1) Quant aux pays du Nûl Extrême et de Tâzoccâght, ils appartiennent aux Lamtûna du Sahara, tribu de Çanhâdja.
Çanhâdj (père des Çanhâdja) et Lamt (père des Lamta) étaient deux frères dont le père s’appelait Lamt ibn Za’zâ’, descendant de Himyar, et la mère Tâzoggây (Tâçoggây) la boiteuse (al‑’arjâ), issue de la tribu de Zenâta.
Ils se fixèrent dans ces contrées, et c’est là que leurs descendants mènent une vie nomade jusqu’à nos jours, divisés en plusieurs peuplades. Ils possèdent des troupeaux de chameaux et des dromadaires de race noble ; ils changent souvent de campement. Les deux sexes font usage de kisâ’s de laine et portent des turbans de la même étoffe dits carâzî ; ils se nourrissent de lait de chameau et de la chair de ces animaux séchée au soleil et pilée. Les marchands étrangers leur apportent du blé et surtout du raisin sec dont ils extraient une boisson très douce en broyant les raisins, les macérant dans l’eau, puis décantant la mixture. Leur pays produit beaucoup de miel, avec lequel ils préparent un mets qu’ils nomment asallou et dont ils sont très friands. Voici de quelle manière ils s’y prennent : ils font griller du blé à un degré modéré, le broient ensuite grossièrement, y ajoutent la même quantité de beurre et de miel, le pétrissent et le font cuire ; lorsque cette pâte est ainsi préparée, ils en remplissent leurs sacs à provisions. C’est un mets délicat et tellement nourrissant, qu’une personne qui n’en aurait mangé le matin qu’une poignée, en y joignant un peu de lait pour boisson, pourrait marcher jusqu’au soir sans éprouver la moindre faim.
Il n’existe dans le pays d’autre ville dans laquelle ces peuplades puissent se retirer, que celle de Noul Lamta et celle d’Azoggâ (Azoggî) qui appartient aussi aux Lamta.
Noul est à la distance de 3 journées de la mer et de 13 journées de Sidjilmâsa.
-Nûl est une ville grande et ne peuplée, située sur une rivière qui vient du côté de l’orient, et dont les rivages sont habités par des tribus de Lamtouna et de Lamta. On y fabrique des boucliers connus sous le nom de boucliers Lamty, qui sont les plus parfaits qu’on puisse imaginer à cause de leur solidité et de leur élégance. Ces boucliers étant d’une très bonne défense et pourtant très légers à porter, les peuples du Maghrib s’en servent dans les combats. On fabrique aussi dans la même ville des selles, des mors de cheval, des bâts de chameau, des vêtements (kisâ) appelés safsâria et des bornos’ dont une paire se paye environ 50 dinâr. Les habitants possèdent beaucoup de vaches et de moutons, et ont, par conséquent, du laitage et du beurre en abondance. C’est dans cette ville que les peuplades de cette contrée viennent se pourvoir de ce dont ils ont besoin.
Parmi les tribus de Lamta, on compte celles de Massoufa, de Wachân, et de Tamâlta ; parmi celles de Çanhâdja,º les Banou Mançour, les Tamîya, les Goddâla, les Lamtouna, les Banu Ibrahîm, les Banu Tâchfîn, les Banu Muhammad, etc.
-Azuggy, qui appartient au pays des Massoufa et des Lamta, est la première station du Sahara ; de là à Sidjilmâsa on compte 13 journées, et à Nûl.
Cette ville n’est pas grande, mais elle est bien peuplée ; les habitants portent des muqandarât, vêtements de laine qu’ils nomment qadâwirº (gandour). Un voyageur qui a visité cette ville prétend que les femmes non mariées, lorsqu’elles ont atteint l’âge de quarante ans, se prostituent au premier venu. La ville s’appelle Azuggy en langue berbère, et Qouqadam dans la langue de Guinée. Celui qui veut se rendre à Sillâ, à Taqrour ou à Ghâna du bilâd sudan, doit nécessairement passer par ici.