Le 8, à midi, nous atteignîmes Kolor, ville considérable. En y entrant, je remarquai qu’on avait appendu à un arbre une espèce d’habit de masque fait d’écorce d’arbre, et qu’on me dit appartenir au mombo-jombo. Cet étrange épouvantail se trouve dans toutes les villes mandingues, et les Nègres païens ou kafirs s’en servent pour tenir leurs femmes dans la sujétion. Comme la polygamie leur est permise, ils épousent ordinairement autant de femmes qu’ils peuvent en entretenir. Souvent ces femmes sont jalouses les unes des autres ; les discordes, les querelles se multiplient, et l’autorité du mari ne lui suffit pas pour établir la paix dans son ménage. Alors il a recours au mombo-jombo, dont l’interposition est toujours décisive.
Cet étrange magistrat, qu’on suppose être le mari lui-même, ou quelqu’un instruit par lui, se déguise sous l’habit dont je viens de parler, et, armé d’une baguette, signe de son autorité, il annonce son arrivée en faisant des cris épouvantables dans les bois qui sont auprès de la ville. C’est toujours le soir qu’il fait entendre ses cris, et dès qu’il est nuit il entre dans la ville et se rend au bentang, où aussitôt tous les habitants ne manquent pas de s’assembler.
On peut croire aisément que cette apparition ne fait pas grand plaisir aux femmes, parce que, comme celui qui joue le rôle du mombo-jombo leur est essentiellement inconnu, chacune d’elles peut soupçonner que sa visite la concerne. La cérémonie commence par des chansons et par des danses, qui durent jusqu’à minuit. Alors le mombo désigne la femme coupable. Cette infortunée est saisie à l’instant, mise toute nue, attachée à un poteau et cruellement frappée de la baguette du mombo, au milieu des cris et de la risée de tous les spectateurs. Il est à remarquer que dans ces occasions ce sont les femmes qui crient le plus fort contre la malheureuse qu’on châtie. Le point du jour met un terme à cette farce indécente et barbare.