A cette époque, le patriarche des Syriens orthodoxes, le saint homme Athanase, écrivit à l’illustre catholicos des Arméniens une lettre ainsi conçue:
« A mon père et seigneur Chrisdap’hor, Christophe, salut en Notre Seigneur. J’ai appris que la conduite inconsidérée d’Ezër n’a pas été agréable à ta sainteté, et j’ai rendu gloire au Christ notre Dieu et à sa grâce qui est en toi. Je te rappellerai ô vénérable patriarche, un récit que j’ai lu, et qui a été écrit par saint Maroutha, ton compatriote, et que voici: Le pervers Parsoma (Barsoma) était un des disciples de Nestorius, et, à l’époque où le Saint concile d’Ephèse eut lieu, il résidait tantôt à Edesse, tantôt en Perse. Baui était catholicos et avait été consacré par les Arméniens. Les prêtres de deux couvents vinrent le chercher; ils envoyèrent aussi un homme appelé Parsoma. Celui-ci répondit: « Suis-je sous l’autorité de Baui, en sorte que s’il se rende à votre appel, j’y aille aussi ? » Baui qui était devenu impotent, resta mais il écrivit une lettre au concile, dans laquelle il disait: Nous sommes en la puissance des impies et de mauvais maîtres, et nous n’avons pas l’exercice de notre volonté. C’est pourquoi nous craignons que les infidèles ne nous regardent comme des messagers envoyés de la Perse, et le glaive qui a été teinté du sang de nos pères, n’épargnera notre vie ni notre foi. Tout ce que le Saint-Esprit vous dictera, faites-nous le connaître, et nous nous y conformerons. » Puis il congédia affectueusement les gens qui étaient venus le trouver, mais sans leur remettre sa lettre, de peur qu’ils ne le compromissent. Il choisit deux des siens pour le supplier et les fit partir avec sa lettre, afin qu’eux et son écrit remplaçassent sa présence au concile.
Ceux-ci étant arrivés à Medzpin, trouvèrent dans cette ville Parsoma, qui s’était esquivé de la compagnie de ceux qui l’avaient convoqué à Ephèse. Parsoma leur ayant fait des questions et ayant eu connaissance de la missive dont ils étaient chargés, la leur demanda en leur disant: « Retournez chez vous, car on vous prendrait pour des espions et vous seriez tués. Mais moi qui pars je porterai votre lettre. Alors ils s’en revinrent croyant avec une pleine confiance à sa sincérité.
Mais lorsque ce fourbe serpent eut appris que l’on avait anathématisé et banni Nestorius, il fut saisi de douleur, et se rendit auprès du roi des Perses.
Il lui dit: « Il y avait à Constantinople un homme nommé Nestorius, qui était porté en toutes les occasions d’une extrême bienveillance pour la Perse et qui empêchait les Romains de faire des invasions dans ton royaume. J’ai appris qu’il voulait introduire parmi les chrétiens une doctrine qui n’est pas très éloignée de celle des Perses. C’est pourquoi on l’a calomnié auprès de l’empereur et on l’a exilé, après avoir condamné les dogmes qu’il professait. Donne-moi l’ordre d’établir parmi les chrétiens la croyance de cet ami des Perses, de dépouiller de leurs biens ceux qui la repousseront, et d’en remplir ton trésor. Tu ignores sans doute que ce catholicos remplit auprès de toi le rôle d’espion, et qu’il est dévoué aux Arméniens et aux Romains; car voici une lettre dans laquelle il te dépeint comme un impie, un tyran et un buveur de sang. »
Le roi ajouta foi à ces propos et livra Baui entre ses mains, ainsi que tous les chrétiens qui étaient sous la domination perse; en même temps, il lui donna toutes les troupes qu’il voulut. Parsoma se rendit auprès de Baui, et lui dit: « A coup sûr tu connais la croyance de Nestorius. — « Oui, dit Baui, j’ai appris qu’on l’avait anathématisé, parce qu’il s’est écarté des traditions des saints apôtres. Qu’il soit donc anathème.»
Le farouche Parsoma, transporté de colère, lui arracha la langue, qu’il envoya au roi, en lui faisant dire que Baui avait blasphémé contre lui. Le roi lui répondit de lui couper la tête; ordre que Parsoma exécuta.
« Puis il se rendit à Bagdad, où il répandit la semence du nestorianisme ; de la à Ninwé, ou il s’empara de l’archevêque Martyr, et avec lui de douze évêques et de quatre-vingt-dix prêtres. Lorsqu’il les eut en son pouvoir, il leur dit: « Je ne vous demande qu’une chose, c’est de m’admettre à votre communion, ou de recevoir la mienne.» Ceux-ci lui répondirent: « Nous ne donnons pas les choses saintes aux chiens, et nous ne prenons pas des chiens les choses saintes. » Parsoma, irrité, fit mettre à mort tous les prêtres, et emmena les évêques à Médzpin où il les emprisonna dans la maison d’un juif. Puis, les en ayant retirés, il les fit lapider par les troupes, et crucifier leurs corps. Alors apparut au-dessus d’eux un signe de gloire céleste; et le juif ayant cru au Christ d’après la doctrine de ceux qu’il avait vus périr, reçut le baptême.
Ce scélérat étant entré sur les frontières d’Arménie, aussitôt les Arméniens envoyèrent des gens qui le chassèrent, ainsi que les troupes qui l’accompagnaient. En même temps, ils lui écrivirent pour le menacer de le faire périr par le feu, s’il retournait jamais. L’impie, écrivit au roi de Perse, en ces termes: « Les Arméniens se sont révoltés contre toi, et de cette manière, il irrita le monarque. Mais celui-ci manda aux Arméniens que leur souverain et leur catholicos eussent à se rendre auprès de lui pour rendre raison de ce qui s’était passé. Les Arméniens lui répondirent: « En ce qui concerne notre foi religieuse, nous ne te devons rien. Nous t’avons envoyé l’écrit où est consigné le serment par lequel tu t’es lié envers nous, et dans lequel se trouve cette déclaration: Lorsque les Arméniens viendront pour marcher avec nous contre nos ennemis, ce sera avec leurs croix, leurs prêtres et dans les mêmes conditions que leurs pères. Si donc tu ne tiens pas ta parole, nous sommes dégagés de la notre. Nous ne nous rendrons pas à ton invitation au sujet de ce que tu nous as mandé, et Parsoma, ainsi que ceux qui l’accompagnent, ne retourneront plus auprès de toi, s’ils mettent jamais le pied chez nous. »
Ce fut ainsi que le glaive de Satan et le second déluge du monde furent éloignés de l’Arménie mais retombèrent sur les Syriens.