Ps-Sébéos, XXXII-XXXIII, an 642-3, v. 675 n-è

[…]

La première année de Constantin (642), empereur des Romains, et la dixième de Yazkert, roi des Perses, les troupes perses, fortes de 60.000 hommes, bien préparées et armées, furent rassemblées pour aller combattre les Ismaélites.

[…victoire Ismaelite]

[prophétie de Daniel : les Ismaeliens sont la IVème bête, le XIème roi sera le plus mauvais…]

[643 : tentative de dictature de Valentin, révolution légitimiste…]

 

[histoire de Theodoros Rshtuni et de Smbat Bagratuni à la tête de l’Arménie Romaine]

On plaça Constantin sur le trône de l’empire et on nomma chef de l’armée Théodoros, un des fidèles princes arméniens, de ceux de l’Arménie romaine.

Lorsque celui-ci eut pris le commandement de l’armée, il demanda au roi, avec instance, comme une faveur, de se montrer miséricordieux à l’égard de ceux qui avaient été bannis en Afrique, particulièrement à l’égard de l’Aspet, fils de Khosrow Chnum, Smbat. Dieu adoucit le cœur de l’empereur, qui ordonna de les amener dans la ville impériale. Il les reçut comme des amis de l’empire et nomma Smbat, le fils de l’Aspet, Protospathaire entre tous les spathaires et Kandidat. Il le rétablit dans sa dignité première, dans la cinquième année de son règne (646), ainsi que Vahan Khorkhoruni et les autres.

Il envoya en Arménie un chef du nom de Thuma. Celui-ci, ne voulant pas violer le traité  entre l’empereur et le chef de la Médie, s’aboucha avec tous les chefs, se rendit auprès de celui des Mèdes et négocia avec lui au sujet de la paix. Il en reçut beaucoup de cadeaux et s’engagea par serment à faire amener au palais Théodoros, enchainé, car il était le chef de l’Arménie.

Puis il retourna à l’armée d’Arménie. Lorsqu’il arriva dans le pays des Kotéens, ils tombèrent à l’improviste sur [Théodoros], le firent prisonnier, le lièrent et le firent conduire devant l’empereur. Lorsque Constantin apprit ces choses, il en fut très troublé ; car il n’avait pas donné l’ordre de l’enchaîner. Il ordonna donc de le délivrer de ses liens et de lire les lettres d’accusation. Lorsqu’il eut reconnu la fourberie, il le manda auprès de lui, le reçut amicalement et avec les honneurs dus à son rang ; puis il fixa pour lui une pension annuelle sur la cassette royale.

Ensuite il fit appeler Thumas, mais lui interdit l’accès du palais, et fit poursuivre l’enquête hors [du palais]. On justifia Théodoros, le seigneur des Rshtuni (Van), dans ses actes, et justice lui fut faite. Thuma fut déchu de ses honneurs et dignités. Alors l’Aspet et Théodoros, le seigneur des Rshtuni (Van), se virent et ils répandirent des larmes en s’embrassant, car ils avaient été élevés ensemble à la cour du roi de Perse Khosrow.

Mais l’Aspet ne pouvait pas se soumettre à la domination romaine ; il médita une fourberie. Il demanda à l’empereur Constantin la permission d’envoyer en Arménie 4 personnes de sa maison pour lui chercher ses biens. L’empereur lui en fit donner l’autorisation. Il se déguisa, prit avec lui trois hommes et, lorsqu’il arriva au bord de la mer, montra l’autorisation impériale, se rendit sur un navire, traversa la mer et arriva, rapide comme un oiseau, à Taykh. Il s’y réfugia, car les Tayens le reçurent avec joie.

Alors un grand trouble survint en Arménie. L’empereur se hâta d’envoyer au général des Arméniens l’ordre d’occuper tous les passages et de faire des recherches dans les forteresses du pays. Mais lorsque la nouvelle arriva que [l’aspet] s’était réfugié chez les Arméniens, à Taykh, le général des Romains, Théodoros, d’accord avec les chefs de l’armée et les Nakharars des Arméniens, ordonna d’envoyer à l’Aspet le Katholikos Nersès et de lui porter le serment de fidélité, s’il prétendait à l’Ishkhanat de la région, ainsi que [l’offre] de lui amener sa femme et ses enfants.

Le Katholikos y alla et lui fit prêter serment de ne pas se diriger ailleurs ; puis il revint [chez lui]. Ceux-là écrivirent à l’empereur Constantin que, conformément au serment, il remplirait sa promesse à son égard. Car l’Aspet avait écrit en ces termes à l’empereur :

« Je suis ton serviteur et je ne quitterai pas ton service. Mais, comme quelques-uns me disaient : — tu retourneras de nouveau là d’où tu es venu, — j’ai eu peur et je me suis enfui. Mais si vous m’en jugez digne, je travaillerai, je vivrai et mourrai à votre divin service. »

Alors l’empereur Constantin ordonna de le nommer Kouropalate, de lui accorder la couronne d’honneur et de lui conférer l’Ishkhanat du pays. Puis il lui fit envoyer en grande pompe sa femme et ses enfants et lui fit remettre des sièges en argent ainsi que d’autres riches présents. Tandis qu’on lui transmettait l’écrit et la marque honorifique, et sa nomination de Kouropalate, il tomba subitement malade et mourut. On prit son cadavre et on l’ensevelit auprès de son pète à Dariwnkh.

L’empereur promut au rang de son père son fils aîné, nommé Smbat, tout en lui octroyant la dignité héréditaire de général en chef dans la dignité d’Aspet et il le nomma Drungar de ses troupes. Il lui donna une femme de la maison des Arsacides, ses parents, et l’envoya au camp auprès de son armée. Puis il envoya en Arménie Théodoros, le seigneur des Rshtuni (Van), avec de grands honneurs et le promut également à la dignité de général en chef. Et que les chefs arméniens y consentissent ou non, celui-ci vint et prit le commandement.

[Seconde vague de raids Ismaeliens en Arménie]

L’année suivante, (643) l’armée ismaélite passa en Atrpatakan et se divisa en 3 corps. Une partie alla vers l’Ararat, une autre dans le territoire des Sephhakan-Gund ??? et la troisième dans le pays des Muans. Ceux qui s’étaient rendus dans le domaine des Sephhakan-Gund, s’y répandirent à leur arrivée, détruisirent avec l’épée et firent du butin et des prisonniers. Ensuite ils marchèrent ensemble sur Erewan et attaquèrent la forteresse, mais ils ne purent s’en emparer. Ils partirent et vinrent à Ordspu, mais là encore ils ne purent rien faire. De là ils allèrent camper près d’Arkaph, en face de la forteresse, au bord de l’eau. Ils commencèrent à attaquer la forteresse, mais ils éprouvèrent de grandes pertes.

Il y avait par derrière une issue par où l’on pouvait sortir du côté de la Syrie, que l’on nomme Kakhanaktush. Quelques hommes descendirent (le la forteresse par ce chemin pour chercher du renfort à la forteresse de Darawn.

Smbat Bagratuni, le fils de Varaz Sahak, leur donna 40 hommes. Ils partirent de nuit et sortirent de la forteresse; mais ils ne furent pas assez prudents. Les Ismaélites aperçurent l’endroit et, en suivant leur trace, montèrent dans la citadelle ; ils occupèrent cet endroit au cours de la nuit. Ils se saisirent de dix hommes, préposés à la garde de l’endroit, qui dormaient, et les mirent à mort.

XXXIII

La deuxième année du règne de Constantin, le 3e jour du mois de hori, un dimanche matin, les Ismaélites poussèrent de grandes clameurs tout autour de la citadelle, et passèrent ceux-ci [les défenseurs] au fil de l’épée. Beaucoup se précipitèrent en bas des murailles et périrent. On fit descendre de la citadelle les femmes et les enfants pour les tuer. On fit une quantité innombrable de prisonniers et un grand butin de bestiaux. Mais le lendemain matin le chef de l’armée arménienne arriva contre les ennemis et leur infligea une grave défaite. De trois mille hommes bien armés, l’élite des troupes ismaélites, il n’en échappa aucun, sauf quelques fantassins, qui réussirent à gagner Shamb et à s’y retrancher.En ce jour-là, le Seigneur délivra les nombreux prisonniers des mains des Ismaélites et anéantit Ismaël par une grande défaite. Deux des chefs ismaélites, ‘Uthman et ‘Uqba, périrent. Ce fut une grande victoire pour le général arménien [Théodoros]. Celui-ci envoya à Constantin, comme présent provenant du butin de la bataille, cent superbes chevaux de courses; l’empereur s’en réjouit avec toute sa cour et lui fit exprimer sa reconnaissance.

Le corps d’armée qui était dans l’Ararat pénétra l’épée à la main jusque sur le territoire des Taykh-s, des Géorgiens et des Alvans et fit du butin et des prisonniers. Puis ils se dirigèrent vers Nakhshawan contre l’armée qui assiégeait la ville de Nakhshawan, sans pouvoir la prendre. Cependant ils prirent la ville de Khram tuèrent la garnison et emmenèrent en captivité les femmes et les enfants.

[…attaque de Constantinople par Mu’awiya, échec, traité de paix et tribut romain]

[Nerses à Vagharshapat]

En ce temps-là, le Katholikos arménien Nersès conçut le plan de se bâtir une demeure près des saintes églises de la ville de Vagharshapat, sur la route où, suivant la tradition, le roi Trdat alla à la rencontre de saint Grégoire. Il y construisit aussi une église au nom des anges du ciel (Zuarthnosh), des milices célestes, qui étaient apparues en songe à saint Grégoire. Il bâtit l’église, avec de hautes murailles et toutes sortes de merveilles, dignes de l’honneur divin auquel il les consacrait. Il amena l’eau de la rivière, rendit cultivable tout ce pays pierreux, planta des vignes et des vergers d’arbres fruitiers et entoura la maison d’habitation d’un haut et beau mur, à la gloire de Dieu.

[… Concile de Dwin de 648]