V. Des Sicaniens premiers habitants de la Sicile
PHILISTUS a écrit que les Sicaniens étaient une colonie d’Ibériens qui, avant qu’ils vinssent s’établir en Sicile, habitaient les rivages du fleuve Sicanus, dont ils avaient pris leur nom. Mais Timée a relevé la méprise de cet historien et a bien prouvé que les Sicaniens étaient autochtones ou originaires de leur pays. Il en allègue plusieurs preuves qu’il n’est pas, je crois, nécessaire de rapporter ici. Les anciens Sicaniens habitaient dans des bourgades et dans de petites villes qu’ils bâtissaient sur des lieux hauts pour se garantir des coureurs. Ils n’obéissaient point tous à un même prince, mais chaque ville avait son roi particulier. Ils occupèrent au commencement l’île entière que leurs travaux avaient rendue fertile dans toute son étendue. Mais le mont Etna venant à s’embraser et jetant au loin ses flammes, elles ravagèrent d’abord la campagne des environs. Et comme l’embrasement s’étendait de plus en plus, les Sicaniens épouvantés abandonnèrent les parties orientales de l’île pour se retirer vers l’occident.
Longtemps après, une colonie de Siciliens sortant d’Italie traversa la mer et vint habiter cette partie de la Sicile qui avait été abandonnée par les Sicaniens. L’envie d’étendre leur domination les porta à envahir les contrées qui leur étaient voisines et à déclarer la guerre aux Sicaniens. Mais enfin cette guerre s’apaisa d’un commun accord et les deux partis réglèrent entre eux les confins de leurs possessions. Nous entrerons dans un plus grand détail sur ce sujet quand nous en serons à l’histoire de ces temps‑là.
Les Grecs ont été les derniers qui aient envoyé des colonies considérables dans la Sicile, et ils y ont bâti plusieurs villes sur le rivage de la mer. Le nombre infini de Grecs qui abordaient chaque jour en Sicile, et le commerce qu’ils entretenaient avec les naturels du pays, engagèrent bientôt les Sicaniens à étudier la langue grecque et à vivre comme les Grecs. Ils abandonnèrent enfin leur ancien et premier nom pour prendre celui de Siciliens. Passons maintenant à l’histoire des îles Éolides.