Ibn Layûn l’Arménien, prince d’Ad-Durûb, était mort quelque temps auparavant sans laisser d’enfant mâle; mais, comme il avait laissé une fille, les Arméniens la proclamèrent reine; puis, s’apercevant que le pouvoir royal ne pouvait être exercé par une femme, ils donnèrent leur reine en mariage au fils du Prince qui l’épousa et vint s’établir en Arménie; il y régna pendant un an environ.
A ce moment, les Arméniens […] craignirent que les Francs ne s’emparassent de leur pays; ils se révoltèrent alors contre le Fils du Prince, se saisirent de lui et le jetèrent en prison. […] Le prince s’adressa au pape, le souverain des Francs dans Rome la grande, et lui demanda l’autorisation d’attaquer l’Arménie. Aux yeux des Francs, les ordres de ce souverain de Rome ne doivent pas être enfreints. Le pape refusa son autorisation en disant : « Les Arméniens appartiennent à notre religion, il n’est donc pas permis d’attaquer leur pays. » Le prince ne tint aucun compte de cette défense. Il envoya un messager à ‘Alâ Ad-Din, prince de Kuniya, de Malatiya et de tous les pays musulmans situés entre ces deux villes, pour conclure une trêve avec lui et lui demander de s’allier à lui dans son entreprise contre le pays de Ibn Layûn.
[…]. Les Templiers et les Hospitaliers, qui sont les deux principaux corps de troupes des Francs, refusèrent de le suivre, en prétextant que le roi de Rome leur avait interdit cette guerre. […] Aussitôt que le pape, souverain des Flancs à Rome, eut appris ces événements, il fit informer les Francs de Syrie qu’il excommuniait le prince. Les Templiers et les Hospitaliers, ainsi qu’un grand nombre de chevaliers, cessèrent dès lors de voir le prince et de lui obéir. Chaque fois que les populations de ses États, c’est-à-dire d’Antioche et de Tripoli, célébraient une fête religieuse, le prince s’éloignait et ne revenait que lorsque la fête était terminée.
[…] Le pape enjoignit alors aux Arméniens de mettre en liberté le fils du prince et de lui rendre son trône, et il ajouta que, s’ils ne se conformaient point à cet ordre, il autoriserait les Francs à conquérir leur pays […] Les Arméniens s’adressèrent alors à l’atabek Shihâb Ad-Dîn, qui était à Halab; ils lui demandèrent de les secourir et lui firent entrevoir le danger qu’il y aurait pour lui si les Francs s’emparaient de leur pays, qui avoisinait les districts de Halab. Shihâb ad-Dîn leur envoya des secours en machines de guerre, armes et troupes.
Quand le prince apprit cette nouvelle, il persista dans son dessein et, alla combattre les Arméniens; mais son entreprise échoua et il dut évacuer l’Arménie.[…]