DU LOUAGE D’OUVRAGE OU D’INDUSTRIE ET DU LOUAGE DE SERVICES _ AL IJÂRA
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DE L’OBJET DU CONTRAT
Al-‘Uqbânî
Est-il permis de recevoir un salaire pour enseigner le droit? Le professeur a-t-il besoin, pour enseigner le droit, de l’autorisation de son maître ? Dans l’affirmative, suffit-il, pour cela, d’une simple autorisation verbale, ou est-il indispensable de dresser par écrit une licence et d’en requérir témoignage ?
Dans la Mudawwana, Mâlik voit d’un mauvais œil le salaire [stipulé] pour l’enseignement du droit. La prohibition complète et la licéité de ce salaire ont également des partisans, de la même manière qu’on est partagé sur la question de la vente des livres de droit. La doctrine de la Mudawwana est préférée, parce que, vu la faiblesse des ressources des savants, la science pourrait se perdre car si les savants étaient empêchés de [toucher] le salaire, la poursuite des moyens d’existence les occuperait au détriment de l’enseignement.
Quant à la subordination de l’enseignement à une licence, personne n’a formulé cette règle. C’est tout comme le muftî (jurisconsulte qui rend des fatwas), qui n’a guère besoin d’une licence. Toute personne, au contraire, dont on connaît la science et le sentiment religieux, a le droit d’enseigner et de rendre des fatwas (consultations juridiques). Quant à celui qui reçoit l’enseignement, s’il voit le maître faisant profession d’enseigner et de rendre des fatwas, tandis que les gens le vénèrent, il lui sera permis d’étudier sous ce maître. S’il lui est possible de se renseigner à son sujet, qu’il le fasse et s’il est informé que c’est un savant ayant les sentiments religieux, il lui sera permis de le consulter. Quant à savoir s’il suffit des renseignements fournis par une seule personne, il y a deux opinions sur la question. Enfin, si le maître sait par lui-même qu’il est apte, tant au point de vue religieux qu’au point de vue scientifique, à enseigner et à donner des fatwas, il en sera tenu, tantôt à titre d’obligation individuelle (fard ‘ain) tantôt à titre d’obligation de suffisance (fard kifâya), selon la diversité des lieux, d’après les règles que l’on connaît en cette matière. Mais s’il sait par lui-même qu’il est incapable d’enseigner ou de donner des fatwas, il ne lui est pas permis de s’en occuper. Quant à celui qui, étant apte à cette fonction, en est empêché par un de ses maîtres, il ne lui est pas permis d’obéir à ce maître. A l’inverse, celui qui, étant incapable, est autorisé par son maître à enseigner ou à donner des fatwa, ne doit pas lui obéir; il est, au contraire, tenu de lui désobéir. La licence n’est exigée et n’est utile que pour transmettre des récits ou des poèmes célèbres et certaines autres compositions. Quant à la science juridique, nul n’a dit que l’enseignement ou les consultations aient besoin d’une autorisation d’un maître. Mais il n’est permis à personne d’apprendre une question de droit, si ce n’est d’un homme dont la science et les sentiments religieux sont connus. La manière d’arriver à cette connaissance est celle que nous avons indiquée ci-dessus. Dans le livre intitulé Kitâb al-Wuçûl (le Livre des bases), on rapporte que tout le monde est d’accord que si on voit un individu faisant profession de donner des fatwas (consultations juridiques), tandis que les gens le consultent et font grand cas de lui, on a le droit de lui demander des fatwas et de recevoir son enseignement. L’accord général rapporté dans le Kitâb al-ousoul signifie qu’il y a unanimité (ijmâ’). Le shaikh Abû ’Abd Allah ibn Rushaid – Que Dieu lui fasse miséricorde a raconté comme anecdote sur le shaikh Shihâb Ad-Dîn (le flambeau de la religion) Al-Qarâfi que certain étudiant suivit ses leçons pendant un certain temps moyennant salaire ; puis il le quitta et suivit l’enseignement de Shams Ad-Dîn (le soleil de lareligion) Al-Isbahânî1, dont il fut très satisfait. Il revint alors réclamer à Shihâb Ad-Dîn le salaire qu’il lui avait payé, en invoquant comme argument qu’il n’a pas tiré profit de son enseignement. Voici qu’elle fut la réponse de Shihâb Ad-Dîn « Si ta vue ne s’était pas accoutumée à la lumière du flambeau (Shihâb Ad-Dîn), elle eût été aveuglée par les rayons du soleil (Shams Ad-Dîn). »
« C’est, ajoute Ibn Rushaid, la conduite habituelle de tous les mauvais débutants, à l’égard des grands savants. »
Al-Qâbisî
Est-il permis de recevoir un salaire pour enseigner le calcul?
Cela est permis, comme [pour] l’écriture. De même, si [le maître] enseignait à l’élève les règles qui sont unanimement admises en matière successorale, cela serait permis.
Ibn Al-Makwî Al-Ishbilî
Un homme loue ses services pour lire [le Qur’ân] sur les tombes, moyennant un salaire déterminé, afin de lire chaque jour et chaque nuit une partie du Qur’ân. Cela estil permis ?
C’est une innovation blâmable (bid’a), qui est mal vue, mais qui n’est point défendue
Ibn Lubb
Un individu qui traite la possession des mauvais génies et guérit ceux qui en sont atteints a-t-il le droit de se faire rétribuer pour cela
Si ce traitement est d’une efficacité prouvée par l’expérience, d’une utilité et d’un succès connus par l’usage, et si les écrits ;ou les incantations que cet homme fait, consistent dans des noms d’Dieu ou des passages du Qur’ân, cela est bon, et il a droit, de ce chef, à une rétribution de la part de celui pour lequel il a travaillé, selon ce qu’il a stipulé, s’il a stipulé quelque chose. Sinon, on s’en remettra à la générosité de celui pour le compte duquel le travail a été fait. Il n’y a pas de quantum ni de limites fixés à cet égard.
An-Nawawî
Un homme ayant été injustement emprisonné par le Sultan ou autre oppresseur offre une certaine somme à un homme qui, grâce à son influence ou à un autre moyen, interviendrait pour le faire élargir. Cela est-il permis ? Et la question a-t-elle été signalée par un auteur quelconque ?
Oui, cela est permis. Cette solution est clairement indiquée par plusieurs auteurs, dont le qâdî Husain, au chapitre premier de l’Usure, de sa Ta’lîqa. Il a d’ailleurs rapporté cette décision d’après Al-Qâffal AI-Marwazi lequel a dit: « C’est un forfait (ou promesse conditionnelle) licite. » Et le qâdi Housain ajoute « Et cela n’est pas de la même nature que le cadeau corrupteur; c’est, au contraire, une contre-valeur licite, comme toutes les promesses conditionnelles.
Ibn Lubb
Un individu figure dans un partage au nom de sa femme, à l’occasion d’une succession qui lui est échue, et reçoit pour elle la part qui lui revient. Il réclame maintenant pour cela un salaire à sa femme. Y a-t-il droit ? Ce que l’épouse a obtenu par l’entremise de son mari, sans qu’il ait fait beaucoup de frais, elle l’aura sans que son mari ait droit à un salaire pour l’avoir encaissé. Au contraire, la femme devra indemniser son mari pour ce qu’elle a obtenu par son entremise, lorsqu’il a dû faire des frais, des démarches, et interrompre, à cause d’elle, la poursuite de ses propres intérêts et qu’il prétende n’avoir pas assumé ce travail pour rien.
DU SALAIRE
Ibn Lubb
-Est-il permis de fixer le salaire du vannage [des grains] à tant de mesures (mudd) 1 par charge (ahmâl), sans qu’on sache d’avance le nombre de charges que la récolte produira ? Le salaire, tel qu’il est indiqué ci-dessus, est indéterminé (majhûla), car, bien qu’on sache parfois la quantité approximative d’une charge, on ignore le nombre de celles-ci. Il en serait autrement si l’on connaissait à peu près ce nombre la fixation du salaire sur les bases susdites n’aurait pas de mal dans ce cas.
-Peut-on s’engager à battre les épis moyennant la paille ? C’est un salaire indéterminé, vu que l’on ignore la quantité de paille qui en sortira. Cela serait permis, si une approximation était possible. (Le méme. Ibidem.)
Al-Mâzarî
Est-il permis de salarier un homme pour faire la cueillette des olives, moyennant une part de la récolte, et avant la maturité ?
La question est exposée dans les ouvrages de droit célèbres, comme la Mudawwana et autres. Si la difficulté [qui vous embarrasse] tient seulement à ce que la récolte n’est pas encore mûre, [sachez] que ce qui est prohibé, c’est seulement le fait d’acheter cette récolte sous la condition de la laisser [provisoirement] en branches. Mais si c’est pour cueillir les fruits, cela est permis. Enfin, si les 1. Voy. t. I, p. 490, note 1.
parties stipulent, pour la récolte non encore mûre, que le prix sera payé comptant, ou qu’il sera mis de côté [en attendant], et si la récolte périt avant l’entrée en maturité, l’acheteur n’est tenu d’aucune obligation et ne doit pas le prix
Ibn Rushd
Un individu loue ses services moyennant une quantité de denrées alimentaires, dans une ville déterminée. Puis les deux parties quittent cette ville, et il leur devient difficile d’y retourner. Le patron doit-il donner au salarié [la même quantité] de denrées alimentaires, dans la ville où ils se sont rendus ?
Le salarié n’a droit qu’à la quantité de denrées alimentaires qu’il avait dans la ville où l’engagement a eu lieu. Si le patron consent à lui donner la même quantité dans la ville où ils se trouvent, cela est permis. Mais il n’est pas permis [au salarié] de toucher le prix à la place des denrées, à cause de la prohibition de vendre les denrées alimentaires avant leur perception. Si le [patron] ne con-.sent pas à payer la même quantité de denrées dans la ville où ils sont actuellement, et porte l’affaire devant le qâdî, celui-ci le condamnera à [payer] la valeur estimative du travail du salarié, à raison de la difficulté d’arriver jusqu’à la ville où le contrat est intervenu. Si on ne l’a pas condamné à payer la valeur estimative des denrées, telle qu’elle est constatée au lieu du contrat, c’est parce que la valeur estimative de la chose est comme son prix c’est alors vendre la chose avant de l’avoir perçue. Ceux qui admettent que la valeur estimative est différente du prix, en admettent aussi le paiement dans la ville où les deux parties se trouvent actuellement.
Mâlik
Un salarié demande à la personne pour laquelle il a travaillé de lui donner un vêtement à la place des dix dirhems qu’elle lui doit. Celle-ci répond « Je n’en ai point, mais je t’achèterai un vêtement avec les dix dirhems. » Cela est-il permis ?
Cela est désapprouvé (makrûh). La bonne solution, c’est que l’employeur achète le vêtement pour lui-même, puis le revende au salarié
Ibn Abû Zaid
-Que décider lorsque le maçon salarié est empêché, par la pluie, de travailler pendant une partie de la journée ? »~ Il aura droit à un salaire proportionnel à son travail on ne tiendra pas compte du reste de la journée.
La même décision est rapportée d’après Sahnûn. Mais un autre auteur dit que le maçon aura tout son salaire, car l’empêchement n’est pas de son fait.
-Il est de règle que l’ouvrier salarié pour creuser un puits, a droit à un salaire proportionnel à ce qu’il a creusé, lorsque le puits vient à s’effondrer avant l’achèvement des travaux tandis que le tailleur n’a droit à aucun salaire, lorsque la perte de l’étoffe survient avant l’achèvement de la façon 2. Pourquoi cette différence ? C’est parce que, dans quelque proportion que le puits soit creusé, l’utilité en subsiste au profit du propriétaire, tandis que l’utilité, en ce qui concerne l’étoffe, n’existe que par l’achèvement de la façon 1.
Ibn Lubâba
Un homme prend à gages un salarié pour moissonner ou pour bâtir. Mais entre la moisson (ou l’endroit où il faut bâtir) et le domicile du salarié, il y a une journée ou partie d’une journée de marche. Le salaire lui est-il dû à partir du moment où il est sorti se rendant au domicile de celui qui l’a engagé, ou à partir du moment où il est arrivé et a commencé son travail?
Si le contrat n’a été conclu qu’à l’endroit où se trouve le salarié, dans ce cas le salaire lui est dû pour la journée pendant laquelle il se rend au lieu du travail, à moins que celui qui l’a engagé n’ait stipulé qu’on ne tiendrait pas compte de la journée pendant laquelle ils se transporteraient tous les deux. Mais si le maître de l’ouvrage a dit simplement au salarié « Viens avec moi, pour que je traite une affaire avec toi », et que le salarié ne lui ait encore répondu sur aucun point, il n’aura pas de salaire pour la journée pendant laquelle ils se transportent
D’après Abû Sâlih, le maître n’est tenu du salaire que lu jour où l’ouvrier commence à bâtir ou à moissonner. Point de salaire pendant le voyage, à moins que le contrat n’ait eu lieu à cette condition.
Sidi Misbâh
Le notaire doit-il indiquer d’avance son émolument, avant la rédaction de l’acte qu’il est requis de dresser ? Pour les actes dont le cût est connu, il n’est pas besoin d’une fixation anticipée. L’usage y tient lieu de fixation. Quant aux actes qu’on rédige rarement, il est indispensable d’en indiquer le cût avant leur rédaction à moins que le rédacteur ne soit d’un caractère noble, acceptant ce qu’on lui donne; dans ce cas, point n’est besoin d’une fixation anticipée. Mais Mâlik a dit « Je préfère la fixation du cût d’avance. »
Ibn Rushd
Un individu achète à un autre une marchandise à un prix déterminé et à un terme déterminé. Cet acheteur désire se faire remettre par le vendeur des étoffes pour les coudre ou les teindre et en déduire le salaire du prix qu’il doit, pour qu’il lui soit plus léger, le vendeur y consentant. Tout cela a lieu avant l’arrivée du terme. Cela seraitil permis, si on était après l’arrivée du terme? Cela n’est pas permis, que le terme soit ou non arrivé, à moins que l’acheteur ne fasse pour le vendeur le travail de couture ou la teinture, sans condition, sauf à régler leur compte après.
DES OBLIGATIONS DU SALARIÉ
Abû Muhammad
L’instituteur est-il tenu d’examiner les tablettes (alwâh) des élèves, pour voir si elles contiennent des fautes dans le tracé des lettres ? Quid, s’il a stipulé qu’il ne les examinerait pas? Il est tenu d’examiner les tablettes des élèves et de corriger les fautes qu’elles contiennent. La stipulation contraire est une erreur, qui ne serait pas permise. D’après Ibn Sahnûn2 2 il faut que l’instituteur enseigne aux élèves la syntaxe désinentielle du Qur’ân cela est obligatoire pour lui; plus les points-voyelles, l’orthographe, la calligraphie, la bonne lecture, les règles des ablutions (wudû), de la prière, les obligations canoniques et les obligations traditionnelles de celle-ci, la prière des morts et les vœux (du’â) de cette prière, la prière pour demander [à Dieu] la pluie (ou rogations), la prière à l’occasion de l’éclipse de la lune. D’après Muhammad Ibn ‘Arafa, en parlant de « la syntaxe désinentielle du Qur’ân »
Ibn Sahnûn vise l’enseignement du Qur’ân prononcé sans barbarismes quant à la syntaxe grammaticale, elle est difficile. Par les mots « la bonne lecture », il a entendu dire la lecture élégante du Qur’ân (al-lajould), ce qui n’est pas obligatoire, d’après la coutume en usage chez nous, si ce n’est pour celui qui a pris l’engagement devant témoin de l’enseigner. Quant aux règles des ablutions et des autres choses mentionnées après, il est clair que cela n’est pas obligatoire d’ailleurs, beaucoup d’instituteurs sont incapables de les enseigner.
Ibn Lubâba
Que décider lorsqu’un berger frappe une vache ou une brebis avec un gros bâton, ou lui lance un petit bâton ou une pierre et la tue ?
Il est responsable. Mais s’il a lancé le bâton ou la pierre à distance du troupeau et que le projectile ait rebondi de la terre et tué l’animal ou si la brebis ou la vache, ayant pris la fuite, est tombée dans un précipice et s’est fracturée ou est morte, il n’encourra aucune responsabilité. C’est ainsi que les bergers jettent d’ordinaire [les pierres ouïes bâtons].
Si de deux bergers salariés pour garder un troupeau de moutons, l’un s’en va pour acheter sa nourriture, ou pour une affaire l’intéressant, et qu’une brebis s’égare ou est mangée par un lion, la responsabilité n’incombe pas aux deux bergers, car il est indispensable que l’un d’eux aille faire les courses pour ce dont ils ont besoin. Si les moutons commettent, la nuit, des dégâts dans des cultures, la responsabilité pèse sur les propriétaires, si les troupeaux passent la nuit chez eux; mais si les bergers les gardent à la campagne, ils n’en seront pas responsables.
SECTION I.
DES ARTISANS
Ibn Zarb
Un individu remet à un savetier une peau pour lui faire une paire de bottines, sans lui indiquer la forme qu’il désire. Le savetier fait une forme qui convient à un homme tel que le client. Que décider ?
Le client est tenu de l’accepter. Au contraire, s’il donnait à un teinturier une étoffe pour la teindre, sans lui indiquer la couleur, et que l’ouvrier la teignait en une couleur qui sied au client, celui-ci n’est pas tenu de l’accepter, et le teinturier répondra de la pièce d’étoffe, attendu qu’il ne lui a pas commandé la couleur.
« Et quelle est la raison de la différence, demanda-t-on au jurisconsulte ci-dessus, entre le teinturier et le savetier ? »
« Il y a une différence entre les deux, répondit-il, car les bottines se ressemblent toutes à peu de chose près, tandis que les couleurs diffèrent beaucoup, de même que les gens diffèrent énormément au point de vue de la préférence qu’ils donnent à certaines couleurs sur d’autres. Les bottines, au contraire, sont à peu de chose près identiques les unes aux autres. »
-Un homme remit à un meunier du blé pour le moudre puis, trouvant qu’il y avait encombrement, il laissa la charge [de blé] et dit [au meunier] « Ne le fais pas moudre jusqu’à ce que j’assiste à sa mouture. » Que décider, la charge de blé ayant péri ?
Pas de responsabilité à la charge du meunier, car, lorsque le propriétaire du blé a posé comme condition qu’il ne le ferait pas moudre, si ce n’est en sa présence, c’est comme s’il ne le lui avait pas remis.
Les membres du Conseil avaient été partagés sur cette question.
Asbagh ibn Khalîl
Un homme paie son salaire à l’artisan, et celui-ci s’étant levé pour lui sortir son vêtement, l’homme lui dit « Laisse-le [chez toi] pour le moment. » Que décider lorsque l’artisan prétend que le vêtement s’est perdu par la suite ?
Pas de responsabilité à sa charge. Le motif de cette décision est qu’en lui disant « Laisse-le », c’est comme contraire, en cas de contestation sur la couleur commandée. C’est qu’en effet, dans l’espèce ci-dessus, il n’y a pas eu du tout de couleur désignée, et l’on se trouve hors du domaine d’application du principe que nous venons de rappeler. si le client a ajouté foi [à la déclaration de] l’artisan, quant à l’existence du vêtement dans la boutique, et l’a laissé chez lui à titre de dépôt1.
Ibn Al-Hâjj
Que décider, lorsque, le pain s’étant brûlé au four, le boulanger déclare que c’est le pain d’un tel, tandis que celui-ci dit que ce n’est pas son pain ?
La déclaration à admettre est celle du boulanger, et il n’encourra aucune responsabilité. C’est l’opinion d’Ibn Zarb.
Ibn Al-Makwî al-Ishbîlî
Que décider, lorsqu’une esclave, placée chez un juif pour lui donner des soins médicaux, disparaît pendant qu’elle était chez lui ? P
Il en répondra.
Ibn Al-Hâjj
La solution la plus conforme à la vérité, selon moi, est qu’il n’y a pas de responsabilité, à cet égard, à la charge du médecin, lequel sera tenu de prêter serment, s’il est sujet à caution.
La mise de la responsabilité à la charge des artisans n’a lieu, dit-on, que pour les choses susceptibles d’être dissimulées. Or, l’esclave n’est pas une chose de nature à pouvoir être dissimulée.
SECTION II.
DE LA SOCIÉTÉ ENTRE COURTIERS
Abû Imràn
Les courtiers peuvent-ils s’associer valablement pour conclure des ventes chacun séparément et partager ensuite les bénéfices ?
Cela n’est pas permis. Mais s’ils se mettaient tous ensemble pour vendre une même marchandise et se partager ensuite leur rémunération, cela serait permis
DE LA RESPONSABILITÉ
DES COURTIERS
Ibn Rushd
Les courtiers sont-ils responsables de la perte de la marchandise survenue entre leurs mains ? Quelle est la pratique suivie chez vous ? Applique-t-on, dans les rapports du courtier avec celui qui lui confie la marchandise, les mêmes règles que dans ses rapports avec celui à qui il demande lui-même une marchandise pour un acheteur qui l’en a chargé, tel qu’il est d’usage dans les suqs (marchés) ?
La doctrine que j’adoptais dans mes fatwa, comme étant celle que j’approuvais, vu la controverse qui existe sur la question, est qu’on n’ajoute pas foi à la déclaration des courtiers quant à la prétention de la perte [de la marchandise], à moins qu’ils ne soient connus pour leur bonne foi et dignes de confiance. Le principe est, du reste, qu’ils n’encourent pas de responsabilité, vu qu’ils sont des salariés fiduciaires. Cependant, AI-Fadl a raconté, d’après certains disciples de Sahnûn, que celui-ci rendait les courtiers responsables, par analogie avec les artisans. Al-Fadl approuvait cette décision, qui a un point d’appui dans les règles de l’analogie (al-qiyâs).En effet, les courtiers se sont consacrés à ces sortes d’opérations; cela est devenu pour eux un métier une profession. C’est en considération de cette idée que certains docteurs ont rendu responsables le berger associé 2 et le gardien du hammâm 3. De sorte que celui qui assimile les courtiers aux artisans, quant aux objets qu’ils ont reçus pour la vente, sans les avoir eux-mêmes demandés, se trouve obligé de les leur assimiler également, quand il s’agit de marchandise qu’ils ont demandée aux commerçants, pour la vendre à celui qui la leur a commandée. Mais cela n’est pas évident, pour les motifs que nous avons indiqués.
Au cas où, par application de cette dernière opinion, ou du principe qu’ils sont des commissionnaires fiduciaires, les courtiers sont déclarés irresponsables, la perte de ce qui a disparu entre leurs mains sera pour celui qui leur a Ternis la marchandise ou, selon d’autres, pour celui qui les a commis, parce qu’ils sont les commissionnaires fiduciaires des deux parties à la fois. Mais on est en désaccord sur le point de savoir laquelle de ces deux confiances l’emporte sur l’autre. Le plus vraisemblable est de donner la prépondérance à la confiance témoignée par celui qui a envoyé les courtiers, car elle est antérieure en date. Cependant, si l’on disait qu’aucune de ces deux confiances ne doit l’emporter sur l’autre, et que celui qui a commis le courtier est tenu de la moitié de la valeur de la marchandise, cette opinion serait également soutenable
DES CONTESTATIONS ENTRE COURTIERS ET COMMETTANTS
Ibn Lubâba
Un individu a une contestation avec un juif au sujet d’un vêtement que le juif a vendu. Le musulman prétend qu’il l’a vendu au juif sans en toucher le prix, tandis que le juif soutient qu’il est seulement courtier, et que le musulman lui ayant donné l’ordre de vendre le vêtement, il l’a vendu, versé le prix au musulman et touché son salaire. Que décider ?
L’opinion adoptée par la majorité des adeptes de Mâlik et de Sahnûn est que l’on doit admettre la déclaration du juif sous serment. Ces auteurs disent « Quiconque reconnaît [avoir reçu] une chose confiée à sa bonne foi, n’en sera pas tenu comme l’ayant reçue pour son compte 1. » 1. C’est-à-dire qu’il sera cru quant à l’indication des circonstances
« Ceci est évident, dit Ibn Rushd, car celui qui’ réclame le prix de la marchandise est demandeur; c’est donc à lui qu’incombe la preuve tandis que l’autre est défendeur; or, nul ne peut être tenu au delà de ce qu’il a avoué contre lui-même. »
Ibn Abû Zaid
Un homme remet des perles à un autre, et celui-ci les perd. Le propriétaire des perles dit « Je te les ai vendues. » L’autre répond « Tu ne me les a remises que pour les vendre pour ton compte. » Il n’y a pas de témoins entre eux. Que décider ?
On admettra la déclaration de celui qui a reçu les perles, à charge par lui de prêter serment que les perles ont été perdues et qu’il ne les a pas reçues de l’autre à titre d’achat.
Abou ‘Imrân
-Le courtier peut-il se porter lui-même acquéreur d’un vêtement qu’il a été chargé de vendre, lorsqu’il a fait tous ses efforts pour lui faire atteindre le prix le plus élevé aux enchères ?
Il ne doit pas le faire, à moins qu’il n’en informe le propriétaire du vêtement.
-Que décider, lorsque le courtier prétend avoir restitué l’étoffe à son propriétaire, qui la lui avait remise pour la vente, tandis que l’autre nie [cette restitution] ? Pas de responsabilité à la charge du courtier; il n’est tenu d’aucune obligation lorsqu’il prétend que la chose a été perdue ou qu’un vice y est apparu. S’il est suspect, il prêtera serment. Néanmoins s’il a reçu la chose devant témoins, il ne sera quitte qu’en produisant des témoins à son tour. Un homme tel que le courtier est digne de confiance pour recevoir les marchandises des gens, dans les souqs (marchés).
QUESTIONS DIVERSES
Ibn Lubâba
Un salarié, par suite d’une erreur, va moissonner le champ d’un autre que celui qui l’a engagé. Que décider ? Il n’aura droit à un salaire ni contre le propriétaire de la récolte [moissonnée], ni contre celui qui l’a engagé. Il a commis une erreur et ne peut s’en prendre qu’à luimême. Toutefois, si l’homme dont il a moissonné la récolte ne la moissonne qu’en payant des salaires, il devra à celui. qui a commis l’erreur le prix de son travail.
Al-‘Uqbânî
-Un individu a été emprisonné à raison d’une accusation de meurtre ou d’un vol, et il n’a été établi contre lui aucune charge qui entraîne paiement d’une indemnité, talion ou prix du sang (dïa). Qui supportera le salaire du geôlier ?
Le salaire du geôlier, en l’espèce, est à la charge de celui qui a intenté l’action pour cause de meurtre, ou qui a prétendu [être victime] du vol.
-Un boulanger faisait cuire le pain de son gendre pendant environ quinze ans, le gendre étant d’ailleurs indigent. Puis, celui-ci étant revenu à meilleure fortune, le boulanger veut maintenant lui réclamer le prix de la cuisson pour toute la durée sus-indiquée. En a-t-il le droit ? Le silence du boulanger à réclamer [le salaire] pendant la durée que vous avez indiquée, ajouté à la parenté que vous avez mentionnée, montre évidemment qu’il faisait cuire le pain de ce gendre gratuitement. En conséquence, il ne pourra le poursuivre, ni alléguer qu’il ne s’était abstenu de lui réclamer son salaire qu’en considération de son indigence en effet, ce que le boulanger reçoit chaque mois est une somme minime, qui ne dépasse guère les moyens de la plupart des pauvres. Aussi, la prétention du boulanger est-elle nulle.
DU LOUAGE DES BÊTES DE SOMME ET DES NAVIRES KIRA AR-RAWÂHIL WA-D-DAWÂBB
SECTION I. DU LOUAGE DES BÊTES DE SOMME
Al-Khawlâni
Un homme loue des bêtes de somme avec leurs bâts et leurs sacs L’une des montures ayant disparu avec sa charge, le locataire laisse les autres auprès d’un autre individu et s’en va à la recherche de celle qui s’est égarée. Mais voici qu’une autre bête disparaît. Que décider ?
Le locataire n’est pas responsable de la perte de la première, ni de son bât, s’il l’a loué en même temps que la bête, à moins que son mensonge ne devienne évident. Et il ne répond pas de la seconde bête, ni de ce qu’elle portait, s’il l’avait laissée auprès d’un homme de confiance, qu’on ne peut soupçonner au sujet de la bête disparue. Mais si celle-ci était auprès d’un homme qui n’est pas digne de confiance, le locataire sera responsable. Enfin si une récompense conditionnelle a été promise à celui qui rechercherait l’animal, cette récompense sera, dans tous les cas, à la charge du propriétaire de la monture: c’est l’opinion d’Ibn Lubâba.
An-Nawawî
Un homme loue une monture et, l’ayant montée, il lui donna des coups tels qu’on en donne habituellement elle en mourut. Que décider
Nos confrères ont ditqu’il n’y a pas de responsabilité dans ce cas, car cela (la mort) est résulté d’un acte qu’on a le droit de faire. Ils ont ajouté que la différence entre ce cas et celui où le mari donne des coups à sa femme qui en meurt, dans des circonstances où il en est responsable, tient à ce que le mari peut corriger sa femme sans la frapper, contrairement à ce qui en est de la bête
Ibn Lubâba
Un homme loue d’un autre une monture. Celle-ci s’étant égarée, le locataire et le propriétaire promirent tous deux une récompense à quiconque l’amènerait. Lequel des deux supportera [le paiement] de la récompense ? P 1. La kounya de ce jurisconsulte malékite est Aboù ‘Abd Allah. JI est connu sous le nom d’An-Nahwi et est l’auteur d’un abrégé de la Moudammana. Sa patrie était Valence, où il mourut aveugle en 364/974
La récompense est à la charge de celui qui l’a promise. Le propriétaire de la monture ne doit rien.
Ibn Abû Zaid
Un individu donne en location des montures à un juif. Le jour du sabbat arrivant, le juif veut que ce soit un jour de repos 2. Doit-on condamner le musulman, en faveur du juif, à se reposer le samedi ?
Non, le musulman ne sera point condamné. De même, s’il y a entre eux un procès et que le jour du samedi arrive, il faut décider que le juif comparaîtra avec le musulman, ou qu’il donnera pouvoir à un mandataire, car il s’agit d’un procès entre un musulman et un tributaire (dhimmî).
DES AFFRÈTEMENTS
Ibn ‘Abdûs (m. 273)
Des individus affrètent un navire pour un transport de marchandises et s’embarquent eux-mêmes sur un autre navire. Lorsque le premier arriva, son capitaine prétendit que la tempête les ayant saisis, ils ont jeté les marchandises il n’y a pas d’autres témoins que ceux dont la déclaration n’est pas admissible. Que décider dans ce cas, et dans celui où la marchandise consisterait en denrées alimentaires ?
Le capitaine du navire sera cru, selon l’opinion d’Ibn Al-Qâsini, quand il s’agit d’objets mobiliers autres que les denrées alimentaires. Au contraire, d’après l’opinion d’Ashhab, on n’ajoutera foi à sa déclaration que s’il y a des témoins.
Quant à ce qui est des denrées alimentaires, le capitaine ne sera cru [quant à leur jet] que s’il y a des témoins, selon l’opinion des deux jurisconsultes ci-dessus.
Abû Muhammad
Un navire qui était à Mahdia (Tunisie) fut surpris par la tempête ayant heurté de sa coque le fond de la mer, on craignit que sa perte ne s’ensuivit. Aussi, les commerçants jetèrent-ils [à la mer] une partie de sa cargaison, pour l’alléger et l’empêcher de toucher le fond de la mer. La tempête ayant cessé, le navire échappa au péril. Les propriétaires du chargement voulurent alors faire contribuer le navire dans la valeur de ce qu’ils en ont jeté. Le capitaine du navire s’y refuse. Que décider ? Si une partie de la cargaison du navire a été jetée, de crainte qu’il ne pérît du choc de son fond [contre les rochers de la mer], il contribuera dans la valeur [de ce qui a été jeté]. On fera état, à sa charge, de la part qui lui incombe dans la valeur de ce qui a été jeté.
Ibn Sahnûn
Un homme affréta un navire pour un voyage de Sicile à Sousse (Tunisie). Le vent les ayant jetés dans les parages de Tunis, le capitaine du navire vira dans la direction de ce port, et l’on y débarqua. Les passagers payèrent des droits de douane plus élevés que d’habitude. Certains des passagers ayant demandé à arriver jusqu’à Sousse, le capitaine leur répondit « Vous supporterez [tous] le prix du passage [intégralement], et vous aurez le choix de rester ici ou de continuer le voyage avec moi, jusqu’à Sousse. » Que décider?
Si le port où ils ont débarqué est sûr, celui qui a fait virer le navire sans l’autorisation des commerçants, répondra de ce que le Sultan leur a fait payer. Il en est de même, si, pouvant aborder à un autre port sans danger, il l’a abandonné pour cingler vers celui-ci (Tunis). Mais si ce port-là n’était pas sans danger, et que le capitaine ait été forcé de se réfugier dans celui-ci (Tunis), il ne devra rien.
Quant à ceux qui veulent débarquer [leurs marchandises] à Tunis en payant un fret proportionnel, s’il y a péril à ce qu’ils se rendent à Sousse, ils sont libres de débarquer à Tunis ou de continuer le voyage jusqu’à Sousse; mais dans les deux cas il est indispensable qu’ils paient le prix du voyage intégralement.
Abû-l-Qâsim ibn Ward
Un capitaine de navire s’engage à transporter cent brebis à l’île Majorque. Mais le vent le ralentit jusqu’à ce que les brebis eussent mis bas. Est-il tenu de transporter le tout, comme dans le cas de la femme qui accouche durant le voyage à La Mecque ou autre ? Cette espèce s’est présentée dans la pratique.
Cette question n’est pas analogue à celle de la femme qui accouche pendant le voyage pour le pèlerinage. Elle est identique à celle du troupeau de brebis, pour lesquelles on a loué un berger, et qui mettent bas. La réponse, en ce cas, est que l’on se conforme à l’usage, s’il y en a un. Sinon, le berger n’est pas tenu de faire paître les petits, si ce n’est moyennant un salaire correspondant. Dans l’espèce présente, on ne connaît pas d’usage coutumier. En conséquence, le capitaine est obligé de transporter les petits des brebis en question moyennant le fret dû pour des petits semblables, mais non calculé d’après le taux fixé pour les mères.
Et c’est de Dieu qu’il convient d’implorer l’assistance
DE LA SOCIÉTÉ ASH-SHARIKA
DE LA FORMATION DE LA SOCIÉTÉ
Abû-l-Qâsim ibn Ward
Un individu achète du blé en une année qui n’est pas une époque de famine, mais il ne restait pas d’autre blé au marché. Un individu voulut alors y participer avec lui. L’acheteur refusa et lui dit « C’est une chose que tu trouveras. » N’y a-t-il pas de différence selon que l’année est ou non une année de disette ? C’est une question qui se présente souvent.
L’association en pareil cas, d’après toutes les règles du rite et d’après ce que comporte la doctrine, pour qui sait en comprendre le sens, n’est obligatoire que s’il y a une des quatre conditions suivantes
1° Lorsque la chose se passe entre gens qui n’ont qu’un seul marché et pour s’aider mutuellement à subsister. 2° Lorsque c’est le moment le plus favorable à l’achat de la denrée, pour permettre [à celui qui demande à s’associer] de profiter du bas prix.
3° Lorsqu’il y a à cet égard un usage pratiqué par la population, et qui tient lieu de condition.
4° Lorsqu’ils [ceux qui demandent à s’associer] tombent d’accord avec l’acheteur pour cela.
Dès lors, si cet homme, au sujet duquel vous questionnez, rentre dans l’une de ces catégories, il aura droit à la société. Sinon, non. Et c’est d’Dieu qu’il faut implorer l’assistance.
Al-‘Uqbânî
Que décider lorsqu’un individu ne produit qu’un seul témoin de la société qu’il allègue ?
Il jurera en conformité de la déposition de son témoin et la société sera prouvée en sa faveur. Si l’on trouvait un second témoin honorable pour reconnaître l’écriture de l’associé qui nie, cela serait considéré comme si l’aveu de celui-ci était prouvé, et le demandeur n’aurait pas besoin de prêter serment. Certain docteur du rite est d’avis que lorsqu’un individu nie son écriture et qu’il n’y a pas de preuve testimoniale contre lui, à ce sujet, il lui sera ordonné d’écrire et d’écrire longuement. S’il appert que l’écriture est semblable à celle qui est niée, jugement sera rendu contre lui sinon, on ne tranchera pas [l’affaire] en se basant sur l’écriture et l’on recourra à un autre moyen.
Ibn Makki
Quel est le mode d’association permis par la loi, relativement aux abeilles ?
Un docteur de ceux que nous avons connus, a dit « La société, appliquée aux ruches d’abeilles, est permise, à condition que l’on achète à leur propriétaire une part de ces ruches, après avoir pris connaissance de leur nombre, de la productivité ou de la faiblesse des abeilles qu’elles renferment, de l’abondance ou de la paucité du miel qu’elles donnent. » On traitera pour cette part, dans les conditions sus-énoncées, avec le propriétaire ou son mandataire, moyennant un prix déterminé payable à terme, et à la condition que la main-d’œuvre sera à leur charge à tous deux, au prorata de leurs parts.
Si l’un d’eux s’engage spontanément à prendre à sa charge toute la main-d’œuvre, et cela après la conclusion de la société en due forme, cela est permis. Enfin si, dans l’acte de société, l’un d’eux stipule contre l’autre qu’il fournira un travail déterminé pendant une période déterminée, cela est permis également.
Abû-l-‘Abbâs Al-Abyânî
Est-il permis à deux professeurs, dont l’un est aveugle et l’autre doué d’une bonne vue, de s’associer ensemble ?
Cette association est permise.
Ibn ‘Arâfa
Cette espèce s’était produite anciennement à Qairouân, et je n’ai pas entendu qu’une décision ait été enregistrée à cet égard. (Abû ‘Imrân.) Cette association est permise si l’enseignement des professeurs est oral. Elle serait défendue si l’un d’eux enseignait l’écriture, tandis que l’autre enseignerait oralement.
Al-‘Abdalli est d’un avis contraire à cette dernière décision.
Ibn Lubâba
Un individu achète du chanvre et n’ayant pas avec lui de quoi payer, il va trouver un homme et lui dit « Paie-le, et tu seras avec moi à titre d’associé. » Que décider? Le bailleur de fonds n’aura que son capital. Quant à ce qui peut résulter de la marchandise, en fait de bénéfice ou de déficit, il profitera à l’acheteur ou sera supporté par lui.
DES EFFETS DE LA SOCIÉTÉ ENTRE ASSOCIÉS
Ibn Abû Zaid
Deux associés vendent leur marchandise et enfourchent leurs montures pour aller toucher le prix de la marchandise. Ils attachèrent leur monture dans un certain endroit. Une monture ayant disparu, l’un des associés donna une certaine somme à un homme pour la chercher. La monture fut ensuite trouvée dans la maison d’un individu. La somme donnée est-elle à la charge des deux associés ou de celui-là seul qui a donné ? P
Si l’autre associé ne l’a pas autorisé à donner cette somme, ni consenti [après coup], il n’y contribuera en aucune proportion, même, ajoute un auteur, lorsque la somme a été payée à un homme dont c’est le métier de rechercher les objets perdus.
DE L’ADMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ
Al-‘Utbî
Des associés possédaient en commun un troupeau de moutons, qu’ils poussaient devant eux vers le marché, pour le vendre. Quelques-uns d’entre eux dirent « Nous allons [vous] devancer à la ville pour indiquer aux commerçants l’arrivée de ce troupeau et qu’ils peuvent l’acheter ici. » Certains de ces associés se rendirent donc à la ville, tandis que les autres restèrent dehors avec le troupeau. Les premiers étant entrés dans la ville, informèrent les commerçants de l’arrivée du troupeau et le leur vendirent d’après la description. D’autre part, ceux qui étaient restés en arrière vendirent également le troupeau sur place et l’acheteur extérieur prit possession [du troupeau] et paya le prix. A qui appartient le marché ?
Le marché appartient à celui qui a acheté le premier, à moins que l’autre acheteur n’ait déjà obtenu la délivrance. Dans ce cas, il a plus de droit que le premier. Si le premier acheteur nie que le second ait obtenu la délivrance, c’est à celui-ci à faire la preuve qu’il a reçu l’objet acheté.
Abû Sâlih
Deux associés possèdent en commun un champ de céréales l’un d’eux désire le faire garder contre le sanglier et le lièvre, tandis que son associé s’y refuse. Que décider ?
Ils seront traités d’après ce qui est en usage parmi les associés.
DE LA RÉPARTITION DES BÉNÉFICES ET DES PERTES
Ibn Rushd
Deux associés en bœufs possèdent l’un vingt bœufs, l’autre vingt-deux. Ce dernier en mit vingt en société avec l’autre et conserva la propriété exclusive des deux restants. Un des bœufs étant mort, celui qui n’en possède que vingt dit que le bœuf mort est l’un des deux qui sont restés en dehors de la société, tandis que l’autre soutient que c’est l’un des bœufs de la société. Que décider?
La perte sera supportée par quarts, à raison d’un quart par celui qui possède vingt bœufs et de trois quarts par celui qui possède les deux bœufs en excédent, car la prétention de celui-ci 1 met [déjà] à sa charge la moitié de la perte. Quant à l’autre moitié, il prétend, lui, qu’elle doit être supportée par son associé, tandis que celui-ci dit qu’il n’en est nullement tenu. On partagera donc cette moitié en deux, de-sorte que celui qui a vingt-deux têtes supportera [en définitive] les trois quarts de la perte, tandis que l’autre en supportera le quart.
-Un des amis du jurisconsulte ci-dessus, lui dit « C’est donc comme la question des cent et un dînârs dont il se perd un sur la totalité, et qui est controversée » « Parfaitement », dit Ibn Rushd.
Il en est ainsi, dit-on, lorsque les deux boeufs sont individualisés, mais qu’on n’a pas pu les identifier. Mais s’ils étaient mêlés au reste [des bœufs], la valeur estimative [du bœuf perdu] aurait été supportée proportionnellement au nombre des têtes, d’après le calcul des fractions, ainsi que le dit Mâlik, comme l’ont expliqué Al-Lakhmî et d’autres au sujet de cette question.
Al-Yaznâsni
Un individu achète une parcelle de terre, sur laquelle se trouvaient quelques figuiers, parmi lesquels il y avait un vieux tronc. Cet individu prend des rameaux du vieux figuier et les plante dans ladite parcelle, où ils se ramifient et produisent des arbres. Puis le bruit se répand qu’une tierce personne est propriétaire, pour le tiers, du vieux figuier. Cette personne demande à l’acheteur de la parcelle de la mettre en possession de son tiers dans tous les arbres produits par les rameaux pris sur le figuier dont elle est propriétaire pour le tiers. L’acheteur de ladite parcelle s’y oppose. Le propriétaire du tiers du vieux tronc aura-t-il un tiers de tout ce qui a été planté parmi les rameaux pris sur le vieux tronc et qui s’est ramifié sur ladite parcelle ? Éclaircissez-nous cela, puissiez-vous être récompensé. Et Que Dieu fasse durer votre tranquillité. Sur vous soit le salut ainsi que la miséricorde de Dieu Le copropriétaire du tiers du vieux figuier a droit au tiers de tous les arbres produits par les rameaux sur ce figuier indivis. Il est libre d’arracher les arbres qui composent sa part et de les emporter là où il lui plaira.
Ibn Kinânâ
L’un des deux associés s’étant absenté, l’autre obtient le paiement d’une créance leur appartenant en commun. La somme perçue est perdue que décider ?
La perte sera supportée par les deux, car cela peut arriver. Mais si l’associé [qui allègue la perte] est suspect, il prêtera serment.
Barakât al-Barûnî
Trois frères ouvrirent une boutique pour y faire le commerce de la laine2. L’un d’eux s’y occupa delavente et des achats, jusqu’au jour où il mourut, laissant des filles et ses deux frères susdits. L’un de ceux-ci s’occupa à son tour de la vente et des achats, jusqu’au jour où il mourut, laissant deux filles et le frère sus-indiqué, lequel prit la place de ses deux frères. Puis la fortune augmenta entre les mains de ce dernier frère, qui se mit à acheter des jardins et des champs. Quant à ses neveux, ils étaient mineurs sous la tutelle de leur oncle. Puis quand celui-ci fut à l’article de la mort (ou dans l’état de santé), il requit témoignage que tout ce qu’il laissait serait en commun entre ses enfants et ses neveux mâles à l’exclusion des femmes. [Que décider ?]
J’ai lu votre question consignée au verso et j’ai compris ce que vous désirez connaître par votre question. La réponse, d’après ce que comportent les f étwàs rendues par les jurisconsultes à ce sujet, est que, s’il y a une preuve testimoniale que les trois frères n’avaient pas d’autres biens que ceux qu’ils ont mis dans la boutique, tout ce qu’ils ont gagné par la suite sera en commun entre eux, car ils ont eu en vue la société universelle de tous biens. Tout ce que l’un d’eux aura acquis, sera en copropriété avec ses associés et les héritiers de celui d’entre eux qui sera mort, lesquels viendront aux lieu et place de leur père, jusqu’à ce qu’il soit procédé au partage. Il en sera de même s’il est prouvé que les trois frères étaient associés dans tout ce qu’ils possédaient, encore que le mandat général [donné par tous à chacun d’entre eux] ne soit pas établi.
Si l’un d’eux prétend avoir acquis certains biens pour son compte personnel, sa prétention n’aura aucun effet, car il était mandataire or le mandataire ne peut conserver à lui seul les bénéfices. Les héritiers [des autres frères décédés] auront, à leur majorité, l’option de devenir les associés du frère survivant, quant à la chose acquise, ou de le rendre responsable de leur part dans le prix de celle-ci. Mais si ce frère survivant, ou tous les frères n’ont pas fait entrer tous leurs biens dans la société et qu’ils se soientréservé une portion de biens qu’ils n’ont pas mis dans la boutique en question, ou enfin, si l’un d’eux a acquis des biens après la conclusion du contrat de société, cette acquisition étant d’ailleurs prouvée par témoins on devra, dans ce cas, s’en remettre à la déclaration de celui qui a fait l’achat, lorsqu’il affirme que le prix de la chose ne provient pas des deniers de la société. Il prêtera d’ailleurs serment à ce sujet et affirmera aussi, sous serment, qu’il n’a pas eu l’intention de faire entrer ladite chose en société. Dans ce cas, il gardera la chose acquise en propre, à l’exclusion de ses associés et de leurs enfants. (Abû-l-Fadl Râshid ibn Aboâ Râshid Al-Walîdî. T. V, pp. 109-110.) Un individu achète la moitié [indivise] d’une jument, à la condition de prendre-à sa charge la totalité de la nourriture de celle-ci et de son croît pendant la durée de la société dont elle est l’objet, l’acheteur ayant, d’ailleurs, le droit exclusif de monter ladite jument. Cette vente est-elle nulle ? Si oui, quels sont les droits de chacune des parties vis-à-vis de l’autre, étant donné que l’opération a eu lieu pendant une année de disette ?
Si la condition dont il s’agit a été insérée dans l’original du contrat de vente, celle-ci est nulle. L’acheteur se fera restituer la même quantité de fourrage que la jument a mangée. Il ne pourra exiger la valeur estimative de ce fourrage, ni celle des soins qu’il a donnés lui-même à la jument.
DE LA COMMUNAUTÉ OU QUASI-SOCIÉTÉ
Al-‘Abdûsî
Deux individus sont copropriétaires par indivis d’une jument, mais ils n’ont pas accédé à sa propriété par la même voie. Au contraire, chacun d’eux a acheté d’un vendeur différent de celui qui a vendu à l’autre associé. L’un d’eux demande la vente de toute la jument par un seul et même acte, ou que l’un d’eux la prenne pour son compte. L’autre refuse la vente du tout et dit « Vends ta moitié à qui tu veux. » Mais le premier répond « Je ne trouverai personne qui veuille devenir ton associé et qui paie un bon prix. » Expliquez-nous cela.
La réponse est qu’il n’appartient pas à l’associé de contraindre son associé à vendre, en même temps que lui, l’objet de leur société, sauf lorsqu’ils y sont entrés [en société] à la suite d’un seul et même fait, par succession, vente ou autrement. Mais s’ils sont devenus propriétaires chacun de sa moitié isolément, celui qui demande à vendre le tout en un seul marché, ne peut pas contraindre celui qui s’y refuse. C’est cette opinion que le qâdi ‘Iyâda enregistrée.
Sahnûn
Deux hommes sont copropriétaires d’un navire. L’un d’eux ayant voulu charger des objets à lui appartenant, dans la partie du navire dont il est propriétaire, l’autre, qui n’avait rien à charger, lui dit « Je ne te laisserai rien charger dans le navire, si ce n’est moyennant fret. » L’autre répondit « Je charge la partie dont je suis propriétaire. » Que décider?
Le copropriétaire a le droit de charger la partie du navire qui lui appartient. Il ne sera pas condamné à payer le fret à son associé. Celui-ci a le droit de charger comme lui la même quantité de marchandises ou de bagages. Sinon, le navire sera vendu par autorité de justice.
Al-Mâzarî
Une reine d’abeilles s’envole d’une ruche et s’en va auprès d’une autre reine appartenant à un autre individu. Que décider ?
Le jurisconsulte dénommé ci-dessous répondit que, si l’on ne peut pas distinguer la reine qui s’est envolée, elle appartiendra en commun aux deux propriétaires des ruches. Comme on lui demandait pourquoi il s’était rangé à cette opinion, alors que l’une des deux opinions exprimées dans la Mudawwana est en sens contraire, et attribue la reine au propriétaire de la seconde ruche, il répondit
« Sache que les choses susceptibles de propriété se divisent en deux catégories. Il en est dont la propriété se rattache à ce fait seul qu’elles existent, comme les marchandises, l’esclave né chez le maître, du commerce de deux esclaves à lui appartenant. Il en est ainsi de toutes les autres choses dont la propriété se rattache à leur existence même. Pour toutes ces choses, il n’y a pas de divergence que leur propriété reste à celui à qui elles appartiennent, lors même qu’il a cessé de les détenir.
« La seconde catégorie comprend les choses dont la propriété est liée à leur possession matérielle. Il en est ainsi des animaux sauvages qui sont pris à la chasse leur propriété est liée à leur détention matérielle. De sorte que, s’ils venaient à échapper à leur propriétaire et se trouvaient appréhendés par un autre, on n’est pas d’accord pour savoir s’il faut les attribuer au premier ou au second propriétaire.
« C’est ainsi que Mâlik, parlant d’une terre morte qu’un individu a vivifiée, et dont un autre individu est venu prendre possession sans rien donner en échange, en a attribué la propriété à ce dernier. On applique ces mêmes règles aux animaux non domestiques dont on se saisit, comme les gazelles ou autres, parce qu’il est possible de retenir ces animaux. Il en est différemment des abeilles, qui ne s’apprivoisent jamais, prennent leur vol et s’en vont à la campagne. Il en est de même des pigeons. »
Sahnûn a des doutes sur le point de savoir si les abeilles doivent ou non être considérées comme des animaux sauvages. Or, si nous admettons que les abeilles ne sont pas sauvages, elles doivent appartenir, dans l’espèce présente, au premier propriétaire, sans divergence aucune. Si nous les considérons, au contraire, comme des animaux sauvages, on est alors partagé sur le point de savoir s’il faut les attribuer au premier ou au deuxième propriétaire. De sorte que, dans le premier système, la reine appartient, sans controverse, au premier propriétaire, et, dans le second, il y a aussi une opinion qui la lui attribue. Il se peut cependant que l’opinion contraire soit la meilleure. Aussi, suis-je d’avis que la question est sujette à la dis- cussion sur les règles applicables aux mélanges (al-ikhtilâtât).
?
Un chemin appartient par indivis à deux propriétaires. L’un d’eux voulant bâtir sur la partie qui lui appartient, l’autre s’y oppose. Que décider?
Le propriétaire de la terre n’a pas le droit de bâtir jusqu’à la limite qui lui appartient. S’il bâtissait, et si l’autre en faisait autant jusqu’à sa limite, le chemin disparaîtrait. On doit donc laisser ce chemin en l’état, chacun d’eux en ayant droit à la moitié. On démolira ce que l’un d’eux a bâti, sans que le silence de l’autre puisse lui nuire.
Al-Qâbisî
Un homme est propriétaire d’une rivière qui traverse l’héritage d’un autre. A qui appartiennent les roseaux qui viennent à pousser dans la rivière ?
Les roseaux et Dieu le sait mieux appartiennent au propriétaire de la terre [traversée]. Le propriétaire de la rivière n’a droit qu’au passage de l’eau purement et simplement.
Ibn ‘Attâb
Un homme donne comme cadeau de noce à sa femme la moitié indivise de ses biens. Quid, s’il en vend ensuite une part indivise ?
Si le mari a vendu la moitié ou moins, la femme n’a pas d’autre réclamation à faire qu’en ce qui concerne la shoufa (retrait d’indivision). Si c’est plus de la moitié, comme si le mari vendait les trois quarts, elle aura un recours pour tout ce qui excède la moitié de la chose vendue. Quelle que soit la chose, on suivra cette procédure
D’après Ibn Al-Qattân, la vente porte indivisément sur le tout, et la femme a le droit de recourir pour la moitié de ce qui a été vendu.
DE LA CONCESSION BÉNÉVOLE DE SERVITUDES _ AL-IRFÂQ
De la servitude de passage.
Al-Yâliçûtî
Le propriétaire du fonds en question ne peut s’opposer à celui qui voudrait créer, sur la route, un pacage pour son troupeau. Mais on empêchera celui-ci de causer du dommage au propriétaire du fonds on lui ordonnera de conduire son troupeau de manière qu’il n’en résulte pas de préjudice, soit en conduisant ses bêtes muselées, ou une à une, soit en les faisant passer en deux files sur les deux côtés de la route, si cela peut supprimer le préjudice.
Ibn Lubb
Un individu vend une parcelle de terre, traversée par un chemin appartenant à un tiers. Une contestation s’élève sur le chemin lui-même et sur sa largeur, vu que ce chemin est destiné aux bêtes de somme et autres. Que décider ?
La règle est qu’on fixera, au profit du propriétaire du chemin, une largeur suffisante pour marcher lui-même avec ses bêtes. On le saura en suivant la coutume en usage dans les cas semblables.
DE LA SERVITUDE D’ÉCOULEMENT
Sidi Misbâh
Des individus possèdent un canal qui amène l’eau d’irrigation dans leurs terres. Chacun d’eux a droit à une quantité d’eau déterminée At s’en sert une ou deux fois par jour lorsqu’elle traverse son fonds, suivant la quantité qui lui revient, puis la laisse passer à son voisin et ainsi de suite. Sur ce point, il n’y a aucune contestation entre les parties. Mais quand la pluie tombe, les eaux s’accumulent dans les fonds situés au-dessus du canal et viennent grossir celui-ci, qui, arrivé à son point terminus, cause des dégâts au terrain où il déverse son trop-plein. Parfois même, la rigole, grossie par les eaux de pluie, déborde avant d’arriver à son point terminus, et submerge la terre de ce propriétaire intermédiaire. Le propriétaire du terrain où se jette la rigole intenta alors une action aux propriétaires des fonds traversés par le canal, en leur disant « Que chacun de vous démolisse le canal dans la partie qui traverse son fonds, en sorte que l’eau amenée par la rigole se déverse dans son terrain par cette issue. » Les propriétaires de ces terres ont répondu « Nous avons tous des droits égaux à ladite rigole l’eau coulera, et ce dont le torrent viendra la grossir restera en l’état. Que cette eau nuise à qui elle aura nui, ou profite à qui elle aura profité. » Que décider ? Si les choses sont telles que vous les avez décrites, les propriétaires des fonds supérieurs ne seront point contraints à percer le canal qui amène l’eau accumulée par le torrent, vers les terrains sus-dits. Le propriétaire du fonds inférieur s’ingéniera à écarter l’eau de son terrain. S’il n’y parvient pas, c’est un malheur qui serait venu fondre sur lui, pourvu, toutefois, que les propriétaires des fonds supérieurs n’en soient pas la cause.
Ibn Lubb
Un individu achète une maison, et le vendeur stipule contre lui que la maison subit l’écoulement de l’eau de pluie de là ‘maison de son voisin. L’acheteur prétend empêcher son voisin de faire les ablutions (oudû) dans le canal en question, lequel est destiné à l’écoulement de l’eau de pluie. Que décider ? ` Je suis d’avis que l’acheteur a le droit d’empêcher son voisin de faire couler l’eau des ablutions [oudoù) dans le canal sus-mentionné, car l’eau de pluie n’existe pas d’une manière permanente, par tous les temps, tandis que l’eau des ablutions a ce caractère. Or, nul n’a le droit d’aggraver un dommage
DE L’ENCLAVE
al-Yaznâsnî
Deux frères se partagent une terre qu’ils ont reçue en héritage de leur père, ladite terre étant en bordure d’une vieille route. Le lot qui était en bordure de la route échut à l’un des frères, tandis que l’autre eut un lot sans accès, si ce n’est en passant sur le terrain de son frère, qui borde la route. Or, ils n’ont pas déclaré, au moment du partage, que le propriétaire de l’enclave pourrait passer sur le lot de son frère, lequel d’ailleurs ne lui a pas refusé ce droit. Le propriétaire du lot sans accès désire, maintenant, traverser le terrain de son frère pour se rendre au sien, mais son frère l’en empêche. Ce partage est-il valable, le propriétaire de l’enclave devant avoir le droit de passage sur le lot de son frère ? Celui-ci peut-il l’en empêcher, jusqu’à ce qu’il soit procédé à un nouveau partage, dans lequel on spécifiera les droits de chacun à ce sujet ?
Le propriétaire de l’enclave aura le passage sur le terrain de son frère, à moins qu’il ne soit stipulé qu’il n’aura pas ce droit. Telle est la doctrine, bien que la question soit controversée.
D’après le jurisconsulte Sidî Misbâh ibn Muhammad, à défaut de toute convention, le propriétaire du lot qui est en bordure de la route aura l’option, ou de maintenir le partage en consentant au passage de son voisin sur son terrain, ou, s’il refuse, d’annuler le partage et de procéder à un nouveau, en stipulant que le passage sera à la charge de celui qui aura la route, sauf à lui augmenter son lot, en compensation de cette charge.
SERVITUDES DIVERSES
Sidi Misbâh
Un individu possède une aire pour le battage des grains, tout près et même contiguë à une terre appartenant à un autre individu. Quand arrive le moment du battage, l’ouvrier batteur se trouve obligé de stationner sur le terrain de cet individu. Souvent même les épis débordent sur ce terrain ou bien les bœufs, s’échappant de l’aire, y vont piétiner. Aussi le propriétaire duditterrain veut-il empêcher le propriétaire de l’aire de se livrer à tous ces empiétements. En a-t-il le droit ? ou ne l’a-t-il pas, à raison de ce que ce sont là des conséquences inévitables du voisinage de l’aire ? a
Si les choses que vous avez décrites sont établies, le propriétaire du terrain n’a pas le droit d’empêcher le possesseur de l’aire de laisser stationner ou passer ses bœufs sur le terrain en question. Cela ne constitue pas un dommage dont la cessation soit prescrite.
Ibn ‘Arafa
Un homme autorise son voisin à planter une solive dans son mur. Le mur s’étant ensuite écroulé, le propriétaire qui a autorisé l’enfoncement de la solive l’a reconstruit. Son voisin lui demanda alors de replacer sa solive comme elle était en vertu de la première autorisation, mais l’autre refusa. Que décider ?
Si l’écroulement du mur est dû à la faiblesse de sa construction et non à une cause qui a été suscitée volontairement, on ne condamnera pas le propriétaire à subir de nouveau l’enfoncement de la poutre. Sinon, il y sera condamné, pourvu, toutefois, que l’autorisation n’ait pas été temporaire, dès le début.
Al-Haffâr
Un individu est propriétaire d’un arbre sur le terrain d’autrui. L’arbre ayant besoin d’être étayé, à raison de ce qu’il penche trop et menace de tomber, son propriétaire prie son voisin de lui permettre de planter un tuteur sur son fonds pour maintenir l’arbre. L’autre refuse et demande une indemnité exagérée. Le propriétaire de l’arbre (le mûrier) invoqua alors que l’endroit où il devait planter le tuteur n’était pas soumis au droit de propriété de son voisin. Est-il vrai que les jurisconsultes ont dit qu’on entoure le tronc de l’arbre d’une corde, dont on place ensuite un des bouts contre le tronc, et que tout le terrain atteint par l’autre bout de la corde appartient au propriétaire de l’arbre, qui peut en jouir comme il lui plaît, sans que le propriétaire de la terre ait rien à objecter? Expliquez-nous, monseigneur, la règle juridique à cet égard. A-t-il le droit d’étayer son arbre, que le propriétaire de la terre le veuille ou non, et à quelque endroit que le tuteur soit placé; ou bien doit-il se contenter du terrain déterminé par la longueur de la corde qui entoure le tronc de l’arbre ? Cette opinion des jurisconsultes, que je vous ai indiquée, au sujet de la corde, est-elle vraie ? Celui qui est propriétaire d’un arbre planté dans le terrain d’autrui, est propriétaire de la place occupée par l’arbre et du harîm de celui-ci. Le harîm est une portion de terrain qui entoure l’arbre, le protège et l’alimente d’eau, lorsque celle-ci arrive dans ledit harîm. Il varie avec les différentes variétés d’arbres, et l’on s’en rapporte, à ce sujet, à la décision des gens compétents, les agriculteurs. Ceux-ci déterminent l’étendue du harîm qui appartiendra au propriétaire de l’arbre. Si celui-ci vient à tomber, son propriétaire peut le remplacer s’il penche et a besoin d’être étayé, et qu’il soit possible de planter l’étai dans les limites du harîm, il pourra le faire, sans que le propriétaire du terrain puisse l’en empêcher, puisqu’il plante l’étai dans sa propriété qui est le harîm de son arbre. Mais si l’arbre penche au point que, débordant du harîm, on ne puisse planter utilement l’étai que dans le terrain d’autrui le propriétaire peut s’y opposer, jusqu’à ce qu’on lui accorde satisfaction.
Quant à l’opinion d’après laquelle on entoure le tronc de l’arbre d’une corde, laquelle déterminera ensuite le rayon du cercle de terrain qui appartiendra au propriétaire de l’arbre, je ne me souviens pas que les faqîh (jurisconsultes) en aient parlé. Mais cette opinion est répandue. Cependant, elle prête à l’équivoque, car le tronc de l’arbre augmente de grosseur avec les années, de sorte que le harîm varierait constamment. Aussi, l’opinion la plus digne de confiance est celle des faqîh, à savoir, que l’on doit s’en remettre aux personnes de compétence en matière d’arboriculture.