Nidzâm al-Mulk : Siassat-Namê, v. 1075 n-è :
Le souverain doit tenir une bonne table ; mesures qu’il doit prendre à ce sujet.
Les souverains se sont toujours appliqués à avoir une bonne table dès le malin, et tous ceux qui viennent à la cour, pour y remplir leur charge, peuvent y prendre leur repas. Si les gens du service intime du prince n’ont point envie d’y participer, on n’hésitera pas à leur servir, à l’heure qu’ils désireront, la portion qui leur revient ; mais, en tout cas, on ne peut se dispenser d’étendre la nappe pour le repas du matin. Le sultan Toghroul avait table ouverte chaque matin, et avait soin que l’on servît une grande variété de mets délicatement apprêtés. Il faisait même quelque chose de mieux; s’il montait à cheval à l’improviste pour aller à la promenade ou à la chasse, le repas était préparé et servi dans la campagne avec une telle abondance que les émirs turcs, les officiers du service du prince et les gens du peuple ne pouvaient retenir leur admiration. Le moyen de gouvernement des khans du Turkestan consiste à avoir toujours préparée, dans leurs cuisines, une nourriture abondante pour leurs sujets, de façon à attirer sur leur dynastie les bénédictions divines.
Lorsque nous allâmes à Samarqand et à Uzkend, nous apprîmes que les sots, qui se mêlent de ce qui ne les regarde pas, disaient que les Cölkî et les habitants de la Transoxiane ne cessèrent de répéter, pendant le temps qui s’écoula entre l’arrivée et le départ du sultan : « Il ne nous a point été donné de manger une seule bouchée provenant de sa table ! »
Il faut juger la générosité et les qualités de chacun sur la manière dont il gouverne sa maison. Notre souverain est le père de famille de l’univers ; les rois de l’époque sont soumis à son pouvoir. Il est nécessaire que sa sollicitude paternelle, ses bienfaits, sa libéralité, sa table et ses largesses soient en rapport avec son rang; il l’emportera ainsi sur tous les rois qui l’ont précédé.