Revenons 50 ans en arrière […] nous serons alors face à notre ancienne société caractérisé par […] l’immobilisme et la fierté.
Cette fierté poussait chaque marocain à croire que sa façon de vivre était unique, que ses sciences et ses arts n’avaient nuls semblables dans les autres pays, et que les moeurs de ses concitoyens avaient atteint un haut degré inégalé d’humanité.
Cette fierté nous a poussés à regarder le monde avec mépris, à supposer que nous l’ayons regardé, ce monde, car nous vivions en réalité au fond d’un puits, derrière un épais rideau.
Parmi les caractéristiques de notre ancienne société, il y avait également le dogmatisme et la fanatisme. Un citoyen pouvait à peine exprimer une idée nouvelle qu’il était accusé d’hérésie et d’entorse à la religion par les intellectuels, dénommés savants ou ulémas. […]
Lorsque le colonialisme déchira l’épais rideau derrière lequel nous étions, il provoqua dans nos âmes et nos esprits une violente secousse qui nous a réveillé[…] Nous nous sommes alors rendu compte qu’ils existait un vaste monde, autre que le monde étroit dans lequel nous vivions attardés, et qu’il y avait des sciences et des arts bien plus évolués que les notres, et des idées éclairées et débarrassées de tout dogmatisme ou fanatisme.
Il y avait également un Islam véritable, plus éclairé et “salafi” que celui que nous pratiquions, qui était lui engoncé dans la superficialité, la superstition et l’idolâtrie.
[…]Nous avions découvert que notre société n’était pas unique, comme nous le pensions, car si elle l’était, comment Français et Espagnols, que nous considérions, ainsi que tous les Européens, avec mépris, auraient-ils pu nous réduire à l’esclavage ? Leurs moyens scientifiques et techniques n’auraient pu vaincre les notres.
[…]
Le colonialisme a conservé les vestiges de notre ancienne société, suivant sa doctrine de laisser les choses en l’état. […] Il a également trouvé des citoyens réfléchissant dans un cadre étroit. […] Les savants étaient très peu nombreux, et de ce fait notre patrimoine culturel était détenu par une classe restreinte qui le gardait jalousement. […]
Un autre aspect du retard de notre société est l’idolâtrie. Elle résulte de l’horizon étroit qui emprisonnait la pensée marocaine. L’admiration de l’héroisme des combattants contre les agresseurs étrangers, espagnols, portugais et anglais, était telle qu’ils furent l’objet d’un culte et d’une vénération après leur décès. Leurs tombeaux devinrent des lieux de pélerinage pour nombre de citoyens et des festivals annuels furent organisés pour célébrer ces héros.
Le charlatanisme et la superstition apparurent au sein de ces rassemblements : les confréries comme les Hmadcha, les Issawa… se développèrent.
Les responsables de ces confréries commencèrent à prétendre que leurs maîtres pouvaient guérir les femmes stériles et traiter les maladies. Les différentes confréries s’affrontaient dans ces domaines. Superstitions et croyances se multiplièrent et les gens commencèrent à se rassembler autour d’un maître en fonction de leurs besoins.
Tous ces phénomènes constatés dans notre société ancienne n’ont pas disparu de notre société actuelle. La plupart existent toujours, car le colonialisme fit de notre pays un musée et s’efforca d’y conserver tout ce qu’il y avait trouvé des maux et symptômes anciens.
[…]
La présence coloniale contribua à l’épanouissement des idées rétrogrades. La première réaction pour s’en libérer fut la naissance du mouvement national salafi à Tétouan, Fes, Rabat, Salé et Marrakech. C’est ce mouvement qui montra la réalité de l’Islam et appela les citoyens à rejeter les fausses croyances et à se libérer du pouvoir des faux dévots et adeptes des confréries et du charlatanisme.
L’apparition du mouvement salafi nous a aidés à libérer nos esprits de cette couche de superstitions et de fioritures qui occultaient l’essentiel de la doctrine islamique basée sur la liberté de discussion et de pensée. Sans la présence heureuse de ce mouvement, je crois que tous nos jeunes qui ont étudié en Espagne ou en France se seraient définitivement détournés de la foi.
Ainsi, au contact du colonialisme, le mouvement salafiste a modifié la vision de l’Islam, préservé notre jeunesse de l’athéisme et nous a permis de mieux comprendre la réalité de l’Islam telle qu’elle fut développée par Jamal ad-Dîn al-Afghânî et Cheikh Muhammad ‘Abdû