1. La Sicile est de forme triangulaire : de là ce premier nom de Trinacria qui lui a été donné et qui s’est changé plus tard en celui de Trinakia, plus doux à prononcer. Les trois pointes ou promontoires qui donnent à la Sicile cette configuration particulière sont :
1° le Pelorias, lequel forme, avec le cap Caenys et Colonne-Rhégine, le Détroit proprement dit ;
2° le Pachynus, qui, tourné comme il est vers l’orient, se trouve battu par les flots de la mer de Sicile et regarde le Péloponnèse et la mer de Crète ;
3° enfin, du côté de la Libye, juste en face de cette contrée et droit au couchant d’hiver, le Lilybaeum.
Sur les trois côtés que déterminent les promontoires en question, il y en a deux qui sont sensiblement concaves ; le troisième au contraire est convexe, c’est celui qui est compris entre le Lilybaeum et le Pelorias. Celui-là est aussi le plus grand des trois, car il mesure 1700 stades , 1720 même, au calcul de Posidonius. Des deux côtés restants, l’un est encore plus grand que l’autre, c’est celui qui va du Lilybaeum au Pachynus, [il est de 1550 stades] ; quant au plus petit, lequel se trouve compris entre le Pelorias et le Pachynus, il n’est guère que de 1130 stades.
Le périple de la Sicile, d’après ces mesures de Posidonius, est donc de 4400 stades ; mais à la façon dont le Chorographe romain décompose les trois côtés de l’île et évalue en milles ces distances partielles, ledit périple semble avoir plus d’étendue. Ainsi du Pelorias à Mylae, le Chorographe compte 25 milles ; il en compte autant de Mylae à Tyndaris, plus 30 milles jusqu’à Agathyrnus ; 30 autres milles jusqu’à Alaesa et 30 encore jusqu’à Cephalaedium, qui n’est du reste, ainsi que les localités précédentes, qu’une très petite place ; 18 milles ensuite jusqu’au fleuve Himère, dont le cours divise la Sicile à peu près par le milieu, 35 milles jusqu’à Panorme, 32 milles jusqu’à l’emporium ou comptoir des Aegestéens (Ségeste), et enfin 38 milles jusqu’au Lilybaeum. Après quoi doublant le cap Lilybaeum, le Chorographe compte sur le côté adjacent 75 milles jusqu’à Heraclaeum, 20 milles jusqu’à l’emporium d’Agrigente, [20 milles jusqu’au port Phintias, 20 milles encore jusqu’à la plage Calvisiane], 20 autres milles jusqu’à Camarina, et 50 milles jusqu’au Pachynus ; puis, il continue le long du troisième côté, et compte 36 milles jusqu’à Syracuse, 60 jusqu’à Catane, 33 jusqu’à Tauromenium et 30 jusqu’à Messéné.
Quant à la route de terre, elle mesure, suivant lui, entre le Pachynus et le Pelorias, 168 milles, et 2353 milles entre Messéné et le cap Lilybaeum, sur la voie Valérie. D’autres auteurs, Ephore par exemple, se bornent à dire que le périple de la Sicile est de cinq jours et de cinq nuits. – Pour nous donner maintenant la position de la Sicile en climat, Posidonius place le Pelorias au N., le Lilybaeum au midi et le Pachynus à l’E. Il est vrai que, les climats étant figurés par des parallélogrammes, tout triangle inscrit dans un de ces parallélogrammes, surtout s’il est scalène et qu’aucun de ses côtés ne soit parallèle à l’un des côtés du parallélogramme, doit être nécessairement, vu son obliquité, en désaccord avec le climat. Toutefois, comme le Pelorias est situé juste au midi de l’Italie, et qu’en somme c’est bien ce cap qui nous représente le plus septentrional des trois angles du triangle, on peut concevoir à la rigueur le côté du Détroit, autrement dit la ligne tirée entre le cap Pelorias et le cap Pachynus (ce dernier cap, on l’a vu, regarde l’orient), comme étant tourné au plein nord.
Il faut avoir soin seulement qu’en fait ladite ligne conserve une légère inclinaison au levant d’hiver ; car on voit la côte dévier en ce sens depuis Catane, à mesure qu’on avance dans la direction de Syracuse et du cap Pachynus. A propos du Pachynus, nous ferons remarquer que la traversée entre ce cap et l’embouchure de l’Alphée est connue pour être de 4000 stades et qu’Artémidore, en comptant, d’une part, 4600 stades pour le trajet du Pachynus au Ténare, d’autre part, 1130 stades, pour le trajet de l’Alphée au Pamisus, semble avoir fait un double calcul inconciliable avec cette mesure formelle de 4000 stades assignée à la traversée entre le Pachynus et les bouches de l’Alphée. Par le fait aussi la ligne à tirer entre le cap Pachynus et le cap Lilybaeum (ce dernier cap est plus occidental que le Pelorias), au lieu de suivre exactement la direction d’un parallèle, devra dévier sensiblement au midi et regarder en même temps l’est et le sud, ce côté de l’île se trouvant baigné à la fois par la mer de Sicile et par la portion de la mer de Libye qui est comprise entre Carthage et les Syrtes.
Ajoutons que c’est entre le cap Lilybaeum et un certain point très rapproché de Carthage que le trajet pour aller en Libye est le plus court. Il mesure 1500 stades (en fait 143 km): à cette distance, un homme, dont l’histoire nous a conservé le nom et qui était doué d’une vue perçante, put cependant, étant en vigie, compter les vaisseaux qui sortaient du port de Carthage et en dire le nombre aux Carthaginois [assiégés] dans Lilybée.
Reste le côté compris entre le cap Lilybaeum et le Pelorias, celui-là devra nécessairement [dans un tracé] obliquer vers l’est et regarder dans une direction intermédiaire entre le couchant et le nord, puisqu’il se trouve avoir l’Italie au N. et la mer Tyrrhénienne, ainsi que les îles d’Eole, à l’O.