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Avec l’assentiment et la participation de tous les évêques des diocèses d’Orient et du très bienheureux saint Athanase le patriarche, et surtout par la vocation et la volonté du saint Esprit, il reçut l’ordination épiscopale et le pouvoir sur vous, c’est-à-dire sur la ville de Tagrit qui est la métropole de l’Orient, ainsi que le gouvernement de toute la région orientale, l’an 940 d’Alexandre (629).
Quand il vint se montrer sur le siège apostolique et patriarcal, il éclaira et instruisit tout son troupeau par de saines doctrines et de saintes lois et il l’orna de toute espèce et de tout genre de sublimité et de perfection. Au commencement il ne fut pas très accueilli, on n’alla pas au-devant de lui avec joie et bonne volonté mais on lui résista plutôt (car il faut dire la vérité en tout. Plus tard cependant quand ils le virent sublime, remarquable etadmirable en tout par des mœurs distinguées, une conduite excellente, une parole sage et savante, une administration insigne, un pontificat zélé, une vigilance louable, un louable amour des enfants et, pour le dire en somme, par une miséricorde pleine d’innocence et par la pratique de toutes les vertus facilement et avec bonne volonté, ils plièrent et subjuguèrent leurs âmes et leurs corps sous le joug de ses saints commandements. Ils firent le bien en même temps que lui avec joie et parurent une bonne terre qui rend des fruits pour ses semences célestes, pleines de vie et pacifiques ; ceux mêmes qui auparavant n’abondaient pas en ces fruits excellents qui conduisent à la vie éternelle et ils n’étaient pas tels par malice ou parce que leur cœur n’était pas une bonne terre, mais par manque d’un habile semeur de bonnes semences à l’arrivée de ce saint père et par sa manière d’agir envers eux, devinrent une terre qui produisait des fruits abondants et nombreux, non seulement 30 (pour un) pour la moindre (terre), mais jusqu’à 60 et 100 pour la meilleure. Comme une terre bonne et grasse, pouvant porter de nombreux fruits, demeure infructueuse et improductive s’il n’est personne qui la travaille et la sème, mais porte des fruits nombreux et serrés, console l’esprit et la vue, et réjouit l’âme et le corps, lorsque (elle est dotée) d’un cultivateur soigneux et d’un semeur bon et libéral ainsi ces fils bénis de Tagrit, parce qu’ils étaient bons de leur nature et que c’était faute de semeur et de bonne semence que leurs fruits avaient diminué et que la terre de leur cœur avait été corrompue, quand certes la bonté divine prit les pécheurs en pitié, un bon cultivateur, notre saint père, fut choisi et leur fut envoyé. Parce qu’ils en étaient dignes, ils devinrent de bons arbres portant des fruits, ils grandirent et s’élevèrent du moindre et du plus petit (degré) au (plus) grand, à l’exemple du grain de moutarde comparé, dans l’Évangile, au royaume du ciel, lequel est plus petit que tous les légumes, et, quand il est semé, il devient un grand arbre, au point que l’oiseau du ciel vient et niche dans ses branches.
Quand je considère tous les biens que possèdent maintenant les fils de Tagrit bénie, c’est-à-dire leur foi orthodoxe, leur zèle pour elle et l’accomplissement des bonnes œuvres qui lui conviennent ; leurs offices spirituels et la célébration des divins mystères le bel ordre des clercs les rangs disciplinés des prêtres qui
Font à leur tête, le beau maintien et la belle tenue des diacres au milieu d’eux dans le sanctuaire; leur station autour de l’autel ; le service des sous-diacres, des lecteurs et des chantres les continuelles, louangeuses et louables psalmodies de l’esprit et de l’intelligence ; et tout le clergé, et les beaux vêtements qui les ornent ainsi que toute l’église et l’autel; le voile (du calice), les tentures, les patènes, les calices, les encensoirs, les tabernacles et leur richesse avec le reste des ornements sacrés ; de plus leur exultation et leur joie dans les fêtes du Seigneur et les mémoires des saints qu’ils fêtent et célèbrent joyeusement et ardemment avec attention et sans négligence en même temps que leur amour et leur soumission les uns envers les autres et surtout envers leurs chefs et leurs gouverneurs ecclésiastiques et séculiers quand je vois ce consentement et cette adhésion unanime au bien, je comprends que notre saint père a été pour eux la racine, la cause et le fondement de tout cela ; par sa parole et par son enseignement leurs réunions furent fortifiées et fondées.
Ce qui l’emporte sur tout cela ils devinrent amis de Dieu et amis les uns des autres, ils honorèrent les étrangers et s’entr’aidèrent dans les épreuves ; et ce qui est plus grand et plus admirable par le moyen de notre père et à cause de lui, ils furent les premiers et les chefs de la région orientale il fut cause que Tagrit devint la métropole et la mère des églises de l’Orient et que les Pères s’y réunirent de temps en temps comme (dans une ville) vénérée et mère, et (il fut cause) aussi qu’avec amour (les habitants de Tagrit) honorèrent les Pères, les reçurent avec joie, participèrent à leurs honneurs et à leurs bénédictions,s’occupèrent des besoins des solitaires et des moines et de la construction des églises, des monastères et des saints couvents ; répandirent des aumônes sur les pauvres ; délivrèrent les captifs et les prisonniers; s’attachèrent aux habitudes bonnes et profitables et leur furent fidèles; s’éloignèrent des (habitudes) mauvaises et nuisibles.
En un mot Tagrit grandit tellement et acquit un si bon renom et une (telle) cillorescence de biens à son époque, que tous ceux qui entendaient et voyaient les bonnes actions accomplies par (les habitants) louaient Dieu et disaient :
« En vérité Dieu habite en eux et est au milieu d’eux non seulement parce qu’il est loué par eux de manière orthodoxe, mais aussi parce qu’il est servi avec pureté. »
Nous aussi, faibles, nous prions pour qu’ils demeurent ainsi, ou plutôt pour qu’ils progressent davantage dans les œuvres agréables à Dieu et dans tous les biens, ainsi que tous les frères fidèles qui sont en tout lieu, jusqu’à la fin du monde. Amen.
A l’exemple du divin Apôtre Paul qui se faisait tout à tous afin d’être utile à tous ainsi était notre bienheureux père envois tout rang et toute condition. Il se donna à eux comme un prototype de salut aux prêtres pour qu’ils accomplissent avec pureté les divins sacrifices ; aux riches pour qu’ils ne missent pas leurs trésors sur la terre mais dans le ciel. ni leur espoir dans la richesse, mais en Dieu qui donne tout avec abondance ; aux indigents, aux affligés, aux malades et à ceux qui se trouvent dans diverses afflictions pour que leur esprit ne défaillît pas dans les tentations et dans les épreuves. Il les instruisit sagement. Il enseignait tout cela non seulement par la parole mais aussi par les œuvres, car sa main était libérale en dons. Par l’éloignement qu’il avait des richesses, par les épreuves, les maladies et les souffrances qu’il portait sur son corps, il consolait aussi et fortifiait les faibles. Vous vous rappelez combien courageusement il endura et supporta l’accident qui lui arriva, il domina la violence de la douleur et nous montra par là que les souffrances de ce monde bien qu’elles soient faibles nous préparent une longue gloire sans fin dans les siècles des siècles.
Parce qu’il ne possédait rien, il nous apprit à tous à ne pas aimer la richesse passagère et mondaine (il apprit) aux pauvres et aux affligés à tout supporter avec foi et action de grâces; il revêtit les femmes de pureté, de pudeur et d’humilité, car il les revêtit d’un voile et leur ordonna de tresser leur chevelure, elles qui auparavant étaient découvertes et nues sans pureté. Il se fit tout à tous et avantagea chacun, et, après qu’il les eut nommés nation sainte, peuple délivré, royaume sacerdotale peuple zélé pour les bonnes œuvres, et sol excellent portant de bons fruits, il ne se lassa pas de leur faire acquérir les biens durables et ne cessa pas non plus de leur être un bel exemple en tout. Il leur montrait donc en sa personne les beaux exemples et leur frayait le chemin pour gagner avec lui la vie éternelle.
Quand il eut orné et paré toute la ville de tout genre de vertus et qu’il l’eut comblée de paix, il voulut aussi remplir le désert voisin de la paix des vertus et de la pratique des bonnes œuvres. Il réunit des hommes saints et divins, les conduisit au milieu du désert et voulut leur bâtir un monastère en cet endroit et les
Y faire habiter. Par le gouvernement et la conduite de Dieu, il trouva une source d’eau nommée de *Aïngagâ; il y travailla beaucoup, la dégagea et veilla dans sa sagesse à ce qu’on la conduisît
Pour arroser la terre, car il était habile et expérimenté aussi pour les travaux de ce genre.
Il avait aussi avec lui des bienheureux habiles qui travaillèrent à cela. Quand Dieu vit la promptitude de son esprit et sa bonne volonté, il conduisit l’ouvrage à des fins belles et utiles. Cette source qui était très petite et ne pouvait pas couler, Dieu la montra presque comme un fleuve copieux et abondant par les prières du saint. Il commença par bâtir près de cette source un monastère sous le nom de saint Mar Sergis et avec grand travail et dépenses nombreuses, il le termina complètement, l’orna et l’embellit de constructions splendides et belles, de nappes d’autel, de voiles précieux, d’ornements sacrés et de tout ce qui est nécessaire à l’église. Il y mit beaucoup de livres d’offices, lui acquit aussi des possessions matérielles et y réunit et y installa de nombreux moines des plus vénérables et des plus mortifiés, il leur donna pour chef Mar Sabâ, digne des plus grands éloges, dont la mémoire est en bénédiction; tous étaient bienheureux et excellents ; par eux et par ce monastère fut pacifiée toute la Mésopotamie, parce qu’il était situé au milieu. Dieu, par les mains de notre père, en fit un refuge, un port et un lieu de repos pour quiconque voyage et demeure dans ce désert, en même temps qu’une joie, un refuge, une protection contre les dangers, (contre) la faim et la soif pour quiconque y passe. Ceux qui traversent le désert pour aller à ‘Aqoulâ s’y reposent, c’est leur port. Ceux qui vont de l’Euphrate au Tigre ou du Tigre à l’Euphrate s’y arrêtent. II faut voir les multitudes qui l’ont quitté et d’autres qui l’habitent, y mangent à leur faim, se rassasient, boivent et se rafraîchissent. Les indigents, les affligés, les malades et les faibles y sont apportés, surtout par les peuples qui habitent la Mésopotamie, ils y sont guéris, en sortent fortifiés et en bonne santé et secourus quant au corps et quant à l’esprit. (Ce monastère) sauva de nombreux hommes, les protégea et les garda des lions, du froid, du chaud et des autres dangers et en sauvera (encore). Les moines qui y habitaient ramenèrent à la foi orthodoxe de nombreuses âmes éloignées de Dieu et de sa connaissance, et leur furent une cause de bien1. Gela n’avait pas lieu seulement pour ceux qui voyagent dans le désert mais aussi pour ceux qui demeurent dans les forteresses (kastra) qui sont au milieu de l’Euphrate.
Qui donc après avoir entendu cela, avoir été jugé digne de voir ce saint monastère et les bienheureux moines qui y habitent et avoir appris leur travail et leurs excellentes actions, ne demandera pas, avec le psalmiste David, les ailes de la colombe pour voler, se reposer près d’eux dansrle désert, être béni par leur sainteté et renier le monde ainsi que tous ses désirs! Moi aussi, mes frères, chaque fois que je repasse dans mon esprit leur jeûne laborieux et continu; leur ascétisme incomparable leurs offices et leurs prières sans fin; leurs gémissements émouvants dans les prières leurs longues stations de nuit leurs veilles prolongées ; leur méditation de la loi du Seigneur durant la nuit et le jour; leurs génuflexions réitérées leurs adorations profondes leurs stations dans les fêtes du
Seigneur et les mémoires des saints les honneurs qu’ils leur rendent et leurs solennités ; et aussi ceux d’entre eux qui plus zélés ont choisi la station (sur des colonnes ?) et qui ne se reposent pas sur la terre et ceux qui ne mangent pas de pain durant le jeûne et ceux qui font des veilles tous d’ailleurs supportent patiemment dans leurs boissons des eaux amères et salées et une nourriture maigre et privée de toutes superfluités je déplore ma vie misérable passée dans la vanité et (je me demande) comment je pourrais m’arranger et trouver une occasion de voler d’un pied léger, d’arriver près d’eux et de tirer profit au moins de leur vue, eux qui en vérité, selon la parole du Messie, ont porté sa croix sur leurs épaules en faisant mourir leurs membres terrestres ce monastère est la montagne de Sion qui est aux extrémités du midi et la ville du grand roi, dans les palais c’est-à-dire dans les monastères de laquelle (sont) des hommes courageux ; Dieu fait connaître sa force.
Car un homme puissant, notre saint père qui est parmi les saints, l’a fondé et l’a ordonné. On trouve encore dans le psautier à son sujet Grand est NotreSeigneur et grandement il est loué dans la ville de Dieu et sur sa montagne sainte et louable ; joie par toute la terre. C’est le monastère de notre père où Dieu est grandement loué et dans lequel se réjouit toute la Mésopotamie. Par la providence divine il eut donc le projet (de le construire) et il l’établit, au milieu de la Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, pour être une joie et une cause de salut à beaucoup. Car c’est en vue du salut que le Seigneur le fit au milieu du pays.
Avec David nous louerons et nous dirons Chantez au Seigneur un nouveau cantique, car il a fait une chose admirable, et Le Seigneur a montré son salut, il a révélé sa justice devant les peuples, et Tous les peuples
de la terre ont vu le salut de notre Dieu. Nous dirons avec le prophète lsaïe Les îles et leurs habitants loueront le Seigneur, le désert et ses villages se réjouiront, et tout le reste qui est dit dans le cantique.
Quand tout cela fut fait et accompli et que ce monastère saint eut été fondé par lui dans toutes ses (parties)., comme notre père savait que dès le commencement, Dieu, dans sa bonté, créa également l’homme et la femme, leur donna à tous deux le libre arbitre et les plaça dans le paradis de délices, puis, quand ils eurent transgressé le précepte et furent tombés et corrompus, il les sauva tous deux et leur promit le royaume il eut soin de bâtir un monastère pour les femmes et lui donna le nom de la sainte mère de Dieu Marie.
On l’appelle aujourd’hui de Beit Ébrê C’est Dieu tout-puissant qui doit en vérité être acclamé dans la construction de ce monastère et dans son accroissement en piété. Qui en effet songeant aux abominations qui s’accomplissaient auparavant sur l’emplacement de ce monastère où il y avait un temple d’idoles dans lequel on adorait les démons et on accomplissait des impudicités, des débauches et des turpitudes, et le voyant maintenant devenu une habitation sainte où se trouve le baptême, père de la vie et générateur d’enfants spirituels, où l’on célèbre les saints mystères qui donnent la vie aux mortels et où demeure la chaste réunion des saintes femmes qui rivalisent et cherchent à se dépasser et à se surpasser les unes les autres en vertu qui persévèrent nuit et jour dans les offices et dans les prières et se mortifient dans la continence et les jeûnes prolongés ne s’écriera pas aussitôt, dans la stupeur et l’admiration, et ne dira
pas avec David Que tes œuvres sont grandes, Seigneur, et tu les as toutes faites avec sagesse et Tout ce que veut le Seigneur, il le fait dans le ciel et sur la terre Notre père fut donc cause de cela et il n’amena et n’attacha pas seulement les hommes à la perfection et à la force d’âme, mais encore les femmes ; il plaça un excellent fondement pour la construction de ces monastères ; il voulait voir Tagrit accomplie en toute bonne œuvre et il exhortait constamment ses habitants à la piété.
Les événements répondaient aussi à sa bonne volonté et arrivaient à une belle fin. Dieu lui prépara un aide excellent pour toutes ces choses et pour d’autres bonnes œuvres encore dans le véritablement noble et pieux Abraham Bar Ishû‘ son ami, chef et gouverneur de Tagrit, sage, paisible, zélé pour la foi et observateur des saints préceptes vivifiants. Si quelqu’un, à cause de ses belles actions, de sa foi et de son amour envers chacun, l’appelait second Abraham, il ne s’éloignerait pas de la vérité. Il imita donc notre père, s’appliqua à marcher sur ses traces, bâtit des monastères et éleva des autels dans la ville et en dehors. Le monastère de la Mère de Dieu, et avec les revenus de sa maison, il les agrandit, les éleva, les amplifia, les enrichit et laissa un bon renom et un grand temple il honorait beaucoup et aidait aussi les Pères et les moines. De même que ce fidèle a imité ici notre saint père, je prie (pour) qu’il soit aussi son camarade et son compagnon dans le royaume du ciel et qu’il se réjouisse avec lui dans l’éternité.
Si nous voulions parler de toutes (les belles actions) de Mar Abraham, il (nous) faudrait une histoire particulière; puisque nous ne pouvons pas les raconter toutes, revenons donc terminer le récit consacré à notre saint père. Tout ce qui le concerne était en effet prodigieux et élevé au-dessus des hommes de ce temps. Ceux qui, au commencement de la prédication, apprirent l’Évangile reçurent chacun un don ou deux, selon la parole du bienheureux Paul, mais notre père était comble par Dieu de nombreux dons et était aussi riche pour chacun d’eux que pour eux tous. Si je pense à son extérieur et à son visage, toute mansuétude, intelligence et philosophie y étaient peintes ; si quelqu’un considère sa science, il verra qu’il la possédait éminente et surpassant beaucoup ; sa sagesse et son remarquable gouvernement, il sera rempli d’admiration; sa prééminence et son pouvoir sur tout le bercail de Tagrit et de la région orientale, jamais il ne s’oublia et ne s’éleva au-dessus de ses frères il était bien plus élevé que tous les princes des prêtres de l’Orient, mais, par sa grande humilité, il était envers eux comme Joseph envers ses frères, et leur était à tous comme une couronne. Durant le tumulte et la commotion des querelles qui arrivèrent à son époque, il se montra en tout pacifique, doux et patient.
Si tu veux donc connaître sa sagesse et son éloquence, lis avec attention le bel écrit qu’il a fait pour réfuter un libelle impie de celui qui est appelé Catholique des Nestoriens et les autres livres de recueils des Pères qu’il fit. De ses jeûnes laborieux et de ses prières puissantes témoignent tous ceux qui ont eu l’honneur de s’asseoir à sa table et qui étaient très éprouvés par son abstinence parce qu’ils avaient honte de manger, voulaient l’imiter et ne le pouvaient pas. Quant à ses prières, nous avons vu de nos yeux et vous (avez vu) aussi qu’elles étaient efficaces et puissantes pour ceux qu’il bénissait et pour ceux qu’il maudissait.
J’en arrive à admirer l’addition d’une lettre qui a été ajoutée à son nom.
Avant de recevoir le pouvoir et l’honneur du pontificat, il se nommait et s’appelait Marout, mais quand il eut grandi dans le sacerdoce et dans la vertu qui assimile à Dieu, ainsi que dans le grand pouvoir paternel, son nom aussi s’agrandit et fut allongé et on l’appela Marûta au lieu de Marout. Il apparut par (ses) œuvres que c’était avec convenance et à bon droit qu’il avait grandi dans son nom, à l’exemple d’Abram, lequel, quand il crut en Dieu, et fut appelé ami de Dieu, fut destiné, à de sa foi, à être le père des peuples il est évident que ceux-là sont ceux qui ont cru au Messie et grandit et une lettre fut ajoutée son nom et il fut appelé Abraham, ce qui indique quand on l’interprète le Père, le Fils, le Saint-Esprit, la Foi et le Baptême. De même, puisque notre saint père était le père et le chef de tous les fidèles de l’Orient en même temps que rilluminateur, le docteur et le sauveur de la servitude du démon et du péché, c’est avec qu’une lettre fut ajoutée à son nom. Chaque fois que je repasse ses vertus dans mon esprit et que je me rappelle sa sainteté, je gémis et je souffre de ce que moi qui ne suis pas digne de la poussière de ses pas et qui ne suis capable de rien, je me trouve élevé à la place de ce saint par les jugements ineffables de Dieu. Il est un mur et une armure puissante et invincible pour tout son troupeau en même temps qu’une couronne et un sujet de gloire pour toute l’Église de Dieu. Il se réjouit dans ses chers fils et vit leurs bonnes actions, il vieillit et fut rassasié de jours. Comme il est encore écrit du patriarche Jacob, il vit ses enfants et les fils de ses enfants il reçut la récompense de ses bons travaux même dès ce monde et s’en réjouit.
A la fin de la vingtième année de son épiscopat, il termina sa lutte et sa course et annonça sa mort. Une et deux fois il fut malade, il en revint et reprit des forces, puis tomba malade de nouveau.
Quand il fut près de rendre son âme à son maître, il s’agenouilla, pria et bénit la ville de Tagrit, ainsi que tous ses habitants, hommes et femmes, petits et grands. Il ne se troubla pas et ne craignit pas, mais il demeura tranquille et sans agitation à l’heure de sa mort, avec un visage paisible.
Tous les habitants de la ville étaient dans l’angoisse et la souffrance et pleuraient, pour ainsi dire, afin de l’accompagner à cause de leur amour pour lui et pour ne pas être privés de sa vue et du commerce de ses prières.
C’est le moment de comparer la première rébellion contre lui et leur adhésion actuelle dans son amour et nous louerons Dieu qui a tout fait et qui finit par donner la prépondérance au bien. Aucun saint ne pouvant fuir la coupe de la mort à laquelle fut condamné notre père Adam, il s’étendit doucement dans son lit sans qu’il pût s’apercevoir de son agonie pas plus que ses disciples, et il mourut dans une bonne vieillesse.
Tous les clercs se réunirent, ainsi que tous les habitants de la ville, hommes et femmes, toutes les tailles et toutes les classes, puis ils ensevelirent ce pur vieillard avec honneur et grande pompe, en se lamentant et en pleurant d’être privés de lui. Ils le mirent dans un sarcophage dans le saint baptistère le samedi deux mai de l’an neuf cent soixante (649), puis tous les jours, durant cinq mois, ils lui firent mémoire, offrande (du saint Sacrifice) et souvenance, confiants que, par ses prières, Dieu se réconcilierait avec eux et aurait pitié d’eux. Nous aussi, pécheurs, nous le supplions afin que, par les prières de notre père, de tous les saints et surtout de la Mère de Dieu, le Seigneur prenne pitié de tous les hommes et les ait en miséricorde; qu’il nous aide pour sauver notre vie; qu’il nous envoie tout don utile qu’il fasse régner sa paix et son salut dans toute la création et surtout dans cette ville, qu’il lui augmente les biens, qu’il l’entoure de sa crainte et de sa force comme d’un mur et d’avant-murs, qu’il la garde, qu’il en chasse les disputes, les combats, les rébellions et les plaies funestes; qu’il la remplisse de paix, de salut, de sa joie et de l’abondance des biens; qu’il nous conserve tous dans la foi orthodoxe et dans l’observation de ses saints commandements jusqu’au dernier souffle et que nous fassions ce qui lui plaît durant toute notre vie, afin qu’après avoir imité les excellentes actions de notre père nous arrivions avec lui à la fin bienheureuse et à la part (à l’héritage) qui échoit aux saints dans la lumière. Tous en même temps rendons gloire et action de grâce au Père, au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.
Fin de l’histoire de Mar Marouta, métropolitain de Tagrit la ville bénie, qui fut écrite par le vénérable et saint Mar Denha, métropolitain de la même sainte ville de Tagrit.