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Ce Périandre, qui donna avis à Thrasybule de la réponse de l’oracle, était fils de Cypsélus ; il régnait à Corinthe. Les habitants de cette ville racontent qu’il arriva de son temps une aventure très merveilleuse dont il fut témoin, et les Lesbiens en conviennent aussi. Ils disent qu’Arion de Méthymne, le plus habile joueur de cithare qui fût alors, et le premier, que je sache, qui ait fait et nommé le dithyrambe, et l’ait exécuté à Corinthe, fut porté sur le dos d’un dauphin jusqu’au promontoire de Ténare
XXIV. Ils assurent qu’Arion, ayant passé un temps considérable à la cour de Périandre, eut envie de naviguer en Sicile et en Italie. Ayant amassé dans ces pays de grands biens, il voulut retourner à Corinthe. Prêt à partir de Tarente, il loua un vaisseau corinthien, parce qu’il se fiait plus à ce peuple qu’à tout autre. Lorsqu’il fut sur le vaisseau, les Corinthiens tramèrent sa perte, et résolurent de le jeter à la mer pour s’emparer de ses richesses. Arion, s’étant aperçu de leur dessein, les leur offrit, les conjurant de lui laisser la vie. Mais, bien loin d’être touchés de ses prières, ils lui ordonnèrent de se tuer lui-même s’il voulait être enterré, ou de se jeter sur-le-champ dans la mer. Arion, réduit à une si fâcheuse extrémité, les supplia, puisqu’ils avaient résolu sa perte, de lui permettre de se revêtir de ses plus beaux habits et de chanter sur le tillac, et leur promit de se tuer après qu’il aurait chanté. Ils présumèrent qu’ils auraient du plaisir à entendre le plus habile musicien qui existât, et dès lors ils se retirèrent de la poupe au milieu du vaisseau. Arion se para de ses plus riches habits, prit sa cithare et monta sur le tillac, exécuta l’air orthien ; et dès qu’il l’eut fini, il se jeta à la mer avec ses habits, et dans l’état où il se trouvait. Pendant que le vaisseau partait pour Corinthe, un dauphin reçut, à ce qu’on dit, Arion sur son dos, et le porta à Ténare, où ayant mis pied à terre, il s’en alla à Corinthe vêtu comme il était et y raconta son aventure. Périandre, ne pouvant ajouter foi à son récit, le fit étroitement garder, et porta son attention sur les matelots. Ils ne furent pas plutôt arrivés, que, les ayant envoyé chercher, il leur demanda s’ils pouvaient lui donner des nouvelles d’Arion. Ils lui répondirent qu’ils l’avaient laissé en bonne santé à Tarente, en Italie, où la fortune lui était favorable. Arion parut tout à coup devant eux, tel qu’ils l’avaient vu se précipiter à la mer. Déconcertés, convaincus, ils n’osèrent plus nier leur crime. Les Corinthiens et les Lesbiens racontent cette histoire de la sorte, et l’on voit à Ténare une petite statue de bronze qui représente un homme sur un dauphin : c’est une offrande d’Arion.