Lettre de Moulay Ismàïl à Jacques II
Loué soit Dieu seul !
Il il y a de force et de puissance que dans ce Seigneur très haut et très grand; il n’y a point d’autre maître adorable que lui.
survivance de la charge de son père. Il a publié plusieurs ouvrages sur l’Orient et en a laissé un certain nombre de manuscrits. Quelques bibliographes lui attribuent à tort la Relation universelle de l’Afrique ancienne cl moderne. Lyon, 1688, 4 vol. în-12. Cet ouvrage médiocre, démarquage de celui de Dapper, a pour auteur un Lyonnais, Phérotée de la Croix (?-!7l5).
1. V. sur ce mot, p. 2, note 2.
2. L’interprète;» écrit en tête de sa traduction : « Lettre de Moula îsmaet, Boy de Maroc, à Jacques second, Itoi de la Grande Bretagne du 20 février 1098, écrite en langue arabesque. »
De la part du serviteur de Dieu, qui se confie en Dieu, qui en toutes ses affaires se résigne à Dieu, qui se passe, l’ayant avec soi, de tout autre que de lui, le prince des vrais croyants, cpii combat pour la Religion de Dieu, Seigneur de ce inonde et de l’autre 1.
(Ici le sceau ou chiffre du Roy de Maroc qui contient ces termes en or 2 » 🙂
« fsmael, fils du ehérif de la lignée de Hassan* ; que Dieu le rende victorieux cl triomphant !
(Et autour du sceau est écrit aussi en or 🙂
a Dieu veut sur toutes choses vous nettoyer de toutes souillures, ô princes du sang du Prophète et vous purifier entièrement ‘. »
1. Maître de toutes tes choses créées, ou bien Seigneur de tons tes mondes. Le traducteur a commis un contre-sens, en prenant ^dLsJl pour un duel.
2. Ce chiffre est reproduit en photogravure dans les facsimilc de la lettre arabe et de la lettre espagnole. V. planches. IV et V.
3. Ilasan, fils d’Ali et de Fathma, fille de Mahomet.
4. « Dieu veut éloigner de vous tonte souillure, gens de ta maison (c’est-à-dire membres de la famille du Prophète) et vous assurer une pureté parfaite. » Cette exergue est tirée du Coran, sourate xxxm, verset 33. Quelques théologiens, parmi ceux qui ont le fétichisme de la descendance du Prophète, donnent de ce verset l’interprétation suivante : Dieu a voulu que la couche d’un chérïf fût préservée de la souillure de l’adultère et que les enfants de la glorieuse liguée de Mahomet fussent toujours légitimes. Contester, d’après ces commentateurs, la légitimité d’un ehérif, ou plutôt accuser d’adultère la femme d’un ehérif, est pécher contre la foi. La femme d’un 5S MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
Dieu donne un heureux succès à ses entreprises,
ehérif, pas plus que celle de César, ne doit être soupçonnée. On sait que la tendre Aâïcha, l’épouse bien-atmée du Prophète, n’avait pas été à l’abri de la calomnie. Un certain soir, au retour d’une expédition où elle accompagnait l’apôtre de Dieu, on ne l’avait pas trouvée dans son palanquin, et elle n’était rentrée au camp que le lendemain matin accompagnée par Safwàn ben Moâllal ; les médisances ou les calomnies étaient allées leur train cl Mahomet, pour leur imposer silence, dut recourir à la révélation ; la sourate 24 descendit du ciel pour dissiper les derniers doutes du Prophète et venger l’honneur d’Aâïcha. Dozv, Essai sur thistoire de Fisfami&mc, p. 79.— Il laut lire dans CAVSSIX DK PKUCEVAL, Essai sur Chisloire des Arabes, le délicieux récit de celte aventure fait par Aâïcha elle-même, t. III, p. 104 et ss. La calomnie s’attaqua aussi;» la mère d’Edris II. Les émirs aghlabitcs, dans le dessein de discréditer la dynastie qui s’élevait sur le Maghreb cl Akça, prétendirent que l’enfant posthume reconnu comme EdrisII était né des oeuvres de Kached. affranchi de la famille. Ibn Khaldoun s’élève contre ce soupçon, te Edris II, dit-il, naquît sur le lit de son père; or l’enfant appartient au lit. De plus, c’est un des dogmes de ta foi que ta descendance du Prophète est à l’abri ifitn soupçon comme celui-là. » Puis, citant le verset 33 de la sourate xxxm, il ajoute : « Il résulte de celte déclaration du Coran, que le lit d’Edris I était à Tabri de tonte profanation et exempt de tonte souillure. Donc celui qui soutient l’opinion contraire a commis un péché mortel et s’est jeté dans f infidélité. » Prolégomènes, lt pp. 40-50.
Celte fidélité des épouses de chérifs est loin d’être admise comme un dogme par tous les musulmans. Un lettré avec qui je traitais ce sujet délicat, me fit celle réponse lîrée, je croîs, des hâdit ; Jtait ^a.^.5 ^*tr-Jr cc fIu* Pcl|t sc traduire honnêtement en français par : <r II n’y a pas de cadenas pour la vertu des femmes ».
UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 59
lui fasse In grâce de l’aider de son aide, de lui faciliter toutes ses affaires, lui perpétuer les bonnes moeurs et les bonnes oeuvres de l’oraison ‘ ! Ainsi soil-il par le Seigneur de ce monde et de l’autre 2. Au roi 5 des Anglais, demeurant au pays de
1. « Que Dieu l’assiste de sa puissante victoire, lui accorde sa protection et lui facilite le succès; qu’il perpétue, au milieu des bonnes actions, ses nobles vertus et son excellente réputation! »
2. Même contre-sens que ci-dessus. V. p. 57, note 1.
3. Tàghia UMs, mot qui signifie : tyran, usurpateur, souvC’ rain d’une maison idolâtre. Ce nom est celui donné aux grands monarques non-musulmans dans les premiers temps de l’islam, celui par lequel Charlcmagnc est désigné dans les chroniques arabes. Les appellations et les titres donnés aux rois chrétiens dans les actes diplomatiques et les lettres officielles par les souverains du Maroc ont varié suivant le degré de fanatisme de ces derniers et les nécessités de la politique; mais il leur a toujours répugné de conférer à des chrétiens des litres qu’ils pensaient n’appartenir qu’à des croyants. Ils ne pouvaient pas évidemment les qualifier de khalifes (lieutenants du Prophète), mais ils n’avaient aucune raison pour ne pas tes appeler sultans, puisque ce titre, porté à l’origine par des princes musulmans qui avaient enlevé aux khalifes le pouvoir temporel, n’avait aucun caractère religieux. Cependant les chérîfs du Maroc, ayant eux-mêmes adopté ce titre en 1037, ne voulurent plus le donner à des rois chrétiens, Moulay Ismàïl ne s’en sert jamais dans sa correspondance avec Louis XIV qu’il qualifie suivant son humeur : « Le plus grand des Boum (Européens), le chef du royaume de France » (18 août 1093) ou « Le tyran (taghîa) de France (5 septembre 1099). Quant il lui écrit en espagnol, il emploie la formule plus brève du protocote européen : te A Dorn Louis XIV, par la grâce de Dîeu, roi de France et de Navarre » (21 juillet 1709). Les successeurs de Moulay 60 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
France, Jacques second, appelé en leur langue
Ismàïl firent de même, et quelques-uns crurent éviter toute difficulté diplomatique, en se servant du mot espagnol cl rei (le roi). Cette intention manisfeste de refuser aux rois de France le titre de sultan finit par paraître inconvenante, et, en 1782, Louis XVI fit faire des représentations au sultan Sidi Mohammed (1757-1790) qui ne lui avait donné que ce titre de cl rei; le ehérif lui répondit par un véritable sermon sur l’humilité, te Quant à la demande que vous faites pour que nous vous donnions le tïlrc de sultan, il faut que vous sachiez que l’on ne pourra reconnaître que dans l’autre vie qui sont ceux qui méritent ce nom. Ceux qui auront été agréables à Dieu, qu’il regardera favorablement, qu’il revêtira de vêtements impériaux et auxquels il mettra la couronne sur la tête, ceux-là seront dignes du titre de sultan… Quant à ceux, au contraire, qui seront dans celle vie l’objet de la colère de Dieu, auxquels on passera une corde sur le cou… ils seront bien loin de porter le titre de sultan… Ne nous donnez donc plus désormais, quand vous nous écrirez, le titre de sultan ni aucun autre titre honorifique, et contentez-vous ne nous appeler du nom que nous avons reçu de notre père qui est : Mohammed ben Abdallah, ainsi que nous le ferons nous-même, en écrivant soit à vous, soit à d’autres… Si les Bégcnccs de la partie orientale de l’Afrique se servent envers vous de la dénomination de sultan, c’est uniquement pour vous complaire qu’elles en agissent ainsi. Quant aux lettres que vous recevez clc la cour ottomane dans lesquelles on vous donne ce titre, elles sont écrites par le vizir et ne sont pas iteme lues par le prince ottoman, car s’il les lisait, il vous dirait la même chose que nous. » Notre consul Chénicr écrivait h propos de cette difficulté d’étiquette que le sultan du Maroc- aurait dît : e? Je consens à appeler le roï de France « le juste » s’il peut, prouver qu’il paraît ainsi aux yeux de Dîcn ». Cf. Aff. Etr. Maroc, Correspondance; SII.VKSTKKDKSACV, Cltrestomathicarabe, 1.1II, UNE APOLOGIE l>E L’ISLAM 61
James. Le salut soit sur ceux qui suivent le droit chemin et qui s’éloignent de la voie d’erreur et de mal, qui croient en Dieu et en son prophète et qui ont été dirigés’.
Ensuite, nous vous écrivons ces lignes pour deux raisons, l’une qui regarde la religion et l’autre qui concerne la politique 2. Ce qui nous a
p. 332; Inx KIIALDOUX, Prolégomènes, 1.1, p. 387, et t. H, p. 10 ; TIIOMASSV, loc cil., p. 29^.
1. Ce salut plutôt négatif, puisqu’il n’est souhaité au destinataire de la lettre qu’autant que celui-ci est dans a le droit chemin » est le seul admis de musulman à chrétien. L’ambassadeur marocain envoyé vers 1090 par Moulay Ismàïl au roi Charles II d’Espagne relate avec une certaine morgue, dans son récit de voyage, la réponse qu’il fit au comte Carlos del Castillo, introducteur des ambassadeurs à la cour, qui voulait régler avec lui cette question d’étiquette : « Il (le comte Carlos del Castillo) se mit à nous questionner sur la manière dont nous saluerions, afin d’en donner avis au roi, avant notre entrée, attendu que nous étions les premiers de notre nation — que Dieu t’exalte! — a être reçus par lui. Nous lui fîmes connaître quel était notre salut entre coreligionnaires et celui que nous donnions aux personnes n’appartenant pas à notre religion. Celui-cïétait ainsi conçu : a Que le salut soit sur celui qui suit ta voie droite » sans une parole de plus. 11 s’en alla informer son maître de notre réponse. Le roi fut tout étonné de cette formule de salutation à laquelle il n’était pas habitué et qu’il ne pouvait qu’accepter, sachant bien que nous étions fermement résolus à ne pris y ajouter un mot. » Voyage en Espagne d’un Ambassadeur Marocain (1090*1091), traduit de l’arabe par II. SACYAIM:. Paris, 18SÎ, in-8, pp. 90, 91.
2. Les deux racines ,.,ta et Lb d’où sont dérivés les mots religion et politique, choses spirituelles et choses temporelles, 62 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
porté à cela, c’est le désir de vous éveiller, de vous donner conseil, de vous avertir et de vous diriger, le tout en considération de ce que le feu Roi d’Angleterre, votre frère, nous avait fait connaître ses sentiments véritables au sujet de sa croyance en Dieu et de sa religion et, comme il était divinement inspiré et persuadé que notre religion était la plus excellente de toules ‘, et, à cause de cela, il
ont un son très voisin et forment allitération dans la phrase arabe. Un exemple de celle même allitération se trouve dans la réponse si caractéristique que fit un jeune ehérif marocain à son père qui lui demandait de résumer ses impressions, au retour d’un voyage en pays chrétien :
b^j-f *iLb _. ULJJLf *^£i
c< Leur religion (la religion des chrétiens) est comme noire gouvernement; leur gouvernement est comme notre religion ». C’est-à-dire, en rétablissant les qualificatifs sous-entendus : ee Leur religion est aussi détestable que notre gouvernement; leur gouvernement est aussi parfait que notre religion ».
Les souverains chérifiens, sans aller jusqu’à faire comme Moulay Ismàïl de la controverse cl du prosélytisme dans leur correspondance avec les souverains chrétiens, ont toujours aîmé à appuyer de citations religieuses leurs considérations sur les événements politiques. La lettre du sultan El-Onalid ( 1033-1G15)adressée au roi d’Angleterre Charles I*r et que nous reproduisons (Appendice II, p. 113) est un spécimen du genre.
1. ^^5>^[} v^^Ç^I (^* ” !>ar sa clarté et sa noblesse », membre de phrase dont la traduction a été omise.
Les dispositions manifestées par Charles II en faveur de l’islam paraissent assez invraisemblables; il faudrait, pour en acquérir la preuve, consulter les minutes de la correspondance royale qui font défaut défaut pour celle époque. Quant aux lettres adressées par Moulay Ismàïl à Charles II conservées au UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 63
nous demandait la paix 1 pour Tanger cl envoya à cet elfet h noire haute cour 5 un de ses officiers et cela plus (1*11110 et deux fois*, dans le dessein d’honorer notre dignité de Chérif. Selon nos lois, en elfet, la correspondance de lettres est permise entre les Rois, nonobstant la diversité des langues et la différence des religions 1.
Publie Record Office, elles ne renferment aucune allusion à ces sentiments. Foreign Office Documents. Modem Royal Le tiers. Second Séries Empcror of Morocco, iî^Vi’illïl. — Si l’on se rappelle le grand scepticisme du roi Charles II, dont la religion était un pur déisme, il est possible d’admettre que. dans sa correspondance avec le sultan du Maroc, il ait parlé en termes élogieux de l’islam. D’ailleurs, à celte époque cl du fait de la conversion du duc d’Vork au catholicisme, les questions religieuses avaient créé en Angleterre de profondes divisions; elles pouvaient échapper d’autant moins à Moulay Ismàïl qu’elles étaient à l’état aigu dans la garnison de Tanger dont un des régiments était papiste. Rappelons, sans tirer de cette boutade une importance qu’elle ne comporte pas, que le colonel Richard Kîrke envoyé en mission en 1083 à Mekinês avait promis à Moulay Ismàïl de se faire musulman, si jamais il changeait de religion. Cf. Diclionary ofXalionatRiograptty.
1. îolr^t. Mieux : une trêve.
2. Û5\J ,i*îî tatii. « A notre Majesté l’élevée par Dieu ».
3. AJUÎÎ * l^’JJt. « Une première et une deuxième fois ». C’est-à-dire : ee à deux reprises différentes », Ambassades de lord Henry Howard en 1072 et en 1075. Mission du colonel Richard Kîrke et du lieutenant Nïcholson en 1083. Le texte arabe porte <J>*i ^y « quelques-uns de ses officiers ».
4. Cependant le souverain chrétien doit écrire le premier, sî l’on en juge par fa réponse faîte en 1801 par Moulay Abd cs-Selam, frère de Moulay Sliman. empereur du Maroc, au chancelier élu consulat de France à Tanger. Notre agent ïnsis* 61 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
Nous l’avons approuvé en ce qu’il a fait et nous avons satisfait à ce qu’il a désiré de nous, puis nous lui avons envoyé un île nos officiers en qualité d’ambassadeur, qui est arrivé à sa cour et s’est présenté à lui comme vous avez vu. Vous avez même été témoin ‘ de la joie qu’il a éprouvée de le voir et de la bonne réception qu’il lui a faite, tellement que cet ambassadeur est revenu joyeux et content, de quoi nous avons eu une grande satisfaction. Nous avons toujours eu cela en considération et nous lui avons tenu parole en tout ce que nous avons géré et conclu a Tanger 1. Cela est si
tait auprès de Moulay Abd cs-Sclam pour que le sultan, son frère, prit l’initiative d’envoyer des félicitations à Napoléon Ier qui venait d’être proclamé empereur; il s’attira cette réponse: ee Le sultan des vrais croyants ne doit pas commencer à écrire à celui des chrétiens. Ne me parlez plus comme cela ». Tuo5IASSV, p. 371.
1. ASJL J iJ’^jsU. L£ ee Comme vous en avez été témoin, l’ayant vu par vous-même [puisque vous vous trouviez à la cour du roi votre frère]. » Ces mots font partie de la phrase précédente qu’ils terminent. La phrase suivante peut être rétablie ainsi ; « Il [Charles II] a été très satisfait de notre ambassadeur, il l’a comblé d’honneurs et s’est grandement réjoui de sa venue et ccluî-ci nous est revenu… » L’ambassadeur dont il est ici question est le fameux Abdallah ben Aâïcha. V. p 40.
2. La ville de Tanger, possédée par les Portugais depuis 1471, avait été donnée en dot à Catherine de lîragancc, infante de Portugal, à l’occasion de son mariage avec C lui .les II d’Angleterre (I0t;2). « Les Anglais s’installèrent dans Tanger comme dans une ville prise d’assaut…, transformant en écuries les temples du Seigneur, monuments de la foi portugaise. » Leur occupation restreinte à ce seul point fui très précaire : les UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 65
vrai que, lors de l’abandon qu’il fit de cette ville, nous n’avons pas seulement voulu prendre garde à ce qu’il fit, comme d’en transporter les munitions, les canons et les habitants, quoique les Maures voisins de cette ville en fussent témoins oculaires et nous informassent de ce qui s’y passait. Mais nous n’y voulûmes pas faire réflexion ni nous en mêler en aucune manière. Nous n’en usâmes ainsi qu’en reconnaissance des honnêtetés qu’il avait exercées envers notre ambassadeur et en exécution de la parole que nous lui avions
tribus des environs et les troupes de Moulay Ismàïl tenaient la garnison étroitement bloquée ou bien l’attiraient dans des embuscades meurtrières. En 1083, le parlement anglais ayant refusé des subsides pour l’entretien de Tanger, Charles II se décida à l’abandonner. Don Pedro II, roi de Portugal, fit de pressantes démarches pour que cette place fût rendue au Portugal, moyennant une indemnité pécuniaire, mais le rot d’Angleterre, d’accord avec son frère, le duc d’York, amiral du royaume (depuis Jacques II), persista dans sa résolution ; « il envoya à Tanger une (lotie sous le commandement du Comte de D’Armoulh, avec ordre de démolir la ville et les châteaux, aussi bien que le môle et de rendre le port inutile. Il employa environ six mois à exécuter sa mission ». La ville fut évacuée en 1084 et repeuplée par des Rîfaîns. Pendant les 22 ans qu’avait duré leur occupation, les Anglais avaient été en continuelles négociations avec le Maroc, et c’est sans doute aux nombreuses trêves signées de part et d’autre que fait allusion la lettre de Moulay Ismàïl. — CASTKIXANOS, llistoria de Mar* rnecos. Tanger, 1898. —BIÎAITIIWAITK, The History of the Révolution in the Empire ofMorocco. London, 1729. — Archives du Service Hydrographique, carton 59. IV : te Mémoire sur tes places et costes des Estais du Roy de Maroc… » C6 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES li
donnée à sa réquisition. Certes ! nous aurions désiré qu’il fut resté en vie pour voir l’ouvrage que Dieu a opéré par nos mains à la conquête de l’Arache sur les Espagnols 1 et pour voir le siège de
1. La ville de Larache (El Ai aïe h) était à l’Espagne depuis 1010; elle avait été occupée sans coup férir : Moulay ech Chikh, qui avait hérité en 1003 du royaume de: Fez, se vit.enlever le pouvoir par son frère Moulay Zidan. Complètement battu en 1G09, Moulay ech Chikh dut se réfugier à Larache d’où il entra en négociation avec Philippe III par l’intermédiaire du Génois, Juanetiu Mortara; le roi d’Espagne lui accorda un secours de 200.000 ducats et 0.000 fusils, à la condition que la ville de Larache resterait à l’Espagne, en garantie de l’exécution du traité. Le 21 novembre 1010, Don Juan de Mendoza, marquis de San German, prenait possession de la place, et les Espagnols, justifiant une fois de plus un dicton bien connu, y bâtissaient tout d’abord un couvent de franciscains; la ville fut par la suite entourée de solides fortifications. Vers la fin du xvue siècle, Larache, comme les autres presidiosde l’Espagne au Maroc, servait de lieu de déportation pour les condamnés et de lieu d’exil pour les officiers en disgrâce qu’on y envoyait faire leur service, a Les Franciscains, dit un contemporain, étaient réellement les maîtres de la ville, comme les gens d’Eglise le sont en Espagne ». Le seul avantage que les Espagnols attachaient à la conversation de cette place était de bénéficier du privilège de la croisade. Aussi, quand en 1089, Moulay Ismàïl vint y mettre le siège, elle se rendît sans opposer de résistance sérieuse, « Très certainement, dit Braithwaitc, les Mores ne durent cette conquête qu’à la trahison des moines dont le ventre affamé ne put soutenir le retranchement des vivres. » Cette assertion mérite d’être vérifiée, mais ce qui semble établi, c’est qu’à l’exception de toute la garnison, les Franciscains et les officiers ne furent pas réduits en servitude. Notre consul Estelle rapporte que les officiers mis en li- UNE APOLOGIE DE LISLXM 67
Coûta 1 que nous faisons aujourd’hui; il verrait les
berté furent dirigés sur Ceuia pour y être échangés à raison de 20 Maures pour un officier. Quant aux soldats espagnols qui restaient en captivité, ils ne cachaient pas leur mécontentement et disaient hautement que « c’était leurs officiers qui avaient perdu la place, tandis qu’eux avaient fait leur devoir; le plus grand nombre prit le turban. » Cf. CASTELLANOS, toc. cit. ; BRAITIIWAITK, foc. cil. ; OCKI.EV, Relation des étals du Fez et de Maroc, traduit de l’anglais. Paris, 1720, in-12, et Aff. Etr., Mém. et Doc Maroc, 3, f* 89.
1. Ccuta avait été pris par les Portugais en 1180. Lors de la réunion, en 1580, du Portugal à l’Espagne, il devint possession espagnole et resta tel, même après la révolution de 1010, alors que lesancicnncsplaces du Portugal dans les quatre parties du monde faisaient retour à Jean IV, dur de Bragancc. Après avoir chassé les chrétiens de Tanger, de fa Mamora et de Larache, Moulay Ismâîl voulut leur enlever Ccuta et vint investir cette place en 1094. Ce fut plutôt un long blocus qu’un véritable siège; les Marocains entourèrent la ville d’une ligne de tranchées et, une fois à Pabri des coups des chrétiens, ils bâtirent des maisons, une mosquée, cultivèrent les terres et plantèrent des jardins, se contentant de repousser les sorties dirigées contre eux ou d’attaquer les points où la surveillance des assiégés leur paraissait en défaut. L’intention de Moulay Ismàïl était d’épuiser ainsi les ressources des Espagnols et de les amener à livrer la place, comme ils l’avaient fait à Larache, ou à l’évacuer, comme les Anglais avaient évacué Tanger. Cet investissement de Ceuta, qui se prolongea pendant 20 ans (1094-1720), coûtait fort peu au sultan qui entretenait seulement dans l’armée assiégeante un détachement de sa garde noire; les contingents des tribus y venaient passer un mois à tour de rôle et les Juifs fournissaient chaque vendredi une contribution de poudre que l’on dépensait avec beaucoup de fracas inutile. La garnison espagnole, composée de 1.000 fantas- m MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
dépenses extraordinaires que les espagnols sont obligés iVy faire et le nombre innombrable de piastres qu’ils emploient pour la fournir de provisions. Par tout cela il connaîtrait la fidélité que nous lui avons gardée et comme nous avons fermé les yeux sur tout ce qu’il faisait à Tanger. Il verrait que la parole et les traités que nous avons avec lui n’ont jamais souffert d’altération [ni de prévarication] 1 de notre part, tellement que la bonne conduite de voire frère et les témoignages qu’il nous a rendus de sa bonne conscience et la persuasion où il était «le la vérité de Dieu 2, sont
sins, Ai 100 cavaliers, de 80 artilleurs, de 00 marins et de 200 religieux, paysans et forçats, put élre constamment secourue cl ravitaillée par mer, grâce à la position de Ccuta située à l’extrémité d’une presqu’île. De leur côté les troupes marocaines recevaient des vivres et des munitions de l’Angleterre. Pendant la guerre de la Succession d’Espagne, Louis XIV agita le projet de débloquer Ccuta, mais les Espagnols, se défiant de nos intentions, n’acceptèrent pas l’envoi d’une troupe française. Enfin, le 15 novembre 1720, une brillante sortie conduite par le marquis de Lède mit les assiégeants en complète déroute et Moulay Ismàïl mourait sept ans après, sans avoir pu réaliser complètement la pensée dominante de son règne qui était de « débarrasser le Maghreb de la souillure de l’infidélité. » Godard, Histoire tin Maroc. Paris, 1800,2 vol. 8’*; CIIÊMKK, Recherches historiques sur les Maures el histoire de l’empire du Maroc Paris, 1787,3 vol. 8*; CASTKLI.ANOS, toc cit. Air. Eut. Mém. el Doc Maroc, 3, f> 195.*
1. Les mots entre crochets ont été ajoutés par le traducteur.
2. Là s’arrête la copie (pie nous croyons être un commen- t UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 69
les causes qui nous portent à présent à vous écrire afin de témoigner notre reconnaissance à ses honnêtetés.
Cette missive n’est donc que pour vous représenter deux affaires, comme nous vous l’avons déjà dit; l’une qui regarde la religion et l’autre, la politique.
A l’égard de celle qui regarde la religion, vous y trouverez de l’utilité pour ce monde et pour l’autre, tant par les bons conseils que nous vous y donnons que par les lumières de la direction dont vous pouvez vous éclairer. Il faut donc que vous sachiez que Dieu — dont le nom soit glorifié et les attributs sanctifiés-— n’a créé toutes les créaturcs que pour le servir el le reconnaître comme le seul Dieu, sans lui donner de compagnon. Les paroles divines dece Seigneur en font foi lorsqu’il dit: « Je n’ai créé les génies et les hommes que pour me servir et m adorer; je ne leur demande point de richesses clj’c ne veux point qu’ils me donnent à manger parce que c’est moi qui suis le nourricier universel cl le maître de la, puissance invincible ‘. » Mais
cernent de brouillon du traducteur et qui est dans le fonds Angleterre, Mém. et Doc, 75, (‘* 154. V. la note I, page I.
1. Coran, sourate M, versets 50, 57, 58. Nous écrirons en italiques, pour les mettre en évidence, les passages du Coran cilés par Moulay Ismàïl. La croyance aux génies (Djinn, pi. : Djenonn) fait partie du dogme musulman. Les Arabes, avant l’islam, supposaient que les Génies étaient des fils cl des filles de Dieu; cette doctrine est réprouvée par le Coran; les Génies sont des créatures de la Divinité au même titre que les hommes, 70 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
ce culte, que Dieu a enjoint à ses créatures, a besoin de médiateurs pour faire savoir de sa part à ces mêmes créatures ce qu’il leur a ordonné. Or, par un effet de sa bonté et de sa miséricorde pour les hommes, Il leur a donné des médiateurs de leur propre espèce qu’il a envoyés vers eux et qu’il a choisis parmi eux-mêmes. Il leur a envoyé des apôtres et, par eux, Il leur a fait savoir ses commandements 1. Ceux qui ont cru en eux, ce sont ceux dont Dieu avait prédestiné la béatitude
mais ils ont été créés avant l’homme, non de la bouc, mais d’un feu sans fumée,d’un feu subtil; il ne saurait y avoir de parenté entre les Génies et Dieu, Dieu est trop au-dessus de pareilles imputations. Cf. Coran, i.v, 14; xv, 27; vi, 100; XXXVII, 158. 1. Il y eut des envoyés chargés d’annoncer el d’avertir, a fit* que tes hommes n’aient aucune excuse devant Dieu, après tes missions des apôtres… Coran, iv, 103. O enfants d’Adam! il s’élèvera au milieu de vous des apôtres, ifs vous réciteront mes enseignements. Ibid., vu, 33. Dieu s’est servi de Irois espèces d’intermédiaires, de médiateurs pour annoncer aux hommes ses commandements, pour leur enseigner sa doctrine, pour les diriger, pour les avenir, pour les prêcher; ces trois intermédiaires sont les prophètes, les apôtres el les messagers. D’après les docteurs musulmans, le prophète n’est point nécessairement apôtre et le messager peut n’être ni prophète, ni apôtre, et n’avoir été chargé que d’une mission d’avertissement : ainsi furent lloud, Saleh, Choaïb el même Alexandre le Grand (Don cl-Kerncïn). Abraham, Isaac et Jacob furent simplement des prophètes, ne reçurent mission que pour l’intérieur de leur famille. Moïse, Jésus, Mahomet, au contraire, réunissaient les fonctionsde prophètecl d’apôtre; ils agirenten dehors de leur cercle intime, s’adressèrent à l’humanité tout entière. Cf. La Baume, Le Koran analysé.
% «NB Al»Ol.OH|K DE L’ISLAM 71
élernelle et ceux qui n’ont pas voulu croire, ce sont ceux dont II a écrit le malheur et la damnation éternelle et qui sont réprouvés’.
Le dernier cl le sceau de tous ces médiateurs, apôtres et prophètes et le premier et seigneur d’iceux * est notre seigneur Mahomet — â qui Dieu donne ses bénédictions —. Il a rendu sa religion la meilleure des religions, sa loi la plus excellente des lois cl su secte la meilleure des sectes. Il n’y a rien do plus certain que Jésus a annoncé lavcnucdo Mahomet et sa mission \s;omme Moïse,
1. Nous avons envoyé des apôtres vers tous les peuples… tes uns ont cru, tes antres ont été prédestinés à l’égarement. Coran, xvi, 38. Ceux quitte croient pas en Dieu et à ses apôtres… nous avons préparé pour eux un supplice ignominieux. Ceux qui croient en Dieu et à ses apôtres… obtiendront leur récompense. Ibid., iv, 149, 150, 151. Ces versets et quelques antres de même nature établiraient d’une façon irréfragable le fatalisme de l’islam, si l’on ne pouvait leur cri opposer autant d’autres qui contredisent cette doctrine : « Les .Sémites ne sont pas des caractères entiers, nourris de dialectique, suivis dans leurs raisonnements; leurs prophètes n’ont pas enseigné une doctrine unique et constamment la même. Ces hommes admirables changeaient et se contredisaient beaucoup; ils usaient dans leur vie trois ou quatre théories; ils faisaient des emprunts à ceux de leurs adversaires qu’ils avaient le plus durement combattus… Ce qui l’ait la fixité des opinions leur était étranger. » llenan, L*Antéchrist.
2. Mahomc’, quoique venu le dernier dans la succession des prophètes, aurait cependant, d’après la tradition, été créé le premier. V. er-après, p. 70, note 2.
3. Jésus, fils de Marie, disait : O enfants d’Israël! Je suis 72 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
fils d’Amran, — sur qui soit le salut — a annoncé la venue de Jésus’. tël, quoique notre prophète soit le dernier venu de tous, cependant il a été créé le premier 2.
l’apôtre île Dieu, envoyé vers vous pour continuer le Pentatcuque qui vous a été donné avant moi et pour vous annoncer ta venue d’un apôtre après moi dont le nom sera Ahmed. Coran, i.xi, 0. Quelques docteurs musulmans font application à Mahomet des passages du Nouveau Testament où il est question du second avènement de Jésus-Christ. Matthieu, xxiv, 44; Luc, xn, 40. D’autres prétendent que tout ce qui est dit dans l’évangile relativement à l’Esprit-Sainl (Itouh-Allah) concerne Mahomet et il s’est trouvé des théologiens qui, faisant dériver le mot Paracht de IbguzXvcsç (le Glorifié), ont prétendu «pie Mohammed el Paraclcl étaient un seul et même nom. Il est à peine nécessaire de relever l’inexactitude de cette étymologie : l’Esprit-Sainl esl appelé dans l’Ecriture le Paraclct I \%*Âù;t,K$ç, c’est-à-dire le Consolateur, l’Intercesseur.
1. « Jésus sera son envoyé auprès des enfants d’Israël. Il leur dira… Je viens pour confirmer le Pentatcuque que vous avez reçu avant moi. » Coran, m, 43, 44. Cf. Jean, iv, 40; Luc, xxiv, 44. Les musulmans admettent la révélation de plusieurs livres de l’Ancien Testament ainsi que celle de l’Evangile. D’après eux, les juifs cl les chrétiens ne croiraient pas a celle révélation et ils auraient altéré ces livres qui ne sont plus dans la forme où ils leur ont été donnés ; aussi ne peuventils être mis sur pied d’égalité .\\ee\e Coran donné aux Arabes, qui reste le seul livre sacré, le livre par excellence (el Kitab). Il est dit dans le Coran au sujet des altérations laites dans le Pcntatempie par les Juifs : « Ce livre que. vous écrivez sur des feuillets, ce livre que vous montrez et dont cependant vous ca~ chez une grande partie », vi, 91.
2. Le Créaleur aurait pris une parcelle tic sa lumière et en aurait fait le prophète Mahomet, puis il aurait pris une par- . UNE APOLOGIE DE L’ISLIM 73
C’est un article de foi parmi nous de croire en
celle de la lumière mahoinétiquc et en aurait fait le reste du monde. Voici comment est rapportée cette tradition sur la première naissance de Mahomet. « Lorsque Dieu voulut créer l’univers, il commença par l’essence inahométiquo. Pour cela, il prit une poignée de la lumière qu’il venait de former et dit: Sois Mohammed ! Sois prophète de charité, d’amour et de gloire ! Alors la lumière devint une colonne lumineuse qui se mit à chanter la puissance de Dieu et sa gloire, cl ce, avant l’apparition de toute apparition. C’est de cette colonne qu’il tira tous les univers. C’est ainsi que le Prophète est l’origine de tout ce qui est, la source de tout ce qui a été créé et la lumière d’où émane toute lumière ».
Il est à peine utile de relever ce qu’a d’ultra panthéiste une telle doctrine qui fait de Mahomet une émanation de Dieu, et de l’univers une émanation de Mahomet. Celle théorie de la naissance de Mahomet n’est pas conforme à l’orthodoxie musulmane et est en désaccord avec de nombreux passages du Coran où il est dît que Mahomet n’est qu’un homme d’entre les hommes, un envoyé, un avertisseur, un prophète illettré ne connaissant pas les choses cachées, etc. Cependant, d’après d’autres versets, Mahomet sérail honoré de Dieu et des anges et on y donne à entendre que c’était par une modestie excessive que le Prophète cherchait à rabaisser sa personnalité. » O croyants! n’entrez point sans permission dans les maisons du Prophète, excepté lorsqu’on vous permet de prendre un repas avec lui cl sans vous y attendre. Mais, lorsque vous y êtes invités, entrez»y, cl dès que vous aurez mangé, séparez-vous el n’engagez pas familièrement des entretiens, car cela lui cause de la peine; te Prophète rougit de vous te dire, mais Dieu ne rougit point de ta vérité… Evitez de faire de la peine à l’envoyé de l)iert.t* Dieu et les anges honorent te Prophète. Croyants! Adressez sur son nom des paroles de vénération et prononcez son nom avec salutation. » xxxiu, 53, 50.
74 MOULAY ISMAÏL KT JACQUES II
tous les prophètes el nous ne mettons point «le dilférenee entre eux 1. Nous croyons que h* Messie,
tin badit rapporté par Abd er-ltczzak, d’après Djaber Ibn Abdallah, reproduit cette doctrine panthéiste de la naissance du Prophète. « Je demandai an Prophète : Quelle est la première chose que Dieu créa avant toute chose? Il rue répondît : O Djaber ! avant toute chose, Dieu créa I» lumière de ton Prophète ; Il la créa de sa lumière c’est-à-dire d’une lumière qu’il créa et qu’il qualifia sienne pour l’honorer davantage. —• Celle lumière se mil à tourner, errant dans le Itoyaunie (Malakout) «le par la toute puissance cl selon la volonté suprême. Alors il n’y avait ni table (laouh, table du destin), ni plume (kalam, la plume avec laquelle ou écrit les destinées sur la table du destin), ni paradis, ni enfer, ni anges, ni ciel, ni terre, ni soleil, ni lune, ni génie, ni homme. Lorsque Dieu voulut accomplir la création, Il partagea celte lumière en quatre parties. De la première (1:4) il forma la plume de la seconde (I : 4), la table, delà troisième (I : 4) le trône (cl ai eh) ; de la quatrième partie (1 : 4) il lit quatre autres parties; la première(l : 4*), ce sont les anges qui supportent le trône (hamalatel arch); la seconde(I : 41), c’est le siège (el koursi) ; la troisième (I ; 4*), c’est le reste îles anges. Quant à la quatrième(I : 4′), Il la divisa en quatre; la première (I : 4*) fui les cionx; la deuxième (1 : 4*), les terres ; la troisième (I ï 4*), le paradis el l’enfer. La quatrième fut partagée en quatre : la première (l : 4’*) devint la lumière des yeux des croyants, la seconde (I t 4′), la lumière de leurs comrs qui est la connaissance de Dieu, la troisième (I : 4l) fut la lumière de leur confiance qui est le monothéisme (et louhîd) exprimé par la formule : Il n’y a point de dieu, si ce n’est le Dieu, et Mahomet est le Prophète do Dîeu. Ici se termine le hadil sans mentionner ce qui a été
I fait de la dernière fraction (I : 4!r), soit : -—-•*? de la lumière
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primitive.
1. « Ceux qui croient en Dieu et en ses apôtres el ne mettent t UNE APOLOGIE- I>K L’ISLAM V,
Jésus, fils de Marie —sur qui soit le salut —est un des prophètes envoyés de Dieu, mais il n’a jamais prétendu aux titres que vous soutenez lui avoir été donnés ni aux formules exagérées avec lesquelles vous le louez. Dieu a dil au sujet de la sainte mère de Jésus : « Marie, fille d Attira n\ s’est conservée vierge internérée, c’est, pourquoi nous avons soufflé une partie de notre esprit en son sein 1. Elle a cru aux paroles de son Seigneur cl elle a éié au nombre des obéissantes*. Ce mémo Dieu a dit au sujet de Jésus ces paroles : « Jésus, à l’égard tic Dieu, est semblable à Adam qu’il a créé déterre, puis lia dit : Fiat et factnm est*. Il ajoute celles-ci :
point de différence entre aucun d’eux obtiendront leur récompense ». Coran, iv. 151. Il est «lit, avec une apparence «le contradiction : « iXotts é/cvdmes les prophètes tes uns au-dessus des autres’, tes plus élevés sont ceux tir qui Dieu aparté ». Coran, n, 254.
1. Y a-t-il confusion dans le Coran entre Marie, fille d’Amran, et sieur de Moïse el d’Aaron et la sainte Vierge Marie, fille de Joachin el de llanna, ou bien les mots « Marie, fille d’Ainran » doivent-ils être traduits par « Marie, de la race «l’Amran » ? Nous ne nous prononçons pas sur cette «pieslion, mais nous rappelons «pic dans la sourate xix, 20, Marie, mère «le Jésus, est appelée tSomr d’Aaron.
2. « Et Maria filia Imranî, «pue rîmam suam tuita est, in qnam (rimant) inflavimus spirîtus nostii parlent » Traduction littérale donnée par Kasimirski.
3. Coran, i.xvi, 12.
4. Coran, xix, 10-35; m, 10-53. —Pétis de la Croix a tradoit
en latin : ^^LJ ,-S.
76 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
« Le Messie, fils de Marie, est seulement l’envoyé de Dieu et son verbe el une partie de son esprit qu’il a projeté sur Marie. Croyez donc en Dieu el en son prophète el ne dites pas que Dieu a trois personnes, vous vous en trouverez bien. Certes/ Dieu est seul et est bien au-dessus de la qualité d’avoir un fils; tout ce qui est dans les vieux et dans la terre lui appartient et il me suffit d’avoir Dieu pour garant de ce que j’avance. Le Messie lui-même ne disconvient pas de celte vérité ci il ne refuse pas la qualité de serviteur de Dicii) non plus que les anges qui approchent du trône divin 1 ».Tout homme qui refuserait d’être serviteur de Dieu serait un orgueilleux et Dieu ferait connaître son orgueil dans rassemblée générale, au jour fin jugement.
On doit croire que Dieu a élevé à Lui le Messie et que les Juifs— que Dieu les maudisse l — ne l’ont ni tué ni crucifié, mais qu’il s’est déguisé à eux* et qu’il descendra (sur terre)avant le jour (tht
i. Coran, iv, 101), 170.
2. a Non ils [les Juifs] ne t’ont point tué, Us ne t’ont point crucifié; un homme qui lui ressemblait fut mis à mort à sa place… Ils ne l’ont point tué réellement. Dieu l’a élevé à lui. Coran, iv, 150. Cette légende n’est pas de l’invention de Mahomet. Les Manichéens, les Marcitcs, et d’antres docètes avaient déjà admis ce faitdc la substitution d’un inconnu à Jésus. Cf. Maracci, ttefntatio Attorani, t. II, p. 110. Le passage suivant de la prophétie de Daniel a peut-être été le point «le départ de cette croyance coranique. V. Dan., ix, 20. Le texte hébreu porle : ir Le Messie sera retranché, et ce n’est pas lui. » La Vulgate considère ce second membre de phrase comme incomplet et UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 17
jugement), qu’il y trouvera le Medhi qui est de la nation musulmane, descendant de la lignée de l’alimc, fille de Mahomel, notre prophète, qu’il fera la guerre à l’Antéchrist. Il trouvera que le monde aura déjà réglé de prier Dieu derrière le Medhi (et de le reconnaître pour imam c’est-à-dire grand prêtre). Medhi dira à Jésus : « Avancez, ô prophète de Dieu, ou bien, ô aine de Dieu (et soyez le prêtre) ». Mais Jésus lui répondra : « C’est à vous que cela est réglé. » Ainsi Jésus fera la prière derrière un homme de la secte de Mahomet; puis il gouvernera le monde selon la loi de Mahomet—sur qui soit le salut! — et ensuite il tuera l’Antéchrist. Alors les chrétiens renieront Jésus-Christ; c’est pourquoi il les tuera et il tuera les juifs jusqu’à ce que la pierre lui parle cl lui dise : « 0 prophète de Dieu, ce juif vous a voulu faire mourir, tuez-le 1! » Toulcela nous a été annoncé par le Seigneur Dieu, lors qu’il «lit : « Ce que nous annonçons à Mahomet lui-même qui se plaint rpie le Messie, fils de Marie, fera tomber sur nous un gouvernement de justice rigoureuse, car il brisera la croix en pièces et tuera le pourceau 3. Il établira le tribut 3 et il recevra les
elle traduit, en le complétant : « Kl il ne sera pas son peuple, te peuple qui doit le renier ».
1. Contre-sens. V. cî-après la traduction rectifiée.
2. Ce passage est absolument incompréhensible el commence par un contre-sens : ce sont les paroles du Prophète (hâdîl) que cite Moulay Ismàïl et non pas les paroles de Dieu (Coran). — V. ci-après la traduction rectifiée.
3. Contre-sens. V. cî-après la traduction rectifiée.
78 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
richesses tellement que personne ne l’acceptera et il n’agréera que les musulmans et même il sera compté du nombre des amis de notre prophète Mahomet ».
Nous croyons utile de donner une traduction un peu développée de ce passage qui est assez obscur, par suite do l’entiéc en silène de trois personnages : le Mahdi, le Messie el l’Antéchrist*. Pétis de la Croix n*a pas suffisamment «clar/ci les difficultés du texte arabe, bien qu’il ait intercala clans sa traduction quelques mots et môme des phrases pour en compléter le sens. tXons userons d’une plus grande latitude, substituant une paraphrase à la traduction, quand l’interprétation littérale sera trop obscure el donnant dans «les notes les exploitons nécessaires :
(Le Messie- descendra du ciel sur terre aux
1. Un hâdit dit : « Elle ne périra pas la nation [musulmane] «loiil je suis le commencement, le Mahdi, le milieu, cl le Messie, fils «le Marie, la fin ».
2. l’Il-Masih ^r-£«4l csl par élymologie, en arabe comme en
hébreu, celui «jiti a été frotté, qui a été oint «l’huile et particulièrement de l’huile sacrée; «le là les surnoms adéquats «le Christ (Xp.ttz;) et de Messie devenus des noms propres de Jésus. D’après la tradition musulmane, le Messie, «pi! a été soustrait à ses persécuteurs, se manifestera, à la fin «les temps, pour prouver aux Juifs qu’ils ne l’ont pas tué, ainsi qu’ils le prétendent. C’csl pour établir la preuve contraire, pour mettre les Juifs en face de leur crime el leur en montrer l’inanité que la parousie est annoncée «lans Zaeharie, \u, 10. Une tradition (hàdît) fait du Messie le portrait suivant : « Il sera de taille moyenne, son tcînl sera blanc cl rose. r$a chevelure sera bril- ( UNI; AroLonlE tu: I/ISI.AM 1λ
approches de rheiire 1; il y trouvera le Mahdi qui est «le la nation musulmane descendant de l’aima la fille tU\ Prophète”‘ — sur lui soit le
lante et ruisselante, comme s’il sortait «le l’eau ». Quelques musulmans ajoutent qu’il aura la plante des pieds entièrement pleine, ce «pie les Arabes appellent masth. II est des ihcologiens, mais en petit nombre, «pii, sur l’autorité «lu hadil où il est dit : « Point de Mahdi, excepté Jésus, fils de Marie », n’admettent pas l’apparition du Mahdi et identifient ce personnage avec le Messie. Celte opinion est assez plausible, car les prédictions de l’Ancien Testament relatives au Messie attendu par les Juifs coin nu; un libérateur terrestre, comme un roi politique devant régner sur toutes les nations, semblent avoir été transportées au Mahdi.
1… lïs-Sda est l’heure par excellence, l’heure suprême «lu jugement dernier. Montaiics-Sna, le Maître de l’Heure, est un des noms «humés au Messie et plus souvent au Mahdi. Dans les prières de la liturgie chrétienne, on trouve aussi les mois jour et heure employés sans aucun déterminatif pour désigner le jour cl l’heure du jugement dernier.
2. lil-Mahdi, le dirigé, le bien «lîrigc. On appelle aussi ce personnage le Eathémide (Cf. le Davîdidc des Juifs), pour rappeler son origine. » De tout temps, dit (bu Khaldoun, les musulmans ont entretenu l’opinion que, vers la consommation des siècles, doit nécessairement paraître un homme de la famille du Prophète afin «le soutenir la religion cl «le faire triompher la justice. Emmenant à sa suite les vrais croyants,, il se rendra maître des royaumes musulmans et s’intitulera el-Mahdi. » Prolégomènes, II, 158. Ihn Khaldoun consacre un long chapitre à rapporlerel à discuter les traditions relatives à cet être surnaturel; la première fait un dogme de cette croyance, car Mahomet a dît: «Quiconque est ineiédiilo à l’égard «lu Mahdi est un infidèle. » Voici, rapprochés cl combinés entre eux, les principaux dires du. Prophète relatifs à ce personnage mysté- SÔ MOULAY ISMAII. ET JACQUES II
salut —* et il fera la guerre à l’Antéchrist 1,
vieux, « C’est un homme réel descendant do Eathuia.,, Qunud même le monde n’aurait plus qu’un jour à exister, certes, Dieu prolongerait ce jour jusqu’à ee qu’y ressuscitât un homme à moi ou un membre de ma famille dont le nom sera le même que le mien et dont le père portera le même nom que mon père… Cet homme régnera sur les Arabes.,. A son arrivée, la terre sera remplie d’oppression, d’iniquité et de violence,.. Il la remplira d’équité et de justice, autant qu’elle avait été remplie d’iniquité.,, Il délivrera l’humanité du polythéisme, c’est par nous (notre famille) que Dieu doit achever sou ouvrage, de même qu’il Ta commencé par nous,,. Tous les musulmans devront se réunir à lui, quand bien même, pour le rejoindre, ils devraient ramper sur la neige… Il établira solidement l’islamisme sur terre où il restera sept ans et ensuite il mourra.. Il aura le front luisant, le nez aquilin… Pendant son passage sur terre, on jouira d’un bien tel qu’on n’en a jamais entendu de pareil; la terre produira toute chose bonne à manger et ne refusera rien; l’argent sera comme ce qu’on foule aux pieds et un homme se lèvera et dira : « O Mahdi! donne-moi » et le Mahdi répondra : « Prends »… Pour lui, Dieu versera la pluie… H habitera Jérusalem… etc. »
Ces citations suffisent pour faire le rapprochement enlrc l’idée mahdiste et l’idée messianique d’Israël. Mais, si la croyance au Mahdi est un dogme pour les musulmans, elle n’a pas pour eux l’importance qu’a pour les Juifs la croyance en la venue du Messie et ils sont loin d’être, comme ces derniers, immobilisés dans l’attente d’un libérateur cl d’un restaurateur. On peut dire que la plupart des musulmans croient au Mahdi comme les chrétiens croient au second avènement du Christ : les uns et les autres ont réalisé, en fait, les anciennes promesses; la révélation est close dans le christianisme comme dans l’islamisme. %
1, L’Antéchrist est appelé par îcs Musulmans ed-Dcddjal, JU.jJ! l’imposteur par excellence, ou encore cl-Masilt ed- UNE AI*OI.O(ilK OE L’ISLAM 81
L’arrivée sur terre du Messie aura lieu à l’heure
Deddjal JUN^M ^-^*H, le h aux Messie. Certains docteurs
expliquent que le nom d«^ Masîli sans qualificatif s’applique à
l’Antéchrist, parce que ce mot peut être identifié (?) avec celui
^ j. / de Mamsouh ~**«-«»^ qui est donné à un homme ayant un oeil
sans paupières ni prunelles, infirmité caractéristique de cet être diabolique. La croyance au Dcddjàl, à un Antéchrist concret ayant une personnalité réelle, est un article de foi comme la croyance au Mahdi, « Quiconque, a dit Mahomet, est incré. dulc à l’égard du Deddjâl esl un infidèle, » La description, en termes probablement symboliques, de ce personnage malfaisant fait l’objet de plusieurs hadit où il est parlé également de la persécution que le Dcddjàl doit fairo subir à l’humanité, avant que celle-ci n’entre dans l’ère do félicité malulique, qui correspond à l’ère de félicité messianique des Juifs, « Le Deddjâl, a dit le Prophète, apparaîtra dans un moment où la foi sera mourante el la science presque éteinte (Cf. Matth., xxiv, 12, 24), Il vivra quarante nuits, pendant lesquelles il parcourra la terre. De ces quarante nuits, il en est une «pii durera autant qu’un an, une autre autant qu’un mois, une autre autant qu’un’* semaine, et le reste autant que des jours ordinaires (Cf. Dan., vu, 25; Apoc,, xi, 2, xm, 5). Il montera un âne dont la tète aura 40 brasses d’une oreille à l’autre. Il dira aux gens : « Je suis votre Dieu », et pourtant il sera borgne et votre Dieu n’est pas borgne. Entre les yeux il portera écril: K F U, mécréant, et tous les croyants, lettrés ou non, liront ce mot. 11 boira à toutes les sources, sauf à celle de la Mecque et de Médine que Dieu lui interdira et dont les anges garderont l’entrée. Il emportera avec lui des montagnes de pain et tous ceux qui n’auront pas embrassé son parti seront dans la misère. Il aura deux fleuves que je connais: l’un qu’il nommera llcuve du paradis, l’autre, fleuve d’enfer ; quiconque entrera dans le prétendu llcuve du paradis se trouvera en enfer
6 si MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
de ht prière de l’user. Le Messie trouvera le Mahdi
et inversement. Des démous l’accompagneront, prêchant les gens pour les induire eu erreur (Cf. Matlh., xxiv, 11, 23, 2\\ Marc, XIII, 22; Apoc., xiu, 11, 12). Il fera des miracles qui causeroutdegraudesperturbations dans les esprits (Cf. Matth,, ut sup.j II Thess., H, 0), Il ordonnera au ciel de pleuvoir, et la pluie tombera; du moins il semblera ainsi; il tuera un homme et le ressuscitera; du moins il semblera ainsi Alors il dira : « () hommes! ce «pie je fais peut-il être l’uni vro de tout autre «pie «l’un Dieu? » Et les hommes s’enfuiront vers la montagne de lu Fumée (djebel ed-l)oukhan), en Syrie. Il viendra les y assiéger et il leur fera subir toutes sortes «le rigueurs. Puis, Jésus descendra du ciel; il ai rivera avant l’aube et dira aux assiégés ; « O gens! «pie ne tentez-vous une sortie contre ce Deddjâl immonde! » Alors les hommes accourront cl reconnaîtront Jésus et, en ce moment, le moueddin annoncera la prière et les hommes diront à Jésus ; « Esprit de Dieu, sois notre imam ». Il répondra : « Non, que votre imam habituel s’avance et la fasse », et lorsqu’il’ ?oront fait la prière du matin, ils feront la sortie, Dès que le Deddjâl, apercevra Jésus, il deviendra comme le sel dans l’eau et Jésus le tuera, puis il mettra à mort tous ses adeptes… »
D’après d’autres traditions, le Deddjâl ne serait pas borgne, mais serait un monstre à tète de cyclopc; Jésus, le lieutenant du Mahdi, doit le mettre à mort à la barrière du Lud près de Juppé. La plupart des hadit désignent plus particulièrement les Juifs comme devant former l’armée du Deddjâl. L’eschatologie chrétienne suppose aussi parfois «pic l’Antéchrist sortira du judaïsme (Cf. Sabalicr, L’Apôtre Paul, p. 110).
A côté de ces récits traditionnels sur le Deddjâl rentrant dans l’eschatologie musulmane, il en existe quantité d’autres plus ou moins fabuleux <|ui semblent avoir été faits pour interpréter des récits de voyageurs plutôt que pour confirmer et préciser le dogme. On en trouvera dans Les prairies d’or de UNE Al’OLOUIE DE L’ISLAM M
debout prêt h faire la prière* qui aura été déjà annoncée (par lemoueddin) et les musulmans rangés derrière lui prêts à la faire*. Le Mahdi s’adrcssaut
Ma<;oudi, VAbrégé des merveilles (traduction Carra de Vaux, Paris, lN89), Les Mille el une nuits, La plupart de ces récits figurent le Deddjâl comme un monstre marin, et c’est là encore une croyance ou plutôt une conjecture de l’eschatologie chrétienne qui représente l’AntéehriU comme « une bêle sortie de la mer ». Apoc., xm, II, 12, 15. Ce monstre serait enchaîné «lans l’île de Drataïl (Ccylau?) eu attendant l’heure de sa venue. Ces derniers détails sont tirés d’une relation faite parmi certain Temîm cd-Dari. Maçoùdi (IV, 28} el l’auteur anonyme de Y Abrégé des Merveilles racontent que Mahomet les rapportait, en mentionnant toujours l’autorité de ce Temîm cd-Dari. D’ilcrbelot (art, Dejjal et Terni m de la llibfiothêque orientale) prétend, au contraire, «pie Temîm tenait ces détails du Prophète. Nous n’avons pu vérifier la source de d’ilcrbelot et d’ailleurs les passages de Ma«;otidi et de Y Abrégé des Merveilles sont trop explicites pour comporter un contre-sens. Il n’en csl pas moins très extraordinaire — et c’est peut-être un cas unique dans l’histoire du prophète musulman — que Mahomet n’ait pas entrevu le Deddjâl dans les surnaturelles clartés de ses visions et ait eu besoin de s’en référer sur ce sujet au témoignage d’un de ses disciples.
1, La prière de l’après-midi. Ce serait la prière de l’aurore d’après une autre tradition.
2. Pour bien comprendre ce passage, il faut se rappeler que la fonction la plus importante de l’islam est l’imamat. L’Imam, comme nous l’avons dit, V. p. h, note 1, est celui qui préside à la prière, eu se tenant devant les fidèles et c’est sur lui que ceux-ci règlent leur récitation et leurs prostrations. Ce fut Mahomet qui, durant sa vie, présida à la prière. Peu «le temps avant sa mort, il se fit remplacer dans ce ministère par Abou Hckr, lui conférant par celle désignation l’unique dignité qui SI MOULAY ISMAÏL ET JACQUES 11
au Messie, lui dira : « Passe/, devant, o Prophète île Dieu, o esprit de Dieu, pour remplir les fonctions d’imam qui vous reviennent ».— Le Messie — sur lui soit le salut! — répondra au Mahdi : « Je n’en ferai rien; c’est comme devant être faite par vous que la prière a été annoncée, „ Alors le Messie fera lu prière comme un simple fidèle derrière un homme de la nation du prophète * — sur lui soit le salut ! —- Kl il jugera, d’après la loi de Mahomet, et il tuera l’Antéchrist.
Alors les chrétiens renieront le Messie qui les tuera; il tuera de même les Juifs, et si un Juif poursuivi se réfugie derrière un rocher lui-même criera au Messie ; « 0 prophète de Dieu! voici un Juif caché derrière moi, tuez-le* ».
Tout ceci nous a été prédit par notre Prophète «— sur lui salut et bénédiction ! — qui a ajouté :
existe dans l’islam, ‘”«e prophète musulman, dont la mission allait donner naissance à de si puissants empires, n’établit aucun pouvoir temporel, ne régla aucun ordie de succession et, voyant approcher sa fin, ne se préoccupa que d’une chose : désigner celui qui, à sou défaut, présiderait à la prière.
1, Par cet acte le Messie adhérera à l’islam.
2. D’autres traditions rapportent que les peuples infidèles seront convertis à l’islamisme par l’intermédiaire «le Jésus.
Il y aurait de nombreux rapprochements à établir entre les prédictions cschnlologiipics des religions juive, chrétienne et musulmane. Toutes les descriptions du grand drame final renferment un fonds commun de suppositions el de conjectures qui confinent à la mythologie. Les seules vérités imposées à la foi dans les trois religions sont la résurrection des corps et la venue d’un libérateur : le Christ, le Mahdi, le second Messie.
UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 8>
« J’en jure par celui qui tient en H a main la vie de Mahomet! Peut s’en faut, en vérité, que ce ne soît parmi vous-même^ qui m’cutcudc/.’quc ne descende le Messie en juge équitable pour briser la croix et tuer le pourceau. Il abolira la djczia, qui n’aura plus de raison d’être, puisqu’il ne tolérera plus d’autre religion que l’islam et il répandra les richesses avec une telle profusion que personne n’en vomira [dus ; il sera compté au nombre des Compagnons do notre Prophète — sur lui le salut el la bénédiction I M,
1. Tout ce que je viens de vous annoncer est tellement certain el tellement proche «pi’il me semble que c’est parmi vous qui m’entendez, c’est-à-dire avant «pie votre génération ne finisse, que viendra le Messie, C’était également une opinion générale, au temps «les apôtres «lu Christ que la lin du monde était proche el que la génération présente ne passerait pas, sans que ces choses n’arrivassent. « En vérité, je vous le dis : Il yen a quelques uns ici présents «pii ne goûteront pas «le la mort jusqu’à ce qu’ils voient le Fils «In l’homme venant dans son royaume, » Matth., xvi, 28. V. Ibid,, xxiv, 3’i.
Cette croyance à la venue prochaine du Messie et du Mahdi fut le point de départ de calculs el de combinaisons dans lesquels s’exerça la subtilité des premiers docteurs de l’islam. Quand les années succédant aux années eurent rendu vaines toutes les prédictions pour la date de la fin des temps, on inventa le jour mohammédien qui commençait à la mort du Prophète et durait mille ans. Ce fut l’origine du millénarisme musulman.
2, Voici le texte de ce l.iàdit, tel qu’il est rapporté par ElDoukhari : SG MOULA V ISMAÏL KV JACQUES II
Plusieurs princes cl rois chrétiens ont bien su cela, lesquels Dieu a dirigés el leur a fait la grâce
?^«-wl ..|.Xï .~5V J^-l «s-l^Ô Y .^3V JUI . v£~J^J * ^JUS.1
On voit «pic Moulay Ismàïl a omis de citer le dernier membre do phrase : « jusrpi’à ce «pi’une seule génuflexion soit devenue préférable au momie et à tout ce qu’il renferme », D’autre part, il a ajouté au texte : LuJ w.U-“^ » S*:-** *^ « J,K}«^” KX UJ >L,
La première des phrases interpolées semble destinée à motiver l’abolition de la «Ijezia et, dans la traduction, nous en avons interverlf la place pour la rapprocher de celle «lont elle était I explicr ion.
La djexia est le tribut payé par tète, la capilatiou à laquelle sont soumis les non-musulmans; elle est comme la rançon de leurs fausses croyances. Quand les musulmans font la guerre, les nations vaincues par eux doivent choisir entre les trois conditions suivantes ; embrasser l’islamisme; conserver leur religion en payant la «Ijezia ; être combattues justpi’à la mort.
A la fin du monde, la seconde «le ces conditions disparaîtra ; les non-musulmans ne seront plus admis à payer la «Ijezia pour conserver leur ndigion : ou bien ils se convertiront à l’islamisme, ou bien ils seront combattus à mort. C’est le Messie «pii opérera celte innovation, mais, d’après le Coran, les gens «les Ecritures opteront pour la première condition et deviendront musulmans :
1^—^ v./_J„& ,.i»->w* ïw»LwU I
« // n’y aura pas un seul homme, parmi ceux qui ont eu foi dans les écritures, qui ne croie en lui avant sa mort. An jour de la résurrection il témoignera contre eux. » IV, 157.
UNE Al’OLOUIE HE L’ISLAM 8T
île les persuader et de le suivre* comme le Nedja* ehi, Itoy des Abyssins, lellemeni qu’il a été mis au nombre «les Compagnons de Mahomet 1, Le Prophète avait prié Dieu pour lui et l’avait invitée embrasser la religion musulmane, tout de même qu’il invita aussi César (ou lléraelius) lloy des Itoiim, aïeul de ee lîoi à la cour duquel vous résidez, Mahomet— sur qui h* salut soit— ayant écrit a cet Kmpcroiir pour l’inviter h se faire musulman, il lut sa lettre et sou invitation avec rclloxion, car il possédait, ce grand Prince, toutes les sciences les plus profondes; puis il interrogea les Arabes de sa cour louchant les qualités de Mahomet, touchant ses affaires, ses iwcurs el les choses auxquelles il invitait le peuple el touchant ce qu’il commandait et ce qu’il prohibait. Kusuitc il dit :« Vraiment, c’est là le prophète attendu qui a élé annoncé par Jésus elil régnera au lieu de mes aïeux* pendant deux cents ans », Puis il fini conseil avec les principaux de son Klal et les chefs de sa secte lou1.
Ce fut dans le dernier mois de la sixième année de l’hégire, que Mahomet envoya un messager en Abyssinie pour inviter le Négus à embrasser l’islamisme. Le Négus qui, au dire des historiens arabes, était déjà musulman «le c«eur, accueillit avec honneur le messager, baisa respectueusement la lettre du Prophète, el fit profession publique cl formelle de la foi musulmane. CAUSSIN i>r. PKKCKVAL, toc. cit., t. III, p. 190, 191, 192.
2. ç-s-oi **&y ^iJJUj.- y » et il régnera à ma propre place » (mot à mot ; sur la place où posent mes pieds).
U MOULAY ISMAÏL ET JACgUKS II
chant sa conversion ; ils firent du tumulte et se retirèrent comme des Anes sauvages, Il les encouragea elles consola et ce par l’intérêt do conserver la couronne. Kl lorsque notre prophète eut appris cette nouvelle, il dit« : C’esl l’intérêt du lloyuumo cl delà couronne qui retient cet ambitieux,caria connaissance de la bonne religion est fortement gravée dans son coeur el il est persuadé de l’excellence de notre loi au dessus des autres, mais il ne peut se résoudre à risquer sa couronne ‘»»
1, L’ambassadeur envoyé vers le César (lyaisar), empereur des Grecs (lléraclius), par Mahomet ne partit que dans la septième année de l’hégire, après la victoire de Khaîbar. Le messager, porteur «le la lettre du Prophète invitant ce prince à embrasser l’islamisme, s’appelait Dihya heu llolaïla et appartenait à la tribu des Ilenou Kclb. lléraclius, raconte A bon ‘I l’éda, fit à Dihya une réception honorable, plaça la lettre «lu Prophète sur un coussin et y fit une réponse gracieuse. Vie de Mahomet, p. 07. On ne voit pas que la mission de Dihya ait été suivie d’un autre, résultat; le fait de placer la lettre de Mahomet sur un coussin ne peut être interprété comme la marque d’un grand resp«*cl, et il est probable qu’lléraclius étendu sur «les coussins plaça, suivant l’usage oriental, entre deux d’entre eux la lettre que lui remettait Dihya. Les hésitations d’Iléraclius sur le point de se convertir à l’islamisme, auxquelles fait allusion Moulay Ismàïl, sont rapportées par quelques historiens arabes. L’année qui suivit l’ambassade de Dihya (8* «le l’hégire). Mahomet envoya une armée attaquer un prince ghassanide qui commandait, sous l’autorité d’Iléraclius, aux Arabes de Syrie;cette armée fut complètement battue à Monta. Malgré la victoire de l’empereur grec, un de ses officiers, dit-on, qui était Arabe et s’appelait Enrwa ben Amr, UNE APOLOGIE l>E L’ISLAM S9
Kiifln, de quelque manière que la chose soit, il est certain que cette religion est la véritable, la
abandonna le christianisme et se fit musulman. Il fut arrêté par ordre «riléraclius «pii voulut d’abord le faire revenir ou christianisme, en lui proposant le pardon et môme son rétablissement dans son emploi. Farwa répondit superbement qu’lléraclius savait bien lui-même que Mahomet était le Prophète de Dieu et que la crainte «le perdre son rang suprême l’empêchait seule de le reconnaître à la face «le tout l’empire. La mort fut le prix de sou opiniâtreté (NOWAIIO M DJINNAIII, ap. Caussin de Perccval). — Moulay Ismàïl, qui faisait d’Iléraclius l’ancêtre de Louis XIV, avait la conviction que la lettre de Mahomet à cet empereur d’Orient était conservée avec le plus grand soin parles rois «le France et que cette précieuse relique était la cause de toutes les prospérités de la monarchie française, « J’ai toujours cru, disait ce sultan en 1077 à un ambassadeur portugais, que le roi «le France, dont j’estime la valeur, ne pouvait manquer d’avoir de grands avantages sur ses ennemis,,, recevant pour y parvenir des grâces particulières du Ciel, pour la vénération… qu’il porte à la lettre que notre grand Prophète écrivît à ses prédécesseurs, lorsqu’il vivait sur la terre, laquelle il tient enfermée dans un petit coffre d’or. » MOUKTTK, toc cil,, p. 238, 239, Une autre fois, en 1080, Moulay Ismàïl fit appeler le Père Jean de Jésus-Maria, trinitaire espagnol en résidence à Fez, et lui demanda « s’il voulait entreprendre un voyage en Franco pour venir demander au Hoi une Lettre do Mahomet, qu’il croit qu’on conserve encore à Paris… et qu’il donnerait en échange tous les Français «pii étaient dans ses Etats. Le Père s’excusa du voyage, sur les guerres qu’ils avaient avec nous, ce qui fit que le Hoi n’insista pas davantage. » Jbid., p. 284, 285. En 1099, Abdallah bon Aâïcha, l’ambassadeur de Moulay Ismàïl auprès de la cour de France, fit demander à Louis XIV comme une grâce particulière qu’il pût baiser et mettre sur sa tète celte fameuse lettre.
90 «OULAV ISMAÏL ET JACQUES II
llauyfyenne\ celle que Dieu a élevée et dont il a établi Mahomet pour intendant et celle qu’il a ren* duc la plus excellente des Religions, Dieu a dit dans PAlcoran, qui est le livre de nos lois*, que Dieu ne reconnaît de Heligion que le Musulmanisme et que quiconque en suivra une autre, il ne lui en sera point tenu de compte et il sera en l’ath Ire vie au nombre des damnés 3. Ainsi celui qui fera une sérieuse réflexion, pensera de bonne foi et pèsera les religions a la balance de la justice et de la raison, il connaîtra que la Religion musulmane est la véritable religion et que toutes les autre ne sont que fadaises et badineries, depuis le jour que Dieu a envoyé notre Prophète après lequel il n’en veut plus envoyer d’autres, el c’est
Le roi lui répondit qu’il n’en avait jamais entendu parler, mais qu’il consentirait volontiers à la lui montrer, si on la trouvait dans sa bibliotliè«pie. V, Mercure gâtant et Gazette de France, année 1099. TIIOMASSV, toc. cit.
1, La religion hauéfienue, c’est-à-dire la religion orthodoxe, celle d’Abraham, l’antique monothéisme dont il ne restait plus que quelques sectateurs eu Arabie, au temps de Mahomet. CAUSSIN I»I: PKIICI VAL,/OC. cit., t. I, 323*32G et t. 111, 191.
2, HiMÎI /£s^* £ doit se traduire : dans les versets positifs du Coran. Les versets du Coran sont divises, sous le rapport du sens, en deux catégories : 1* O»UNWM o^’. El Atdl et monhafiamât, les versets à sens clair, positif et précis. 2° szJ^-r\i^\ y^JSiï. lit Aiâl cl moutachdbihdt, les versets dont la signification est douteuse, obscure, vague et qui, par conséquent, peuvent être l’objet de diverses interprétations.
3, Coran, m, 17, 79; XLVII, 1 et LXII, 7.
UNE AI’OLOGIK l»K L’ISLAM 91
pour cela qu’il est appelé le sceau des prophètes*. H sera persuadé que toutes les autres religions sont vaines ou superstitieuses et que leurs sectateurs seront damnés.
Un certain grand docteur d’entre les chrétiens voulut un jour connaître les différents sentiments des sectateurs dos différentes religions pour juger de celle qui était la meilleure. Il fit attention à ce que professaient les musulmans, à ce ([no proies» saioul les chrétiens et à ce que professeient les juifs, et il voulut s’informer d’eux par la voie du raisonnement. A cet effet il s’adressa à un chrétien et lut dit :
— Quelle est la meilleure des religions,la chrétienne, la juive ou la musulmane?
-— C’est celle des chrétiens, répondit le chrétien.
I, D’après une tradition rapportée par El Doukhari dans le chapitre qui traite du sceau des prophètes, Mahomet a «lit : ««Je suis à l’égard «les prophètes, mes prédécesseurs, comme cette seule et dernière brique que l’homme bâtissant une maison n’a plus qu’à poser en place pour achever sa construction, M On désigne donc pas l’expression sceau des prophètes ou par celle de ta brique le personnage qui a obtenu le don du prophélisme parfait. — De même qu’il y a une dernière brique qui complète l’édifice du prophélisme, il y a une dernière brique qui parachève l’édifice de la sainteté. — C’est avec cette acception symbolique que les soufis appellent parfois Mahomet ta brique d’or tandis qu’ils désignent le Mahdi, le sceau des saints (khatem cl ouâli), par l’expression : la brique d’argent. In.v KUAI.HOUN, toc. cit., t. II, 193, 194.
9i MOULAY ISMAÏL El 1 JACQUES II
— Et quelle est In meilleure de la juive ou delà musulmane?
— C’est la musulmane, dit le chrétien. Puis le docteur n’adressant à un juif :
— Quelle est, lui dit-il, la meilleure des trois religions, la musulmane, la chrétienne ou la juive?
— C’est colle des juifs, répondit le juif,
— Ivt quelle est la meilleure, de la chrétienne ou delà musulmane?
— C’est la musulmane.
Enfin le docteur s’adressa à un musulman. —- Quelle est, lui denianda-filja meilleure des religions?
— C’est celle des musulmans, répondit-il.
— Kl laquelle des deux, ajouta le docteur, est la meilleure delà juive ou de Isi chrétienne ?
— Mlles ne valent rien ni l’une ni l’autre, car la véritable et solide religion est celle des musulmans,
Parce raisonnement,ledoeloiirchrétien connut en son esprit que la religion musulmane était la véritable, que les juifs el les chrétiens n’étaient rien cl que toutes les autres religions n’étaient que [Mire erreur. Celle vérité est bien marquée dans notre livre do l’Alcoran, lorsque Dieu dit ce qui suit : « Les juifs ont dit que les chrétiens n’étaient pas dans la bonne voie quoiqu’ils lussent les livres divins; les uns et les autres sont dans l’erreur 1 ».
1. <« Les juifs disent : tes chrétiens ne s’appuient sur rien; tes chrétiens disent : les juifs ne s’appuient sur rien et cependant UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 93
Tout ce que dessus n’est que pour vous faire connaître une petite partie des versets île l’Aleorau, des conseils du Prophète et des arguments suivant la raison, conformes aux statuts de cette vraie religion et pour vous persuader que toutes les autres sont damnées. C’est pourquoi, si vous voulez faire une sérieuse réflexion, eu éloignant toute prévention, et si vous préférez, l’autre vie, à celle-ci, et si vous aimez mieux entrer en paradis qu’en enfer, voilà que je vous ai fait voir le moyeu et que vous en savez le chemin. Croyez-moi, suivez celte religion qui est la véritable, Faites-en profession, en prononçant les deux témoignages à savoir qu’il n’y a point d’autre Dieu que Dieu et que Mahomet est son prophète; car celui qui les prononcent docteur et de bouche entrera en paradis, quand il ne les aurait prononcés qu’une fois en sa vie, et il y entrera par l’intercession do Mahomet — sur qui soit le salut — parce que ce grand prophète a la commission de protéger les pécheurs, même les plus grands criminels qui ont encouru les menaces de Dieu les plus rigoureuses, de laquelle commission Dieu lui a donné le privilège dans l’assemblée qui se fit des Ames, au
les uns el tes autres, ifs lisent les Ecritures, ceux qui ne coti’ naissent rien tiennent un tangage pareil. » Coran, u, 107. Comme nous l’avons dit, les musulmans reconnaissent la révélation de plusieurs de nos livres saints, mais ils nous accusent d’en avoir falsifié certains passages et de les interpréter généralement en faisant une exégèse d’appropriation.
94 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
commencement de la création du monde 1. Je vous jure par ce grand Dieu que, si vous voulez croire
1. Contre-sens du traducteur : ^ijN ne signifie pas « l’assemblée quise fit des âmes au commencement du monde», mais le lieu où, à la fin du monde, au jour du jugement, le genre humain se tiendra debout devant Dieu ; ce mot s’applique par
extension au jugement dernier ; il a pour synonyme j-àwsr^l. Les hommes seront entassés sur le lieu du jugement; ils s’y étageront les uns au-dessus des autres et leur nombre sera si grand « qu’un pied se trouvera au-dessus de mille autres pieds. » Le Heu du jugement deviendra de plus en plus étroit et la compression croissante sera un véritable supplice. Pour y échapper, les hommes intercéderont successivement auprès d’Adam, de Noé, d’Abraham et de Moïse, qui opposeront, chacun, une raison les empêchant d’être un médiateur efficace, Jésus lui-même, le Verbe et PEsprit de Dieu, sera vainement imploré et répondra aux hommes : « On nous a pris comme dieux, moi et ma mère, h la place du Dieu Très-Haut; comment oserais-je intercéder pour vous auprès de Celui à côté duquel on m’adore, dont on prétend que je suis le fils et qu’on nomme mon père? » Et Jésus adressera les suppliants à Mahomet, au sceau des Prophètes. Et l’humanité implorera ainsi le Prophète arabe : « O Envoyé de Dieu, tu es le Bien-Aimé de Dieu, et le Bien-Aimé est le plus considéré des médiateurs. Intercède donc pour nous auprès du Dieu Très-Haut, car nous sommes allés vers noire père Adam et il nous a renvoyés auprès de Noé, nous sommes allés vers Noé et il nous a renvoyés auprès d’Abraham, noussommes allés vers Abraham et il nous a renvoyés auprès de Moïse; nous sommes allés vers Moïse et il nous a renvoyés auprès de Jésus ; nous sommes allés vers Jésus et il nous a renvoyés auprès de toi.,… Après toi, il n’est plus personne à qui nous puissions présenter notre requête, personne auprès de qui nous puissions chercher un refuge. » Le Prophète s’écriera : « Je m’en i UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 95
à cette Religion, Dieu vous fera la grâce d’arriver à cette félicité. Faites comme César (ou lléraclius) qui la croyait on son Ame et en était persuadé et faites choix de cette foi tant au péril de votre vie que de vos biens; je le demande a Dieu de tout mon coeur. C’est la l’affaire concernant la religion dont nous avons voulu vous avertir.
charge, j’y pourvoierai. » Cf. EL-GIIAZALI, Ad-Dourra al-Fâkhira, traduction L. Gautier, 1878.
Ce privilège de l’intercession finale., qui a fait appeler quelquefois Mahomet îsUiJl w-^lo, est mentionné dans le Coran. « Quand viendra le jour oit la terre sera changée en quelque chose qui n’est pas la terre (xiv, 49), ce jour où toute âme ne songera qu’à plaider pour elle-même (xvi, 112), ce jour~là, l’intercession de qui que ce soit ne pourra profiter, sauf F intercession de celui à qui te Miséricordieux permettra de le faire el à qui il permettra de parler » (xx, 107).
Les angoisses du dernier jour {zr/xrtt rt[u?z) et celles de la vie future (iLs^t Jl*»ty sont décrites par les auteurs musulmans avec des images terrifiantes rappelant celles de la liturgie catholique. II existe des ^_£*-£>\ la-^lj-*Maoudidelkhouf (sentences et aussi sermons destinés a inspirer aux croyants une ‘salutaire frayeur) qui semblent une traduction de la fameuse prose Dies iras. On y retrouve la terreur de Pâme cherchant un intercesseur : Quem patronum rogaturus, la présenta* tion du livre : Liber scriptus proferetttr, le dévoilement des actions secrètes : Qttidquid tatet apparebit, etc. Voici, à titre d’exemple, un de ces maouâîd extrait du livre intitulé
dUsi.ll eHj!?-* w*^ *M> * I^H? *^’ w_s*^* {J-lJ-^Jt”
*UaJI ,**-«*& wJjJ! tflàj •* .*etsi4l yl& l*£»»JI «Ù-LXA.
« Songe au jour où tu paraîtras seul devant Dieu, où sera 96 MOULAY 1SMAIL ET JACQUES 11
A l’égard de l’affaire qui regarde la politique’, c’est que, si vous voulez rester dans votre religion infidèle, il est certain que celle de votre nation anglaise est plus légère et plus commode pour vous que l’adoration de la Croix et l’obéissance à ceux qui donnent un fils à Dieu et dont les moines se moquent 2. Quel avantage trouvez-vous à vous être retiré de votre patrie, éloigné de votre peuple et de vos sujets et sorti de la religion de vos pères et aïeux pour embrasser une religion autre que celle de votre peuple? Et quoiqu’on général toutes vos sectes soient un tissu d’erreurs et de fourvoiement,’ cependant votre véritable secte à vous est celle d’IIcnric* qui est plus raisonnable que les autres qui sont embourbées dans l’infidélité*. Il
dressée la balance des actions, où rcra déchiré le voile qui couvre les fautes, où le mal apparaîtra dégagé de tout voile. »
1. Pour celte seconde partie de la lettre, il sera intéressant de se reporter au récit de la révolution d’Angleterre rédigé par un ambassadeur marocain. V. ci-après Appendice p. 105. Si l’on ne peut prouver que ce récita été communiqué tel quel à Moulay Ismàïl, on peut affirmer que les événements politiques de l’Angleterre lui ont été présentés de cette manière.
2. Contre-sens du traducteur. Le texte porte JJ& ^^SJJLJJ f^Lîi H faut traduire : « ceux qui donnent un fils à Dieu, alors
qu’Us en refusent à leurs moines ». La pensée complète est celle-ci : ils prétendent que le célibat est pour leurs moines un état plus parfait que le mariage; ils sont donc înconséiiuents, puisqu’ils refusent cette perfection à la divinité en lui attribuant un fils.
3. Le roi Henri VIII.
4. Les musulmans mettent le protestantisme au-dessus du , UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 97
n’y a pas jusqu’à la reine, votre épouse, qui est Française qui vous a porté à embrasser sa religion et vous vous êtes séparé des autres pour suivre son parti’. Et pourquoi faut-il que vous restiez chez les Français, abandonnant votre peuple et le royaume do votre père et de votre frère à un autre et que vous souffriez qu’un Hollandais se soit impatronisé de votre couronne pendant votre vie?
catholicisme auquel ils reprochent l’adoration des images et le culte des saints. V. la traduction de la lettre de Moulay Ismàïl à Jacques II écrite en espagnol, p. 08etss. En 1680, Charles II ayant écrit à Moulay Ismàïl pour lui annoncer l’envoi d’un ambassadeur chargé de négocier la paix (l’occupation de Tanger par les Anglais était une cause continuelle d’hostilités), le sultan consulta les principaux de sa cour sur la question de savoir si, sans contrevenir aux lois du Coran, il pouvait faire un traité de paix avec les Anglais. Ahmar Kheddou, le gouverneur de Ksar cl-Kebir se prononça pour l’affirmative et entre autres motifs, il mit en avant « que la Religion Protestante que les Anglais professaient, les rendait beaucoup approchons de la leur, qu’ils n’adoraient qu’un Dieu cl quoiqu’ils crussent au Christ comme ii son Fils, que toutefois ils n’avaient dans leurs temples ni Croix ni Images ni autres ojuvres faites de main d’homme pour les adorer, comme faisaient les autres Chrétiens ». MoftKTTK, loc. cit., p. 510, 511.
1. On a vu plus haut p. 36 que Jacques II avait épousé en secondes noces en 1673 une princesse catholique, MarieBéatrice de Modènc. Elle était petite-nièce de Ma/arin, et Louis XIV avait été l’instigateur de ce mariage; c’est probablement pour ces raisons que Moulay Ismàïl en fait une Française. Le texte arabe porte L^*» w^?l M^* w-Jt l» ce qui doit être traduit : « et vous voici maintenant sépare d’elle. » C’était d’ailleurs une inexactitude. ‘ a , 9S MOULAI ISMAÏL ET JAQUES li
Par le grand Dieu! je ne puis souffrir cpie voire maison et votre royaume soient en la puissance et sous le gouvernement «l’un Hollandais ni d’aucun autre. Il vaut mieux que vous abandonniez ce qui vous a ci-devant mis en différend avec votrepeuple, car vos sujets croient que c’est une obligation de leur conscience de vous renier, à cause de la religion dans laquelle vous leur êtes contraire. Demandez-leur excuse, accablez-les d’honnêtetés afin de les faire revenir. Oui, par Dieu je le jure! si nous n’étions pas gens arabes, barbares non stylés à l’art maritime, ou bien si nous avions quelqu’un chez nous qui fiit habile en cet art et à qui nous puissions confier des troupes et les lui donner a commander, j’écrirais aux Anglais et je vous enverrais des troupes avec lesquelles vous feriez descente en Angleterre, vous rentreriez dans vos biens et remonteriez sur votre troue.
Mais il y a un obstacle que je veux vous faire savoir, c’est qu’il faillirait que vous délogeassiez d’où vous êtes et que, quittant le pays des Français, vous vous rendissiez à Lisbonne, pays de Portugal. Voilà que la Reine, épouse de feu votre frère, la Portugaise’, est à présent en ce pays la, quoiqu’elle eût voix et autorité en votre Parlement. Si vous étiez là, il y aurait moins de dis1.
Catherine de Braganco, femme de Charles II. C’était cette princesse qui avait apporté en dot à l’Angleterre la ville de Tanger. Elle se retira en Portugal en mars 1692 et y mourut le 31 décembre 1705, UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 99
tance et de difficulté entre vous et votre peuple; il vous serait bien plus facile d’entrer avec lui en conférence et en ajustement. Mais il faudrait que cela se fit en telle manière que les Français n’eussent aucun avis de ce que vous feriez, car, s’ils s’apercevaient que vous eussiez ce dessein et intention, ils ne vous laisseraient pas aller et ils vous arrêteraient pour dans raisons : la première, parce qu’ils ne voudraient pas que vous abandonnassiez leur religion pour reprendre celle de votre nation, l’autre est qu’ils craindraient que, retournant avec votre peuple, vous devinssiez leur ennemi et leur fissiez la guerre, et principalement après avoir eu connaissance d’eux et de l’excellence de leur pays, car les Rois redoutent toujours ces sortes de choses’.
Voilà donc que nous vous avons donné conseil et nous vous avons remontré ce qui convient de faire tant au sujet de votre religion que de votre
1. Louis XIV orientait sa politiipic en prévision de la succession de Charles II cl Moulay Ismàïl prenait ombrage de notre rapprochement de l’Espagne, l’ennemie héréditaire du Maroc. La guerre de la Succession d’Espagne et plus tard la politique du Pacte de Famille nous firent perdre une situation prépondérante au Maroc. Le principal moyen employé par la diplomatie anglaise pour entretenir la défiance des sultans chérifiens à notre endroit était de représenter l’union parfaite qui régnait entre les cabinets de Versailles et de Madrid.
On lit plutôt if que *j* sur le texte original, d’après la position du point diacritique, ce qui d’ailleurs influe peu sur le sens.
100 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
politique. Je vous conjure donc pas mépriser la direction ni le bon conseil.
Nous avons aussi appris que vous avez dessein de passer à Rome, mais donnez-vous bien de garde de prendre cette résolution, car, si vous y entrez une fois, vous vous y habituerez et vous ne voudrez plus en sortir, ni ne pourrez après elle rentrer en votre Royaume.
En un mot, et de quelque manière que la chose se passe, si vous vous accommodez avec votre peuple et si vous rentrez en votre religion, nous renouvellerons avec vous les traités que nous avions avec votre frère. En vérité, notre officier qui était ambassadeur à sa Cour”, ne cesse de nous faire le récit de ses honnêtetés et de ses bontés; c’est ce qui m’a porté à vous écrire pour vous donner conseil, désirant qu’il y ait entre nous deux une bonne amitié et correspondance de lettres qui puisse vous être utile en quelque état que vous soyez, s’il plaît à Dieu, et le salut à celui qui suit les voies de la direction ‘.
Ecrit le 15 de la lune de Chaban, l’an de l’hégire 1109 (c’est-à-dire îe 2o février, l’an de grAce 1698) 3.
1. Abdallah ben Aâïcha. V. p. 46 et ss.
2. Comme on le voit, la lettre de Moulay Ismàïl se termine parla formule du salut négatif, V, p. 50, note 1.
3. L’interprète a ajouté : « Traduit de l’arabe en français par Pétis de la Croix, secrétaire interprète du Roy, ce 11 juin 1698».
UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 101
Lettre de Moulay Ismàïl à Jacques II
écrite en espagnol *
Ainsi que nous lavons dit *, il existe dans les Archives des Affaires Etrangères une seconde lettre de Moulay Ismàïl à Jacques 11 écrite en espagnol et portant la même date. Cette lettre est accompagnée de sa traduction on français que nous donnons ci-après. L’original est écrit sur le recto d’une feuille de papier de même format que celui de la lettre arabe.
En tête de la feuille se lit la formule :
« Au nom d’un seul Dieu tout Puissant ». Au dessous de cette formule est apposé le grand cachet ou plutôt le chiffre arabe de Moulay Isnuïi’l ; puis le texte suit en ces termes :
A Jacques, Roi d’Angleterre, que Dieu garde? Le grand nombre d’honnêtetés que votre frère — que Dieu aye — a eues pour mon ambassadeur et la bonne correspondance que nous avons eue ensemble, tant au sujet de Tanger que d’autres affaires qui ont été entre lui et moi, m’ont porté à vous écrire cette lettre par laquelle j’ai deux
1. V. planche II la reproduction de l’original par la photogravure,
2. V. p. 2, note 1.
102 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
choses à vous faire savoir; l’une est spirituelle et l’autre temporelle.
A l’égard de la spirituelle, je ne crois pas que vous ignoriez qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que Jésus-Christ est l’âme de Dieu et fait de son ouvrage comme nous sommes; que ce Dieu est tout puissant et qu’il n’a point de compagnon dans son Royaume. Et, si vous aviez perdu le votre pour une chose aussi juste que celle-là, vous auriez été plus agréable aux yeux de Dieu que de le perdre pour adorer des images. Erreur si grande que je ne puis m’iniaginer qu’elle puisse exister dans votre jugement, sachant que Dieu a dit : Maudit soit l’homme qui adore les Idoles ‘. Et je suis dans le dernier étonnement que vous ayez abandonné la loi de vos pères pour eu prendre une pire et non pas pour en prendre une meilleure. Cela m’a porté à vous écrire, poussé de compassion pour que vous preniez une meilleure loi. Et, afin que vous jouissiez du temporel aussi bien que du spirituel, je vous conseille de passer en Portugal : vous serez plus proche des occasions de demander pardon à votre Royaume de votre faute, car jamais votre peuple et vos sujets ne trouveront un si bon Roi que vous, ni vous ne trouverez jamais un si bon
1. « La plupart [des hommes] ne croient point en Dieu, sans mêler à son culte celui des idoles [le culte des images et aussi des saints]. Sonl*ikt donc sârs que te chdtiment de Dieu ne tes enveloppe pas .. » Coran, xu, 106, 107. V. /£/«*., xtv, 35; xvm, 102; xvn, 59; iv. 54, 55. V. 65.
> UNE APOLOGIE DE L’ISLAM 103
peuple. A mon égard, si j’avais sur mer une puissance assez forte, je vous secourrais do bon coeur et je ferais tout au inonde ce qui dépendrait de moi comme vous le verriez. De plus le Roi de Portugal ayant été votre beau père 1, il n’y a point de doute qu’il ne vous reçut à bras ouverts, suivant l’exigence de votre rang jusqu’à ce que vos [ou nos] accommodements fussent achevés. Certes, si vous retournez en votre Royaume, comme j’en prie le Seigneur, nous aurons ensemble une paix générale tellement que vos vaisseaux pourront venir à nos ports en toute sûreté et sans aucun risque et les nôtres aux vôtres. Et il y aura entre nous une fraternité réciproque sans aucune sorte de tromperie, ni par autre motif que de faire connaître que je ne suis pas ingrat des honnêtetés que votre frère m’a faites.
Recevez donc celles-ci comme une marque du chagrin que je ressens de votre malheur, désirant avec plus d’estime que qui que ce soit que vous retourniez à votre premier état.
Ecrit le 26 février 1109, c’est-à-dire 1698.
1. Moulay Ismàïl commet une double erreur. Le roi de Portugal, Jean IV, père de l’infante Catherine, était mort en 1656. Il était beau-père de Charles II et non de Jacques IL APPENDICE I
La Révolution d’Angleterre et la fuite de »lnc«pics II en France.
Récit d’un ambassadeur tnaroenin qui se trouvait en Espagne
en ICOO-ICOl’.
Le roi des Anglais [Charles 11] était mort pendant que les chrétiens se faisaient la guerre; il ne
1. Ce récit est extrait d’une relation de voyage écrite en arabe et traduite par M. IL Sauva ire sous le titre : Voyage en Espagne d’un ambassadeur marocain (1690-1691), Paris, 1884, in»8. On lit en tète de l’ouvrage cet avertissement du traducteur ; « La traduction qui suit a été faite en partie sur le manuscrit de la Bibliothèque Nationale de Madrid coté Gg. 192, et en partie sur un manuscrit appartenant à M. de Gayangos, et qui paraît n’être qu’une copie du premier. Le manuscrit de la Bibliothèque est porté au catalogue avec cette mention : Via je a Espatta de un Embajador enviado por Mnley fsntacta Carlos II, y obsetvaciones que Itace en todo to que via. Viaje hechopor losaltos PiSO a Jtj82. La mort du pape Alexandre VIII et la prise de Mous par les Français, pour ne citer que ces deux événements relatés par l’ambassadeur marocain, prouvent qu’il se trouvait en Espagne en l’année 1691. Il dut s’embarquer a Ceuta avant la fin de 1690. Son nom nous est inconnu. »
La marquise Campana de Cavellt(V. p. 33, note 1) avait déjà 106 MOULAY ISMAÏL ET JACQUES II
laissait pas d’entant pour régner après lui sur son peuple, mais un frère appelé Jacques.
Ce Jacques et sa femme étaient attachés en secret à la religion chrétienne [catholique], sans que personne de leur nation en eut connaissance.
Lorsque son frère mourut, l’ordre de succession le désignant, il fallait nécessairement l’investir du pouvoir royal et le mettre sur le trône à la place de son frère. Les Anglais l’invitèrent- donc à régner sur eux.
en 1871 donné une traduction de ce récit dans son recueil de documents inédits relatifs à Jacques II, t. II, p. 414, Doc. DCXCII. Elle fournit sur la provenance de cette pièce les renseignements suivants :
« Le document dont il s’agit est la traduction partielle d’un récit écrit en arabe par un envoyé de l’empereur de Maroc à la cour d’Espagne en 1690-91. Ce diplomate avait, parait-il, séjourné à Paris pendant le règne et lors de la chute du Hoi Jacques; il voulut raconter ces événements qui l’avaient particulièrement frappe. On ignore son nom et l’on ne sait rien de lui, sinon qu’il était en faveur à la cour d’Espagne.
«« Nous devons la communication de cette pièce curieuse et amusante trouvée dans une bibliothèque privée à Lisbonne, h l’obligeance de lord Stanley d’Atderley.
« Ce document marocassin [sic], oeuvre d’un esprit juste et sensé, malgré l’ignorance et les inexactitudes qu*on y aperçoit, aune couleur et une originalité qui ne peuvent manquer d’intéresser le lecteur. »
Nous n’avons pas consulté les divers textes arabes de la relation de l’ambassadeur marocain; mais nous pensons, h en juger par les traductions de cet extrait, que le manuscrit de lord Stanley d’AIderley est identique à ceux que Sauva Ire a eus entre les mains.
< UNE APOLOGIE OE L’ISLAM 107
Or il s’en défendit et refusa : c’était de sa part un artifice et une ruse. En effet, une fois qu’ils l’eurent pressé et qu’il vit leur impossibilité do placer un autre que lui sûr le trône, puisqu’il était le seul héritier, il leur dit : « Je n’accepterai votre demande et ne répondrai à vos instances qu’autant que vous accomplirez un de mes désirs, qui ne peut vous causer préjudice : il consiste en ce que chacun suivra la religion qu’il préfère. »
Ils acceptèrent sa demande et accédèrent à ses désirs, le couronnèrent et l’assirent sur le trône.
Mais à peine eut-il pris les rênes du gouvernement que lui et sa femme suspendirent des croix à leurs vêtements, firent paraître un moine chrétien ‘ qu’ils avaient auprès d’eux et, entrant dans l’église, célébrèrent la prière des chrétiens [catholiques].
Leur exemple fut suivi par les personnes de l’entourage du roi qui connaissaient ses intentions Jacques voulut aussi pousser ses sujets à adopter la religion qu’il pratiquait.
Quand les Anglais virent que leur roi professait une doctrine différente de la leur et suivait la religion des gens de la croix, ils curent peur que cette maladie ne gagnât les masses et qu’il ne leur fût plus possible d’arrêter le mal. Ils reprochèrent alors au roi d’avoir embrassé cette religion et, réunis en assemblée, ils décidèrent do le tuer.
1. Le père Pètre, jésuite, confesseur et conseiller de Jacques H.
10S MOULAV ISMAÏL ET JACQUES II
Ayant eu connaissance do leur projet, il s’en» fuit avec la reine auprès du roi de Franco et implora sa protection.
Lo roi «le France résolut de le secourir et do le protéger, par haine des Anglais et en dépit d’eux.
Ils lui adressèrent des réclamations, et des correspondances furent échangées qui se terminèrent par ces paroles du roi de France : « Vous êtes tous des ennemis pour moi comme les autres chrétiens ‘, Préparez-vous donc à me combattre jus* qu’à co que je rende, malgré vous, h son palais et à son royaume, le prince qui s’est réfugié auprès de moi. »
En présence de ces événements, c’est-à-dire du départ de leur roi et de la guerre qui éclatait entre eux et les Français, les Anglais se donnèrent pour roi le prince d’Orange, stathoudor de Hollande; car les deux peuples suivaient une même religion, vu que la même dissidence les séparait des catholiques. Le prince prit les rênes du gouvernememt et ils lui donnèrent le titre de roi. Ils décidèrent de faire la guerre à la France sur terre et sur mer.
1. C’est-à-dire ; les princes catholiques et protestants faisant partie de la ligue contre Louis XIV. Note de la Marquise Campana.
APPENDICE II
Lcllrr frow tlifs Mnç qf Morocco to ihe Mnjf of Eofflatul ‘.
Wlion thoso our leltors slmll ho happy to como lo your Majestîe’s sight, I wish tlie spirritt of tho righteous God may soe direct tlio powors of your myndc, that you may joyfullie enibrace tlie message 2 I send, presentinge unto you the meanes of exaltinge tlie Majcsty of God, and your ownc renowne amonge mon, The royall powers allô ttcd to our charge, make us coifion servants to
1. DniTisii MISKUM, Harleian Manuscripts. 2104, f» 291. Cette lettre se trouve également dans la collection Lansdowne (vol. 93, n° 64, f* 152) ; elle est intitulée : Copy ofthe king of Morocccfs letter lo the king of lingland, arrived in oct. 1637. Les différences que présentent les deux manuscrits sont insignifiantes; elles seront indiquées comme suit : les mots du manuscrit II (Harleian) qui ne figurent pas dans le manuscrit L. (Lansdowne) seront écrits en italiques. Les autres variantes figureront en note précédées de la lettre L. Quand elles porteront sur des mots ajoutés dans le manuscrit L ces mots seront écrits en italiques.
2. L. : messages.
110 NOl’MY ISMAIL fcT MCQiES II
our creator, thon of those whom wee governe, the people, soe that 1, obscrvingo the dut je wo owc lo our God, \ve deîiver blcssit.ge to the world and in proviclinge for the publicke good of our statcs, wo magnifie the honour of God, Uko the celestiall bodies, that, though lliey hâve mucli vénération*, serve onely to bencfîtt Ihe world. Il is the excellency of our offices 1 lo be instruments 1 of greato happiness to the world Pardon me, this is not to inslructe you I knowe I speak to one of a clearer and quicker sight tlian myselfc, but 5 speake this, because God hath pionsed to grant mee happie viclory over some part of* collions 7 pirates that bave soe long moîestcd the pcacofiill trade of Europe, and hath presented further occasion to root out the génération* of Ihose thaï bave been soe pernitious lo the good of our nalions, ï mcane that since il hath pleased God to bec soe auspitious to our hcginninge in the conques! ofSallio, wee might joyne and proceed with hope of liko* successe in warr against Tunis Argiers and other places dcnnes and rccop1.
L. sometimc.
2. L. yel,
3. L. offir the.
4. L.wht- bygreat hnppiucsses are «lelivered lollie nations.
5. L. I.
6. L. those,
7. L. rebellions.
8. L. générations.
9. L.the.
r\n AI’OIOI.IK m: i isuy Ut
taclcs for the inhumayne villaynes of those lhat ahhor rule and governmcnt horein whillst wo cxtirnnle the corrupcou of malignaut spirrttts of the world, wee shall glorifie the great 1 God and poiTonm* a duly lhat will shine as glorious as the sun or Moone whieh ail the earth may seo and révérence A worke which shall asccnd swccte as the perfiime of* most prêtions oilours in the nostrillsof God 5 A worke gratefuII and happie to mon A worke whose memory shall remayne as 4 long as there shall bee any that delight to read the actions of heroicke maguanimous spirritts that shall last as longe as there bee any reniaininge amongst men that love and honour tho piely and virtue of noble mynde 5, This Action 6 F bore willinglie présent to you, whose pious virtues are equall to the dignitie of your 8 powcr that wee who are both servants of tho greate and mightie God may hand in hand tryumph in the glory this action now présents lo us. Now because the Llamls’ you govcrne bave ever been,(> famous
1. L. greutest.
2. L. the.
3. L. the Lord.
4. L. Pc reverenced so.
5. L. minds.
6. L. occasion.
7. L. do.
8. L. the.
9. L. which,
10. L. hcingcvcr.
m NOIIUV ISMIIL ET MUjlfcS II
for the uuconquered strength of (hère shippinge J bave sent thèse my trustie servants and ambassadors to knowo whether in your Princely wissedôme you shall thiiike fitt to assîst moe with such fforces by sea as shall bee auswerable to those I provide by land which if you please lo grant l doubt not luit the Lord ofllost will protect and assist those that fight in soe glorious a cause nor otightyou to thinke this si range that I soe much reverencing’ the peace and accord of nations shold fîrst exhort a warr your great prophelt Jésus Christ* was the Lyon of the tribe of Juda as well as the Lord and giver of peace which may signifie unto you that hee who is a lover and maynteyner of peace îuust alwaies appeare in 5 the terror of bis sword and wadeingo throiigh seas of blood inust arrive to tranquillity this made James your flathcr of glorious meinory soe happie4renowned amonge ail nations* H was the noble famé of your princely virtue which resound* evcn toT the ultmost corners of the Earth that persuadée! mec lo invite you to pertake of that blessinge wherein I boast myselfe most happie I wish God may heapo the riches of lus
1. L. who much révérence.
2. L. Christ Jésus.
3. L. with.
4. L. happily.
5. L. occasions. ,
6. L. resoundeth.
7. L. uuto.
USE APOLOGIE m I/ISUM M3
grâce* on you’; Increaso your happiness with your daies and hereafter perpetuate your namo in ail âges.
TRADUCTION
Lettre du roi de Maroc au roi d’Aojyleterre*.
Lorsque nos présentes lettres auront le bonheur do parvenir aux regards de Votre Majesté, je souhaite que l’Esprit de Dieu Juste puisse éclairer et diriger les facultés de voire intelligence, afin que vous receviez avec joie le message que je vous envoie et qui vous offre les moyens de glorifier la majesté do Dieu et d’étendre votre gloire et votre renommée parmi les hommes.
1. L. blessing.
2. L. your.
3. Les Moriscos chassés d’Espagne et réfugiés au Maroc, où Us étaient connus sous le nom de Andalos, avaient fondé à Salé une république de pirates. Le chérif Moulay Zidan (16081628) entreprit de les réduire et il envoya une ambassade à Charles I’* d’Angleterre pour solliciter son appui. Le fameux aventurier John Giftard prit le commandement des troupes auxiliaires qui concoururent à l’extermination des pirates salé*
8 H* WUI4V |$*»AU ET JACQUES II
Les pouvoirs dévolus a notre charge nous rendent tous les deux serviteurs non seulement de notre Créateur, mais encore de ceux que nous gouvernons o’esMvdire de nos peuples. Il en résulte que c’est rendre à Dieu nos devoirs et nos hommages que de procurer des bienfaits à nos sujets et d’assurer le bien public dans nos Etats et, en faisant ainsi, noua fixations lagloirc de Dieu. Nous sommes comparables à ces corps célestes qui, bien qu’ils soient entourés de vénération, n’ont élé créés que pour faire le bien de l’humanité 1.
tins. Zidan reconnaissant fit présent à Charles V: de trois cents esclaves chrétiens.Kn 1637, l’amiral anglaisRainsborough vint à Salé réclamer des navires de sa nation et la liberté des esclaves chrétiens. Il profita de la discorde qui divisait H bal et Salé, prit parti pour le marabout Sidi el-Ayachi, maître de Salé, et débarqua des canonniers qui aidèrent à la réduction de Rbat. La fraction de Rbatins qui tenait dans cette place, n’accepta toutefois les conditions de Rainsborough que sur l’ordre du chérif Moulay cl-Oualid dont la suzeraineté fut momentanément rétablie sur la République. C’est cet événement transformé par Moulay el-Oualid en un succès de ses armes qui ferait l’objet de la présente lettre, si l’on se réfère à la date de 1637 inscrite dans le Ms. L. L’original arabe de cette lettre n’existe pas dans les documents du Foreign Office. Maroc. Modem Royal loetters. Second séries 1564-1737.
1. Le sens de la phrase n’est pas très clair cl cette obscurité doit provenir du texte arabe encore plus que de la traduction anglaise. Nous proposons le sens suivant :« Les corps célestes, quels que soient leur éclat et leur splendeur, n’existent que pour concourir au bonheur de l’humanité; il en est ainsi des rois et, quels que soient le respect et la vénération dont ils Vm APOM)CIE Ï>E l/ISUH 115
Ce qui fait l’excellence de nos fonctions, c’est que nous sommes les instruments des grands événements qui se produisent dans le inonde. Pardonnez-moi ces disctw*; ils ne sont point destinés à vous instruire. Jesaisque je m’adrcsseà quelqu’un dont la vue est plus claire et plus rapide que la mienne; mais si je dis ceci, c’est qu’il a plu a Dieu de m’accordcr d’heureuses victoires sur dos troupes de pirates rebelles qui pendant longtemps ont été un sérieux obstacle au commerce pacifique des gens d’Europe. Je dis tout cela parce que le Seigneur m’a fourni, en outre, l’occasion favorable de déraciner en quelque sorte et de faire disparaître de la face de la terre la génération décos hommes si nuisibles à la prospérité de nos nations.
Depuis qu’il a plu à Dieu d’accorder un si plein succès à notre entreprise dans la conquête de Salé, il m’est venu a l’esprit de vous proposer alliance pour entreprendre, dans l’espoir d’arriver à un succès aussi complet, une guerre contre Tunis, Alger et autres villes fui forment en quelque sorte des antres et des refuges pour les monstres inhumains qui refusent d’accepter une loi et un gouvernement.
Et ainsi, en faisant disparaître de la face du
sont entourés, ils ne doivent ôtre que les bienfaiteurs de l’humanité. Faut-il ajouter que ce sont là de fort belles pensées, mais que, dans la pratique, Moulay cl-Oualid comme ses successeurs, ont donné à cette conception de la souveraineté le plus constant et le plus éclatant démenti.
m MOrUY ISM4IL IT MCQVES U
monde la corruption des esprits malfaisants, nous glorifierons le Dieu Très Grand et nous accompli” vous un grand exploit qui brillera avec autant d’éclat que le soleil et la lune, éclat que toute la terre reconnaît et admire. Nous forons ainsi une oeuvre dont le parfum aussi doux que celui des odeurs les plus précieuses montera vers Dieu et réjouira son coeur [ses narines]. Nous accomplirons une oeuvre digne de la reconnaissance des hommes dont elle assurera le bonheur, une oeuvre dont la mémoire durera aussi longtemps que sur la terre quelqu’un trouvera plaisir à lire les actes des héros et des esprits magnanimes, une oeuvre dont la mémoire demeurera toujours parmi les hommes qui aiment et honorent la piété et la vertu des nobles esprits. C’est cette entreprise que je viens vous proposer avec confiance, attendu que je sais que vos pieuses vertus sont dignes de l’élévation de votre pouvoir. Je vous la propose afin que nous deux serviteurs du Dieu-Grand et Puissant, puissions, la main dans la main triompher dans la gloire que son exécution doit nous assurer. Ainsi donc, attendu que le pays que vous gouvernez a toujours été célèbre pour la force indomptable de sa marine, j’ai envoyé mes fidèles serviteurs et ambassadeurs pour s’informer si dans votre sagesse royale vous jugerez à propos de nous assister sur mer avec des forces correspondantes à celles que je prépare sur le continent. *
Si, comme j’en suis assuré, vous nous accordez cette demande, je suis certain que le Seigneur des * USE APOLOGIE DE |/|$I4H 111
Armées protégera et assistera ceux qui combattent pour une si glorieuse cause. Vous ne devez pas trouver étrange que si plein d’amour pour la paix et l’union des peuples j’exhorte lo premier à la guerre. Votre grand proplKe Jésus-Christ était le lion do la tribu de Juda aussi bien que le seigneur et le restaurateur de la paix, ce qui veut dire que celui qui aime la paix et a le désir de la maintenir doit toujours apparaître terrible avec son épée et doit marcher à travers des flots de sang, avant d’obtenir la tranquillité. C’est ce que fit Jacques, votre père de glorieuse mémoire, renommé comme heureux parmi les nations. Telle est aussi la renommée de votre famille et elle s’est répandue jusqu’aux plus lointaines extrémités de la terre. C’est elle qui m’a poussé a vous inviter à partager cette heureuse entreprise, qui me rend très heureux je puis m’en vanter. Je souhaite que Dieu accumule ses bienfaits sur votre tôte, augmente votre bonheur avec vos actions et perpétue après votre mort votre souvenir dans,, tous les siècles.