Sous le règne de Tibère, les Perses avaient pour roi Ormuz. Enflé de la victoire que ses troupes avaient remportée dans la Mésopotamie, il marcha contre les Arméniens, qui firent preuve d’une grande valeur, et le contraignirent trois fois de se retirer honteusement, quoiqu’ils eussent été faiblement secourus par les Romains. Les Perses revinrent pour la quatrième fois par le côté du nord en cernant les montagnes; ils se répandirent dans la Cappadoce et se trouvèrent en présence de l’armée romaine, qui bientôt prit la fuite. Ayant mis le siège devant Sébaste, ils emportèrent cette ville et la brûlèrent. Cependant les Romains s’enhardirent, et, fondant sur le camp des Perses, ils s’en emparèrent, et détruisirent le Pyrée, que ceux-ci transportaient avec eux. Si le désordre ne s’était pas mis dans l’armée romaine, ils auraient exterminé les ennemis ; mais les Perses, profitant de l’occasion, reprirent courage, et se dirigèrent sur Mélitène en Arménie, la prirent et y mirent le feu. Alors les Romains leur envoyèrent dire ces paroles :
« Ce n’a jamais été la coutume des rois d’incendier, et vous savez que nous nous sommes toujours abstenus de semblables dévastations dans votre pays, quoique nous n’eussions pas de roi avec nous. Arrêtez-vous, et nous combattrons de nouveau. Les Perses, en recevant ce message furent tout confus, et firent halte du coté oriental de la ville. Les Romains, ayant marché vers eux toute la nuit, arrivèrent en leur présence depuis l’aurore jusqu’à la neuvième heure du jour sans engager de combat. Sur ces entrefaites, les Perses commencèrent à traverser l’Euphrate, et à se retirer. Les Romains, voyant ce mouvement, coururent eux, et les ennemis prirent la fuite avec tant de précipitation, que la majeure partie se noya. Cette retraite fut désastreuse pour eux. Ce fut à cette occasion que le roi des Perses décréta que jamais le souverain ne ferait d’incursion, ou n’irait à la guerre, si ce n’est contre un souverain son égal.
Cependant les troupes romaines se dirigèrent vers le nord, dans le pays des Arméniens, pour faire du butin. Elles voulaient les punir de leur orthodoxie. Ceux-ci s’avancèrent à leur rencontre, la croix et l’évangile à la main, comme au devant de chrétiens. Ils voulaient leur inspirer de la crainte à la fois et du respect, en leur montrant les armes rédemptrices du Christ. Mais ces ennemis de la lumière, ces adversaires de la vérité, dans leur rage, abattirent la croix et l’évangile, saccagèrent les églises, massacrèrent sans pitié les ecclésiastiques et les séculiers, et violèrent les religieuses. Ils arrachaient aux femmes les boucles d’oreille, avec les oreilles mêmes, et leur enlevaient les bracelets, avec la peau du bras. Ils commirent beaucoup d’autres atrocités. Ayant recueilli un butin immense, ils s’en revinrent comme après une éclatante victoire et lorsqu’ils furent arrivés sur leur territoire, ils s’arrêtèrent dans une sécurité complète. Tandis que, se livrant à la joie, ils avaient abandonné leurs chevaux et s’étaient dépouillés de leurs armes, la colère de Dieu éclata sur eux, et fit retomber leurs péchés sur leurs têtes; car une partie de l’armée perse, ayant appris les désordres auxquels ils s’étaient livrés, se cacha, et, se séparant de la suite du roi, se prépara à les surprendre; puis se portant sur eux, elle les trouva sans défense et abandonnés de Dieu. Alors les Perses, s’emparant de leurs chevaux et de leurs armes, les massacrèrent, et s’en revinrent tout joyeux.
A cette époque, les évêques, ainsi que les religieux et les prêtres des couvents de la Mésopotamie et de l’Arménie, qui étaient sous la domination romaine, se rendirent auprès de Tibère, et lui dirent: « Laisse nous pratiquer librement notre foi sans nous troubler, et nous serons tes fidèles sujets, ou bien fais-nous périr par le glaive. » Cependant les Chalcédoniens les menaçaient, mais le roi imposa silence à ces derniers, en leur disant: «Écoutez ce que j’ai à vous révéler. Tandis que l’empereur Justinien était en proie à des douleurs cruelles, et que j’étais auprès de lui pour le servir, je vis un ange de Dieu, tantôt menaçant le démon qui tourmentait l’empereur, et qui lui reprochait les maux dont il avait accablé les orthodoxes, et tantôt laissant à l’infernal la liberté de renouveler ses assauts. » L’empereur me disait: « Ne suis pas les traces de celui qui a fait tous ses efforts pour s’emparer de la couronne, du prince auquel il doit son élévation. »