un mandat général. Le mandataire obligea alors le mandant à la hidâna et à la nafaqa. Cet acte oblige-t-il le mandant?

On s’en remettra à la déclaration du père (le mandant), quant à son affirmation qu’il n’a pas donné pouvoir au mandataire de l’obliger à la hidâna et à la na faqa, pourvu qu’il n’y ait rien dans l’affaire qui indique le consentement du père postérieurement à l’acte de son mandataire.

DE LA RÉVOCATION DU MANDAT

Ibn al-Hâjj

Un homme donne à un autre, au prétoire du qâdi, mandat de vendre en son nom et de liquider ses droits dans une autre ville. Le mandataire partit avec le mandat vers la ville en question et procéda à la liquidation et à la vente, puis le mandant se prévalut de ce qu’il a révoqué le mandataire après l’avoir constitué. Que décider ? a

On ne tiendra pas compte de cette révocation, et le mandant sera tenu d’exécuter les actes accomplis par le mandataire, à moins qu’il ne publie sa révocation, ou qu’il ne le révoque au prétoire du qâdî, auquel cas les actes du mandataire ne seront pas exécutoires à son encontre. Car la révocation en secret du mandataire est un acte de tromperie et une intention de commettre un dol; en conséquence, on ne s’en préoccupera pas et on n’en tiendra pas compte.

Al-Yaznâsni

Un homme a une créance sur un autre; lui ayant réclamé [son paiement], il ne lui trouva pas d’autres biens qu’une terre lui appartenant. Le débiteur lui donna alors pouvoir de toucher les loyers de cette terre, par un mandat fiduciaire (wakâla mufawwada) perpétuel et permanent. Il stipula en sa faveur dans le mandat qu’il ne pourrait être révoqué jusqu’à ce qu’il ait touché intégralement sa créance susdite. Puis, quand le mandataire commença .à toucher les loyers, le débiteur reconnut une dette en faveur d’un autre homme et lui donna mandat de toucher les loyers de ladite terre. Entre la première date et la seconde, il s’est écoulé neuf ans. Est-ce le premier ou le deuxième mandat qui sera annulé ?

Lorsque le mandat se rapporte à une créance du mandataire, celui-ci ne peut être révoqué. Or, dans notre espèce particulière, le but [du mandat], c’est le paiement de la dette. Par conséquent, si le mandant, ou un autre en son nom et par son ordre, l’acquitte, il appartiendra alors au mandant de révoquer le mandataire. Mais, tant que celuici aura un droit sur les choses dont il tire profit, il ne sera pas permis de le révoquer.

Ibn Al-Hâjj

Un individu constitua un mandataire pour soutenir un procès en son nom, transiger, avouer et nier. Puis, il fut établi que le défendeur a reconnu au profit du demandeur une partie de ce qu’il a prétendu contre lui, et il devint nécessaire de l’incarcérer en raison de la demande produite et des soupçons qui pèsent sur lui à ce sujet. Le mandataire prit alors sur lui de transiger avec lui moyennant dixmilhqâls, payables par échelonnement, et le mit en liberté. Le demandeur (le mandant) prétendit alors qu’il n’a pas autorisé le mandataire à transiger et invoqua un acte comportant la révocation par lui du dit mandataire, un acte dont la date est antérieure à la date de la transaction. Que décider ?

Ce qui s’impose, c’est qu’on adresse l’interpellation finale au mandataire au sujet du dit acte et, s’il n’a aucun moyen de le repousser, la transaction ne sera pas exécutée et le mandataire sera tenu de payer ce que le débiteur avait reconnu devoir. Il recourra lui-même, ensuite, contre le débiteur pour cette somme.

Si le mandataire prétend qu’il a informé [préalablement] J le mandant de la transaction, le mandant prêtera serment et alors le mandataire le paiera. En tout cas, le mandataire est tenu de payer, parce qu’il a commis un acte injuste envers son mandant, a mis son débiteur en liberté et lui a fait perdre son bien.

DU CAUTIONNEMENT_AD-DAMÀN

Sidî Misbâh

Un individu achète à un autre une esclave. Celle-ci est ensuite revendiquée comme étant de condition libre. Le vendeur étant absent, l’acheteur prétendit contre deux individus déjà morts qu’ils s’étaient portés garants envers lui de tout trouble qui pourrait l’atteindre, relativement à l’esclave en question, par suite de revendication ou autre motif. L’acheteur intenta cette action aux héritiers des deux individus en question. De plus, un troisième individu 1 avait cautionné les deux individus décédés, pour tout recours dont ils pourraient être tenus envers l’acheteur de l’esclave revendiquée. Ce dernier garant ayant été invité à s’acquitter de cette obligation, il éleva une contestation, jusqu’à ce qu’un jugement définitif eût été rendu contre lui par le qâdî. Puis, l’acte de cautionnement des deux individus décédés ayant été découvert, on y trouva que l’acheteur n’avait accepté la garantie que de l’un d’eux seulement, à l’exclusion de l’autre. Le troisième garant s’accrocha alors à ce détail et dit « Je n’ai cautionné ces deux individus que parce que je croyais qu’ils étaient tous deux garants. » Quant à l’acheteur, il prétendit que ces deux individus s’étaient tous deux portés garants envers lui, et que seul le rédacteur de l’acte avait commis une négligence à ce sujet. La troisième caution est-elle tenue de garantir les deux cautions primitives, ne pouvant prouver elle-même en sa faveur?

Que Dieu vous honore Si les choses sont telles que vous les avez mentionnées, et si les raisons invoquées par la troisième caution sont plausibles, comme si, par exemple, les deux individus décédés étaient garants respectifs l’un de l’autre pour la dette en question, ou si la caution refusée par l’acheteur était solvable, tandis que l’autre ne l’était pas, cela sera considéré comme une excuse admissible en faveur de la troisième caution, qui est ainsi déchargée de la garantie. Mais si les choses se sont passées autrement, elle sera tenue de la garantie de l’une et l’autre caution.

Al-Yâliçûti

Un homme, créancier d’un autre pour un certain nombre de dirhems, en fit novation contre une somme d’or payable par échelonnement pendant un certain nombre d’années, un tiers s’étant porté caution envers lui de la somme d’or à son échéance, selon les règles du cautionnement. Puis la caution fut mise en demeure de payer ce qu’elle a cautionné et y fut condamnée par l’autorité judiciaire. Le jugement est-il exécutoire à son égard ? Que Dieu vous honore! Il y a controverse sur le cautionnement d’une obligation nulle1. Pour Ibn Al-Qâsim, il regarde ce cautionnement comme non-avenu. Un autre auteur le considère comme valable. La divergence entre eces deux auteurs est exposée au livre « du cautionnement » de la Mudawwana. En sorte que, si le qâdî connaît l’opinion de l’autre auteur sur cette question et se propose de juger en conséquence, son jugement est valable. Mais s’il juge en ce sens, croyant que telle est l’opinion d’Ibn Al-Qâsim, son jugement sera infirmé. Cela est dit textuellement par ‘Iyâd au livre « des jugements » de l’ouvrage intitulé At-Tanbîhàl (Les avertissements)1. Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance.

DE LA DÉCLARATION JUDICIAIRE D’INSOLVABILITÉ AT-TAFLÎS

Ibn Rushd

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté 1 au sujet de la question suivante, qui est une des sept espèces sur lesquelles il fut questionné par le qâdî Aboùl-1-Fadl ‘Iyâd , Que Dieu lui fasse miséricorde! Voici la teneur de la question

Que Dieu prolonge la vie de l’objet de ma considération et de monseigneur le très-élevé [puisse-t-il] être assisté dans les entreprises Que Dieu agrée, finir dans le paradis 3, être favorisé dans ses souhaits

Il s’est présenté devant moi, Que Dieu augmente votre puissance une affaire sur laquelle je désirerais connaître votre haute opinion. Il s’agit d’un débiteur qui a été judiciairement déclaré insolvable par-devant moi puis un de ses créanciers invoqua un acte portant que ledit débiteur a donné sa maison d’habitation en antichrèse au créancier susdit, en sûreté de sa dette avant qu’il ait été déclaré judiciairement insolvable. Les personnes sur le témoignage desquelles s’appuie ce contrat, ont déposé devant moi que le débiteur a mis le créancier antichrésiste en possession de la maison susdite, objet de l’antichrèse qu’ils ont constaté qu’elle était vide d’habitants et d’objets mobiliers que le débiteur qui a constitué l’antichrèse a fermé ladite maison donnée en sûreté de sa dette, et en a remis la clef au créancier antichrésiste en leur présence. Les autres créanciers intentèrent alors une action, prétendant que le débiteur n’a pas quitté la maison et ne s’en est pas éloigné, qu’il y habite actuellement, et que tout cela n’est qu’une ruse pour les frustrer de leur droit. Ont témoigné en leur faveur tous les voisins, parmi lesquels il en est qui disent que ledit débiteur n’a pas quitté la maison en question depuis la date susdite jusqu’au moment où il a été déclaré judiciairement insolvable et actionné en justice, et jusqu’au moment où sont entrés dans la maison ceux que j’ai envoyés pour se rendre compte de la situation. Ceux-ci ont trouvé la maison occupée par la famille et les effets du débiteur. Ayant mis le créancier en présence de ces faits, il répondit « Je n’ai aucune connaissance de cela. J’ai pris possession de mon gage en présence de mes témoins; j’ai pris la clef de mon gage et j’ai loué la maison à un locataire pour qu’il l’habite depuis le commencement du délai, et cela depuis un certain temps. » Et il a prouvé par-devant moi ladite location consentie par lui. Il ajouta « Si le débiteur est retourné à la maison, c’est qu’il aura commis un passe-droit à mon égard, et sans que je le sache. »

Or, l’ignorance du créancier sur ce point, Que Dieu t’assiste! est peu vraisemblable d’après le raisonnement et les circonstances. La question est douteuse, à cause de ce que le susdit est criblé de dettes depuis un certain temps.

[De leur côté] les créanciers ont invoqué le témoignage d’un groupe de voisins, dont la déposition n’est pas certaine pour moi, et qui tendrait à établir que le créancier antichrésiste serait au courant de la présence du débiteur dans la maison, et cela de son propre aveu, les deuxl témoins s’étant trouvés avec lui dans ladite maison, et pour des motifs analogues. Les créanciers amenèrent devant moi un de ceux qui ont déposé au sujet de la prise de possession (par le créancier antichrésiste) et dont j’ai accepté les témoignages; il déclara qu’il avait vu dans la maison, alors qu’elle était inoccupée, de petits cabinets contenant des peaux en petit nombre destinées au tannage. Les autres témoins ont été interrogés, en ces termes « Avez-vous vu que les autres chambres et les petits cabinets du premier étage étaient vides ? » Ils répondirent « Nous n’avons pas cherché à le savoir et nous n’avons vu que la maison et le vestibule vides, qu’ils ont été fermés en notre présence et que la clef de la maison a été remise au créancier. »

Quel est votre avis, Que Dieu augmente votre puissance sur ces présomptions et les circonstances de cette question ? Affaiblissent-elles la possession2, étant donné la contradiction existante d’ailleurs sur le fond ? Expliquez-le [nous], puissiez-vous être rétribué, comblé d’éloges, s’il plaît à Dieu

Monseigneur, Que Dieu augmente ta puissance par ton obéissance envers lui qu’il te favorise de sa générosité et qu’il ne te dépouille pas de son assistance et de sa direction vers le bien et le juste J’ai examiné votre question consignée ci-dessus et j’en ai pris connaissance. Les détails que vous avez rapportés affaiblissent la prise de possession et en altèrent la validité. En effet, Dieu a dit : « Des gages perçus. » Aussi, le nantissement n’est-il exécutoire que s’il y a une mise en possession valable, exempte de tout vice qui pourrait l’affaiblir, étant donné surtout que, d’après l’une des deux opinions exprimées par Mâlik, le nantissement consenti par celui dont le passif est supérieur à son actif, n’est pas permis. Or, un des principes admis par Mâlik est qu’il faut tenir compte du désaccord [de la doctrine]. Aussi, en jugeant que l’antichrèse de cette maison est nulle et que le créancier antichrésiste viendra en concours avec les autres créanciers, vous aurez adopté l’opinion la plus sûre, jugé sans aucun doute et en conformité avec la vérité.

Ibn Lubb

Un homme vendit des propriétés lui appartenant, et il n’en avait pas d’autres. La vente fut définitivement conclue entre les deux parties; le vendeur toucha le prix et le dépensa. Puis, la femme du vendeur lui intenta une action à raison d’une créance qu’elle avait contre lui, provenant de l’obligation d’entretien (nafaqa) et d’autres sources. La date de l’acte de créance est antérieure à celle de l’acte de vente. La femme a-t-elle le droit de faire annuler la vente, afin de toucher sa créance sur [la valeur] de la chose vendue ? Ou bien la vente sera-t-elle valable, la femme devant poursuivre son mari pour [le paiement] de sa créance, dès qu’elle lui découvrira des biens Éclaircissez-nous la règle de droit, puissiez-vous être récompensé, comblé d’éloges

J’ai pris connaissance de la question consignée [cidessus]. La règle sur ce point est que la vente est exécutoire et ne peut être critiquée ni par la femme, ni par aucun autre parmi les créanciers. Ils n’ont qu’à poursuivre de leurs créances la personne de leur débiteur, à moins qu’il ne soit prouvé que la vente a eu lieu avec donation déguisée d’une partie du prix, d’après la valeur [de la chose] au moment de la vente, en sorte que celle-ci se trouve traitée comme les donations. Dans ce cas, les titulaires de créances antérieures à la vente ont le droit de [la] critiquer à cause de la donation déguisée, à la condition qu’au moment de la vente le débiteur n’eût pas d’autres biens sur lesquels la donation déguisée pouvait s’imputer.

Salut sur vous.

Ibn Al-Hâjj

Un homme de la population de Qal’at Rabâh, achète, dans cette localité, une maison et un four. Il en demeura propriétaire pendant une durée inférieure à un an, puis contracta envers des tiers de nombreuses dettes. Les gens furent portés à contracter avec lui et eurent confiance en lui, à cause du four et de la maison. Puis, lorsque les dettes échurent, il s’enfuit vers lé littoral. Les titulaires des créances ayant été d’avis de vendre la maison et le four, l’oncle du débiteur leur opposa un acte portant qu’il a acquis la maison et le four. Que décider ? Si les témoins déposent qu’il y a eu vente et qu’ils ont constaté de visu la perception du prix, qu’il n’y a pas eu donation déguisée à ce sujet, et si, l’interpellation finale étant adressée sur tous ces points aux créanciers, ceux-ci n’ont aucun moyen à y opposer, ils ne pourront rien prétendre sur la maison et le four. Mais si les témoins n’attestent pas tout cela, la vente est non-avenue, nulle.

 

DE L’USURPATION _ AL-GHASB

DE LA RESPONSABILITÉ DE L’USURPATEUR

Ibn Abû-Râshid Al-Walîd

Un individu s’empare de la monture d’un autre individu au cours de combats livrés entre les tribus (qabâïl). Il la détient, au mépris des droits de son propriétaire, pendant une durée de deux mois ou plus, puis la lui restitue. La monture demeure ainsi pendant un laps de temps d’une année environ, et meurt. Le propriétaire prétend qu’elle est morte des suites d’une blessure qui lui est survenue alors qu’elle était entre les mains de l’usurpateur. Celuici répond « La monture était déjà dans l’état où je te l’ai restituée; du reste, si tu ne l’avais pas acceptée, tu me l’aurais rendue aussitôt que je te l’ai envoyée. Ton silence, à mon égard, pendant ce laps de temps, prolongé jusqu’à ce que la bête fût morte, est une preuve que tu l’avais acceptée. »

Du moment que l’usurpateur a restitué la bête dans l’état où elle était, il ne doit plus rien. Quant à la prétention du propriétaire, d’après laquelle la bête lui aurait été restituée portant une blessure, il n’est pas spécifié, dans votre question, si, au moment de la restitution, la blessure était ou non susceptible d’amener une diminution du prix de la bête. Si elle était de nature à n’amener aucune diminution du prix, l’usurpateur ne doit rien.

Dans le cas contraire, le propriétaire aura le choix ou de se faire indemniser de la valeur estimative de la bête, ou de prendre celle-ci avec la moins-value.

Or, du moment que le propriétaire a reçu sa bête, il a renoncé à rendre l’usurpateur responsable de sa valeur estimative, optant ainsi pour la restitution de la chose usurpée.

Selon d’autres, l’usurpateur est tenu uniquement de la moins-value, que le propriétaire est libre de lui réclamer ou de lui abandonner. Quant à la prétention du propriétaire, d’après laquelle la bête serait morte des suites de l’ancienne blessure, il n’y sera pas ajouté foi.

Ibn Rushd

Un homme fuit du Sultan, de peur que celui-ci ne lui confisque ses biens injustement. Un individu vient indiquer au Sultan, qui le prend, un silo [appartenant à cet homme]. Cet individu est-il tenu d’indemniser le propriétaire ?

L’individu qui a indiqué [le silo] sera responsable du blé. A la fin du chapitre du ghasb [usurpation] de l’ouvrage intitulé Al-Furu‘ (les branches du droit) par Ibn Yûnus, on lit ce qui suit, d’après Aboù Muhammad « Celui qui informe un voleur de l’existence d’un silo appartenant à autrui, ou qui en informe l’usurpateur, ou, celui-ci ayant cherché à connaître le silo ou les biens d’un individu, les lui indique, en sorte que, sans son indication, on n’aurait pas su les découvrir, est déclaré responsable par certains de nos contemporains, tandis que d’autres ne mettent pas cette responsabilité à sa charge. » « Quant à moi, dit Abû Muhammad, je suis partisan de sa responsabilité, car c’ést un cas de violation des droits d’autrui et de fraude. »

Abû Muhammad

Un homme en accompagnait d’autres au cours d’un acte de brigandage. Les autres s’étant emparé de quelque chose en sa présence, il n’y toucha pas et n’en tira aucun profit, connaissant son devoir et les propriétaires du bien enlevé par la violence. En sera-t-il tenu dans une mesure quelconque ? Quid, s’il n’est pas pubère ?

S’il a assisté avec des brigands à un vol ou à une rapine, étant pubère, ils sont tous considérés, d’après Malik, comme des cautions [réciproques], et il paiera tout ce qui, en sa présence, a été pris par lui et ses compagnons. Certains disciples de Mâlik sont d’avis qu’il ne sera tenu que de ce qu’il a pris, s’il a pris quelque chose. Quant à l’impubère, il n’est tenu, dans l’une et l’autre opinions, que de ce qu’il a pris.

DE L’USURPATION DES CHOSES INDIVISES

Ibn Abû Zaid

Une maison appartenant à deux individus par indivis, est usurpée pour la moitié indivise qui appartient à l’un d’eux. L’autre copropriétaire a-t-il le droit de louer sa part, de la vendre, ou d’en demander le partage ?

Le partage n’est pas possible, tant que l’affaire demeure soustraite à la justice. Mais ce copropriétaire peut vendre ou louer sa part. Il y a cependant controverse sur le loyer et le prix de vente, pour savoir si la victime de l’usurpation y participe ou non. Selon les uns, il y participe avec son copropriétaire, car sa part qui a été usurpée n’est pas distincte. Selon les autres, il n’y participe pas, parce que le but de l’usurpateur était d’enlever la part de celui-ci, non de celui-là. Cette décision est d’ailleurs plus conforme à l’analogie juridique. (Ibn A bû Zaid. T. VI, p. 126.)

As-Suyûrî

Un bien possédé par indivis est l’objet d’une usurpation, pour un fait personnel au propriétaire de la moitié; la perte en sera-t-elle pour celui qui en est la cause ou pour les deux ensemble ?

La perte, quand il s’agit de l’usurpation d’un bien indi- vis, est pour tous les propriétaires. L’associé ne la supporte pas [seul].

Ainsi, celui qui fait donation aumônière d’un bien qui lui a été enlevé par la violence fait une donation que le donataire peut valablement recevoir de l’usurpateur. Mais il y a divergence sur le point de savoir si la possession du bien par l’usurpateur constitue une possession au profit du donataire. En tout cas, cette possession est faible.

C’est à celui qui doit juger une affaire semblable à recourir à l’interprétation personnelle.

DE L’ACCROISSEMENT

Ad-Dawudî

Des individus sont spoliés de leur terre et, ayant pu se faire rendre justice, on trouve une récolte sur pied dans cette terre, que le spoliateur avait cultivée pendant un certain temps. Que décider?

Ce que ces individus trouvent dans la terre au moment le plus favorable aux semailles, ils ont le droit de le prendre sans rien donner au spoliateur, à moins qu’il n’ait une valeur, une fois arraché, auquel cas le spoliateur recevra la valeur des plantes estimées arrachées et après défalcation du prix de la main-d’œuvre de cette opération. Il lui sera retenu, sur cette somme, ce qu’il doit pour la culture qu’il a précédemment faite dans cette terre. S’il est resté en possession de la terre après l’époque favorable à la culture, dans ce cas l’opinion de Mâlik et des ‘Oulémas n’est pas fixée. Selon les uns, le spoliateur sera tenu du fermage et aura droit à la récolte. Selon les autres, la récolte appartiendra au propriétaire de la terre et cette opinion est plus conforme à ces paroles du Prophète « Il n’y a point de droit pour la racine1 d’un homme injuste ». L’unanimité [de la doctrine, s-L^-VI al-ijmâ’] est qu’il prendra la récolte.

Ibn Abû Zaid

Un homme ayant perdu une monture, la retrouve entre les mains d’un individu, qui prétend l’avoir achetée d’un homme injuste1, fonctionnaire du Sultan. Étant parti pour établir la preuve testimoniale de ce fait, l’individu, entre les mains duquel la monture a été trouvée, la rendit à l’homme injuste et se fit rembourser son prix. Le réclamant arriva, mais ne trouva plus la monture entre les mains de l’individu. Doit-il diriger son action contre celui qui détenait la monture ou contre celui qui l’a maintenant reçue ?

Si le demandeur peut établir la preuve testimoniale, pardevant le juge, quant à l’individualité de la monture, ou si les témoins disent: « C’est bien la même bête qui était entre les mains d’un tel et il ne l’a pas vendue, etc. » et si, d’autre part, le juge peut condamner celui qui la détient, il condamnera, et le demandeur reprendra sa bête. Mais si l’on ne trouve pas de témoins pour déposer dans ce sens et que le demandeur ne puisse pas en produire, il aura droit d’exiger que celui qui détenait la bête, affirme par serment qu’un tel 3 a résilié avec lui la vente et lui a restitué le prix. Le demandeur réclamera ensuite sa bête, s’il le peut.

QUESTIONS DIVERSES

Ibn Rushd

Le Sultan enlève une maison ou une terre à quelqu’un et la donne à un homme qui l’habite ou la met en culture. Toutefois le détenteur de la maison ou de la terre obtenait l’absolution de la part du propriétaire de la terre ou de la maison moyennant une somme’ qu’il lui payait, ou1 bien le propriétaire lui accordait cette absolution sans rien prendre de lui, ou enfin le détenteur payait cette somme aux héritiers du spolié, celui-ci étant décédé. Cela est-il permis ? Il n’est licite ni permis à personne d’agir ainsi. Cependant si celui qui a ainsi agi a obtenu le consentement du propriétaire de la chose, ou si, lui ayant demandé son absolution, il la lui a accordée de bon gré, dans ce cas il est affranchi de sa poursuite dans ce monde et dans l’autre. Il obtiendra aussi la rémission de son péché, s’il en demande pardon à son Seigneur et revient à résipiscence, car il a désobéi à Dieu en habitant la maison ou en labourant la terre, avant que le propriétaire de la terre l’y ait autorisé. En effet, lorsque, ayant connaissance de l’usurpation, il a néanmoins habité [la maison] ou labouré [la terre], il se trouve dans la même situation que l’usurpateur.

Ahû Muhammad

Un homme usurpe le bien d’un Juif, puis, celui-ci ayant disparu sans qu’on sache qui il est ni où il est, le spoliateur désire obtenir l’absolution. Que décider ?

Si le Juif est un de ceux qui jouissent d’un [traité] de paix, et ces juifs sont connus et supportent un impôt qu’ils paient le bien spolié leur sera remis. Mais si le juif est inconnu ou s’il n’est pas de cette ville [où il a été spolié], que son bien soit placé au bail al-mûl et distribué en aumône, au cas où on ne l’aura pas trouvé

Ibn Lubâba

Est-il permis de faire le commerce avec les usurpateurs, les usuriers et ceux qui ne s’abstiennent pas de ce qui est illicite, lorsqu’on sait que les dinars et les dirhems qu’ils paient proviennent de leurs deniers ?

Celui qui s’en abstient y trouve avantage. Mais s’il ne s’en abstient pas, ce n’est pas un péché, tant qu’il ne sait rien d’une manière précise pour s’en écarter.

Ibn Lubb

-Est-il permis d’acheter la viande d’un animal enlevé par la violence (maghsûba) ?

Cela est défendu à raison de l’option qui appartient au propriétaire de l’animal de le revendiquer ou d’en réclamer seulement la valeur. Si l’on savait que le propriétaire de l’animal a renoncé à le prendre en nature et qu’il est décidé à accepter la valeur estimative seulement, l’achat de la viande de cet animal ne serait plus que répréhensible, mais non défendu, à raison du fait accompli.

-Un individu était lié d’amitié avec un certain roi, sans qu’il se soit jamais ingéré dans des fonctions de gouverneur ou de percepteur des finances. Dans la suite, un rebelle se mit en révolte contre le dit roi et le tua. Il mit en prison l’individu en question, le soumit à un dur traitement et le dépouilla de tous ses biens, anciens et récents terres, propriétés bâties, livres et autres objets. Il le contraignit à vendre certains de ses biens et à donner à d’autres mandat de vendre en son nom. Mais un autre rebelle étant entré en révolte contre cet oppresseur et l’ayant tué, l’individu (victime de la confiscation) veut intenter une action tendant à reprendre tout ce qui lui a été enlevé ou vendu en son nom, ou qu’il a vendu lui-même. Que décider ? Cet individu qui a été contraint de vendre son bien, dont la propriété a été transférée à autrui, le reprendra sans en devoir aucune indemnité. Quant aux biens qu’il a vendus en personne ou qu’un autre a vendus pour lui, par son ordre, ou parce qu’il en a fait l’abandon, s’il est établi que cet homme était dans une gêne qui l’a amené à transférer la propriété de son bien, afin de payer la contribution qui lui était demandée, dans ce cas on rencontre trois opinions différentes dans la doctrine.

Ibn Abû Zaid

Est-il permis à quelqu’un de se refuser à payer l’impôt, s’il y échappe par son influence ou autre moyen analogue ?

Il ne doit pas s’y soustraire, à moins que ce ne soit avant la répartition de la somme, afin qu’il ne soit pas compris parmi les gens qui paieront cette somme; à moins que le Sultan ne leur en tienne compte.

Abû ‘Imrân

Autre réponse. Ce qui est juste c’est qu’il paie avec les autres et les aide, au cas où ils paient par crainte d’un mal qui pourrait leur arriver. Cependant, s’il ne le fait pas ou s’il est exempté, cela ne va pas jusqu’à constituer un péché de sa part. Mais c’est ce qu’il devrait faire. (1, ibidem.)

As-Saraqustî

Un individu confie un objet à un vendeur à la criée (dallâl JVj) pourle vendre au marché. Ce crieur, après avoir vendu l’objet, se soustrait au paiement de la taxe 1 et en partage le montant avec le négociant (qui lui a confié l’objet). Cela est-il permis ?

Si les institutions utiles aux Musulmans, indispensables à la sécurité de leurs frontières, pour éloigner d’eux leur ennemi, Que Dieu l’anéantisse, et garantir la sécurité des routes, ne peuvent subsister que moyennant les taxes perçues dans les marchés, il faut, dans ce cas, que ces taxes soient l’objet d’une grande attention, que des hommes probes et dignes de confiance soient préposés à leur perception et à leur application aux dépenses auxquelles elles sont destinées. Il faut, d’ailleurs, que les dites taxes aient été établies d’un commun accord et depuis longtemps par les hommes auxquels il appartient de décider sur les affaires, et à raison de l’insuffisance des ressources du Trésor (bait al-mâl)

Si les préposés perçoivent ces taxes sur les matières imposables et en font l’application aux dépenses utiles, auxquelles elles sont destinées, leur zèle est digne d’éloges. Quant à celui qui les dilapide ou les dépense mal à propos, il aura été un fourbe, un injuste, comme aussi, parmi les hommes qui fréquentent les marchés, celui qui, étant tenu de ces taxes, refuse de les payer et les garde entre ses mains.

 

Ibn ‘Ara fa définit la revendication « L’action de repousser un droit de propriété en se fondant sur un droit antérieur de propriété, sans avoir à offrir aucun équivalent pour le possesseur évincé »

Le demandeur, c’est-à-dire le revendiquant, doit prouver son droit de propriété et établir l’identité de la chose qu’il revendique avec celle qui lui appartenait. De plus, certains auteurs l’astreignent au serment d’autres l’en dispensent enfin, d’après une troisième opinion, le serment ne lui est déféré que s’il s’agit d’un meuble. Le défendeur n’est condamné qu’après l’interpellation finale et dans ce cas, s’il déclare avoir des moyens de défenses à faire valoir, il a droit à un délai. Si, passé le délai, il. ne prouve pas son droit, jugement est rendu contre lui, et, ce qui est plus, il perd son recours contre celui de qui il lient la chose revendiquée 3. Le défendeur condamné doit restituer la chose même et, s’il est de mauvaise foi, les fruits qu’il a perçus jusqu’au jour de l’éviction.

Si le possesseur évincé est un acheteur, et que la revendication porte sur le tiers ou plus de la chose achetée, il aura l’option ou de conserver le reste moyennant une indemnité proportionnelle pour la partie dont il a été évincé, ou de restituer le tout.

Le tiers possesseur de bonne foi a-t-il fait des plantations ou constructions sur la terre revendiquée, il aura le droit de garder la terre moyennant le remboursement de sa valeur au propriétaire, à moins que celui-ci n’aime mieux garder lesdites plantations ou constructions, moyennant paiement de la plus-value acquise par son sol. Si les deux parties refusent l’une et l’autre combinaisons-, elles deviennent copropriétaires du tout, chacune dans la proportion de son apport.

Enfin, si la terre sur laquelle s’élève la construction ou la plantation est habousée, l’auteur de celles-ci n’a droit qu’à la valeur de ses matériaux ou de ses arbres détachés du sol.

Au contraire, si c’est la plantation ou la construction qui a été constituée en habous par le possesseur de la terre, celui-ci étant évincé, le véritable propriétaire (le revendiquant) a le droit d’en exiger la suppression.

DES OBLIGATIONS DU REVENDIQUANT

Ibn Al-Fakhâr

Un individu intente une action au sujet d’une maison et prétend qu’elle est sa propriété. Sa prétention est appuyée par la déposition d’un témoin honorable et d’un groupe de personnes n’ayant pas la qualité de témoins honorables (‘udûl). Que décider ?

Il y a là une grave présomption selon nous, et, selon ceux qui, contrairement à nous, n’admettent pas le serment appuyant le témoin unique, c’est une grave présomption de nature à entraîner la délation du serment au défendeur. Il en sera tenu, s’il est majeur, sui juris. Pour celui qui admet le serment avec le témoin [unique], le demandeur prêtera serment avec son témoin unique, honorable, et le jugement sera rendu en sa faveur.

Il y a, pour ainsi dire, un renversement du fardeau de la preuve le demandeur, impuissant à faire la preuve de son droit, défère le serment au défendeur.

Les Imâms en matière de Hadîth (tradition prophétique) et les plus dignes de confiance parmi eux ne sont pas d’accord sur la certitude du hadîth relatif au serment appuyant la déclaration du témoin unique les uns le déclarent certain, les autres faible.

Ibn Sahl

Un individu revendique un esclave qui avait pris la fuite et qui se trouve en prison, ayant été incarcéré par le juge. L’esclave avoue être la propriété du revendiquant. Que décider ?

L’esclave sera remis au revendiquant sans qu’on lui impose de fournir une preuve testimoniale, vu qu’il n’a pas d’adversaire le lui contestant, à moins toutefois qu’il ne soit venu le réclamer peu après son incarcération, auquel cas on ne le lui remettra pas. On le fera attendre un peu, de peur qu’il ne vienne quelqu’un le réclamer. Mais si l’incarcération de l’esclave s’était prolongée, on ne le fera pas attendre et on le lui remettra.

Ce jurisconsulte avait dit auparavant « Le juge ne remettra pas l’esclave au revendiquant, si ce n’est moyennant une preuve par témoins. S’il désire le vendre pendant qu’il est en prison, où il aurait été mis par décision d’un qâdî juste, cela ne lui sera pas permis, car il est l’objet d’un litige. »

Ibn AI-Hâjj

Un individu revendique une femme de condition libre comme étant son esclave ou l’esclave de son père, dans la succession de qui il l’aurait recueillie. Il établit sa condition d’esclave, tandis qu’elle-même n’a rien à opposer. Est1il tenu de j urer, par serment décisoire, qu’il ne l’a pas affranchie et qu’il ne sache pas que son père l’ait affranchie ? Il n’est pas tenu du serment dans l’un ni dans l’autre cas, à moins que l’esclave ne déclare elle-même qu’elle est affranchie. Dans ce cas, il sera tenu du serment, car il se peut qu’il l’ait vendue lui ou son père, et qu’elle ait été affranchie par l’acheteur.

Abû Muhammad

Que décider lorsqu’un individu vient témoigner, en faveur d’un homme qui revendique un vêtement, que ce vêtement lui appartient « et, ajoute-t-il, c’est moi qui le lui ai vendu » ? ?

Son témoignage ne sera pas admis, car, lorsqu’on témoigne, en faveur de quelqu’un, qu’un objet lui appartient pour l’avoir acheté à un tel, ce témoignage n’est efficace que si les témoins déclarent qu’un tel, le vendeur, en était propriétaire ou le possédait comme on possède un bien, jusqu’au moment où il l’a vendu à celui-ci. 1. La première fatwa d’Ibn Sahl est plus juridique, car, en vérité, il n’y a pas de litige, puisque le revendiquant est seul àréclamer l’es- il n’y a pas de litige; puisque le revendiquant est seul à réclamer l’esclave, et qu’au surplus celui-ci avoue « être la propriété du revendiquant ». Ce qui a fait hésiter Ibn Sahl, au début, c’est la perpective qu’il faisait droit à la réclamation du revendiquant, sans qu’il y ait eu de té- moins entendus. La preuve par témoins joue un si grand rôle en droit musulman, qu’on ne comprend pas qu’un juge puisse décider sans éclairer sa religion par des témoignages.

Or, pour ce témoin vendeur, son droit de propriété sur le vêtement n’est établi que par sa déclaration.

Je dis que cette réponse est la doctrine de Sahnûn, car l’achat est plus général que la propriété; or, ce qui est plus général n’a aucune influence sur ce qui est plus particulier 2, déterminé.

Ibn Rushd

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet des objets ayant appartenu aux Musulmans et reconnus par eux entre les mains des chrétiens qui entrent à Cordoue et à Tolède – Que Dieu les rende à l’Islam pour raison de commerce, en temps de paix. La teneur de cette question, qui émane de l’Émir Abû-t-Tâhir Tamîn ibn Yûsûf ibn Tâshfin, est la suivante

« Ta réponse, Que Dieu soit satisfait de toi, – au sujet des objets ayant appartenu à des habitants de notre ville, et qu’ils reconnaissent entre les mains de commerçants de Tolède qui entrent dans notre ville pour raison de commerce. Nos concitoyens ont établi la preuve testimoniale que ces objets leur appartiennent, qu’ils ne les ont ni vendus, ni donnés, jusqu’au jour où un détachement de cavalerie, qu’ils savent pertinemment être de Tolède, vint et s’empara de ces biens qu’on a reconnus, en même temps que des prisonniers des Musulmans. Cela s’était passé pendant la trêve, qui existait entre nous et eux, et c’est constaté par la déclaration des témoins. Doit-on juger ce cas comme celui où il s’agit de revendication entre Musulmans ? Quid, si les propriétaires de ces objets reconnus prétendent qu’ils ont des captifs maintenus à Tolède dans les maisons de ces commerçants qui les ont pris en temps de trêve, comme il a été dit précédemment ? Ont-ils le droit de conserver en otage, parmi les commerçants qui sont chez nous, ceux chez lesquels ils prétendent avoir des parents, jusqu’à ce qu’ils remettent les captifs qu’ils détiennent ?

« Explique-nous cela clairement, puisses-tu être rétribué s’il plaît à Dieu!» »

J’ai examiné ta question et j’en ai pris connaissance.

Si les commerçants de Tolède Que Dieu la rende à l’Islâm, ont quitté cette ville après que leur détachement de cavalerie eût accompli son incursion dans le pays des Musulmans, fait captifs les hommes et enlevé les biens, il n’y a pas de pacte en leur faveur. En effet, le pacte relatif à l’entrée dans le pays des Musulmans pour le commerce, ils ne l’ont reçu qu’à la condition de s’abstenir [de nuire] aux Musulmans et de ne pas faire d’incursion chez eux, pour les faire captifs et leur enlever leurs biens. La réponse est donc que les Musulmans ont le droit de les garder en otage ainsi que les biens qu’ils ont avec eux, en échange de ce que le détachement de cavalerie a enlevé et jusqu’à ce qu’ils le rendent aux Musulmans. S’ils acceptent cela et s’y conforment, la trêve sera maintenue telle qu’elle était. S’ils refusent, la trêve est rompue, ils deviennent ennemis, et les commerçants gardés en otage demeureront captifs des Musulmans et leurs biens deviendront fayy du bait al- mal. Toute personne qui prouvera qu’un objet, parmi ce qui aura été trouvé entre leurs mains, est son bien et sa propriété, qui lui a été enlevé par le détachement de cavalerie sorti de Tolède après la trêve, l’obtiendra par jugement.

DE L’ACHETEUR ÉVINCÉ

Al-‘Abdûsî

Un individu vend un jardin, un champ et une maison à un autre individu l’acheteur se mit à jouir de ces propriétés pendant une durée de quatre ans ou environ. Puis l’on trouva un titre qui contenait une constitution en habous d’une partie des propriétés susdites, sans que le vendeur ait eu connaissance de cette situation, ni qu’il en eût jamais entendu parler. L’acheteur se mit alors en procès, sans faire intervenir le vendeur, jusqu’à ce qu’il fût condamné à reconnaître la partie habousée. Maintenant, il veut recourir contre le vendeur. Son droit de recours est-il perdu pour avoir soutenu [seul] le procès ? Est-il tenu de restituer les fruits perçus pendant toute la durée en question, ou seulement depuis qu’il a commencé l’instance? Éclaircissez-nous quelle est la solution qui s’impose dans ce cas.

L’acheteur n’a pas de recours contre son vendeur, car le procès qu’il a engagé implique que son vendeur ne lui a vendu que ce dont il était propriétaire, et que la prétention du habous, à cet égard, est sans fondement. Comment peut-il recourir contre lui pour une chose dont il n’est pas tenu ? Telle est l’opinion la plus répandue dans la doctrine, et c’est elle qui est suivie par la jurisprudence et la pratique. Mais, si l’acheteur n’avait pas soutenu de procès pour faire déclarer nul le haboas et s’il s’était contenté de requérir témoignage contre sa personne qu’il recourra contre son vendeur, certes il eût eu son recours contre ce dernier.

Quant aux fruits, la restitution ne lui en sera point demandée pour le passé, car, selon la doctrine la plus répandue, celui qui est évincé d’une propriété par une revendication à titre de habous, après qu’il a joui de cette propriété, ne restitue pas les fruits, s’il ignorait qu’il détenait un habous. Or, il est présumé l’avoir ignoré, jusqu’à ce que le contraire soit prouvé contre lui 1. Telle est l’opinion d’Ibn Al-Qâsim et telle est la pratique.

Ibn Abû Zamnîn

Un individu achète à un autre une parcelle de terre; puis un homme lui intente une action, en prétendant qu’il est propriétaire d’une partie de cette terre. Mais l’acheteur lui répond « Attaque-toi au vendeur c’est à lui que tu dois intenter le procès. Quant à moi, j’ai acheté avec mes dirhems, à la manière d’acheter des Musulmans. » Contre qui voyez-vous que l’action du demandeur doive être intentée ? Ce n’est pas au vendeur à être poursuivi. Le réclamant doit diriger son action contre l’acheteur. Et si son droit est dûment prouvé par une bayyina (preuve testimoniale), il en obtiendra la reconnaissance, l’acheteur recourant, pour le prix de la chose revendiquée de ses mains, contre le vendeur, si Dieu le veut.

Al-Faqih

Une terre plantée d’arbres est achetée par un individu, qui la laboure et la fume, ce qui constitue une utilité pour les arbres qui y sont plantés. Puis un homme revendique cette terre et refuse de rembourser à l’acheteur la valeur du fumier et du labour, en disant que ce n’est ni une construction ni une plantation’. Que décider? La question est controversée. Quant à moi, mon opinion est que le revendiquant est tenu de la valeur estimative de la plus-value déterminée par le travail de l’acheteur sur cette terre, car le profit pour le revendiquant en est évident. C’est comme la teinture donnée à une étoffe. La teinture subsiste dans l’étoffe même, il est vrai, mais l’utilité du fumier reste aussi dans la terre.

Ibn Al-Hâjj

-Quid du cas où un individu est évincé d’une terre par suite de revendication basée sur la qualité de habous, ce habous étant constitué au profit de personnes déterminées ?

Si le défendeur à la revendication ne reçoit pas la valeur estimative de la construction , il aura le droit de payer la valeur estimative du terrain, laquelle valeur sera employée à [l’acquisition] d’un terrain semblable qui sera constitué en habous. Tel est le sens des paroles de Sahnûn.

Le trouble, d’après la conception du droit musulman, est le fait de jouir de la chose d’autrui ou de la modifier 1, illégitimement mais sans l’intention de se l’approprier. L’absence de celle intention est ce qui distingue le trouble de l’usurpation, laquelle porte sur la propriété même de la chose.

Si le trouble a eu pour effet de détruire l’utilité de la chose, le propriétaire de celle-ci a le droit d’en exiger la valeur totale s’il n’aime mieux en obtenir la restitution avec des dommages-intérêts. Il perd ce droit d’option et n’a droit qu’à l’indemnité, si la détérioration de la chose en diminue seulement la valeur.

Dans l’un et l’autre cas, l’auteur du trouble est comptable de tous les fruits qu’il a perçus ou négligé de percevoir mais il ne répond pas des cas forluils.

Une terre située à proximité de Tanger est en la possession d’individus, en vertu d’un acte de notoriété. Que décider, lorsque d’autres individus, commettant une usurpation, mettent la main sur ladite terre ?

L’acte de notoriété est régulier et la possession est établie par les témoins de cet acte . En conséquence, la terre restera en leur possession, et l’on fera cesser le trouble de l’usurpateur, sauf à ce dernier à établir, ensuite, le titre en vertu duquel il revendique ladite terre. C’est qu’en effet les actes de notoriété impliquent la possession et non la propriété; et même Ibn ‘Arafa disait, d’après son maître, le qâdî Aboù ‘Abd Allah, ibn ‘Abd AsSalâm, que ces actes n’ont pour objet que de faire cesser les contestations entre le vendeur et l’acheteur

-Des témoins attestent qu’un homme a empiété sur la totalité d’une voie publique depuis environ vingt ans et qu’il en a fait sa propriété. L’homme nia ces faits et attaqua la déposition des témoins et leur négligence à apporter [plus tôt] ce témoignage. Ceux-ci alléguèrent leur ignorance de leur devoir à cet égard, et ce fait que l’homme, contre qui le témoignage est intervenu, était influent et investi d’une fonction judiciaire et connu comme un savant. Le défendeur se prévalut d’actes d’achats et de ventes, où les témoins ci-dessus étaient intervenus, et portant sur des parcelles de ces terrains que les témoins avaient dit être traversés par la route en question. Les témoins répliquèrent: «Nous avons seulement été témoins dans la vente et l’achat intervenus entre les deux contractants, sachant d’ailleurs que la route traverse les terrains, sans être pour cela comprise dans la vente, sans qu’elle ait été stipulée ni exclue, au moment de la vente. Que décider ?

J’ai examiné la question ci-dessus et j’en ai pris connaissance.

La déposition des témoins n’est pas annulée par les arguments tirés de leur assistance comme témoins [à l’acte de vente] et dont le défendeur a excipé, attendu qu’ils ont une excuse d’avoir négligé de produire [plus tôt] leur déposition, puisqu’on ne les a pas appelés dans ce but. Telle est la doctrine à laquelle je me rallie. (. T. IX, p. H *).

Al-Madyûnî

Un homme empiète sur une partie de la voie publique et la comprend dans sa maison. La rue est ouverte des deux côtés. Les voisins ne portent point l’affaire par-devant la justice et n’en fournissent témoignage que vingt ans après. Que décider ?

La construction de cet homme sera démolie et le terrain restitué à la voie publique, si la preuve testimoniale est reconnue valable. Les voies publiques ne sont susceptibles ni de propriété ni de possession. L’usurpation ne leur est pas applicable.

Ibn Rushd

Un homme usurpe la part d’un individu dans une terre, dont ils sont copropriétaires, et l’ensemence. L’époque des semailles n’étant pas encore passée, quels sont les droits de la victime de l’usurpation’

C’est une question controversée. On a dit que la communauté constitue un semblant de droit, qui entraîne nécessairement l’attribution de la récolte à celui qui l’a semée, à charge par lui de payer le loyer de la part de son associé dans le terrain. C’est l’opinion d’Ibn Al-Qâsim, d’après l’audition de Isa, consignée dans le livre intitulé ash-sharika.

On a dit aussi qu’il n’y a là aucun semblant de droit en faveur de l’usurpateur, qui est assimilable à celui qui a usurpé la terre d’un homme dont il n’est pas copropriétaire. En conséquence, il aura sa part dans le terrain avec la semence qui s’y trouve sans qu’il lui soit permis de l’abandonner à son associé. Il en sera ainsi si la semence n’a pas poussé, car elle est considérée comme perdue, vu qu’il lui est impossible de ramasser sa semence dans le champ. Il en sera également ainsi, si, la semence ayant poussé, il n’a aucun intérêt à arracher les plants. Mais s’il y a intérêt, la terre devra être partagée entre eux deux, l’usurpateur arrachera ses plants de la parcelle de son associé et lui délaissera celle-ci pour qu’il l’ensemence pour son compte ou la laisse telle quelle. Cette solution est celle qui ressort par analogie de ce qui est rapporté, d’après l’audition de Sahnûn, dans le livre intitulé al-muzâra’a 1 ou la société agricole.

Al-Yâlisûtî

Un individu usurpe un objet et le vend. Puis le propriétaire [originaire] lui en fait donation aumônière. [La vente pourra-t-elle être annulée?]

Le vendeur n’a pas le droit de faire annuler la vente de ce qu’il a vendu illégitimement, en supposant que la donation aumônière, à lui faite, est prouvée et rendue parfaite par la prise de possession. A cet égard, sa situation diffère de celle du revendiquant, lequel a l’option de ratifier la vente 2 de la chose revendiquée ou d’en poursuivre l’annulation, ainsi que cela est dit dans le kilâb al-ghasb, le livre de l’usurpation 3. La raison en est que l’acte du vendeur (l’usurpateur) a été légitimé après coup (par la donation).

Sa situation diffère également de celle du dépositaire qui vend illégitimement un objet qui se trouve chez lui en dépôt (*»_ij wadî’a), et qui, le propriétaire de l’objet étant mort, se trouve être son héritier. Dans ce cas, l’usurpateur a le droit de faire annuler la vente. La différence tient à ce que le dépôt est devenu la propriété de l’usurpateur par succession, à laquelle il ne pouvait échapper et qu’il n’était pas en son pouvoir d’obtenir. Dans le cas, au contraire, où il est devenu propriétaire de l’objet par achat ou donation aumônière, il était libre d’en acquérir ou non la propriété. Aussi est-il suspecté d’avoir visé l’annulation de la vente, en achetant l’objet ou en acceptant la donation qui lui en était faite, car ce sont dès lors des actes d’acquisition de sa part, fruits de son libre arbitre.

DES ÉTABLISSEMENTS DANGEREUX, INSALUBRES OU INCOMMODES

Ibn Al-Ghammâz

Un homme veut installer un moulin dans sa maison de combien doit-il éloigner son moulin du mur du voisin ? Il n’y a pas de limite à cet égard. Les hommes compétents connaissent cette distance. On ne connaît pas de limite en cette matière.

Selon Ibn Ar-Râmî, il faut s’éloigner du mur du voisin de huit empans, calculés à partir du mur du voisin jusqu’à la limite du cercle où tourne la bête. Cet intervalle doit être ensuite rempli par de la maçonnerie.

Ibn ‘Abd Ar-Rafï

Un homme ayant installé un moulin dans sa maison, son voisin se plaignit du dommage qui a atteint les murs de sa maison, par suite de ce moulin. Par quel dispositif peut-on reconnaître l’état de ce mur ? Où doit-on placer ce dispositif sensible aux secousses, est-ce par terre ou sur le mur ?

On prend une feuille de papier dont on attache les quatre coins à quatre fils, un fil à chaque coin on réunit ensuite les quatre fils et l’on suspend la feuille au plafond qui repose sur le mur formant séparation entre la maison et le moulin, et cela du côté de la maison. On placera sur le papier quelques grains de coriandre sèche et l’on dira au propriétaire du moulin « Fais marcher ton moulin » Et alors, si la coriandre remue, on lui dira « Descelle ton moulin, car il porte préjudice au voisin. » Mais si la coriandre ne bouge pas, on dira au propriétaire de la maison « Laisse le propriétaire du moulin travailler, car il ne te porte pas préjudice. »

-On demanda au jurisconsulte ci-dessus « Et si le mur de séparation entre le moulin et la maison ne supportait aucune poutre, où suspendra-t-on le papier ? Il répondit « On prendra un gros roseau, on en plantera environ un demi-empan dans le mur de séparation et on suspendra le papier au mur. 1, etc. »

Al-Attâr

Un homme fabrique du vinaigre dans sa maison, et ses voisins déclarent que l’odeur du vinaigre leur porte préjudice ainsi qu’aux murs [de leurs maisons]. Que décider ? P

Si les médecins déclarent que l’odeur du vinaigre est nuisible, et si les architectes disent que cela endommage les murs, on empêchera l’individu en question de fabriquer du vinaigre, à moins qu’il ne construise en deçà du mur mitoyen un autre mur qui protège le premier et ne cause aux voisins aucun préjudice. Dans ce cas, on ne l’empêchera pas [de continuer la fabrication du vinaigre].. On dit que le shaikh Abù Bakr ‘Abd Ar-Rahmân a également rendu une fatwa dans le sens de l’interdiction.

Az-Zawâwi

Des individus possédaient à l’intérieur de la ville de Qairouân des tanneries qui furent maintenues pendant longtemps. Puis, certain gouverneur fit sortir ces tanneurs de leurs maisons pour les fixer dans d’autres maisons qu’il avait fait bâtir à l’extérieur de la muraille d’enceinte, et destinées au tannage. Trente ans environ après, l’un de ces tanneurs revint à son emplacement primitif et voulut le rétablir comme tannerie, ainsi qu’il était auparavant. Mais l’un de ses voisins l’en empêcha en se prévalant de ce que cet emplacement a été désaffecté depuis près de trente ans. Que décider ?

Ces tanneurs ont été contraints de sortir de leurs maisons si leur déclaration est reconnue exacte, nul ne pourra les empêcher [de se réinstaller].

DES VUES SUR LA PROPRIÉTÉ DU VOISIN

Ibn Rushd

Un minaret ayant été bâti pour la première fois dans une mosquée, un voisin se plaignit qu’on découvrait sa maison du haut de ce minaret. A-t-il le droit de réclamer à ce sujet? alors que nos Imàms ont permis à celui qui possède un arbre dans sa maison, d’y monter pour en cueillir les fruits, pourvu qu’il avertisse avant de monter. D’autant plus que les moments auxquels on monte [au minaret] pour l’appel à la prière sont connus et durent peu de temps, et que, en général, ceux qui remplissent cet office sont des hommes vertueux et qui ne se proposent de nuire à personne.

J’ai examiné la question ci-dessus et j’en ai pris connaissance. Le minaret dans la mosquée n’est pas assimilable à l’arbre dans la maison d’un homme, parce que l’ascension en vue de la cueillette des fruits est peu fréquente, tandis que l’ascension au haut du minaret pour l’appel à la prière (adhân) a lieu plusieurs fois chaque jour. De plus, la tradition rapportée d’après Mâlik, selon l’audition (f^*– ‘Samâ’) d’Ashhab, interdisant l’ascension du minaret [dans le cas où l’on découvre la maison du voisin], est exposée dans les textes, comme vous le savez. Le sens de cette tradition est certain, et c’est à elle que je me rallie. Si l’on découvre les maisons d’un côté du minaret, à l’exclusion des autres, on empêchera d’arriver jusqu’à l’endroit d’où l’on découvre [les maisons], au moyen d’une séparation entre cet endroit et les autres. Nous en avons ainsi dans plusieurs minarets de Cordoue.

As-Suyûrî

Un homme concasse les noyaux de dattes, dans sa chambre, pour ses bœufs, et, en hiver, il fait passer la nuit à ceux-ci dans sa chambre, ce dont son voisin veut l’empêcher. Que décider?

Il sera empêché de concasser les noyaux, car cela est nuisible à la construction, et parce que le bruit des coups est préjudiciable à celui qui habite [la maison], à moins que cela n’ait lieu qu’à certains moments. Mais si la chose devient fréquente, cet individu sera empêché [de continuer].

Quant au fait de garder les bœufs, pendant la nuit, dans sa chambre, le voisin n’a rien à réclamer, il ne subit de ce chef aucun préjudice.

Ibn ‘Abd Ar-Rafî’

-Un homme construit une chambre dans un premier étage et y ouvre une lucarne d’où il voit les terrasses de ses voisins, dont quelques-uns utilisent précisément leurs terrasses, en y étendant le linge ou’ autrement. Doit-on l’empêcher d’ouvrir cette lucarne, à raison de l’utilisation que les voisins font de leurs terrasses ? Nul ne peut être empêché [d’ouvrir une lucarne].

-On demanda au jurisconsulte ci-dessus: Et si le propriétaire de la terrasse construisait un étage, peut-on boucher la lucarne du premier propriétaire, lorsqu’elle découvre ceux qui se trouvent dans l’étage construit en second lieu? Il répondit que nul ne peut boucher ladite lucarne contre le gré de son propriétaire, car il a un droit de priorité et se trouve en possession de l’utilité de la lucarne.

Abû Sâlih

-Un homme ayant loué une maison, un autre homme construisit sur cette maison une chambre d’où il découvrait le rez-de-chaussée. Le locataire mit le propriétaire en demeure d’intenter un procès à l’occasion de sa maison. Mais le propriétaire lui répondit « C’est à toi à intenter le procès, car la location est assimilable à l’achat. » A qui estimez-vous qu’il incombe d’intenter le procès ? Le procès est à la charge du propriétaire de la maison. Si celui-ci né l’intente pas, le locataire aura le droit de quitter, à raison du préjudice, comme dans le cas où une partie de la maison vient à s’effondrer de manière à constituer un dommage.

-En mettant à la charge du propriétaire de la maison le soin d’intenter le procès, ce jurisconsulte, a-t-on dit, s’est conformé à ces paroles de la Mudawwana, au chapitre des prix du sang (ol>01 ad-diyâl) « Si la maison était donnée en antichrèse ou à bail, il ne leur 1 servirait de requérir témoignage que contre le propriétaire de la maison.

Deux maisons contiguës n’ont point de mur de séparation pour empêcher celui qui monte sur la terrasse [de plonger ses regards dans la maison du voisin]. Que déci der lorsque, l’un des propriétaires voulant construire ce mur, l’autre s’y refuse ?

DES ARBRES QUI AVANCENT SUR LA PROPRIÉTÉ D’AUTRUI

As-Suyûrî

-Un individu plante un olivier dans son champ, et son voisin plante à proximité un mûrier, dont les branches arrivent jusqu’à l’olivier et l’endommagent. Que décider?

On ordonnera au propriétaire de l’arbre dont les branches ont atteint l’arbre de l’autre, au point de l’endommager, de couper les branches qui empiètent sur la propriété de son voisin, jusqu’à endommager son arbre. Il ne peut laisser subsister de l’arbre, je veux dire de ses branches, que celles qui sont comprises dans sa propriété quant à celles qui sortent des limites de sa propriété, chacun des deux voisins sera intimé d’avoir à les couper, de manière à ne pas nuire à son voisin.

Les deux propriétaires feront la construction ensemble, s’ils en tirent profit tous les deux.

-Cette décision est, dit-on, conforme à l’une des deux opinions de Mâlik relatives à cette question. C’est l’opinion préférée par Mâlik lui-même et par AI-Lakhmî. La même règle s’applique, d’après ces deux jurisconsultes, à toute ouverture ancienne qui constitue une vue sur la maison du voisin.

Ibn Al-Hâjj

Un homme ouvre une boutique vis-à-vis de la porte d’une maison appartenant à un autre individu, et de sa boutique il plonge ses regards dans le vestibule de la maison. Que décider ?

J’ai attentivement examiné la question.

Ce qui s’impose, dans ce cas, c’est d’ordonner au constructeur de la boutique de ne pas ouvrir sa porte vis-à-vis de la porte de son voisin, car le préjudice qui résulte de la situation des boutiques [en face des maisons] est très grave. Or, le Prophète a défendu de porter préjudice [à autrui].

DIVERS

Al-Haffâr

Celui qui, ayant rendu une fatwa (consultation juridique), a été cause d’une perte d’argent par le consultant, en est-il responsable ?

Si le mufti est un de ceux qui peuvent recourir à l’Ijtihâd et à l’appréciation personnelle, il n’est pas garant de la perte occasionnée par sa fatwa. Au cas contraire, il se sera immiscé dans ce qui ne lui est pas permis, et sera, en conséquence, garant de la perte.

Il appartient à la justice de le réprimander, s’il y a

Al-Mâzarî

Que décider, lorsqu’un homme plante un arbre dans sa maison et que cet arbre s’étend [jusqu’à surplomber la maison du voisin ?

Le propriétaire de l’arbre doit en couper tout ce qui porte préjudice à son voisin, sur ou sous le sol. (T. IX, p. 33.) preuve testimoniale à ce sujet. Il mérite même de subir une correction, à moins qu’il n’ait des connaissances juridiques en ce cas, il y échappe, mais il lui sera intimé de ne plus rendre de fatwa, du moment qu’il n’y est pas apte.

Abû ‘Imrân

Un chat échappe à son maître et entre dans la boutique d’un marchand de verrerie, où il se cache. Son propriétaire veut le faire sortir, mais le boutiquier l’en empêche en disant: « Si tu fais sortir ton chat, tu me casseras ma verrerie. »

Que décider?

Si l’on espère que le chat sortira après peu de temps, son propriétaire devra patienter et attendre. Mais s’il s’est blotti dans son coin, le verrier aura le choix ou de payer la valeur du chat, ou d’accepter la valeur estimative de la verrerie qui serait cassée par la sortie du chat, au cas où le propriétaire de celui-ci opte pour ce dernier parti car en chassant le chat pour le faire sortir, il est dans la situation de celui qui, faisant reculer une monture, et celle-ci donnant des ruades, se trouve responsable des dégâts qu’elle a commis.

Ibn Zarb

Un cavalier traversait au trot le souq des parfumeurs, lorsqu’un caillou vola de sous le sabot de la monture et alla briser un vase de prix. Que décider’?

Pas de responsabilité à la charge du cavalier, selon Ibn Zarb. Ibn Al-Makouî, au contraire, le déclare responsable.

Ibn Al-Fakhâr

Un bœuf entre dans l’enclos d’un individu et, en s’y frottant contre un arbre, sa tête pénètre entre deux branches, de manière qu’on ne puisse pas le dégager. Que décider ?

Si le bœuf est entré dans l’enclos pendant la nuit, on lui coupera les cornes et l’arbre sera épargné. S’il y est entré pendant le jour, l’arbre sera coupé et le bœuf dégagé. La raison en est qu’il incombe aux propriétaires de bestiaux de les surveiller pendant la nuit, et aux propriétaires des enclos de garder ceux-ci le jour.

As-Suyûrî

Un Juif acheta une maison d’un Musulman, dans une rue où il n’y a que des Musulmans paisibles et gens de bien. Le Juif habita ladite maison et causa un dommage aux voisins en buvant du vin et en faisant des choses qui ne sont pas licites. Auprès de ladite rue se trouve un puits le Juif se mit à y puiser en même temps que les Musulmans, en se servant de son seau, de son vase et de sa cruche. Les habitants de la rue s’abstinrent alors de puiser dans ce puits. Est-il permis de laisser ce Juif, ou doit-on vendre sa maison malgré lui 1 Au cas où il est maintenu, continuera-t-il à puiser avec les Musulmans ?

On empêchera le Juif de porter préjudice aux Musulmans, en buvant le vin et en faisant ce qui est illicite. S’il s’abstient de ces actes, [c’est bien] sinon, sa maison sera donnée en location malgré lui. Quant au fait de puiser l’eau dans le puits, il est peu grave.

Ibn ‘Arafa

Des pillards fondent sur des bestiaux en train de paître dans des vignobles [d’autrui]. Doit-on les protéger, quand on en a le moyen ?

On ne doit pas le faire, étant donné que [les propriétaires de ces bestiaux] sont des hommes injustes. On ne doit les aider en aucune façon, car, en les aidant, on encourage leur audace à [abuser] des biens d’autrui.

Al-Tamîmî

Un homme voulant acheter une marchandise ou une jument, demanda conseil à un autre celui-ci lui dit « Achète-la, car le vendeur est un homme digne de confiance, solvable, et moi, je le connais. » Que décider, lorsque, étant apparu par la suite que la marchandise a été volée, le vendeur disparaît ou devient insolvable ? Pas de responsabilité à la charge du conseiller, ainsi que le disent Ibn Loubàba et d’autres comme dans la question relative à la manière de couper une tunique 1, à moins, toutefois, qu’il n’y ait témoignage contre le conseiller qu’il s’est proposé d’induire l’autre en erreur dans ce cas, il sera responsable et encourra une correction.

Ibn Sharâhîl

Un homme achète un coq, qui avale un dirhem appartenant à un autre homme. Que décider ?

Le coq sera vendu, comme ayant dans son gésier un dirhem; puis les deux parties se partageront le prix, proportionnellement à la valeur du coq et du dirhem.

‘Abd Al-Hamîd

Un homme ouvre la porte de sa maison dans une impasse, sans être vis-à-vis d’aucun de ses voisins. Il demeure ainsi pendant près de huit ans, sans qu’aucun d’eux élevât de protestation contre lui. Les voisins sont environ une quinzaine et tous présents durant la possession. Que décider ?

L’ouverture, pour la première fois, d’une porte dans une impasse n’est permise que du consentement de tous ceux qui ont une porte ouvrant dans cette impasse. Cependant le silence des voisins pendant le laps de temps ci-dessus, sans protestations, leur enlève le droit d’agir. Il en serait ainsi, même au cas où le délai eût été plus court.

 

Le Souverain a-t-il le droit de donner à celui qui possède un jardin à proximité de l’enceinte de la ville, la valeur estimative de ce jardin [et de l’en exproprier], lorsqu’il craint l’incursion de l’ennemi de ce côté-là ? Le Souverain a ce droit d’après les principes de la loi religieuse, en général, et d’après notre rite (malékite), en particulier. Il y a, en faveur du Souverain, dans notre rite, des cas analogues qui attestent de l’existence de ce droit à son profit. Il peut aussi contraindre le propriétaire de ce jardin à le vendre, s’il s’y refuse, après l’offre d’une juste et préalable valeur estimative. Telle est la règle, lorsque l’invasion de l’ennemi est attendue mais s’il est déjà campé sur le territoire des Musulmans, le Souverain a le droit de raser le jardin, sans consentement du propriétaire et sans indemnité, à moins que le domaine n’ait été créé et bâti avant la création de la muraille d’enceinte.

Dans ce cas, il est indispensable, de toutes les façons, de payer le prix.

Tout cela est d’ailleurs subordonné à la démonstration que ledit jardin cause au mur d’enceinte un préjudice évident. Au demeurant, Dieu le Très-Haut le sait mieux que personne

Ibn Rushd

Que décider lorsqu’un captif musulman ne peut être délivré que moyennant un captif chrétien, que son propriétaire refuse de vendre, si ce n’est pour un prix de beaucoup supérieur à sa valeur ?

La solution qui s’impose est que cet esclave soit retiré à son propriétaire, moyennant une somme supérieure à à son prix d’achat ou à sa valeur, celle-ci devant être déterminée d’après la situation de ce chrétien dans son pays et la somme pour laquelle on espère que sa famille le rachètera, non selon la valeur qu’il aurait d’après sa physionomie, sans tenir compte de sa situation et de l’intérêt qu’on attache à son rachat2.

Selon Ibn Al-Hâjj, on prendra l’esclave chrétien contre remboursement du prix d’achat augmenté des frais d’entretien et d’habillement qu’il a coûtés à son maître.

Al-Lakhmî

Les habitants des souqs et des rues sont-ils tenus d’enlever la boue qui s’y accumule ? L’eau impure que l’on tire des puits peut-elle être déversée dans la rue, quand elle porte préjudice aux passants ?

Si l’enlèvement de cette boue constitue un avantage, les habitants seront contraints à l’enlever, chacun nettoyant la partie de la rue qui lui fait face.

On doit empêcher l’écoulement des impuretés dans les rues celui qui contrevient commet un péché.

Ibn Lubâba

Un homme calomnie un autre auprès du Sultan, qui le frappe alors d’une taxe indue. Que décider ?

Si le calomniateur est lui-même celui qui s’est chargé de percevoir la taxe imposée par le Sultan injuste, il doit restituer [à la victime] ce que le Sultan lui a pris. S’il ne s’est pas chargé de cette perception, il n’encourra que le péché et le crime pour avoir été injuste. Et c’est Dieu qui réglera son compte.

Ibn Kinâna

Le Sultan peut-il autoriser celui qui se plaint de ce que la servante de sa femme est méchante et de mauvaises mœurs, à la vendre ?

Oui.

DE CEUX QUI ONT DROITA LA SHUFA (RETRAIT)

Ibn Abû Zaid

Un individu constitue un habous au profit des pauvres ou des mosquées on vend ensuite le reste indivis de la chose dont une partie a été habousée peut-on exercer la shufa au profit des pauvres ou des mosquées ? J’ai été interrogé anciennement au sujet de cette question, et je n’ai eu aucune opinion à cet égard.

Abû ‘Imrân

Selon la doctrine enseignée par Ibn Habib, d’après Mutarrif, Ibn Al-Mâjishûn et Asbagh, au sujet du habous perpétuel, dont l’un des bénéficiaires vend sa part, l’associé a le droit d’exercer la shufa, de même que les ‘aqib (descendants) qui viendront par la suite. Il est donc évident que l’on peut exercer la shufa en faveur des indigents et des mosquées, cela ne fait point de doute.

Au contraire, d’après la doctrine d’Ibn Al-Mawwâz 1, il n’y a pas de shufa pour les indigents et les mosquées. Dans l’ouvrage intitulé Al-‘Oatbiyya , on trouve l’espèce suivante: Un des deux copropriétaires par indivis d’un enclos fait donation aumônière de sa part au profit d’un groupe de personnes et de leurs descendants tant qu’ils vivront puis [l’autre] associé ayant vendu sa part, les bénéficiaires de la donation aumônière voulurent exercer le retrait. Mâlik répondit qu’ils n’ont pas droit au retrait en matière de donation aumônière, à moins qu’ils ne réunissent la part retrayée au habous, auquel cas ils auront ce droit.

Ibn Rushd « Cette question signifie que les bénéficiaires de la donation aumônière ont voulu exercer le retrait pour leur propre compte; c’est pour cela que Mâlik a estimé qu’ils n’avaient pas droit au retrait. Mais s’ils avaient voulu exercer la shouf’a pour réunir l’objet retrayé au habous, ils en auraient eu le droit. »

Certain shaikh a dit « En résumé, ce qui ressort de la réponse d’Aboii Muhammad et d’Abû ‘Imrân, c’est la question de savoir si les donataires ont le droit d’exercer le retrait pour faire de l’objet retrayé une propriété à eux ou pour le réunir au habous. Examine donc attentivement ce point. »

 Ibn Rushd

Une femme a deux enfants, un garçon et une fille. Le garçon a lui-même une fille, qu’il a donnée en mariage à un homme. La femme susdite, propriétaire d’un héritage, en vendit le quart au gendre de son fils, le mari de sa petite-fille, à la condition qu’il le donnerait en entier comme douaire à sa femme, pour la conclusion du mariage. D’autre part, la grand’mère fit à sa dite petite-fille donation propter nuplias d’un deuxième quart de l’héri. tage en question. La vente et la donation ont eu lieu à la même époque, en sorte qu’une moitié demeura entre les mains de la grand’mère et une moitié entre les mains de la petite-fille. La grand’mère mourut environ une année après, et, avant la consommation du mariage de la petite-fille, une contestation s’étant élevée entre le père de la jeune fille et son gendre, le mariage1 fut rompu de ce fait, à la condition que le mari conserverait le quart qu’il a acheté tandis que le reste demeurerait entre les mains de la petite-fille. La petite-fille et ceux qui ont hérité de la grand’mère auront-ils la sckoufa pour ce quart (qui reste entre les mains du mari acheteur) ?

Si la séparation entre les deux époux s’est produite avant la consommation du mariage, sous la condition que le mari conserverait le quart de tous les biens dont il a doté sa femme, la sckoufa ne pourra être exercée contre lui que relativement à la moitié de ce quart, car c’est ce à quoi la femme avait droit d’après le contrat, et c’est ce qui lui est revenu après la rupture du mariage avant la consommation or le père de la jeune femme l’a restitué au mari à titre de khouV (rançon de répudiation). Quant à la seconde moitié de ce quart, le mari n’est pas exposé à la shoufa en ce qui la concerne, parce que cette moitié demeure sa propriété d’après son titre originaire, étant donné que la femme n’a obtenu parle contrat [de mariage], comme dot, que la moitié de ce quart. Elle ne pourrait prétendre à 1. En effet, le mariage existe indépendamment de la consommation physique. Celle-ci le rend seulement parfait.

toute la moitié que s’il y a décès [du mari] ou consommation du [mariage], selon la doctrine d’Ibn AI-Qâsim et la tradition qu’il a rapportée d’après Mâlik, à savoir, que les fruits et les risques sont gagnés et supportés par moitié par le mari et la femme tant qu’il n’y a pas eu consommation. Quant à la shoufa, elle sera exercée sur la moitié du quart en question, d’après la valeur estimative, par la petite-fille susdite et ceux qui ont hérité de la grand’mère, le mari participant avec eux, à l’exercice de la shoufa, proportionnellement à la moitié du quart qui demeure [entre ses mains] en vertu du titre de propriété originaire.

?

Un individu achète une part indivise avec faculté de réméré pendant deux ans. Le retrayant [copropriétaire du vendeur] intente l’action en retrait. Que décider ? Si le réméré a été stipulé dans l’original même de la vente, c’est une vente vicieuse, qui sera annulée. Mais si le réméré a été conclu après la vente, la shoufa (retrait) est de droit.

Abû-l-Hasan As-Saghir

Un individu, propriétaire d’une maison, en vend la moitié indivise à un autre individu; puis il meurt, en laissant à ses héritiers la seconde moitié de ladite maison, laquelle reste dans l’indivision entre ces héritiers et l’acheteur. Puis certains des héritiers vendent à l’acheteur de la prejtnière moitié leur part successorale et, illégitimement, la part successorale des autres héritiers. Ceux des héritiers qui n’ont pas vendu intentent une action, revendiquent leur part dans cette moitié, et veulent, au moyen de la shoufa (retrait d’indivision), enlever à l’acheteur ce qui lui a été vendu par leurs frères et les héritiers de leur père. Mais l’acheteur leur répond: « Je participerai avec vous à l’exer- cice du retrait, en proportion de ma part. » Les réclamants, au contraire, veulent exercer exclusivement leur droit de retrait quant à la moitié en question. Que décider ? L’acheteur ne peut pas participer avec le réclamant à l’exercice du retrait, car ce dernier y a plus droit que lui. En effet, le réclamant aussi bien que le vendeur sont copropriétaires d’une même succession, tandis que l’acheteur n’y participe pas avec eux.

Ibn Rushd

Ibn Sahl rapporte dans ses décisions d’après Ibn Zarb, que celui-ci aurait dit, sur la question de l’exercice de la shoufa au profit de la bail al-mâl: « Il n’appartient en aucune façon au iiâdhir des successions 1 de prendre une décision à ce sujet. » D’autre part, Sahnûn a dit, ̃̃ – au sujet de l’apostat (̃*T/* mourtadd) qui est exécuté, alors qu’il avait acquis droit à l’exercice de la shoufa, que.le Sultan peut l’exercer, s’il veut, au profit du bail al-mâl, ou y renoncer. Or ce n’est pas là un texte évident indiquant l’existence de la shoufa au profit du bail al-mâl, à moins, mon Dieu qu’il n’y ait des différences entre les Musulmans. C’est précisément ce que nous’ désirerions connaître, de même que nous voudrions connaître la certitude sur ce point et sur tout ce qui a été dit précédemment, par l’aide d’Dieu, par son appui, son assistance et son encouragement, si Dieu le Très-Haut le veut.

*ioV*J i3_r^^ c’est un fonctionnaire qui fait valoir les droits du bait al-mâl sur les successions en déshérence. C’est à tort que l’on a qualifié parfois ces successions de vacàntes. En effet la succession vacante est celle que personne ne réclame, pas même l’État (c’est-à-dire le bait al-mâl). La succession en déshérence, au contraire, est celle qui revient à l’État, parce qu’il ne s’est présenté aucun héritier pour la recueillir (deest heres). C’est dans ce cas qu’intervient lé rôle du nâdhir. Voy. ce que dit Dozy (Suppl. aux Diel. arabes, II, 794) sur le li.ijJv’Jl ±^>\& Ce qu’a dit Ibn Zarb ne contredit pas les paroles de Sahnûn, car celui-ci a dit que le Sultan peut exercer la shoufa en faveur du bail al-mâl, s’il veut, tandis qu’Ibn Zarb a dit qu’il n’appartient pas au nadhir des successions de l’exercer, lorsque ce pouvoir ne lui a pas été conféré1. En effet, il n’est chargé que de percevoir les deniers publics et de les garder. De sorte que, si le Sultan, considérant que cela constitue un avantage pour le bail almâl, lui déléguait l’exercice de la shouf’a, il aurait le droit de l’exercer, conformément à ce qu’a dit Sahnûn.

?

Le tuteur testamentaire est-il tenu d’exercer le retrait [au profit de son pupille] si cela constitue le parti le plus sage et le plus avantageux, de même qu’il est obligé de suivre ce qui est sage et avantageux lorsqu’il vend des biens appartenant à son pupille, parce qu’il craint, par exemple, que l’immeuble ne tombe en ruines ? Ou bien n’est il pas tenu d’exercer le retrait, vu que celui-ci rentre dans la catégorie de l’achat et que le tuteur testamentaire n’est pas tenu de faire le commerce pour son pupille, ainsi que le dit Muhammad dans la Mudawwana et ainsi que le rapporte Al-Lakhmî, d’après lui ? P Le retrait n’est pas identique à l’achat, car il a pour but d’écarter un dommage, tandis que le commerce a pour objet de réaliser un bénéfice. Or, écarter un dommage est une opération plus urgente. En conséquence, de ce qu’une chose peu importante n’est pas obligatoire. [pour le tuteur], il n’en résulte pas qu’une chose plus importante ne le soit pas.

Je cite [à l’appui de ma thèse] une affaire que j’ai jugée, dans laquelle le subrogé tuteur de la tutrice testamentaire des enfants d’Al-Lamtûnî, voyant que celle-ci avait entre les mains des sommes liquides’ considérables, l’invita à les employer à l’achat 1 d’un immeuble, vu que cela est plus sage et plus avantageux pour les mineurs

 DES CHOSES SUSCEPTIBLES DE RETRAIT

La shoufa (retrait d’indivision) peut-elle être exercée sur des fruits d’été ou d’automne, étant donné que ces fruits ne s’achètent que pour la revente? Or, le retrayant n’a pas droit à la shoufa, s’il l’exerce pour revendre. Si vous admettez cette thèse, le retrayant pourra-t-il vendre tous les fruits pendant aux arbres, en bloc, avant la cueillette, comme il les a achetés, ou par toute espèce de vente, même après la cueillette, peu à peu et jour par jour ? Peut-on exercer le retrait des olives, étant donné qu’en général on exerce le retrait des olives pour en vendre l’huile, après les avoir pressées2? P

1. Bien que le tuteur ne soit pas, en principe, obligé de faire des acquisitions pour son profit.

2. Pour comprendre cette félwa, il faut se rappeler qu’il y a deux systèmes sur l’exercice du retrait. D’après le premier, le retrait ne peut jamais être exercé, lorsqu’on se propose de vendre l’objet retrayé. D’après le second, le retrait est possible lorsqu’on ne se propose pas la vente dès le début. Ainsi, dans la question des olives, le retrait peut être exercé, lorsque le retrayant ne se propose pas de les revendre immédiatement, mais, après les avoir transformées en huile.

Lorsqu’on sait que l’acheteur ne peut pas consommer [tous les fruits] ni les conserver, mais qu’il se propose d’en consommer une partie et d’en revendre l’autre, comme s-‘il s’agissait des fruits d’été’, qui sont notoirement insusceptibles de conservation, ou de fruits d’automne que l’acheteur se propose de vendre et non de conserver, dans ce cas, il n’y a pas de shouf’a. Telle est la pratique suivie depuis l’époque de Sayyidî ‘Isa ibn ‘Allai2 jusqu’à maintenant.

C’est le sens de ces paroles des docteurs « Si le retrayant se propose de vendre et non [de conserver].»3. D’autres ont dit que cela signifie tant que les fruits sont pendants aux arbres, le retrayant les vendant en cet état. Les textes des auteurs viennent à l’appui de cette thèse.

La règle est la même pour les olives: le retrait y est de droit, car le retrayant ne les vend pas immédiatement. Nos confrères de Fâs, dit-on, suivent la thèse contraire, conformément à une fatwa de leur maitre, d’après laquelle il n’y a pas de retrait, lorsqu’on se propose de vendre la chose retrayée.

ÇAbd Dieu Al- ‘Abdousl. T. VIII, pp. 56-57.)

1. Par fruits d’été, on entend les melons, pastèques, pommes, abricots, etc. Celui qui achète de ces fruits une quantité qui dépasse sa consommation familiale, se propose nécessairement de revendre, puisqu’il ne peut les conserver pour les consommer plus tard. Aussi la shoupa lui est-elle refusée.

2. ‘îsâ b. ‘Allai Al-Koutâmî AI-Masmûdi, jurisconsulte malékite de Fâs, auteur de gloses sur le Moukhtasar d’Ibn ‘Arafa (voy. Brockelmann, op. cil., II, p. 247). D’abord Imâm à la mosquée Al-Qarwiyyîn à Fâs, il fut ensuite nommé qâdî de cette ville, où il mourut en 823 (=1420). Cf. Djadhwat al-iqtibâs, texte arabe, édit. de Fâs, 1309, p. 282. Sur son petit-fils, Muhammad b. Muhammad b. ‘îsâ, également qâdî de Fâs, où il mourut en 885 (= 1480), voy. op. cil., p. 150.

3. La citation est trop courte pour qu’on puisse savoir d’où elle est tirée.

4. Ajoutez la négation V (pas) qui manque au texte.

DE L’ACHETEUR ÉVINCÉ

Un individu achète une parcelle de terre indivise, susceptible de retrait, et y construit. Puis l’action en retrait est exercée contre lui. Aura-t-il la valeur estimative de sa construction [debout], ou seulement des matériaux ? Al-‘Outbî a dit « Il aura la valeur estimative de sa construction démolie, car il a empiété [sur le droit d’autrui], si, 1. Le retrait ne peut s’exercer que sur les immeubles. Cf. Sidi Kiialîl, trad. Seignette, art. R77.

2. Si on lui retirait le local, seul susceptible de retrait.

Les docteurs disent que la shouf’a n’existe pas lorsqu’il s’agit d’un moulin (à eau) ou d’un barrage. Voici comment la question se présente

Un moulin (à eau) est la propriété indivise de deux associés. L’un d’eux ayant vendu sa part, l’autre veut exercer la shouf’a. Or, ce marché comprend des choses susceptibles de shouf’a et d’autres qui ne la comportent pas, comme la roue, le barrage et autres [accessoires du moulin], considérés comme meubles1. La shouf’a atteint le local, tandis que l’acheteur reste copropriétaire du reste.. Lors donc que l’acheteur veut tirer profit de sa roue et de son barrage, il ne peut le faire qu’en usant du local, pour y entrer et en sortir et y placer ses accessoires. Le fiqh (droit) exige, dans ce cas, ou qu’il n’y ait pas de shoufa, car cela conduirait à ce que l’acheteur ne puisse pas tirer profit [de ce qu’il a acheté 2, ou que le retrait s’applique à tout [le moulin]. Quant à retrayer une partie et laisser l’autre, cela ne se peut. (T. VIII, p. 61.)

(T. VIII, p. 61.) sachant qu’il y a un retrayant, il a construit avant de s’assurer si celui-ci veut ou non exercer la shouf’a. » D’après le livre intitulé Jijh *-»^S le retrayé a droit à la valeur de la construction debout. Mais l’opinion d’Al’Outbi est plus solide et c’est celle que je préfère. (Ibn Zarb. T. VIII, p. 64.)

Un individu achète de deux autres une terre appartenant à un certain nombre de cohéritiers.. Ceux-ci s’obligent envers l’acheteur à le garantir de tout trouble dont il pourrait être victime. Voici d’ailleurs la teneur de l’acte « Si quelqu’un venait à actionner l’acheteur en revendication de la maison mentionnée dans cet acte, le vendeur lui donnera, en échange, une terre (délerminée). » La vente ayant été conclue à ces conditions, l’acheteur entra en jouissance de la terre en question, au vu et au su du vendeur et de certains des cohéritiers, pendant une durée de trente ans. Aujourd’hui, un cohéritier, qui n’a a pas été partie à la vente, intente une action en vue d’exercer lashouf’a (retrait d’indivision), sur la chose vendue. En a-t-il le droit?

La vente conclue aux conditions susdites est nulle. Si la propriété de la chose vendue n’est pas encore définitivement transmise, la vente sera annulée, la terre restant à ses propriétaires, contre restitution du prix à l’acheteur. Mais si la propriété a été transmise irrévocablement, par suite de plantation, construction ou autre ouvrage analogue [fait par l’acheteur], l’acheteur devra [rembourser] la valeur estimative de la terre au jour où il en a obtenu la délivrance, et il se fera restituer son prix. Si la revendication est exercée contre l’acheteur, le revendicant a le droit de prendre la terre contre remboursement 1. Je n’ai trouvé aucun renseignement sur ce livre. Serait-ce une section de la Mudawwana ?

de la valeur estimative des constructions ou plantations, estimées debout, pourvu, toutefois, que l’acheteur ignorât l’existence du revendicant. Sinon, l’acheteur sera traité comme un usurpateur.

Quant au retreyant, s’il était absent durant le laps susindiqué, il pourra exercer la shouf’a. Mais s’il était présent après que la propriété a été définitivement transmise, et qu’il ait gardé le silence pendant un laps de temps qui fait perdre le droit au retrait, il ne pourra plus exercer la shouf’a. Au demeurant Dieu le sait mieux. (Muhammad ibn Marzûq. T. V, p. 132.)

Deux individus étaient copropriétaires d’une maison par indivis l’un d’eux étant mort, en laissant des héritiers, on procéda à la licitation de la maison, et ce fut l’un des héritiers qui l’acquit en totalité. (Le copropriétaire survivant a-t-il droit à la shouf’a ?)

Non car si tous les héritiers, sauf un, avaient vendu la maison à un étranger, c’est l’héritier non-vendeur qui aurait eu plus de droit que le copropriétaire [survivant] à l’exercice de la shouf’a. Or la situation est la même dans l’espèce présente. (Ibn Al-gcldidi. T. VIII, p. 69.)

(Ibn Al-Hâjj. T. VIII, p. 69.)

CONTESTATIONS

Si le retrayant prétend que l’acheteur n’a payé que cinquante au lieu de cent et que ce dernier chiffre n’a été déclaré que pour rendre impossible l’exercice du retrait, l’acheteur peut exiger, comme condition préalable du serinent à lui déféré, que le retrayant requière témoignage contre lui-même qu’il exercera ensuite le retrait (T. VIII, p. 63.)

Que décider lorsqu’il y a désaccord entre le retrayant et l’acheteur [au sujet du prix auquel l’achat a eu lieu] ? P

Si le retrayant et l’acheteur étant en désaccord sur le montant du prix d’achat, la contestation dure longtemps entre eux, et si la chose a produit des fruits dans l’intervalle, ceux-ci appartiennent à l’acheteur dans le cas où le retrait est admis 2. Cette espèce s’est produite, dans la pratique, entre Ibn Faradj et Aboù-r-Rabî’; les fruits furent alors attribués à Abû-r-Rabî\ qui était l’acheteur. (Ibn AI-Hâjj. T. VIII, p. 69.)

Que décider, lorsque l’acheteur prétend avoir acquis une part divise, tandis que le retrayant soutient le contraire ?

La déclaration [à admettre] est celle du retrayant. C’est à celui qui allègue le partage à en faire la preuve. Il en est encore ainsi lorsque l’acheteur prétend qu’il y a eu partage définitif, tandis que le retrayant soutient qu’il y a eu seulement un partage provisionnel et de jouissance; il incombe à l’acheteur de faire la preuve testimoniale qu’il y a eu partage définitif. Il en est de même au cas où, de deux associés, l’un prétend avoir procédé avec son associé à un partage de jouissance, tandis que l’autre dit qu’il y a eu partage définitif. Cette espèce est semblable au désaccord qui peut exister entre l’acheteur et le ven1. En effet, le retrayant serait libre, sans cette ^-condition, de ne pas, exercer le retrait après la prestation du serment par l’acheteur. *2. C’est la doctrine généralement admise. Cf. SIDI KHALiL, trad. Seignette, art. ail.

deur dont l’un dit: « J’ai vendu par une vente définitive », tandis que l’autre répond « Non, c’est par une vente à option » dans ce cas, on s’en remet à la déclaration, sous serment, de celui qui allègue la vente définitive. (IbnAl-ffâdjdj. T. VIII, p. 69.) DU PARTAGE AL-QISMA

En thèse générale, le droit musulman est peu favorable au morcellement de la propriété, et, contrairement au droit français J, qui fait du partage un droit imprescriptible pour tout indivisaire, il pousse à la reconstitution de la grande propriété, par V institution bien connue de la shouf’a (4«£i\ ou retrait d’indivision

Cependant, comme il se rencontre des situations où le partage est absolument nécessaire, le droitmusulman a dû l’organiser, et ce sont ses dispositions sur ce point que nous allons analyser brièvement

« Le partage, dit Ibn ‘Arafa, est un acte par lequel on détermine, ne fût-ce que pour la jouissance seulement, la part de chacun dans une chose indivise entre deux ou plusieurs personnes 3. » est provisionnel, amiable, ou par tirage au sort 4.

Le partage provisionnel ou de jouissance est celui par lequel la chose commune est mise successivement à la dispo1. Code civil, art. 815.

2. Voyez supra, p. 237 et suiv.

i. Cf. Sidi Khalîl, trad. Seignette, p. 297.

4. C’est le mode légal.

5. y LçJ” <U-J> ou SLL>_1^.

silion de chaque communiste pour un temps déterminé. Ce mode de partage peut s’appliquer à tous les biens. Toutefois pour les fruits civils, par exemple, les loyers d’une maison, ou le revenu d’un moulin, on ne peut les partager de cette façon, à cause des variations dans le rendement de la chose. Certains auteurs décident, néanmoins, que si la période pendant laquelle chaque communiste doit jouir de la chose est assez longue, les variations en plus ou en moins sont censées se compenser 1.

Ce partage est assimilé au louage.

Il

Le partage amiable ou conventionnel (SU>I^« i»-J qismatmourâdât, ou Jtè>j!>\ £•–* qismat al-wifâq) 2, comme son nom l’indique, est celui qui est fait du commun accord des communistes. Il est régi par la volonté souveraine des parties. Ainsi, il n’est pas nécessaire qu’il g ait prisée {&j£ taqouîm) ni égalisation des parts (JL-U?” ta’dîl); les copartageanlspeuvent s’attribuer les objets d’après leurs convenances personnelles, pourvu qu’ils tombent d’accord sur ce point3. Il va sans dire qu’on n’est point tenu de faire autant de masses distinctes qu’il y a de catégories de biens.

1. Voyez infra, p. 261.

2. On l’appelle aussi ^ff^y’ <*•«», qismat ar-ridd, ou encore ̃– S (d* J ish^ qismat ar-ridd ivat-tasUm. Cf. la Tohfat (VEbn ‘Acem vers 956 et 962.

3. Si les parts sont inégales, on peut rétablir l’égalité au moyen de soulte, ou même renoncer à celle-ci, ce qui constitue une véritable libéralité en faveur du copartageant avantagé. Ce partage est assimilé à la vente mais, tout en restant conventionnel, il peut y être procédé après prisée et égalisation des parts.

Le partage par tirage au sort (îe^âll; <9 qisma bilqour’a) ou légal porte nécessairement sur la propriété, et non pas seulement sur la jouissance. Il est déclaratif de droit1 (Jp-j^” tamyîz ljaqq)> du moins selon la majorité des auteurs, et rescindable pour cause de lésion. Ce mode de partage peut être demandé par tout communiste, à la condition que le morcellement de la chose commune ne diminue pas gravement la jouissance des autres communistes, comme si lejpartage devait créer,par exemple, une enclave.

Il peut être demandé, au nom de l’impubère et de V interdit par le père ou le tuteur testamentaire, au nom de l’enfant trouvé’1 et de l’absent par le qâdî.

Les biens à partager sont réunis en autant de masses qu’ils forment de catégories distinctes. On va même très loin dans celle voie, et, pour les immeubles par exemple, on distingue les maisons, les terres irrigables, les terres arrosées naturellement. Enfin, V éloignemenl de la situation des immeubles les uns par rapport aux autres peut être une cause d’en faire plusieurs masses. Le partage a lieu d’après la valeur des immeubles elpar tirage au sort. La formation de masses distinctes s’applique aussi aux meubles, mais l’on n’y pousse pas aussi loin que pour les immeubles la préoccupation de comprendre dans chaque masse des biens de même nature. Ainsi, les vêtements, quelle que soit leur couleur, leur tissu, peuvent être réunis en une 1. Mâlik l’assimile à la vente, tandis que d’autres auteurs, dont Ibn Rushd, le considèrent comme déclaratif de droit. 2. La personne qui a trouvél’enfant peut aussi demander le partage en son nom.

même masse. Pour les fruits, il y a prohibition de les partager avant le commencemenl de la cueillette ou de la moisson, à cause de l’aléa.

Si un bien n’est pas commodément partageable, à défaut d’entente amiable, il est vendu, et le partage porte sur le prix. Une fois les masses formées, on procède à la composition des lots dans chaque masse. par Vintermédiaire d’un expert, et deux au moins quand il s’agit de la prisée (*yâ).Leslols sont ensuite tirés au sort au moyen de bulletins portant soit le nom da copartageant, soit celui du lot.

Le partage peut être rescindé i° s’il entraîne un préjudice considérable^ au détriment d’un copartagé; 2° si. en cas de doute sur l’importance du préjudice, il y a preuve par titre ou par témoins; 3° si l’adversaire du.copartageant qui se prétend lésé, refuse de jurer.

Si l’un des copartageants découvre dans son lot un vice rédhibitoire, qui en diminue la valeur pour plus de moitié (ou des deux tiers selon certains auteurs), il peul demander la rescision. Dans ce cas, il est fait rapport de tous les lots en nature s’ils existent encore, ou en valeur, s’ils ont péri, et l’on procède à un nouveau partage.

Si le préjudice est in férieur à la moitié (ou aux deux tiers), le réclamant est indemnisé par ses coayants droit, chacun dans la mesure de son émolument.

La revendication d’un bien mis dans le lot d’un des coparlagés donne lieu, suivant son importance, tantôt à la rescision, tantôt à une indemnité payable par chacun des autres coayants droit dans la mesure de son émolument.Enfin, la découverte d’un legs ou d’une créance donne Heu à la rescision dit partage ou à une indemnité, payable comme dessus, selon. qu’ils portent sur un corps certain ou sur des choses fongibles.

1. Le préjudice considérable est celui qui apparaît à toute personne. même non experte.

DU PARTAGE

Imprescriptibilité du droit au partage. Des formes du partage.

Du partage où figurent des mineurs. Du partage où figure le bait al-mâl. Du partage provisionnel ou de jouissance. De la lésion. De l’erreur.

Nullité. Questions diverses.

IMPRESCR1PT1BILITÉ DU DROIT AU PARTAGE

Un foudouq (caravansérail) appartient par indivis à deux hommes. Limité des quatre côtés par des jardins et une route, il ne comprend qu’un rez-de-chaussée, contenant des chambres et des vestibules pour les montures. Il appartient par parts égales aux deux hommes susdits. L’un d’eux demande le partage, tandis que l’autre s’y refuse en disant que le partage serait préjudiciable. Peut-on l’y contraindre ?

On contraint au partage celui qui s’y refuse, lorsqu’il est demandé par l’un des copropriétaires, à moins qu’il ne soit établi que ce partage du foudouq entraîne un préjudice. Si cela est prouvé, par une expertise des hommes compétents et par leur déposition [devant le qâdî], on empêchera le partage, d’après la doctrine d’Ibn AI-Qâsim. La pratique est en ce sens.

(A botî Sa’ld Faradj ibn Lubb. T. VIII, p. 88.) Deux individus possèdent un vignoble lorsque la récolte en arriva à maturité, l’un des individus voulut vendre sa part, tandis que l’autre désirait consommer la sienne. Que décider ?

Le vignoble sera partagé par approximation [les fruits étant pendants aux branches].

(Ibn Mâltk. T. VIII, p. 80.)

Le vignoble ne sera pas partagé entre les deux propriétaires. Il est indispensable qu’ils se mettent d’accord pour la vente [du tout à un tiers], ou pour que l’un d’eux vende [sa part] à l’autre.

(Ibn ‘Attâb et Ibn Al-Qatfân, ibidem.)

Ibn Mâlik désapprouvait cette réponse, et, de son côté, Ibn Al-Qattân désapprouvait la réponse d’Ibn Mâlik. (Ibidem.)

DES FORMES DU PARTAGE

1

DU PARTAGE OÙ FIGURENT

DES MINEURS

Un homme procède au partage d’un domaine en indivision entre lui et ses enfants mineurs sans que le qâdî ait nommé un représentant aux enfants en vue du partage Le père sera-t-il traité comme le tuteur testamentaire, ou différemment, vu que le père est à l’abri du soupçon ? Le père, en cette matière, se distingue du tuteur testamentaire. Ainsi, il est permis au père de se rendre acquéreur des biens de son enfant mineur, tandis que cela n’est permis au tuteur testamentaire que s’il en réfère au qâdî, et qu’après la preuve des faits qu’il est obligatoire de prouver. Ces deux représentants 3, bien qu’ils soient soumis aux mêmes règles à certains points de vue, se distinguent à certains autres, dont celui précité. Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance. (Ibn ‘Arafa. T. VIII, p. 51.)

Que décider lorsque des immeubles appartenant à des orphelins ont été partagés sans tirage au sort (<£ji,qour’ a) ni égalisation des parts (<J>«r, ta’dtl) ?

Cela est permis, lorsqu’il est étabM que le partage a eu lieu équitablement. C’est la question d’Ibn Ismâ’îl, de Séville. Si l’on avait fait le partage entre les orphelins, avec tirage au sort, égalisation et limitation [des parts], c’eût été mieux.

Si, dans ce premier partage, l’orphelin quitte une propriété pour en acquérir une autre, c’est un avantage pour lui; car, si le tuteur testamentaire avait vendu la part du mineur dans l’immeuble, il eût été obligé de lui acheter un autre immeuble. De sorte que, en faisant changer son 1. Le texte porte en vue de la société, *Sj&}\, mais la bonne leçon <âll se trouve dans l’intitulé de la question qui est à la table des matières. C’est, en effet, le partage, et non la société, qui motive la nomination d’un représentant spécial aux mineurs.

2. Cf. Sidi Khalîl, trad. Seignette, art. 2168, et Code civil, art. 460. 3. Le père et le tuteur testamentaire.

pupille d’immeuble, au moyen du partage, c’est comme s’il le lui avait acheté.

(Ibn Al-Hâjj. T. VIII, p. 79.)

Un individu recueille dans la succession de sa femme, en commmun avec ses deux filles et son beau-père, des esclaves. Il mit alors la main sur une des esclaves et la donna comme dot à une femme qu’il épousa, en disant « Cette esclave est ma part le reste est pour les héritiers. » Puis cet individu meurt. Que décider ? Quant au partage auquel il a procédé pour son compte et pour celui de ses deux filles, il est licite, à moins qu’il n’apparaisse qu’il s’était favorisé lui-même. Dans ce cas le partage sera rescindé. En tout cas, le principe est la licéité de ce partage.

Mais, en ce qui concerne le père de la femme [décédée], le partage n’est pas valable. Il prendra sa part dans ladite esclave, par la voie de la revendication exercée contre l’épouse [qui l’a reçue en dot]. L’épouse, à son tour, recourra contre la succession de son époux.

(Aboâ-l-tfasan As-Saghîr. T. VIII, pp. 83-84.)

Un homme, ayant à faire valoir un droit sur une terre indivise entre lui et des orphelins abandonnés1, se présenta chez le qâdî demandant [la nomination] d’un tuteur datif pour ses coindivisaires, les mineurs, afin de [procéder] au partage et de [les représenter] à l’occasion de certains droits qu’il a prétendus sur la parcelle en question, et qui doivent donner lieu à une contestation en justice. Le qâdî a-t-il le droit de leur donner un tuteur avec des pouvoirs généraux, tant sur ladite parcelle que sur autre chose ? Ou bien ne peut-il leur nommer de tuteur datif que pour examiner la question de ladite parcelle spécialement? 1. C’est-à-dire sans tuteur.

Eclaircis-nous cela, et puisse Dieu rendre votre rétribution considérable

La réponse est que le qâdî a le droit de faire, s’il le désire, une nomination de tuteur avec des pouvoirs généraux, ou pour une affaire déterminée. Toutefois, le tuteur nommé par le qâdî ne peut procéder au partage des immeubles urbains ou ruraux qu’avec une autorisation spéciale du qâdî.

(Abû ‘Abd Allah Mouffammad ibn ‘Abd Al-Karîm Al-Aghsâwî. T. V, p. 121.)

II

DU PARTAGE OÙ FIGURE

LE « BA1T AL-MÂL »

Un village appartient pour partie au bail al-rhâl, et pour partie à ses habitants comment procédera-t-on à son partage ?

Le wâlî (gouverneur) donnera pouvoir à quelqu’un qui viendra au partage du chef de la partie appartenant au bail al-mâl. Cette procuration sera établie devant le qâdî, de même qu’on devra établir devant lui que le village appartient à ses habitants en copropriété avec le bail al-mâl. De plus, le qâdî enverra avec eux des hommes qui assisteront au partage et déposeront ensuite devant le qâdî que le partage a eu lieu régulièrement.

(Ibn Al-Hâjj. T. VIII, p. 79.) Je dis que certain auteur a rapporté que l’opinion unanime de Mâlik et de ses disciples est qu’il n’est pas permis au qâdî d’autoriser les héritiers à procéder au partage, jusqu’à ce qu’ils prouvent l’origine de la propriété de la chose qu’ils ont recueillie dans la succession, qu’elle est demeurée [la propriété de leur auteur] et jusqu’à ce qu’ils en prennent possession. [Il faut encore qu’ils établissent] le décès [de leur auteur] et leur vocation héréditaire. Telle est la jurisprudence suivie par les shaikhs de Cordoue et de Tolède.

(Ibidem.)

DU PARTAGE PROVISIONNEL

OU DE JOUISSANCE

Comment procède-t-on au partage des fruits [civils] des moulins ?

Le partage peut avoir lieu par journée [de travail] ou par période de deux journées, à raison de ce que, dans ce cas, l’aléa est restreint. En effet, ce partage est une vente réciproque on doit donc y tenir compte de l’aléa, lequel est restreint lorsque la période est d’un jour ou un peu plus, à raison de ce que [la perception] des fruits est rapprochée. Il en serait autrement, si c’était par semaine. Si l’on disait « D’après ce principe, le partage ne pourrait avoir lieu par moulins, un pour un à cause de l’aléa », on répondrait « Dans la location [du moulin] pendant un mois, ou autre période analogue, on ne tient pas compte de l’aléa, parce que les journées se compensent. » C’est ainsi que la vente à livrer du lait d’une brebis n’est pas per1. C’est AI-Wansharîsi qui parle.

mise, tandis qu’elle l’est au contraire lorsqu’elle s’applique à plusieurs brebis, parce qu’elles se compensent les unes les autres; si celle-ci donne moins de lait, celle-là en donne plus.

Le partage par semaine, au contraire, n’est pas permis, parce que le travail et les bénéfices varient d’une semaine à l’autre.

Quant au produit du travail d’un esclave, il est approximativement toujours le même et n’offre point d’aléa. (T. VIII, pp. 79-80.)

Un pied de mûrier ayant trois branches était en indivision entre trois individus, qui se le partagèrent à raison d’une branche pour chacun. Puis deux branches ayant été détruites par le vent, il en resta une seule, et les propriétaires des deux branches qui ont péri voulurent participer avec l’autre propriétaire à la branche restante, vu que le tronc est unique et que la branche en question s’est fortifiée, lorsque les deux autres branches périrent, et s’est développée au point qu’elle est devenue aussi considérable qu’était l’arbre avant le partage. Ce partage est-il valable ? i J’ai pris connaissance de la question ci-dessus. Le partage de l’arbre entre les copropriétaires, lorsqu’ils se le partagent par branches, ne peut être qu’un partage de jouissance exclusivement. Quant au partage de la propriété, ce n’en est pas un. Au contraire, l’arbre demeure en indivision entre eux, et celles de ses branches qui ont survécu, aussi. Ils sont copropriétaires des branches de l’arbre qui ont péri et de celles qui restent. Ne restât-il qu’une seule branche, elle leur appartiendrait en commun, comme l’était l’arbre.

Salut-sur quiconque en prendra connaissance. (Muhammad Al-Haffâr. T. VIII, p. 88.) DE LA LÉSION

Des héritiers se partagèrent une terre, et chacun [d’eux] cultiva sa part pendant vingt ans ou plus. Puis l’un d’eux intenta une action pour cause de lésion dans le partage, au jour où celui-ci était intervenu, et des témoins en déposèrent en sa faveur. Que décider ? selon que la part des autres héritiers a été ou non aliénée.

Si on laissait aux gens cette latitude, ils n’auraient jamais plus de .partage définitif. La question sur ce point n’aurait pas de sens, si [la réclamation] s’était produite un an [après le partage], à plus forte raison quand elle s’est produite après le laps de temps que vous avez mentionné. Celui qui se chargerait de répondre à cette question serait encore plus piteux que le questionneur. La meilleure réponse à y faire est que la réclamation n’est possible qu’après que le demandeur aura établi pourquoi il a négligé de réclamer après le délai d’un an, et, à plus forte raison, après vingt ans. S’il fournit une excuse plausible, sa demande sera examinée. D’ailleurs, le partage ne peut avoir lieu que de l’une de ces deux manières à l’amiable ou au tirage au sort. Aucune réclamation n’est possible dans le partage amiable, sauf seulement en cas de revendication.

Quant au partage par tirage au sort, il ne peut avoir lieu qu’avec prisée et égalisation des parts. Comment, dans ces conditions, peut-on écouter une réclamation pour cause de lésion, si ce n’est de la part d’un fou, qui ne sait pas distinguer ses droits de ses obligations, ou d’un menteur, qui ne recule pas devant le discrédit de sa personne, tout en sachant qu’il porte sciemment préjudice à ceux à qui il veut nuire. Quant à ceux qui lui prêtent témoignage en ce cas, DE L’ERREUR

Un homme reçoit mandat de sa femme de procéder, en son nom, au partage de biens indivis entre elle et des associés. Le mari procéda au partage au nom de sa femme, puis acquit d’elle sa part dans ces biens. Le mandataire [le mari] intenta ensuite une action après son acquisition, prétendant qu’il y a eu erreur dans le partage, lequel a eu lieu par tirage au sort. Estimez-vous que le mandataire a un droit de recours de ce chef ? P

Si l’erreur est prouvée comme vous l’avez dit, l’acheteur aura le droit de faire procéder à un second partage. Quant à la vendeuse, elle n’a rien à réclamer à ce sujet, car elle n’a vendu qu’une quote-part déterminée. Ce n’est donc pas comme s’il s’agissait d’un bien non compris dans la vente, et qui serait retiré [du second partage] et mis de côté 2, si Dieu le veut.

(T. VIII, p. 86.)

1. Aboù Ibrâhim Ishâq b. Matar Al-Waryâghili, connu sous le nom d’Al-A’radj (le boiteux), jurisconsulte malékite de Fâs. Il était, paraît-il, très versé dans la connaissance de la Mudawwana, sur laquelle il composa des gloses estimées {j^JaJl). n mourut à Fâs en 683 (= 1284). Son tombeau est un lieu de pèlerinage. Cf. Djadhwat al-iqlibâs, texte arabe, édil. de Fâs, 1309, p. 99.

2. Cela signifie que la femme a vendu une quote-part, une universalité de biens, en sorte que la diminution ou l’augmentation, par suite d’erreur dans le partage, ne peut profiter qu’à l’acheteur. Au contraire, si elle

ils sont plus menteurs et plus faussaires que lui, à moins, toutefois, qu’il ne prouve manifestement son excuse,auquel cas on examinera sa requête, s’il plaît à Dieu. (Abû Ibrâhîm K T. VIII, p. 83.) NULLITÉ

Un homme meurt endetté; sa succession est partagée et l’un [des héritiers] vend [les biens mis dans son lot]. Cet héritier venant ensuite demander la rescission du partage, en a-t-il le droit, et y aura-t-il lieu à rapport du prix [de la chose vendue] ou de la valeur estimative ?

Le partage n’est pas valable quand [le défunt] était tenu d’une dette. L’héritier rapportera ce qui existe encore en nature et le prix de ce qui a été vendu.

(As-Souyûrî. T. VI, p. 69.)

QUESTIONS DJVERSES

Un individu bâtit dans une maison qui lui appartient en copropriété avec un autre. Que décider?

Si la maison comporte le partage, elle sera partagée. Si la construction échoit dans le lot de celui qui a construit, il aura pris ce qu’il a bâti; si elle échoit dans le lot de son copropriétaire, celui-ci lui donnera la valeur des matériaux bruts.

(Ibn Zarb. T. VIII, p. 78.)

Le partage des oignons par approximation est permis à deux conditions

1° Que l’un des copartageants prenne plus que l’autre; avait vendu des objets individuellement déterminés, l’acheteur n’aurait aucun droit sur les biens qui, par la découverte de l’erreur, pourraient être attribués à la femme dans un nouveau partage.

2° Que les oignons soient d’une seule et même qualité.

(Az-Zawâwt. T. VIII, p. 85.)

Les rayons de miel peuvent être partagés par approximation, sans être pesés, à cause de la nécessité de les consommer dans cet état.

(Ibidem.)

Les cocons de soie ne peuvent être partagés qu’au poids. (Aboa Muhammad, ibidem.)

(Abû Muhammad, ibidem.)

Les ruches d’abeilles ne peuvent être partagées qu’après l’extraction du miel, et quand il n’y reste plus rien, sauf le peu de miel qu’on peut laisser aux abeilles et qu’il est impossible d’extraire. Les ruches sont considérées, dans ce cas, comme ne contenant pas de miel. Elles seront partagées alors d’après la valeur estimative.

(Ibn Lubâba.T. VIII, p. 123.)

« La commandite, selon la définition d’Ibn ‘Arafa, est un contrat par lequel on remet des fonds à un individu, pour en trafiquer, moyennant une part dans les bénéfices-. »

Ce contrat ne devient obligatoire qu’à partir du moment où le commandité a commencé les opérations.

L’objet de la commandite doit consister en choses ayant cours dans le pays où doit se rendre le commandité. Les juristes arabes, en effet, prévoient toujours le cas où les opérations de la commandite doivent se faire dans un autre pays; mais je ne connais pas de texte qui fasse de celle particularité une condition de validité de la commandite, et il semble que ce contrat peul intervenir dans le pays même des parties. Le capital ainsi que la base de répartition des bénéfices doivent être déterminés d’avance de plus, le capital doit être effectivement livré au commandité, c’està-dire qu’il ne su f firait pas qu’il l’eûl déjà en sa possession à un autre titre une tradition effective est nécessaire. Seul le commandilé peut être chargé du trafic le commanditaire ne doit pas en principe y intervenir. En cas de violation des conditions requises par la loi 1. Ce contrat est aussi appelé A>JUm,tnouddraba.

2. Cf. Sidi KhalÎl, trad. Seignette, p. 311.

pour la validilé de la commandile, le contrat est annulé, si l’exécution n’en a pas été commencée, et les parties sont replacées dans la même situation que si elles n’avaient pas contracté. Si les opérations ont déjà commencé,la commandite, entachée de vice, se trans forme en commandite d’équivalence (J^ (jèlyi, qirâd al-mithl), c’est-à-dire qu’on ajoute au contrat la clause qui a été omise ou écartée délibérément, ou bien on considère comme non-avenues les clauses qui ne devaient pas légalement s’y rencontrer. Dans ces additions et ces retranchements, on prend pour type la commandite légale, et l’on se guide aussi d’après l’usage des lieux et l’équité.

Dans les cas les plus graves où le contrat ne peut être maintenu même à titre de commandite par équivalence, il dégénère en louage d’industrie et le pseudo-commandité devient un salarié, qu’on doit rétribuer, pour le travailqu’il a déjà effectué, en prenant pour base la rétribution à laquelle aurait droit un homme de sa condition pour un travail semblable c’est le salaire d’équivalence (Jill S^»-l,oudjrat al-mithl). Il aurait aussi droit à ce salaire, si, en dehors des opérations de la commandile, il a été obligé de faire d’autres opérations, comme loucher une créance pour en appliquer le montant à des achats pour le compte de la commandite. Le commandité étant un homme de confiance, son dire fait foi, en principe, jusqu’à preuve du contraire, toutes les fois qu’il y a contestation entre lui el le bailleur. Il est cependant quelques cas, où le dire du bailleur est admis de préférence, pourvu qu’il soit accompagné du serment. Voyez, pour ces questions de détail, les traités de droit musulman.

1. Cf. notamment la Tohfat d’Ebn Acem par Hondas et Martel, pp. 621 à 627; Sroi Khalîl, trad. SeigneLte, art. 969 à 1027; E. Zeys, Traité élémentaire de droit musulman, pp. 97 à 116; Mohammed AL-BAShîr At-Touatî, op. cit., pp. 67-68.

CONDITIONS DE VALIDITÉ

Un homme confie des dînârs et un navire à quelques personnes et [leur] dit « De ce que vous gagnerez, deux tiers seront pour moi et un tiers pour vous. » Cette convention est-elle valable ?

Cette convention sera annulée, si les gérants n’ont pas commencé le travail. S’ils l’ont commencé, [ils devront] le fret dû par un navire pareil. Quant aux dînârs, ils seront présumés leur avoir été confiés à titre de commandite, avec les profits dus à leurs pareils.

(Ashhab. T. VIII, p. 130.)

Un individu remet à titre de commandite du métal argent lui est-il permis de prendre, au moment de la liquidation, du métal or ?

Il lui est permis de recevoir de l’or à la place de l’argent ou à l’inverse, quand les deux associés y consentent.

(Abû-l-Qâsim Al-Ghoubrînî. T. VIII, p. 127.) Un individu contracte une commandite avec un capitaine de navire, à condition que celui-ci transporterait une marchandise [appartenant au commanditaire] sans fret, les bénéfices étant en commun. Que décider? La commandite est entachée de vice, à cause de la stipulation accessoire imposée au commandité. Celui-ci aura le salaire de ses semblables pour son travail, ainsi que le fret de son navire. Le bailleur de fonds [seul] profitera de son gain ou supportera sa perte.

(Abû Muhammad. T. VIII, p. 130.)

Un gérant d’une commandite reçoit l’ordre du bailleur de fonds de ne plus rien acheter, l’argent [de la commandite] étant réalisé. Le gérant transgresse [cet ordre] et achète, et perd ou gagne. Que décider ?

Si le gérant dit « Je n’ai acheté que pour mon compte, on admettra son assertion, sous serment, et il profitera du gain ou supportera la perte. S’il dit « J’ai acheté pour le compte de la commandite », les bénéfices, s’il y en a, seront pour le commanditaire, tandis que les pertes seront à la charge du gérant.

(IbnAbûZaid. T. VIII, p. 132.)

CONTESTATIONS

Un gérant de commandite prétend qu’il y a eu perte sans spécifier de quelle manière elle s’est produite. Est-il responsable ? P

1. Le texte arabe emploie deux termes pL«i et fcjw»-. Le premier s’applique à une chose qui est égarée (perdue), tandis que le second s’entend des pertes d’argent, par suite de la spéculation.

Les pertes prétendues par le gérant sont laissées à l’appréciation du juge et à son examen, selon les explications que donnera le demandeur sur la cause de la perte. S’il appert qu’il y a eu [de la part du gérant] gaspillage ou négligence, la responsabilité [du gérant] devient obligatoire. Mais le principe est d’ajouter foi [aux déclarations du gérant], à cause de la confiance qu’a eue en lui celui qui lui a remis [l’argent de la commandite], En conséquence, on admettra son assertion, en demandant un complément de preuve au serment, selon l’une des deux opinions qui ont été émises sur la délation de ce serment et c’est la plus conforme à la vérité 2, par les temps qui courent, à raison de la déloyauté et du peu de confiance qui se sont emparés des hommes 3.

(Abû Sa’îd Faradj ibn Lubb. T. VIII, pp. 134-135.) Un homme remet à un autre une somme à titre de commandite, d’après une répartition des bénéfices qu’ils ont stipulée. Le gérant employa les fonds, puis les représenta. Mais les deux parties furent en désaccord au sujet [du montant] du capital. Le bailleur prétendait que le capital était de deux cents dînârs, c’est-à-dire toute la somme représentée par le gérant. Celui-ci, au contraire, prétend que le capital était de cent dînârs et les bénéfices de cent dînârs. Que décider?

L’assertion à admettre est celle du gérant, relativement [au montant] du capital, parce qu’il avoue n’en avoir touché que cent dinars. Si le bailleur a une preuve testimoniale, [le gérant sera condamné], sinon le serment sera déféré au gérant. S’il le refuse, le bailleur n’ayant pas d’ailleurs de preuve testimoniale, on dira à celui-ci 1. Voyez la note de la page précédente.

2. L’autre opinion n’admet pas le serment dans ce cas.

3. La fatwa continue par de nombreuses citations d’auteurs.

« Prête serment, et prends les deux cents. » S’il refuse le serment, il n’aura que ce que le gérant a avoué. Si le bailleur produit une preuve testimoniale (bayyina) et que, le gérant en produisant une autre, les témoins des deux bayyina soient d’une égale honorabilité, les deux preuves se détruisent réciproquement, et les deux parties seront considérées comme celles qui n’ont aucune preuve testimoniale, et la réponse à cette question sera comme je l’ai indiqué plus haut. Enfin, si les témoins des deux bayyina sont d’une honorabilité différente, on admettra [la déposition] des témoins les plus honorables. (Sahnûn. T. VIII, p. 132.)

Un commandité prétend qu’une bourse contenant une partie de l’argent de la commandite était au milieu d’autres bourses, toutes enfermées dans une ceinture qu’il avait autour du corps, et qu’elle seule s’était perdue. Que décider ? P

Le commandité est cru, tant que son mensonge ne devient pas évident. Or, la prétention du commandité touchant la perte de la bourse dans les conditions qu’il a décrites, est de nature à rendre évident son mensonge. En conséquence, il en sera responsable et il ne sera pas ajouté foi [à sa déclaration].

(IbnAd-Dâbit1. T. VIII, p. 128.)

Un homme reçoit quarante dînârs à titre de commandite, sous la condition de se rendre, avec cet argent, de Sfax à Tunis. Il arriva à cette dernière ville et employa ces quarante dinars avec d’autres à faire des achats. Il déposa les marchandises dans la maison du bailleur des quarante dînârs. Puis, le voyage à Gabès par la voie de terre lui étant 1. Sur ce jurisconsulte, v>y. IBN Bascbkouâl, Kitdb as-sila, éd. Codera, notice n° 876.

devenu possible, il se mit en voyage. Il revint ensuite par mer, mais il fut saisi par l’ennemi et dévalisé de tout ce qu’il avait avec lui. Le commanditaire [voulut] alors le rendre responsable des quarante dînârs. L’autre lui répondit « Tu étais au courant que je partais en voyage à Gabès. » En effet, les marchandises étaient chez ce commanditaire1. Mais celui-ci nie avoir été au courant de son voyage à Gabès. Que décider?

On interrogera le bailleur de fonds sur le point de savoir s’il était déjà au courant au moment du départ du commandité pour Gabès. S’il dit qu’il en a eu connaissance, et s’il a laissé partir le commandité sans protester contre lui, cela [est considéré comme] une autorisation de sa part et un consentement au voyage; dans ce cas, point de responsabilité. Si [au contraire] il nie avoir été au courant de ce voyage, il prêtera serment sur ce point et aussi sur ce qu’il n’y a pas autorisé le commandité, et celui-ci remboursera la somme en question.

{Al-Bûnî. T. VIII, pp. 129-130.)

1. Il faut sous-entendre quelle commandité était venu les prendre avant son départ, et que c’est au cours de ce voyage que les marchandises lui ont été enlevées.

RÉGIME DES EAUX *UI AHKÂM AL-MÎÂH

Née sur un sol brûlé par le soleil et où l’eau fait souvent défaut, la législation musulmane ne pouvait passer sous silence la réglementation relative à l’usage ou à la propriété des eaux.

Celle matière est toute traditionnelle. Les principes qu’on y applique ont été établis par analogie avec les décisions que, d’après le hadîth (tradition), le Prophète avait rendues en celle matière. C’est que, pour une population qui risquait souvent d’avoir soif, comme l’élait la population de l’Arabie, l’eau avait une valeur inestimable, accrue d’ailleurs par le Qur’ân, qui a fait de l’eau l’élément de purification par excellence, pour les besoins religieux (ablulions, lavage des morts, etc.).

Le droit musulman distingue d’abord les eaux courantes qui sont res nullius fleuves, rivières, mer. Toul le monde y a également droit, et l’on ne peut s’en approprier une partie, d’une manière exclusive, qu’en l’isolant, par exemple, dans un récipient.

Une seconde catégorie comprend les eaux de toute nature qui se trouvent en totalité sur le f onds d’un propriétaire. Celles-là sont sa propriété privée, et il peul en refuser l’usage à tout le monde, quoique la loi lui fasse une obligation morale d’en donner à ceux qui risquent de mourir de soi f ou de perdre leur récolte 1.

En fin, pour les eaux qui ne sont ni res nullius, ni propriété privée, la loi en règle l’usage en tenant compte de la peine et des besoins de chacun.

Ainsi, celui qui creuse ou fore un puits ailleurs que dans son fonds, se sert, le premier, de l’eau dans la mesure de ses besoins. Après lui, viennent le voyageur, les habitants du pays, puis les troupeaux de chacune de ces trois catégories de bénéficiaires 2.

Quant aux eaux qui appartiennent en commun à plusieurs individus, à défaut de règlement amiable, le partage s’en fait à l’heure, ou à la jauge ou par tout autre procédé donnant également satisfaction à tous les intérêts en conflit. 1. Cf. Sidi KHALÎL, Précis, traduct. Seignette, art. 1220-1222. Plusieurs hadîth recommandent de ne pas refuser le superflu de l’eau. « II y a trois personnes que Dieu ne regardera pas, au jour de la Résurrection il ne leur accordera aucune indulgence et leur intligera un châtiment douloureux. Ces trois personnes sont 1° l’homme qui, ayant en route de l’eau de reste, la refuse à un voyageur. Bokh’àbî, trad. Houdas et Marçais, 11, 104.

2. Cf. Sidi Khalîl, op. cit., art. 1223-122i.

RÉGIME DES EAUX

Des sources. Des rivières. Des rigoles. Questions diverses.

DES SOURCES

Une source appartient aux habitants d’une localité, qui se servent de son eau pour irriguer et pour abreuver leurs troupeaux et leurs bestiaux. [Cet état de choses est admis chez eux] de génération en génération, sans qu’il y ait parmi eux aucun qui prétende avoir des droits exclusifs à tout ou partie de cette source. Mais, certains des habitants de la localité en question possèdent des terres et des jardins en aval de cette source, sans que les autres aient aucune terre ou autre chose de ce côté-là. Or, les propriétaires des terres situées en aval de la source veulent profiter de l’excédent de l’eau, pour irriguer leurs jardins et leurs potagers, qui se trouvent dans le terrain nu (Ua^ \J>j\ ardbaidâ). Mais ceux qui ne possèdent ni jardins ni terrain de ce côté-là veulent participer avec eux à l’excédent de l’eau, soit pour le vendre, soit pour le donner gratuitement à d’autres. Cet excédent doit-il profiter à tous les habi- tants de la localité ou seulement à ceux qui ont la propriété des terrains situés en aval de la source ? Si vous admettez cette dernière solution, ceux-ci profiteront-ils de l’eau par portions égales, ou proportionnellement à l’étendue de leurs terrains, ou enfin en commençant l’irrigation par les fonds supérieurs puis ceux qui les suivent, et ainsi de suite ?

Explique-nous cela et réponds-nous à ce sujet point par point, car c’est une affaire qui est subordonnée à votre manière de voir qui est assistée [par Dieu]. Puisse Dieu nous faire jouir de votre conservation et nous faire profiter de vos vertueuses bénédictions

Que Dieu le Très-Haut vous honore Ceux des habitants de ladite localité qui possèdent des terres et des jardins ont plus de droits que tout autre à l’excédent de l’eau en question, à raison de ce qu’ils en ont la possession. Quant aux autres, ils n’y ont aucun droit.

Ces propriétaires privilégiés irrigueront en commençant par les fonds supérieurs, puis les fonds immédiatement inférieurs et ainsi de suite, ainsi que cela a été rapporté d’après le Prophète, Que Dieu répande sur lui les bénédictions et lui accorde le salut au sujet de Mahzûr et Mazinîb, deux cours d’eau de Médine, qui grossissent avec l’eau des torrents.

Al-Bâdjî1 a dit en commentant ce hadîth « Cela s’entend du cas où les plantations ont été faites d’abord par ceux qui sont en amont, puis par ceux qui les suivent et ainsi de suite, ou bien lorsqu’ils ont planté à la même époque (mais Dieu le sait mieux), ou bien lorsqu’on ignore l’ordre dans lequel ils ont planté.

« Quant aux fonds supérieurs (^Vl al-a’lâ), on établit la 1. C’est l’auteur dont nous avons parlé dans le t. 1 de ce livre, p. 251, en note, et sur lequel on peut consulter, en dehors des ouvrages cités par Brockelmann, LUI., I, 419, une notice intéressante dans le manuscrit arabe de Paris, n”2103, f» 28 a 29 a; et aussi le manuscrit n° 2064, f° 170.

préférence entre eux soit d’après la priorité (en date), soit d’après la proximité (du lieu). Ainsi, ajoute cet auteur, au cas où le propriétaire du fonds inférieur a planté le premier, il aura plus de droits [que les autres] à raison de sa priorité en date. En effet, c’est un droit qu’il a acquis et une jouissance qu’il a eue avant tous les autres. » C’est aussi de cette façon que se règle votre question. Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance.

{Sayyidî Misbâh ibn Muhammad ibn ‘Abd Allah Al-Yâlisûti. T. V, pp. 132-133.)

Les habitants de Hisn Shîrûz (?) étaient copropriétaires par indivis d’une source, dont ils se partageaient l’eau entre eux, en cinq rigoles, d’égale importance. Mais les ayants droit de chacune de ces rigoles prenaient l’eau d’une manière irrégulière, qui lésait les intérêts du faible, de l’orphelin et de celui qui ne peut défendre ses droits. En examinant maintenant leur situation et les voies légales qu’ils doivent suivre, ils s’en informèrent, et, en ayant pris connaissance, ils requérirent témoignage contre euxmêmes qu’ils se sont mis d’accord et qu’ils se sont engagés à ce que l’irrigation ait lieu, dans chacune des cinq rigoles, d’après un tour de rôle déterminé, l’eau étant prise, dans chaque rigole, parle propriétaire du fonds supérieur, puis celui qui vient immédiatement après, et ainsi de suite. Lorsque le propriétaire du fonds supérieur aura pris son tour de rôle, pendant le nombre d’heures convenu (car ils ont partagé l’eau de chaque rigole et en ont attribué à chacun une part proportionnelle aux sillons de sa terre), et une fois le nombre de ces heures d’irrigation écoulé, il laisse passer l’eau chez son voisin immédiatement inférieur, en commençant par les fonds supérieurs, chaque propriétaire retenant l’eau pendant le nombre d’heures qui lui est attribué. Cette convention est-elle valable et est-elle exécutoire à l’encontre des absents, parmi les mineurs sans tuteurs et les femmes, sans qu’il soit établi qu’il y a utilité et avantage pour celui qui s’y conforme ?

Si l’eau provient d’une source dont ils sont copropriétaires, ils pourront se la partager, si tous sont d’accord à cet égard, mais après qu’on aura fait représenter les mineurs par une personne nommée par le qâdî et qui partagera en leur nom. Il en est de même pour les femmes qui ont droit à une part de cette eau il faut également qu’elles consentent, si elles ne sont pas en tutelle. Si elles y sont, il est indispensable qu’il leur soit donné un représentant qui partagera en leur nom. Lorsque tout le monde sera a d’accord sur le partage et qu’il n’y aura pas de préjudice, le partage sera exécutoire.

Mais si l’eau descend de la montagne et provient de la pluie, sans que son origine soit l’objet d’un droit de propriété, la loi, en ce cas, est que le propriétaire [du fonds] supérieur irrigue, puis, lorsqu’il achève son irrigation, abandonne l’eau au propriétaire [immédiatement] inférieur, ainsi qu’il est établi par la sounna (tradition) à cet égard. (Ibn ‘Alldq 1. T. VIII, pp. 27-28.J

Le jurisconsulte nommé ci-dessous fut consulté au sujet d’une terre ayant une source d’eau avec laquelle on l’irriguait. Puis vint un torrent qui dispersa l’eau de cette source, il y a de cela environ trente ans, et la terre demeura sans irrigation. Or l’eau de cette source dégradée passait sur la terre d’un homme, à qui les habitants de la métairie en question demandèrent la permission de creuser dans son terrain et dans sa propriété une autre rigole 1. Jurisconsulte et traditionniste malékite andalous, contemporain de Muhammad b. Ab.mad ibn Marzûq, qui mourut en 842 (= 1438). Cf. Belkacem El-Hafnaoui, Op. cit., p. 131.

dans laquelle coulerait l’eau d’une autre source, jusqu’à ce qu’elle arrive à leur rigole, pour leur permettre d’irriger leur terre. Cette homme leur accorda l’autorisation, mais en requérant témoignage que, le jour où il voudrait leur retirer l’autorisation, il en aurait le droit, et il en dressa un acte contre eux. La rigole fut creusée, et les individus en question s’en servirent pour l’irrigation pendant un certain temps. Puis cet homme vendit l’eau dont il s’agit et remit à l’acheteur l’acte susdit. Il y a déjà quinze ans qu’ils irrigent leurs champs au moyen de cette rigole, avant et après la vente, jusqu’à ce jour. Or, à présent, l’acheteur de la terre, détenteur de l’acte sus-mentionné, veut leur retirer l’autorisation, en se prévalant dudit acte. Que décider?

Si l’irrigation de cette terre ne peut avoir lieu que de la façon qui leur a été permise, le propriétaire du fonds sur lequel passe l’eau, n’a pas le droit de s’y opposer. On tient compte, ici, de l’opinion qui admet le caractère obligatoire de l’usance 2, dans tous les cas, ainsi que cela a été jugé par [le khalife] ‘Omar, Que Dieu soit satisfait de lui!

(Ibn ‘Allâq. T. VIII, p. 29.)

1. Plus bas, il est dit que c’est sa terre qu’il a vendue.

2. Le mot Jpj», pl. J5*J/*i que nous traduisons par usances, s’entend surtout des commodités ou des servitudes concédées bénévolement par un voisin, par exemple. Ce mot vient en effet du verbe Jjsj qui signifie « être bienveillant, accommodant envers quelqu’un, l’assister, etc.

DES RIVIERES

Les riverains de la rivière appelée Oued Masmûda furent en contestation avec des hommes de Fâs, au sujet du curage de ce Oued, qu’ils voulaient entreprendre afin d’en augmenter le débit pour irriguer leurs potagers et leurs vergers. Les hommes de Fâs refusèrent. La question a été examinée par le jurisconsulte ci-dessous, qui a répondu en ces termes 1

Les propriétaires des maisons se rangent en six caté- gories, quant à l’utilité qu’ils retirent de la rivière en question. La première catégorie comprend ceux qui amènent une partie de l’eau de la rivière chez eux, pour nettoyer des latrines, ou pour alimenter une citerne de leur maison, ou pour un autre usage analogue. La deuxième catégorie est formée par les propriétaires des puits qui sont alimentés par les infiltrations. La troisième catégorie comprend les propriétaires des canaux et des latrines qui se déversent dans la rivière. La quatrième catégorie est formée des riverains et de ceux qui demeurent tout près de cette rivière. La cinquième catégorie comprend ceux qui jettent dans leurs rues et leurs avenues les ordures et la terre, que les torrents et les eaux de pluie emportent jusqu’à les jeter dans la rivière en question. Enfin, la sixième catégorie comprend ceux qui se servent de l’eau de la rivière pour irriguer leurs plantations 2, 1. Nous avons élagué les premières phrases de la réponse, qui ne renferment que des formules pieuses à l’adresse de Mahomet, etc. 2. C’est par conjecture que nous traduisons le mot \Lld parplantations. L’éditeur du texte arabe a mis sur ce mot 1 XS qui signifie sic.

abreuver leurs bestiaux ou pour d’autres usages analogues. Je dis qu’aucune de ces catégories n’est tenue du curage de la rivière en question, pour en maintenir l’eau et en augmenter le débit. Chacun d’elles peut retirer de cette rivière l’utilité qui lui convient, dans l’état où la rivière se trouve1.

(Al-Wancharîsi. T. VIII, pp. 13-14.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet d’une longue rivière dont les eaux descendent des montagnes et qui, en arrivant aux cultures, rencontre en amont un barrage, où l’eau vient tomber, pour arroser, au moyen d’une rigole, tout un champ déterminé. L’eau qui, s’infiltrant sous le barrage, coule dans le lit de la rivière, est arrêtée par un autre barrage, grâce auquel les riverains du second barrage peuvent irriguer, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la rivière. Or, parmi les riverains du premier barrage, par exemple, il en est qui se disposent à prendre l’eau entre les deux barrages et veulent s’en servir pour irriguer une partie de leur terre, créant ainsi une nouvelle œuvre à l’encontre des riverains du barrage inférieur, alors que l’eau de celui-ci provient du barrage supérieur. En ontils légalement le droit ? Ils argumentent de la façon suivante « L’eau sort vis-à-vis de notre terre, donc elle nous appartient. » Ont-ils ce droit ?

Les propriétaires d’un barrage qui ont la possession de l’eau qui s’infiltre à travers, qui se sont établis et ont planté des arbres à côté, ne peuvent plus se voir intercepter cette eau par un riverain supérieur, car ils y ont un droit antérieur et en ont eu la possession. L’opinion la plus solide est que la possession de l’eau s’acquiert par la priorité en date. De même, les propriétaires du barrage 1. Suivent plusieurs citations de la Moudaœwana et d’autres auteurs sans grand intérêt.

inférieur auront plus de droit que tout autre à l’eau si le barrage supérieur est [plus] récent. Au contraire, le barrage supérieur aura plus de droit à l’eau, si les deux établissements ont eu lieu à la même époque, ou si le barrage supérieur est plus ancien.

(Ibn ‘Allûq. T. VIII, pp. 28-29.)

Doit-on empêcher les Juifs, dans une ville musulmane, de puiser de l’eau dans un fleuve où les Musulmans font leurs ablutions et leurs purifications, et où ils lavent leur linge ?

Je ne connais pas de raison pour empêcher les Juifs de puiser de l’eau dans le fleuve, vu que sa meilleure destination est de servir précisément à emporter les impuretés. Le fleuve n’est ni corrompu, ni rendu impur parce que le vêtement du Juif est impur. Du reste, les Musulmans euxmêmes y lavent leur impureté.

(Al-Lakhmî. T. VIII, p. 271.)

Que décider, lorsque des individus, apportant du bois sur le fleuve, rencontrent des barrages ?

Ils ont le droit de traverser les barrages, que les propriétaires de ceux-ci le veuillent ou non, lors même que les moulins à eau seraient antérieurs en date [à l’entreprise de transport du bois], car le fleuve est comme la route il est destiné à la circulation. Cette opinion est rapportée, d’après Ibn AI-Qâsim, par ‘Isa et ‘Abd AlA’iâ. Et Îsâ l’adoptait dans ses fatwas.

Cette espèce s’étant présentée du temps du Qâdî (?), celuici réunit les faqih (jurisconsultes), qui dirent « Le fleuve est comme les terres mortes (Cj\j\ al-mawât) si l’entreprise de transport du bois est antérieure à l’établissement des barrages, [les propriétaires de ceux-ci] devront les ouvrir mais si les barrages sont plus anciens, les trans- porteurs du bois ne pourront traverser les barrages qu’avec le consentement de leurs propriétaires. » Asbagh ajoute que la preuve de cette antériorité est à la charge des propriétaires des barrages.

Selon Ibn AI-Hârith, les moulins sont des biens qui se vendent, s’acquièrent par succession et se donnent en paiement comptant des dots comment le lieu où ils sont établis pourrait-il appartenir à la communauté des Musulmans ? S’il en était ainsi, ils ne seraient valablement susceptibles ni de vente, ni d’un autre acte d’aliénation. Cette opinion est celle d’Abû Zaid ibn Ibrâhîm et de Muhammad ibn Yoîisouf ibn Matrûh.

Ibn Mouzain a dit « [Il en est ainsi] lorsqu’il est établi que cela existait auparavant sinon, ils ne pourront passer qu’avec le consentement des propriétaires des moulins. »

{Sahnûn. T. IX, pp. 35-36.)

DES RIGOLES

Une rigole est possédée en commun par des propriétaires de fonds supérieurs et de fonds inférieurs, chaque catégorie de propriétaires irrigant pendant deux jours, à tour de rôle. Lorsqu’ils n’ont plus besoin de l’eau, ils la laissent couler sur les fonds inférieurs, jusqu’à ce qu’elle vienne se jeter dans le grand fleuve. Les propriétaires des fonds inférieurs créèrent alors sur ce cours d’eau un moulin qui fonctionna pendant un certain temps, en dehors de la saison des irrigations. Les propriétaires supé- rieurs ayant voulu, par la suite, créer à leur tour un autre moulin, les propriétaires inférieurs les empêchèrent, alléguèrent le préjudice et invoquèrent leur priorité. Que décider ?

Je ne considère pas cette rigole comme rentrant dans la catégorie des cours d’eau, sur lesquels le premier occupant a le droit de créer un ouvrage. Il n’appartenait à personne de créer en amont ou en aval un ouvrage pouvant être préjudiciable. Quant aux propriétaires des fonds supérieurs, ils ont le droit d’établir un moulin, s’ils le désirent. Ils disposeront ensuite du jour qui leur est attribué, pour faire marcher leur moulin, irriguer et faire ce qu’il leur plaira. Les mêmes droits appartiennent aux propriétaires inférieurs. Mais ils ne pourront procéder au partage de l’eau en deux moitiés, si ce n’est d’un accord unanime.

ÇÎsâ ibn Dinar i. T. VIII, p. 250.)

Les propriétaires d’une rigole ont l’habitude, lorsque la récolte a besoin d’être irriguée, d’y travailler tous, ceux dont la terre est ensemencée et ceux dont le champ ne l’est pas. Aujourd’hui un propriétaire dont le champ n’est pas ensemencé refuse de travailler avec les autres, sera-t-il obligé de les aider ?

Si l’utilité de la rigole n’existe que pour ceux dont la terre est ensemencée à l’époque des travaux, les frais en seront à leur charge exclusivement. Mais si son utilité profite à tous les propriétaires de la rigole, à quiconque s’en servira dans la suite pour irriguer la récolte à toute époque, les frais seront à la charge de tous, mais les propriétaires dont la terre est ensemencée supporteront une part proportionnelle à leur jouissance actuelle et future, tandis que 1. Voy. ci-dessus, p. 4, et ajoutez aux références qui s’y trouvent, le manuscrit arabe de Paris, n° 2103, f” 32 v°, 33 r°, où l’on trouve une notice sur cet auteur.

les autres ne les supporteront qu’au prorata de la jouissance future, car il ne résulte pas [pour eux] de ces travaux une utilité immédiate. Le plus vraisemblable est que cette solution s’applique, que l’eau leur appartienne ou non. Telle est la solution qui s’impose en droit. Mais ils ont, après cela, la faculté de répartir la jouissance de la manière qu’il leur plaît. Au reste, Dieu le sait mieux. (Abû Sa’îd Faradj ibn Lubb. T. VIII, pp. 24-25.) Les habitants d’un village désirent aménager une rigole pour amener l’eau de la rivière qui coule sur leur territoire. Mais à deux milles plus bas que cette prise d’eau [projetée] se trouve une ancienne rigole alimentée par la rivière susdite. Les ayants droit de cette dernière rigole s’opposent au projet des premiers, à raison du dommage qui leur en résulterait. Que décider ?

La création de cette rigole, si elle doit porter préjudice aux ayants droit de la rigole inférieure, sera refusée. Elle ne pourra avoir lieu que du consentement de ces derniers. {Muhammad Al-ffaffâr. T. V, pp. 8-9.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet d’une rigole amenant les eaux d’une rivière, comme il en existe autour de tous les villages. Mais, [dans ce village spécialement], on avait l’habitude, au moment de l’irrigation, de prendre en considération les terres ensemencées en été et en automne, et l’on partageait l’eau de la rigole entre toutes les terres ensemencées. Quant aux autres, on ne leur attribuait aucune part dans l’eau, contrairement à l’usage admis partout, puisqu’il est d’usage, dans les autres villages, que le partage de l’eau se fait entre toutes les terres du village, chacun ayant sa part, qu’il ait ou non semé. Que décider?

La rigole qui amène l’eau de la rivière n’est la propriété de personne, chacun n’a que le droit de s’en servir pour irriguer celles de ses plantations, en arbres ou autres, qui en ont besoin. De sorte que, ceux de la région [qui ont cultivé] prendront l’eau nécessaire pour irriguer leur culture, tandis que ceux qui n’ont rien ensemencé ne prendront aucune part dans l’eau, du chef de la terre dont ils sont propriétaires, car à cette époque ils n’ont pas de récolte sur pied. Seul peut avoir droit à l’eau et en disposer par vente ou autrement, celui qui en est propriétaire, parce qu’il l’a achetée en même temps que le fonds, ou celui qui a une source d’eau qui a jailli dans sa propriété, ou par tout autre mode d’acquisition.

L’eau de la rivière, au contraire, n’est sujette au droit de propriété de personne. On s’en sert simplement pour irriguer chacun à son tour, en commençant par le premier et ainsi de suite, conformément à ce qui est établi par la sounna (tradition) et la coutume pratiquée par les hommes. Or, l’usage suivi dans le village dont il est question est un bon usage, qui est du reste suivi dans la capitale. Nul ne peut s’en écarter.

(Abû lAbd ‘Dieu Muhammad Al-Haffâr.

T. V, pp. 7-8.)

De quelle manière ceux qui ont un droit à une même rigole doivent-ils irriguer ?

Selon les règles posées par le Prophète en matière d’eau, on irrigue d’abord les fonds supérieurs, puis ceux qui viennent immédiatement après, et ainsi de suite. Cette règle ne s’applique d’ailleurs qu’à l’eau qui n’est sujette à aucun droit de propriété de la part de personne, comme l’eau des torrents et les autres eaux analogues. Ainsi, quand la pluie tombe, le propriétaire du fonds su1. Cf. Bokhâbî, les Traditions islamiques, trad. Houdas et Marçais, Il, p. 105, chapitre VII.

périeur peut l’amener par des rigoles sur son terrain pour les besoins de l’irrigation. Quand il aura pris le nécessaire, le propriétaire du fonds inférieur amène l’eau sur son terrain dans les mêmes conditions. Le droit à l’eau appartient d’abord au propriétaire du fonds supérieur, puis à celui qui vient immédiatement après lui, de la même manière.

Mais les habitants d’un village qui aménagent un canal amenant l’eau de la rivière, ne sont pas soumis à ces règles leurs droits sur cette eau sont égaux, et ils irriguent conformément à l’usage suivi par eux. En pareil cas, le propriétaire du fonds inférieur peut irriguer avant le fonds supérieur ou inversement, dans la mesure des besoins de chacun.

(Abû ‘Abd Allah Muhammad Al-Haffdr. T. V, p. 8.)

QUESTIONS DIVERSES

Quelques individus possèdent un barrage et, celui-ci s’étant rompu, ils se mirent d’accord pour le réédifier, en sorte que chacun d’eux construisit une certaine longueur [du barrage]. Puis la partie construite par l’un d’eux s’écroule. La reconstruction de cette partie est-elle à la charge de tous ou seulement à la charge du constructeur ? a

Si les individus qui ont la jouissance de l’eau sont cinq, par exemple, et s’ils désirent construire le barrage, après se l’être réparti, cela n’est permis que si l’ouvrage est exactement partagé. Cette condition étant remplie, si, après la construction, l’ouvrage de l’un d’eux s’écroule, son rétablissement sera à la charge de tous, et non à la charge de celui dans le lot duquel il se trouve car ce partage n’est pas un partage exclusif, mais un partage de besogne relativement au temps [où elle doit être faite]. Or, l’ouvrage de chacun d’eux équivaut à celui de l’autre, quant au temps. Par conséquent si une partie vient à être rompue, il est obligatoire que le travail qu’elle nécessite soit égal pour tous. Réfléchissez-y, car c’est une solution élégante.

élégante. (Anonyme. T. VIII, pp. 22-23.)

Un aqueduc amenant l’eau à des vergers s’écroule. La contribution à sa remise en état aura-t-elle lieu proportionnellement à l’utilité [que chacun en retire], en se basant sur la contenance de la terre, ou sur la valeur estimative des biens ?

C’est d’après l’utilité que chacun en retire. La remise en état se fera en commun. La conciliation et les concessions réciproques entre les divers intéressés sont préférables et plus profitables.

ÇAbd Al-HamîdAs-Sâïgh. T. VIII, p. 30.)

Les habitants d’un village amenèrent l’eau pour leurs propres besoins au moyen d’un canal souterrain, auquel ils firent traverser un jardin appartenant à l’un d’eux. Le propriétaire dudit jardin prenait, comme les autres, l’eau nécessaire à sa boisson et à l’irrigation d’une partie de son jardin. Puis ce propriétaire partagea son jardin en parcelles et les vendit; des maisons y furent construites. Les habitants desdites maisons voulurent amener chacun chez lui l’eau dont il avait besoin. Mais les habitants du village s’y opposèrent, à raison de ce que l’eau diminue- rait chez eux et aurait un débit plus faible. Les habitants des maisons nouvellement construites ont-ils droit à l’eau en question, du chef de leur vendeur ? Éclaircis-nous la réponse à ce sujet, puisse Dieu rendre ta récompense considérable

J’ai lu ta question, Que Dieu nous fasse miséri-corde ainsi qu’à toi! et j’en ai pris connaissance. Les habitants des maisons nouvellement construites ont le droit de prendre de l’eau dans la mesure du droit de leur vendeur, et ils se partageront cette eau proportionnellement à leurs parcelles, pourvu que le propriétaire leur ait vendu l’eau [comme accessoire]. Mais si la vente a eu lieu sans qu’il y ait eu aucune stipulation à cet égard, le propriétaire de la parcelle traversée par le canal aura droit à la quantité d’eau qui lui revient, tandis que le vendeur conservera tout le reste de l’eau qui lui est due, pour en faire ce qu’il lui plaît, en la vendant, en la donnant ou en la concédant comme servitude bénévole à qui il lui plaît.

Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance. (Ibn Rushd. T. VIII, pp. 248-249.) DU DOMAINE

La distinction entre le domaine privé du Souverain et le domaine public, dont il a seulement la gestion, ne semble pas avoir été nettement aperçue par les jurisconsultes musulmans. Ceux-ci parlent confusément des biens du bait almâl {Trésor public), des biens de l’Imâm (le Souverain), des. biens du makhzen, sans marquer les différences qui distinguent ces diverses catégories de biens. C’est que, pour certains d’entre eux, le Souverain, à raison même de son pouvoir illimité, qui lui permet de transgresser le droit, n’a pas de domaine propre; ses biens sont considérés comme appartenant au bait al-mâl i, c’est-à-dire à la communauté des Musulmans. Aussi, lui dénient-ils le droit d’en disposer autrement que pour la jouissance, n’étant pas lui-même propriétaire.

D’autres, au contraire, avec plus de raison, distinguent entre les biens du domaine privé du Souverain et les biens du bait al-mâl 2. Sur les premiers, le Souverain a tous les droits qu’un propriétaire possède sur sa chose; il peut les donner à bail, les aliéner gratuitement ou à titre onéreux. Sur les seconds, il n’a que des droits limités, en tout cas jamais le droit de les aliéner ou de les donner. Il peut cependant les concéder à litre viager, ou même héréditaire, selon cer1. Voy. infra, p. 309.

2. Voy. infra, p. 310.

tains auteurs, pour récompenser le zèle des serviteurs du makhzen.

Toutes ces questions relatives au domaine public et aux pouvoirs du Souverain sur les biens de ce domaine, sont de la plus grande importance et méritent une étude approfondie, d’après les sources arabes et la pratique suivie dans les pays musulmans. C’est assez dire qu’un pareil sujet ne saurait être complètement traité dans le peu de place que nous pourrions lui consacrer ici. Peut-être, en ferons-nous un jour l’objet d’un travail distinct, où rentreront les matériaux que nous avons déjà réunis sur celle intéressante question.

DU DOMAINE

Est-il permis de vendre les vignobles plantés en terre de djazâ (*lj?- terre du makhzen concédée moyennant redevance foncière), étant donné que la coutume est de maintenir la plantation ? Par quel biais peut-on vendre valablement ces vignobles, vu que la terre appartient au Sultan et la plantation au planteur, et que cette plantation est grevée d’une redevance au profit du Sultan, à raison du sol ? Est-il permis à quelqu’un de faire le premier une plantation sur cette terre, malgré le caractère de location sans délai déterminé? Et d’ailleurs, l’auteur de la plantation supportera-t-il jamais le prix de location, étant donné que l’usage est que le vignoble demeure sur pied, jusqu’à ce que l’auteur de la plantation quitte après une année, ou deux, ou dix, et c’est alors seulement que le vignoble est grevé de la redevance ?

Pour ce qui est de la question des vignobles plantés en terre domaniale, et vendus, alors que l’usage est de maintenir dans ce cas la plantation, les opinions qui tolèrent quelque peu cette opération se réduisent à trois. Leur désaccord est exposé à la fin de la première moitié du livre intitulé Nawâzil Ibn Sahl1. La première opinion est 1. <• Cas juridiques d’Ibn Sahl.

celle qu’Ibn Sahl a annexée à l’ouvrage d’Ibn Al-Mawwâz à savoir, que celui qui construit sur le terrain du Sultan, à charge de lui payer le loyer, peut vendre la construction debout. Dans ce cas il arrive que le Sultan augmente le loyer [dû par l’acquéreur]. Ceci est permis, lorsque le concessionnaire a vendu la construction, sans stipuler un loyer déterminé, ni dire [à l’acquéreur] je mettrai ton nom à la place du mien [dans l’acte de concession]. D’après Muhammad, cela ne s’applique qu’à la terre du Sultan qui n’est pas susceptible d’être retirée à celui qui y a construit. Il en est de même2 de celui qui y fait une plantation. Hors de ce cas, il n’est pas permis au vendeur 3 d’aliéner la construction ni une partie quelconque de celleci, en aucune façon. La raison en est, dit le qâdf Yazîd, que le concessionnaire de la terre a droit au paiement de la valeur estimative de la construction démolie 4. La deuxième opinion est celle qu’Ibn Sahl a puisée dans l’ouvrage intitulé al-wathûïq 5, d’Ibn Aboù Zamnîn, au sujet de la question suivante Lorsqu’un individu prête à un autre une parcelle de terre pour y élever une construction, et que ce dernier veuille ensuite vendre sa construction à un autre que le propriétaire de la parcelle, cela est permis, d’après Ibn Al-Qâsim. Le propriétaire de la parcelle a ensuite le droit de payer à l’acheteur la plus faible des deux sommes, soit la valeur estimative des matériaux, soit le prix moyennant lequel il a acquis la construction e.

1. C’est l’ouvrage qu’il composa sur la Mudawwana, et qui est connu sous le nom de Kitdb Ibn Al-Mawwâz. Cf. IBN AL-FARAD, op. cit., I, pp. 12.0, 370, et le manuscrit arabe de Paris n° 2103, f« 33 v°. Cet auteur mourut à Damas en 269.

2. Lire dlU-Sj, au lieu de dlls j.

3. C’est-à-dire le concessionnaire.

+. Lorsque la concession lui est retirée.

5. Formulaire d’actes judiciaires et extra-judiciaires.

6. Comparez l’art. 555 du Code civil.

D’autres auteurs qu’Ibn Âl-Qâsiin, dit Ibn Abû Zamnîn, ont été d’avis que cette solution n’est pas permise, à moins que l’immeuble ne soit vendu à raison d’une dette qui grève le propriétaire de la construction; cette vente serait alors permise, à cause de la nécessité d’éteindre la dette.

Dans le cas où l’immeuble est vendu à raison d’une dette, la formule de l’acte qui intervient est la suivante « Un Tel fils d’Un Tel a acheté d’Un Tel fils d’Un Tel la totalité des matériaux et de la construction que celui-ci a élevée sur le sol de la boutique située à tel endroit et dont les limites sont. Précédemment, Un Tel avait autorisé « Un Tel à construire sur cette parcelle une boutique, d’après tel plan. Lorsque ce dernier eut construit et achevé la boutique, il fut atteint d’une dette à laquelle il ne trouva pas d’autre solution 1 que la vente de cette construction et des matériaux.

« En conséquence, il en a proposé la totalité à Un Tel, le propriétaire du sol, et lui a donné l’option de lui rembourser la valeur estimative, ou de lui laisser les mains libres de vendre ledit immeuble. Le propriétaire du sol lui a alors donné l’autorisation de le vendre et d’en faire ce qu’il lui plaira. Là-dessus, il vendit la construction à Un Tel, moyennant tant et tant, qu’il a reçu de lui, lui remit la totalité de la chose vendue et décrite ci-dessus, l’y installa et l’y fixa. L’acheteur a sur la jouissance, l’habitation et le pouvoir de louer ladite boutique, les mêmes droits que ceux qui appartenaient au vendeur, jusqu’au jour où le propriétaire du sol voudra le congédier. Il aura alors, à ce sujet, la situation que comporte la sounna (loi traditionnelle). Le reste de l’acte est selon la forme habituelle. »

Cette formule a été copiée ainsi d’après Ibn Aboù Zam1. Je prends ce mot dans son sens latin.

nîn, par l’auteur d’al-ivathâïq al-madjmû’a (recueil d’actes), qui a rapporté aussi l’opinion d’Ibn Al-Qâsim et l’opinion des autres jurisconsultes. Il a mentionné l’argumentation sur laquelle s’appuie l’opinion de ceux qui, contrairement à Ibn Al-Qâsim, prohibent la vente pour toute autre cause que la dette. C’est que, d’après ces auteurs, l’acheteur ne sait pas ce qu’il a acheté est-ce la valeur estimative de la construction debout], ou les matériaux ? Mais Al-Lakhmî a indiqué la réfutation de cet argument, en disant « Nous trouvons dans la loi une situation analogue, où elle autorise la vente. En effet, la parcelle indivise, qui est soumise au retrait d’indivision(shouf’a)., peut être vendue moyennant des choses mobilières (autres que l’or et l’argent), sans que l’acheteur sache si ce qu’il a acheté est une part indivise ou la valeur des choses mobilières.

« Les auteurs ont également mentionné des situations semblables, où la prohibition existe pour la raison susdite. C’est ainsi que le communiste qui vend sa part dans l’esclave, après que son copropriétaire eut affranchi sa part, étant d’ailleurs lui-même dans l’état de solvabilité, fait une vente qui n’est pas valable’. Mais la question de la construction a plus d’analogie avec celle du retrait d’indivision, exposée ci-dessus. »

L’argumentation sur laquelle s’affirme chacune de ces deux opinions est exposée avec finesse dans l’ouvrage intitulé An-Nawûzil d’Ibn Al-Hâjj. Le passage à retenir de ce qui précède est l’opinion contraire à celle d’Ibn AIQâsim, et qui admet la possibilité de la vente avec condition de maintenir [la construction ou la plantation], lorsque cette condition est expressément stipulée, ainsi que cela se trouve dans l’acte ci-dessus relaté, et où il s’agissait d’éteindre une dette. Et il n’y a aucun doute que, dans cet 1. Car l’affranchissement doit être complété.

acte, la dette n’est pas visée exclusivement comme seul cas de nécessité; elle n’est qu’un cas-type en cette matière. Car, le besoin pour l’homme de se nourrir, de se préserver du mal, en ce qui touche son vêtement et la subsistance de sa famille, est plus impérieux, comme nécessité, que [l’extinction de] la dette. Ce qui vient à l’appui de cette thèse, c’est qu’Ibn Sahl a rapporté cette opinion au début de l’exposé de la question, en ces termes « II n’est pas permis de la vendre [la construction], si ce n’est en cas de nécessité, pour cause de dette ou autre motif analogue; dans ce cas, la vente est permise. Par les mots « ou autre motif analogue », l’auteur fait allusion à des situations semblables à celles dont il a été question précédemment.

C’est aussi dans le même sens que cette opinion est copiée par Al-Barâdi’î1 dans son Commentaire et ses compléments à la Mudawwana, quand il rapporte la prohibition [dont les auteurs frappent cette sorte de vente] en s’appuyant sur le même motif en ces termes « C’est aussi l’opinion d’Ashhab, qu’il a donnée d’après Mâlik. Sahnûn a dit que cette opinion est préférable à celle d’Ibn Al-Qâsim, à moins que l’immeuble ne soit vendu en cas de nécessité pour cause de dette, ou autre motif analogue dans ce cas, la vente serait permise à raison de la nécessité. »

Cette nécessité, d’ailleurs, le vendeur a une grande latitude de l’alléguer, comme le prouve l’acte dont la teneur 1. Cet auteur est très connu et très souvent cité. Malgré cela, je ne trouve sa biographie nulle part. Il est de Saragosse et vivait à la fin du quatrième siècle de l’hégire. Je n’ai pu cependant retrouver sa trace dans IBN Al-Farat>î, IBN BashkouÂl, ni IBN Al-Abb£r. Il composa son ouvrage Af-Tahdfitb, en 372 (= 982). Cf. BARGÈS, Compléments à l’hisloire des Beni Zegân, p. 309 et Brockeumnn, Litt., I, 178, où il faut supprimer le mot Al-Baghdâdht, car la nisba de cet auteur est As-Saraqoustt. Cf. Maqqarî, Nafh at-ttb, 11, 122, où un grand éloge est fait de cet ouvrage d’Al-Barâdi’î. On trouve aussi une notice sur cet auteur dans le manuscrit n° 2103 de Paris, f’ 37 v, mais sans aucune date.

a été relatée ci-dessus, et où le cas de nécessité n’est pas compris dans la déposition des témoins, mais seulement indiqué à titre énonciatif.

Quant à l’opinion que l’on attribue à Ibn Al-Qâsim, relativement à la licéité de la vente de la surface, c’est celle qui est consignée dans la Mudawwana. L’opinion de Mâlik se trouve également, en ce qui concerne la terrehabous, dans le livre consacré à la shouf’a (retrait d’indivision), dans la Mudawwana.

La troisième opinion est celle que rapporte l’auteur 1 de l’ouvrage intitulé An-Nawâzil, ci-dessus indiqué, d’après le qâdî Ibn Zarb, et qui est extraite de la discussion que ce dernier eut avec Ibn Dalihûn 2. Ibn Zarb s’était opposé à la vente des immeubles élevés sur la terre du Sultan, attendu qu’il est de notoriété que, n’était l’espoir de conserver la construction debout sur le sol, l’acheteur n’en aurait pas donné le prix qu’il l’a payée. « Et si, répondit alors Ibn Dahhûn, le propriétaire de la construction vendait celleci, en stipulant contre l’acheteur [qu’il la démolirait]3! » Ibn Zarb sourit et lui dit « C’est là une ruse dont les gens useraient s’ils en avaient connaissance » IbnSahl ajoute « L’opinion d’Ibn Zarb est donc que cette vente est permise, lorsque le vendeur stipule que la construction serait démolie. »

Cette interprétation qu’Ibn Sahl donne des paroles d’Ibn Zarb est sujette à examen, attendu que les mots « Ceci est une ruse, etc. » n’impliquent pas, dans la pensée d’Ibn Zarb, la licéité de cette vente au point de vue légal. Cela implique seulement que la vente, dans ce cas, semble 1. Ibn Sahl.

2. Aboù Mouliammad ‘Abd Allah b. Yahyâb. Ahmad Al-Oumawî, connu sous le nom d’Ibn Dahljûn, jurisconsulte et mufti malékite de Cordoue. Il mourut le vendredi 6 Mouharram 431 (= 28 septembre 1039). Ibn Zarb, avec lequel il a eu la discussion dont il est question au texte, était précisément son maître. Cf. InN BashkouAl, Kilâb as-silâ, notice 586. 3. Mais sans exiger ensuite de lui la démolition stipulée dans la vente.

valable, en sorte que le juge s’abstiendra de l’attaquer. Mais il reste toujours l’augmentation du prix qui est l’œuvre des deux parties et cet espoir [de l’acheteur] demeure entaché de prohibition comme auparavant.

Il n’est pas question, dans la Mudawwana, de démolition il n’y est fait mention que de la vente de la construction et des matériaux, sans augmentation de prix. Aussi la Mudawwana comporte-t-elle les deux interprétations. Quant à la question que vous posez au sujet de celui qui fait le premier une plantation dans la terre du Sultan, malgré le caractère de location sine die de ce contrat, et sans qu’il sache à quelle époque le loyer sera imposé, cette imposition étant subordonnée à la sortie de celui qui a mis la terre en valeur, je dis que celui qui a planté le premier n’est pas un usurpateur vis-à-visdu propriétaire du sol, parce qu’il sait que le propriétaire autorise cette plantation, conformément à la coutume en usage. Cela constitue une autorisation, connue grâce à l’usage, et équivalant à une autorisation explicite. Mais il reste l’intérêt de la loi, en ce qui touche la nature de cet acte, lequel renferme trois particularités qui semblent s’opposer à sa validité. La première de ces particularités, c’est le fait de s’engager à payer un loyer actuellement indéterminé. En plantant cette terre, l’auteur de la plantation se trouve obligé au loyer de cette terre, dans la mesure que fixera celui qui l’a mise en valeur; et cela varie selon l’appréciation de ce dernier, au moment où il quitte la terre, et selon les années. La deuxième, c’est l’engagement initial à une chose indéterminée puisque le loyer devient obligatoire dès qu’il est imposé. C’est que, souvent, le concessionnaire escompte les lenteurs de l’imposition, et c’est dans cet espoir qu’il fait la plantation. Il se trouve alors pris au dépourvu. 1. Et à laquelle l’acheteur a consenti dans l’espoir qu’il conservera la construction ou la plantation debout.

La troisième est l’indétermination du délai de la location et de sa limite, puisque le preneur ne s’engage pas d’après un délai déterminé.

Ces raisons comportent la prohibition d’adopter ce contrat dès le début. D’ailleurs Ibn Al-‘Attâr et d’autres ont mentionné cette troisième particularité comme un empêchement à la vente des matériaux et des constructions, lorsque l’acheteur s’engage à payer au Sultan la redevance foncière, mois par mois car, dit Ibn Al-‘Attâr, il n’est permis de s’engager au paiement du loyer que pour un délai déterminé. Cette thèse n’est pas contredite par l’acte dont la teneur a été relatée ci-dessus, et qui fait partie des formules d’actes d’Ibn Abû Zamnîn. En effet, cet auteur ne déclare pas que le sol de la boutique, bien qu’il ait fait l’objet d’une autorisation d’y construire, a été livré moyennant l’engagement de payer un loyer. Il mentionne seulement, au début, l’autorisation accordée à titre de prêt, et bâtit ensuite l’acte en question sur cette hypothèse. L’auteur de la construction a vendu de manière à ce que l’acheteur fût placé en son lieu et place. Celui-ci ne doit donc rien au propriétaire du sol, tant que durera sa construction sur ce sol.

Dans ces conditions, notre question des vignobles plantés en terre domaniale, reçoit sa solution en la rapprochant de l’espèce d’Ibn Aboù Zamnîn, concernant la licéité de la vente, attendu que le loyer, qui est prohibé légalement, se rencontre dans notre espèce, tandis qu’il fait défaut dans l’espèce d’Ibn Aboù Zamnin1. L’analogie est donc écartée.

Il ne nous reste donc plus, dans cette espèce, pour nous raccrocher à une interprétation qui admette l’autorisation de la vente, que les paroles d’Ibn AI-Mawwâz, que l’au1. La vente des vignobles en question est donc prohibée, par suite de l’argument a contrario tiré de l’espèce d’Ibn Aboù Zamnin.

teur des Nawâzil a rapportées d’après lui, ainsi qu’il a été expliqué au début.

En effet, l’acheteur s’est engagé à payer au Sultan le loyer de sa terre; il est donc indispensable qu’il soit dans la même situation que son vendeur. Or, celui-ci ne connaissait ni le montant du loyer, ni la durée de la location, et la terre ne pouvait pas lui être retirée, tant que durerait la construction, à cause de la coutume en usage1. Mais le premier constructeur ou le premier auteur de la plantation ne sont pas assimilables à l’acheteur, les premiers ayant identiquement les mêmes droits qu’un propriétaire possède sur sa propriété dès que la construction ou la plantation est faite, contrairement à ceux qui leur succèdent, car, dans ce dernier cas, le caractère de nécessité n’existe en aucune façon c’est là une différence appréciable. Ne vois-tu pas d’ailleurs qu’Ibn Al-Mawwâz a suivi l’opinion qui admet cette solution contrairement à l’opinion d’Ibn Al-Qâsim ? De sorte que les paroles d’IbnAl-Mawwâz: « Et lorsqu’il construit! » supposent que le constructeur en a préalablement informé, bien que ce ne soit pas en vertu d’une autorisation contenue dans la loi.

On peut objecter aussi que les jurisconsultes ont permis, d’après l’une des deux opinions exprimées dans la doctrine, le louage par consentement réciproque, l’un des contractants consentant à donner le salaire que l’autre demandera, celui-ci à accepter ce que l’autre lui en don1. Le raisonnement d’Ibn Al-Mawwâz se résume dans l’assimilation de l’acheteur au premier concessionnaire de la terre, son vendeur. Or, d’après l’usage, le premier concessionnaire ne paie pas de loyer tant que ses constructions ou plantations sont debout l’imposition de la redevance n’intervient qu’après son départ, et, à ce moment, l’acheteur qui lui succède peut valablement s’engager à un loyer indéterminé, puisqu’il prend exactement les lieu et place du vendeur, et que celui-ci, par hypothèse, ignore la quotité du loyer et la durée pendant laquelle il doit être payé. Il y a, pour ainsi dire, un élément aléatoire, que le vendeur transmet à l’acheteur, avec tous ses droits et toutes ses charges.

nera, sans qu’il y ait engagement d’après un salaire fixé préalablement. Gela est permis par l’auteur de la’Outbiyya, mais désapprouvé par Ibn Habib, qui ajoute « Je ne vais pas cependant jusqu’à le déclarer illicite. »

Cette idée peut trouver son application dans notre question, parce que le preneur [de la terre domaniale] paie la redevance qui lui est imposée, sans élever de contestation à son sujet. Et cette redevance arrive parfois à être connue approximativement ou avec une différence minime en plus ou en moins, grâce à l’usage général suivi à l’égard de la terre de cette catégorie.

On peut répondre aussi, en ce qui touche l’indétermination de la durée de la location, que l’habitude est de maintenir le locataire dans sa jouissance tant que lui-même maintient sa plantation dans la terre; [c’est donc dans cette mesure] qu’il s’est obligé à la location.

Examinez, dans la ‘Oidbiyya, la treizième des questions relatives au louage des maisons et des terres. Il s’agit d’un homme qui loue pour une ou plusieurs années, à condition de quitter quand il lui plaît; et cela est déclaré permis par la ‘Outbiyya. Voyez aussi les observations d’Ibn Rushd sur cette question, la citation qu’il fait de l’opinion de Sahnûn admettant la prohibition, ses observations là-dessus, tout cela dans la première question du livre consacré aux montures et aux bêtes de somme dans la ‘Outbiyya.

Quant à l’indétermination au début de l’imposition, elle est sans gravité, dans notre question, car celui qui tire profit de la terre d’autrui, en y faisant des constructions ou des plantations, doit légalement la contre-valeur de cette jouissance c’est à cette condition qu’il est entré en jouissance, dès qu’il a commencé à tirer profit de cette terre. De sorte que la jouissance antérieure à l’imposition est une donation, dont on n’a pas déterminé la durée. Or, l’indétermination n’est pas prohibée dans les actes à titre gratuit.

Ce que je viens de dire, c’est à titre de supposition que la chose est licite, et non pour trancher par là le débat dans le sens de la licéité. C’est que, lorsqu’un usage s’établit parmi le peuple et remonte loin dans sa coutume Çourf), il convient de lui chercher une issue légale, autant que faire se peut, en l’appuyant sur un désaccord ou sur une unanimité, attendu qu’il n’est pas indispensable que la pratique se rattache à une doctrine déterminée ni même à une opinion très répandue, surtout que l’on va jusqu’à dire que le sens apparent des paroles d’Ibn AIMawwâz ci-dessus rapportées, est le caractère licite de la construction et de la plantation faites au début, malgré l’ignorance de la durée de la location, ou malgré la prise en charge d’une redevance qui peut varier en plus ou en mains, ainsi que le dit Ibn AI-Mawwâz.

(Abû SatdFaradjibn Lubb. T. VIII, pp. 231-235 J.) Le Sultan donne un village (\J*, qaria) à un individu, en retour d’un autre village que celui-ci lui a donné, dans une autre région. A l’intérieur et à l’extérieur du village donné par le Sultan, se trouvent des terrains qui n’ont jamais fait l’objet d’un droit de propriété en faveur de personne, mais étaient considérés, depuis qu’ils ont existé, comme appartenant au makhzen.

Cet individu vend les terrains en question à diverses personnes, comme le fait un propriétaire sur sa propriété. Les acheteurs y élèvent des constructions, font des plantations, et ces terrains passent par les mains de plusieurs propriétaires successifs. Puis le Sultan ayant retiré ce village à celui qui l’avait, après de longues années, le donne à bail à un wâlt (gouverneur), qui, ayant eu connaissance 1. Nous n’avons élagué de cette fatwa qu’un très court passage, qui nous a semblé sans utilité pour l’intelligence de la question.

de la vente desdits terrains par celui qui possédait le village, prétend que le makhzen est l’associé de quiconque détient un jardin, une maison ou une boutique (planté ou construits sur ces terrains).

Que décider, si le deuxième (troisième ou quatrième) acheteur prétend avoir ignoré que son vendeur a acquis la propriété du possesseur du village, et qu’il l’ait su réellement au moment de l’achat ?

Doivent-ils se restituer les prix, les uns aux autres, comme en matière de revendication (JjU»^*»l istifyqâq), ou considérer cette [prétention du makhzen] comme un malheur [qui frappe le propriétaire actuel] ? Y

Si les contrats passés par le possesseur du village, relativement aux terres du makhzen, ont été ratifiés par le Sultan, nul ne pourra y contrevenir, au détriment des acheteurs. Si le Sultan les dénonce, il y aurait restitution réciproque des prix. Celui qui aura élevé une construction ou fait une plantation sur ces terrains, en aura la valeur estimative, d’après l’état des constructions ou des plantations debout. Les fruits appartiennent aux acheteurs, à raison de la présomption [de bonne foi] qu’ils ont. Aucun mdll [gouverneur] ou autre personnage, en dehors du Sultan, n’a le droit d’examiner ce cas, pour résilier les contrats conclus, ou s’y déclarer associé pour une part quelconque, petite ou importante.

(Abû-l-tfasan As-Saghîr. T. V, pp. 35-36.)

Un individu vend tout ce qu’il possède, en fait de matériaux ou de constructions se trouvant sur un sol appartenant au makhzen. Préalablement, il a été donné à l’acheteur connaissance des vices dont ces objets étaient atteints; il les a acceptés, et la vente a été conclue entre les deux contractants à ces conditions. Puis, après deux ans ou un délai qui en approche, l’acheteur découvre, dans la cour de la maison, un égout de latrines qui la traverse. Cet acheteur désire conserver la maison et recourir pour la valeur du vice [contre le vendeur], étant donné d’ailleurs que ni lui, ni le vendeur n’avaient connaissance de l’existence de cet égout, au moment de la vente. Que décider ? P

L’achat de la surface des maisons qui paient le djazâ (redevance foncière due au makhzen) n’est valable, dans la doctrine d’Ibn Al-Qâsim et de ceux qui partagent son opinion, que s’il est conclu sous la condition de la démolition et non sous la condition du maintien. On rapporte, cependant, d’après Ibn Al-Mawwâz, qu’il est permis d’acheter ces maisons, sous la condition de les laisser debout. Aussi, d’après la doctrine du premier groupe, l’acheteur n’a pas de recours pour un vice qu’il découvrirait dans le sol. Bien mieux, un auteur, qui s’est occupé de la rédaction des actes, dit que celui qui fait mention des vices du sol et les stipule dans l’acte de vente, est un ignorant, car cette stipulation, aux yeux des faqîh, indique que les parties se proposent le maintien [des constructions], ce qui n’est pas permis.

Au contraire, d’après l’opinion attribuée à Ibn Al-Mawwâz, qui admettait la possibilité de vendre ou d’acheter [la surface] sous la condition du maintien, opinion en conformité de laquelle la pratique s’est probablement établie parmi les gens, depuis une époque reculée jusqu’à ce jour, et que certains faqih tirent des paroles d’Ibn Sahl, d’après cette opinion, on distingue deux cas 1° Ou bien on considère les termes mêmes de l’acte, et alors la chose qui est vendue, c’est la surface, laquelle n’est pas entachée de vice. Aussi, le prix touché l’a-t-il été, en réalité, en échange de la surface, non en échange d’autre chose. Il ne peut donc y avoir de recours, contre 1. Ce mot est pris dans le sens juridique qu’il a en droit français.

le vendeur, en vertu d’un vice du sol, parce qu’il ne l’a pas vendu et n’a rien touché en échange de ce sol, puisqu’il constitue une propriété d’autrui et non la sienne. Comment alors recourir contre lui en vertu du vice d’une chose dont il n’a pas la propriété, et en échange de laquelle il n’a reçu aucune contre-valeur, aucun prix ? 2° Ou bien on considère le but que les gens poursuivent généralement dans les ventes de cette sorte, et alors il n’y a aucun doute qu’ils n’achètent la surface moyennant les prix qu’ils y mettent, que sous la condition de la maintenir, non de la démolir. En même temps, ils se proposent de tirer parti du sol dont ils paient la redevance au propriétaire. Il semble même qu’ils augmentent le prix proportionnellement à l’augmentation des utilités qu’ils retirent de ce sol. En conséquence, si ces utilités sont indispensables, visées tout particulièrement, comme le puits, par exemple, dans ce cas on admet parfois le recours à cause de l’augmentation du prix de la surface de ce chef.

Mais, si l’utilité [ou le vice] est cachée, comme dans l’espèce présente, et n’est pas de nature à se présenter à l’esprit pour déterminer, en conséquence, une augmentation ou une diminution du prix, dans ce cas, il ne convient pas de recourir en vertu du vice l’acheteur aura seulement le choix d’agréer le sol malgré son vice, ou d’enlever ses matériaux.

(Anonyme. T. VI, pp. 227-228.)

Le Sultan du Maroc Aboù-1-Hasan a a concédé à tous les héritiers d’un certain Abû-l-‘Alâ toutes les propriétés laissées par celui-ci à Fâs et à Tâzâ, tant à l’intérieur qu’à 1. Aboù-1-Hasan ‘Ali b. Abi Sa’îd ‘Outhtnàn AI-Marînî, sultan du Maroc de 731 à 749 (= 1331 à 1348). Cf. STANLEY LANE-POOLE, op. cil., p. 57 et Ibn Al-Qadî, Djadhwal al-iqtibâs, p. 291.

l’extérieur de ces villes, afin qu’ils en retirent tous les avantages et toutes les utilités, sans pourtant en aliéner quoi que ce soit, par vente ou par tout autre mode d’aliénation, ainsi que cela est ordonné dans la décision impériale susmentionnée. Les héritiers en question ne cessèrent pas de jouir de ces propriétés et de les exploiter de toutes les manières, la part des mourants passant à leurs héritiers conformément à la loi. Ils demeurèrent ainsi jusqu’au jour où l’un d’eux eut l’idée de laisser par testament la recommandation de donner, après sa mort, le tiers de toute sa succession, en choses importantes ou de peu de valeur, à un homme qui lui est étranger et n’ayant aucun droit de succession sur lesdites propriétés. Cet étranger, à son tour, vint trouver certains des héritiers et leur prit à bail des terrains faisant partie de la succession d’Abû-l-‘Alâ susnommé, pour une durée de cinquante ans, moyennant une redevance qu’il paierait à la fin de chaque année de la dite période. Mais un des héritiers d’Aboù-1-Alâ lui contesta la disposition testamentaire et le bail susindiqués,. en disant que le de cujusn’avait pas le droit de disposer par testament, et que le bail en question n’est pas valable. Que pensez-vous de cette affaire ? La disposition testamentaire faite en faveur de l’étranger est-elle valable, ou ne l’est-elle pas, parce que la disposition par testament est une aliénation, alors que la décision du Sultan prescrivait de ne pas aliéner de quelque façon que ce soit ? Le bail est-il valable, quand il s’applique aux propriétés en question, pour une durée aussi longue et qui ressemble à une vente, étant donné de plus que certains des héritiers la majorité n’ont pas ratifié le bail au profit du preneur, que d’autres sont absents de la ville où la location a eu lieu et que d’autres enfin sont mineurs en tutelle? Les héritiers qui n’ont pas ratifié le bail peuvent-ils exercer le retrait (shouf’a,À£), vu que les propriétés sont en indivision entre eux, conformément à l’opinion rapportée par Ibn Yûnous,d’après Ibn Al-Mawwâz, dii près Ashhab, qui reconnaît le droit de retrait en matière de location, surtout dans l’espèce présente, où ce bail est si long qu’il ofl’re beaucoup d’aléa ?

Si le défunt qui a laissé les propriétés en question, était un fonctionnaire percepteur des finances, toute sa succession ne pourra être héritée de lui; elle sera seulement à la discrétion de celui qui est chargé de gérer le baila/mâl (Trésor public). S’il décide que seule la jouissance appartenait au défunt, et que celle-ci passe, pour les propriétés qu’il a laissées, à ses héritiers, cela ne constitue pas une attribution de propriété.

Les dispositions testamentaires faites par un individu ne s’appliquent qu’aux biens dont il avait la propriété; or, le disposant dont il s’agit n’avait que la jouissance de la part qui lui revenait dans les biens en question. Cette jouissance passe donc à ceux à qui elle a été donnée par qui de droit.

Si cela est établi, et s’il est établi aussi que les héritiers prennent possession des biens en vertu de la décision impériale sus mentionnée, et non en vertu d’un droit successoral, le bail, s’il a été conclu pour cinquante ans au comptant, est nul et sera infirmé, selon Ibn Rushd. S’il n’a pas été conclu au comptant, ce même jurisconsulte rapporte, sur ce point, deux opinions et reconnaît comme étant la meilleure celle qui admet l’annulation du bail. Au demeurant, Dieu le sait mieux que personne. (Ahmad Al-Qabbâb. T. V, pp. 254-255.)

Des individus détiennent une terre en vertu de décisions émanant des anciens Sultans et de leurs successeurs, et l’exploitent comme terre de labour ou autrement. Lorsque arriva la grande famine de l’année soixante-seize (sic), l’un des bénéficiaires planta en arbres de diverses essences, une parcelle de ladite terre. Puis il mourut avant d’avoir achevé cette plantation, qui finit par périr, après sa mort. Les héritiers du défunt vendirent alors la parcelle à un individu, et cet acheteur se mit à labourer cette terre et à en tirer profit pendant un long laps de temps. Mais les autres bénéficiaires de la terre sont venus enlever la parcelle à l’acheteur. En ont-ils le droit ? 1

La terre qui appartient aux Imâms (Souverains) est d’habitude donnée par eux, uniquement en jouissance et non en pleine propriété. Elle appartient à la communauté des Musulmans. Elle n’est pas l’objet d’un droit existant en faveur d’une personne déterminée. Seule la jouissance en est attribuée d’une manière déterminée par la désignation que fait l’Imâm [du bénéficiaire]. Quant à la terre, elle appartient au bail al-mâl (Trésor public) et ne peut faire l’objet d’une vente exécutoire, même conclue au su ou avec l’agrément de ceux dont les droits ont été méconnus.

{Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. V, p. 85.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet des biens du bail al-mâl, qui ont été vendus par les Banû’Abbâd 1. Il a répondu en ces termes

« J’ai examiné la question, et ce qui a été vendu par ceux que tu as nommés, après qu’il a été établi qu’il y avait intérêt et avantage pour le bail al-mâl, la vente n’en saurait être utilement annulée, surtout qu’il s’est écoulé, depuis, de nombreuses années et que les choses remontent très loin. Il n’y a pas de doute, mais Dieu le sait mieux que personne, que certains de ces biens ont été constitués en dots et que de nombreux mariages ont 1. C’est la petite dynastie des ‘Abbâdides, qui régnèrent à Séville de 414 à 484 de l’hégire (1023-1091 de J.-C.). Cf. STANLEY LANE-POOLE, The Mohammadan Dynasties, p. 25.

été conclus là-dessus, qu’ils ont été définitivement aliénés par vente ou autres modes d’aliénation. Le résultat auquel on arriverait, au point de vue de la loi et des conditions qu’elle pose, serait difficile [dans la pratique] et presque impossible.

« D’autre part les Émirs qui se sont succédé n’en ont pas ordonné la restitution [au bail al-mâl], jusqu’à maintenant, d’après ce que nous avons entendu et ce qui nous est revenu. Il y a là un argument puissant en faveur de celui qui détient une partie de ces biens, et aussi pour écarter de lui toute réclamation à ce sujet. »

{Muhammad ibn Al-Hâjj. T. IX, p. 463.)

La terre de qânûn (jy’fy peut-elle être vendue par celui qui la détient et est-elle transmissible par succession1 ? a L’habitude s’est établie que la terre de qânûn, dans le Maghreb (Maroc), est transmissible par vente et par succession. La condition de cette terre semble indiquer qu’elle fait l’objet d’un véritable droit de propriété. Un auteur a dit « Il y a controverse sur la condition de la terre du Maghreb. Selon les uns elle a été conquise par les armes, selon les autres par capitulation. On a prétendu aussi qu’il faut distinguer entre le pays de plaine (sahl, <Jf–) et le paysmontagneux2. On a dit également qu’elle était maqΠ(~)~

Quant à la terre d’Ifrîqiyya3, Ibn Aboù Zaid dit, dans 1. Cette même fatwa se trouve divisée en deux questions et exposée au t. V, p. 84 et au t. VI, p. 96.

2. Le premier, vu son accès facile, aurait été conquis par les armes, tandis que les montagnes, offrant un asile plus sûr à leurs habitants, ont dû être livrées à la suite d’une capitulation.

3. On sait que, par ce mot, les géographes arabes entendent spécialement le pays qui s’étend depuis Bougie jusqu’à Barka, ou le Nord de la Régence de Tunisie.

son ouvrage intitulé an-nawddir, au chapitre « des terres conquises par les armes et des terres livrées par capitulation » d’après Sahnoun, qu’il a examiné la question, mais ne sait pas exactement si c’est une terre conquise par les armes ou par capitulation. ‘Ali ibn Ziyâd, interrogé à ce sujet, a répondu qu’il n’a aucune opinion arrêtée sur ce point.

Quant au territoire de Marrâkosh et d’A l-Masâmida Ibn ‘Abd Al-Hakam dit « J’ai entendu dire par les Shaikhs savants de notre pays que les populations de ces territoires se sont converties à l’islamisme, de sorte qu’elles n’ont été conquises ni par les armes, ni par capitulation. a Ibn ‘Abd Al-Hakam ajoute que le jurisconsulte Abû-1-Asbag AI-Qourashî a dit « Nous avons connu des hommes de science et de piété dans notre Andalousie qui y achetaient et y vendaient des terrains, et nous suivons leur exemple. Vous aussi, dans votre Maghreb, vous suivez l’exemple de vos prédécesseurs. »

D’après Abû Bakr ibn ‘Abd Ar-Rahmân, lorsque dans le Maghreb on manque de renseignements sur une terre, elle appartiendra à celui entre les mains duquel on la trouve, même lorsqu’on ignore de quelle manière elle est devenue sa propriété.

On prétend que le territoire du Maghreb n’a pas suivi un régime unique quant à la conquête. Il est des endroits qui ont été conquis par les armes, tandis que d’autres l’ont été après capitulation. Ainsi, pour ce qui concerne l’Andalousie, Ibn Habib a écrit que la majeure partie en a été conquise par les armes. Au contraire pour le pays d’Ifrîqiyya, qui comprend la plus grande partie du Maghreb, on y trouve des régions qui n’ont été conquises ni par les armes, ni à la suite d’une capitulation, ainsi que cela semble ressortir du livre de la zakât (aumône légale) et du livre Du commerce avec le pays ennemi, de l’ouvrage intitulé an-nawâdir d’Abû Muhammad [ibnAbû Zaid]. En résumé, il y a, en ce qui concerne ce pays, la même divergence que ci-dessus. Quant au pays du Hedjâz, la Mecque aurait été conquise par les armes, selon les uns, par capitulation selon les autres. Toutefois la majorité est pour la première opinion. Quant à la terre du ‘Iraq et de l’Égypte, la majeure partie en a été conquise par les armes.

(Muhammad ibn Marzûq. T. IX, pp. 4-950.) DES HABOUS: AL-HOUBOUS

La matière des habous est peul-être la partie du droit musulman dont la connaissance est la plus répandue parmi les Européens, et celle qui a suscité le plus grand nombre de travaux. Cela nous dispensera d’entrer dans de trop longs détails à son sujet.

Toute fois, avant d’aborder V exposé sommaire des principes du habous, nous croyons utile de rappeler que dans la plupart des pays musulmans, mais surtout au Maroc, les revenus des habous ont toujours servi à constituer une espèce de caisse noire, d’où les intrigues politiques tiraient le plus souvent toutes leurs ressources.

Ibn ‘Arafa définit le habous « la donation de l’usufruit d’une chose, pour une durée égale à celle de la chose, la nue-propriété restant au donateur, ne fût-ce que virtuellement. » En réalité, celle définition ne vise qu’une espèce particulière du habous, et ne saurait embrasser toutes les combinaisons possibles. Le propriétaire peut, en effet, constituer le habous à son propre profit-, de sorte que si l’on s’en tenait à la définition d’Ibn ‘Arafa, on ne voit pas en quoi le constituant a changé de situation, puisqu ‘il continueà avoir la jouissance de la chose, comme bénéficiaire du fyabous, et 1. Telle est la véritable prononciation de ce mot, qui est un pluriel de ij-^f- habts. Cf. le Tddj al-‘Arous, t. IV, p. 125. `

2. Au moins, quand l’acte de constitution du habous a acquis date certaine, antérieure au droit des créanciers opposants. Cf. SIDI Kiialîl, trad. Seignette, art. 1240-60.

la nue-propriété, comme constituant de ce même habous. La vérité est que la caractéristique du habous, c’est l’immohilisation, l’inaliénabilité, dont le bien liabousé se trouve frappé tant entre les mains du constituant que du bénéficiaire.

Pour faire une constitution de tabous, il faut avoir la capacité de faire une donation, le habous étant une libéralité. Il faut, de plus, être Musulman, si la constitution est faite an profit d’un établissement religieux, comme une mosquée.

Toute personne, même morale, même non encore née mais capable de posséder, peut être bénéficiaire d’un (tabous. Le habous étant vu avec une très grande faveur par la loi, il est valablement constitué quelle que soit la formule employée, pourvu qu’elle ne soit pas ambiguë et ne laisse aucun doute sur l’intention du constituant. Ainsi, celui qui dit « Je donne aux pauvres ma maison », constitue un habous, car, selon le langage des juristes arabes, ces bénéficiaires forment une catégorie qui ne périt pas. Toute chose susceptible de propriété et utilisable peut être constituée en habous, les meubles aussi bien que les immeubles, les choses entières aussi bien que les parts indivises. Ainsi on peul constituer en habous du numéraire pour être employé à des prêts d’obligeance, un esclave pour soigner des malades, un livre, un cheval pour la guerre sainte, etc.

Plusieurs faits peuvent rendre la constitution du habous nulle 1° l’exclusion des filles du fondateur 2° son insolvabilité judiciairement déclarée avant qu’il se soit dessaisi de la chose habousée; 3° son retour à l’immeuble qu’il aliabousé, avant l’expiration d’un an depuis qu’il s’en est dessaisi; 4° la stipulation par laquelle il se réserve l’admi1. [.’exclusion des fils, pour favoriser les filles, n’est pas une cause de nullité.

nist ration de la chose habousée* 5° le caractère immoral 1 du but assigné à la fondation, comme affectation d’un immeuble à l’exercice d’un autre culte que l’islâm; 6° la qualité de harbî {^.J* non-Musulman habilant en pays ennemis) du bénéficiaire; 7° la qualité de mécréant du fondateur, lorsque le habous est fait au profit d’un établissement religieux. L’ordre dans lequel les bénéficiaires sont appelés à profiter du habous, de même que la dévolution définitive de celui-ci, ont lieu d’après les indications du constituant.

Enfin le habous peut être temporaire, et, d’une façon générale, sous le bénéfice des restrictions que nous avons mentionnées plus haut, la volonté du constituant est souveraine en celte matière. Aussi, dans la pratique, l’interprétation des formules employées par le fondateur soulève des contestations sans nombre, que nous ne saurions examiner ici, même sommairement2.

1. La nullité n’atteint que la partie dont il s’est réservé l’administration, pourvu que l’autre partie ait fait l’objet d’une prise de possession valable.

2. Voy. pour ces questions et, en général, pour toute la matière du Ijabous Sidi Khalîl, trad. Seignette, art. 1233-1281; la Tohfat d’Ebn Acem, trad. Houdas et Martel, pp. 629-613; E. ZEYS, Traité élémentaire de droit musulman, pp. 181-192; ERNEST Mercier, le Code du habous ou ouaqf, etc., Constantine, 1899; Eugène CLAVEL, le Waqf on habous, etc., Le Caire, 1896, 2 vol. in-8; SAUTAYRA et CHERDONNEAU, Droit musulman, t. II; Revue du Monde musulman, n° III, pp. 326-842, « Les h.abous de Tanger »; même Revue, n° VII, pp. 435-457, Les biens habous et les biens du Makhzen »; MONTELS (J.), les Biens de main-morte en Tunisie, in-8, 1889.

DU HABOUS

De la constitution du habous (capacité, formule, constitution tacite, désaisissement du constituant). Des bénéficiaires du habous. – De l’objet du habous. De l’affectation du habous. De Tinaliénabilité du habous. De l’administration du habous. Contestations. Questions diverses.

DE LA CONSTITUTION DU HABOUS Capacité.

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet de habous constitués par des chrétiens jouissant d’un pacte, au profit d’une église à eux. Les prêtres exploitaient ces habous et en dépensaient le revenu pour les besoins de leur église et prenaient l’excédent pour eux-mêmes. Ces liabous demeurèrent ainsi tant Que Dieu le voulut, jusqu’au jour où l’Emir 1 expulsa ces prêtres de leurs demeures. Les Musulmans transformèrent alors l’église susdite en mosquée dans laquelle se font les cinq prières et la khoutba (prêche) tous les vendredis. Les habous susdits 1. Des Musulmans.

demeurèrent en l’état où ils se trouvaient avant, fournissant de quoi garnir la mosquée, tandis que les Imftms tiraient profit du restant. Les choses demeurèrent ainsi pendant plus de dix-huit ans, sans avoir rencontré aucune opposition, jusqu’au jour où un des agents du bait al-mâl intenta une action et voulut réunir ces habous au bail almâl, sans qu’il ait produit à l’appui un titre émanant de l’Émir ordonnant la réunion de ces habous [au bail al-mâl]. A-t-il le droit Que Dieu t’honore! de les réunir au bail al-mâl, sans que l’Émir le lui ordonne, ou bien lui est-il impossible de les” réunir dans ces conditions ? Quid si l’Émir lui en a ordonné la réunion au bail al-mâl cela lui est-il permis? Éclaircis-nous d’une façon satisfaisante Que Dieu t’assiste! la manière de juger cette question, de telle sorte que celui qui l’examine soit à même de la terminer, puisses-tu être assisté’, récompensé, si Dieu le veut.

[Réponse] Les habous des tributaires n’ont aucune inviolabilité si leur constituant était vivant et désirait les révoquer, on ne l’en empêcherait pas. Si ces habous sont anciens et se trouvent actuellement en la possession des tributaires, on n’y interviendra pas. Et si le nâdhir2 des Musulmans, dans ta question, a été d’avis, au moment de l’expulsion des tributaires du lieu où se trouve leur église, de transformer celle-ci en mosquée, c’est une excellente façon de voir, attendu que les Musulmans qui prennent la place des tributaires expulsés, ne peuvent se passer d’une mosquée poury faire leur prière3. Il est donc préférable que 1. Par Dieu.

2. Dans ce passage, je crois qu’il ne s’agit pas de l’administrateur des habous, qu’on appelle nâdhir, mais du chef des Musulmans, celui qui s’occupe de leurs intérêts.

3. Le texte arabe porte à cet endroit un blanc de 2 centimètres exactement, précédé du mot al-imdm. Je conjecture que l’auteur a voulu dire que l’imâm, c’est-à-dire le souverain, serait tenu, dans ce cas, de bâtir une mosquée aux frais du bait al-mâl, et que, dès lors, il est préfé- cela soit pris dans cette église et qu’elle soit transformée en mosquée, puisque, au moment de l’expulsion de ceux à qui elle appartient, elle revient elle-même avec ses habous au bail al-mâl, par suite de la perte des droits des chrétiens sur cette église1. En effet, ils n’ont aucun droit à sa propriété, de quelque manière que ce soit, à moins que le constituant en habous de l’église ou d’une partie des habous de celle-ci ne soit vivant, auquel cas il aura le droit de rentrer dans son bien, de le vendre et de révoquer son habous, sans qu’on puisse l’en empêcher. Quant à l’église qui n’a aucun propriétaire, les chrétiens n’en avaient que la jouissance par le fait de leur habitation en icelle; aussi, lorsqu’ils en sont expulsés, demeure-t-elle pour les Musulmans, puisqu’elle n’a aucun propriétaire. Et il n’est pas établi que ces chrétiens se sont rendus sans coup férir2 pour qu’on leur applique les règles de leur droit. Aussi, créer une mosquée sur l’emplacement de cette église, mettre de côté de quoi l’entretenir, ainsi que ce dont elle aura besoin, en fait de nattes, de luminaire, d’itndm, de domestique, de réparations, tout cela au moyen des ressources des habous de cette église, constitue une sage mesure. C’en est une aussi à cause du dépit qui en résulte pour les infidèles, par suite de la transformation de la maison de leur infidélité et de leurs idoles, en une maison où l’on mentionne [le nom] d’Dieu et où l’on pratique la loi de l’lslâm. {Abû-l-Fadl ‘Iyâçl. T. VII, pp. 47-48.) rable de transformer l’église en mosquée, puisqu’en définitive elle revient avec ses fondations au bail al-mâl,

1. Littéralement à cause de l’enlèvement des mains des chrétiens de dessus elle ».

2. On sait qu’au point de vue de l’exercice du culte, de la faculté de construire ou de restaurer les édifices cultuels, etc., les jurisconsultes musulmans distinguent selon que le pays a été conquis les armes à la main (Xy£) ou sans coup férir, par reddition (fd-^). Voy. les généralités que nous avons mises en tète du chapitre sur les tributaires, t. I, p. 230-231.

On a trouvé de cet auteur une autre réponse à cette question, ainsi conçue

J’ai pris connaissance, Que Dieu m’assiste ainsi que toi, de ta question. J’avais donné, il y a des années, une réponse à ton père, Que Dieu lui fasse miséricorde Mon avis, en cette espèce, est que la condition des chrétiens de l’Andalousie est incertaine, quant au point de savoir s’ils se sont rendus sans coup férir, ayant capitulé moyennant la conservation de ce qu’ils avaient entre les mains (et dans ce cas, ils seront traités pour tout ce qu’ils détiennent comme des soulhiyyoânY ou s’ils ont été réduits par les armes, leur terre ayant été conquise par la force, auquel cas ils seront traités comme ‘anwa; ou enfin s’ils détiennent des biens acquis par eux (leurs ancêtres ayant capitulé ou ayant été réduits par la force), auquel cas les règles qui leur sont applicables, à cet égard, sont différentes de celles qui s’appliquent dans les deux cas précédents, attendu que leur condition n’est pas connu d’une manière certaine pour servir de base aux fêlwas. Cependant, les faqîh, qui s’occupent des annales et de l’histoire, mentionnent que l’Andalousie comprend une partie conquise par les armes et une partie par capitulation, et la majeure partie des biens de ces chrétiens, qui jouissent d’un pacte, fait partie de ce qu’on a dit avoir été conquis par les armes. Cependant je dis que, du moment qu’il y a incertitude sur la condition de ces chrétiens et des biens qu’ils détiennent, il en résulte nécessairement que les biens qu’ils ont entre les mains leur appartiennent, en vertu de la détention matérielle et de la validité de la possession, que rien n’est venu supprimer, 1. Nous adoptons ce mot, dont il est impossible de trouver un équivalent en français, pour éviter la répétition de longues périphrases. 11 signifie ceux qui bénéficient du traitement réservé aux ennemis de l’Islam qui se sont rendus sans coup férir, à la suite d’une capitulation, par opposition à ceux qui ont été réduits par les armes, tyS- ‘anwa.

qu’aucune preuve n’est venue infirmer. Les églises et les habous sont régis par les mêmes règles; ils ne deviennent pas licites [pour les Musulmans] par l’expulsion des chrétiens et la privation de ceux-ci de l’exploitation et de la jouissance qu’ils avaient précédemment quant à ces biens. En effet, les habous des chrétiens ne sont pas d’une exécution obligatoire, car ils ne sont pas constitués, en vue de plaire à Dieu ils sont constitués, au contraire, pour le mensonge1 et pour l’erreur2. En conséquence ces habous redeviennent la propriété de leur constituant, s’il les réclame. Tous les autres habous dont le propriétaire est inconnu sont soumis au régime des biens de ceux des chrétiens qui s’expatrient en laissantdes biens. Ils seront immobilisés au profit du bail al-mâl des Musulmans et soumis à l’administration de l’Imâm (le Souverain). Les mêmes règles s’appliquent au livre (ô\y.* dîwân) qui, ayant été constitué en habous, n’a pas de propriétaire. Si les biens et les domaines de ces chrétiens ont été achetés d’eux par les Musulmans, et que ceux-ci les aient habités et peuplés avec ceux des chrétiens qui ont embrassé l’Islam, les réunions pour les prières deviendront pour eux (les habitants) obligatoires. L’Imâm (le Souverain) sera alors tenu d’ériger pour eux une mosquée ou une mosquée-cathédrale, s’ils sont dans un endroit tel que la prière en commun du vendredi leur soit obligatoire 2. Or, 1- >j*Lk)l j cUaS] al-djlbt wat-tâghûl. Les Arabes ignorent le sens exact et l’étymologie de ces deux mots. Ils les expliquent par idole, faux dieux, mensonge, magie, magicien, satan, etc. Le plus vraisemblable est que ces deux mots sont d’origine étrangère. Le premier viendrait du syriaque. (Cf. le Dict. arabe de Botros al-Bostânî, intitulé Ja^a&t IJa-sto, au mot C~f-);le second serait de provenance araméenne. (Cf. Dozy, Suppl. aux Dict. arabes, 11,47.) Voy. aussi Sigismund Fhaenkel, De vocabalis in antiquis arabum carminibus e! in corano peregrinis (Leide, 1880), p. 23. Selon leur habitude, les commentateurs arabes en ont fait des noms propres d’idoles. Conf. Qur’ân, IV, Si.

2. Les fidèles ne sont tenus de faire la prière du vendredi en commun, la manifestation par eux des rites de l’Islâm, en fait d’appel à la prière (adhûn), prière en commun [ladjmV) et célébration de l’office du vendredi, constitue la meilleure destination en vue de laquelle la mosquée ou la mosquée-cathédrale a été élevée pour ces habitants. En effet, il y a dans ces églises et ces monastères, par le fait de leur proximité des édifices des mosquées, et de ce qu’ils sont sans propriétaire, et afin d’humilier le nez de Satan, en substituant à la religion de l’infidélité et au rite de l’égarement, la religion de la foi et le rite de l’Islâm. Il appartient donc à l’Imâm 2 (le Souverain) de laisser ces habous à ces mosquées, de les comprendre dans le bail al-màl et de pourvoir aux besoins de la mosquée (nouvellement construite) au moyen d’autres ressources. Voilà ce que je pense, et je ne vois pas autre chose :i. (Ibidem.)

Un Juif constitua en hahous une maison au profit d’une mosquée de Cordoue. [Que décider?]

au djâmi’ ou mosquée-cathédrale, que s’ils constituent une assemblée assez nombreuse et habitent à des distances raisonnables de ladite mosquée. Cf. tome I de notre ouvrage, pp. 51-52.

1. Le texte arabe de cette fatwa est rédigé avec une grande négligence, notamment dans sa dernière partie. L’ignorance du copiste qui a préparé l’édition est aussi cause que quelques phrases sont devenues presque dépourvues de sens, par suite d’omission de mots ou même de tout un membre de phrase. Nous avons tenu, cependant, à traduire fidèlement le tout, tel que nous avons cru le comprendre.

2. Il nous semble qu’il manque quelque chose dans le texte, ne fût-ce que la conjonction,j, car la phrase arabe ne peut pas commencer par jlfUDl). Voy. le texte arabe, t. VII, p. 48.

3. Le texte porte (Jl_j– • i^C- ^?”_J- Yj, ce qui signifierait « et aucune question ne m’a été adressée ». Ces mots étant contredits par le commencement de la fatwa, où le jurisconsulte dit avoir pris connaissance de la question à lui adressée, nous avons cru pouvoir y substituer les suivants ^-c £X£- *»-^j Yj, qui terminent souvent les félwas.

Ce n’est pas permis. Et cela ressort de la Mudawwana, au livre d’al-djihâd (la guerre sainte), à l’occasion de la mention de ces paroles du Prophète Que Dieu répande sur lui les bénédictions et lui accorde le salut! – ‘^j^i (jt.« Nous, nous ne demandons point secours à un polythéiste. » Puis le Prophète contracta avec le polythéiste J L’auteur ajoute « Îsâ a raconté, d’après Ibn Al-Qâsim, au sujet de ce que l’évêque a vendu de la terre appartenant à l’église, que cela lui est permis, si [les chrétiens] paient la capitation qui leur incombe. Il est probable que les auteurs qui conseillent la prohibition de la vente du habous des infidèles, et qui sont d’avis d’en annuler la vente, n’ont adopté que la riwâya d’Asbagh d’après Ibn Al-Qâsim, à savoir, qu’il n’est pas permis au Musulman d’acheter ce que l’évêque vend parmi les terres et les habous des églises. Il n’en est ainsi que parce que le vendeur est autre que le constituant du habous ce qui fait rentrer cette vente dans la catégorie des actes injustes.

Asbagh a dit, à ce sujet, que le juge des Musulmans n’est pas compétent pour empêcher la vente de ce habous, ni en ordonner la restitution, s’il a été vendu, ni faire exécuter le habous selon son affectation, ni l’autoriser cela ne lui est pas possible.

Il te suffit, comme éclaircissement, de savoir que l’affranchissement est plus inviolable (c’est-à-dire irrévocable) que le habous. Cependant si un chrétien affranchit son esclave chrétien, qui embrasse l’Islâm, avant de le quitter et de cesser d’être sa propriété, il a le droit de vendre son esclave, s’il le désire, et ne peut en être empêché.

1. Je ne sais pas à quel épisode il est fait allusion.

2. Le texte porte la licéité SjU-1 mais le sens général de la phrase ne permet pas d’adopter cette leçon.

Mon avis, en l’espèce présente, est que toute la constitution en habous du Juif est entièrement nulle, étant donné Que Dieu dit’ « Et quiconque désire tout autre culte que l’Islâm, son culte ne sera point reçu de lui, et il sera dans la vie future parmi les malheureux. » {Abû ‘Imrân Al-Qaftân. T. VII, pp. 41-42.)

Qaid de la femme qui constitue un habous, étant ellemême sous la tutelle de son père, qui a donné son consentement à l’acte fait par sa fille ? P

Il n’échappe [à personne] que la constitution du habous doit être annulée, car il n’appartient pas au père de déposséder son enfant, placé sous sa tutelle, de quoi que ce soit de ses biens sans une contre-valeur. Or [la femme] n’a rien reçu en échange; c’est une connivence 2 évidente. L’opinion la plus répandue dans le rite malékite est que, lorsque le père fait donation aumônière d’une maison ou d’une terre appartenant à son enfant, cette maison ou cette terre est rendue à la propriété de l’enfant, que le père, en ce faisant, ait été solvable ou insolvable. La jurisprudence suit l’opinion qui admet l’annulation. Il en est ainsi lorsque nous admettons que le père, par le fait de son consentement à la constitution du habous, est considéré comme étant lui-même le constituant, et, dans ce cas, l’annulation ne fait pas de doute. Mais si nous admettons que c’est la fille elle-même qui est la constituante, car elle a accompli l’acte elle-même, dans ce cas l’annulation s’impose encore plus, car cela constitue un acte de libéralité de la part de la mineure. {Abû Sa’îd Faradj ibn Lubb. T. VII, p. 185.) Un gouverneur (wâlî) lève une contribution illégale, puis constitue en habous une propriété qu’il a achetée 1. Qur’ân, III, 79.

2. Entre le père et le bénéficiaire du habous.

pour ses enfants. Sa constitution du habous est-elle valable, malgré son investiture des fonctions de wâlf, au moment de la conclusion du habous La règle est-elle la même, qu’il ait constitué le habous peu après son investiture des fonctions de wâlî, ou après y avoir pris pied doit-on distinguer entre ces deux cas’?

La réponse – et Dieu, qu’il soit loué! est celui qui [nous] assiste pour [arriver] à la vérité est que les actes de disposition à titre gratuit de toute personne dont le passif absorbe l’actif par suite de concussions, que ces actes consistent en habous au profit de ses enfants ou de proches parents, en aumône au profit de ces mêmes personnes, ou enfin en legs de sommes d’argent, tout cela est nul, non-avenu et inexécutable. Le qâdî Ibn Rushd n’a admis, dans sa fatwa3 (consultation), la validité de pareils actes, faits dans l’intérêt des Musulmans, comme ceux 1. Littéralement entre la proximité et l’éloignement.

2. K> JJl (_j_^il– o, cette locution que Dozy {Supplément aux Dicl. arabes, I, p. 489 et II, 208) n’a pas comprise, bien qu’elle fût très employée par les juristes arabes, dans des cas où son sens n’est pas douteux, a été expliquée par Fleisheb, dans ses Studien liber Dozy’s Supplement dans Bericht. der phil.-hist. Classe der Kb’nigl. Sachs. Gesellchaft der Wissenshaften, 21 novembre 1885, p. 352. Cependant sa traduction de ces deux mots, par obéré « tief vershul-det », n’est pas tout à fait exacte. Lemoustaghraq adh-dhimma n’est pas seulement « celui dont le passif absorbe l’actif » mais, en droit musulman (et c’est le plus important), c’est encore « celuiqui est considéré à priori comme insolvable», parce qu’il occupe des fonctions publiques et se trouve à même de détourner à son profit les deniers publics. La situation de cet homme a pour résultat de le frapper d’une sorte d’incapacité de disposer à titre gratuit. Ses donations, constitutions de habous et autres libéralités sont nulles ipso facto. Sans cette conception, il est impossible de comprendre le passage de Maqqart (1, 467, l. 8) auquel font allusion Dozy et Fleisher. Je ne suis pas bien sûr que Fleisher l’ait ainsi compris, malgré l’exactitude relative de la traduction qu’il donne du mot mouslaghraq adh-dhimma. Le mot « obéré » ne peut expliquer à lui seul, dans le passage en question, la situation de ce prince, auquel on défend d’affranchir une esclave, comme expiation d’un péché qu’il avait commis. C’est que l’on considère qu’à raison même de son rang, il n’est pas propriétaire de ses esclaves. Cf. le passage de Maqqari, 1,467. 3. Voyez supra.

qui seraient accomplis au profit de la grande mosquée, que parce que ces actes profitent aux Musulmans. C’est ainsi aussi qu’il a admis, dans une fatwa, la validité de l’affranchissement’, à cause du caractère inviolable de celui-ci 2; « et, dans ce cas, dit-il, les droits de patronage appartiennent à la communauté des Musulmans ». Au contraire, la constitution de habous faite par ce wâlî au profit de ses enfants n’est d’aucune utilité pour la communauté des Musulmans. En conséquence, si la constitution du habous a été faite par le mâlî après qu’il eût perçu illégalement une contribution qu’il savait devoir absorber tout son actif, sa constitution du habous sera annulée, qu’il ait gardé par-devers lui ce qu’il a perçu de cette contribution, ou qu’il l’ait versé entièrement à celui qui l’a nommé mâlî ou à un autre car, par le fait même de la perception illégale, il est devenu responsable et il n’en sera point déchargé, pour l’avoir versé à celui qui l’a nommé wâlî, ou à un autre. Tout cela a été rapporté par Ibn Habîb dans son ouvrage intitulé: Al-Wâdiha. Cela est d’ailleurs évident, mais Dieu le sait mieux. (Ahmad AI-Qabbâb. T. VII, p. 199 4.)

Un homme reste dans les fonctions de wâlî (gouverneur) pendant un certain nombre d’années, puis meurt enlaissant à ses héritiers des biens et des propriétés. Ces héritiers reçurent une réclamation du makhzen, et leur tuteur, – car ils sont mineurs,-fut traité avec rigueur à la suite de cette 1. Fait par un insolvable.

2. Il est de principe, en effet, que l’on ne revient pas sur un affranchissement.

3. Voyez sur cet auteur et sur son œuvre, suprà, et le manuscrit arabe de Paris, n° 2103 (Catg. de Slane), folio 30 V. 31 R., et biffez la note erronée qui se trouve à la page 223 du t. I.

4. A la suite de cette fatwa, AI-Wansharisi donne de nouveau la fatwa d’Ibn ‘Allâl que nous avons traduite à la page 343.

réclamation, et emprisonné de ce chef. Il vendit alors les propriétés en question et paya avec le prix ce qu’on réclamait à ses pupilles. La vente est-elle valable ? Dans le cas où vous admettez l’affirmative, cette validité de la vente s’applique-t-elle à toutes les propriétés du défunt, qu’il les ait acquises avant ou après son investiture des fonctions de wâlt, ou se restreint-elle à ce qu’il a acquis après qu’il a été nommé wâli? Prendra-t-on en considération la déclaration de celui qui allègue la contrainte ? Enfin, la constitution de habous que le wâlî a pu faire sur certains de ses biens est-elle valable ?

Si le wâlî en question a son actif entièrement absorbé par ses concussions, la vente de ceux de ses biens qui ont été vendus de la façon sus-indiquée, est exécutoire, que ces biens soient de ceux qu’il a acquis avant sa nomination aux fonctions de wâlî ou après. On ne prend pas en considération la contrainte, quand il s’agit d’individus tels que ces wâlîs. Quant à prétendre qu’on a été contraint d’accepter les fonctions de wâlî, c’est une prétention qui ne peut servir à celui qui l’allègue, même si le fait de la contrainte est établi, car nul ne peut être excusé, par la contrainte, d’avoir spolié le bien d’autrui. Il est, au contraire, tenu de la restitution de ce qu’il a enlevé aux gens pour se l’attribuer, ou de ce qu’il leur a enlevé, comme intermédiaire, pour un autre, s’il y a été contraint. Quant aux habous qu’il a constitués, au profit de ses enfants, après que son actif eut été entièrement absorbé par ses perceptions illégales, cette constitution de sa part est non-avenue, et son habous est nul. Au demeurant, Dieu le sait mieux.

ÇAbd Dieu Al-Wânaghîlîl. T. VII, pp. 200-201.) 1. Aboù Muhammad ‘Abd Allah Ad-Ç>arîr (l’aveugle) Al-Wânaghîlî, jurisconsulte malékite et mufti de Fâs, où il enseignait la Mudawwana Formule.

Un homme dit « Les fruits de mon enclos sont habous. au profit d’un tel », sans dire « sa vie durant », ni fixer un délai pour cela. [Que décider?]

S’il y avait des fruits dans l’enclos au jour où il a fait cette déclaration, le bénéficiaire aura les fruits de cetteannée-là.

(Sahnûn. T. VII, p. 324.)

Ibn Rushd a dit « S’il n’y avait pas de fruits dans l’enclos au jour où le constituant a prononcé ces paroles, le bénéficiaire aura les fruits dudit enclos tant qu’il vivra. Ceci est dit par Ibn AI-Mawwâz, et Sahnûn l’aura suivi dans un acte, si cette question est analogue à celle qui est exposée dans le Livre des testaments 1, d’après l’audition de ‘Isa. La question est celle-ci Un homme dit pendant sa [dernière] maladie « les fruits de mon enclos sont pour un tel », sans dire à titre de habous. Quid s’il avait dit: à titre de fyabous ?

En voici l’interprétation. Si l’enclos avait des fruits au jour où le disposant a prononcé les paroles en question, il se peut qu’il ait voulu parler de ces fruits-là seulement, sans avoir les autres en vue. D’où il suit que le bénéficiaire ne peut prétendre aux autres fruits que s’il y a eu désignation [à ce sujet]. Au contraire, lorsqu’il n’y avait pas de fruits dans l’enclos au jour de la disposition,. il faut que le bénéficiaire ait les fruits dans l’avenir, sa et les ouvrages d’Ibn Al-Hâdjib. Il mourut dans cette ville en 779 (= 1377). Cf. IBN AL-QADi, Djadhwat al-iqtibâs, pp. 227-228, et HAFNAOUI, op. cit., p. 28.

1. Section de la Mudawwana.

2. Je lis *J au lieu de |»(J.

vie durant, parce que l’expression employée par le disposant comprend tout cela en bloc. Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance. (Ibidem.) Un habitant de la frontière a été trouvé monté sur un cheval marqué sur sa cuisse « tabous pour Dieu, consacré à lui ». Lorsqu’on enquêta à ce sujet, l’individu répondit « Je l’ai acheté dans le pays des Berbères, puis, lorsque je vins à Sedjelmesse, je craignis qu’on ne me fit payer des droits pour ce cheval ou qu’on ne me l’enlevât je le marquai alors de cette empreinte, dans l’espoir que mon bien me fût laissé. » [Que décider?]

Si l’on n’a pas connaissance qu’il fût propriétaire du cheval avant cette marque, et s’il n’a pas produit de preuve testimoniale à l’appui de ce qu’il a allégué, sépare-le de son cheval, et affecte celui-ci à la cause d’Dieuconformément à ce qui ressort de sa marque. L’habitant de la frontière ne sera pas cru à ce sujet,- si Dieu le veut, à moins qu’il n’y ait une preuve testimoniale. (Ibn Zarb. T. VII, pp. 285-286.)

On dit à une femme malade, très malade, en présence de ses héritiers « Donnes-tu tes arbres à cette mosquée ? » Elle répond par un signe de la tête, signifiant « oui ». [Que décider?]

Si les témoins ont la certitude qu’elle les a compris, et s’ils ont compris que son signe est un consentement de sa part, le habous est valable. S’ils sont dans l’incertitude, il n’est pas valable.

(Ibn Lubâba. T. VII, p. 70.)

1. C’est-à-dire, à l’usage commun, pour le cas de guerre sainte, djihdd, par exemple.

2. A titre de habous. C’est ainsi que le comprend l’éditeur du texte arabe, d’après l’intitulé de la question qu’il a mis en marge il y remplace le mot « donnes-tu » par veux-tu constituer en habous ».

CONSTITUTION TACITE

Des maisons ont été constituées en habous au profit d’un individu et de sa postérité. Le bénéficiaire fit dans lesdites maisons de nombreuses constructions, puis mourut sans rien dire au sujet de ces constructions. Cellesci seront-elles jointes au habous ou à la succession [du défunt] ?

L’opinion de Mâlik sur cette question est que les constructions suivent le habous et que les héritiers n’ont droit à aucune partie des constructions.

(Ibn ‘Allâb. T. VII, p. 296.)

Un homme construisit une maison, lui donna le nom de zâouïa et traça dans le mur de sa qibla 1 la forme d’un mihrâb. Cet homme étant mort par la suite, ses héritiers voulurent vendre la maison, étant donné que le défunt ne l’avait pas consacrée aux pauvres et aux indigents, mais l’avait tout simplement nommée zdouïa. [Que décider ?] Les biens ne sortent des mains de leurs propriétaires qu’en vertu d’une cause certaine, qui ne comporte point de doute, surtout quand il s’agit d’actes de bienfaisance2, lesquels ont besoin de la prise de possession aussi, lorsque celle-ci fait défaut, ces actes sont-ils nuls. Les héritiers ont le droit de vendre la maison susdite, s’ils le désirent, car elle est recueillie dans la succession du défunt. Et il n’y a pas lieu de prendre en considération le nom de zâouïa donné à la maison, alors qu’elle n’est 1. Côté qui regarde la direction de La Mecque et vers lequel on se tourne pendant la prière.

2. Nous prenons ce mot dans son sens juridique, opposé à acte à titre onéreux. Les expressions arabes correspondantes sont i_îjl*4i ^jAP guère ouverte à tout le monde. Il n’y a pas lieu non plus de prendre en considération la forme du mihrâb qui se trouve à la qibla de ladite maison, car la forme de la construction ne signifie rien, et elle ne suffit pas à elle seule pour indiquer le caractère de œaqf.

Al-Bâdjî a dit « C’est le sens apparent de la Moudaivwana. » Voyez aussi ce qui est dans l’ouvrage intitulé An-Nawâdir (les Raretés), d’après Ibn Sahnûn. Ibn ‘Shâs1 a dit « Qu’est-ce que le habous ? C’est la suppression du droit exclusif du propriétaire à la jouissance de la chose, et son transport au bénéficiaire du waqf, en même temps que la suppression de la possibilité de disposer de la substance même de la chose en la détruisant,. ou en la transférant à un tiers. Quant à la propriété de la chose habousée elle-même, elle reste au constituant du habous je veux parler du dominium (raqaba, <Jj) de la chose habousée 2. »

Ibn ‘Arafa « AI-Bâdjî a expliqué clairement que la propriété du habous reste au constituant du habous; c’est ce qui fait que le paiement de la zakât (aumône légale, dîme) des enclos appartenant au habous est à la charge du constituant de ces derniers. Quant à ce que dit AlLakhmî à la fin du chapitre de la shouf’a (retrait d’indivision), à savoir, que le habous fait disparaître le droit de propriété du constituant, c’est une erreur. »

Je dis que les paroles d’Al-Lakhmî ne constituent pas une erreur. Les deux opinions sont notoires, elles ont été mentionnées par Ibn Rushd et par d’autres, d’après l’audition de au chapitre de la prière*, ainsi 1. Taqiad-dînAl-Housain b. ‘AbdDieu b. ShSs, faqih malékite et grand qàdi d’Egypte, où il mourut en 685 (= 1286). Malgré sa science, il était peu estimé comme qâdî. Cf. AI-Manhal as-sâft, manuscrit arabe de Paris, n° 2070 (Catg. de Slane), f° 36 v°.

2. Cette analyse du tabous est remarquable.

3. Section de la Mudawwana.

que le dit Al-Lakhmî dans un acte qui commence par le mot jillwl (ista’dhana: il a demandé l’autorisation)1, au livre du tabous-, conformément à l’opinion d’Al-Bâdjî. Dans l’ouvrage intitulé: Al-Ahkûm (les jugements) d’IbnAl-lArabî3, on trouve les deux opinions [exposées]. Dans le chapitre « de la donation » de la Mudawwana on lit « Le fonds du habous ne peut être partagé ni acquis en toute propriété. »

Dans le chapitre « de la société à champart » (mousâqât de l’ouvrage intitulé An-Nawâdir, on lit une réponse d’Ibn Al-‘Attâr4 à Ibn Abû Zaid dans laquelle il lui dit: « Le habous demeure la propriété de son constituant, jusqu’au jour de la résurrection. »

(Aboâ ‘Alt Al-Hasan ibn ‘Atiyya Al-Wansharisî’3. T. VII, p. 200.)

Un homme bâtit une mosquée et stipule, dans sa constitution de habous, que ne pourrait y être préposé 6 qu’un homme du rite malékite, par exemple. Est-il obligatoire de se conformer à cette stipulation, de façon que la nomination d’un homme d’un rite différent serait nulle ? Au cas où l’on doit s’y conformer, si le préposé 1. Ce passage ne m’est pas clair j’en donne la traduction qui me parait la plus vraisemblable. Voy. le texte arabe, loc. cit.

2. Section de la Mudawwana.

3. J’ai donné dans le tome I, p. 24, quelques renseignements sur ce grand jurisconsulte. En dehors des ouvrages de MM. Brockelmann et CI. Huart, je renvoie, pour plus de détails, au manuscrit arabe de Paris, n° 2103, f”34, v° 35, r°, où l’on trouve la liste complète des œuvres de cet auteur; à Maqqarî, nafh at-ib, I, 477; IBN AL-Qjfpî, Djadhwat aliqlibâs, p. 160 IBN BashkouÂl, Kitâb as-sila, p. 531, notice 1181. 4. Abû ‘Abd AllahMouljammad b. Ahmad b. ‘Abd Allah b. Sa’id, célèbre jurisconsulte malékite mort en 399 (= 1008). Cf. le manuscrit arabe de Paris, n° 2103, f° 33, r°.

5. Ce jurisconsulte, qui vivait à Mequinez, mourut dans cette ville en 781 (= 1379). Voy. sa biographie dans Djadhwat al-iqtibâs, p. 111. 6. Comme imâm.

remplissant les conditions (stipulées par le constituant), change de rite, sa nomination sera-t-elle annulée ? Enfin, si cette condition ne résulte pas avec certitude d’une stipulation du constituant, mais que, dans la ville dont s’agit, on suit généralement un rite déterminé, comme à Alexandrie et au Caire, cette circonstance tient-elle lieu de condition explicite ? Quid du fait de prendre cet imâm comme guide dans la prière ? «.’

Si le constituant a fait sa fondation au profit d’un rite déterminé, il n’est pas permis que la fondation soit recueillie par un autre rite. Si la mosquée a eu des bénéficiaires déterminés, elle ne reviendra pas à eux exclusivement 2. Si, dans une ville, tous les imâms des mosquées sont d’un même rite, de sorte que l’on n’y trouve pas d’autre rite, le habous sera interprété d’après cet usage, et ne pourra y avoir droit celui qui a changé de rite. Enfin, si cet imâm est convaincu de la licéité de ce qu’il entreprend, il n’y a aucun mal à se guider sur lui dans la prière, comme on se guide sur un libertin.

ÇIzz Ad-Dînibn ‘Abd As-Salâm. T. VII, pp. 182-183.) 1. Le texte porte: ^UVl l-ifj *>t> Vl S&X*}. Je pense que le copiste s’est trompé et qu’il a voulu écrire A«JL» il, non d’action de a^j’ VI1I° forme de A prendre comme imdm ».

2. C’est à dire qu’après la mort de cespremiers bénéficiaires, il n’est pas nécessaire que les nouveaux bénéficiaires soient du même rite que les premiers.

DESSAISISSEMENT DU

CONSTITUANT

Une femme constitue en habous, au profit de sa fille mineure, une maison où elle habitait. Elle en confie la perception au père de la jeune fille. Cela constitue-t-il une prise de possession parfaite, si la mère décède dans la maison habousée?

Cela ne constitue pas une prise de possession parfaite, et je la considère comme faible.

Cette question n’est pas analogue à celle de la femme qui fait donation aumônière à son mari de sa propre maison, et qui y meurt ensuite; car le mari est tenu de fournir le logement à sa femme.

(Ibn Abû Zamnîn. T. VII, p. 148 ‘.)

« Alors, demanda-t-on au jurisconsulte ci-dessus, la décision relative à cette maison habousée au profit de la jeune fille, et que la mère n’a pas quittée jusqu’à sa mort, est qu’elle sera recueillie dans la succession? » Il répondit « Parfaitement. »

(Ibidem.)

DES BÉNÉFICIAIRES DU HABOUS Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet du 1. Cette même félwa est reproduite, sans modification aucune; dans le T. VII, p. 291, du texte arabe.

habous qui est constitué au profit des malades mutilés de la main1.

Par la disparition d’une phalange et au-dessus, l’on a droit au habous. C’est en ce sens que j’ai constaté qu’étaient rendus les jugements et les fatwas. (Ibn Al-Hâjj. T. VII, p. 306.)

Un homme 2 constitua en habous un mûrier pour [célébrer] la nuit de la naissance de notre seigneur Muhammad, Que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut – Puis le constituant étant mort, son fils voulut s’approprier ledit mûrier. En a-t-il le droit? J’ai pris connaissance de la question ci-dessus. Pour ce qui est de la nuit de la naissance [du Prophète], les vertueux ancêtres, et ce sont les compagnons de l’Apôtre d’Dieu et leurs suivants [tâbï), ne s’y réunissaient pas pour l’adoration et n’y faisaient rien de plus que pendant les autres nuits de l’année. Car le Prophète ne doit être honoré que de la manière déterminée par la loi (religieuse). Honorer le Prophète est un des actes les plus méritoires qui rapprochent d’Dieu, mais on doit se rapprocher d’Dieu, que sa majesté soit glorifiée de la manière établie par la loi (religieuse). La preuve que nos ancêtres ne faisaient, pendant la nuit de la nativité du Prophète, rien de plus que pendant les autres nuits, c’est qu’ils sont en désaccord sur [la date] de cette nuit. Selon les uns, le Prophète est né en Ramadan, selon autres en Rabi. On est également partagé en quatre opi1. Littéralement manchots. Le style laconique de cette fatwa laisse cependant deviner que le point sur lequel le faqih est consulté est celui de savoir ce que l’on entend par manchots.

2. Une espèce analogue a été soumise au même jurisconsulte, qui y a répondu sommairement. Nous ne la traduisons pas. Voy. texte arabe, t. VII, p. 77.

nions relativement au jour de sa naissance. Or, si cette nuit, au lendemain matin de laquelle le Prophète est né, comportait une cérémonie religieuse, à l’occasion de la naissance de la meilleure des créatures, elle serait connue, célèbre, et ne ferait point l’objet de divergence. Mais c’est qu’il n’a pas été prescrit par la loi de cérémonie supplémentaire.

Ne vois-tu pas que le jour du vendredi est le meilleur jour sur lequel le soleil se soit levé; or, le mieux que e l’on puisse faire pendant un grand jour, c’est d’y jeûner cependant le Prophète, Que Dieu répande sur lui ses bénédictions et lui accorde le salut a défendu de jeûner le jour du vendredi, malgré l’excellence de ce jour.

Ceci indique qu’aucune pratique cultuelle ne peut être instituée en aucun temps ni en aucun lieu, si elle n’a été établie par la loi religieuse. Ce qui n’a pas été établi par cette loi ne peut pas être fait, car les derniers (c’est-à-dire les modernes) de ce peuple (le peuple musulman) ne peuvent rien instituer de plus conforme à l’orthodoxie que ce qui a été institué par les premiers (les anciens). Du reste, si cette porte était ouverte, il ne manquerait pas •devenir des hommes qui diraient que le jour de l’émigration (l’Hégire) du Prophète vers Médine est un jour où Dieu a fortifié l’Islâm; ils s’y réuniraient alors et s’adonneraient à des actes de piété. D’autres diront que pendant la nuit où il a été transporté [au ciel], le Prophète a acquis des titres de noblesse incalculables, et on instituera pendant cette nuit une cérémonie religieuse. Cela ne s’arrêtera à aucune limite, tandis que tout le bien consiste à suivre les vertueux ancêtres, dont Dieu a fait ses élus. Ce qu’ils ont fait, nous le ferons, ce qu’ils ont laissé de côté, nous le laisserons de côté.

Cela étant établi, il apparaît clairement que le fâit de se réunir pendant ladite nuit n’est pas exigé par la loi reli- gieuse. Au contraire, on doit ordonner d’abandonner cette pratique. Or, en constituant des habous à cet effet, on aide au maintien de cette pratique et à la persistance de ce qui n’a point de fondement dans la religion. Aussi la suppression en est-elle requise par la loi.

Puis, il y a ici, dans la question, une particularité en plus la nuit (dont il est question) est célébrée selon la tarîqa1 (ii^J») des faqîrs. Or, la tarîqa des faqîrs, parces temps-ci, est une des monstruosités de la religion, car leur habitude, en se réunissant, c’est uniquement de chanter et de danser. Et ils vont dire aux hommes du peuple parmi les Musulmans que cela constitue une des œuvres pies qui rapprochent le plus d’Dieu, par ces tempsci, et que c’est la tarîqa des amis d’Dieu, alors qu’ils sont, en réalité, des hommes ignorants dont aucun ne sait les règles de ce qui lui incombe2 pendant sa journée ou pendant sa nuit. Ce sont des hommes parmi ceux que Satan a placés comme lieutenants pour égarer les hommes du peuple parmi les Musulmans ils leur embellissent le mensonge et font entrer dans la religion ce qui n’en est pas. Car le chant et la danse rentrent plutôt dans la catégorie des divertissements et de l’amusement, tandis que ces faqîrs les mettent sur le compte des Amis d’Dieu, ce qui constitue de leur part un mensonge à l’endroit de ceux-ci, afin d’arriver à dévorer illégitimement l’argent des autres. En sorte que constituer un habous à leur profit, pour qu’ils pratiquent leur tarîqa, c’est faire une constitution de habous en faveur de ce qu il est illicite d’entreprendre. En conséquence, sera annulé ce qui a été habousé dans ces conditions, contre la règle. Et il est bon pour le constituant qu’il applique les revenus de ce pied de mûrier à une autre des catégories 1. Règle d’un ordre religieux, d’une confrérie.

2. En fail d’obligalions religieuses.

d’œuvres pies déterminées par la loi. En cas d’impossibilité, il se les attribuera à lui-même.

Puisse Dieu, qu’il soit exalté vous accorder la faveur de suivre la bonne voie de son prophète Muhammad et de suivre les vertueux ancêtres, dans l’exemple de qui réside le salut

Salut sur celui qui en prendra connaissance de la part de

(Muhammad Al-Haffâr. T. VII, pp. 66-67.)

Un individu constitue un habous au profit d’une tombe pour [les revenus être donnés] à celui qui lirait (le Qur’ân) sur cette tombe durantunenuit déterminée pour cela. Est-il permis au lecteur de lire chez lui, ou dans une mosquée ou dans tout autre lieu que la tombe susdite, et d’adresser [le mérite de cette lecture] à celui qui est dans la tombe? Donnez-nous une fatwa, Que Dieu vous ait en sa miséricorde

L’apôtre d’Dieu a dit « Il ne se réunit pas de gens qui lisent le Livre d’Dieu, sans que la saktna i descende sur eux, que la miséricorde les couvre et que les anges les entourent de toutes parts. Et la miséricorde d’Dieu, quand elle descend, embrasse et englobe [tout]. »

Ainsi, le but de la lecture [du Qur’ân], c’est de faire descendre la miséricorde sur l’endroit [où se fait la lecture]. Par conséquent, la lecture chez soi ne vaut pas la lecture sur la tombe. Ne peut donc toucher [le revenu] du habous que celui qui en remplit la condition.

{Al-Maivwâq*. T. VII, p. 101.)

1. C’est la n3l3ttf, avec le sens mystique que ce mot a dans la littérature rabbinique. Voyez l’article fort curieux que le Tddj ai-‘arûs (t. IX, pp. 238-239) consacre à ce mot. On y voit les erreurs où tombent les lexicographes arabes, quand ils veulent expliquer un mot d’origine étrangère.

2. Abû Yabyà Abû Bakr b. Khalaf Al-Ansârî connu sous le nom Une mosquée possède un habous dont le revenu, d’après l’acte de constitution, doit être employé à la construction, à [l’achat] de nattes, d’huile pour l’éclairage et à tout ce dont la mosquée pourra avoir besoin. Est-il permis à la communauté des Musulmans de donner une partie [des revenus] de ce habous à Vimâm ou au muezzin, étant donné que rien des revenus dudit habous n’a été affecté à Vimâm et au muezzin?

Le [revenu du] habous ne peut être appliqué à un autre but que celui qui lui a été assigné par le constituant, et ce but c’est la construction, les nattes et l’huile. On ne peut passer de cette affectation à une autre. Celui qui détourne [le habous] de son but portera le péché de ce détournement.

(As-Saraqoustt. T. VII, p. 109.)

Un homme a légué un champ pour être constitué en habous au profit des indigents, après son décès. On devait en prendre le revenu chaque année et l’employer à l’achat de pain, qui serait distribué aux nécessiteux et aux indigents, pendant le mois de ramadân. Il recommanda également dans son testament que l’excédent du tiers disponible sur [la valeur] du champ s’ajouterait à l’aumône. Le tiers disponible ayant excédé [la valeur] du champ d’une certaine somme d’argent, doit-on employer celle-ci à l’achat d’une parcelle de terre qui deviendra habous comme le champ, ou la distribuer aux indigents pendant le ramalân ou à une autre époque, jusqu’à ce qu’elle s’épuise ? Expliquez-nous quel sera l’emploi de cet d’Al-Mawwâq, célèbre jurisconsulte malékite andalous, qui vécut à Cordoue et surtout à Fâs, dont il devint qâdî. Il y mourut dans les derniers jours du mois de Shawwâl de l’année 599 (juillet 1203). Cf. Djadhwat aliqlibâs, texte arabe, édit. de Fâs, 1309, pp. 103-104. Sur un autre auteur, également connu sous le nom d’Al-Mawwàq et qui a laissé un commentaire sur le Mnukhtasar de Sidi KHALÎL, voy. Brockelmann, op. cit., II, 8+.

argent. Que le salut soit sur votre haute seigneurie, ainsi que la miséricorde d’Dieu et ses bénédictions L’excédent ne sera pas distribué aux indigents, à moins qu’on ne trouve pas de propriété, ni de part indivise dans une propriété Mais si l’on trouve une part indivise, fûtelle la centième partie, on l’achètera, et ce qui restera du loyer sera distribué pendant le ramadan.

{Al-Mawwûq. T. VII, p. 123.)

Une mosquée possède des habous affectés respectivement à la construction [de la mosquée], à [l’achat] des nattes, de l’huile et des chandelles pour lire le hadîth. A la longue, des économies d’une certaine somme ont été réalisées là-dessus. Or, l’imâm de ladite mosquée habite moyennant loyer; est-il permis d’acheter, avec l’argent économisé sur lesdits habous, une maison qui deviendra habous et que l’imâm habitera sans en payer le loyer, ou bien ne pourrait-il l’habiter qu’à loyer? La maison ayant été achetée et l’imâm y habitant déjà, s’il est tenu du loyer, à quoi emploiera-t-on celui-ci ?

Si les revenus desdits habous sont dépensés conformément à leur affectation, il est permis à l’imâm d’habiter, sans loyer, la maison achetée au moyen des économies réalisées sur ces habous.

(Ibn Mandhûr. T. VII, p. 124.)

Est-il permis de profiter de la lampe de la mosquée, quand elle est allumée, pour lire les livres de science et autres; de se mettre à l’ombre des murs et des arbres d’autrui; de faire ses besoins naturels dans les masures en ruines?

1. Pour l’acheter au moyen des deniers en excédent.

Si l’on profite [de l’éclairage] pendant le temps normal où la mosquée est éclairée, il n’y a là rien qu’on doive s’interdire. Il en est de même du fait de profiter de l’ombre du mur ou des arbres d’autrui, s’ils ne sont pas défendus ni interdits à ceux qui désirent s’y abriter.

Quant à la satisfaction des besoins naturels dans les masures de la ville, cela n’est pas permis, car les propriétaires de ces immeubles détestent cela, en éprouvent un dommage, et sont obligés de faire des frais pour l’enlever, lorsqu’ils ont besoin de leurs immeubles. Je ne sais pas quel est l’état de la question quant aux ruines situées à la campagne.

la campagne. {Ahmad Al-Qabbâb. T. VII, p. 199.)

Des individus, mariés et ayant leurs domiciles, prennent des chambres dans la Medrasa pour leur servir de dépôt et pour s’y reposer à de certains moments. Ils ne s’y réunissent point pour la lecture d’une section du Qur’ân, ni pour une séance d’enseignement, mais, au contraire, pour s’occuper de leur métier. Faut-il les expulser des chambres de la Medrasa et les remplacer par ceux des étudiants étrangers qui n’ont ni maison ni épouse ? Sontils tenus de payer un loyer pour avoir emmagasiné leurs s marchandises dans la Medrasa sus-indiquée ? Éclaircisseznous cela, puissiez-vous être récompensé [par Dieu] Et que le salut soit sur vous, Monseigneur, ainsi que la miséricorde d’Dieu et ses bénédictions

Il faut expulser ceux qui sont dans cette situation, il n’est pas permis de les laisser. Ne peut habiter la Medrasa que celui qui a atteint vingt ans et au-dessus, qui s’adonne à l’étude de la science ou à son enseignement dans la mesure de sa compétence, qui assiste à la lecture du Izizb 2 1. Par la science, J*, ‘ilm, on entend surtout l’étude du flqh, ou droit religieux.

2. Section du Qur’ân, qui en contient soixante.

matin et soir, et aussi au cours du professeur de Qur’ân de cette Medrasa, d’une manière assidue, sauf pour cause d’empêchement légitime, tel que maladie ou autre excuse analogue, justifiant son absence. Si cet étudiant a habité la Medrasa pendant dix ans, sans que ses bonnes aptitudes se soient révélées, il sera expulsé d’autorité, car il porte préjudice au habous. D’autre part, celui qui habite légitimement la Medrasa ne peut y emmagasiner que dans la mesure de ses provisions 1, selon l’usage en matière de habous. Tout cela est d’ailleurs indiqué dans les ouvrages de nos modernes imâms, Que Dieu soit satisfait d’eux tous ensemble. Quant à l’obligation au loyer qui incombe à l’étudiant ou à l’homme du peuple qui a emmagasiné [dans la Medrasa] ce qu’il ne lui était pas permis d’y emmagasiner, la question est l’objet d’un désaccord entre les modernes, mais l’opinion la plus répandue est qu’il ne sera pas condamné au [paiement] du loyer. De même, [celui qui habite la Medrasa] n’a pas le droit d’en prêter une chambre dont il a la jouissance, car il ne lui a été conféré que le droit d’y habiter seulement, ainsi que l’indiquent les auteurs. De même, celui qui se voue exclusivement à l’adoration et abandonne l’enseignement de la science, ne peut pas habiter la Medrasa, car elle n’a pas été constitué en habous à cet effet. Elle n’a été habousée qu’au profit de celui qui fait acte d’adoration en étudiant la science, tout en s’adonnant à une pratique religieuse qui ne l’absorbe pas au détriment de l’accomplissement du butque s’est proposé le constituant du habous, à savoir, l’assiduité à l’enseignement de la science et autres occupations analogues,. comme assister aux séances d’études2. 1. On entend, par le mot ^c-, les provisions que l’on fait en été pour la consommation d’une famille pendant l’hiver. Cela comprend surtout des viandes faisandées, du couscous séché au soleil et du beurre fondu et salé. 2. Nous avons mis ce mot pour ne pas répéter encore une fois le mot « science » dont l’auteur abuse.

C’est ainsi que les ribâl des Moarîdtn 2 ne peuvent être habités par ceux qui s’occupent de l’enseignement de la science, à moins que cela ne se trouve dans l’acte de fondation du habous.

(‘Abd Allah b. Muhammad Al-‘Abdûsî.

T. VIII, pp. 3-4.)

Une mosquée-cathédrale possède un habous qui lui a été constitué par un des Souverains des Musulmans, qui en a affecté le revenu à un imâm (ministre officiant), un professeur de Qur’ân, un secrétaire, un muezzin, des lecteurs du Qur’ân et des domestiques, en fixant à chacun une somme déterminée. Le revenu étant devenu ensuite insuffisant pour payer intégralement les traitements susindiqués, accordera-t-on à certains des employés susmentionnés un droit de préférence à l’égard des autres, ou bien concourront-ils au prorata de leurs traitements ? S’il n’y a pas de disposition écrite émanant du constituant du habous, d’après laquelle on doive faire passer les uns avant les autres, en cas d’exiguïté [des ressources], ils concourront tous, à moins que le Souverain qui lui succède n’estime que tel d’entre eux a un besoin plus pressant [que les autres], auquel cas il aura le droit de l’avantager. Au reste, Dieu le sait mieux.

Il semble que l’imâm (ministre officiant) et ceux des muezzins et des domestiques dont on a besoin doivent être rangés dans une même classe, mais Dieu le sait mieux. (Muhammad ibn Marzûq. T. VII, p. 258.)

1. Casernes fortifiées construites sur les frontières des pays. Voy. ce mot dans Dozy, op. cit., I, 502.

2. Secte de sûfîs guerriers, qui se rendirent indépendants au déclin de l’empire des Almoravides. Voy. ce mot dans Dozy, I, 569, et les auteurs qu’il cite.

Un individu constitue en habous une maison et des boutiques au profit de son (ils, qu’il a nommé, au profit de la postérité de celui-ci et de la postérité de sa postérité, tant qu’ils se multiplieront et que s’étendront leurs branches. Quand ils s’éteindront, qu’il ne restera plus aucun d’eux, le habous susdit fera alors retour à la plus proche personne du constituant, au jour du retour. Telle est la teneur de l’acte constitutif du habous. Le constituant étant décédé, le habous demeura entre les mains de son fils susdit, puis celui-ci étant mort, en laissant des enfants, garçons et filles, le habous resta également entre leurs mains. Enfin ces enfants, garçons et filles, étant morts en laissant des enfants, ceux d’entre eux qui descendent des filles susdites bénéficient-ils du habous en question ? Éclaircissez-nous cela, puissiez-vous être récompensés 1

Les enfants des filles du fils bénéficiaire du habous sont compris dans le habous en question avec les en fants de ses fils, car ils font partie de la postérité de sa postérité, ainsi que l’usage l’a consacré, en comprenant les enfants des filles dans le mot postérité (^^ ‘aqib), jusqu’à la dernière génération à laquelle s’est arrêté le constituant, dans la mention de la postérité.

(‘Îsâ ibn ‘Allai. T. VII, pp. 32-33.)

Le jurisconsulte ci-dessous a été consulté au sujet 1° D’une maison qui a été constituée en habous au profit d’un muezzin, qui fait l’adhân (appel à la prière) pendant le dernier tiers de la nuit, au moment où les muezzin ls’endorment.

1. Dans cette fêtwa, d’ailleurs assez mal rédigée, il est question tantôt d’un seul muezzin, tantôt de deux, tantôt de plusieurs. La réponse montre qu’il n’y en a que deux. Nous avons cependant respecté le texte arabe, dans la traduction.

2° D’une autre maison constituée en habous au profit d’un individu chargé de balayer une autre mosquée, de fermer et d’ouvrir (la porte).

Les deux bénéficiaires des tabous ci-dessus ne cessèrent pas de jouir des deux maisons en question, jusqu’à ce que celles-ci tombèrent dans un délabrement excessif, nécessitant de grandes réparations. Voyez, Monseigneur, à la charge de qui seront les réparations. Y sera-t-il pourvu au moyen des habous, je veux dire des habous de chaque mosquée, ou bien les muezzin seront-ils tenus de faire cette restauration de leurs deniers, vu qu’ils ont été cause de ce délabrement, et que l’intention du constituant du habous s’est trouvée infirmée ? Chacun des muezzin est en fonction depuis vingt-quatre ans. Expliquez-nous. Il incombe aux deux muezzin plus qu’à tout autre de réparer ce qui est tombé en ruines, dans les maisons, car, en toute justice, ils n’auraient dû avoir la jouissance de ce habous qu’après y avoir réparé ce qui avait besoin de réparation. En sorte que les deux muezzin sont débiteurs de ces fruits qu’ils ont retirés du habous avant de l’avoir réparé.

{‘îsâ ibn ‘Allai. T. VII, p. 59.)

DE L’OBJET DU HABOUS

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté dans les termes suivants

Monseigneur. Puisse Dieu être satisfait de vous, faire durer votre puissance et conserver aux Musulmans vos bénédictions [Nous sollicitons] votre réponse bénie au sujet de quelques propriétés dont certain roi a fait des biens du makhzen. Il les donna à certains de ses serviteurs et les fit rentrer dans [la catégorie des biens] du bail al-mâl des Musulmans. Il les constitua ensuite en habous au profit de ses petits-enfants, de leurs descendants et des descendants de ceux-ci. Ledit habous demeura entre les mains des [premiers] bénéficiaires, puis entre les mains des descendants et des descendants de ceux-ci, jusqu’à ces dernières années. Ils en jouissaient et tiraient profit de son revenu. Puis un des anciens rois fit rentrer ledit habous parmi les biens du makhzen pendant ces dernières années et, à l’heure actuelle, il est compris dans le bail al-mâl des Musulmans. Ce habous est-il valable? Le fait de l’avoir compris parmi les biens du makhzen annule-t-il la constitution en habous ? Dans la négative, celui qui est chargé de veiller aux intérêts des Musulmans aura-t-il besoin de requérir témoignage qu’il annule le habous? Éclaircissez-nous tout cela, puissiezvous être récompensé [par Dieu], comblé d’éloges, et puissiez-vous en être rétribué. [J’ajoute] que, parmi les immeubles habousés au profit des susnommés, est un immeuble qui appartenait au bait al-mâl des Musulmans, et qui n’a été retiré à aucun [de ceux qui le détenaient]. Le habous sera-t-il valable pour le tout, ou annulable pour le tout, ou maintenu pour partie et annulé pour partie ? En cas de nullité, le habous est-il nul de plein droit (inexistant) ou aura-t-on besoin de l’annuler’? Éclaircisseznous tout cela, puisse Dieu le Très-Haut rendre considérable votre récompense Et que le salut soit sur vous ainsi que la miséricorde d’Dieu le Très-Haut et ses bénédictions.

1. Comme on le voit, le faqth musulman établit une différence entre la nullité de droit (ou inexistence) et l’annulabilité. Ce n’est pas, d’ailleurs, la première fois que nous constatons combien les juristes musulmans s’entendent aux nuances et aux analyses très subtiles des principes du droit.

[Réponse1] Louange à Dieu le Très-Haut, perpétuellement.

La réponse, et Dieu le Très Glorieux est celui qui [nous] assiste par l’effet de sa bonté, est ce qu’ont dit nos docteurs, à savoir, que les tabous constitués par les rois, sur les biens des Musulmans, au profit de leurs enfants ou de leurs proches parents, par avidité [d’acquérir] les biens de ce has monde pour eux-mêmes et pour leur postérité, et en suivant des institutions qui ne sont pas légales- – ne sont ni valables, ni exécutoires. Il est illicite pour les bénéficiaires du habous d’en toucher les fruits. Et il appartient à l’Imâm (le Souverain) de les leur retirer et d’en appliquer le revenu, soit à eux-mêmes, soit à d’autres qu’eux, conformément à ce qu’exigent les intérêts des Musulmans. [Ces rois] sont dans la situation de celui qui constitue en habous le bien d’un individu au profit d’un autre individu; or, cette constitution du habous de sa part n’est pas valable.

Bien mieux, si ces rois constituaient un habous au profit d”œuvres pies et d’intérêt public et s’en attribuaient la paternité, en se basant sur ce que les biens qui se trouvent au bail al-mûl leur appartiennent, comme le croient certains d’entre eux, le waqf serait nul, autrement dit il ne serait valable que s’ils constituaient le waqf avec la conviction que les biens appartiennent aux Musulmans, ainsi que le waqf. Mais s’ils avaient la conviction que les biens et le maqf étaient à eux, il y aurait nullité. C’est comme celui qui constitue en waqf le bien d’autrui, comme étant à lui le waqf ne sera pas valable. C’est la même chose ici.

1. Cette réponse se trouve rapportée, sans modification aucune, à la page 209 (t. VII) du texte arabe, à l’occasion d’une autre question que nous avons donnée ci-dessous, p. 349 et suiv.

2. Lire <A)I, au lieu de^-lJ’ tout court. Cf., d’ailleurs, la page 209 du texte arabe (t. VII).

Tous les habous 1 sont nuls, aussi bien celui qui a été retiré des mains du serviteur susdit que tout autre, car le habous qui a été retiré des mains du serviteur a fait retour au bail al-mâl et a repris la condition des biens qui appartiennent originairement au bail al-mâl. En conséquence, l’Imâm (Souverain) ne peut en disposer que conformément à l’intérêt (public).

L’annulation dudit habous ne peut avoir lieu que par un jugement, après avoir établi les conditions requises pour cela.

Quant au fait d’avoir fait rentrer le bien habousé parmi ceux du makhzen. si cela s’est produit après que les conditions requises ont été établies et après l’interpellation finale adressée à qui de droit, c’est une annulation du habous. Mais s’il n’y a eu que mise [du bien habousé] parmi ceux du bail al-mâl, purement et simplement, elle n’annulera pas le habous.

En un mot, on examinera maintenant la situation s’il y a eu un précédent jugement, émanant d’un premier juge, prononçant l’annulation dudit habous, après établissement du motif légal, il n’y a plus aucun doute sur son annulation. Si ce motif n’a pas été établi par-devant le premier juge, on recommencera maintenant l’examen [de l’affaire], pour l’établir et juger en conséquence. Enfin, si le motif légal2 ayant été établi par-devant le précédent juge, celui-ci n’a pas cru devoir prononcer l’annulation du habous, celui qui a maintenant l’administration des biens des Musulmans en prononcera la nullité.

Et c’est d’Dieu le très Glorieux qu’il convient d’implorer l’assistance.

{‘Abd Allah Al-‘Abdûsî. T. VII, pp. 315-316 3.) 1. Constitués par le roi.

2. D’annuler le l.iabous.

3. Suit une attestation de deux témoins que la fatwa ci-dessus était écrite de la main même d’Al-‘Abdoùsi.

Un homme, au profit duquel des comestibles ont été constitués en habous pour sa consommation, demanda au constituant de l’affranchir de l’interdiction du habous, en le transformant en donation de comestibles, pour [lui permettre] de les consommer avec d’autres ou d’en disposer de la manière qu’il lui plaira. L’autre y consentit, et le bénéficiaire fit consommer les comestibles par certaines gens. Cette transformation du habous en donation est-elle valable ? P

La constitution du habous n’est valable que relativement aux choses dont on peut tirer profit tout en conservant leur substance, comme la terre, une maison, une monture, et autres choses analogues. Quant aux choses semblables aux comestibles, dont on ne peut tirer profit sans en détruire la substance, ce n’est pas là un Aabous; ce n’est qu’une donation ou une aumône, dans laquelle le donateur a stipulé que le donataire ne pourrait vendre ni donner l’objet de la libéralité à un autre. C’est une question controversée dans laquelle il existe cinq opinions, dont la plus répandue admet que cette donation ou cette aumône ne devient valable que si le disposant supprime la condition prohibitive de la vente ou de la donation. Après cette suppression, la chose donnée devient la propriété du donataire, qui en disposera à son gré. C’est ce qui a été fait dans la question que vous soumettez. Il n’y a donc aucune poursuite à exercer contre ceux qui ont consommé les comestibles.

(Ahmad Al-Qabbâb. T. IX, p. 114.)

Lorsque le Sultan achète avec [l’argent] du bail al-mâl (Trésor public) une terre ou autre chose, et la constitue en habous au profit d’une œuvre utile pour les Musulmans, comme une medrasai (école), un hôpital, un 1. On sait que la transcription fautive de ce mot arabe en medersa a prévalu dans l’usage, surtout en Algérie.

r/èà/1, des hôtelleries^ là-2), une zâouïa, ou au profit d’un homme saint et de sa postérité, pour faire retour ensuite aux faqîhs, -cette constitution de habous est-elle valable? [On peut aussi supposer] que le Sultan a habousé à cet effet une terre appartenant au bail al-mâl.

Oui, la constitution de habous faite par le Sultan sur les biens du bail al-mûl est valable, s’il estime qu’il y a intérêt à ce faire, car les biens du bail al-mâl sont destinés aux œuvres intéressant les Musulmans, et ceci en est.{Moahyî-d-Dîn Àn-Nawawî. T. VII, p. 180.)

Le habous constitué par le sultan Aboù-l-‘Abbâs Ahmad ibn Aboù Sâlim 3, sur le jardin connu sous le nom de djanân ibn ‘ain an-nâs, au profit du mausolée de son aïeul, est-il valable ?

Louange à Dieu le Très-Haut

La réponse est que l’acte de l’émir Aboù ‘Amir4, en tant qu’il a habousé le jardin susdit, est nul, inexécutable, dépourvu de validité. Au contraire, l’acte par lequel le sultan qui lui a succédé a annulé l’acte de l’émir et fait rentrer le jardin en question pour le réunir au bail al-mâl des Musulmans, est la mesure qui s’impose dans ce cas, à raison de l’insolvabilité de ces émirs. Le caractère notoire 1. Voy. ci-dessus, p. 342, note 1.

2. Sur ce mot, qui est d’origine persane, voy. le Supplément aux dictionnaires arabes de Dozy, I, 346, et Fleishf.r, Studien über Dozy’s Supplement, lra partie, p. 33. Dozy ne lui donne que le sens de cloître. J’ai souvent entendu employer ce mot, en Tunisie, avec le sens de défilé entre deux montagnes où l’on risque de se faire tuerpar les brigands, comme on dirait un coupe-gorge. En tout cas, avec le sens qu’on lui donne en Tunisie, ce mot n’est pas d’origine persane, mais purement arabe et s’écrit sans élif. Cf. <<&»- dans le Dict. de Beaussier.

3. Sultan marinide du Maroc, le 19« de cette dynastie (1387-1393); cf. STANLEY LANE-POOLE, The mohammadan Dynasties, p. 58. Il régna deux fois. Voy., pour les détails, IBN At-QADi, Djadhwat al-igtibûs, p. 63. 4. Dans la question, il est nommé Abû-l-‘Abbàs.

5. Voy. ci-dessus p. 324, note 2.

de l’insolvabilité des émirs de notre époque est suffisant et n’a pas besoin d’être établi. En effet, les circonstances dont résulte leur insolvabilité n’échappent à personne. Et l’on ne pourra pas dire que le qâdî juge, dans ce cas, d’après la connaissance personnelle qu’il a des faits, car la défense au qâdî de juger d’après sa propre connaissance des faits, a pour cause la suspicion qui pourrait l’atteindre de ce chef. Or, cela ne peut se produire que dans le cas où il est seul à connaître la chose. Mais, pour les questions qu’il connaît lui-même avec d’autres, et dans lesquelles sa connaissance est identique à celle des autres, il a le droit de juger d’après sa connaissance personnelle. Ce sont là des questions que l’on trouve [exposées] dans la doctrine. D’autant plus que dans l’affaire du jardin susdit, acte a été pris contre le sultan, que l’insolvabilité de l’émir en question a été établie par-devers lui. Cela donne une force nouvelle à ce que j’ai dit quant à la notoriété de la situation. Il résulte de l’ensemble de ce que nous avons dit que le habous constitué par ledit émir est nul, et que la vente consentie par le sultan Muhammad est valable1. {A bû-l-‘A bbâs A fymadb. Muhammad b. ‘îsâ A l-Loudjâ’î 2. T. vil, p. 206.)

1. Cette question du jardin a fait l’objet de plusieurs fatwas des jurisconsultes de Fàs, qui ont tous été du même avis que le jurisconsulte ci-dessus. Nous n’avons pas cru utile de les traduire toutes, parce qu’elles ne diffèrent les unes des autres que par la rédaction, la conclusion, dans toutes, étant la même annulation du habous constitué par l’émir. Les autres félwas sont signées de le sharîf Muhammad b. Ahmad b. Mouliammad Al’Oumrânî(le ‘ain porte la voyelle ou dans le texte arabe), ‘Aud Dieu AI-‘Abdoùsi (voy. supra p. 11) Ahmad b. ‘Oumar Al-Mizdjali (? ,J»-j4’)- La réponse d’AI-‘Abdoùsî est rapportée au sujet d’une autre question, exposée à la page 31B du texte arabe (t. VII). On en trouvera la traduction supra, p. 344 et suiv.

2. Ce jurisconsulte malékite vivait à Fâs, où il était le contemporain d’Al-‘Abdûsî (f 1444 ou 1445. Voy. supra, p. 11). Iun Al-QÂdî, op. cit., pp. 58-60, donne une bien courte biographie de cet auteur, mais il ignore la date de sa mort.

Les constitutions de habous conclues par les ‘âmel (gouverneurs de province), les collecteurs d’impôts, les fonctionnaires du makhzen, enfin ceux dont le passif excède l’actif1, et portant sur les biens qu’ils ont acquis pendant leur situation de gouverneur ou de fonctionnaire, sontelles licites ou, au contraire, nulles et non-avenues, à cause de leur insolvabilité ? Éclaircissez-[nous] la règle à ce sujet, puissiez-vous être récompensé (par Dieu) Et que le salut soit sur vous, ainsi que la miséricorde d’Dieu, et ses bénédictions.

La réponse est que les constitutions de habous ou autres actes de libéralité, faits par les insolvables au profit de leur descendance ou au profit d’autres, au moyen de biens confisqués à des propriétaires inconnus et qu’on a désespéré de connaître, ou qui sont connus mais dont on ignore la part qui revient à chacun d’eux, sont illicites, inexécutables. Car ces personnes, par suite de ce qu’ils sont soustraits au cours de la justice, sont dans la situation juridique de celui dont l’insolvabilité a été judiciairement déclarée, et qui a été privé de la disposition [de ses biens], d’après l’opinion la plus répandue dans la doctrine.

Certes, parmi les actes de disposition faits par ces personnes, relativement aux biens qu’elles détiennent, seront exécutoires ceux par lesquels ils ont fait une aumône aux pauvres et aux indigents, ou qu’elles ont employés à réaliser une œuvre quelconque de bienfaisance, conforme à l’intérêt public des Musulmans, d’après l’opinion qui donne à ces biens la même destination que le fayy Ahmad ibn Nasr Ad-Dâûdî, – Que Dieu lui fasse miséricorde a soutenu par écrit l’opinion que ces personnes ne peuvent tester et que leurs testaments doivent être 1. Voyez ci-dessus, p. 324, note 2.

2. Sur cette partie des revenus du bail al-mâl, voy. le tome 1 de cette traduction, p. 241.

annulés. La même décision se trouve dans « les jugements » d’Ibn Sahl. « La raison en est, dit Ahmad, que ce qu’ils ont entre les mains appartient à ceux qu’ils ont spoliés, s’ils sont connus, ou, s’ils ne le sont pas, aux Musulmans. »

ÇÎsâ ibn ‘Allai Al-Masmûdî. T. VII, p. 118’.) La constitution de habous de la part des titulaires de concessions 2 est-elle valable? P

La constitution de habous de la part des titulaires de concessions en Ifrîqiyya3 3 est imparfaite, car la concession, dans cette province, n’est qu’une donation de jouissance, non une donation du fonds lui-même 4. De sorte que l’immobilisation faite par ledit constituant du habous n’est valable que relativement aux choses qui lui appartiennent sur le fonds en question, comme les matériaux et les autres choses analogues; quant à ce qui relève du Sultan, cette constitution du habous est sans effet. Au reste, Dieu le sait mieux.

Cette règle, dit-on, est empruntée à la matière des ventes nulles. De ce nombre est la vente des mines, laquelle n’est pas permise, parce que, à la mort du concessionnaire, les mines sont concédées à un autre et ne sont point recueillies dans sa succession. C’est, dit l’auteur, parce que l’on n’a accordé au concessionnaire que la jouissance seulement. (Ibn ‘Ai,afa. T. VII, p. 226.)

(Ibn ‘Arafa. T. VII, p. 226.)

1. Cette fatwa est datée du lundi 9 Radjab 788 (27 juillet 1386). 2. ^jJaJl (jljl. il s’agit apparemment des concessions accordées gratuitement par le prince à des dignitaires, à des courtisans, comme cela se fait souvent dans les pays musulmans.

3. On sait que les géographes arabes désignent par ce nom le pays qui forme aujourd’hui la Régence de Tunisie.

4. Oj, raqaba, est le dominium opposé à 4aiX«, manfa’a, jouissance ou usufruit.

Un individu constitue en habous, à son propre profit, un cheval pour faire la guerre, ou un esclave, dans le même but; peut-il se servir de l’un ou de l’autre 1 P La constitution du habous qu’il a faite à son propre profit est faible, à moins qu’il ne constitue en habous (le cheval ou l’esclave) pour la cause d’Dieu 2, en sorte qu’il le prépare à la guerre pour qu’il soit utilisé par lui ou tout autre que lui. Dans ce cas, le habous sera valable s’il s’est dessaisi de l’objet, pour le reprendre ensuite. Si son décès survient avant qu’il ne s’en soit dessaisi, la constitution de habous qu’il a faite est nulle.

(Abû Muhammad ibn Abû Zaid. T. VII, p. 229.) Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté sur une question de habous. Voici ce qui lui a été écrit à ce sujet Monseigneur! Puisse Dieu perpétuer votre haute autorité et préserver votre éminente supériorité de tout malheur et de toute mauvaise surprise. Nous prions la perfection de votre seigneurie et votre resplendissante noblesse de daigner porter attentivement votre juste examen et votre jugement, qui est assisté [par Dieu] et bien dirigé, sur quelques-unes des dispositions d’un acte de habous, dont voici la teneur du passage incriminé « ‘AU ibn Houmaid As-Soufyânî a constitué en habous, au profit d’Abû Sa’id ibn Muhammad As-Sabtî, la totalité de la carrière dite d’Ibn Koulaib, ainsi que la plantation qui s’y trouve, et au profit de sa postérité et de la postérité de sa postérité, tant que ses descendants se multiplieront par la génération et que s’étendront leurs ramifications, l’homme et la femme ayant, en cela, des droits 1. En attendant l’occasion de les utiliser à la guerre.

2. Le texte porte (J^-Jl seulement, et cela signifie a pour l’usage de tout le monde, pour l’usage commun ».

ARCH. MAROC. 23

égaux’. La part de celui d’entre eux qui mourra sans postérité fera retour aux suivants parmi les descendants des hommes ou des femmes. Si le bénéficiaire du habous et sa postérité s’éteignent, sans qu’il en reste un seul, ledit habous fera retour aux pauvres et aux indigents, qui habitent le mausolée du shaikh Abû-l-‘Abbâs As-Sabtî, pour qu’ils tirent profit de son revenu. » Examinez ce passage, monseigneur, Que Dieu vous dirige dans la bonne voie et vous conserve 1° La constitution en habous de la carrière susdite est-elle valable, étant donné que le bénéficiaire du habous ne peut en tirer profit qu’après l’avoir détruit en en fouillant la terre et en extrayant la pierre, par un travail qui durera tout le cours de sa vie ? Or, c’est là une aliénation de la chose habousée et une destruction de sa substance, alorsquela constitution de habous comporte la jouissance, avec conservation de la chose même dont on tire profit. Ou bien la constitution de habous n’étant pas valable au profit dudit bénéficiaire, la chose [habousée] est-elle restituée au constituant, s’il est vivant, ou à ses héritiers, s’il est mort, ou au bait almâl, si aucun d’eux n’existe, comme dans le cas où un individu constitue en habous une chose qui n’a ni utilité, ni fruit? Ou, enfin, la constitution du habous sera-t-elle interprétée comme une donation, en sorte que la chose même (le dominium) devienne la propriété du bénéficiaire du habous, dont Abû Sa’îd et sa postérité feront ce qu’ils voudront, le droit du dernier dévolutaire devenant caduc. 2° Louange à Dieu le Très-Haut, à lui seulettoujours 1. Nous avons supprimé, dans la traduction, la phrase suivante, qui n’ajoute rien de nouveau »lj– > i^AJi <j_>j.’ Â)ljfc_jlflft’VI «_ilâcl vdllJL-5j « 11 en sera de même des descendants des descendants, les hommes (a) ayant, en cela, des droits égaux. » a) Le copiste a probablement oublié il>« VlJ o et les femmes ».

2. La deuxième question posée est peu intéressante et, pour ne pas grossir inutilement le volume, nous la passons sous silence. Il s’agit .l’ai pris connaissance, excellent seigneur, de votre question, et j’ai compris par sa teneur votre allusion au point à examiner dans la réponse à vous faire. Ce que vous avez dit, (Que Dieu le Très-Haut vous garde et dirige votre jugement dans la bonne voie !) quant à la constitution en habous de ladite carrière, est une thèse fort juste, car le habous, ainsi que l’a défini le shaikh, le jurisconsulte Ibn ‘Abd As-Salâm 1, est, en réalité, « une donation d’utilités à titre perpétuel ». C’est une thèse évidente quant à la discussion de principes que vous avez exposée dans votre question, car la donation faite par le constituant du habous ne s’applique qu’aux utilités et non aux choses habousées elles-mêmes. Par les mots « à titre perpétuel >), Ibn ‘Abd As-Salâm exclut le prêt à usage (^jlfr ‘âriyâ) et la donation viagère (kSj* ‘oumrâ) en restreignant la donation aux « utilités », il exclut la donation (ï«* hiba) et les autres contrats analogues, dans lesquels la donation s’applique aux choses mêmes. Et le shaikh Ibn ‘Arafa est tombé d’accord avec Ibn ‘Abd AsSalâm sur sa définition, en disant à son tour que [le habous] est « une donation de l’utilité d’une chose pour tout le temps de sa durée, la chose devant demeurer, ne fût-ce que virtuellement, la propriété du donateur. 2 » Ainsi Ibn ‘Arafa a subordonné la donation de la chose habousée à son maintien sous le droit de propriété du constituant, en sorte que le bénéficiaire ne puisse pas disposer de la chose habousée, car ce serait disposer de la propriété d’autrui sans son autorisation il ne peut la d’une question qu’on trouve traitée partout, celle de savoir quelles sont les personnes comprises dans le terme « postérité » k^ûft ‘aqib. Voy.,par exempte, Sidi Khalîl, Précis, trad. Seignette, art. 1270-1271, et ci-dessus, p. 343.

1. Voy. le tome 1 de cette traduction, p. 69.

2. Voyez une traduction un peu plus libre de cette définition dans Sidi KHALiL, trad. Seignette, p. 389.

vendre, ni en disposer autrement que de la manière à lui permise par le constituant du habous.

Au contraire, dans la constitution en habous de la carrière, on sait, par l’usage courant et habituel, que le bénéficiaire du habous ne peut en tirer profit que par la destruction de la chose même et la disparition de ses parties, peu à peu, jusqu’à ce qu’il en épuise la totalité. Or, les docteurs, Que Dieu soit satisfait d’eux ont exposé que la constitution en habous des comestibles n’est pas permise, car on ne peut en tirer profit qu’en en détruisant la substance, et cela dénature le véritable caractère du habous. Ces docteurs sont en désaccord sur le habous dont on ne peut tirer profit qu’en l’échangeant contre une autre chose, comme la constitution en habous de l’argent monnayé pour être prêté. Désapprouvé par les uns, il est déclaré permis par d’autres, bien qu’il ne rentre pas dans la catégorie du habous, puisqu’il est permis de le vendre à l’emprunteur. En effet, la caractéristique du habous, c’est la prohibition de le vendre. Il est vrai pourtant que dans la constitution en habous des dînârs et des dirhems, si ceux-ci sont vendus, ceux qui sont reçus en échange prennent leurs lieu et place. Il en est différemment de la carrière qu’on donne dans la question, car sa condition la plus vraisemblable et son régime sont ceux des comestibles on ne peut en tirer profit qu’en la détruisant. En conséquence, seront nulles la constitution en habous de la carrière et sa vente, comme il a été dit au sujet de la constitution en habous des comestibles. Au demeurant, Dieu le Très-Glorieux le sait mieux. (Abû Mahdî ‘Isa Al-MâwâsîK T. VII, p. 232.) 1. Aboù Mahdl ‘îsâ b. Ahmad Al-Mâwàsî AI-Batawî, jurisconsulte malékite et mufti de FAs, où il mourut en 896 (= 1490). Cf. IBN AL-yÂni, Djadhwat al-iqlibâs, pp. 282-283.

Je dis» la vérité sur la constitution en habous de la carrière en question, c’est qu’il est défendu d’en enlever la terre ou d’en extraire la pierre, de les vendre ou de les transformer, car la signification du mot tahbîs (constitution en habous), c’est la prohibition de disposer et de détruire. Aussi point de habous, s’il n’est à l’abri de la destruction et de la transformation..

Al-Ghazâlî 2, Que Dieu lui fasse miséricorde a dit dans l’ouvrage intitulé A l- Wadjîz 3 (le Concis) « L’immobilisation porte sur un objet susceptible de propriété, déterminé, dont on peut obtenir un revenu ou une utilité, sans que la substance même disparaisse par la jouissance. » Or, en ce qui concerne la carrière en question, on ne peut en tirer toute l’utilité que par la destruction de la chose même ou d’une de ses parties.

Et l’on ne pourrait pas opposer à ce raisonnement la tradition rapportée au sujet de celui qui constitue en habous quelques vaches, afin que leur lait fût distribué en aumône aux indigents. Dans ce cas, les femelles qu’elles mettent bas sont constituées en habous de la même manière que leurs mères, et les mâles auxquels elles donnent le jour sont habousés pour la monte si les mâles sont très nombreux, ils sont vendus, pour le prix être employé à l’achat de femelles qui sont affectées au 1. C’est Al-Wansharîsi, l’auteur du Mi’yâr, qui parle.

2. Aboù Hàmid Muhammad ibn Muhammad AI-Ghazàli, fameux théologien, philosophe et jurisconsulte shâfl’ite, né en 451 de l’hégire (1059), mort le 14 Djoumâdà II 509 (19 décembre 1111). Il a produit un très grand nombre d’ouvrages, dont la plupart ont eu plusieurs commentateurs. Cf. la longue notice que lui a consacrée M. C. Brockelmann dans sa Geshichte der arabishen Litteratnr, I, pp. 419-426. DE Hammeb,Litteralurgeshichte, VI, 292, 333, 535. Voy. aussi une notice, avec la liste des ouvrages de cet auteur, dans le manuscrit n° 2103 de la Bibliothèque Nationale, f” 36.

3. C’est un abrégé d’un autre ouvrage d’Al-Ghazàlî, intitulé: Al-Wa?tt, qui est lui-même un abrégé d’un ouvrage plus considérable, intitulé Kilâb al-basit ft-l-fouraâ’ (le livre étendu, sur les branches du droit). Pour plus dedétails, voy. l’ouvr. cité de M. Brockelmann, I, 42t.

DE L’AFFECTATION DU HABOUS Une maison a été constituée en habous par son propriétaire au profit de ses descendants et des descendants de ses descendants, en lui donnant, comme e dévolutaire définitif, l’imâm de la mosquée-cathédrale, quel qu’il soit. Le constituant du habous et les bénéficiaires étant morts, le habous de ladite maison fit retour à l’imdm en question, conformément à la constitution en habous faite par le propriétaire. Or, au moment

même habous. De même, on vend celles des femelles qui ont dépassé l’âge où elles peuvent faire des petits et qui n’ont pas de lait, pour le prix être employé à l’achat de femelles ayant du lait. [On ne peut pas faire cette objection], parce que nous répondrons ceux des mâles qui dépassent le nombre dont on a besoin pour la monte, ou celles des femelles qui. ont dépassé l’âge où elles peuvent avoir des petits, ne sont pas compris dans la constitution du habous. C’est, au contraire, du surplus, et c’est pour cela qu’il est vendu.

Si tu m’objectais du moment que le habous ne s’applique pas à ceux des mâles dont il a été question ni aux femelles qui ont dépassé l’âge où elles peuvent faire des petits, pourquoi ne permettez-vous pas qu’on leur applique les règles des successions, je répondrais c’est précisément le principe que l’on aurait dû appliquer, et c’est pour cela que certain imâm m’a critiqué au sujet de cette question. Réfléchissez-y.

(Ibid., p. 234.) de sa dévolution définitive au susdit, on trouva que la maison avait grandement besoin de nombreuses réparations et de travaux de conslr action, alors que son loyer et son revenu ne rapportent que peu de chose. Les travaux de construction et de réparations de ladite maison seront-ils faits au moyen des deniers de la mosquée susdite, je veux dire de l’excédent de ses revenus, ou bien au moyen des deniers d’une zâouïa, qui possède de nombreux wnqf, qui lui ont été constitués par les anciens émirs et les anciens sultans, et dont le revenu est dépensé aujourd’hui pour certaines choses utiles, en vertu d’une fatwa des anciens jurisconsultes de Fâs? Éclaircissez-nous la règle à cet égard.

La doctrine d’Ibn Al-Qâsim est que les revenus des habous ne peuvent être dépensés que dans le but désigné et spécifié par le constituant du habous; on ne peut les affecter à un autre but, lors même qu’il y aurait, dans le revenu, un excédent considérable et une partie en surplus, qui dépasse le but que s’était proposé le constituant du habous. Ibn Al-Qâsim ajoute « On achètera, avec l’excédent disponible, des fonds dont le revenu sera dépensé au profit des bénéficiaires des habous. » Au contraire, la doctrine d’Asbagh et d’Ibn AI-Mâdjishûn est que toutes les choses qui sont consacrées à Dieu peuvent être dépensées indifféremment les unes à la place des autres.

Ainsi, d’après la doctrine d’Ibn Al-Qâsin, la maison susdite ne sera pas reconstruite au moyen de l’excédent du habous de la mosquée, à moins que le habous n’ait pas d’affectation déterminée, spéciale, ni de désignation de certains emplois (comme [l’achat de] J l’huile ou des nattes, etc.) parmi lesquels l’imâm ne serait pas compris. Dans ces conditions, le habous est affecté d’une façon générale aux utilités de la mosquée; or, les réparations à la maison de Vimâm sont du nombre de ces utilités.

Au contraire, par application de la doctrine d’Asbagh r! d’Ibn Al-Mâdjishûn, la réparation de la maison a lieu dans tous les cas au moyen [des revenus] des habous de la mosquée, que ces habous soient «iffectésspécialement à des utilités déterminées, dans lesquelles Vimâm ne soit pas compris, ou qu’ils n’aient pas d’affectation spéciale. Le faqîh Ibn Amlâl, un des muftis modernes de Fâs, disait « Lorsque le habous a un excédent disponible important, dont on est sur que la mosquée n’aura pas besoin, et qu’il appert que la réparation de la maison de l’imâm est une mesure sage et juste, on réparera ladite maison au moyen de l’excédent [de revenu] de la mosquée, qui est sûre de n’en avoir pas besoin. »

Le faqîh, le hâfidh, le sayyid Aboù-I-Elasan As-Saghîr, -Que Dieu Très-Haut lui fasse miséricorde! – avait rendu, au sujet de la maison d’habitation de l’imâm, qui a besoin de réparations, une fatwa (consultation juridique) aux termes de laquelle ladite maison sera réparée au moyen de ses propres revenus. On procède ainsi ou bien l’imâm paiera le loyer de la maison, ou bien il la quittera, pour qu’on la donne en location à quelqu’un qui se chargerait de la réparer. Enfin si l’imâm refuse, ajoute cet auteur, on fera la réparation aux frais des habous. Le sens apparent de ces paroles est que cette règle est spéciale à la maison constituée en habous pour le logement de Vimûm, mais qu’elle ne s’applique pas à la maison constituée en habous au profit de l’imâm, pour qu’il la donne en location. Qu’on y réfléchisse. Au reste, Dieu le sait mieux.

Tout cela, d’ailleurs, n’a lieu que si le waqf ne fait point partie des habous constitués par les princes, car, dans le cas contraire, Al-Qarâfî et d’autres ont écrit qu’il est permis de dépenser l’excédent disponible pour des œuvres de bien autres que celles indiquées par le Souverain. Dans cette hypothèse, on ne rencontre pas la divergence qui existe entre Ibn Al-Qâsim, d’une part, Asbagh et Ibn AIMâdjishûn d’autre part. Et Dieu le Très-Haut est celui qui nous assiste (pour arriver) à la vérité.

(T. VII, pp. 187, 188.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet des livres constitués en habous, lorsque le constituant a indiqué certaines manières de s’en servir et a gardé le silence sur le reste.

Il a répondu « Si le constituant a indiqué certaines manières de se servir des livres, comme s’il disait, par exemple, « pour les lire et les consulter », il n’est permis à personne d’en faire une copie, à moins que le constituant ne dise « et autres manières d’en tirer profit ». Ceci est dit par Ibn Rushd.

(Ahmad Al-Qabbâb. T. VII, pp. 198-199.)

Un homme constitua un habous, à la condition qu’on achèterait avec ses revenus des vêtements et qu’ils seraient distribués aux indigents le jour du quatorze Sha’bàn suivant. [Que décider ? ]

Cela n’est pas nécessaire2; au contraire, on doit se hâter de distribuer les vêtements aux indigents, dès que cela est possible, car la date stipulée par le constituant est déjà passée, et la distribution est maintenant à faire à titre de qada3 et non d’adâi.

Aussi, dès que cela est possible, la chose doit être donnée, comme les oblations votives si celui [qui les doit] 1. On ne voit, de prime-abord, la difficulté sur laquelle on consulte le faqth. Mais, d’après la réponse, on peut facilement deviner que la date fixée par le constituant est passée, sans que la distribution ait été faite. 2. L’auteur veut dire, je crois, qu’il n’est pas nécessaire d’attendre le 14 Scba’bân de l’année suivante.

S. et 4. Sur le sens technique de ces mots, voy. le tome I de notre traduction, p. 37, à partir de la ligne 22, et la p. 144, note I.

ne les a pas égorgées jusqu’à ce que les jours du tashrîq se fussent écoulés, il devra les égorger dès que cela est possible et ne pas les ajourner jusqu’à l’époque des sacrifices de l’année suivante.

{Mouhyî-d-din An-Nawawî. T. VII, p. 182.)

Un homme constitua un habous et stipula que [le revenu] en serait affecté, en son nom, au profit d’une des citadelles des Musulmans, pour des usages qu’il a indiqués. L’ennemi s’étant emparé de cette citadelle [que décider?]

Le revenu sera affecté au profit d’une autre citadelle, pour des usages identiques 2.

(Ibn Dahhûn. T. VII, p. 147.)

Un habous, constitué au profit d’une mosquée, est situé auprès de celle-ci, et le constituant l’a affecté pour son revenu être dépensé au profit de la mosquée, en travaux de construction ou autrement, et pour payer l’imâm. Est-il permis de l’annexer pour l’agrandissement de la mosquée, lorsque les fidèles de celle-ci le désirent ? Pour ce qui est de l’agrandissement de la mosquée, il 1. On appelle ainsi les trois jours qui suivent le 10 du mois deDhoù-1Hidjdja et pendant lesquels on égorge les oblations offertes par les pèlerins. Ce mot est le nom d’action du verbe 3j~ à la deuxième forme, et signifie « l’action de faire sécher la viande au soleil pour la faisander ».Selon Ibn Al-‘A’ràbi, dont l’opinion est rapportée par l’auteur du dictionnaire arabe Ja~>4l -^f”. on a appelé ainsi ces jours parce que les victimes ne sont égorgées que lorsque le soleil commence à luire (<j.j-£>. Voy. d’autres explications proposées par le Tâdj al-‘arûs, VI, pp. 393-394.

2. Cette question est donnée une seconde fois, sous la signature d’Ibn Zarb, à la page 41 du texte arabe (t. VII).

est permis d’y comprendre les locaux habousés. Et l’on n’a pas besoin, dans ce cas, de rien donner en échange du habous [annexé], à moins que le habous ne soit constitué au profit de personnes déterminées, auquel cas il ne leur sera retiré que moyennant le prix. Les auteurs ne sont en désaccord que sur le point de savoir si cela peut avoir lieu pour une autre mosquée que la mosquée-cathédrale (djâmi’). La majorité des modernes sont pour l’affirmative, exactement comme s’il s’agissait de la mosquéecathédrale. Cette opinion est contredite par Aboù ‘Abd Allah ibn ‘Àt1 et par Ibn AI-‘Âsi. Ces deux auteurs disent qu’il n’est valable d’exproprier le habous qu’au profit de la mosquée-cathédrale seulement, lorsqu’elle devient trop étroite (pour contenir tous les fidèles.)

(Abû Sa’id Faradj ibn Lubb. T. VII, p. 138.) Peut-on s’aider des matériaux d’un village en ruines, où il n’est plus resté une seule maison, pour [la construction] d’une autre mosquée ?

Tirer profit des matériaux d’une mosquée en ruines, dont la restauration n’est plus à espérer, pas plus que celle du village où elle est située, pour construire un autre habous, est permis, selon l’opinion admise par certains docteurs Que Dieu soit satisfait d’eux! Les habitants ne seront tenus, en aucune mesure, de contribuer aux frais de la construction, si ce n’est pour ce qu’ils ont promis volontairement.

(As-Saracjoustî. T. VII, p. HO.)

Que pense Monseigneur des citernes qui ont été cons1. Je ne trouve pas de renseignements sur cet auteur. Maqqarî, I, 873 et sq., donne la biographie d’un Ibn ‘At, traditionniste et jurisconsulte de Xativa (né en 542/1147, mort ou disparu en 609/1212). Seulement la kunya de cet auteur est Aboù ‘Omar, au lieu d’Aboù ‘AbdDieu.

truites à l’usage gratuit du public est-il permis ou non de faire les ablutions au moyen de l’eau de ces citernes ? Est-il permis d’empeser les étoffes avec de l’amidon ? Pour ce qui est des purifications au moyen de l’eau de la citerne, si elle a été constituée en habous pour la boisson, on ne pourra faire d’ablutions avec son eau. Si elle a été habousée pour être utilisée (sans restriction), il est permis [d’en user] pour les ablutions ou autrement. S’il y a doute à cet égard, il est permis d’user de la quantité pour laquelle il y a certitude, et il convient de s’abstenir de faire les ablutions au moyen [de l’eau] de cette citerne, à cause du doute.

Quant à l’emploi de l’amidon pour les étoffes, le mieux est de s’en abstenir, mais il n’est pas illicite, car c’est un emploi utile n’entraînant aucun mépris pour la nourriture. Au demeurant, Dieu le sait mieux que personne. (Izz ad-din ibn ‘Abd As-Salâm. T. VII, p. 66.) Le jurisconsulte ci-dessous a été questionné au sujet d’une mosquée que les vents ont recouverte de sable et réduite en ruines, ainsi que les maisons et les boutiques [d’alentour?]. Démolira-t-on cette mosquée et la supprimera-t-on pour en construire une autre avec les matériaux qui en proviendront?

C’est, Que Dieu nous ait en sa miséricorde ainsi que toi! une mosquée par les mérites de laquelle il convient de s’attirer les bénédictions [d’Dieu], et qu’il faut rechercher à restaurer, à remettre à neuf et à ressusciter, tant qu’il en subsiste un vestige où il soit possible de faire la prière. Il n’y a aucune possibilité de la démolir, de la transformer, d’en enlever les matériaux, ni de dé1. Je lisait au lieu de ^*J qui ne donne, à mon avis, aucun sens satisfaisant. Voyez le texte arabe, t. VII, p. 153, ligne 19.

penser les revenus de ses habous au profit d’une autre mosquée. Ce qui s’impose, c’est que les revenus de ses habous soient affectés à son déblaiement du sable [qui la recouvre] dans la mesure du possible, en attendant Que Dieu la remette dans son état primitif, s’il plaît à Dieu.

(Abû Ibrûhîm Al-Andalousî. T. VII, p. 153.)

1NALIENABILITE DU HABOUS Quid de la vente du habous ? P

L’opinion que suit votre affectionné parmi celles qui ont été émises au sujet de la vente des habous, est celle qui est la plus répandue dans la doctrine, à savoir, que le habous ne peut être vendu, en tout ou en partie, qu’il ait été constitué dès l’origine, ou qu’il ait été acheté au moyen des économies réalisées sur les excédents de revenus des habous. IbnRushd, – Que Dieu l’ait en sa miséricorde î a décidé dans une fatwa (consultation), au sujet du habous acquis au moyen des revenus des habous, qu’il est aliénable, si le qâdî le juge opportun.

Pareillement il a admis dans une fatwa, relative à un habous sans utilité immédiate, que le qâdî peut l’aliéner valablement.

Ibn ‘Ât a déclaré, dans ses « gloses », que les parcelles et les matériaux (provenant de la démolition) des habous peuvent être valablement vendus. Voyez cetauteur. Si vous estimez opportun de vendre le habous, cela est permis. (Abû ‘Imrân Mûsâ ibn Mohammad ibn Mou’tî Al’Abdûsl1. T. VII, pp. 124-125.)

1. Jurisconsulte et mufti malékite de Fàs, mort à Méquinez en 77B Un homme vend illégalement, en temps de disette une terre tabous qu’il détient, par suite de la nécessité qui l’a atteint. Puis, le vendeur ayant reconnu l’illégalité [de la vente], celle-ci sera-t-elle annulée et l’acheteur admis à recourir contre le vendeur pour le prix [qu’il y a payé] ? S’il est établi que la terre était entre ses mains à titre de habous, il est indispensable d’annuler la vente et de rendre la terre habous, [comme elle était], encore que de longues années se soient passées.

L’acheteur aura recours contre le vendeur pour le prix de la terre.

{Al-Bournl. T. VII, p. 158.)

Est-il permis de vendre une terre habousée au profit des indigents, pendant une année comme celle-ci pour leur subsistance, par suite de la disette et du besoin qui se sont abattus sur les indigents ? P

La vente de la terre des indigents, pendant une année comme celle-ci, pour leur subsistance et pour sauver leur vie, est plus méritoire aux yeux d’Dieu que si la terre demeurait après leur mort. J’avais ordonné la vente de beaucoup de ces terres, pendant une année comme celle-ci.

(Abû-l-Hasan ‘Alt ibn Mahsûd. T. VII, p. 225.) Un individu constitue en habous une propriété à lui appartenant, au profit de son fils mineur, de la postérité de celui-ci et de la postérité de sa postérité, tant qu’il y (= 1374). Il est le père du jurisconsulte Aboù ‘Abd Allah Muhammad, auteur de nombreuses fatwas rapportées dans ce livre, et sur lequel on peut voir ci-dessus, p. 11, note 1.

1. L’auteur n’indique pas quelle est cette année.

2. Comme habous.

aura une descendance. Puis il vend cette propriété au su des témoins de la constitution du habous. Ensuite, il intente une action, tendant à annuler la vente, en s’appuyant sur les témoins de ladite constitution de habous. Comme on demandait à ces témoins pourquoi ils n’avaient pas fait connaître cette constitution au moment de la vente, ils répondirent « Nous l’avions oubliée, et c’est maintenant que nous nous en sommes souvenus. » Doiton admettre leur déclaration et maintenir à leur témoignage toute sa valeur, ou bien rejeter ce dernier, vu qu’ils n’ont pas produit leur témoignage au moment de la vente ? Que décider, si ces témoins sont de ceux qui ignorent les règles applicables à la vente des habous, et sont, d’ailleurs, des témoins honorables sont-ils excusables ? Éclaircis-nous tout cela.

Que Dieu le Très-Haut vous honore Si les témoins en question sont d’une honorabilité évidente, exempts de tout reproche, leur’déclaration sera admise, quant à l’oubli qu’ils invoquent, ce qui est encore plus évident s’il s’est écoulé un long laps de temps. Mais on n’admettra pas leur déclaration, s’ils invoquent l’ignorance, car la prohibition de la vente des biens habous est une chose très connue, très répandue, à moins qu’ils ne soient des idiots, sans relations aucunes avec les hommes. Dans ce cas, on admettra leur déclaration.

(Sayyidt Misbâh. T. V, p. 151.)

Une zâouïa constituée en habous au profit des faqîrs de cette époque-ci, a cessé de fonctionner depuis un certain temps, par suite du manque d’adeptes de la tarîqa Elle est tombée en ruines et il n’en reste plus que le sol. Estil permis de vendre ce sol et d’en dépenser le prix dans des oeuvresfaitesenvued’Dieu, parmi les différentes catégories 1. Voy. ci-dessus, p. 336, note 1.

d’œuvres pies Doit-on, au contraire, laisser ce sol tel quel jusqu’à l’avènement de l’Heure (dernière) ou le restituer aux héritiers de celui qui l’a constitué en habous et à sa postérité, après que cela aura été prouvé. En effet le bruit s’est répandu que c’est une femme des Béni Un Tel qui l’a constitué en habous. Dans ce cas, le sol reviendrait à ceux qui ont survécu parmi ses descendants, à cause des hérésies et des monstruosités contraires à la loi religieuse et qui se rencontrent dans cette tarhja, depuis la mort de ses vrais adeptes, auxquels elle est attribuée, mais dont il ne reste plus que le souvenir. En conséquence, la constitution du habous sera nulle par suite de la nullité du but qu’elle doit réaliser, car cette tarîqa, à l’époque actuelle, n’est pas identique à celle que pratiquaient ses adeptes, qui vivaient du temps du Prophète, comme les « hommes de la banquette » (ahl as-souffa «i^allJt*l)2 et ceux qui leur ont succédé. Puisse Dieu être satisfait d’eux Si le but assigné au habous est parmi les choses qui ne sont pas permises légalement, la solution qui s’impose, dans ce cas, c’est l’annulation du habous. Or, si la constitution en habous est nulle, son objet continue à être sa propriété, je veux dire la propriété du constituant. Et s’il en est ainsi, il peut être recueilli dans sa succession, tant qu’il n’est pas sorti du patrimoine de son propriétaire.

(Abû Ishâq Ihrâhtm ibnFatûh”. T. VII, pp. 79-80.) 1. La parenté des bénéficiaires avec le constituant.

2. On sait que l’on désigne ainsi un groupe de mendiants, dépourvus de tout, et qui, dans les premiers temps de l’Islam, vivaient à la charge de la communauté et avaient pour asile une banquette (d’où leur nom) couverte de feuilles de palmier et située dans la mosquée du Prophète à Méilini;. Certains des plus illlustres compagnons de Mahomet furent, au début, (tes hommes de la banquette. Pour plus de détails et pour les références aux sources arabes, voy. Annali del Islam, par L. Caetani, prince de Teano, t. I, p.378.

3. Ce jurisconsulte malékite, dont l’ethnique est An-Nafzi, était muffi Un Juif constitua un immeuble en habous au profit de sa fille et de la postérité de celle-ci. Lorsque cette postérité se sera éteinte, l’immeuble fera retour, à titre de habous, aux indigents des Musulmans, qui l’auront d’après l’acte constitutif. Ce Juif prit possession de cet immeuble au nom de sa fille, de la manière dont les pères prennent possession au nom des enfants dont ils sont les tuteurs jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge où elle peut prendre possession pour elle-même. Puis un homme ayant de l’influence ou de l’autorité, contraignit le constituant du habous à vendre la moitié du habous en question. Le Juif vendit cette moitié, et elle demeura entre les mains [de l’acheteur 1]. Puis le constituant ou le bénéficiaire du habous vient maintenant consulter au sujet de cette question. [Que décider ?]

L’annulation de la vente est obligatoire, et la restitution de la chose vendue au habous est nécessaire, à cause de la dévolution définitive qui s’y trouve. Même si l’annulation n’était pas obligatoire dans ce cas, elle le serait s’il est établi que le constituant a été contraint de vendre, car la vente du contraint n’oblige pas et n’est pas valable. Quant à ce qu’a rapporté Asbagh, d’après Ibn Al-Qâsim, au sujet du commerce avec le pays ennemi, c’est le principe sur lequel s’appuie ma iéïwa. {consultât ion juridique). Il n’est permis de stipuler dans les habous constitués par les de Grenade, vivait au sixième siècle de l’hégire. Cf. El-Hafxaoui, op. cil., p. 23. Son fils Muhammad, également jurisconsulte malékite, vivait à Séville; il s’installa’ ensuite à Fàs, où il mourut vers 570 (= 1174). Voy. Ibn Al-Qâdî, Djadhwat al-iqtibds, p. 1G3.

1. Le texte porte is-Ui ^Jii j ̃ A.lj &U « il vendit la moitié et elle demeura entre ses mains », de sorte que l’on ne sait s’il s’agit du vendeur ou de l’acheteur. J’ai pensé plus logique de traduire: entre tes mains [de l’acheteur]. Il se peut aussi qu’un mot manque dans le texte, et qu’on doive lire >_i«a-)i X-U; ^giji^ji-aJl pli et traduire: •• it vendit la moitié et conserva entre ses mains l’autre moitié ».

Juifs à titre d’œuvre pie, que ce qui est permis aux Musulmans quant à leurs habous. D’après Asbagh, il n’est pas permis au Musulman d’acheter le habous constitué par les Juifs, mais on n’empêche pas ceux-ci de le vendre. Dans le chapitre de « la revendication » (al-istifiqâq) du livre intitulé an-nawâdir (les Raretés), dans le passage relatif à ce qui a été vendu parmi les habous appartenant aux synagogues ou aux Musulmans, et dans lesquels des constructions utiles ont été élevées, il est dit que la vente de ces habous sera annulée et qu’il sera ordonné à l’auteur de la construction de la démolir et d’emporter ses matériaux.

Ibn AI-Qâsim et Sahnoùn disent « Celui qui avoue qu’un bien dont il est détenteur est habous au profit d’une mosquée ou des indigents, son bien recevra la destination qu’il a avouée. » (Ibiz Sahl. T. VII, p. 38.)

{Ibn Sahl. T. VII, p. 38.)

De vieilles nattes (d’une mosquée) ont été remplacées par de nouvelles. Les vieilles seront-elles vendues ? La réponse est que les vieilles nattes, qui ont été dans une mosquée et qui ont été enlevées, les habitants les ayant remplacées par des nouvelles, ne peuvent être vendues elles resteront mises de côté jusqu’à ce que la mosquée en ait plus tard besoin. Tel est le droit. Si elles sont transférées à une autre mosquée, qui en a bien besoin, mais sans vente, la mosquée où elles étaient pouvant s’en passer, cela est permis, d’après une opinion en conformité de laquelle une fatwa (consultation) a été donnée par un de nos prédécesseurs, un de ces hommes. 1. Le texte porte « de ce qui a été habousé parmi les habous ^> L_j ^j”ii iy*. Nous avons restitué par conjeclure **> l* « au sujet de ce qui a été vendu », puisqu’il s’agit plus loin de l’annulation de la vente de ces htibous.

qu’on peut prendre pour guide par sa science et par ses actes. Aussi, celui qui agira en conformité de cette opinion fera-t-il un acte valable, si Dieu le veut. (As-Saraqoustî. T. VII, p. 99.)

Un homme possède cinq sixièmes d’un jardin situé à Tàzâ, l’ [autre] sixième dudit jardin étant habousé au profit des mosquées; les fruits du jardin susdit ne suffisant pas à couvrir les frais de son entretien, il se trouva que le sixième qui en a été constitué habous ne rapportait rien. Est-il permis de le vendre et de le remplacer par quelque chose de plus avantageux pour le habous, pouvant lui rapporter un revenu et des fruits ?

Cela est permis et telle est la pratique. La question est d’ailleurs traitée dans « les gloses » (at-fourar) d’Ibn ‘Ât, qui a aussi rapporté l’opinion exposée dans l’ouvrage intitulé Al-WâdihaK

{‘îsâ ibn ‘Allai. T. VII, pp. 193-194.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet d’un habous, avec le revenu duquel on salariait un instituteur d’enfants tenant école dans une mosquée déterminée. L’instituteur trouva [dans le habous] un grand arbre qui ne pouvait servir qu’à faire du bois. [Que décider ?] Il n’est pas permis à l’instituteur d’abattre cet arbre pour en faire du bois, ni d’en tirer profit de quelque manière que ce soit, selon l’unanimité [des docteurs]. L’arbre sera vendu et, moyennant son prix, on plan1. Ouvrage de droit malékite eslimé, ayant pour auteur Aboù Marwân ‘Abd Al-Màlik ibn Habib Al-Soulami, mort en 238 de l’hégire (853). Cf. BROCKELMANN, op. cit., pp. 150 et 177 le manuscrit arabe de Paris, n° 2103, folios 30 r° et 31 V, et DE Hammer, Lilteraturgeshichte der Araber, t. IV, pp. 171 et 285.

tera un autre arbre à sa place, si possible; sinon, le prix sera dépensé dans l’intérêt de cet enclos.

ÇAbd Dieu Al-‘Abdûsî. T. VII, p. 203.)

Un individu constitue des livres en habous pour plaire à Dieu, puis les vend, et le second (c’est-à-dire l’acheteur) les constitue en habous. Cette seconde constitution rend-elle l’aliénation des livres définitive, ou bien serontils rendus à la première constitution de habous ? il Si l’on peut annuler la vente avant la mort du vendeur, on le fera, et les livres demeureront habous. Mais si l’on n’y parvient qu’après sa mort, la vente est maintenue, la prise de possession étant devenue définitive, et les livres seront habous, en vertu de la constitution faite par l’acheteur. (Abû Muhammad ibn Abû Zaid. T. VII, p. 228.) Est-il permis d’acheter l’eau que les habous ont en trop ? Cela est permis, valable, à cause de l’accroissement que cela procure [aux revenus] du habous. Il n’y a aucun droit acquis pour ceux qui s’en servaient avant pour l’irrigation ou autrement, et ils ne peuvent tirer argument de leur possession au détriment du habous. Bien mieux, ils paieront la valeurestimative del’eau dontils ont profité précédemment en s’en servant pour l’irrigation ou autrement, s’il était possible de trouver à cette eau une valeur au moment où lesdits possesseurs en ont tiré profit. En effet, ils s’en sont servis sans droit, alors que c’est une propriété du habous. Chacun pourra s’abonner pour ce qui reste de cette eau, conformément à la bonne administration, quand bien même cela entraînerait la perte des arbres plantés au bord de l’eau en question (par les précédents bénéficiaires). Au demeurant, Dieu le sait mieux.

(Abou Sa’id Faradj ibn Lubb. T. VII, p. 186.) Un homme vendit à un autre un habous sur lequel il avait des fruits, l’acheteur sachant ou ne sachant pas que l’objet [de la vente] était habous. Il en perçut les fruits pendant un certain temps, puis la vente en fut annulée et il redevint habous. L’acheteur devra-t-il restituer la totalité des fruits a

L’acheteur n’est pas tenu de restituer les fruits, même s’il était de mauvaise foi, car le vendeur savait [qu’il vendait] un habous il lui a donc donné les fruits et lui en a fait cadeau. A moins, toutefois, que [le vendeur] n’ait un associé dans le habous (ou un ‘aqib1), auquel cas celui-ci reprendra sa part [des fruits]. Quant à la part du vendeur, il n’a aucun droit à faire valoir à son sujet.

Si l’acheteur ignorait également que ce qu’il a acheté fûthabousé, [la même solution que dessus s’impose] à plus forte raison, car on ne peut exercer de recours contre lui pour aucune partie des fruits, si Dieu le Très-Haut le veut. (Ahmad ibn ‘Abd Allah Al-Laiïlou’î*. T. VII, p. 291.) Un individu prend à bail une terre du habous pour vingt ans et la plante en vignes; six ou huit ans après, il désire vendre la plantation à un autre. Cela est-il permis, et la vente par lui consentie portera-t-elle sur la période qui reste à courir [sur le bail], ou bien vendra-t-il sans indiquer le délai qui reste à courir?

Il est permis au preneur de la terre du habous de vendre sa plantation, avant l’expiration de son bail, à celui qui prendra sa place comme preneur de ladite terre jusqu’à 1. Postérité, descendants appelés à recueillir, après lui, le habous. 2. Aboù Bakr Ahmad b. ‘Abd Allah b. Al.imad Al-Almawi, connu sous le nom d’AI-Lou’lou’i, célèbre jurisconsulte malékite de Cordoue, où il jouissait d’une grande considération comme mufti. IL mourut dans cette ville le mercredi 3 Djoumàda I 3i8 (= 3 juillet 959). Cf. InN Al-Fabadî, Ta’rtkh ‘oalatnâ’ al-andalous, éd. Francisco Codera, t. I, notice 122. et du Hahmer, Lilteraturgèshichte derAraber, t. V, 896.

la fin du bail. L’acheteur sera ensuite traité comme l’auteur de la plantation. (T. VII, gg 1 ) Une plantation ou une construction a été faite sur une terre habousée puis lorsqu’arriva l’époque de la jouissance, l’auteur de la construction ou de la plantation (ou ses héritiers) voulut vendre ce qu’il avait planté ou construit exclusivement, la terre étant habousée. Cette combinaison est-elle permise dans tous les cas, ou le vendeur est-il obligé de stipuler [contre l’acheteur] qu’il arrachera [la plantation] ou démolira [la construction], étant donné, d’ailleurs, que l’intention tacite [des parties] est arrêtée sur le maintien (de la plantation ou de la construction), ou que l’usage est de les maintenir?

La vente des matériaux compris dans une construction élevée sur une terre habousée, sans stipulation de démolition, est l’objet d’une controverse. Interdite par certains docteurs, elle a été permise par d’autres. Ce qu’il y a de certain, c’est la validité d’une telle vente, si l’usage est de maintenir la plantation ou la construction.

(Ibn Sirâj. T. VII, pp. 93-94.)

Une parcelle est habousée au profit de la vieille mosquée (al-masdjid al-‘atîq), et comprend un sixième appartenant à une rûbita (ermitage ou couvent). Cette situation portant préjudice au habous de la vieille mosquée, peut-on donner ou échanger [de la parcelle appartenant à la rûbita] une autre parcelle parmi les habous de la vieille mosquée et faire ainsi cesser le préjudice?

Il n’est pas permis d’échanger le habous ni de le vendre, même quand il devient évident qu’il y a avantage à le vendre, car c’est un acte de disposition sur la propriété d’autrui, sans autorisation. (T. VII, p. 91.) 1. Cette félwaest également rapportée, sans variantes, à la page 29 du tome V.

Un homme constitua en habous une terre au profit d’une mosquée déterminée. Puis ladite mosquée tomba en ruines, cessa d’avoir des fidèles et plus personne ne la fréquentait. Ses alentours devinrent terre de culture de vétusté, et par suite de la disparition de ceux qui les peuplaient. A qui ses habous reviendront-ils, à quoi serontils appliqués et qu’en fera-t-on ?

Le qâdî s’efforcera, d’après son interprétation personnelle, de trancher cette question, selon ce qu’il estimera. (Ibn Al-Makouî. T. VII, p. 294.)

[Autre réponse] La réponse à cette question est que les fruits soient mis en séquestre au profit de la mosquée, parce qu’ils font partie de ses droits, et c’est à son profit que le disposant a constitué le habous. [Les fruits resteront de côté] jusqu’à ce que la mosquée soit rebâtie, car il se peut qu’elle le soit un jour. Quant à appliquer ces fruits àune autre mosquée, cela constitue un changement dans l’affectation stipulée par le constituant du habous. (Ibn Al-Hindî, ibid.)

Les pierres des tombes en ruines peuvent-elles être employées à la construction des ponts, des mosquées ou d’autres édifices ? P

Cela n’est pas permis, pas plus qu’il n’est permis de découvrir les tombes.

(Ibn Loabâba. T. VII, p. 69.)

Une propriété a été vendue et habousée, sans qu’on sache lequel de ces deux actes a précédé l’autre. [Que décider ?]

La vente produira ses effets, car elle est prouvée, et la preuve du habous ne peut l’infirmer que s’il est établi que la conclusion du tabous a eu lieu avant la vente’, puisque la constituante du habous est elle-même la vendeuse2.

(Asbagh ibn Muhammad. T. VII, p. 296.)

Un individu constitue en habous, au profit de son fils mineur et placé sous sa tutelle, la moitié indivise de toutes ses propriétés, terres et jardins. Après quelques années, il vendit toutes les propriétés en question, celles qui étaient habousées et celles qui ne l’étaient pas. Puis, il intenta une action, tendant à l’annulation de la vente de la moitié habousée et au retrait de la seconde moitié en vertu de la shoufa (retrait d’indivision), en vertu des pouvoirs dont il est investi sur la personne de son fils. Peut-il exercer la shoufa, en faveur de son fils, sans que ce droit puisse être considéré comme éteint par suite de la vente, vu la mauvaise administration dont il a fait preuve dans les affaires de son fils ? Doit-on lui refuser le droit à la shoufa et annuler la vente de la partie tiabousée, tant que le habous est maintenu, ou bien refuser cette annulation et faire exécuter la vente de la partiehabousée ? Éclaircis-nous cela.

Que Dieu vous honore Si les choses sont telles que vous les avez dites, la vente, par le père, des propriétés habousées au profit de son enfant mineur, est exécutoire; cela est considéré comme une révocation de sa part, d’après l’une des deux opinions exprimées par Mâlik au sujet du habous, et qui est considérée comme la plus solide par les docteurs. D’après cette opinion, le habous, constitué au profit de personnes déterminées, fait retour, après l’extinction des bénéficiaires désignés, de la même 1. Le texte dit l’achat, ce qui revient au même.

2. Cela n’est pas dit dans la question, mais la réponse suppose que cela y était dit.

façon que la donation viagère. Or, lorsque le habous est fait à titre viager, le père a le droit de le révoquer. Ceci est dit par Mâiik dans la Moudawtvana. Et c’est d’Dieu Je Très-Haut qu’il faut implorer l’assistance.

(Mifbâh ibn Moukammad A l-Yâlisûti.

T. V, pp. 150-151.)

DE L’ADMINISTRATION DES HABOUS De quelle manière règle-t-on les comptes des habous ? Le règlement des comptes a lieu de la façon suivante. L’administrateur (nâdhir), les receveurs et les notaires tiennent séance, et toute la feuille des opérations est transcrite, depuis le commencement de l’entrée en fonctions du nâdhir jusqu’à la fin du compte. Cette feuille est collationnée et vérifiée. On en extrait alors tout revenu annuel ou mensuel, ou tout loyer, ou toute récolte d’été ou d’automne, ainsi que tous les revenus du habous, jusqu’à ce que tout cela donne un seul total. On le divise ensuite sur les immeubles, chacun au prorata de ses droits, en tenant compte des traitements, de ce qui a été perçu, de ceux qui se sont acquittés et de ceux qui ne l’ont pas fait. On s’occupe aussi de la dévolution définitive1. Et l’on n’admettra, à cet égard, que [le témoignage] de tous les notaires des habous. On tiendra compte aussi de toutes les impenses, comme celles de la récolte des olives, des ins1. Je crois que c’est cela que l’auteur veut dire par les mots <3^î-î « mais je ne suis pas très sur de cette traduction.

truments et du gaulage [des arbres]. On réclamera à chacun les comptes relatifs à sa part. Quiconque aura détruit une chose sera tenu de la payer. Celui qui, sans droit, fait des actes sur une part autre que la sienne, ou amène la perte d’une partie de celle-ci, alors qu’il a touché, pour cela, un traitement, en devra le remboursement. Ceux des notaires des habous qui auront amené la perte de quelque chose dé ce qui vient d’être mentionné, serontnécessairement poursuivisde ce chef et tenus de le payer comptant. Pareille obligation incombe à l’administrateur {nâdhir), et c’est lui qui en est tenu. Sinon, il n’est pas permis de le négliger, car s’il le négligeait, il serait considéré comme un mauvais administrateur’. 1. (Abd Dieu Al-Abdûsî. T. VII, p. 204.)

L’administrateur (nâdhir) des habous est-il obligé de les inspecter ?

La tournée d’inspection de l’administrateur du habous, de ses notaires 2, de ses secrétaires et de ses receveurs, sur les lieux mêmes des habous, est nécessaire, ohligatoire, indispensable. C’est obligatoire pour l’administrateur des habous, et il ne lui est pas permis de négliger cette inspection, car on ne peut se rendre compte de la quantité des fruits des habous, ni de ce qui est en bon état et de ce qui ne l’est pas, que par ce procédé. Beaucoup de habous n’ont péri que par la négligence de cette inspection. Il faut donc que l’administrateur, Que Dieu vous assiste! fasse preuve de peine, de zèle et d’efforts. [Mûsâ Al-‘Abdûsi. T. VII, pp. 203-204.)

Une mosquée possède des habous confiés à l’adminis1. Cette dernière partie de la fatwa me semble mal rédigée en tout cas, elle ne m’est pas bien claire J’en ai donné la traduction littérale. 2. Littéralement lémoins.

tration de l’imâm de cette mosquée, et la contenance des habous ayant augmenté, l’imâm devint incapable de les s administrer. On désire nommer un administrateur (nâçlhir), pour qu’il s’en occupe et en surveille l’état, moyennant un traitement à prélever sur le revenu du habous. [Que décider ?]

Il est permis à l’administrateur de prendre un traitement pour cela, encore que l’acte constitutif du habous n’en prévoie pas un. Telle est l’opinion préférée et telle est aussi la jurisprudence.

{Mûsâ Al-‘Abdûsî. T. VII, p. 203.)

Un homme était préposé aux habous dans une des villes du Maghreb, le sultan de cette ville l’ayant nommé nâdhir (administrateur) des habous. Or, l’habitude des émirs de cette ville étant d’emprunter de l’argent des habous et de s’en aider, ledit sultan emprunta admettra-t-on, sous serment, la déclaration du préposé aux habous que le sultan a emprunté cet argent selon l’habitude de ses prédécesseurs? S’il est établi que l’usage est tel que vous l’avez dit, on doit s’en remettre à la déclaration [du préposé aux habous]. Cette doctrine existe dans les textes, dans les termes que nous avons indiqués.

(Abû-l-Qâsim ibn Moâsû Al-‘Abdûsî. T. VII, p. 125 ‘.) Parmi ceux qui ont traité de cette question par écrit est Al-Mâzarî, ainsi que d’autres. C’est comme s’il y avait unanimité (idjmâ P W) 2 que le préposé au habous est digne de foi. Ne peut le rendre responsable des sommes 1. Cette félwa est donnée une seconde fois, dans les mêmes termes du texte arabe.

2. On sait que Yidjmd’, ou unanimité des auteurs sur une question, est considérée comme une des sources du droit musulman.

empruntées que celui qui désire l’arbitraire et la partialité dans la justice. Mais la question est trop connue pour cela

(Ibidem.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet d’un a dministrateur {nûdhir) de fondations pieuses, appartenant à des mosquées, qui avait l’habitude de dépenser une partie des revenus d’une mosquée aux travaux de construction d’une autre mosquée, en supposant que l’administrateur qui l’a précédé a pris une partie des revenus de cette seconde mosquée et l’a dépensée aux travaux de construction de la première. [Que décider ?] Tant qu’il n’est pas établi que [le précédent administrateur] a pris des revenus de la mosquée, qui a [maintenant] besoin de réparations, une partie qu’il a appliquée à la réparation de l’autre, il ne sera pas permis d’appliquer quoi que ce soit des revenus de celle-ci à la réparation de celle-là. Cette preuve faite, si ce qui a été ainsi appliqué consiste en objets matériels, existants, comme des pierres, des bois, des briques, etc., ces objets seront restitués à la mosquée sur les revenus de laquelle ils ont été pris. Si ce qui a été détourné de son affectation n’est pas un objet matériel, mais consiste en salaire d’ouvriers ou autres choses analogues, il n’est pas permis de le prendre sur les revenus de la seconde mosquée, mais il sera à la charge de celui qui l’a détourné de son affectation. Au demeurant, Dieu le sait mieux.

[Mouhyî-d-Dîn An-Nawawî. T. VII, pp. 179-180.) Un nàdhir (administrateur de habous) trouve que les nddhirs qui l’ont précédé ne se sont pas fait payer certains 1 Cette fètma est datée de la dernière décade de Safar 834 (8-17 novembre 1430).

loyers ou revenus, qui ont été, au contraire, abandonnés entre les mains de personnages influents1 ou chicaneurs. Le nâdhir leur ayant intenté des procès, jusqu’à ce qu’il eut transigé avec eux, ou qu’il eut reçu paiement sans transaction, aura-t-il le salaire de ses semblables dans ce cas? Si les choses sont telles qu’elles sont relatées ci-dessus, le salaire de ses semblables2 est dû par le habous. Au reste, Dieu le sait mieux.

[Moukammad Al-Madyûnî3. T. VII, p. 210.) Telle est aussi l’opinion d’Al-Loudjâ’î et d’Al-‘Abdoùsî. (Ibidem.)

Peut-on salarier les imâms de la mosquée, au moyen de l’excédent des revenus provenant des habous de cette mosquée ?

Lorsqu’il y a un excédent de revenus des habous des 1. Le texte porte Cj\> qui pourrait être traduit par « des détenteurs de parcelles »; mais la place de ces mots à côté de fj^ y ^UaprJi <3(n chicaneurs •>, qui savent traîner un procès en longueur), m’a fait croire qu’il faut lire plutôt isU-v^Ist*»! ou même <2>y?- (au lieu de OW»- pl. de *aU>-). Il est souvent question, dans les fatwas, des revenus du habous qui sont ainsi dévorés par les hommes influents et les chicaneurs.

2. (_m,l iîjlf-ij. On sait que, dans beaucoup de cas, la dot, le prix, le salaire, qui n’ont pas été fixés par les parties elles-mêmes, le sont par le juge, qui se base sur la valeur habituelle de la dot, du prix ou du salaire, pour une femme, un objet ou un travail pareils ( ijï» ) à ceux dont il s’agit dans l’espèce qui lui est soumise.

3. Muhammad b. Yahyâ Al-Madyûnî, jurisconsulte malékite de Tlemcen, mort en 950 (= 1643). Voy. Babgès, Compléments à l’histoire des Béni Zeyân, p. 455.

mosquées, que l’usage est que les imâms touchent [leur salaire] des fidèles et non des habous, il est permis d’appliquer l’excédent de revenus du habous au but indiqué par le questionneur. II en sera surtout ainsi, lorsque le habous n’a pas d’affectation connue ou s’il est affecté aux utilités de la mosquée. Car l’imâm est parmi ce qu’il y a de plus utile et de plus indispensable pour la mosquée. Certain shaikh a dit, dans les nawdzil (cas juridiques) d’Ibn Sahl et ailleurs: « II n’y a aucun mal à dépenser en des choses faites en vue d’Dieu ce qui est consacré à Dieu. »

Tel est ici consigné mon avis sur la question.

(Abû Sa’îdFaradj ibn Lubb. T. VII, p. 175.) Peut-on réunir tous les habous de la ville de Fâs en un seul et même tout? 3

Il est permis de les réunir et d’en faire un seul et même tout, sans pluralité, et de réunir les revenus de tout cela, sur lesquels on prélèvera les dépenses nécessaires à chaque mosquée. Si certaines des mosquées sont pauvres, on les aidera au moyen des revenus de celles qui sont riches, selon ce qu’exigent les circonstances. On commencera, avant tout, par la grande mosquée, puis par celle qui est la plus fréquentée et ainsi de suite. Il arrive souvent, en effet, qu’une mosquée riche est située dans un lieu inhabité, qui n’attire point l’attention et l’on passe à côté sans y entrer, ou bien, tout en ne passant pas inaperçue, sa situation n’exige pas d’augmentation, en plus du nécessaire. D’autres fois, au contraire, une autre mosquée, mais pauvre, se trouve située dans un endroit où elle attire l’attention et très fréquenté, et l’on y passe la nuit.

En tout cas, tout ce qui sera pris à une mosquée pour une autre sera compté comme prêt, car il peut advenir qu’un jour, par le repeuplement [de la région], cette mosquée recouvre de quoi subvenir à ses besoins.

(Abû Muhammad ’Abd Allah AI-‘Abdûsî.

T. VII, p. 225.)

Un gouverneur emprunta du revenu des habous des mosquées, pour la construction de longs bancs en pierre tout autour de la mosquée-cathédrale, et il savait qu’il ne resterait pas du revenu des habous de la mosquée-cathédrale de quoi payer l’emprunt Est-il ou non responsable ? P

Il n’en est point responsable. Et c’est d’Dieu le TrèsHaut qu’il convient d’implorer l’assistance.

(Ibn Rushd. T. VII, p. 312.)

Un individu prend une colonne dans une mosquée en ruines, près de Qasr al-oumarâ, et la place dans la mosquée-cathédrale; puis, prenant la colonne qu’elle a remplacée, il la vend à un individu, qui bâtit sur elle un ou deux arceaux et un étage. Le surveillant de la mosquée qui a fait cela est un homme religieux, mais qui n’a pas d’instruction1. Il déclare qu’il a des fatwas (consultations juridiques) qui autorisent le transfert des choses habousées, et il a transféré cette colonne à la mosquée-cathédrale à cause de sa beauté; elle est d’ailleurs égale en valeur à celle qu’il a vendue, ou même plus belle comme aspect. Dans la ville sus-indiquée, il y a de nombreuses mosquées, en dehors de celle dont il est ici question, et elles n’ont pas cessé d’être fréquentées, remplies de monde depuis qu’elles existent. La vente de la colonne dans le but susdit est-elle valable, ou bien la vente sera-t-elle annulée, la colonne appartenant aux habous et étant ina1. Il s’agit surtout de la connaissance du flqh, droit religieux.

liénable, et tout ce que la colonne supporte sera-t-il démoli ?

La colonne sera, de toutes façons, rendue au habous. Les auteurs qui autorisent l’échange du habous, quand il y a avantage évident, autorisent aussi ce transfert de la colonne. D’après la première doctrine, les frais de démolition seront à la charge du surveillant, car il a excédé ses pouvoirs quant à l’objet dont il a disposé, comme dans le cas où il aurait élevé une construction sur une terre usurpée les frais de démolition de la construction seront à la charge de celui-là même qui y a droite

{Abû-l-Hasan ibn Al-Qâsim. T. VII, p. 26.)

CONTESTATIONS

Un Musulman acheta un jardin à deux Juifs, s’y établit, en eut la possession pendant dix ans ou environ, et l’exploita. Puis, après ce laps de temps, il le constitua en habous au profit de ses enfants, le jardin devant faire retour, comme habous, à leur extinction, aux étudiants et à l’oeuvre de rachat des captifs et de l’affranchissement des esclaves. La date du habous remonte à il y a treize ans. Maintenant, un Juif intente une action, prétendant que ce jardin a été constitué en habous à son profit par ses deux oncles paternels, c’est-à-dire les deux Juifs qui ont vendu ledit jardin au Musulman, ladite constitution ayant pré1. Comp. l’article 355-2° du Code civil « Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui. » cédé en date la vente susindiquée. 11 produisit à l’appui de sa prétention l’acte par lequel les deux vendeurs du jardin l’ont constitué en habous. Cet acte est écrit de la main de deux Musulmans et porte que les deux vendeurs juifs ont constitué en habous le jardin vendu, au profit du fils de leur frère, le réclamant, et au profit de ses descendants, tant qu’ils se multiplieront par la génération. Il y était également mentionné que l’un des deux Juifs constituants du habous a pris possession de la partie du jardin qu’il a habousée au profit de son neveu, celui-ci étant mineur. Les habous des Juifs sont-ils permis ? La vente faite par eux de l’objet qu’ils ont constitué en habous est-elle ou non valable? La prise de possession, par l’un des deux vendeurs du jardin, de ce qu’il a constitué en habous est-elle valable? Le juge des Musulmans est-il compétent pour examiner les différends qui peuvent s’élever entre Juifs au sujet de leurs habous Estimez-vous que le habous constitué par le Musulman l doive être annulé par celui des Juifs ? Est-il permis au Musulman de témoigner au sujet des écritures 2 des Musulmans, en matière de habous des Juifs ?

J’ai lu, Que Dieu nous fasse miséricorde ainsi qu’à toi ta missive et j’ai compris ta question. Les habous des tributaires (ahl adh-dhimma) diffèrent des habous des Musulmans, Que Dieu les protège et leur suffise et s’en séparent à des points de vue qu’il serait trop long d’énumérer. Ainsi, le Musulman ne peut pas revenir sur son habous et n’a aucun moyen de le révoquer ni de l’annuler. Les qâdîs sont tenus lorsque la question du habous est portée devant eux, de préserver le habous en 1. L’acheteur du jardin.

2. Il s’agit du témoignage par lequel deux ‘adl (témoins dignes de foi) affirment, par-devant le qâdî, que l’acte produit par le Juif est bien de l’écriture des deux notaires qui l’ont dressé et dont les noms sont apposés au bas de l’acte.

ABCH. MAROC. 25 le faisant constater par témoins et en l’enregistrant. Telle est la jurisprudence suivie par les qâdî, Que Dieu leur soit miséricordieux.

Au contraire, le tributaire, qui, après avoir constitué un habous, désire revenir sur son acte, en révoquant le habous, en le vendant, ou par tout autre moyen qu’il lui plaît, ne rencontrera point d’opposition et il n’en sera point empêché. Et il n’est pas permis au qâdî de s’occuper d’en assurer la validité, ni d’en ordonner l’exécution, et cela à cause de son imperfection

C’est à une solution analogue que s’est arrêté Asbagh ibn AI-Faradj, et sa relation a une portée dont l’explication ne peut trouver place ici. Et ‘Isa a déjà rapporté, d’après Ibn Al-Qâsim, que les non-Musulmans qui jouissent d’un traité de paix, ont le droit, s’ils le désirent, de vendre le terrain de leur église, laquelle est du nombre de leurs habous.

Or, comme les deux Juifs constituants du habous ont vendu le jardin qu’ils ont habousé, par conséquent la vente par eux consentie est valable, exécutoire, et ils n’ont aucun recours, ni eux, ni le bénéficiaire du habous, contre l’acheteur, ni aucun moyen [de rentrer en possession] des jardins 2.

Lors même que le réclamant aurait intenté son action au moment même de l’exécution de la vente et de sa conclusion, la vente 3 n’aurait pas été résolue ni annulée, à plus forte raison, maintenant que l’acheteur a constitué en habous ce qu’il a acheté, et que s’est écoulé le laps de temps que vous avez indiqué.

La constitution en habous dudit jardin par le Musul1. Littéralement faiblesse.

2. Le texte arabe emploie tantôt le singulier, tantôt le pluriel. 3. Je lis p~i< au lieu de ^*JI, à cause du verbe au passif f«-> qui suit. Cf. le texte arabe, t. VII, p. 295, 2« ligne d’en bas.

man est valable, exécutoire, et le qâdi est obligé de lui faire produire ses effets, de lui donner force exécutoire et de le reconnaître en justice; il ne peut pas faire autrement. On ne tient pas compte, en ce qui touche le habous du Juif, ni de possession ni d’autre chose, après qu’il y a eu vente, que la possession soit régulière ou imparfaite. Pareillement, on ne tiendra aucun compte du témoignage relatif à l’écriture, au sujet dudit habous1, et l’on n’admettra point l’aveu du Juif, quand il affirme avoir pris possession de sa part dans le jardin car cela n’est d’aucune utilité, si ce n’est qu’il appartient au Juif 3, en faveur de qui l’aveu en a été fait, c’est-à-dire celui qui invoque le habous, de poursuivre ses deux oncles paternels, qui ont vendu ce qu’ils ont habousé à son profit, s’il le désire, et de leur intenter un procès devant la justice de leurs coreligionnaires, si Dieu le Très-Haut le veut. (Ibn ‘Atlâb. T. VII, pp. 295-296.)

Une femme constitua en habous un verger au profit d’une fille et d’un fils à elle, à raison d’une part pour la fille et deux parts pour le garçon. Elle stipula que la part de celui d’entre eux qui mourrait sans postérité, reviendrait à l’autre. La fille mourut sans postérité, laissant son mari et son frère, et, dans le jardin, il y avait alors des fruits dont la maturité était commencée. Le fils dit ‘<< Le raisin me revient de même que le fonds. » Les héritiers de la fille répondent que le raisin sera recueilli à titre de succession de la fille. [Que décider?] 1. Il vaudrait mieux lire, dans le texte arabe 4,s y^ Voy. le texte arabe, t. VII, p. 297, 2e ligne.

2. Au nom du mineur bénéficiaire du liabous.

3. Il vaudrait mieux lire ^ij^-M conformément à la traduction. Voy. le texte arabe, loc. cil.

L’opinion de Mâlik sur le habous varie quant au point de savoir si le droit de propriété du constituant [sur l’objet habousé] disparaît ou non. Selon les uns, la chose habousée demeure la propriété du constituant et seules les utilités de cette chose cessent de lui appartenir, à cause du sens apparent de ces paroles du Prophète adressées à ‘Omar « Immobilise le fonds et distribue le fruit2. » D’après cette opinion, les fruits, s’ils n’ont pas été partagés par les bénéficiaires du habous, ne pourront être recueillis dans la succession d’aucun de ces bénéficiaires; ils reviendront à celui qui sera vivant au moment du partage. C’est pour cela que Mâlik a dit, d’après lariwâya d’Ibn ‘Abd AI-Hakam, au sujet de l’enclos constitué en habous au profit d’un groupe de personnes déterminées, que la zakât (aumône légale, ou dîme) est due sur la récolte des fruits de l’enclos, lors même qu’elle ne donnerait, dans l’ensemble, que cinq œasq (charges de chameau3). Aboù-1-Faradj a dit que le habous demeure la propriété du constituant et c’est sur lui qu’il paie la zakàl. D’après Mâlik, le habous cesse d’être la propriété du constituant et passe à Dieu qu’il soit exalté tan1. Quand les auteurs disent oX« UjS i àÀi»-l Vopinion de Mâlik a varié, cela ne signifie pas toujours qu’il a eu deux ou plusieurs opinions sur une même question, bien que cela lui arrive parfois; dans bien des cas, il s’agit tout simplement, comme dans l’espèce présente, de divergence entre ceux qui ont rapporté son opinion les disciples ne sont pas toujours d’accord entre eux sur ce qu’a dit le maître; de là le \Sj)&> ikhlilaf (divergence). D’autres fois, au contraire, c’est le même disciple qui rapporte que Mâlik a répondu diversement à la même question, en différents temps.

2. On sait que c’est uniquement sur ce hadtlh que repose toute l’inslitution du haboits. Il n’est pas bien sûr que Mahomet ait entendu donner à ses paroles la portée que les juristes arabes leur ont attribuée depuis. 3. Le chiffre de 5 wasq est le minimum imposable, au point de vue de la zakâl. Cela prouve que le constituant du habous en est resté propriétaire, car, autrement, la zaltâi ne serait pas due, puisqu’on n’en est tenu que si l’on a une récolte de 5 wasq, et que les bénéficiaires du babous, se partageant une récolle de 5 wasq, n’ont chacun qu’une part inférieure au minimum imposable.

dis que l’utilité (c’est-à-dire la jouissance) en passe au bénéficiaire du habous. D’après cette opinion, la récolte appartient aux bénéficiaires du habous. De sorte que celui d’entre eux qui meurt, sa part sera recueillie dans sa succession par ses héritiers. Cette doctrine est la riwâya d’Ibn Al-Qâsim, relative à la question suivante: Un homme a constitué en habous un enclos au profit d’un groupe de personnes déterminées l’enclos ayant produit des fruits, la zakât sera à la charge de celui dont la part dans les fruits aura atteint le minimum imposable. Dieu, qu’il soit exalté – a dit « Prends de leurs biens une aumône, etc.. *» Or, on ne fait payer l’aumône qu’à celui qui a la propriété complète.

La vérité est que les fruits sont susceptibles d’être recueillis par succession après la mort du bénéficiaire du habous, lorsqu’il décède alors que l’enclos contient des fruits. La succession sera dévolue conformément aux règles successorales établies par Dieu.

Le principe de cette question se trouve, dit-on, à la fin de la matière du « habous » 2. Un individu constitue en habous les fruits de son enclos au profit d’un homme individuellement désigné et sa vie durant; le bénéficiaire tire profit de l’enclos, puis meurt, laissant dans l’enclos des fruits mûrs; ces fruits appartiendront à ses héritiers. S’ils ne sont pas mûrs, ils reviendront au propriétaire de l’enclos. C’est comme la réponse de Mâlik au sujet de la question suivante Un individu a constitué en habous un enclos au profit d’un groupe de personnes déterminées, 1. Qur’ân, IX, 104.

2. II s’agit très probablement de l’ouvrage appelé la Mudawwana, à laquelle les auteurs font souvent allusion, mais sans la nommer expressément. C’est ainsi qu’ils disent souvent y^J, et dans elle c’est-à-dire « il y a dans laMudawwana ». Voyez notamment ce que dit Sidi KiialÎl, dans sa préface du Moukhtaçar, texte arabe, édit. Paris, p. 6, ligne 7 à partir du bas de la page.

qui le soignaient et l’arrosaient; puis l’une d’elles meurt après la maturité des fruits sa part revient (d’après Mâlik) à ses héritiers. Si les fruits sont apparus mais ne sont pas mûrs, toute la récolte en sera pour les autres cobénéficiaires du prédécédé, qui y trouveront une aide pour la main-d’œuvre. L’auteur expose ensuite toute la question et en indique la controverse. Voyez-la.

(Ibn Hammâd\ T. VII, p. 40.)

Un homme acheta des propriétés à un autre individu, puis le vendeur demanda à l’acheteur de résilier la vente. L’acheteur répondit « J’ai déjà constitué en tabous ces propriétés au profit de mes enfants et de leur postérité, et, à leur extinction, au profit de la grande mosquée. Consulte les docteurs, et s’ils me permettent de vous accorder la résiliation, je vous l’accorderai. » Puis l’acheteur meurt. [Que décider?]

La constitution en habous qu’il a alléguée est faible, s’il n’en a pas requis témoignage, quand il étaitenétatde santé, et s’il ne s’est pas dessaisi alors que, les bénéficiaires du habous étaientmajeurs ou avaient parmi euxunmajeur. C’est à ces conditions que le habous recevra son exécution. Quant à sa promesse de résiliation, elle est nulle et ne l’oblige point, pas plus que ses héritiers, que la constitution en habous soit ou non valable. Si elle n’est pas valable, les propriétés seront recueillies dans sa succession. {Aboâ-l-Asbagh ibn Sahl. T. VII, p. 149 *.)

1. Abû ‘Imràn Mûsâ ibn Hammàd As-Sanhâdji, jurisconsulte malékite, originaire d’Al-‘Oudwa de Ceuta. Il fut qâdî de Grenade, puis de Marrakoush, où il mourut en fonction à la date de Dhoâ l. Qa’-da 535 (= 8 juin 8 juillet 1141). Cf. Ibn Bashkouâl, Kitâb as-sila, éd. F. Codera, p. 554, notice 1228. Le ftls de cet auteur, <AIî, esprit cultivé, parattil, suivit son père dans ses divers déplacements, et mourut à Fâs en 564 (= 1168). Cf. Ibn Al-QAdî, Djadhwat al-iqtibâs, p. 30t. Voy. aussi ELÇafnaoui, Op. cit., p. 192.

2. Cette même fatwa est reproduite sans modification aucune, à la page 319 du texte arabe, t. VII.

Les habitants d’un quartier créèrent un four et en constituèrent le revenu habous au profit d’une râbi ,ta’ de l’endroit. Or, dans le quartier à côté, il y avait un autre four plus ancien, dont le revenu était habousé au profit d’une autre râbi.ta. Lorsque le deuxième four commença à travailler, le revenu du premier diminua. Alors, les propriétaires de l’ancien four dirent « Nous participerons avec les habitants de l’autre quartier aux bénéfices du nouveau four, pour la moitié, à cause de la diminution des bénéfices de notre four. » Ils le firent, à condition que cette part des bénéfices reviendrait à l’imâm de leur râbita. Celui-ci s’en abstint par piété. Les habitants l’attribuèrent alors au muezzin de ladite râbita. Or, le quartier où se trouve le nouveau four n’a pas d’autres ressources, pour subsister, que le four en question, contrairement à l’autre quartier, qui a des habous pour subvenir à ses besoins, et même au delà. [Que décider ?]

La solution à cet égard est qu’aucun des deux fours n’a droit à une partie des bénéfices de l’autre. Il faut que chaque four conserve seul ses bénéfices et que la création du four ne soit pas un motif d’association dans les bénéfices qu’il produira.

(Abû Saîd Faradj ibn Lubb. T. VII, p. 136.)

QUESTIONS DIVERSES

Un individu laissa par testament la recommandation d’acheter une maison pour être constituée en habous au 1. Voy. suprà, p. 342, note 1.

profit de la mosquée. Son exécuteur testamentaire obéit à cette volonté, ajouta une certaine somme de ses propres deniers et constitua la maison en habous. Puis, après un laps de temps, il se révéla dans ladite maison de mauvais vices, qui lui enlèvent une grande partie de ses utilités et qui donnent le droit de la refuser. La constitution du habous susdite rend-elle la vente définitive, comme dans la question de l’esclave qu’un testament ordonne d’acheter et d’affranchir 1, à cause de l’opinion des docteurs que le habous rend l’acte définitif ? Ou bien, qu’en pensez-vous ?

J’ai examiné cette question et j’en ai pris connaissance. La constitution en habous de la maison, de la manière que vous avez décrite, n’est pas de nature à mettre obstacle à ce qu’on la refuse pour cause de vice. La constitution en habous ne rend l’aliénation de la maison définitive et ne met obstacle à son refus que si la maison a été achetée par l’homme 2 pour son propre compte et qu’il l’ait ensuite constituée en habous. Or, l’exécuteur testamentaire ne l’a pas achetée pour lui-même, il ne l’a acquise que pour le habous, en vertu de la recommandation testamentaire à lui faite à ce sujet. En conséquence, la propriété de la maison n’a pas été irrévocablement transférée par suite de ce qu’il a constitué celle-ci en habous, après l’achat; cela indique seulement qu’il ne l’a achetée que des deniers du testateur, conformément à la recommandation testamentaire qui lui a été faite, à savoir, que la maison sera habous. Par conséquent, il a le droit de 1. Si, après l’affranchissement de l’esclave, l’acheteur s’aperçoit qu’il a été trompé, par la découverte d’un vice rédhibitoire, il ne pourra pas, afin de recourir contre le vendeur et de résilier la vente, révoquer l’affranchissement. C’est là une conséquence de X inviolabilité, *̃* j»fyourma, autrement dit, de V irrévocabilité de l’affranchissement. Il est des auteurs qui reconnaissent cecaractère à la constitution en habous. 2. L’exécuteur testamentaire.

la refuser, s’il y trouve un vice, bien qu’elle ne soit pas sa propriété, parce qu’il a reçu mandat de l’acheter et qu’il engage sa responsabilité, s’il achète [avec] un vice tel qu’il n’existe pas nécessairement dans les choses semblables à celle qu’il a achetée. C’est comme celui qui a reçu mandat d’acheter une marchandise et qui y trouve un vice il a le droit de la refuser, encore qu’elle ne soit pas sa propriété, pour la raison susindiquée.

L’espèce présente n’a pas d’analogie avec la question de l’affranchissement car l’affranchissement est une chose inviolable2, qui met obstacle à sa révocation. C’est le legs que se transmettent les hommes libres), c’est ce qui donne de la valeur à leur témoignage 3, ainsi que les autres qualités analogues par lesquelles l’homme libre se distingue de l’esclave.

C’est d’Dieu le Très-Haut qu’il faut implorer l’assistance.

(Ibn Rushd. T. VII, pp. 309-310.)

Un homme était imâm d’une localité, et la mosquée où il exerçait ses fonctions avait une terre constituée en habous à son profit. L’imâm ensemença la terre, selon l’usage admis à cet égard; puis les habitants de la localité le congédièrent et le destituèrent des fonctions d’imâm, alors que la récolte n’était pas encore arrivée à maturité il restait au contraire un certain délai pour arriver à l’époque de la moisson. Puis, un autre imâm étant entré en fonction à sa place, ce deuxième imâm voulut poursuivre le premier en paiement du fermage de la terre ensemencée, depuis le jour où il était sorti de fonction jusqu’au 1. Voir ci-dessus la teneur de la question.

2. Littéralement une inviolabilité. Voyez la note 1 de la page 392. 3. Je lis f»y^s^ au lieu de 4ol(~>5. On sait que le témoignage de l’esclave n’est pas admis en droit musulman. Cf. Sidi Khalîl, trad. Seignette, art. 1509.

jour de la moisson et de l’enlèvement du lin. On lui dit « Tu n’auras droit il rien, parce que Vimâm a été congédié malgré lui, c’est comme si les habitants l’y avaient contraint. » [Que décider?]

L’imâm destitué devra payer le fermage correspondant aux mois qui restent encore à courir sur l’année agricole, par rapport aux mois restants de l’année courante. On mettra à sa charge la part du fermage de la terre qui lui incombe pour toute l’année agricole, après qu’on aura fait la répartition [du fermage] sur les mois de l’année. (Ibn Sirâj. T. VII, pp. 80-81.)

Un individu captif a été racheté par les Musulmans, et il est parti sans donner de gage ni de caution. A-t-il le droit de toucher [une indemnité] des habous constitués au profit des captifs 1 ?

Il n’est pas captif, mais seulement débiteur; il n’a pas le droit de toucher [une indemnité] des habous affectés aux captifs. Au demeurant, Dieu le sait mieux. (T. VII, p. 226.)

Est-il permis de procéder à un partage de jouissance d’un enclos constitué en habous au profit de deux hommes ? Il n’est pas permis de partager le habous, ni pour la jouissance, ni pour autre chose.

(Ibn ‘Arafa. T. VII, p. 226.)

Un homme constitue un habous au profit de ses enfants et de leur postérité (‘aqib), et, s’ils s’éteignent jusqu’au 1. Il semble que la question posée soit celle-ci Cet individu, maintenant libre et débiteur de sa rançon, payée pour lui par les Musulmans, peut-il être considéré encore comme captif, pour toucher une somme des tabous affectés au rachat des captifs, ce qui lui permettra de se libérer de sa dette ?

dernier, le habous fait retour à telle mosquée, à moins que leur extinction n’ait lieu du vivant du constituant, auquel cas le habous lui reviendra, pour faire ensuite retour, à son décès, à ladite mosquée. Cela est-il permis? La clause par laquelle le constituant a stipulé le retour du habous à lui-même, en cas d’extinction de sa postérité de son vivant, produira son effet. S’il meurt lui-même avant l’extinction de sa postérité, la règle, à ce sujet, est que le habous sera exécuté sur le tiers disponible du constituant. Si le tiers est insuffisant (pour comprendre tout le habous), ce sera jusqu’à concurrence de la portion du habous qu’il pourra comprendre, à moins toutefois que les héritiers ne le ratifient [pour le surplus]1.

Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer le secours. (Ibn Rushd. T. VII, pp. 308-309.)

1. En somme, ici, comme dans toute la matière des tabous, la volonté du constituant est souveraine, pourvu qu’il respecte les principes fondamentaux du droit.

DE LA DONATION PROPREMENT DITE AL-HIBA

« La donation (*}\ al-hiba) est une translation de la propriété, à titre gratuit, faite en considération du donataire » Elle se distingue nettement du habous, qui porte seulement sur la jouissance et est fait pour plaire à Dieu, comme la donation aumônière (asaJI as-sadqa), dont nous nous occuperons plus loin.

Pour faire une donation, il faut avoir la capacité de disposer de la chose à titre gratuit. Aucune condition de capacité n’est exigée du donataire. Un en fant conçu, pourvu qu’il naisse viable, peut recevoir une donation. Une formule ou un fait quelconque,-comme celui d’accrocher un bijou au cou d’un enfant, suffisent pour la conclusion valable de la donation, pourvu qu’ils ne laissent pas de doute sur l’intention du donateur.

Toute chose possédée à litre de propriété, privée peut être l’objet d’une donation. On va plus loin; on autorise la donation de certaines choses dont la vente serait prohibée, à cause de leur incertitude, comme un animalégaré2 ou un esclave en fuite, ou à cause de leur caractère illicite, comme un chien de chasse 3.

1. Définition d’Ibn ‘Arafa. Cf. SIDI KhalIl, trad. Seignette, p. 405. Comp. Code civil, art. 891.

2-3. Voy. le tome I de cette traduction, p. 451.

Pour être valable, il suffît que la donation soit acceptée par le donataire; mais, pour être parfaite et définitive, il est nécessaire que la tradition (<_>âJi}l al-qabd) de la chose donnée soit effectuée avant la survenance d’un empêchement, tels que la déconfiture du donateur, la prise de possession de la chose par un autre donataire, même postérieur en date, la mort du donateur ou du donataire, l’aliénation par le donateur de la chose en question 1, l’aliénation mentale ou la dernière maladie du donateur.

La tradition est considérée comme effectuée lorsque la chose donnée est détenue par un tiers, comme un dépositaire ou un commodataire, pourvu que la donation lui ait été signifiée. A partir de ce moment, en effet, il détient pour le compte du donataire, et la condition essentielle, le dessaisissement du donateur, est remplie.

Il est d’ailleurs loisible au donataire de prendre provisoirement possession de la chose donnée, en réservant son acceptation.

Enfin, pour que la prise de possession soit opposable aux tiers, il faut qu’elle ait duré au moins une année; la chose donnée revenant avant cette date entre les mains du donateur, la donation est nulle.

En principe, le droit de révocation (J^Cc-\ i’tisâr) n’existe pas dans toute son étendue au profit du donateur. Seuls le père et la mère, du vivant de celui-ci 2, peuvent 1. Dans ce cas, il est vrai, la donation ne fait que changer d’objet, et le droit du donataire est reporté sur le prix de vente. Mais l’aliénation peut rendre la donation entièrement nulle, si elle intervient avant que le donataire ait eu connaissance de la libéralité à lui faite. 2. On admet aussi que la mère peut révoquer après le décès du père la donation par elle faite de son vivant, quand l’enfant est encore impubère.

révoquer, sans motifs, les donations par eux faites à leurs enfants.

D’autre part, la révocation est impossible, lorsque la donation a été faite en vue de plaire à Dieu (“Ull^jJ li-wadjh allâh), comme dans le cas de la donation aumônière («-U» sadaqa). Toutefois, on admet que, même dans ce dernier cas, la révocation est possible aux père et mère, pourvu qu’ils aient pris soin de se réserver expressément ce droit dans l’acte de la donation’.

La révocation est impossible:

1° Durant la maladie du donateur ou du donataire; 2° Lorsque la chose a péri ou a été transformée entre les mains du donataire;

3° Après la mort du bénéficiaire, ou pendant la maladie qui se termine par sa mort

k° Lorsque le bénéficiaire s’est marié après la donation; 5° Lorsqu’il a acquitté ses dettes ultérieurement à la donation;

6° Quand le donataire est pauvre, le fût-il devenu après la libéralité, car, dans l’un et l’autre cas, la donation revêt plutôt le caractère d’une aumône, laquelle n’est révocable que s’il y a eu stipulation expresse à cet égard dans l’acte même de la libéralité.

Même dans les cas où la donation est révocable, le fait par le donateur de vendre l’objet donné, ne peut être considéré comme une révocation, que s’il y a eu réquisition de témoignage sur ce point.

1. Certains auteurs étendent ce droit à tout donateur autre que les père et mère. Voyez, par exemple, SIDI Khalîl, traduct. Seignette, art. 1312.

DE LA DONATION PROPREMENT DITE De la capacité du donateur.

Du dessaisissement du donateur.

De la révocation.

Des donations nulles. Contestations.

DE LA CAPACITE DU DONATEUR Que décider au sujet de l’enfant qui apporte une chose à son maître d’école, en prétendant que c’est son père ou sa mère qui a envoyé la chose avec lui ?

Si l’on sait que le père faisait des cadeaux au maître, il sera permis à celui-ci d’accepter ce que lui apporte l’enfant et d’ajouter foi à ses dires, à moins qu’il ne lui apporte des cadeaux invraisemblables (sauf si son père les a envoyés par son entremise), ou à une époque où le maître n’a pas l’habitude de recevoir de cadeau du père de l’enfant. Il doit, dans ce cas, se renseigner auprès des parents de l’enfant.

(Aboâ Muhammad ibn Abû Zaid. T. IX, p. 128.) La donation faite par l’enfant, comme d’un morceau de pain ou une poignée de dattes, ou autre chose analogue, est-elle valable ?

La donation faite par l’enfant n’est pas valable, qu’elle s’applique aux objets ci-dessus ou à d’autres.

(Abû Muhammad ibnAbû Zaid. T. IX, p. 128.)

DU DESSAISISSEMENT DU DONATEUR Une femme fait donation à une autre de vêtements et d’autres choses qu’elle a indiquées, et la met en possession de tout cela, en présence de témoins qui ont constaté la prise de possession par la donataire de ce qui lui a été donné. La donatrice vécut quelque temps après, et [à sa mort] on trouva les choses données dans sa succession et en sa possession. [Que décider?]

Sache que la donation deviendra caduque, à moins que la donataire n’établisse, par une preuve testimoniale, qu’elle a possédé les choses, à l’exclusion de la donatrice, pendant un an au moins. Telle est l’opinion de nos confrères d’Égypte, et telle est la jurisprudence.

Au contraire, nos confrères de Médine déclarent que, même dans le cas où la donataire a eu la possession pendant un long laps de temps et pendant de nombreuses années, si l’objet de la donation revient ensuite entre les mains du donateur, qui décède ayant encore la possession de cet objet, la donation devient caduque, par analogie avec le gage’. Mais l’analogie, dans ce cas, n’existe pas. 1. En matière de gage, le créancier gagiste perd son privilège quand l’objet du gage revient entre les mains du débiteur ou de celui qui l’a constitué pour lui. Cf. Sini Khalîl, trad. Seignette, art. 387 et suiv. et le tome 1 de cette traduction, p. 490.

La possession du gage est prescrite par le Livre d’Dieu (le Qur’ân)’, sans qu’il soit permis à personne d’y déroger. La possession de la donation, au contraire, résulte de l’idjtihâd (induction tirée par les docteurs) et non d’un texte formel.

(Ibn Al-Makoui. T. IX, pp. 83-84.)

Que décider lorsqu’un homme fait donation de la moitié de sa maison à un autre, et que tous les deux habitent ensuite la même maison ?

La donation ne sera exécutoire en aucune mesure, jusqu’à ce qu’ils se partagent, à l’amiable, l’habitation de ladite maison en deux moitiés, lors même qu’il n’y aurait pas de partage définitif de la chose même. En effet, la donation devient exécutoire, du moment qu’ils habitent d’après un partage amiable 2.

(Ibn Zarb. T. IX, p. 101.)

Comment exécute-t-on la donation d’une maison actuellement donnée en location ?

Si le loyer est compris dans la donation en même temps que la maison, il n’est pas besoin que les témoins [de la donation] se transportent sur le lieu de la maison. Il faut et il suffit que la donation comprenne à la fois la chose donnée et le loyer. Quant à la donation de la maison, sans le loyer, il y a deux opinions, par analogie avec le gage. D’après l’opinion qui admet la validité de cette sorte de donation, les témoins constateront la prise de possession, et la donation sera valable. Au contraire, d’après la seconde opinion, la donation n’est valable qu’après l’expiration du bail. De sorte que, si le décès [du donateur ou du donataire] survenait avant cette date, 1. Sourate II, verset 283.

2. C’est un partage provisionnel ou de jouissance.

la donation deviendrait caduque. Il est donc indispensable de faire suivre la donation [de la maison] de celle du bail, au profit du donataire, et le locataire requerra témoignage qu’il a pris la maison à bail du donataire, avant la donation. La réquisition du témoignage aura lieu à l’égard des trois (le donateur, le donataire et le locataire). C’est ce que nous faisions, moi et Ibn Rushd, pour ceux qui nous demandaient acte [de pareilles donations]. Cependant des donations ont été conclues par le ministère d’Ibn Moudjàhid1, dans lesquelles l’acte ne portait pas la donation du loyer comme accessoire [du fonds]. Dans la suite, des donations de ce genre s’étant produites, un auteur a dit: « Il est indispensable qu’on ajoute dans l’acte que le disposant a donné le loyer comme accessoire du fonds (ou du principal). »

(Ibn Al-Hâjj. T. IX, p. 85.)

DE LA RÉVOCATION

Un homme fait donation à ses deux fils de la totalité de ses propriétés et leur en accorde la possession. Mais il n’a pas déclaré dans l’acte de la donation que celle-ci était faite en vue de plaire à Dieu. D’autre part, lesdites propriétés demeurèrent sous la main du donateur, depuis la date de la donation jusqu’à ce jour. Le donateur veut 1. Abû Bakr Yahyâ b. Moudjâhid b. ‘Awâna Al-Fazârî, jurisconsulte et dévot, qui vivait à Cordoue. Ilmourut le samedi 3 Djoumâdâ II 366. Cf. Ibn Al-FaradÎ, Ta’rîkh ‘oulamâ’ al-andalous, édit. F. Codera, II, 66, notice 1593.

maintenant revenir sur sa donation. En a-t-il le droit ? Le père a le droit de reprendre ce qu’il a donné à ses deux fils, pourvu que le donataire n’ait rien ajouté à l’objet de la donation, n’ait pas contracté de dette garantie par cet objet, qu’il ne se soit pas marié à cause de cela, enfin qu’il ne l’ait pas vendu. Si le donataire n’a rien fait de tout cela, la révocation est permise au père. (Abû ’Abd Allah Al-Haffâr. T. IX, p. 88.)

Une femme fait donation, à son frère, de propriétés à elle appartenant et qui étaient entre les mains de celui-ci. Le frère a accepté la donation, en a pris possession et les propriétés restèrent à sa disposition pendant un long laps de temps. Puis, au cours d’un procès qui s’était élevé entre lui et un autre individu, ce frère a avoué que sa sœur ne lui avait rien donné, et que les propriétés qu’il détenait n’ont pas cessé d’appartenir à sa sœur, jusqu’à ce jour. Le frère étant mort, sa sœur a intenté une action afin de réclamer ses propriétés, par suite de l’aveu de son frère. « N’as-tu pas fait donation à ton frère, lui a-t-on dit de ce que tu viens réclamer ? » La femme répondit « En effet mais du moment qu’il nie la donation, en vertu de quel titre devient-il propriétaire à ma place ? » La donation devient-elle caduque par la dénégation du donataire, ou est-elle maintenue par l’aveu de la donatrice ?

Si les faits sont tels que vous les avez rapportés, les neveux (fils du frère) de la femme donatrice ont le droit d’accepter la donation de celle-ci, qui s’y trouvera alors obligée. Ce droit, en effet, appartenait à leur père or celui qui meurt en laissant un droit, ces héritiers peuvent l’exercer à sa place.

{Sayyidî Misbâh. T. V, p. 139.) DES DONATIONS NULLES

Une mère fait une donation à ses deux filles, en stipulant que la part de la prédécédée reviendrait à la survivante. Cette donation est-elle valable ?

Cela est désapprouvé, à cause de la suppression de la part successorale de celui qui devait [normalement] hériter de la prédécédée. La mère est dans la situation de celui qui attribue exclusivement la majeure partie de sa fortune à l’un de ses enfants; ce qui est désapprouvé, mais néanmoins exécutoire quand cela se produit.

(Ibn ‘Attâb. T. IX, p. 86.)

Un homme ayant un coffre cadenassé et placé dans sa maison ou dans sa chambre, prend à témoins, alors qu’il était en état de santé, des hommes honorables que le contenu du coffre sera pour sa fille la plus jeune, Une Telle, sans que celle-ci en ait pris connaissance de visu. Cet homme meurt et l’on trouve dans le coffre des bijoux et des vêtements. Ces objets reviennent-ils à la fille ? Quid, s’il a remis les clefs aux témoins, qui les auront gardées jusqu’à sa mort ? ?

Quant à la donation du contenu d’un coffre fermé, elle n’est ni permise, ni valable, à moins que le donateur n’ait remis les clefs du cadenas aux témoins, au moment où il les a requis de témoigner, que ceux-ci n’aient constaté que le coffre était fermé, et qu’on ne le trouve en cet état après la mort du donateur. En ce cas, la donation de ce qui s’y trouvera vaudra en faveur de la fille, d’après la solution la plus préférable.

(Ibn Rushd. T. IX, p. 131.) Un homme avait une part dans une mine d’argent, avec seize autres associés. Puis, l’un de ceux-ci intenta une action prétendant que l’homme ci-dessus désigné lui avait fait donation de sa part dans la mine. Il étaya sa demande d’un acte de donation d’une part indivise. Cet acte contenait le témoignage de deux hommes qui n’avaient pas vu la mine, ne l’ont pas constatée de visu, ni su ce qu’elle est, ni assisté à une prise de possession. Au contraire, la mine était dans une région et les témoins dans une autre. Puis l’homme en question, le défendeur, produisit un acte d’où il résulte que cette donation n’était qu’une vente, et qu’elle n’a été conclue que pour rendre licite la vente. [Que décider?]

S’il lui a vendu ou donné sa part des bénéfices [à retirer] de la mine, sans la connaître d’une manière précise, mais en lui transférant simplement ce que le chercheur a l’espoir de rencontrer dans ses fouilles, cela est permis. En effet, la vente, dans ce cas, n’en est pas une; il lui a seulement abandonné, moyennant ce qu’il a reçu de lui, le droit qu’il a plus que lui de faire des recherches dans cet endroit, à raison de l’antériorité des fouilles qu’il y a pratiquées.

(Ibn Rushd. T. IX, p. 91.)

CONTESTATION

Un individu fait cadeau à un autre, à l’occasion d’un mariage célébré chez lui, d’une brebis égorgée. Quelque temps après le mariage, le donateur demande qu’on le rétribue de son cadeau, sinon, ‘qu’on lui restitue le prix qu’il lui a cûté. [Que décider?]

Il n’est pas d’usage de demander, en pareille circonstance, une récompense. Les ulémas, non plus, ne l’accordent pas, car le réclamant a simplement donné de la viande. Celui qui l’a reçue ne doit rien.

Les cadeaux que l’on fait à l’occasion de mariage, nomination à une fonction publique, arrivée de voyage, ou autres circonstances analogues, sont considérés, de la part de celui qui les fait, comme une aide matérielle pour celui qui les reçoit. Telle est du moins la tradition de l’Islâm.

Il n’est pas convenable de donner un présent sous la condition d’en recevoir la récompense, dès que l’occasion s’en présentera, sinon, de retirer son présent. C’est une mauvaise manière d’agirt, où nul ne doit s’engager, s’il plaît à Dieu.

(Al-Qâbîsî. T. III, p. 119.)

1. Il n’en demeure pas moins vrai, malgré ce que dit notre auteur, que cette habitude de faire des cadeaux remboursables, au même titre qu’une dette, est très répandue chez les Musulmans, notamment dans l’Afrique du Nord. Tous les voyageurs, tous ceux qui ont écrit sur la Société musulmane du Maghreb connaissent ces moeurs; une bibliographie serait ici inutile.

DE LA DONATION AUMÔNIÈRE: fr*~» AS-SADAQA

La donation aumônière est une libéralité faite en vue de plaire à DieuK~

Par son caractère même, celle donation s’adresse ordinairement aux pauvres ou à des parents du donataire. D’une façon générale, elle est soumise à toutes les règles que nous avons analysées au chapitre de la donation proprement dite («-* hiba 2).

Les seules particularités qui la distinguent sont les suivantes

1° La formule, sans être sacramentelle, a besoin de ne laisser aucun doute sur l’intention du donateur. Cela est utile, notamment à deux points de vue; il importe tout d’abord de distinguer l’aumône du habous, avec lequel on peut la confondre; ensuite la donation aumônière étant, en principe, irrévocable, les bénéficiaires ont tout intérêt à pouvoir prouver qu’il y a eu aumône et non donation. 2° La loi voit d’un mauvais œil le retour de la chose donnée en aumône aux mains du donateur, autrement que 1. Cf. la définition d’Ibn ‘Arafa, dans SIDI KHALiL, traduct. Seignette, p. 405.

2. Voy. ci-dessus, p. 396 et suiv.

par succession 4. Il ne doit même pas consommer des produits de la chose donnée, sauf toutefois s’il est l’ascendant du donataire.

3° Sont considérées comme aumônières les donations faites aux orphelins, aux pauvres et aux femmes parentes. 1. Ainsi, il commettrait une action blâmable en achetant la chose du donataire.

CONCLUSION

Un individu dit au moment de mourir « Je laisse ma maison en aumône après ma mort », ladite maison étant d’ailleurs inférieure au tiers [des biens du disposant]. Les habitants de la localité prirent alors sur eux de vendre cette maison et d’en dépenser le prix de vente pour l’achat de nattes et la restauration du plafond d’une mosquée. Cet acte est-il valable de leur part? L’aumône revient-elle, au contraire, aux pauvres et aux indigents ? Dans l’affirmative, la prière faite sur les nattes en question est-elle valable ?

L’acte par lequel les habitants de la localité ont vendu la maison et appliqué son prix aux besoins de la mosquée est valable et ne peut être critiqué. La coutume Çoarf <J>j*) en usage, aujourd’hui, parmi le peuple est que l’aumône ne s’applique pas exclusivement aux indigents; que 1. C’est la quotité disponible.

le mot sadaqa (*>•>), aumône, est pris par le peuple comme un terme qui désigne tout ce dont le propriétaire se dessaisit pour plaire à Dieu, que l’aumône soit distribuée aux indigents, appliquée aux besoins d’une mosquée, ou à toute autre œuvre. Telle est mon opinion; et je ne connais pas de texte sur la question.

(Sayyidî Misbâb. T. V, p. 148.)

Une femme fait une donation par déférence et obsession. Cette donation sera-t-elle bien venue pour le bénéficiaire ?

Les jurisconsultes ont dit, au sujet de la donation aumônière, que, – lorsqu’elle est sollicitée du donateur, et que l’on comprend, par l’attitude de celui-ci, qu’il l’a accordée par obsession et par déférence, et nullement de plein gré, cette donation n’est guère licite pour le donataire.

(Abû Saîd Faradj ibn Lubb. T. IX; pp. 106-107.) Un homme fait une donation aumônière à ses enfants, en se réservant le dixième des fruits [de la chose donnée]. [Que décider ?]

Les enfants se partageront la chose, et le père prendra le dixième [des fruits] de chaque part.

(Ibn Al-Hddjdj. T. IX, p. 117.) DU DESSAISISSEMENT DU DONATEUR Un individu achète une maison moyennant un prix échelonné sur trois années. A l’expiration de ce terme, quand le vendeur eut touché son prix et donné quittance, conformément à l’échelonnement ci-dessus, l’acheteur requit témoignage contre lui-même qu’il avait acheté ladite maison à l’intention de ses quatre jeunes filles, qui étaient sous sa tutelle, que le prix payé par lui, pour l’acquisition de ladite maison, provenait d’une donation faite à ses filles, en vue de plaire à Dieu. Acte fut pris de sa déclaration après qu’il eut payé le prix.

Cet individu étant décédé, la maison revient-elle aux filles ou non ? On sait d’ailleurs que ledit acheteur n’a pas cessé d’habiter la maison jusqu’à sa mort.

[Réponse] Si au moment où il a requis témoignage, cet individu a pris possession de la maison pour le compte des jeunes filles, ou l’a donnée à bail à un autre en leur nom, il y a là une possession; sinon, la maison suivra les règles des successions. 1

J’avais tout d’abord écrit au verso de l’acte d’achat que ladite donation n’a pas besoin de prise de possession, vu que le donateur a acheté au nom de ses filles. Or, il résulte de la question ci-dessus qu’il a acheté en son propre nom, et c’est après les années susdites, qu’il a prétendu avoir acheté au nom de ses filles.

En conséquence, que cette tante* craigne Dieu! Elle ne devrait pas chercher querelle à ces nièces pour une part insignifiante qu’elle prendrait dans ladite maison, et 1. Cette tante n’est pas mentionnée dans la question mais la réponse laisse entendre que c’est elle qui a intenté l’action contre les filles.

rompre ainsi les liens de la parenté en chagrinant le cœur de ses nièces, sans qu’il y ait pourtant un grand intérêt en jeu. C’est au qâdî Que Dieu lui fasse miséricorde! à examiner l’affaire.

{Al-Mawwâq. T. V, pp. 30-31.)

Un homme reçoit, à titre de donation aumônière, d’une femme de ses proches parentes, une part indivise qui lui appartient dans un pâturage, dont il est luimême son copropriétaire. Le bénéficiaire reçoit ladite donation et la possède pendant un an ou environ, puis en fait lui-même donation viagère au profit de ladite femme, après l’achèvement du délai [requis pour établir la possession]. Cette donation viagère vicie-t-elle l’aumône ? Si les choses sont telles que vous les avez décrites, c’est une donation aumônière valable, exécutoire au profit du donataire; elle ne sera point affaiblie, ni attaquée à cause de la donation viagère dont elle a été l’objet de la part du bénéficiaire. Cela est textuellement dit par Ibn AI-Qâsim. (IbnAl-Hâjj. T. IX, p. 116.)

Une femme fait donation à son mari d’une part d’eau d’irrigation, en même temps que de la partie de sa dot payable à terme (kâlî), et cela à titre de donation faite en vue d’Dieu, qu’il soit exalté Le mari prit possession de cette eau et s’en servit pour l’irrigation; et quant à l’excédent, il l’appliquait à la terre de sa femme, la donatrice. La donation sera-t-elle annulée pour le tout, ou seulement pour la partie qui excède les besoins de la terre du donataire ?

Si l’eau est en la possession du donataire, qui s’en sert pour l’irrigation, le fait que le champ de la donatrice en est également irrigué ne vicie pas la donation. Néanmoins, on désapprouve le profit tiré de cette eau par la donatrice, à raison de ces paroles du Prophète « Celui qui revient sur sa donation est comme le chien qui revient aux matières qu’il a vomies. »

(Abû ‘Oumar ibn ‘Attâb. T. IX, p. 84.)

Un homme fait à sa mère donation aumônière du tiers ou du quart de sa maison, la mère habitant avec lui, dans ladite maison, jusqu’à la mort [du fils]. Cette donation estelle [régulièrement] possédée, grâce au fait de l’habitation de la mère dans la maison ? a

C’est une possession parfaite, et une donation aumônière également parfaite.

(Ibn Lubâba. T. IX, p. 117.)

Un homme fait donation aumônière à ses filles, de bijoux et d’objets de trousseau, sans en indiquer le nombre, ni les distraire de sa possession, jusqu’au jour où il meurt. Les filles n’ont pas été mariées. Cela est-il permis ?

La donation aumônière de bijoux et de vêtements, faite par le père en état de santé, à ses filles non encore mariées, est valable, lorsqu’il a pris soin de décrire ces objets.

(Ibn Al-Makouî. T. IX, p. 118.) Celte sorte de donation peut avoir pour objet un esclave et, dans ce cas, elle prend le nom de ikhdâm (^l), ou un animal, et s’appelle alors minha (*). Dans l’un et l’autre cas, elle dure tant que vit l’esclave ou l’animal1, ou pendant le temps fixé par les parties.

1. Cette donation est, pour ainsi dire, viagère en se plaçant au point de vue de l’objet de la donation.

son pendant de nombreuses années, qui absorbent la durée probable (? dj^=) de la vie de son mari, il ressort clairement de son acte qu’elle n’a eu en vue que de lui porter préjudice, en aliénant la maison à son détriment. Aussi, aura-t-il le droit d’annuler cet acte à la mort de sa femme. Mais il n’a rien à réclamer tant qu’elle est vivante. (Ibn Rushd. T. IX, p. 96.)

Un homme accorde à un autre, en viager, la jouissance de sa part dans des immeubles leur appartenant en commun. Le donateur était, en ce faisant, dans l’état de maladie. Cette donation viagère est-elle valable ?

Si le donateur est mort de la maladie au cours de laquelle il a fait la donation viagère, celle-ci sera prélevée sur le tiers [disponible de ses biens], parce que les libéralités faites pendant la maladie doivent être imputées sur ce tiers. La manière d’imputer cette donation sur le tiers de la succession du disposant consiste à évaluer sa part dans les immeubles en question, et si cette valeur ne dépasse pas le tiers de sa succession, sa libéralité sera exécutée, et la donation viagère dont s’agit produira son effet. Si le tiers [disponible] est moindre que le montant de la donation viagère, les héritiers auront le choix ou de ratifier la donation viagère en question [pour le tout], ou de distraire, au profit du bénéficiaire, le tiers de tout ce qu’a laissé le défunt. Ceci est dit dans la Moadawwana. Mais si le disposant s’est remis de sa maladie, au cours de laquelle il avait fait la donation viagère, celle-ci ne sera maintenue que si le bénéficiaire l’a perçue du vivant du donateur, celui-ci étant en état de santé et présent. (T. IX, pp. 110-111.) DE L’OBJET DE LA DONATION Un homme fait donation viagère au mari de sa fille, placée sous sa tutelle, des biens de cette fille, pour lui venir en aide. C’est l’usage des habitants de Qafsa (Gafsa, ville de Tunisie); ils font donation viagère aux maris des biens de leurs filles, considérant cette manière d’agir comme une mesure de bonne administration. Cela est-il valable ? Et si le mari répudiait sa femme, aura-t-elle un recours contre lui ?

Il n’est pas permis de donner en viager au mari les biens frugifères de la fille. Le mari sera comptable des fruits, s’il est solvable. S’il est insolvable, le père en sera responsable.

On trouve, dans Al-Mâzari, que la coutume pratiquée à Zawîla 1 et à Al-Mahdiyya est de donner aux femmes, avec leur trousseau, une maison où le mari habitera en même temps que la femme.

{At-Tûnisî2. T. IX, pp. 104-105.)

1. Voy. suprà, p. 165, en note.

2. Aboù Ish.aq Ibrâhîm b. Hasan b. Yabyâ al-Mourâdî At-Tûnisl, célèbre jurisconsulte malékite de Qairouân, où il jouissait d’une très grande estime. Dans ses traités de droit, il prend souvent à partie Ibn Al-Mawwâz et critique la Mudawwana. Il mourut à Qairouân au début de la guerre civile qui éclata en l’année (blanc dans le ms.). Cf. le manuscrit arabe de Paris, n» 2103, f” 26 v-27.

DU DESSAISISSEMENT

DU DONATEUR

Un homme ayant fait donation de la moitié de sa maison, alors qu’il y habitait lui-même, le donataire vint y demeurer avec lui et devint possesseur, grâce au fait de l’habitation et de l’utilisation des usances de la maison. Le donateur était avec lui dans la situation de deux hommes qui seraient associés pour l’habitation. [Que décider?] C’est là une possession parfaite et la donation est exécutoire en faveur du. bénéficiaire.

Pareillement, toutes les fois qu’un individu fait donation d’une partie d’un bien ou d’une maison, et le possède en même temps que son donataire, avec lequel il participe à la jouissance et à l’usage [de la chose donnée], cela constitue une perception et une prise de possession [de la donation].

[Ahmadibn ’Abd Allah Al- Loulou ‘t. T. IX, p. 139.) On demanda au jurisconsulte ci-dessus « Et s’il a donné la moitié desdits objets à un mineur, qui ne peut prendre possession pour lui-même, ou à une fille non mariée, et qu’ils aient habité avec le donateur de la même manière que le donataire, qui serait capable? » Il répondit « C’est une prise de possession également parfaite, valable. Ne vois-tu pas que lorsqu’un homme fait donation à un mineur de dirhems, en les lui remettant, et meurt ensuite alors que les dirhems sont entre ses mains, il y a là une possession parfaite et une perception valable ? » (Ibidem.) Un homme fait donation à un autre d’une maison. Puis le donataire la donne en viager au donateur lui-même, avant qu’il se soit passé le temps nécessaire pour parfaire le délai qui assure la possession au donataire 1. Ayant su, par la suite, que cela est de nature à rendre nulle la donation qui lui a été faite, il veut annuler la donation viagère et rentrer en possession de la maison. [Que décider?] Si le donataire (originaire) est susceptible d’être considéré comme ignorant cette [conséquence de la donation viagère], celle-ci sera annulée et il rentrera en possession de sa maison.

(IbnZarb.T. IX, p. 101.)

Un homme s’engagea, à titre gratuit, envers un autre, à pourvoir à son entretien (na faqa) sa vie durant, ou pour un certain temps. Puis, cet homme étant mort, le bénéficiaire intenta une action, réclamant la nafaqa à la succession du défunt. La situation est-elle la même au point de vue de la nafaqa, que le bénéficiaire soit capable ou non? Connaissez-vous une divergence dans le rite à ce sujet ?

Si celui qui s’est engagé à fournir l’entretien est mort, il est affranchi pour le temps qui reste à courir sur la période stipulée, car c’est une donation non perçue, qui devient caduque par la mort [de l’une des deux parties]. Je ne connais pas de dissidence sur ce point dans la doctrine, que le bénéficiaire soit incapable ou non. Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance. (Ibn Rushd. T. IX, pp. 92-93.)

1. Ce délai est d’un an au moins.

DES ESCLAVES Jâ« AR-RAQÎQ

Celte matière a beaucoup perdu de son importance depuis que les nations européennes et même certaines nations musulmanes ont aboli l’esclavage sur tous leurs territoires et possessions. Cependant, comme au Maroc, l’esclavage n’a pas disparu, nous avons cru utile de traduire un certain nombre de fatwas se rapportant à cette matière, qui n’est généralement pas traitée dans les ouvrages de droit musulman composés par des Européens, à cause précisément de cette abolition dont nous parlions plus haut. Le Qur’ân, comme on le sait, a consacré celle inhumaine institution. Toute fois, on ne saurait méconnaître au législateur de l’ Islam le mérite d’avoir adouci notablement le sort des esclaves, et surtout d’avoir favorisé par toutes sortes de moyens leur affranchissement. Nous avons vu i que l’expiation de certains péchés consiste dans l’affranchissement d’un esclave, d’un cou (<ïj)raqaba), comme disent les juristes musulmans. D’autre part, soit par testament, soit même de son vivant, le maître est sollicité par la loi d’a ffranchir son esclave, et ;la faveur de la loi est telle 1. T. I, p. 267 et cf. Sidi Khalîl,trad. Seignette, Introduction, p. XXV. 2. Kaffâra pjjo).

que certains faits, qui entraînent la nullité de tout aulre acte juridique, sont sans effet sur un affranchissement, lequel est maintenu malgré tout.

L’esclavage étant aboli dans toutes les possessions françaises, nous croyons inutile de traiter en détails celle matière, qui n’a plus guère qu’un intérêt historique.

Des vices rédhibitoires dans les

Des affranchissements.-Des droits du maître. De la responsabilité du maître.

DES VENTES D’ESCLAVES

Un individu vend à un autre une jeune esclave, à condition que l’un d’eux aura une option pendant trois jours. L’acheteur tombe (sic) sur l’esclave et cohabite avec elle pendant le délai d’option. Elle devient enceinte. [Que décider ?]

Si elle a été soumise à la cohabitation par celui qui n’a pas l’option, l’enfant se rattachera à lui, tandis que l’esclave appartiendra à celui qui jouit de l’option, s’il opte dans ce sens. Il n’y aura pas de hadd (peine corporelle définie) à la charge de celui qui a cohabité, parce qu’il y a controverse sur la nature de la vente avec option, les uns admettant que l’option la rend seulement parfaite, les

DES ESCLAVES

Des ventes d’esclaves.

ventes d’esclaves.

Questions diverses.

autres que la vente n’est pas conclue jusque-là. Le hadd est exclu à cause de la présomption d.

(Ibn Abû Zaid. T. VI, pp. 128-129.)

Un individu vend à un autre un esclave, puis prétend être propriétaire d’un bien qui se trouve entre les mains de l’esclave. L’acheteur répond: « Non, c’est un bien acquis par mon esclave. » [Que décider ?]

On s’en remettra à la déclaration de l’acheteur, si l’esclave est resté chez lui pendant une durée au cours de laquelle il eût pu acquérir cette somme. Sinon, on admettra la déclaration du vendeur.

(Ibn Abû Zaid. T. VI, p. 129.)

Selon Hishâm ibn Khouzaima, le bien sera mis en séquestre entre les mains d’un homme de confiance ou entre les mains des maîtres de l’esclave, jusqu’à ce qu’il soit prouvé à qui il appartient. (Ibidem.)

(Ibidem.)

Un homme achète une esclave ayant un fils libre, sans que le vendeur stipule contre l’acheteur qu’il pourvoira à l’entretien de l’enfant. Que décider, lorsque l’acheteur refuse de faire pour lui les dépenses d’entretien ? La vente est parfaite, valable. L’acheteur sera contraint à vendre l’esclave à un homme à qui on imposera la condition de ne pas séparer la mère de son enfant, à un homme qui aura l’enfant à sa charge pour l’entretenir et qui sera solvable pour fournir tout cet entretien. (Ibn Zarb. T. IX, p. 161 2.)

f. La présomption consiste en ce que, dans la première opinion, l’acheteur a pu se croire propriétaire de l’esclave avec laquelle il a cohabité, l’option ne devant que rendre parfaile la vente, qui est d’ailleurs valablement conclue.

2. Al-Wansharisi, l’auteur du Mi’yâr, ajoute qu’Ibn Zarb ne dit pas avoir vu cette question exposée par un auteur quelconque.

Des esclaves sont amenés de Tripoli en Égypte, et vendus au dernier surenchérisseur. Mais un individu, habitant de l’Égypte, amène un esclave à lui appartenant, et dit au crieur « Mêle-le aux autres esclaves et ne dit pas qu’il m’appartient. » Le crieur obéit, mais l’acheteur s’aperçoit, par la suite, de la ruse et veut rendre l’esclave. [Que décider ?]

L’acheteur a ce droit. Ainsi, il arrive parfois qu’en apprenant que des esclaves ont été amenés de tel endroit, un homme ait le désir d’en acheter il achète alors [l’esclave qui a été mêlé aux autres], croyant qu’il est du nombre de ces derniers, puis s’aperçoit du contraire ou bien encore ce sont des bêtes de somme qui sont apportées de leur pays d’origine et vendues à la criée un homme vient y mêler sa bête, et celle-ci est vendue. Dans ce cas, l’acheteur, s’il le désire, a le droit de la refuser.

Mâlik a dit également, au sujet des biens d’une succession vendus aux enchères, et auxquels un homme vient mêler une marchandise à lui, comme un vêtement, un esclave, ou autre objet, lequel est vendu [avec la succession], que l’acheteur a l’option, lorsqu’il en a connaissance, de rendre les objets ou de les garder, à son gré.

La première question est pareille à celle-ci.

(Ibn Al-Qâsim. T. VI, p. 193.)

Ibn Rushd « Cela est évident, pour les raisons données par Ibn AI-Qâsim, car il arrive parfois qu’on recherche l’achat des esclaves amenés du dehors et qu’on n’aime pas acheter les esclaves.de sa propre ville. Il en est de même pour les bêtes de somme et les autres choses; on aime parfois acheter celles qui sont apportées du dehors, tandis qu’on ne le ferait pas pour celles qu’on trouve sur place. Pareillement, pour les objets provenant de la succession d’un mort, il arrive parfois qu’on les recherche plus que d’autres, parce qu’on sait qu’il (le défunt) les a acquis par des moyens licites, et parce que l’on est, quant à ces objets, à l’abri de la revendication, ou pour des motifs analogues. »

[Ibidem.)

J’ai été consulté, au sujet des esclaves qui arrivent de l’Abyssinie et qui reconnaissent le tauhîd (la doctrine monothéiste) et les règles pratiques de la religion, sur le point de savoir s’il est licite ou non de les vendre et de les acheter. Au cas où ils se seraient convertis à l’Islâm, étant sous le droit de propriété de leurs maîtres, ceux-ci ont-ils le droit de les vendre? Et si la Sounna (tradition) admet la vente des esclaves, pourquoi la formule du tauhîd qui sauve de la mort et du châtiment dans l’autre monde, ne sauve-t-elle pas de l’humiliation et de la peine de l’esclavage. En effet, le droit de propriété [appliqué à l’homme] est un esclavage et un amoindrissement de la personne ennoblie par la foi. Et que signifient ces paroles des docteurs « L’esclavage est une infidélité (kou fr) » Cette épithète s’applique-t-elle après qu’on est devenu croyant 3 ? P

J’ai répondu « S’il est établi que l’esclave est infidèle d’origine et appartient à une des diverses catégories d’infidèles sauf s’il est Qoraishite-et si, d’autre part, il n’est pas prouvé qu’il s’était converti à l’Islam dans son pays, dans le lieu où il était à l’abri, il sera permis, une fois que les mains des capteurs l’auront atteint après la conquête et 1 C’est la formule «A! V *i ‘llâ ildh illd Dieu, « Il n’y a pas de dieu en dehors d’Dieu. »

2. L’infidèle qui prononce cette formule échappe, en effet, à la mort. 3. L’esclave étant considéré comme un kâ/ir (mécréant, infldéle), cette épithète lui est-elle ‘encore applicable, après qu’il a embrassé l’Islam tout en restant esclave ?

la victoire, de le vendre ou de l’acheter, sans aucun obstacle. L’adoption de la formule du tauhîd par ces esclaves n’empêche pas la continuité de leur condition d’esclaves, car l’esclavage est une humiliation et un asservissement motivés par une infidélité (kou fr) antérieure ou coexistante (actuelle) et ayant pour but d’éloigner [les hommes] de l’infidélité. C’est pour cela que l’esclave est [juridiquement] absent pour lui-même, mais existant pour son maître. Dès qu’il est affranchi, il acquiert son individualité et devient maître de sa personne. Il devient apte à être propriétaire d’une manière complète, à être juge, témoin, fonctionnaire, et capable d’arriver aux autres fonctions qui mettent en évidence et aux grandes dignités. Quant à ceux qui reconnaissent le tauhîd (le dogme monothéiste) et les règles pratiques de la loi religieuse, parmi les esclaves arrivant de l’Abyssinie ou des autres pays d’infidélité ou ennemis, leur reconnaissance à cet égard n’empêche pas la validité de leur vente ou de leur achat, à raison de leur origine infidèle et du doute qui existe sur le point de savoir si leur conversion à l’Islâm est antérieure ou postérieure au droit de propriété [du maître]. C’est, en effet, un doute sur l’empêchement [qui met obstacle à l’asservissement]. Or, le doute sur l’empêchement n’a aucune influence i.

Assurément, si l’on connaissait la conversion à l’Islâm de toute une fraction, ou d’une catégorie, ou des habitants d’une région [à laquelle appartiennent les esclaves en question], ou si l’Islam les englobe presque tous, dans ce cas, le moyen de se préserver de l’erreur consisterait à interdire la possession de ces esclaves.

Mais si la conversion à l’Islam est postérieure à l’établissement du droit de propriété [sur ces esclaves], il n’y a plus aucune corrélation entre la liberté et l’Islam, 1. C’est-à-dire n’est pas pris en considération.

car la cause de l’esclavage, c’est sa coexistence avec l’infidélité [koafr). Aussi, cet état d’asservissement continue-t-il après la disparition du koafr, par cette considération qu’ils ont coexisté, et pour éloigner [les hommes] de l’infidélité.

Il n’en est pas de même [de l’influence de la conversion à l’Islam] pour écarter le châtiment dans la vie future, car la cause de ce châtiment, c’est l’infidélité, laquelle a disparu. Aussi le châtiment disparaît-il avec sa cause. Quant à l’attribution que vous faites aux docteurs de cette phrase « L’esclavage est un kou fr (infidélité) », je ne sache pas qu’ils aient formulé cet adage. Celles de leurs expressions qui sont connues, répandues, c’est que « l’esclavage est l’indice de l’infidélité » et non une infidélité, comme vous l’avez rapporté d’après eux. En admettant même que cet aphorisme existe tel que vous le rapportez d’après eux, c’est qu’il contient une ellipse d’un terme annexé 1 (sjlk. tnoadâf). Les exemples de ce genre sont fréquents dans le Livre (le Qur’ân), dans la Sounna (tradition) et dans le langage des Arabes. Au demeurant, Dieu le sait mieux. (Al-Wansharîsî. T. IX, pp. 17M72.)

DES VICES RÉDH1B1TO1RES DANS LES VENTES D’ESCLAVES

Un individu ayant acheté une jeune esclave, un témoin 1. Ce terme annexé est le mot^Tl, indice.

vient déposer qu’elle est de condition libre. Le vendeur est-il tenu de rembourser le prix qu’il a touché, contre la restitution qui lui sera faite de l’esclave ?

Si la condition libre de l’esclave n’est attestée que par un témoin unique, on ne jugera pas que cette esclave est libre’, mais on condamnera le vendeur à restituer le prix qu’il a touché, et l’esclave lui sera rendue, si l’acheteur le veut, car cela (la déposition d’un seul témoin en faveur de l’esclave) constitue un vice de l’esclave. Telle est l’opinion de Qâsim ibn Muhammad2, et telle est la jurisprudence. Cette espèce s’étant présentée à Cordoue, leqâdî Ibn Rushd en conféra avec moi. Je lui répondis « Je ne suis pas d’avis que l’esclave doive être rendue au vendeur, à moins qu’il ne soit prouvé qu’elle est de condition libre. Le vendeur n’est pas non plus tenu de fournir caution, car (dans l’espèce présente) l’acheteur a demandé au vendeur une caution du prix, au cas où la condition libre de l’esclave viendrait à être établie un jour. Quant à l’acheteur, il ne peut revendre cette esclave qu’en spécifiant (qu’un témoin a déposé qu’elle est libre). S’il la vend sans spécifier, cela constitue un vice, sur le fondement duquel l’esclave pourrait être restituée. » Cette espèce s’était présentée également devant le qâdî Aboîi ‘Abd Allah ibn Mouzain, et j’ai donné [à ce sujet] une fètwa (consultation juridique) dans le même sens que dessus.

Une situation analogue est celle où l’acte de habous de l’immeuble acheté par un homme est produit [après la vente]. C’est un vice qui donne ouverture à la rescision [de la vente], encore que le habous ne soit pas prouvé. 1. Parce qu’il faudrait au moins deux témoins.

2. Qâsim b. Muhammad b. Qâsim b. Muhammad b. Sayyâr Abû Muhammad, célèbre traditionniste et jurisconsulte malékite de Cordoue, disciple d’Ibn ‘Abd Al-yakam, le grand jurisconsulte d’Egypte, mort en 276, ou 277, ou 278 (= 889, ou 890, ou 891). Cf. Al-Maqôarî, Nafh at-fîb, édit. Dozy, etc., t. I, p. 494, et Ibn Al-Fabadî, Ta’rikh ‘oulamâ al-andalous, édit. F. Codera, I, p. 289, notice 1047.

Mais il en est autrement, s’il s’agit d’une simple contrelettre. Cette espèce s’était présentée à l’occasion de deux fondouqs et de deux boutiques, dont l’ensemble a été vendu dans la succession de la fille d’un nommé Akhtal. Un acte^ de constitution habous, émanant de ladite fille, au profit de son frère, ayant été découvert par la suite, j’ai décidé par une fatwa que cela constitue un vice rédhibitoire et que l’acheteur a le droit de rendre l’objet acheté. L’avocat des enfants [de la défunte] déclara que l’acheteur avait entendu le bénéficiaire du habous le réclamer au jour de l’achat. J’ai alors rendu une félwa, aux termes de laquelle l’acheteur prêterait le serment qu’il n’a pas entendu parler du habous, et la vente une fois rescindée, il reprendrait son or. Mais il préféra référer le serment.

(Ibn AI-Hâjj. T. VI, pp. 119-120.)

Un individu achète un esclave et découvre ensuite qu’il a une trace de cautérisation au feu. Les hommes compétents ont déclaré qu’il a été cautérisé pour cause de maladie. [Que décider ?]

Si l’esclave est Berbère, on ne tiendra pas compte dé la déclaration des experts, car on sait que les Berbères se cautérisent sans être malades. Les roumis, au contraire, ne se cautérisent que pour une maladie. Aussi, l’esclave sera-t-il rendu par crainte du retour de la même maladie. (Unjurisconsulle de Sicile. T. VI, p. 39.)

Un individu achète un esclave et trouve qu’il a la voix trop forte, si bien que, lorsqu’il parle ou crie, il effraye les enfants. [Que décider?]

Si ce défaut sort de l’ordinaire et se distingue de la voix humaine, cela constitue un vice rédhibitoire. Il en est de même de l’esclave quémandeuse ou médisante, ou qui sort trop souvent. Chacun de ces défauts, dès qu’il appa- raît et devient notoire, constitue un vice qui donne droit à la résiliation de la vente, sauf lorsque le défaut n’existe que légèrement.

(T. VI, p. 36.)

Un individu achète un esclave, celui-ci ayant lui-même des esclaves. L’acheteur découvre un vice dans l’un de ceux-ci. A-t-il le droit de le refuser, ou de se faire payer la valeur [de la dépréciation causé par] le vice ? Il ne peut rendre cet esclave, ni avoir la valeur du vice, ̃car c’est un des biens de son esclave.

(Asbagh. T. VI, p. 154.)

Que décider, lorsqu’un individu est poursuivi (devant la justice) à raison de vices anciens et prouvés qui sont découverts dans une esclave qu’il a vendue ?

Il devra fournir une caution pour le prix (de l’esclave), de même que, dans le cas de revendication d’une maison, [on doit fournir caution] pendant le délai accordé au possesseur de la maison. Mais, comme en matière de vices (dansles ventes d’esclaves) le défendeur (c’est-à-dire le vendeur) n’a pas d’objet qu’on puisse mettre en séquestre, on prend une garantie contre lui, pour le prix qui est à sa charge, au moyen d’une caution qu’il doit fournir. C’est une solution élégante donnée par le tiqh (droit). Pendant le délai [accordé au vendeur pour fournir ses preuves], l’esclave restera chez son acheteur, à moins que ce soit une belle esclave et que l’acheteur n’inspire pas confiance en ce qui la concerne dans ce cas elle le quittera, pour aller chez un autre. Le délai (accordé au vendeur) est plus court que dans les autres cas. Il est même permis que la caution garantisse seulement la comparution [du défendeur], mais on doit le mettre au courant de ce qui est à la charge du cautionné.

(Ibn ‘Attâb. T. VI, p. 184.) DES AFFRANCHISSEMENTS

Que décider, lorsqu’un Chrétien achète une Musulmane et l’affranchit ?

L’alrranchissement est maintenu, mais les droits de patronage appartiennent à la communauté des Musulmans. De sorte que si cette femme veut quitter le Chrétien, elle est de condition libre (*>»- hourra) et peut s’en aller là où il lui plaît. (Ibn Loabâba. T. V, p. 220.) L’affranchissement est-il le même1 pour les esclaves mâles et femmes des Musulmans ?

L’affranchissement de celui qui vaut plus mérite une récompense plus considérable [de la part d’Dieu], à cause de ce hadîlh du Prophète « Le meilleur des cous est celui qui est le plus élevé en prix, et qui est le plus précieux aux yeux des maîtres. » Le Prophète a ainsi généralisé (sans distinction de sexe).

Mais si l’esclave mâle et l’esclave femme sont du même prix et également recherchés, l’affranchissement du mâle est plus méritoire, à raison de ce Que Dieu lui a donné en particulier, et de ce dont il l’a favorisé à l’exclusion de la femme, telle que la vocation à l’imâmal, au martyre2, à la guerre sainte. Enfin, si les deux esclaves mâles, ou les deux esclaves femmes sont égaux (sous le 1. Au point de vue du mérite de cette action aux yeux de Dieu. 2. Le mot fcjlj^î signifie aussi bien le martyre que le témoignage. Nous avons préféré le premier sens, parce que les femmes ne sont pas exclues, d’une façon absolue, du témoignage. Il est des cas, au contraire, où seule leur déposition est admise.

rapport, du prix) l’affranchissement du meilleur est plus méritoire.Il n’y a aucune dissidence sur ce point. On n’est en désaccord qu’au sujet de l’esclave infidèle (kâfîr) qui serait d’un prix supérieur à celui de l’esclave musulman. Selon les uns, l’affranchissement de l’infidèle est plus méritoirei à cause des termes généraux du hadîlh ci-dessus. Selon les autres, c’est l’affranchissement du Musulman qui est plus méritoire, étant donné que le sens de ce hadîlh envisage l’égalité des cous (c’est-à-dire des esclaves d’une même catégorie).

Pareillement, dans l’affranchissement des infidèles, celui qui cûte plus cher est le meilleur, qu’il soit homme ou femme. S’ils sont égaux sous le rapport du prix, les auteurs, qui admettent que l’affranchissement de l’esclave femme est plus méritoire, à raison de la possibilité de contracter ultérieurement mariage avec elle – voient dans cet affranchissement un avantage, qui n’existe pas dans [l’affranchissement] de l’esclave mâle infidèle. En effet, celui-ci n’est fpas assujetti à la capitation (djizya), lorsqu’il est affranchi par un Musulman.

Au contraire, d’après les auteurs qui admettent qu’il est assujetti à la capitation, son affranchissement est plus méritoire que celui de la femme, car la capitation est d’une utilité plus générale pour les Musulmans que le mariage avec une esclave.

(Ibn Rushd. T. IX, pp. 149-150.)

Un individu possède une esclave qui se prétend « mère d’un enfant 2 » (de ses œuvres), tandis que le maître le nie et vend cette esclave à un autre homme. Elle demeure pendant environ une année et demie entre les mains de l’acheteur; puis le vendeur intente une action à l’ache1. Étant le plus cher.

,2. -y)f\ oumm walad. Voy., sur cette expression, supra, p. 5.

teur et lui dit « Mets-moi en possession de mon esclave, car elle est la mère de mon enfant. Je ne l’ai laissée entre tes mains, pendant le délai susdit, qu’à titre de dépôt. » L’acheteur’, ayant acquis la certitude qu’elle était la mère de l’enfant (du vendeur), la lui abandonna, en requérant témoignage contre lui qu’elle était la mère de son enfant. L’esclave demeura peu de temps entre les mains de son maître, qui la vendit ensuite à un autre individu. Cette vente sera-t-elle résolue, à raison de ce qui a été mentionné plus haut? Dans l’affirmative, achèvera-t-on d’office l’affranchissement de l’esclave, à raison de l’injustice de son maître à son égard ?

La vente sera annulée, à raison de ce qu’il est établi que l’esclave est oumm walad.

S’il n’est pas possible de la protéger contre le maître et qu’on craigne qu’il ne la revende de nouveau, on l’affranchira malgré lui, de même que l’épouse obtient le divorce d’office, lorsque son mari la vend et que, la vente ayant été annulée, on craint qu’il ne la vende de nouveau. (Qâsim Al-‘Ouqbânî. T. VI, p. 95.)

A partir de quel moment l’esclave, dont le maître meurt en la laissant enceinte, a-t-elle droit à sa liberté? Selon les uns, la liberté lui est due dès l’apparition de la grossesse. Selon d’autres, elle ne cesse pas d’être esclave, jusqu’à ce qu’elle accouche. Enfin, selon une troisième opinion, sa situation est pendante si elle met un enfant au monde, elle sera considérée comme ayant été libre pendant la durée de la gestation 2.

(Ibn Al-Hâjj. T. IX, p. 153.)

1. Le texte porte le vendeur, >«Ul, ce qui est manifestement une erreur.

2. C’est une application du principe de la rétroactivité de la condition.

Unhomme achetaune jeunefemme chrétienne prise avec le butin; il la rendit mère, puis mourut. Estimez-vous qu’elle est libre? Si elle veut rejoindre le pays ennemi (dâr al-harb), doit-on la laisser (partir) sans lui faire aucune opposition? Et si elle meurt en laissant des biens, qui est-ce qui en héritera? Est-ce ses coreligionnaires ou les parents de celui qui l’a rendue mère, au cas où l’enfant qu’elle a eu de lui n’aura pas survécu?

Elle est libre par la mort de son maître; mais on ne la laissera pas rejoindre le pays ennemi, car les droits de patronage, en ce qui la concerne, appartiennent aux héritiers de son maître. Il se peut, en effet, qu’elle embrasse l’Islâm, et, dans ce cas, ces mêmes héritiers auraient droit à sa succession.

{Abû Sâlih. T. IX, p. 169.)

Que décider, lorsqu’un homme, possédant deux esclaves, leur dit « Voire moitié est libre ? »

La question est controversée. Selon les uns, on tirera au sort entre eux, et l’on affranchira l’un d’eux jusqu’à concurrence de la moitié de la valeur des deux esclaves. Si l’on obtient ainsi une partie seulement d’un esclave, on la complèterai. Mais si l’on obtient un esclave entier, on affranchira les deux.

S’il avait dit « Vos moitiés sont libres », tous les deux seraient affranchis malgré lui. Selon d’autres, toutes ces expressions sont équivalentes, et les deux esclaves seront affranchis ensemble [dans tous les cas].

D’après Sahnûn, quand il dit « Votre moitié est libre », il aura le choix d’affranchir l’un d’eux, à charge de jurer qu’il n’a pas visé l’un d’eux individuellement. (Ibn Abo·îc Zaid. T. IX, pp. 150-151.)

1. C’est-à-dire qu’on l’affranchira pour le tout.

Un maître dit à son esclave « Fais-moi passer le fleuve [en me portant] sur ton cou, et tu seras libre » ou bien « Porte ma lettre à un tel, et tu seras libre » L’esclave emporte le livre et, trouvant un tel mort, lui met la lettre dans la main, ou il le trouve déjà enterré. Ou bien, l’esclave ayant chargé son maître sur son cou, le maître tombe dans le fleuve et meurt. [Que décider ?] L’esclave est libre, s’il n’a pas été négligent, en ce qui touche le transport du livre K

(Aboâ Sâlih. T. IX, p. 170.)

Un homme affranchit sa part dans un esclave; puis lorsque son associé lui demanda la valeur estimative de sa part 2, il dit « L’esclave sera estimé en tenant compte qu’il est voleur et fuyard, car il est tel. » Son associé répondit « Pas du tout, il est exempt de ces défauts, et c’est d’après cet état qu’il doit être estimé. » [Que décider ?]

Le serment est à la charge de celui qui allègue l’absence de vice, car il s’agit d’une somme d’argent qu’il veut prendre sans droit, du moins à ce que prétend le défendeur. En effet, il se peut que [toute] la valeur estimative de l’esclave, avec ses vices, n’égale pas la part qu’aurait le réclamant si l’esclave était estimé exempt de vice en sorte que l’autre puisse lui dire « Tu veux me faire payer sans droit la moitié de la valeur estimative. » (Ibn Zarb. T. IX, p. 156.)

1. L’autre espèce est passée sous silence dans la réponse. Mais celle-ci semble s’appliquer aux deux cas, tout en envisageant une circonstance particulière, la négligence, le retard apporté dans le transport du livre. 2. L’associé est fondé à réclamer la valeur estimative de sa part, car l’affranchissement ne peut être partiel dans ses effets l’esclave étant affranchi pour la moitié, il ne peut plus le garder à son service.

DES DROITS DU MAÎTRE

Un individu possède une esclave qui chante dans les mariages, les naissances et autres réjouissances. Le maître a-t-il le droit de profiter des cadeaux ou autres dons que son esclave reçoit pour cela ? P

Si l’esclave reçoit une rémunération pour le divertissement qu’elle procure, il ne sera pas permis au maître de se l’approprier. De même, si l’esclave meurt, il ne sera pas permis au maître d’hériter de ce pécule, qui devra être restitué à ceux dont il provient, quand on les connaît; sinon, le maître le distribuera en aumône. D’après Râshid ibn Abû Râshid, il n’y aura pas restitution aux ayants droit, mais distribution en aumône.

(Abû Muhammad ibn Abû Zaid. T. V, p. 163.) Un homme qui possède une esclave mariée a-t-il le droit de la séparer de son époux?

Il n’en a pas le droit. Et si elle a payé le prix de son affranchissement conditionnel, elle sera affranchie et aura l’option en ce qui concerne son mari pourvu qu’il ne l’ait pas touché, depuis son affranchissement.

(Ibn Al-Makouî. T. IX, p. 146.)

Un individu possède un esclave, auquel il faisait du bien. Puis ce dernier devient d’un mauvais caractère et prend la fuite à diverses reprises. Son maître lui met alors un anneau de fer ( Jti* khalkhdl) au pied, afin que toute 1. De rester avec lui ou de divorcer.

personne qui le voie sache que c’est un esclave en fuite. Est-il permis au maître de faire ce qu’il a fait ? P Ce que le maître a imposé à son esclave est permis, car il n’y a là qu’une mesure de précaution prise par lui pour ce qui est son bien.

(Muhammad ibn ‘Abd Al-Karim Al-Aghsâwî. (T. V, p. 127.)

DE LA RESPONSABILITÉ DU MAÎTRE Des esclaves chrétiens s’évadent sur une barque appartenant à un tiers. Leurs maîtres répondent-ils de la barque sur laquelle ils ont fui, lorsqu’ils ont été avertis par l’Imâm (Souverain) d’avoir à les emprisonner et qu’ils ne l’ont pas fait ? Quid, lorsqu’ils n’ont pas reçu d’avertissement ? Aucune responsabilité n’est à la charge des maîtres, qu’on les ait ou non avertis. L’avertissement n’a d’influence sur la responsabilité qu’en ce qui concerne les murs qui menacent ruine, les bestiaux qui causent des dégâts, les chiens qui mordent, mais non en ce qui touche les esclaves. La différence [entre ces deux catégories] tient à ce que les esclaves ne peuvent pas être maintenus dans l’ordre et conservés comme les autres choses. Aussi l’avertissement donné aux maîtres ne sert pas dans le premier cas, mais a son utilité dans le second.

(Ibn ‘Ara/a. T. VIII, p. hl.) QUESTIONS DIVERSES

Trois individus de condition libre se vendent réciproquement. Que décider ?

Ils rembourseront le prix et seront punis.

(ibn Wahb. T. VI, p. 199.)

Ibn Rushd [commente ainsi cette réponse] « Ils restituent le prix aux acheteurs, pourvu que ceux-ci les aient achetés sans savoir qu’ils jetaient de condition libre. Mais s’ils avaient eu connaissance qu’ils étaient libres, certains auteurs leur accordent la restitution du prix, tandis que d’autres veulent qu’il soit distribué en aumône, à titre de punition pour eux.

« Chacun de ces trois individus doitrechercherjson compagnon qu’il a vendu, pour se le faire restituer [en remboursant le prix]. S’il n’y parvient pas, on prétend qu’il devra rembourser le montant de sa dïa (prix du sang) l. » (Ibidem).

Un chrétien était en captivité chez un homme (Musulman) puis, ayant pris la fuite, il rejoignit le pays ennemi et y demeura un certain temps. Étant revenu, ensuite, à l’endroit où il était en captivité, pour des raisons de commerce, est-il permis à celui entre les mains duquel il était précédemment en captivité de le reprendre et de 1. Ainsi, la vente d’une personne libre est considérée comme un homicide involontaire. Si l’on ne trouve pas cette personne pour lui rendre sa liberté, on est condamné à payer le prix du sang, c’est-à-dire la valeur présumée de cette personne.

prendre, en même temps, les biens qu’il a avec lui? Quid lorsque l’esclave est venu par inclination pour le pays de l’Islam et prétend qu’il désire être Musulman [son ancien] maître a-t-il le droit de le reprendre ? Et s’il disait « Je ne savais pas que vous eussiez un pacte avec notre souverain », admettra-t-on sa déclaration et son arrestation n’est-elle plus possible ?

Si, après l’évasion, un pacte est intervenu entre eux [les Musulmans] et les infidèles, l’ancien maître ne pourra plus reprendre l’esclave. S’il n’y a pas de pacte entre eux, il rentrera en possession de cet esclave et de son pécule, car c’est son esclave.

La solution est la même lorsque ce chrétien vient par inclination pour l’Islâm, alors qu’aucun pacte n’existe entre eux (et les Musulmans) dans ce cas aussi, il est esclave. La conversion à l’Islam de mon esclave n’est pas de nature à faire cesser son état d’esclave entre mes mains s. (Abû Çâlih. T. IX, pp. 169-170.)

1. C’est un brocart qui rappelle, par sa forme, les adages de notre ancien droit français. En arabe, les deux membres de phrase riment ensemble >£•&£̃ *&J A<*â iS^i \S’^£’ f^*»’ <r- DU TESTAMENT W AL-WASIYYA

« Le testament, dit Ibn ‘Arafai, est un acte par lequel le testateur grève son tiers disponible d’un droit qui deviendra exécutoire à son décès, ou par lequel il institue un tuteur pour le remplacer après sa mort. »

Ainsi, par testament, on ne peut disposer que du tiers de ses biens au plus, el encore faut-il que ce ne soit pas au profit d’un héritier, car la loi défend de favoriser un héritier au détriment d’un autre.

Pour lester, il faut être de condition libre, doué de discernement el capable de disposer de la chose léguée. Pour recevoir par testament, il suffit d’être capable de posséder des biens, ce qui est permis à tout le monde 2, même aux personnes morales ou incertaines.

Toute chose licite, susceptible d’être l’objet d’une donation 3, peul être léguée, même la chose d’ autrui, qu’on s’efforcera d’acquérir pour la délivrer au légataire. S’il est impossible.de l’avoir, on lui en paiera la valeur augmentée d’un tiers. Le testament est valable par toute formule, tout signe ou écrit, qui ne laissent pas de doute sur la volonté du testateur. Il devient par fait par l’acceptation du légataire personnellement désigné, après le décès du testateur* 1. Cf. Sim KHALiL, trad. Seignette, p. 635.

2. Sauf cependant l’héritier, qui est incapable de recevoir par legs. 3. Voyez saprà, p. 396.

Le légataire se trouve alors saisi de plein droit du legs de tous les fruits qu’il a produits, à moins qu’ils ne résul lent de travaux, améliorations ou accroissements nouveaux, survenus entre le décès et l’acceptation; dans ce cas, il n’a droit qu’au montant du legs dans les limites du tiers disponible.

Alors que, par des libéralités entre vifs, on peut valablement épuiser tous ses biens i, par testament, au contraire, on ne peut disposer que du tiers, et encore au profit de légataires autres que les héritiers. Mais ceux-ci peuvent, pendant la dernière maladie du testateur, et à ce moment-là seulement, renoncer à demander la réduction du legs dépassant le tiers et fait au profit d’un étranger, ou dit legs de quotité quelconque fait à l’un deshéritiers. Encore faut-il qu’ils agissent librement et en parfaite connaissance de cause. Survenant après le décès du lestaleur, la ratification des héritiers n’est qu’une donation faite par eux personnellement.

Le tiers disponible (âJ3\ ath-thoulouth) se calcule en faisant une masse de tous les biens laissés par le testateur à son décès, défalcation faite des dettes 2.

Le legs devient caduc par l’apostasie du testateur ou du légataire, par la condition illicite imposée au légataire. Le testament peut être révoqué expressément ou tacitement. La révocation est lacite, par exemple, lorsque letestateur aliène ou trans forme la chose léguée. Léguer successivement la même chose à deux ou plusieurs personnes différentes, c’est les associer par portions viriles. L’interr prélation des formules employées par- letestateur soulève 1. La femme, cependant, ne peut toujours disposer que du tiers de ,ses biens, aussi bien entre vifs que par testament.

2. Selon certains auteurs, on doit entendre par biens existant au décès du testateur, ceux dont il connaissait l’existence à ce moment-là. Selon d’autres, cette connaissance du testateur n’est pas exigée. Ainsi un navire que le de cujus croyait perdu, et qui est ensuite retrouvé, compte pour le calcul du tiers disponible.

des difficultés que nous n’examinerons pas ici. Ainsi, les mots « voisins », « nécessiteux », « proches parents », donnent lieu à des controverses entre les auteurs pour savoir si le terme « voisins », par exemple, comprend les enfants impubères du légataire.

En cas d’insuffisance du tiers disponible, les legs sont acquittés d’après un ordre de préférences, fondé sur leur valeur au point de vue religieux. Sont acquittés dans l’ordre suivant, les legs ayant pour objet

l” La rançon d’un captif; 2° l’affranchissement d’un statu liber; 3° le reliquat de dot dû à la femme épousée par le de cujus durant sa dernière maladie’; h” la zakât {aumône légale); 5° la fitra [aumône légale payable à la fin dujeûne); 6° la kaffâra (expiation) pour cause d’assimilation injurieuse (Jy^=> dhihâr) 2 ou de meurtre; 7° la kaffâra pour rupture du jeûne 8° pour négligence dans l’accomplissement des devoirs religieux; 9° le vœu; 10° le uceu ou V affranchissemenl pour cause de mort, lorsque ce legs a été fait pendant la dernière maladie; 11° l’affranchissement d’un esclave du testateur ou d’autrui, lorsque le legs a été fait pendant la dernière maladie du testateur 12° V affranchissemenl contractuel ou moyennant paiement d’une somme par l’esclave, ou suspendupar un terme très court; 13° l’a ffranchissement suspendu par un terme d’un an au plus; 14° l’affranchissement d’un esclave indéterminé 15° l’accomplissement du pèlerinage, autre toutefois que le pèlerinage obligatoire.

Enfin, au point de vue de la forme, le testament peut être verbal ou écrit, soit par le leslaleur lui-même, soit par un tiers sous sa dictée et avec l’assistance de deux témoins. Le testateur peut même se borner à présenter aux témoins son testament plié ou cacheté, sans leur donner connaissance de 1. A condition que le mariage ait été consommé.

2. Voy. le tome I de cette traduction, p. 400.

son contenu. C’est quelque chose comme le testament mystique de notre droit français, mais sans les garanties qui en assurent la conservation.

Lorsque le testament est écrit, il doit débuter par la formule du tauhîd1, sans préjudice des autres formules d’usage, comme « Louange à Dieu seul », etc. 1. Il n’y a de Dieu Que Dieu [et Mahomet est l’apôtre d’Dieu].

Capacité du testateur. Légataires. Renonciation des héritiers à la réduction. Ratification. Révocation.

De l’exécuteur testamentaire.

Interprétation du testament.

CAPACITÉ DU TESTATEUR

Un enfant âgé de plus de dix ans laissa, par testament, le tiers [disponible] de ses biens à un certain nombre d’individus. Après sa mort, ses agnats intentèrent une action contre les légataires et dirent « L’enfant n’avait pas conscience de ce que sont les bonnes œuvres; il ne savait pas encore discerner les bonnes actions des mauvaises. Son testament est donc nul. » Les légataires répondirent que l’enfant comprenait et discernait1. A la charge de qui voyez-vous la preuve ?

1. II est de règle, en effet, que le testament de l’impubère n-est pas nul de piano. On doit rechercher si, d’après les clauses du testament, l’enfant était ou non doué de discernement. Cf. Sim KHALÎL, trad. Seignette, art.2046.

DU TESTAMENT

Forme du testament.

On questionnera les témoins de l’acte [testamentaire]. S’ils disent « Nous savons qu’il était doué de discernement », ou si cela est établi par d’autres qu’eux, le testament sera maintenu. Si les légataires ne peuvent faire cette preuve, le testament ne sera point exécuté (Ibn ‘Abd As-Salûm. T. IX, p. 177.)

LÉGATAIRES

Un homme laisse par testament le tiers de sa succession au premier enfant qui naîtrait à l’un de ses héritiers, et dans sa succession figurent des vergers. L’enfant en question étant né, à qui reviendra la jouissance du tiers susdit, depuis le jour du décès du testateur jusqu’au jour de la naissance de l’enfant?

Une condition à laquelle est subordonné le droit de propriété du légataire, c’est l’acceptation du legs qui lui a été fait. A partir de celle-ci, il bénéficiera de la jouissance et supportera le kharâdj (impôt foncier). Or l’acceptation par ce légataire ne se conçoit qu’après son existence. C’est à ce moment-là que son représentant acceptera pour lui, et le legs lui sera alors adjugé en même temps que ses fruits.

(‘Abd Al-Hamîdlbn Abî-d-Dounyâ. T. IX, pp. 267-268.) 1. Un auteur anonyme explique cette décision par cette raison que le légataire est demandeur. Or, c’est au demandeur à faire la preuve de son droit. Cette félwa est exposée de nouveau, plus loin, à la page 273 du texte arabe (t. IX).

Une femme ayant des filles et des petits-enfants, étant tombée malade, fit venir des témoins et leur dit « Je veux léguer le tiers disponible de mes biens à mes filles Miryam et ‘Âïsha, à l’exclusion de Maimûna, parce qu’elle me déteste. » « C’est là, lui dirent les témoins, un legs en faveur d’un héritier’. » « Et si c’était en faveur des enfants de Miryam et de ‘Âïsha ?» – « Cela serait permis », répondirent les témoins. En conséquence, elle les requit de témoigner qu’elle léguait à ses petitsenfants issus de Miryam et de ‘Âïsha le tiers disponible de ses biens, et les témoins en dressèrent un acte. Puis, lorsque la testatrice mourut, Maimûna (sa fille) prétendit que sa mère s’était proposé de lui nuire et qu’elle a eu en vue de détourner une partie de la succession de sa destination normale. Les témoins ont déposé que les choses se sont passées de la sorte. Mais, dans le testament, ils n’ont consigné par écrit que le legs en faveur des petits-enfants et rien d’autre.

Cette femme a voulu faire un legs prohibé, et les témoins l’ont ramenée vers un legs permis, qu’elle a fait. Ce legs sera donc valable, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du préjudice que la femme a voulu causer (à sa fille Maimûna), conformément soit à l’opinion d’Ibn ‘Abd AIHakam, qui ne prend jamais en considération le préjudice, tant qu’il s’agit du tiers disponible et, dans ce cas, il n’y a aucune difficulté en l’espèce présente – soit à l’opinion d’Ibn Al-Qâsiin, qui tient compte du préjudice ce legs sera exécuté, parce que la testatrice a renoncé à ce qui est prohibé pour faire ce qui est permis.

(Abû-l-Hasan As-$aghir. T. IX, p. 271.)

1. Donc impossible, sans l’assentiment ^Sjl^l idjâza, qui signifie ratificalion ou renonciation à la réduction, selon les cas) des autres héritiers.

RENONCIATION DES HÉRITIERS A LA RÉDUCTION

Un homme fit un legs de plus du tiers disponible de ses biens, et son héritier, lui-même malade, renonça au droit de demander la réduction. Puis les deux hommes étant morts, les héritiers de l’héritier [renonçant] refusèrent de ratifier l’acte de leur auteur. [Que décider?]

Le legs est valable dans les limites du tiers disponible. {Mûlik. T. IX, p. 283.)

Quelles sont les conditions’ de la renonciation des héritiers [à demander la réduction] d’un legs fait à un héritier ? a

La renonciation par les héritiers à demander la réduction du legs fait à un héritier, est subordonnée à des con-ditions il faut

1° Que, au moment de la renonciation, la maladie [du testateur] donne lieu de craindre sa mort

2° Que le testateur ne se soit pas rétabli, pour mourir, ensuite, d’une autre maladie;

3° Que l’héritier [renonçant] ne soit pas à la charge du testateur pour sa nourriture et son entretien, ni vivant de sa bienfaisance, de ses secours et de sa générosité, ni son débiteur. Autrement il s’excuserait, après la mort du testateur, en disant qu’il a agi sous la crainte que le testateur ne lui supprimât ses subsides ou ne lui réclamât avec trop de rigueur le paiement de sa dette;

1. Comparez Sidi Khalîl, texte arabe, éd. Paris, p. 221, lignes 6 et sq. et traduction Seignette, articles 2097-2098.

4″ Que la part de l’héritier renonçant ait été perçue [par le légataire], avant que cette perception ne soit devenue impossible par la mort de l’héritier renonçant, ou par sa grave maladie, dont la mort s’ensuit, ou par sa faillite, conformément à l’une des deux opinions qui partagent, sur ce point, la doctrine, et qui est celle qu’ont adoptée les auteurs d’actes notariés. Et l’on ne saurait être d’un avis contraire au leur

5° Que l’héritier renonçant, sachant d’ailleurs que le legs en faveur de l’héritier n’est permis que moyennant sa renonciation à lui, ait néanmoins renoncé 6° Que le renonçant soit s ai jurîs, capable d’administrer ses biens, majeur, non interdit.

(Abû Sa’id Faradj ibn Lubb. T. IX, pp. 269-270.) [Que décider] lorsqu’un homme fait à ses fils un legs qui est ratifié par les filles, durant sa vie P

En général, le but des campagnards, lorsqu’ils font des legs à leurs héritiers, sort aujourd’hui complètement, de l’idée d’œuvre pie. Dans les cas comme celui-ci, il est de notoriété qu’ils se proposent uniquement d’avantager les garçons au moyen d’une partie de la succession, en compensation des donations propter nuptias que les filles ont emportées [en quittant le domicile paternel]. C’est donc devenu un détournement d’une partie des biens au détriment d’une partie des héritiers, et nullement un acte ayant pour but de se rapprocher d’Dieu par le legs. De sorte que, si l’on jugeait par ces temps-ci, et pour le motif sus-indiqué, conformément à l’opinion d’Ibn AlMâdjishûn, d’Ash-Shâfi’î et d’Abû Hanifa, d’après laquelle la ratification n’oblige que celui qui a ratifié après la mort [du testateur], certes cela serait préférable. Surtout [si l’on tient compte] que la résistance des filles aux volontés de leur père, au moment de sa mort, eut été très difficile, et leur excuse, sur ce point, est évidente. De plus, les âmes sont pétries de l’amour de la richesse et du désir de la conserver.

Examinez toutes ces considérations.

(AbûSatdFaradjibnLubb. T. IX, p. 269.)

RATIFICATION

La ratification [par les héritiers du disposant] est-elle une confirmation ou une nouvelle donation ? Quelle est celle des deux opinions qui est la plus répandue à cet égard ? P

L’opinion la plus répandue est que c’est une nouvelle libéralité et non une confirmation. Aussi, est-elle soumise aux mêmes exigences que les donations entre vifs 1. (Abû-l-Hasan As-Saghîr. T. IX, p. 271.)

RÉVOCATION

Un homme fait son testament en disant que, après sa mort, un tel sera le tuteur de ses enfants et fera ceci et cela, etc. Ce testament est daté du premier Ramadan de 1. Voy. Sidi Khalîl, trad. Seignette, art. 2063.

l’année 510 (de l’hégire = janvier 1117). Puis cet homme fait un autre testament, dans lequel il mentionne un certain nombre de choses, sans y nommer de tuteur testamentaire pour ses enfants. A la fin, il ajoute que ce testament abroge tout autre testament qui le précéderait, et cet acte est daté du quinze Ramadân de l’année 510 (21 janvier 1117). Le tuteur testamentaire est-il révoqué par l’abrogation mentionnée dans le deuxième testament ̃et sera-t-il atteint par la généralité de cette disposition ? P Ou bien celle-ci, laissant le tuteur en dehors, n’atteintelle que les dispositions des testaments [antérieurs] concernant les aumônes, l’affranchissement des esclaves et les autres matières ? Et puisse Dieu rendre ta récompense •considérable

Si, dans le second testament, le testateur n’a pas du tout fait mention de ses enfants, auxquels il avait nommé un tuteur dans le premier testament, son abrogation de tout testament antérieur n’atteint pas la nomination du tuteur testamentaire qu’il a désigné dans ce premier acte. Cela n’abroge que les autres clauses dont il est question dans le second testament, t’abrogation n’étant pas autre chose que l’abolition d’une disposition par une autre. Mais l’abolition d’une disposition sans le moyen d’une autre ne s’appelle pas abrogation, mais révocation ou annulation de cette disposition.

Mais, s’il disait dans ce second testament qu’il annule tout testament antérieur, certes, du coup, tout ce que renferme le premier testament serait annulé, aussi bien ce qui concerne ses enfants que le reste.

(Ibn Rushd. T. IX, p. 307.)

Un homme fait un legs J à la suite d’un autre. Le 1. Il faut supposer un legs de tout le tiers disponible; autrement, la question ne se poserait pas.

deuxième legs abroge-t-il le premier, ou les deux concourrent-ils ?

Je connais, dans la doctrine, une opinion d’après laquelle le legs du tiers [disponible] fait en second lieu abroge [de droit] le legs de ce tiers fait en premier lieu, même quand la révocation n’est pas expresse. C’est un but que l’on se propose fréquemment par ces temps-ci. Au demeurant, Dieu le sait mieux.

(Abû Sa’îdFaradj ibn Lubb. T. IX, p. 270.) Un homme légua le tiers de ses biens et dit « J’ai un fils, et je crains que, en apprenant le legs, il ne me pousse à le révoquer. Aussi je requiers témoignage que, si je révoque mon testament que voici, ma révocation sera une corroboration pour la ratification du testament, puisque je ne l’aurai révoqué que sous l’empire de la contrainte, ou de la crainte de mon’fils. A quelque moment que je révoquerai ce legs, je ne serai point tenu de cette révocation, ni considéré comme y ayant consenti. » Puis le fils ayant appris le legs, il amena devant son père deux témoins et le pressa tant qu’il révoqua [le legs]. Le père étant mort peu après, sa révocation sera-t-elle prise en considération, ou son legs sera-t-il maintenu, à raison de ce qui a été établi [ci-dessus] et de l’affirmation de son maintien que le testateur a donnée par avance ? PLouange à Dieu J’ai vu des auteurs modernes qui ont rapporté deux opinions à cet égard. Pour moi, ce que je donnerai comme fatwa (consultation juridique) sur votre question, c’est que la réquisition de témoignage par le testateur, touchant la révocation de son legs, n’a aucune influence sur cette révocation et que le legs continuera à demeurer en son état [primitif], vu que le testateur n’avait nullement l’intention de révoquer le legs dès le début, à raison de la contre-lettre {£&£** I istir’â’) qu’il a pris soin de faire et de la crainte de son (ils qu’il a exprimée. Or, la révocation qui s’est produite est celle-là même contre laquelle [le testateur] s’était prémuni au moyen de la contre-lettre, puisqu’elle a eu lieu sur l’intervention du fils, qui y a poussé son père.

Et c’est Dieu qui [nous] assiste par l’effet de sa bonté. {Qâsim Al-‘Ouqbdnt. T. IX, p. 262.)

Un homme lègue le tiers disponible de sa succession à un autre. Puis, le testateur étant mort, un autre individu réclame le même legs. Le premier légataire transigea avec lui moyennant quatorze milhqâls qu’il lui paya. Ensuite un troisième testament en faveur des prisonniers est découvert, testament dont le premier légataire n’avait pas connaissance au moment de la transaction. [Que décider?] Le premier légataire a le droit de recourir contre celui avec lequel il a transigé pour la moitié de ce qu’il lui a payé, car il ne lui a payé cette somme que pour conserver seul tout le tiers disponible. S’il avait connaissance du troisième legs, il perdrait le droit de recourir contre lui pour quelque somme que ce soit, car il aura transigé avec lui pour n’avoir aucune difficulté relativement à sa part dans le tiers disponible, contrairement à la première hypothèse.

hypothèse. (Ibn Al-Hâjj. T. IX, p. 287.)

DE L’EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE Un homme laisse par testament le tiers de ses biens aux indigents, et nomme, comme exécuteur testamentaire de cette libéralité, son frère ou un étranger. Êtes-vous. d’avis que l’on puisse procéder à des investigations sur la manière dont la distribution en a été faite, s’il l’a réellement faite ? Quid lorsque le testateur a légué à des hommes individuellement désignés ?

Si le testateur a légué à des hommes individuellement désignés, l’exécuteur testamentaire est tenu de faire la. preuve qu’il les a payés.

Quant à ce qui regarde les indigents (non désignés individuellement), si l’exécuteur testamentaire est suspect et si l’on apprend qu’il n’a rien distribué, on fera une enquête sévère, à moins qu’il ne soit d’une honorabilité satisfaisante, auquel cas on n’enquêtera pas, et l’on s’en remettra à sa déclaration.

(Abû ~d/ T. IX, p. 184.)

Cette décision est conforme au rite et en opposition avec la fatwa rendue auparavant par Ibn Sahl. [Al-Wansharîsî. Ibidem.) .)

Doit-on nommer un surveillant à l’exécuteur testamentaire ?

Si l’exécuteur testamentaire est un homme de vertu, il n’est pas nécessaire de mettre un autre avec lui. Le maximum de ce que l’on doit faire dans ce cas, c’est l’assistance des notaires à l’exécution du testament, afin que la responsabilité de l’exécuteur soit dégagée. D’ailleurs, d’après le testament, il connaît les légataires. Par conséquent l’ordre que vous avez donné ^d’exécuter le testament est parfait, licite.

(Ibn Lubâba. T. IX, p. 286.)

Un homme dit « Si ma dernière heure sonne dans le mois de. un tel sera mon mandataire. » L’individu dé- signé sera-t-il exécuteur testamentaire, si l’homme est atteint par l’arrêt du destin ?

Oui, il sera exécuteur testamentaire, bien que le défunt n’ait pas dit mon exécuteur testamentaire. Les deux termes sont, pour nous, synonymes.

(Sahnûn. T. IX, p. 342.)

Cela est exact, car l’exécuteur testamentaire est le mandataire du défunt. Aussi est-il indifférent que celuici ait dit mon exécuteur testamentaire ou mon mandataire. Tout exécuteur testamentaire est mandataire, mais tout mandataire n’est pas exécuteur testamentaire. (Ibn Rushd. Ibidem.)

Dans cette espèce, dit-on, les mots « mon exécuteur testamentaire » et « mon mandataire » sont synonymes, car [dans ce cas] tout mandataire est exécuteur testamentaire et réciproquement. Le mandat est, toutefois, plus général, à raison de ce qu’il se réalise là où le testament ne peut pas se réaliser, à savoir, lorsque ses dispositions doivent être exécutées pendant la vie [du testateur] •. (Ibidem.)

INTERPRÉTATION DES TESTAMENTS Un homme lègue une chose aux prisonniers indigents de sa localité. Peut-on donner ce qui excède les besoins de ces prisonniers à un prisonnier d’une des localités les plus rapprochées ?

1. En effet, les dispositions du testament ne peuvent entrer en vigueur qu’après le décès du testateur.

Le restant en question peut être donné à un prisonnier de la localité la plus rapprochée de celle désignée par le testateur, comme en matière de zakât (aumône légale). (Abû Sa’îd Faradj ibn Lubb. T. IX, p. 362.) Un homme dit [avant de mourir] « Donnez le tiers de mes biens aux pauvres et aux indigents. » En donnera-t-on ̃une partie aux pauvres de sa famille?

Ils recevront une part, et même ils seront privilégiés. (Ibn Lubâba. T. IX, p. 184.)

Un homme ayant fait un legs à ses voisins, qu’entendon par voisinage ?

La meilleure opinion est que le legs revient à ceux qui entendent l’iqâma (i»!»!)1 faite à la mosquée. Voyez aussi les autres opinions dans AI-Lakhmî.

{Ibn ‘Abd An-Noar. T. IX, p. 292.)

Un homme lègue des dirhems aux pauvres de la population de Qairouân. Un pauvre, connu pour habiter ailleurs que dans cette ville, vient demander une part de ̃cette aumône; doit-on lui en donner?

Le jurisconsulte ci-dessous répondit, après avoir réfléchi un petit moment L’intention du testateur sera interprétée, comme s’appliquant à tous les pauvres, dignes [de cette -faveur], qui se trouveront à Qairouân au moment du partage. Car tout le monde sait que Qairouân renferme sa population et des personnes qui lui sont étrangères et •qui arrivent de divers endroits pour chercher à recevoir 1. C’est le second et dernier appel à la prière, que le muezzin fait après ‘.Yadhdn ( jlSI). D’après ce jurisconsulte, sont réputés voisins, tous ceux -qui, chez eux, ont entendu Yiqâma faite à la mosquée.

l’aumône. Il en est de même dans l’espèce présente, à moins que les témoins1 n’aient.compris que le testateur s’était proposé de donner à la descendance des Qairouânais, qui n’ont pas cessé de résider, eux et leurs aïeux, à Qairouân. Mais je ne crois pas que cela vienne à l’esprit de personne. On ne se propose en fait que la première situation. Aussi, agissez en conformité de ce qui sera certain pour vous.

(Abû-l-Hasan Al-Qâbisî. T. IX, p. 403.)

Un homme lègue le tiers de ses biens au premier enfant qui naîtrait à sa fille. Puis cet homme meurt dans une autre ville que la sienne, en léguant aux pauvres de sa ville cinquante dinars. Ce legs sera-t-il prélevé sur l’ensemble de la succession ou sur le tiers ?

Le legs sera supporté par le tiers disponible, à moins que les héritiers ne ratifient ce qui excède ce tiers. Il n’y a pas de contradiction entre ces deux legs, qui concourront sur le tiers disponible, chacun au prorata de son montant. Je ne vois pas de différence entre le legs d’une somme déterminée et celui d’une quote-part. C’est l’opinion qui s’appuie sur l’autorité de Sahnûn, et la raison en est évidente.

(Ibn Al-BarQ. T. IX, p. 265.)

Un homme lègue le tiers disponible de ses biens à ceux qui naîtront de ses trois fils, à la condition que chacun de ceux-ci gardera entre ses mains la part qui lui revient, jusqu’à ce qu’il lui naisse un enfant. S’il perd tout espoir d’en avoir, sa part fera retour aux enfants de ses frères (ses neveux). Ce testament est-il nul, par suite de la clause y insérée par le testateur, et d’après laquelle la part de chacun demeure entre les mains de l’héritier ? 1. Du testament.

Le testament est valable, sauf la clause en question, qui est non-avenue, et le legs restera entre les mains de l’ensemble des héritiers, jusqu’à la naissance de l’enfant ou jusqu’à ce que tout espoir d’en avoir aura disparu. On se conformera alors à la volonté du testateur.

(Abû ‘Abd Allah ibn Ziâdat-Dieu. T. IX, p. 266.) [Que décider], lorsqu’un homme dit, dans son testament « Distrayez le tiers disponible de mes biens, et donnez dix à un tel et dix à un tel, et donnez aussi à un tel et un tel », sans leur fixer de part ?

Ceux dont il a fixé la part auront ce qu’il leur a fixé, et le reste du tiers disponible reviendra à ceux dont la part est indéterminée. Si le tiers disponible est égal ou inférieur aux parts déterminées, il reviendra à ceux auxquels ces parts ont été fixées, et le legs indéterminé des autres tombera.

(IbnAbûZaid. T. IX, p. 275.)

Un homme lègue le tiers de sa succession aux muezzins de tel endroit, sans spécifier si c’est à titre de habous ou en toute propriété. [Que décider?]

Du moment qu’il n’a pas indiqué dans le testament que c’est à titre de habous, il faut nécessairement que ce soit en toute propriété. En conséquence, le legs sera un bien appartenant en toute propriété aux muezzins de la mosquée en question. Salut.

(Abod Sa’id Faradj ibn Lubb. T. IX, p. 367.) Un homme laisse par testament la recommandation d’affranchir son esclave et de lui donner des vêtements individuellement désignés et appartenant à son maître, et de donner le restant du tiers disponible aux enfants de son fils Puis le testateur affranchit l’esclave, étant lui1. Le fils du testateur.

même en l’état de santé, et lui donne les vêtements. [Que décider ?]

On prélèvera sur le tiers disponible la valeur estimative de l’esclave et celle des vêtements, et cette somme sera réunie à la masse successorale. Le restant du tiers disponible sera donné aux enfants du fils du testateur. (AI-Bourzoulî. T. IX, p. 393.)

Cette même question ayant été soumise à Abû ‘Oumar Ahmad ibn ‘Abd Al-Mâlik Al-Ishbîlî celui-ci rendit une fatwa aux termes de laquelle on prélèvera le tiers en faveur des petits-fils, sans en prélever la valeur estimative de l’esclave, ni celle des vêtements.

Un troisième jurisconsulte rendit une fatwa en conformité de celle du qâdî Al-Bourzoulî. Cette espèce s’était présentée dans la pratique. (Ibidem.)

{Ibidem.)

Des individus viennent témoigner qu’un homme a légué [le tiers de sa fortune] pour différents emplois qu’ils ont oubliés; mais ils n’ont aucun doute quant au fait par lui d’avoir légué le tiers disponible de sa fortune. [Que décider ?]

Le tiers ne pourra être prélevé que si les témoins en spécifient l’emploi sinon, il reviendra à la masse successorale.

Mais si le testament a été reçu par un qâdî, qui l’a enregistré, en oubliant de mentionner l’emploi donné au legs, dans ce cas le tiers sera mis sous séquestre, et l’on attendra tant qu’on a l’espoir de voir indiquer cet emploi. Si on perd tout espoir de le connaître, le tiers sera distribué aux indigents. (AI Bourrouli. T. IX, p. 395.)

(Al Bourzoulî. T. IX, p. 395.)

1. Cet auteur est le même que celui qui est connu sous le nom d’Ibn Al-Makouî, et sur lequel j’ai donné des renseignements ci-dessus, p. 63, note 2.

Le qâdî susnommé établit ainsi une distinction entre les deux espèces. (Wansharîsî).

Un homme recommande dans son testament d’enterrer avec lui un exemplaire du Qur’ân ou un exemplaire d’AlBoukhârîd. [Que décider?]

La recommandation par testament d’enterrer un exemplaire du livre d’Dieu ou d’AI-Boukhârî ne recevra pas d’exécution. Comment peut-il être possible de prendre le livre cher d’Dieu ou six mille des traditions du Prophète et de les enfouir dans la terre cela ne se peut. Peut-être Notre Seigneur le Généreux voudra-t-il accueillir, par un effet de sa miséricorde, ce testateur à raison de la crainte terrible qu’il a de son Maître. (Qâsim Al-‘Oaqbânî.T. IX, p. 293.)

Que décider lorsqu’un homme laisse par testament le tiers [disponible] de ses biens, pour être constitué en waqf [fondation pieuse] à l’effet de célébrer le mawlid ou anniversaire de la naissance du Prophète?

Il est notoire que la célébration de la naissance du Prophète de la manière que l’on connaît est une bid’a (innovation blâmable) récente. Or toute innovation est un égarement. Dépenser pour célébrer une innovation n’est pas permis. Aussi le testament n’est-il pas exécutoire. Bien mieux, le qâdî est tenu de l’annuler et de restituer le tiers [en question] aux héritiers, qui le partageront entre eux. Et Que Dieu éloigne les faqlrs qui demandent 1. AI-Boukhâri (Aboù ‘Abd Allah Muhammad ibn Ismâ’îl Al-Djou’fi) né en 810, mort en 870, l’auteur bien connu du re_jw*aîl mUJI, al-djami’ as-sahth, ou le recueil authentique des traditions prophétiques. Le texte arabe a été édité, à Leyde, par L. Krehl, 1862-8. Il n’a paru de cette édition que les trois premiers volumes. Traduction française par MM. Houdas et Marçais, en cours de publication; 3 premiers tomes parus. Cf. BrockelMANN, op.cit., I, p. 157.

2. Le Recueil d’AI-Boukhdri contient en effet 7295 ou 7397 traditions (hadtth), selon la manière de compter les fragments.

la mise à exécution d’un semblable testament. Quant aux deux raisons qui empêchent la mise à exécution de ce testament, et que vous avez indiquées elles sont exactes. Elles impliquent qu’il ne faut pas hésiter à annuler le testament. Il ne suffit pas de votre part que vous gardiez le silence, car, dans ce cas, le silence équivaut à un jugement ordonnant l’exécution, d’après plusieurs ‘oulémas. Prenez donc garde qu’une pareille chose ne soit inscrite dans votre feuillet (‘Jtfs*?)-. Que Dieu nous préserve ainsi que vous du mal, par un effet de sa bonté.

(Abûlshâq Ash-Shâtibî. T. IX, p. 181.)

FORME DU TESTAMENT

Un homme écrit son testament et requiert le témoignage des témoins [pour en certifier l’authenticité]; puis il écrit de sa main, au bas du testament « J’ai révoqué ce testament, sauf telle et telle clause qui recevront leur exécution sur mes biens. » Son écriture est reconnue par des témoins. [Que décider ?]

Ce testament n’est pas exécutoire. C’est comme celui qui écrit son testament et ne requiert pas de témoins pour en certifier l’authenticité, jusqu’à ce que, étant mort, des témoins viennent certifier que c’est bien son écriture ce testament ne sera pas exécuté.

(Ibn Zarb. T. IX, p. 280.)

1. Cela n’est pas indiqué dans la question, mais la réponse suppose que ces raisons ont été mentionnées par le questionneur.

2. C’est le feuillet du Grand Livre céleste, où chacun a son compte ouvert pour ses bonnes et ses mauvaises actions. Cf. ce que dit le moup.it almouhtt sous la racine ljpz*>.

APPENDICE

DE LA TUTELLE TESTAMENTAIRE •U.VI AL-‘ÎSÂ’

La tutelle testamentaire est, à vrai dire, la seule que connaisse le droit musulman. C’est au père à désigner, par son testament, celui qui aura soin des biens et de la personne de ses enfants après lui. C’est de là que vient l’erreur qui consiste à confondre le tuteur testamentaire (<£»») wasî) avec l’exécuteur testamentaire, dont les auteurs musulmans ne parlent explicitement nulle part i. A défaut de tuteur teslamentaire, c’est aux juges à pourvoir à la tutelle des enfants du défunt.

Le wasîj représentant le père décédé, a des pouvoirs très étendus sur la personne et les biens des mineurs. Considéré comme un mandataire post mortem, il a presque les 1. Il faut reconnaitre cependant que, lorsque le testateur est décédé sans enfants, le wast qu’il a nommé est pluMt un exécuteur testamentaire.

mêmes droits que son mandant, le testateur. Aussi, à défaut de limitation apportée expressément par le testament aux pouvoirs du wasî, celui-ci est-il armé du droit de contrainte malrimoniale ( jfà al-djabr) sur la personne des mineurs; .telle est, du moins, l’opinion la plus accréditée. Ont le droit de nommer un tuteur testamentaire, le père, le tuteur testamentaire nommé par celui-ci, en fin la mère, lorsqu’elle est elle-même tutrice testamentaire,ou lorsqu’il s’agit d’un enfant sans tuteur et n’ayant que peu de fortune (moins de 60 dinars) provenant d’ailleurs de la mère. Pour être nommé tuteur testamentaire, il faut être musulman, pubère, doué de discernement, d’une grande moralité et d’une aptitude physique et morale suffisante. Après le décès du testateur, le tuteur ne peul plus se dé.charger de la tutelle, sans motifs graves.

En principe, les pouvoirs du tuteur testamentaire sont, à peu de chose près, aussi étendus que ceux du père de l’enfant. Toute fois, certains auteurs lui dénient le droit .d’aliéner, sans nécessité justifiée, les immeubles de son pupille. Il lui est également défendu de se rendre acquéreur des biens de son pupille, à moins qu’ils ne soient de peu d’importance.

Le qâdî est chargé par la loi de destituer le tuteur lestamentaire qui, à un moment donné, cesse de remplir les conditions de moralité et de capacité voulues.

Homme de con fiance, le tuteur testamenlaire est cru sur .son affirmation et jusqu’à preuve du contraire, dans les questions que soulève le compte de sa gestion, à moins que ses allégations ne soient peu vraisemblables, auquel cas il .est tenu de prêter serment. Néanmoins, il lui incombe d’établir la date de son entrée en tutelle, et la remise des biens à son pupille à sa sortie de tutelle.

En cas de pluralité des tuteurs testamentaires, ils sont tous solidaires el ne peuvent agir chacun isolément, même s’ils se sont partagé la gestion.

DE LA TUTELLE TESTAMENTAIRE

Un individu nomme un tuteur testamentaire à ses enfants un tel et un tel, pendant sa dernière maladie, sans indiquer dans l’acte s’ils sont mineurs ou majeurs’. Que décider dans ce cas, et aussi dans celui où l’on n’a connaissance de leur minorité que par la déclaration du père e testateur ? Le testament nommant le tuteur n’a été découvert que lorsqu’il n’était plus possible de découvrir l’âge des enfants cette nomination du tuteur est-elle valable ? Admettra-t-on la déclaration du père quant à leur minorité ? Cette espèce se présentait souvent dans la pratique ?

On examinera les enfants actuellement et on déterminera leur âge par approximation si, par cette approximation, on acquiert la connaissance qu’ils étaient dans l’âge de ceux qu’on fait mettre en tutelle, c’est bien si l’on n’acquiert pas de certitude, et si les témoins n’ont rien attesté sur ce point au moment de la confection du testament, on ne mettra point les enfants en tutelle, à raison de la seule déclaration dont le père a requis acte.

‘Abd-Al (ffamtdibn Abî-d-Doungâ. T. IX, p. 385.) 1. Littéralement: leur jeunesse et leur grand âge.

Le tuteur testamentaire a-t-il le droit d’accorder des délais au débiteur de son pupille?

Cela n’est pas permis, à moins qu’il ne s’agisse d’un délai de peu d’importance, ou bien s’il y a crainte que le ‘débiteur ne nie [sa dette], ou qu’il ne s’élève un procès. Aussi, lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si l’acte du tuteur est ou non avantageux, ou si les délais ont été accordés pour d’autres motifs que ceux mentionnés cidessus, l’acte du tuteur sera-t-il révoqué.

Or, il n’y a pas de doute que le délai, qui dans votre question est d’une année, est trop long. S’il avait été accordé par le testateur, il aurait été révoqué, à plus forte raison quand il a été accordé par son mandataire, qui a moins de pouvoirs que lui, puisqu’il ne tient ses pouvoirs que de lui. Si cela se produit, il est obligatoire de révoquer ledit délai, en ce qui touche les droits des orphelins, conformément aux féiwas données par les shaikhs, Que Dieu leur fasse miséricorde.

(T. IX, pp. 338-339.)

Un tuteur testamentaire allègue la perte d’un bien appartenant à son pupille, sans faute ni négligence [de sa part], et cela après la mort du mineur et le transfert du droit [en question] à un tiers. [Que décider ?]

Le tuteur n’est pas responsable. C’est l’opinion préférée, et en conformité de laquelle Ibn Rushd, Ibn AlHâjj et Ibn Al-‘Awwâd ont rendu leurs féiwas. {Al-‘Abdoâsî. T. IX, p. 312.)

L’aîné des orphelins a-t-il le droit d’administrer au nom des cadets ?

L’usage chez les Bédouins est que l’aîné administre au nom des cadets, parce qu’on compte qu’il le fera sans en être chargé par le testament. Aussi, à la campagne, l’aîné, dans ses rapports avec les cadets, suit-il cette coutume Çourf); il tient lieu de tuteur testamentaire. Telle est la coutume qu’ils suivent. Cela est indiqué aussi par Mâlik, d’après la relation d’Ibn Ghânin1. « Cette doctrine, dit le shaikh Abû Muhammad Sâlih, est excellentepour les habitants des campagnes, à raison de ce qu’ils négligent de nommer des tuteurs testamentaires et de faire nommer des tuteurs d’office, par suite de la difficulté qu’ils y a pour le Sultan à être informé. Elle est d’autant plus. excellente qu’il y a la coutume (ourf), dont nous avons parlé précédemment. Et c’est/ï’Àllah, gloire à lui I – qu’il convient d’implorer l’assistance. Iln’a pas d’associé. » (T. IX, p. 339.)

1. Illustre jurisconsulte de Qairouân, dont il était qâdî. Il mourut em Rabi II, 190 (24 février-25 mars 806 de J.-C.). Cf. le manuscrit arabe de Paris, n» 2154, f° 87 r° et suiv., où l’on trouve une intéressante notice sur cet auteur.

DES SUCCESSIONS u^>^ AL-FARÂID

La matière des successions est très vaste et trop importante pour être traitée utilement dans les deux ou trois pages que nous pourrions lui consacrer. D’autre part, les excellents travaux qui ont été faits, pendant ces derniers temps, par des Européens 1 ont fait connaître dans ses détails cette matière si intéressante. C’est ces ouvrages qu’il faut recourir, si l’on veut avoir une idée exacte du système successoral des Musulmans. D’ailleurs, le nombre restreint des fatwas se rapportant à celle matière, que nous donnons ci-après, nous autorise à être très bre f, notre but n’élant pas, du reste, de faire de ces généralités une étude méthodique et complète de la question.

A la mort de l’individu, son actif, c’est-à-dire tout ce qui reste de sa fortune, déduction faite des dettes et charges, passe de droit aux héritiers que la loi appelle à la succession dans un ordre déterminé el pour des fractions également déterminées. Quand, après l’attribution de toutes ces fractions, il reste un reliquat, on l’attribue aux parents par les mâles (agnats) du défunt.

L’actif netest ce qui reste après le prélèvement des dettes 1. Voy. notamment, J.-D. LUCIANI, Traité des successions musulmanes (ab intestat), extrait du commentaire sur. la Rahbia, par Chenchouri, etc., in-18 W. MARCAIS, Des parents et alliés successibles en droil musulman. Thèse de doctorat, Rennes, 1898, in-8.

de corps certains, des frais funéraires des dettes et des ̃legs, ceux-ci dans la limite du liers disponible. Les fractions réservées par la loi sont au nombre de six i” La moitié. Y ont droit l’époux survivant, la fille ̃unique, la fille du fils du de cujus, la soeur germaine et ̃unique du défunt, la sœur consanguine el unique du défunt. Chacune de ces trois dernières n’hérite qu’à dé faut de celle -qui la précède

2° Le quart. Sont réservataires du quart l’époux survivant lorsque la défunte laisse une postérité V épouse ou les épouses du défunt mort sans postérité

3° Le huitième. Il revient à l’épouse ou aux épouses du .mari décédé laissant des enfants qu’il n’a pas désavoués h” Les deux tiers. Celle réserve appartient aux héritiers nommés au n” 1, sauf l’époux, lorsqu’ils sont deux ou plusieurs dans chaque catégorie. Ainsi, plusieurs sœurs germaines du défunt n’ont droit qu’aux deux tiers, qu’elles se partagent entre elles;

5″ Le tiers. En sont réservataires la mère du défunt, mort sans laisser de postérité, ni plus d’un frère ou d’une ̃sœur les frères ou sœurs utérins du défunt, quand ils sont deux ou plusieurs; le grand-père paternel.

6° Le sixième. Y ont droit les filles du fils, quand elles se trouvent en présence d’une fille du défunt; la sœur consanguine, en concurrence avec une ou plusieurs filles germaines; le frère utérin unique ou la sœur utérine unique; le père, en concurrence avec un fils ou un petil-fils du défunt; la mère, en concurrence avec un,descendant quelconque, ou deux ou plusieurs frères ou sœurs du défunt; l’aïeule maternelle ou les aïeules, à défaut de la mère;l’aïeul paternel, à dé faut du père.

A côté de ces réservataires, et, s’il reste quelque chose de l’actif successoral, après prélèvement de leurs réserves, on appelle les asaba, parents mâles qui ne se rattachent au défunt que par des mâles. Ce sont le fils, le fils du fils, le père le grand-père le frère germain; le frère consanguin; les fils de frères germains ou consanguins; l’oncle germain ou consanguin le grand-oncle; le patron; enfin le trésorpublic ou bait al-mâl.

Comme on le voit, certains héritiers figurent, à la fois, parmi les réservataires et parmi les agnats. Le résultat enest que chacun d’eux peut, après prélèvement de sa réserve. et des autres réserves, s’il y a lieu, être appelé éventuellement à recueillir le restant de la succession en qualité’ d’agnat.

Pour l’attribution de la succession, on partage l’actif par 2, 3, k, 6, 8, 12 ou 24, selon la qualité des héritiers, etl’on donne à chacun une ou plusieurs fractions selon son droit. Lorsque l’addition des fractions réservées donne un total supérieur à l’unité, on réduit ces fractions en prenant comme dénominateur le numérateur l.

Sont exclus de la succession l’époux ou l’épouse qui a succombé dans un procès en accusation d’adultère (li’ân) l’enfant désavoué par cette même procédure2 celui qui, volontairement, donne la mort ou fait des blessures ayanf entraîné la mort, au de cujus; l’héritier qui est d’une religiondifférente de celle du défunt; l’héritier dont la survie aude cujus n’est pas prouvée.

1. Nous ne pouvons entrer dans le détail fort compliqué de ces opérations, ne voulant donner qu’une idée générale du système successoral des Musulmans.

2. Il est seulement exclu de la succession de son père.

DES SUCCESSIONS

Du partage.

Des successions en déshérence. Questions diverses.

DU PARTAGE

Une succession est partagée entre des héritiers au moyen de l’estimation [des parts]1, et il appert du partage qu’il y a eu lésion à l’endroit d’un héritier mineur. Que décider? D’autre part, comment procède-t-on au partage des bijoux entre les héritiers ?

Lorsqu’il apparaît qu’il y a eu lésion dans un partage amiable, après l’estimation, le lésé aura un recours pour la portion dont il aura été frustré.

Quant au partage des bijoux, il est permis d’y procéder au poids, ou de les vendre, ou d’en partager le prix, ou enfin de les mettre dans le lot de l’un des héritiers, qui abandonnera [jusqu’à due concurrence] les meubles et les immeubles au reste des héritiers.

(Abû ’Abd Allah As-Saraqoustt. T. V, p. 209.) 1. Voy. ci-dessus, au chapitre du Parlage, p. 253, DES SUCCESSIONS EN DÉSHÉRENCE Les préposés [du bail al-mâl] aux successions [en déshérence] ont-ils le droit d’intenter un procès à l’occasion d’un bien qu’ils revendiquent au profit du bail al-mâl, alors qu’il est entre les mains d’un homme qui prétend en être propriétaire ? Ou bien n’ont-ils pas le droit de lui intenter un procès [et ne peuvent-ils que] faire dresser la preuve testimoniale que ce bien appartient au bail al-mâl seul, à l’exclusion de celui qui le détient ?

On ne permettra pas au préposé aux successions [en déshérence] d’intenter un procès à ce sujet, sans que l’autorité qui réclame le bien en question lui ait donné pouvoir d’ester en justice. S’il veut [seulement] prouver que «ebien revient au bail al-mâl et l’entourer de précautions, en requérant témoignage à son sujet, sans intenter de procès à celui qui le détient, il aura ce droit. (Ibn Rushd. T. X, p. 15.)

QUESTIONS DIVERSES

Un individu meurt en laissant des livres de fiqh (droit) ou d’autres. Ses héritiers seront-ils contraints à les vendre, s’il n’y a parmi eux personne qui soit apte à les étudier? Les héritiers ne seront point contraints à vendre les livres de droit ou autres dont ils ont hérité, quand bien même il n’y aurait actuellement personne pour les lire. Au demeurant, Dieu le sait mieux.

(Abû ‘Abd Allah ibn Marzûq. T. V, p. 85.)

Un individu décède, laissant une femme ayant sur lui la créance de sa dot. Cet individu ayant laissé, dans des silos; des céréales en quantité suffisante pour désintéresser la femme, ou en quantité moindre, est-il permis à son exécuteur testamentaire de dire à la femme :« Prends cette récolte en paiement de ta dot, et quant au restant, abandonne-le pour plaire à Dieu » ou bien est-il indispensable de sortir la récolte, de la mesurer, afin que les deux parties prennent connaissance de la quantité qu’elle renferme ?

Il n’est pas permis que la femme prenne ladite récolte indéterminée quant à sa quantité. La règle applicable en l’espèce est la règle suivie en matière de vente, laquelle n’est permise qu’après la mesure ou la connaissance prise par les parties de la qualité de la marchandise. (A 1- Waghllsî. T. V, p. 78.)

Les deniers illicites cessent-ils de l’être lorsqu’ils sont transmis par succession ?

La succession ne rend pas licites les deniers gagnés illégitimement, selon l’opinion de Mâlik. Mais la plupart des savants de Médine et Ibn Shihâb* déclarent ces deniers licites quand ils sont recueillis dans une succession. L’opi1. Mouliammad b. Mouslim b. ‘Abd Allah b. Shihâb b. Abd Dieu b. AIHârilh b. Zouhra Adh-Dhahabî Abû Bakr, savant traditionniste.et faqth de Médine. Il connut, dit-on, dix compagnons du Prophète. Il fut qâdîde Médine sous Yézid I. Il naquit en l’année 56 ou 58 de l’hégire (= 675 ou 677J et mourut le 17 Ramadan 124 ou 125 (= 25 juillet 742 ou 14 juillet 743). Voy. la biographie de cet auteur dans le manuscrit arabe de. Paris,n-2103, f° 17 r«, e6 de Hammrr, Litteraturgeshichte der Araber, t. V,’ p. 197.

nion intermédiaire est que rien ne peut légitimer ce qui est usurpé (maghçûb ^j*ai*). Au contraire, les ventes nulles, l’usure en matière de comestibles, d’or et d’argent deviennent licites par la succession.

(Yahyâ ibn Ibrahim1. T. VI, p. 105.)

Un individu meurt en voyage, sans nommer personne comme exécuteur testamentaire. Les voyageurs (ses compagnons) se réunissent et délèguent un homme qui vend sur place la succession du défunt, puis tous arrivent au pays du défunt. Leur décision est-elle assimilable à celle du qâdî ?

Lorsque quelqu’un meurt dans un endroit où il n’y a ni organisation sédentaire ni qâdî, ni notaires, la vente ou autre acte quef ait l’assemblée de la caravane est valable. Une espèce identique s’étant présentée devantI ‘îsâ ibn Miskîn, ce jurisconsulte approuva cet acte et le rendit exécutoire. (Abû ‘Imrdn et Abû Bakr ibn ‘Abd Ar-Baffmân. T. VI, p. 69.)

On rapporte, d’après Ahmad ibn Nasr Ad-Dâwudî, qu’il ordonna la vente de la succession d’un étranger, que l’on déclarait être de la région de Fâs, et dont les héritiers étaient inconnus. Il remit le produit de la vente de la succession à des Marocains, hommes dignes de confiance, et leur ordonna de rechercher les héritiers du défunt, et, au cas où ils ne les trouveraient pas et désespéreraient [de les jamais connaître], de distribuer ladite somme en aumône aux pauvres. Or un homme raconte qu’il emprunta un dînâr de cet argent et que le qâdî lui ordonna de le rembourser à ces hommes de confiance. Ce paiement le libère, s’il en a requis témoignage. (Ibidem.)

(Ibidem.)

1. C’est le jurisconsulte connu sous le nom d’Ibn Mouzain. Voy. ce nom à l’index.

Il faudrait tout un livre pour traiter, dans toute son étendue, la procédure civile et criminelle selon le droit musulman. Malgré l’intérêt scientifique considérable que présenterait l’élude de celle partie de la législation musulmane, nous sommes obligé d’y renoncer à raison du peu de place dont nous pouvons disposer. L’organisation de la justice, la réglementation de la matière des preuves, nolamment du témoignage, qui forme, comme on le sait, la principale preuve en droit musulman, les serments, les exceptions, les formes des jugements, et une foule d’autres questions trouveraient ici leur place, si notre but était de composer un traité méthodique de droit musulman. Les quelques fatwas que nous donnons ci-après ne sont nullement la réalisation de ce programme. Si nous les avons réunies sous le titre de « Procédure », c’est uniquement parce qu’elles rentrent, en effet, dans celle partie du droit et que nous ne pouvions, sans détruire l’harmonie de l’ouvrage, les rattacher aux autres chapitres. Mais, nous le répétons, ce n’est pas un exposé de la procédure d’après le droit musulman; c’en est, si l’on veut, un échantillon.

PROCÉDURE PROCÉDURE

Des juges.

Portrait du parfait qâdî. – Compétence. Des témoins capacité, nombre, récusation. Des contre-lettres.

De la vérification d’écriture.

DES JUGES

« Sache que les magistrats, par l’intermédiaire desquels les jugements sont rendus, se divisent en six catégories 1° La charge de qâdî, dont la plus haute est celle de qâçlî-l-djamâ*a ^pLJI ^>\î (qâdî de la communauté1). 2° La grande police {ash-shourta al-koubrâ ii>îJ\ ^^Si\); la police moyenne (ash-shour,ta al-oustâ Q>j£i\ ^^k-jJl) et la petite -police (ash-shourta as-soughrd ~~LJ! ‘!L~!)).

1. Dans l’Espagne maure et dans l’Afrique du Nord, ce litre répond à celui de qddt-l-qouddt (SLàïH ^«èl*), grand qàdî, juge suprême, usité en Orient et en Egypte.

3° Le juge des affaires criminelles [sâfyib al-madhûlim, jJU=J~L~).

!i° Le juge des affaires renvoyées [par les qâdî] (sâfyib radd, j »_^>-Uy), qui est comme le préfet de police (i^^s-L» *^>j£). On l’appelle sâhib radd, à cause des affaires qu’on lui renvoie pour les juger1.

5° L’inspecteur de la ville (O y>L=> sâfyib madîna 2). 6° Inspecteur de marché [sâfyib sûq ijy ç^a-U?). C’est ainsi que cela se trouve exposé par un certain docteur moderne, de Cordoue, dans un ouvrage dont il est l’auteur.

En résumé, ces charges sont la charge de qâdî, la police, les affaires criminelles, les affaires renvoyées, l’inspection de la ville, l’inspection du marché. Le juge des affaires renvoyées (sâhib ar-radd) ne juge que les affaires trouvées douteuses par les qâdî et renvoyées par eux 2. C’est ainsi que je l’ai entendu dire par un savant [de la dernière génération] que j’ai connu. Quant à l’inspecteur du marché, il était connu sous le nom de sâhib al-hisba(<L~sd\ ^>-U», inspecteur des marchés et des poids et mesures) s, car il s’occupait surtout 1. Si cette explication est juste, Dozy (Suppl. aux diction, arabes, I, p. 520) se serait trompé en pensant qu’il s’agit d’une abréviation de -»lUi»ji ùj. D’après son explication, le titre du fonctionnaire dont il est question au texte se traduirait par juge qui redresse les griefs (ou les forts), alors que, selon notre auteur, il s’agit d’un juge des affaires ren-voyées (par le qâdt).

2. Selon Dozy (op. cit., II, p. 819), ce fonctionnaire est le même que le sdhib ash-shourta ou préfet de police. Notre auteur, au contraire, le compte comme un fonctionnaire distinct du préfet de police. Aujourd’hui encore, il existe, à Tunis, un fonctionnaire portant le titre de shaikh al- madtna (i^ •A*Jl «,£ qui remplit les fonctions de maire, président du Conseil municipal, et, en outre, fait exécuter les jugements des tribunaux indigènes.

3. Autrement dit, c’est le mouhtasib. Voyez, sur cette charge, les ar- des affaires qui avaient lieu aux marchés, telles que falsification, tromperie, dette, inspection des mesures et des poids, et autres affaires analogues.

J’avais questionné un savant, que j’avais rencontré, au sujet de l’inspecteur du marché (sâhib os-sûq), [pour savoir] s’il était compétent pour connaître des vices rédhibitoires dans [les ventes] de maisons ou autres choses analogues, et s’il pouvait envoyer des commissions rogatoires .aux juges de la cité dans l’exercice de la justice. Il répondit « II n’a pas ce droit, à moins qu’il ne lui ait été conféré dans sa nomination. »

Certain auteur a dit « La charge de qâdî est une des plus honorifiques et des plus périlleuses, surtout lorsqu’on joint la direction de la prière. C’est le qâdî qui est le pivot de la justice, et sa compétence est générale. (Ibn Sahl. T. X, pp. 63-65.)

PORTRAIT DU PARFAIT QÂDΠIbn Al-Mounâsi^adit, dans l’ouvrage intitulé: « L’avertissement aux magistrats sur la manière de rendre les ticles du Journal asiatique de Paris, 1860, II, pp. 119, 190, 347-392, et 1861,I, 1-76.

1. Sous ce nom, on connaît un auteur qui s’est surtout occupé de sciences occultes. Son nom entier est Muhammad b. “Isa b. Mouljammad b. Asbagh Al-Azdî Al-Qourtoubi Al-MâlikîibnAl-Mounâsif. Il mourut en 1223 de notre ère. Cf. BROCKELMANN, op. cil., I, p. 497. Il était né en 563 à Mahdïa, en Tunisie, où son père s’était installé, et y fit ses études jugements » (tanbih al-houkkâm ‘alâ ma’khadh alahkâm fe* VI -l>- U ,Jc fe>ù\<~1>”) « Et sache qu’il est obligatoire pour celui qui est investi des fonctions de qâdî et qui est soumis à cette terrible épreuve1, de s’appliquer et de s’efforcer à être vertueux; il faut que cela constitue une de ses plus graves préoccupations. En conséquence, il se conformera aux exigences de la profession de magistrat, à l’observation de la dignité virile2, de l’élévation des sentiments, de la gravité et de la retenue. Il évitera [tout] ce qui pourrait donner une mauvaise opinion de sa religiosité, de sa dignité, de son intelligence, ou qui le diminuerait, eu égard à sa position et à sa dignité. Car il est sujet à être l’objectif de [tous] les regards et à être pris juridiques. Ses biographes t’ont un grand éloge de la diversité de ses connaissances; il était philologue, poète, jurisconsulte. En dehors des ouvrages cités par Brockelmann, loc. cil., il composa un livre sur la guerre sainte, intitulé ilyJ>Jl^jiUti V^ le lanbîh dont il est question dans le texte, et un autre ouvrage de critique sur le talqîn du Qâdi Aloù Muhammad ‘Abd Al-Wahhâb Al-Mâlikî (sur cet auteur et son œuvre, voy. le manuscrit arabe de Paris, n° 2103, f°8 31 r* et 38 r° et DE IIammek, Litteraturgeshichte, V, 175). Ibn Al-Mounâsif devint qàdî de Valence puis de Murcie, et fut ensuite destitué à cause de sa trop grande sévérité. Il se rendit alors à Merrakesh, où il demeura jusqu’à sa mort, survenue en 620 (=1223). Cf. IBN Al-Abbâ”r, Takmila, éd. Francisco Codera, p. 325, notice 962; DE HAMMER, Litteraturgeshichte, t. VII, 246; Maqqarî, Nafh at-tîb,. II, 642.

1. La fonction de qàdî est considérée comme une charge très périlleuse, parce que, d’après un hadtth du Prophète, sur trois qàdî, il n’y en a qu’un qui entre au Paradis, les deux autres allant au feu de l’Enfer. On trouve dans l’ouvrage intitulé: Kitâb falh ar-rahtm ar-rahmân, commentaire sur le poème rimant en Mm d’Ibn Al-Wardi, intitulé nasihal alikhuoân, de longs développements et beaucoup de citations d’ouvrages sur le sort peu enviable desqâdi. Vog. l’édition du Caire, 1315 11897), pp. 140147. Cf. aussi la Tohfal d’Ibn ‘Acem, vers 7.

3. Le mot arabe que nous traduisons ainsi est Xj^-» mourouwa; il s’entend de toutes les qualités morales qui caractérisent l’homme, ce mot étant pris dans son acception la plus noble, le vir des Latins. 5s J^r» est syn. de %£• foutouwa. Voy. sur le premier de ces deux mots l’étude de M. J. Goldziher, dans ses Muhamnzedanishe Studien. Cf. l’article de Dozv, Suppl. aux dictionnaires arabes, II, 578.

comme modèle, et, à ce point de vue, il ne peut pas faire tout ce qu’un autre pourrait faire. En effet, les yeux sont tournés vers lui et les notables comme le vulgaire sont portés à se régler sur sa conduite.

Une fois qu’il est arrivé à cette fonction, soit qu’il l’ait recherchée et qu’il s’y soit lui-même jeté, soit qu’il en ait été éprouvé et qu’elle lui ait été offerte, il ne doit plus éviter de rechercher le bien et la meilleure conduitel. C’est que, parfois, il peut en être détourné, parce qu’il fait peu de cas de lui-même, n’étant pas à la hauteur de la fonction ou bien ce qui l’éloigne de ses contemporains, c’est son peu d’espoir 2 de les améliorer, ou parce qu’il regarde comme trop éloigné le résultat qu’il espère tirer de leur éducation et de la sienne propre, à raison de la corruption générale, du peu d’attention qu’on accorde au bien et du peu d’obéissance qu’il constate [chez ses contemporains]. Or, s’il ne s’applique pas à améliorer ses contemporains, il se sera abandonné et jeté lui-même dans la perdition, et aura désespéré 3 que la miséricorde d’Dieu le Très-Haut atteignît jamais ses serviteurs. Cela le poussera à marcher du même pas que ses contemporains, sans se soucier dans quelle faute il tombe, parce qu’il est convaincu de la corruption générale. Et c’est là un malheur encore plus grand que la fonction de qâdî, et plus terrible que tous les malheurs auxquels on puisse s’attendre. En conséquence, qu’il entreprenne de combattre son esprit et qu’il travaille à réaliser le bien et à le poursuivre; qu’il cherche à rendre les gens meilleurs 1. Littéralement le lot le plus pur et le sentier le plus vertueux. 2. Je lis *«>»y, au lieu de *j, qui, à mon avis, ne donne pas de sens satisfaisant et, de plus, est incompatible avec la construction grammaticale de la phrase.

3. Je lis (j-i J au lieu de (j^, pour les raisons indiquées à la note précédente.

par la douceur et par la menace et qu’il se montre sévère à leur égard quand l’équité l’exige. Et certes Dieu le Très-Haut, par un effet de sa ‘bonté, lui procurera, dans sa fonction et dans toutes ses affaires, réussite et bonne issue. Que le qâdî ne fasse pas consister sa participation aux fonctions publiques à faire parade de son autorité, à faire exécuter ses ordres et à chercher le plaisir dans les mets délicieux, les beaux habits et les logements [somptueux], ce qui le mettrait au nombre des Infidèles, auxquels s’adressent ces paroles du Très-Haut « Vous avez épuisé votre bonheur dans votre vie ici-bas et vous en avez joui 2. »

Qu’il s’efforce aussi d’avoir un bel aspect, un extérieur imposant, une démarche grave3, une manière de s’asseoir digne, une élégance dans la parole et dans le silence. Il s’appliquera à éviter le bavardage inutile, comme s’il se comptait réellement les mots. Car ses paroles sont retenues et ses fautes remarquées.

En parlant, qu’il soit sobre des gestes de la main, et qu’il ne tourne pas le visage à tout propos; car ce sont là des manières de beaux parleurs et des habitudes de ceux qui n’ont pas une bonne éducation.

Que son rire ne soit qu’un sourire, et s’il baisse les yeux, que ce soit pour réfléchir et arriver à comprendre. Il sera toujours drapé dans son manteau, élégant de tenue et de costume, en rapport avec sa situation. Car cela contribue à le rendre plus imposant, d’un extérieur plus beau, et c’est un indice certain de sa supériorité et de son intelligence. Agir autrement, c’est s’abaisser et se négliger.

1. ^*yij *fLTi, cela signifie exactement en les gagnant par la perspective de leur intérêt et par la menace.

2. Qur’ân, XL VI, 19.

3. Je lisjJjS, au lieu dej-ûj Il faut qu’il adopte une belle ligne de conduite, une retenue et une gravité telles que cela fasse ressortir ses qualités morales. On reconnaîtra ainsi son intelligence et sa sagacité; les esprits lui seront gagnés et les plaideurs concevront plus de crainte à être audacieux devant lui. Il ne faut pourtant pas qu’il montre de l’orgueil ni qu’il conçoive de la fatuité l’un et l’autre seraient une laideur contraire à la religion et une tache dans le caractère des Musulmans.

(T. X, pp. 64-65.1

COMPETENCE

Les faqîh (jurisconsultes) de Cordoue furent consultés au sujet d’un Juif qui déclare être actionné par une femme, également juive, devant leurs juges, à raison de certains objets qu’elle réclame à son père à lui, qu’il est actionné injustement1, qu’il détient un jugement [en sa faveur} émanant du grand qâdî (qâdî-l-djmâ’a) ainsi que des actes notariés écrits enarabe et dressés par le ministèredetémoins musulmans. Il a établi que les juges des Juifs et leurs docteurs sont ennemis de son père.

La femme vint [à son tourj et établit que son droit a été reconnu par-devant leurs juges, ses témoins étant juifs, 1. C’est par conjecture que nous traduisons ainsi ce dernier membre de phrase. Le texte arabe n’est pas claire et contient certainement quelque interpolation. Voici le passage incriminé w-9 4*Ac- (J*à)l jjt^y 4, dit. L’éditeur ajoute I-AJ c’est-à-dire sic.

et ajoute que, si l’examen de son affaire leur était retiré, son droit serait perdu. [Que décider?]

Si le Juif est venu te trouver en te sollicitant d’examiner son affaire, il aura droit à cet examen, étant donné surtout qu’il s’est prévalu devant toi de ce que l’affaire a été précédemment examinée par le qâdî et de ce que tout le monde est ennemi de son père.

(Asbagh ibn SaîdK T. X, p. 94.)

[Autre réponse.} La jurisprudence suivie dans notre ville, lorsque les Juifs se plaignent les uns des autres, en matière de biens et de droits, et que l’une des deux parties litigantes en appelle à la justice de l’islam, tandis que la seconde en appelle à leurs juges, est qu’ils sont renvoyés devant leurs juges. Comment en serait-il autrement [dans l’espèce présente], du moment que la demanderesse déclare que ses témoins sont de leurs coreligionnaires, et qu’ils ne peuvent déposer que devant leurs juges ?

La justice musulmane n’a l’option de décider entre les parties ou de les renvoyer à leurs juges [naturels], que si elles viennent toutes deux consententes à soumettre leur différend à la justice des musulmans, à cause de ces paroles du Très-Haut « Et s’ils viennent te trouver, décide entre eux, ou détourne-toi d’eux2. »

(Ibn ‘Abd Babbihi3, ibidem, pp. 94-95.)

1. Aboù-l-Qâsim Asbagh b. SaHd b. Asbagh As-Sadafî, connu sous le nom d’AI-Hidjâiî (?), jurisconsulte malékite de Cordoue, où il mourut en 358 ou 359 (= 968 ou 969). Comme traditionniste, il avait la réputation de mêler les hadllh et de tout embrouiller. Cf. IBN Al-FabàdÎ, op. cit., éd. Francisco Codera, t. I, p. 74, notice 256.

2. Qur’ân, V, 46.

3. On connaît sous ce nom le fameux auteur du ‘iqd al-farîd, cette magnifique anthologie poétique. Cet auteur mourut en 328 (= 940). Cf. Brookelmann, Op. cit., I, 154; IBN Al-Fabadî, op. cil., I, p. 37, notice 118 [Autreréponse.} Lorsque l’une des deux parties, juives ou chrétiennes, assigne devant la justice musulmane, tandis que l’autre assigne devant leurs juges, s’il s’agit d’un acte injuste et contraire au droit, qui n’est pas prévu par leur loi et ne tombe point sous le coup de leur justice, il est obligatoire qu’il soit décidé entre elles selon la loi musulmane, sans que [le juge] ait à demander l’adhésion des parties. Au contraire, pour les cas prévus par leur loi et relevant de leur justice, on n’y interviendra pas et elles seront renvoyées devant leurs coreligionnaires. Or les droits et l’inimitié dont il s’agit dans la présente espèce en font une affaire criminelle1. Par conséquent il ne convient pas de les mettre aux prises les uns avec les autres, à moins qu’il ne soit établi par-devant toi que l’affaire qui les divise donne, d’après leur loi, un droit à l’un d’eux sur l’autre. Si cela est établi devant toi, laisse-les à leur religion et à leurs juges.

Si rien de tout cela n’est établi, examine [l’affaire], et ce qui est le plus solidement prouvé (le plus urgent de tout cela, ce sont les questions sur lesquelles un jugement antérieurdu qâdî est intervenu) il est indispensable de lefaire exécuter. Seront également traitées de cette manière les questions dans lesquelles les tributaires se sont liés envers les musulmans par actes notariés et concours de témoins. Voilà ce que je sais. (Ibn Hûrith* ibidem, p. 95.) [Autre réponse.] Ce qu’a dit Ibn ‘Abd Rabbihi est ma conviction et c’est l’opinion à laquelle je me rallie. C’est et DE Hammer, Littera/urgeshichle, t. IV, p. 092. Mais je ne crois pas qu’il H soit l’auteur de la filma ci-dessus.

Au moment de mettre sous presse, je trouve dans IBN BashkouÂl, Kitdb as-fiila, éd. F. Codera, p. 428, notice 930, un jurisconsulte nommé “Isa ibn ‘Abd Rabbihi. Il vivait précisément à Cordoue et suppléait quelquefois le qâdî Ibn Zarb. Il mourut vers 430 (= 1038). 1. Nous prenons ce mot dans le sens le plus large, opposé à civil. 2. Voy. Maqqarî, op. cil., I, 658 et 559, où il est seulement cité.

d’ailleurs la leçon qui est rapportée d’après Mâlik. La même opinion est rapportée d’après Rabî’a1. Sauf cependant dans les affaires de sang, car, en cas de meurtre, il n’y a pas d’autre juge compétent que le Souverain, vu que le sang des tributaires est sous la protection de la loi à raison du lien de clientèle (A*i dhimmà) qui les attache à l’islam.

Quant à cette juive, elle fera valoir son droit devant les juges de sa religion, car elle n’a de témoins que parmi ses coreligionnaires. Et cela ne portera pas préjudice au juif 2, s’il a, en fait de témoignages de musulmans, de quoi anéantir la demande formée contre lui.

(Ibn Maisûr, ibidem.)

[Autre réponse.} Si ce juif établit par [la déposition de] témoins musulmans qu’il y a inimitié entre lui et les juges en question, ou entre lui et ses coreligionnaires qui ont témoigné contre lui, le jugement rendu ne pourra être exécuté contre lui.

S’il ne fait pas cette preuve, la femme aura le droit de le poursuivre en paiement de ce qui lui est dû, par-devant leurs juges. Et si le Juif a un moyen à opposer, qu’il peut établir par des témoins musulmans, ou s’il a une demande [reconventionnelle] à formuler contre la femme, il aura le droit de le faire devant lesdits juges.

(Ibn Zarb, ibidem.)

Un qâdî (juge) possède un droit ou est tenu en vertu d’un droit, qu’il est nécessaire de soumettre à un débat 1. Rabi’a est le maître de ï’imâm Màlik; il mourut à Anbâr en 136 de l’hégire (753 de J.-C.). On trouve sur ce jurisconsulte des notices biographiques au folio 65, v”, du manuscrit arabe de la Bibliothèque nationale, n° 2064, et dans le manuscrit 2103, f° 12 v”.

2. L’adversaire.

judiciaire. Devant quelle juridiction doit-on porter le procès? Est-ce devant l’Imâm (Souverain) ou devant un des qâdîs institués par celui-ci et siégeant dans une autre localité ? Si, l’objet du droit du qâdî étant situé hors de son ressort, ce qâdî désire intenter un procès pour établir son droit devant le qâdî de la situation de l’objet litigieux, peut-il écrire directement à ce juge, pour affirmer la justesse de son droit en sa faveur, ou doit-il fournir une preuve testimoniale devant le juge en question ? Le qâdî doit porter son litige avec son adversaire devant un des qâdî des grandes villes, qui sont institués par qui de droit. Ce juge examinera leur différend. Al-Lakhmî ne fait mention d’aucune controverse sur ce point. Le seul désaccord dont il parle, est relatif au Sultan suprême, engagé dans un procès. Il s’agit de savoir, dans ce cas, si le Sultan doit porter l’affaire devant le qâdî qu’il a institué. Quant au qâdî dont il est question, une fois qu’il aura saisi le juge compétent, il ne doit pas écrire directement à ce dernier pour lui déclarer que son droit est dûment établi; car c’est là une espèce du jugement. Or, de l’avi: de tous, le qâdî ne doit pas juger les affaires où il est partie.

(Sayyidî Misbâh. T. V, p. 142.)

DES TÉMOINS

Capacité.

Un homme cultive un champ moyennant le quart ou le tiers [de la récolte], sans que le propriétaire de la terre ait apporté une partie de la semence 1. Le témoignage de ce propriétaire sera-t-il récusé pour ce motif ? Que décider, selon qu’il connaissait la nullité de cette combinaison ou qu’il l’ignorait ? Explique-nous cela. On a dit que le témoignage de cet homme n’est pas valable, à raison du fyadith (tradition du Prophète) d’après lequel ‘Abd Ar-Rahmân ibn ‘Auf ayant livré une terre lui appartenant à Sa’d ibn Abû Waqqâs à titre demouzâra’a (société agricole) moyennant la moitié [de la récolte], l’apôtre d’Dieu lui dit « Veux-tu donc pratiquer 3 l’usure ? et il lui défendit [de faire ce contrat]. L’opinion à laquelle je me rallie est que, si [cet individu] a agi par ignorance ou par interprétation de la controverse qui règne sur cette question, cela ne constitue pas une cause de récusation à son égard, car cela ne 4 prouve pas contre lui qu’il se soucie peu de commettre des péchés et des délits.

Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance. (Ibn Rushd. T. X, p. 160.)

Quid du- témoignage de celui dont la femme va au marché ou assiste à la fête, alors qu’elle est encore jeune et qu’il peut l’en empêcher?

Si, ayant le pouvoir de l’empêcher, il la laisse sortir pour aller au marché, à la fête, à la réunion des femmes 1. Il est de règle, en effet, que, dans le contrat de mouzdra’a <&jl J-t la terre, qui constitue l’apport de l’une des parties, ne doit pas être représentée par de la semence constituant l’apport de l’autre partie. La raison en est qu’il est interdit d’affermer la terre moyennant un loyer consistant en comestibles.

2. Voy. ci-dessus, p. 120 et suiv.

3. Littéralement manger.

4. Il faut suppléer la négation V (ne. pas), qui manque dans le texte arabe.

pour pleurer un mort, cela constitue une cause de récusation de son témoignage.

(Ibn Mahsûd. T. X, p. 120.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet de l’opinion de Sahnûn, d’après laquelle, lorsqu’un chrétien embrasse l’islamisme et vient ensuite déposer comme témoin, on doit attendre un certain temps avant d’accepter sa déposition, bien que la conversion à l’islamisme efface 1 tout ce qui l’a précédé 2.

Il répondit « Il arrive qu’un homme très pieux, vertueux, ait néanmoins l’esprit déséquilibré 3 or ce chrétien converti a l’esprit dans cet état d’une manière innée; il faut donc le soumettre à l’observation.

D’autre part, Sahnûn a exigé que le qâdî, qui remplit d’ailleurs toutes les conditions voulues, ait, en outre, l’esprit bien équilibré.

Al-Mâzari a, dit-on, rapporté que, d’après le rite, il est permis d’admettre la déposition du chrétien converti, sans aucune restriction.

Dans certaine glose [on lit ce qui suit] Si la conduite de ce chrétien était bonne avant sa conversion à l’islamisme, celui-ci ne l’ayant pas modifiée, le témoignage de ce chrétien sera admis [sans délai].

Dans l’ouvrage intitulé Az-Zâkî (Le resplendissant)4, il est dit « Le témoignage du mécréant [converti à l’isla1. ‘=y_: littéralement « coupe ». On emploie habituellement le mot fe*»u « abroge ».

2. Le témoignage du chrétien n’est pas admis mais, du moment qu’il s’est converti à Visldm et que celui-ci « efface tout ce qui l’a précédé, pourquoi imposer cette espèce de stage au néophyte, avant d’admettre sa déposition?

3. *tâs-£ Ip)-\s» cTVj.

4. Je n’ai trouvé aucun renseignement sur cet ouvrage.

mismejest admis à cause du hadîlh (tradition du Prophète) « h’ islam coupe f ce qui l’a précédé ». Il en est de même de l’enfant à l’approche de sa puberté

(Al-Lakhmt. T. X, p. 138.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet de l’opinion d’Ibn Al-Qâsïm, d’après laquelle celui qui entend [proférer] une injure [à l’égard d’un tiers] est tenu d’aller en informer la personne injuriée; n’est-ce pas là un cas de délation ou analogue à la délation ? Il répondit « Non car cet individu est témoin; or, le Prophète a dit « Le meilleur des témoins est celui qui apporte son témoignage avant qu’il lui soit demandé. » On demanda audit jurisconsulte « Cet individu méritet-il une récompense [de la part d’Dieu] pour son reportage, et commet-il un péché en négligeant de le faire? Il répondit « S’il a informé en vue de plaire à Dieu, il en sera récompensé. S’il s’en abstient, je le considère comme celui qui cache sa déposition. »

(Abû Mouhammod. T. X, p. 161.)

Un homme déposa contre quelqu’un en l’accusant injurieusement de commettre des barbarismes [dans la lecture] de la mère du Qur’ân 3 J I~iïll ~I oumm al-qour’dn) et des autres prières habituelles, ne s’occupant que de ses intérêts matériels. [Que décider ?]

1. C’est-à-dire: efface.

2. C’est-à-dire qu’il est également possible d’admettre comme témoin le pubertati proximus, qu’on appelle en arabe Jf* maurâhiq. 3. C’est un des noms de la première sourate ou chapitre du Qur’ân. On l’appelle aussi i^kxJl*&o U fdtihal al-kilâb, l’exorde du Livre, ou simplement *&ô uJl al-fâtiha l’exorde; ou encore f=*«j’ *Uj” sûrat alfat)i.

Sa déposition est valable. Et il devra apprendre ce que, d’après vous, il ne sait pas.

{Al-Lakhmî. T. X, p. 138.)

Nombre (des témoins).

Peut-on rendre un jugement à la suite de la déposition d’un témoin unique, appuyée du serment?

Il y a controverse entre les oulémas sur la possibilité de juger d’après la déposition d’un seul témoin, appuyée du serment. Les hanafites le défendent, tandis que les malékites l’admettent. « Mais, dit Muhammad ibn ‘Abd AlHakam, cela s’entend du témoin honorable (‘adl), dont l’honorabilité est évidente. » Et cette opinion est considérée comme une explication de la doctrine.

Dans les cas de ce genre, le qâdî Aboù Bakr 1 ne jugeait que si le témoin était irréprochable il n’admettait pas cette solution quand le témoin n’était pas tel. Mais si l’affaire parait douteuse, ou si l’admission de ce mode de preuve entraîne l’annulation d’un acte dont la validité est établie, dans ce cas, il n’y a aucun moyen d’admettre ce mode de preuve.

Ibn Sahl Il Celui qui a une idée juste des mœurs des gens d’aujourd’hui et qui connaît la corruption des témoignages, ne peut être rassuré, en jugeant d’après ce mode de preuve, que s’il y a un témoin dont l’honorabilité et la réputation sont irréprochables. »

1. Ils’agitduqâdiAboùBakr Al-Bâqilànî, dont le nom entier est Muhammad b. At-Tayyib b. Moujiammadb. Dja’fai- b.-AI-Qâsim. Ce jurisconsulte malékite, très célèbre, mourut à Baghdâdh en 403 (= 1012). Cf. IBN Khaixi = kân, éd. Wûstenfeld, notice 619 Brockblmann, op. cil., I, 197, où il faut corriger le nom et le lieu du décès, d’après les renseignements que je viens de donner, conformément au manuscrit arabe de Paris, n* 2103, i° 39 r°, à IBN Khallik.în, loc. cil. La notice du manuscrit 2103 contient la liste de tous ses ouvrages.

Voyez également si, -d’après l’opinion qui n’admet pas la possibilité de juger sur ce mode depreuve, – la personne contre qui le témoignage est intervenu doit prêter serment pour repousser la déposition du témoin unique, comme dans les cas d’affranchissement et de divorce où il n’y a qu’un seul témoin en faveur de l’esclave et de l’épouse.

{Abû Sa’id Faradj ibn Lubb. T. X, p. 128.) Un homme paie ce qu’il devait à un autre ou lui vend une chose puis l’ex-débiteur demande à l’ex-créancier (ou bien c’est l’acheteur qui demande au vendeur) de lui en donner acte devant témoins. L’autre lui donna acte devant deux témoins honorables, et refusa delui fournir d’autres témoins. Le requérant désirant avoir un [plus] grand nombre de témoins, l’autre contractant est-il obligé de lui fournir plus de deux témoins honorables ? Il n’est pas tenu de lui donner acte devant plus de deux témoins honorables à cause de ces paroles d’Dieu « Requérez le témoignage d’hommes honorables d’entre vous. 1. Et prenez deux témoins parmi les hommes d’entre vous 2 » Il en est ainsi lorsque les deux témoins sont d’une honorabilité irréprochable. Il est, d’ailleurs, loisible à l’individu en question de requérir témoignage sur leur propre témoignage, s’il désire prendre des précautions pour lui-même, par crainte de la mort [des deux témoins], de [leur] absence, ou de l’oubli [de leur part]. Et c’est d’Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance. (Ibn Boushd. T. X, p. 158.)

1. Qur’ân, LXV, 2.

2. Qur’ân, Il, 282, Récusation (des témoins).

Un individu a été déclaré témoin honorable par deux hommes; est-il permis à l’un de ces derniers de le récuser [ensuite] avec le concours d’une autre personne P Il n’est pas permis à l’un des deux hommes, qui ont certifié l’honorabilité de l’individu en question, de le récuser avec le concours d’un tiers, en se basant sur une cause de récusation ancienne, antérieure au certificat d’honorabilité, car cela constitue une annulation de l’attestation d’honorabilité qu’il a donnée [précédemment]. Cela conduirait à l’admission [du témoignage] de celui dont l’honorabilité n’est pas établie1.

Le pendant de cette question est l’espèce suivante Un homme meurt laissant une esclave enceinte et deux esclaves hommes. Sa succession est recueillie par son ‘âçib (agnat), qui affranchit les deux esclaves. La servante (esclave) accouche d’un garçon, et les deux esclaves témoignent, après leur affranchissement, que la servante était enceinte des œuvres de son maître décédé. L’opinion des docteurs est que, dans ce cas, le témoignage des deux esclaves n’est pas admissible, car son admission entraînerait l’annulation de leur affranchissement, et l’on aurait été ainsi amené à admettre le témoignage de l’esclave.

Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance. (Ibn Rushd. T. X, p. 156.)

I. En effet, la récusation par l’un des deux certificateurs, détruisant l’attestation d’honorabilité qu’il a donnée avant, il se trouve, que le témoin a été admis sur l’attestation de son honorabilité par un seul homme, ce qui n’est pas permis.

DE LA CONTRE-LETTRE

Un homme invoque une contre-lettre (*Lc^Lw! jJlc- ‘aqd istir’â) qu’il demande à faire valoir contre un autre. Celui-ci répond « Cette contre-lettre ne m’est pas opposable, parce que le demandeur a requis acte contre luimême qu’il se désiste de sa demande contre moi, et que toute preuve réservée par contre-lettre, ancienne ou récente, est non avenue. » Le demandeur dit: « Je n’ai pas compris ce que voulait dire cet acte conclu entre moi et toi. » L’acte en question est conclu dans la forme régulière. [Que décider?]

Si cet acte a été dressé avec le concours de témoins, il est opposable au demandeur, car en disant « Je n’ai pas compris cet acte », il entend faire tomber l’acte et en traiter les témoins de faussaires. Or, c’est là une porte dangereuse, qui, si elle était ouverte à la contestation, amènerait la perte d’un grand nombre de droits et de preuves testimoniales reconnues exactes. Boucher cette porte est donc une nécessité.

(T. X, p. 98.)

Le jurisconsulte ci-dessous fut consulté au sujet des personnes admissibles [comme témoins] dans les contrelettres. Il répondit

On n’accepte dans la contre-lettre que le témoin honorable, irréprochable. Voici son portrait. Il est éveillé, prudent, attentif, au courant des règles du témoignage, de la manière de constater les faits et d’en déposer, de la valeur des expressions, de ce que celles-ci indiquent, d’après leur sens réel, apparent ou implicite, le tout d’a- près ce qui se dégage des dispositions de la contre-lettre. On tient compte également de la proximité ou de l’éloignement du laps de temps écoulé, à cause de l’oubli qu’entraîne la longueur du temps, surtout quand l’acte comporte plusieurs dispositions. On ne peut, dans ce cas, admettre le premier témoin venu.

Selon certain mufti, on n’admet les témoins des contrelettres, quand il s’est écoulé un long temps depuis qu’elles sont intervenues et qu’elles ont été retenues de mémoire et non mises par écrit, qu’après que le témoin en aura exposé les dispositions au qâdî. ÇAbd Al-Hamîd ibn Abâ-d-Dounyâ. T. X, p. 132.)

DE LA VÉRIFICATION D’ÉCRITURE

Un homme invoqua une créance contre un autre et, le débiteur ayant nié, il produisit une reconnaissance écrite, contenant l’aveu du défendeur, et prétendit qu’elle était de l’écriture de celui-ci. Le défendeur ayant encore nié, il demanda qu’il fût contraint d’écrire en présence des notaires, pour confronter son écriture avec l’acte produit parle demandeur. [Que décider?]

Il y sera contraint, comme il sera contraint de former un corps d’écriture d’une longueur telle qu’il ne lui sera pas possible d’y contrefaire son écriture1.

(Al-Lakhmt. T. X, 136.)

1. C’est la procédure de notre vérification d’écriture. Code de Procédure civile, art. 206.

“Abd Al-Hamîd a répondu que le défendeur ne sera pas contraint de fournir un corps d’écriture. Et Al-Màzarî a invoqué en faveur de cette opinion que, y obliger le défendeur, c’est comme si on l’obligeait à produire des témoins pour déposer contre lui et en faveur du dire de son adversaire, ce qui n’est nullement obligatoire [pour lui].

Al-Lakhmî a fait allusion à la différence [entré les deux situations] en disant que la preuve testimoniale peut amener la condamnation même quand elle est mensongère; aussi, le défendeur ne peut-il être obligé à procurer une preuve qui, même mensongère, peut amener une décision définitive. Il en est différemment de celui qui fournit un corps de son écriture, et qui lui donne une étendue telle qu’on est garanti qu’il n’y a pas de contrefaçon [de sa part]. Les témoins confrontent ensuite ce qu’il a écrit avec le document produit par le demandeur et déposent en faveur de l’identité ou de la diversité [des écritures].