Lorsque les musulmans, accompagnés des Egyptiens, qui avaient renié le christianisme et avaient embrassé la religion de cette créature exécrable, arrivaient, ils s’emparaient des biens de tous ceux d’entre les chrétiens qui s’étaient enfuis, et ils appelaient les serviteurs du Christ « ennemis de Dieu. »
‘Amr, laissant un nombreux détachement de son armée dans la citadelle de Babylone d’Egypte, se mit en marche, en suivant la rive orientale, vers les deux fleuves, pour attaquer le général Théodore. Il fit partir Yekbarî et Satfârî, pour occuper la ville de Semnud, afin de s’opposer aux musulmans. Lorsqu’ils rejoignirent le corps des milices, celles-ci refusèrent toutes de combattre les musulmans. Ils engagèrent la bataille et tuèrent un grand nombre de musulmans et de ceux qui étaient avec eux. Les musulmans, ne pouvant inquiéter les villes situées sur le territoire des deux fleuves, parce que l’eau qui les entourait et qui leur servait de rempart empêchait les chevaux d’en approcher, les abandonnèrent, se dirigèrent vers le Rif et arrivèrent à Bousir. Ils fortifièrent la ville, ainsi que les lieux qu’ils avaient pris précédemment.
A cette époque, le général Théodore se rendit auprès de Kalâdjî, et lui dit en le priant avec instance : « Reviens vers nous ; reviens dans les rangs des Romains. » Kalâdjî, qui craignait que l’on ne fît mourir sa mère et sa femme qui vivaient cachées à Alexandrie, donna à Théodore une grande somme d’argent. Le général Théodore le rassura. Alors Kalâdjî, partit, la nuit, pendant que les musulmans dormaient, et vint à pied, avec ses hommes, au camp du général Théodore ; puis il alla rejoindre, dans la ville de Nikious, Domentianus, pour combattre contre les musulmans.
Il arriva ensuite que Sabendîs eut la bonne idée de s’enfuir d’entre les mains des musulmans, pendant la nuit ; il se rendit à Damiette, auprès du général Jean, qui l’envoya à Alexandrie avec une lettre. Il se présenta en confessant sa faute devant les gouverneurs, en versant d’abondantes larmes et en disant : « J’ai agi ainsi, parce que j’avais été humilié par Jean qui, sans égard pour mon âge, m’avait souffleté ; c’est alors que moi, qui auparavant avais servi les Romains avec dévouement, je me suis joint aux musulmans ».
‘Amr, le chef des musulmans, lutta pendant 12 ans contre les chrétiens du nord de l’Egypte, sans réussir à conquérir leur province. Dans la quinzième année du cycle (642), pendant l’été, il marcha sur Sakhâ et sur Toukhô-Damsîs, impatient de réduire les Égyptiens avant la crue du fleuve. Mais il lui fut impossible de rien entreprendre contre eux. Il fut également repoussé à Damiette, où il voulait brûler les fruits des champs. Alors il alla rejoindre ses troupes établies dans la citadelle de Babylone d’Egypte et leur remit tout le butin qu’il avait fait à Babylone. Il fit détruire les maisons des habitants de Babylone qui avaient pris la fuite, et avec le bois et le fer qui en provenaient, il fit construire un passage reliant la citadelle de Babylone à la ville des deux fleuves, et donna l’ordre de la brûler. Les habitants, avertis du danger, sauvèrent leurs biens et abandonnèrent leur ville, et les musulmans y mirent le feu. Mais les habitants allèrent, pendant la nuit, éteindre l’incendie. Les musulmans se tournèrent (ensuite) contre d’autres villes, dépouillèrent les Égyptiens de leurs biens et exercèrent sur eux des actes de violence. Le général Théodore et Domentianus ne pouvaient pas molester les habitants de la ville (?), à cause des musulmans qui se trouvaient au milieu d’eux.
Amr, en quittant la basse Egypte et allant porter la guerre au Rif, avait envoyé un petit corps de troupes à Antinoë. Voyant la faiblesse des Romains et l’hostilité des habitants envers l’empereur Heraclius, à cause de la persécution qu’il avait exercée dans toute l’Egypte, contre la religion orthodoxe, à l’instigation de Cyrus, patriarche chalcédonien, les musulmans devinrent plus hardis et plus forts dans la lutte. Les habitants de la ville (d’Antinoë) délibérèrent avec Jean, leur préfet, et voulurent résister aux musulmans.
Mais Jean s’y refusa, quitta la ville en toute hâte, avec ses troupes, emportant tout l’impôt de la ville qu’il avait recueilli, et se rendit à Alexandrie ; car il savait qu’il ne serait pas en état de lutter contre les musulmans, et il craignait qu’il ne lui arrivât ce qui était arrivé à la garnison de Faiyoûm. En effet, tous les habitants de cette province s’étaient soumis aux musulmans, et leur avaient payé tribut, et ils tuaient tous les soldats romains qu’ils rencontraient. Des soldats roumains se trouvaient dans une forteresse ; les musulmans les assiégèrent, s’emparèrent de leurs machines, détruisirent les murs et les forcèrent de quitter la forteresse. Ils fortifièrent la citadelle de Babylone, prirent la ville de Nikiû et s’y établirent.