Syphax courut alors sur les escadrons ennemis, dans l’espoir que la honte ou son propre danger arrêterait la fuite ; mais son cheval fut grièvement blessé et le jeta à terre. On entoura le roi, on se rendit maître de sa personne et on le conduisit vivant à Lélius : spectacle plus doux pour Masinissa que pour tout autre.
Cirta (Qirt- : “Urbs” en punique) était la capitale des états de Syphax: ce fut là que se réunirent un grand nombre de ses soldats. Dans ce combat, le carnage ne répondit pas à la victoire, parce que la cavalerie seule avait donné ; il n’y eut pas plus de 5000 hommes tués ; et l’on ne porte pas à la moitié de ce nombre celui des prisonniers faits à l’attaque du camp, où les vaincus s’étaient jetés en foule, dans l’effroi que causait la perte du roi.
Masinissa déclara :
« qu’il n’y aurait en ce moment rien de plus beau pour lui que de revoir en vainqueur ses états héréditaires qu’il venait de recouvrer après un si long exil ; mais que la bonne comme la mauvaise fortune ne permettait point de perdre un seul instant. Il pouvait, si Lélius lui laissait prendre les devants avec sa cavalerie, et Syphax chargé de fers, surprendre Cirta et l’écraser dans son trouble et son désordre. Lélius le suivrait avec son infanterie à petites journées. »
Lélius y consentit ; et Masinissa, ayant paru sous les murs de Cirta, fit demander une entrevue aux principaux habitants. Ils ignoraient le sort du roi ; aussi le récit de ce qui s’était passé, les menaces, la persuasion, tout fut sans effet, jusqu’au moment où on amena devant eux le roi chargé de chaînes. À cet affreux spectacle, des pleurs coulèrent de tous les yeux, et, tandis que les uns désertaient la place dans leur frayeur, les autres, avec cet empressement unanime de gens qui cherchent à fléchir leur vainqueur, se hâtèrent d’ouvrir les portes.
Masinissa envoya des détachements aux portes et sur les points importants des remparts, pour fermer toute issue à ceux qui voudraient fuir, et courut au galop de son cheval s’emparer du palais. Comme il entrait sous le vestibule, il rencontra sur le seuil même Sophonisbe, femme de Syphax et fille du Carthaginois Hasdrubal.
Quand elle aperçut au milieu de l’escorte Masinissa, qu’il était facile de reconnaître, soit à son armure, soit à l’ensemble de son extérieur, présumant avec raison que c’était le roi, elle se jeta à ses genoux: