I. BOMBARDEMENT DE RABAT ET SALE RACONTÉ PAR ???????? ORIGINA1RE DE TÉTOUAN ET DEMEURANT A RABAT
Voici le récit de l’expédition que firent les Français aux deux villes de Rabat et de Salé. Elle eut lieu le mardi qui commençait le mois de safar de l’année 1268. Il arriva ce jour-là quatre navires et une frégate de grande dimension, auxquels vint se joindre un sixième bateau, le mercredi matin. Cet événement fit naitre une grande agitation dans les deux villes. Les tours se remplirent bientôt d’artilleurs que vinrent aider tous ceux qui, dans le pavs, avaient confiance en Dieu. Chacun voulait prendre part à la défense car il savait que Dieu l’en récompenserait. Les musulmans s’ingénièrent donc à fortifier les tours du mieux qu’ils purent et tout le monde s’acquitta de cette tâche avec le plus grand zèle. Puis une barque sortit pour alter parlementer avec l’ennemi de Dieu et voici ce que dit l’infidèle (que Dieu le maudisse !) :
« Je viens pour l’affaire des céréales qui m’ont été enlevées par la ville de Salé. Si les gens de cette ville veulent bien réparer leurs torts, aucun mal ne leur sera fait. »
Puis il ajouta :
« Quant aux gens de Rabat, nous n’avons aucun démêlé avec eux. »
Les gens de Salé répondirent qu’ils allaient consulter le prince, l’infidèle n’y consentit Pas, et, leur remettant un drapeau, il leur dit :
« Je vous donne jusqu’à. demain pour me faire savoir si Vous acceptez de réparer vos torts ; passé ce délai, je ferai tirer sur vous. Au cas on l’état de la mer empêcherai; la barque de sortir pour venir me rendre compte de votre décision, vous bisseriez le drapeau musulman au minaret de la grande mosquée, en signe d’acceptation. Si vous ne le hissez pas, je ferai tirer. Si votre situation devient intolérable, hissez le drapeau que je vous ai donné ci je ferai cesser le feu. »
Les musulmans ne tinrent aucun compte des paroles de l’infidèle. ils se mirent réparer leurs armes, car il n’y en eut pas un qui ne désirât le martyre. Les gens de Rabat agirent de même. En cette occurrence les saints prêtèrent leurs concours : Stdi El-Il-Adj ‘Abd Allah El-Liboury- I, S’ai
E1-1.Tâclj »Taled ben El-fIetclj, ‘Abd Allah b. Hasûn et bien d’autres encore, à ce point que quelques personnes de bien dont Dieu avait ouvert l’intelligence, les virent s’occuper eux-mêmes des préparatifs de défense.
Le lendemain malin mercredi. la barque ressortit pour parlementer, mais elle n’était pas encore arrivée auprès de l’infidèle que déjà le bombardement de Salé commençait.
La barque revint. Les soldats musulmans de Salé et, de Habil!, répondirent à la première canonnade. Mais parmi les gens de Rabat, quelques-uns firent valoir qu’il était préférable de ne pas tirer de peur que l’ennemi, en ripostant, n’atteignit la poudrière étant donnée son exposition à
l’Ouest; d’ailleurs les Français se trouvaient à plus du double de la portée des canons de Rabat..
Cependant l’infidèle n’osa pas lire’. sur cette dernière n’en voulait qu’à Salé. C’est ce qui fit dire aux gens animés de mauvaises intentions que Babii! s’était entendue d’avance avec l’ennemi. Mais j’en jure par Dieu et les versets du Coran, si leurs canons avaient eu une portée suffisante, ils auraient fait périr les infidèles jusqu’au dernier.
Quant aux risques d’explosion de la poudrière. ils n’entrèrent pour rien dans leur décision.
11 advint qu’un navire se mit à passer devant, les tours cleItab4 ; quand on lui envoyait des boulets, il s’enfuyait, Puis revenait à la charge ; ce manège dura ainsi jusque vers une heure de l’après-midi, moment où il vint à passer près de la batterie (Sgilla) qui portait le nom de Mawlay
Ar-Rahmân. Les gens qui occupaient cette tout- réussirent si bien à le Loucher qu’ils purent, le lendemain matin, recueillir quelques épaves arrachées ce navire par les boulets: ils s’empressèrent d’alle• les montrer au gouverneur du pays.
Mais auparavant la nuit étant venue, tout le monde se mil à charger
,
les bombes et les obus pour que l’on putt utiliser les mortiers dès le retour de l’aube. Lorsque le
matin se leva, on n’aperçut d’autre trace da navire que les épaves dont nous venons de parler.
Le navire anglais hissa le drapeau des musulmans son mât, ce qui signifiait que la victoire restait aux musulmans.
Quelques joins après le consul anglais vint et raconta que le navire qui avait passé près de la batterie dite Sela avait reçu l’ordre de son chef, l’amiral’ (que Dieu le confonde), de tirer sur la poudrière de Rabat ! Pour la faire sauter. Mais les coups reçus par ce navire rendirent sa situation intenable de telle sorte qu’il fut obligé de renoncer son projet. Nous sûmes par la suite, qu’il y avait eu de nombreux morts et blessés. Cette nouvelle nous parvint de Cadix. A Salé il y eut environ 8 morts, à Rab 1t un seulement. Dieu a terminé leur vie par le martyre, plisse-t-il
nous ressusciter avec eux! Ainsi soit-il
L’ennemi avait trouvé 10 IflO\ 011 de détruire à Salé, nouvelle tour, quelques maisons ei une partie de la grande mosquée; le minaret de cette même mosquée fut frappé par trois fois, sans qu’il en résulte aucun dommage.
Notre Maitre, tille Dieu honore, nous envoya une lettre où il nous demandait pourquoi nous n’avions pas tiré, alors que les gens de Salé l’avaient fait. Après avoir entendu nos excuses, il nous fit répondre que du moment que nous avions eu des raisons valables pour ne pas tirer bout allait
bien.
Noire Maitre, après avoir reçu, cette Iis, des informations exactes, nous envoya une seconde let ve dans laquelle il nous félicitait de la manière dont nous nous étions défendus. Vous êtes comme mes deux yeux, disait-il ; s’il y avait une différence entre eux deux, en aurait une entre vous deux. »
Quelques jours après arriva à notre secours le nègre de Notre Maitre, le pacha Farenliy, accompagné de soldais. Il alla camper dans la ville de Salé en attendant les ordres du
stilb
II. PREDICATION DE GUERRE SAINTE.
Voici ce que dit El-Widi EVArby lou, originaire de Tétouan et demeurant à Rabat, à propos de la guerre sainte que Dieu prescrivit a ce peuple mahométan.
Sache, lecteur (puisse Dieu L’enseigner le bien et te préserver du mal) que, lorsque Dieu ordonna à Notre Seigneur Mohammed (le sceau des envoyés et des prophètes, à qui les émigrants ci les Ançâr prêtèrent assistance), de combattre les polythéistes, il y en eut parmi ces derniers qui crurent en Dieu tandis que d’autres demeurèrent dans l’erreur. Cependant les Ançâr du prophète et les émigrants firent la conquête de la Syrie, du Hijaz, du pays des Turcs et des Persans, de FA crique et de notre Maghreb. Or, à notre époque, ô mon frère, avec un si grand nombre de musulmans, comment peux-tu concevoir des craintes ?
Grâce à Dieu, ils ne négligent pas les mosquées, et les écoles sont pleines de jeunes gens qui étudient le Coran que Dieu a révélé à noire Seigneur Mohammed.
« A qui possède la vraie intelligence, c’est-à-dire l’intelligence du cœur, et se livre à la méditation du Coran, à celui-là Dieu dit Nous n’avons rien négligé dans le Livre. » VI, 38.
Voici encore la parole de Dieu :
« Ô croyants, soyez patients ; luttez de patience les uns avec les autres ; soyez fermes et craignez Dieu. Vous serez heureux. » III, 200
Et encore :
« Dieu a acheté aux croyants leurs biens et leurs personnes pour leur donner le paradis en retour ; ils combattront dans le sentier de Dieu ; ils tueront et ils seront tués. » IX, 112
Et ceci :
« 0 prophète ! excite les croyants au combat. 20 hommes fermes d’entre eux terrasseront 200 infidèles. 100 en mettront 1000 en fuite, parce que les infidèles ne comprennent rien. » VIII, 66
Ne sais-tu pas que la lumière du prophète augmente toujours d’intensité ? Ignores-tu que les saints qui ont fait le bien pendant leur vie, continuent à répandre des bienfaits après leur mort.
Oui, par Dieu, le jour du combat dont nous avons parlé plus haut, nous avons été témoin des miracles des saints.
Nous ??rnes des hommes inconnus combattre avec zèle au côté des musulmans. Ce miracle fut si visible qu’il n’échappa pas plus aux yeux de l’homme impie qu’à ceux de l’homme vertueux. Un autre miracle consista en ce fait qu’un grand nombre d’oiseaux, après avoir dirigé au but les projectiles, revinrent à leur point de départ. Ces oiseaux
appartenaient à une espèce unique et pariaient tous de la même manière.
J’ai rencontré des hommes qui me vantaient les chrétiens (que Dieu les co??ande et les fasse périr) n cause du grand nombre de leurs soldats et de l’abondance de leurs approvisionnements ; comme contrepartie, ces males hommes ne concevaient que du mépris pour les musulmans. Par
Dieu, nos approvisionnements l’emportent sur les leurs, et si l’on me demande pourquoi, je répondrai que nous avons pour nous la foi et la confiance en Dieu.
Apprends, lecteur, que les gens des campagnes comme les habitants des villes ont tous des armes pour lutter con Ire l’ennemi. Ils ont des chevaux, des sabres, des fusils, des lances, dont ils ne se séparent jamais. De même les gens de la montagne ne quittent jamais leur fusil ou leur poignard ; ils fabriquent eux-mêmes de la poudre. Les citadins se modèlent sur cet exemple et leurs armes font pour ainsi dire corps avec eux.
Tous ces gens, sans parler des troupes de Notre Sultan, lesquelles sont directement approvisionnées par lui, s’arment eux-mêmes et fabriquent de la poudre, de telle sorte que
tout notre Maghreb n’est que soldats. Si notre Maître victorieux leur ordonnait de se rassembler, ils seraient tous mobilisés en un clin d’oeil.
Les munitions pour les canons elles mortiers viendraient-elles à nous manquer, que la bénédiction de Dieu, elle, ne nous fera jamais défaut. N’aurions-nous même qu’un seul canon avec ses artilleurs et ses munitions que nous viendrions cependant à bout du plus grand des navires.
Les chrétiens n’ont que des mercenaires pour soldats, tandis que nous, pour l’amour de Dieu et de son prophète, nous sacrifions nos personnes et nos biens pour soutenir la lutte contre l’ennemi.
Tu sais, lecteur, ce que Dieu prépare i ceux qui font la guerre sainte. Ils seront comme les compagnons du prophète ; sils viennent à mourir, on ne les lavera pas, on ne les revêtira pas de linceul, on ne priera pas pour eux, parce que Dieu les aura purifiés. En effet, Dieu n’a-Un pas dit :
« Ne croyez pas que ceux qui ont succombé en combattant dans le sentier de Dieu soient morts : ils vivent auprès de Dieux et reçoivent de Lui leur nourriture. »
Voici ce qu’on trouve dans E1-Boldetri : un. homme demanda au prophète, le jour d’Uhud, où il irait s’il venait à périr. « Au paradis » lui répondit le prophète en lui mettant quelques dattes dans la main.
Cet homme se battit jusqu’à la mort.
L’homme intelligent préfère l’autre monde à celui-ci.
Dieu a accordé aux musulmans la foi en Lui et en son prophète ; c’est là la raison de la supériorité de leur courage sur celui. des Roumis. Les Roumis ne se parent que de l’éclat de ce monde, or, « la vie d’ici-bas n’est qu’un jeu et un passe-temps ». L’autre monde n’est fait que pour les croyants ; nous demandons à Dieu de ne vivre que pour pouvoir y parvenir, et, qu’une fois morts, il nous fasse ressusciter car le prophète a dit :
« L’homme meurt comme il a vécu et il ressuscite comme il est mort. »
On cite, d’après Ibn ‘Omar, ces paroles du prophète : « Si vous faites du commerce, si vous tenez la queue de votre vache, si vous vous estimez satisfaits de vos récoltes et que vous négligiez la guerre sainte, Dieu fera descendre le malheur sur vous et il ne le suspendra que quand vous serez revenus à votre religion. »
Cette lettre porte le nom de : l’adjuvant en matière de guerre sainte. C’est une pierre précieuse dont les lois musulmanes d’institution divine font valoir tout le prix.
Que le salut soit suit serviteurs que Dieu a élus !