Le même jour, un jeune Maure m’engagea à le suivre dans les bois, où il avait rendez -vous avec les autres jeunes gens du camp. Lorsque nous fûmes parvenus dans un lieu très épais, on s’assit ; et un moment après, un esclave amena un mouton : ce nègre ramassa du bois et alluma du feu, après avoir creusé un trou en terre, en forme de fourneau. Un marabout ayant égorgé le mouton (Chez les Maures et même chez les nègres, c’est toujours un marabout qui coupe la gorge à l’animal ; ils ne mangeraient pas de la viande qui aurait été tuée par un esclave, ou même par un homme qui ne serait pas marabout), l’esclave le dépouilla. Les marabouts prirent les boyaux, les vidèrent en les pressant entre les doigts et sans les laver, firent des andouilles avec toutes les tripes, ensuite ils les mirent sur le feu et les mangèrent, quand elles furent à moitié cuites. Lorsqu’il y eut beaucoup de braise, on l’ôta du trou : on y plaça le mouton ; puis on 3 e recouvrit de braise et de cendre, et on ralluma du feu par dessus.
Au bout d’une demi-heure, mes compagnons jugeant qu’il était assez cuit, le retirèrent, donnèrent la tête et un morceau du cou à l’esclave, puis dépecèrent le reste en autant de parts que nous étions de personnes ; ensuite on jeta les pièces pour déterminer celle de chacun. Ces sortes de réunions sont en usage parmi les Maures : cinq ou six jeunes gens se rassemblent, fournissent à tour de rôle chacun un mouton, et vont le manger dans les bois, pour éviter les importunités auxquelles ils seraient exposés dans le camp. Quand ils sont rassasiés, ils portent le reste de leur part à leurs parens ; mais cela se réduit toujours à très peu de chose, souvent à rien. C’est avec la peau des moutons et des chèvres qu’ils font leurs sacs en cuir et leurs outres. Pour cela, ils fendent la peau de l’animal depuis la saignée jusque près des épaules ; ils dégagent la peau avec la main, la retournent et sortent toute la chair par cette ouverture.