J’ai entendu dire que l’émir Altin-Tash, grand chambellan de Sultan Mahmûd, fut désigné par ce prince pour le gouvernement du Kharezm. Il se rendit dans cette contrée. Les revenus y atteignaient le chiffre de 60 000 dn et le traitement d’Altin-Tash était de 120 000 dn. Une année après son arrivée dans le Kharezm, A-T fit partir pour Ghazna des gens jouissant de sa confiance, afin de demander et de réclamer que ces 60 000 dn, constituant le revenu du Kharezm, lui fussent attribués pour parfaire son traitement, à la place des 60 000 qu’il devait recevoir de l’administration.
Chems el-Koufat Ahmed, fils de Hassan Meïmendy, était, à cette époque, le vizir de Sultan Mahmûd. Il prit sur-le-champ connaissance de la missive d’AT et lui répondit en ces mots :
« Au nom du Dieu clément et miséricordieux: que l’émir AT sache qu’il ne peut être Mahmoud, et, en aucun cas, une somme qui a une attribution déterminée ne peut lui être abandonnée. Prélève les sommes de l’impôt et verse-les dans le trésor du sultan et prends-en une décharge. Réclame alors tes appointements, afin que l’on rédige les assignations nécessaires pour les prélever sur le Sistan, et que tes gens, munis de ces délégations, aillent en recevoir le montant et le l’apportent au Kharezm, afin que soit bien constatée la différence qui existe entre le serviteur et le maître, entre Mahmoud et Altountach, car il faut que les mesures prises dans l’intérêt des affaires du prince soient manifestes, ainsi que les dispositions auxquelles on doit s’arrêter au sujet de l’armée. Il ne faut pas que ce que dit le Kharezmshâh soit de vaines paroles. La demande qu’il a faite indique que, pour sa part, il a peu de considération pour le sultan ou bien qu’il suppose qu’Ahmed, fils de Hassan, est bien insouciant et bien inexpérimenté. Nous avons été fort surpris de cette action, étant donnée la parfaite intelligence du Kharezmshâh. Il faut qu’il sollicite le pardon de sa conduite, car dans un empire, il y a un danger considérable à ce qu’un serviteur cherche à devenir l’associé de son maître. »
Cette lettre fut confiée à un sipah qui fut envoyé au Kharezm en compagnie de dix ghoulams. Ils en rapportèrent les soixante mille dinars, qui furent versés au trésor, et ils reçurent à la place une assignation sur Boust et le Sistan pour recevoir, au lieu d’argent, des écorces de grenade, des noix de galle, du coton et d’autres produits semblables.
Telles sont les lois de l’administration et les règles qu’il faut observer pour que les affaires de l’État ne soient pas relâchées les unes des autres, que le bien-être de la population et la prospérité du trésor soient assurés et qu’on voie réduits à néant les désirs irréalisables de disposer du bien du souverain et de ses sujets.
Tout monarque qui vit dans l’incurie et la dissipation verra, à un moment donné, ses affaires péricliter et, après lui, on ne mentionnera qu’avec mépris son nom dans les chroniques et dans les récils historiques. Les rois ne doivent avoir d’autre désir que celui de faire bénir leur nom, après leur mort, et de se conduire en sorte qu’il soit cité avec éloges.