KRAK :
Je quittai Trablûs et me rendis à la Qala‘at al-Akrâd. C’est une petite ville, qui a en abondance des arbres et des canaux. Elle est située sur le sommet d’une colline, et elle possède une Zâwiya qu’on nomme Ribâu al-Ibrâhimî, du nom de quelque grand Amîr. Je me logeai chez le qâdî de la place […]
HOMS :
Ensuite je me transportai à la ville de Himç, qui est jolie. Ses environs sont agréables, ses arbres touffus, ses fleuves remplis d’eau, et ses marchés fournis de larges voies de communication.
Sa mosquée principale se distingue par une beauté parfaite, et elle a au milieu une citerne. Les habitants de Hims sont de race arabe, et doués de bonté et de générosité.
Au-dehors de cette ville est le tombeau de Khâlid b. Al-Walîd, Sayf Allah wa Rasûluh ; et à côté il y a une Zâwya et un masjid. Sur le tombeau se voit une couverture noire.
Le qâdî de Hims est Jamâl ad-Dîn Ash-Sharîshî, (de Jerez m. 1368) un des hommes les plus beaux de figure et les meilleurs pour la conduite.
HAMA :
Je sortis de Hims pour me rendre à la cité de Hamâ (Abû al-Feda al-Ayyûbî gouverne pour les mamlûks (m.1331)) , une des métropoles les plus nobles de la Syrie, et une de ses cités les plus admirables.
Elle possède une beauté resplendissante et une grâce parfaite ; elle est entourée de jardins et de vergers, près desquels on voit des Nu‘ara, qu’on prendrait pour des globes célestes qui tournent.
Elle est traversée par le fleuve considérable nommé Al-‘Âsî (Oronte, Axios sous les macédoniens). Elle a aussi un faubourg nommé Al-Mansûrya, qui est plus grand que la ville même, et où l’on voit des marchés très fréquentés et des bains magnifiques.
Dans Hamâ, il y a beaucoup de fruits, parmi lesquels celui appelé abricot à amande ; car, lorsqu’on casse son noyau, on trouve à l’intérieur une amande douce.
« Ce lieu a beaucoup de fruits et spécialement l’abricot appelé kâfuri (camphré), qui ne se trouve nulle part ailleurs » (DIMASHQI, env. 1300, voir Ibn Jubayr).
NUARA :
Ibn Juzay :[…]
Puisque dans Hamâ le fleuve est ‘asî (rebelle), comment n’imiterais-je pas sa rébellion, et comment ne boirais-je pas, pur et sans mélange ? Et pourquoi ne chanterais-je point près de ces roues hydrauliques, de même qu’elles chantent ; et pourquoi ne l’emporterais-je pas sur elles à la danse, et ne leur ressemblerais-je pas dans l’action de puiser ? Elles gémissent et versent leurs larmes ; et l’on dirait qu’elles se passionnent en voyant ces pleurs et implorent leur affection.
[…un autre poète]
Une Nu‘ara (amante) s’est attendrie à cause de la grandeur de ma faute, et de la demeure éloignée elle a aperçu ma visite. Elle a pleuré par compassion pour moi, et ensuite elle a rendu manifeste son chagrin. Qu’il te suffise donc de savoir que le bois lui-même pleure sur le rebelle (l’Oronte).
[…]
MA‘ARAT-AN-NU’MAN :
Je me suis mis ensuite en route pour la cité de Ma‘ara, du nom de laquelle ont tiré leur surnom le poète Abû al-‘Alâ al-Ma‘arrî (m.1057) […]
Ibn Juzay :
Cette cité a été appelée Ma‘arat-An-Nu‘mân, parce qu’un des B. Nu‘mân b. Bashîr al-Ansârî (gouverneur de Hims en 683-4 sous un rebelle aux omeyyades), compagnon de Muhammad, étant mort pendant que son père était gouverneur à Hims, celui-ci le fit enterrer à Ma‘arat. Auparavant, elle était nommée Dhât-al-Quçûr
DIMASHQI :
Elle est également connue sous le nom de Dhât-Qaçrayn (Qui possède deux châteaux). Elle a des grands vergers de figuiers, pistachiers, abricotiers, oliviers, grenadiers, pommiers et autres fruits (v. 1300) On dit aussi que An-Nu‘mân est une montagne près de la ville, et dont celle-ci aurait pris le nom.»
IBN BATT. : Al-Ma‘ara est une cité petite, jolie, et la plupart de ses arbres sont des figuiers et des pistachiers ; on transporte de leurs fruits au Caire et à Damas. Au-dehors de la ville, et à la distance d’une parasange, est le tombeau du AlM, ‘Umar b. ‘Abd al-‘Azîz, près duquel il n’y a point de Zâwya ni de gardien. La raison de cela, c’est qu’il est situé dans le pays d’une espèce particulière de chiites (ismaeliens), gens méprisables, qui haïssent les dix premiers apôtres de Muhammad. (Que Dieu soit satisfait d’eux et maudisse quiconque les a en aversion !) Ils ont aussi en horreur tout individu dont le nom est ‘Umar, et spécialement ‘U b. ‘A-l-‘A, à cause de ce qu’il a fait pour honorer ‘Alî (il avait interdit de l’insulter en chaire).
[…]
« Toute sa population est aujourd’hui composée d’Ismaïlites » (YAQUT, 1225) ; et, chose surprenante ! ils ne mentionnent jamais le mot dix. Quand leurs courtiers crient dans les places les marchandises à l’encan et qu’ils en viennent au nombre dix, ils prononcent neuf plus un. Un certain Turc, se trouvant un jour dans Sarmîn, entendit un courtier annoncer neuf et un. Alors il le frappa sur la tête avec sa masse d’armes, en disant : « Prononce dix. » Alors il dit : « Dix avec la massue ».
HALAB :
Nous nous rendîmes à la grande, métropolitaine et magnifique cité de Halab. Ibn Jubayr : « Le mérite de cette ville est immense, et sa renommée aura cours en tout temps. Sa possession a souvent été recherchée par les rois, et son rang a fait impression sur les hommes. Combien de combats n’a-t-elle pas suscités, et combien de sabres brillants n’ont-ils pas été dégainés pour elle !
La solidité de sa citadelle est célèbre, et son élévation est évidente ; on ne se hasardait pas à l’attaquer, à cause de sa force, ou, si on l’osait, on ne l’emportait pas. Ses côtés sont en pierre de taille, et elle est construite dans des proportions pleines de symétrie. Elle a cherché à surpasser en durée les jours et les années, et elle a conduit à leur dernière demeure les notables et les plébéiens !
Où sont ses princes hamdânites et leurs poètes? Tous ont disparu, et les édifices seuls sont restés. Ô ville surprenante ! Elle dure, tandis que ses possesseurs ont passé ; ceux-ci ont péri, et sa dernière heure n’est pas arrivée. On la recherche après eux, et on l’obtient sans beaucoup de difficultés ; on désire l’avoir, et l’on y réussit au moyen du plus léger sacrifice. Telle est cette ville d’Alep. Combien de ses rois n’a-t-elle pas introduits dans un temps passé, et combien de vicissitudes de la fortune n’a-t-elle pas bravées par sa position ! Son nom a été fait du genre féminin ; elle a été ornée des atours des jeunes femmes chastes, et elle s’est soumise à la victoire, de même que d’autres l’ont fait. Elle a brillé comme une nouvelle mariée, après le sabre de sa dynastie, Ibn Hamdân. Hélas ! sa jeunesse s’en ira, on cessera de la rechercher, et encore quelque temps, sa destruction arrivera promptement. »
CITADELLE D’ALEP:
La forteresse de Halab s’appelle Ash-Shahbâ (la grise); dans son intérieur il y a 2 puits d’où jaillissent l’eau (disparus), et on n’y craint pas la soif. Deux murs entourent le château ; il y a tout auprès un grand fossé d’où l’eau sourd ; et sa muraille compte des tours rapprochées les unes des autres. Ce fort renferme des chambres hautes, merveilleuses, et percées de fenêtres. Chaque tour est occupée, et dans ce château fortifié les aliments ne subissent aucune altération par l’effet du temps.
On y voit un sanctuaire que visitent quelques personnes, et l’on dit qu’Abraham y priait Dieu (maqam Ibrahim de Nûr ad-Dîn Zengi), Cette forteresse ressemble à celle appelée Rahbat Mâlik b. Tawq (fondé en 815 sous al-Mâ’mûn), qui se trouve près de l’Euphrate, entre la Syrie et l’Irak. Lorsque Kâzân (Ghazân, m.1304), tyran des Tartars, marcha contre la cité de Halab (1299 et 1300), il assiégea ce fort pendant plusieurs jours ; puis il s’en éloigna, ayant été frustré dans son désir de s’en emparer.
Sayf ad-Dawla Al-Khâlidî :
C’est un lieu vaste et âpre qui surgit contre celui qui veut s’en emparer, avec son beffroi élevé et son flanc indomptable. L’atmosphère étend sur ce lieu un pan de nuage et décore ce château d’un collier, que forment ses étoiles brillantes. Lorsqu’un éclair brille dans la nuit, ce fort apparaît, à travers ses interstices, comme resplendit la constellation de la Vierge, entre les espaces des nuages. Combien d’armées ce château n’a-t-il pas fait périr dans l’angoisse, et combien de conquérants n’a-t-il pas mis en fuite ! […]
C’est une citadelle dont la base embrasse les sources d’eau, et le sommet dépasse la ceinture d’Orion. Elle ne connaît point la pluie, puisque les nuées sont pour elle un sol, dont ses bestiaux foulent les côtés. Lorsque le nuage a donné de l’eau en abondance, l’habitant de la forte-resse épuise l’eau de ses citernes avant que ses sommets soient humectés. Son belvédère serait compté au nombre des étoiles des cieux, si seulement il parcourait leurs orbites. Les ruses de cette forteresse ont repoussé les subterfuges des ennemis, et les maux qu’elle a occasionnés l’ont emporté sur leurs maux.
Jamâl ad-Dîn ‘Alî b. Abî al-Mansûr :
Peu s’en faut que, par l’immensité de sa hauteur, et le point culminant auquel son sommet atteint, ce château ne fasse arrêter le globe céleste, qui tourne autour de la terre. Ses habitants se sont rendus à la Voie lactée comme à un abreuvoir, et leurs chevaux ont brouté les étoiles comme on paît les plantes fleuries. Les vicissitudes des temps se détournent de lui par crainte et par frayeur, et le changement n’existe pas pour ce château.
On donne à la cité de Halab le nom de Halab Ibrâhîm, car ce patriarche y a habité, et il possédait de nombreux troupeaux de brebis, dont il donnait à boire le lait aux pauvres, aux mendiants et aux étrangers. Ces gens se réunissaient et demandaient le lait d’Abraham, de sorte que la cité finit par être appelée ainsi. (Lait d’Abraham, aussi chez les chroniqueurs des croisades)
C’est une ville excellente, qui n’a pas sa pareille pour la beauté de l’emplacement, la grâce de sa disposition, la largeur de ses marchés et leur symétrie. Ils sont recouverts d’une toiture en bois, et les habitants y trouvent toujours de l’ombre.
SUQ D’ALEP :
La qaysâriya est unique pour la beauté et la grandeur. Elle entoure le Jâmi‘, et chacune de ses galeries est placée en face d’une des portes du temple. Le Jâmi‘ est une des plus jolies qu’on puisse voir. Dans sa cour, il y a un bassin d’eau, et tout autour d’elle règne une chaussée pavée très vaste. La chaire est d’un travail admirable, et incrustée d’ivoire et d’ébène. (brûlée par les Arméniens en 1260, rebâtie par Mâlik Nâçir en 1326). Près de cette mosquée principale se trouve une madrasa qui lui ressemble par la beauté de sa situation et sa construction solide. Il est attribué aux Amîrs du clan Hamdân (Hallawiya,cathédrale convertie en 1124 et madrasa en 1150). Outre celui-ci, il y a dans la ville 3 autres madrasa et un bimaristân.
Quant à l’extérieur de Halab, c’est une large et vaste plaine, où se voient de grands champs ensemencés, des vignes plantées avec ordre, et des vergers sur le bord de son fleuve. […]. L’esprit éprouve, dans le voisinage de la cité de Halab, un contentement, une gaieté, une joie comme on n’en ressent pas ailleurs. C’est une des villes qui sont dignes d’être le siège du khilafâ’.
Ibn Juzay : « Les poètes se sont fort étendus dans la description des beautés de la ville d’Alep, et dans la mention qu’ils ont faite de son intérieur et de ses environs. »
Abû ‘Ubâda al-Buhturî (m. 897), un des plus célèbres poètes syriens:
Ô éclair qui a brillé un peu au-dessus de ce que je chéris, Halab, du haut du château de Bithiâs (Village et palais arabe à 5 km à l’est d’Alep déjà en ruine v. 1225.) ! Il emprunte sa couleur du lieu où croît la rose jaune, et de toutes ces vastes plaines, et ces lieux abondants en myrte. C’est une terre qui, venant à mon secours, lorsque je suis bien triste par le souvenir de votre absence, ne manque pas de me rendre plus gai.
Abû Bakr as-Sanawbrî (antiochien, m. 945) :
Que le lait de la nuée abreuve le séjour fortuné de Halab ! Combien cette cité n’ajoute-t-elle pas de plaisir au plaisir même ! Que de jours heureux y ont été passés dans la joie, tandis que la vie n’y était pourtant pas réputée agréable ! Lorsque les plantes déploient dans Halab leurs étendards, leurs robes de soie et les bouts de leurs turbans. On admire au matin leurs côtés purs comme l’argent, et leur milieu brillant comme l’or.
Abû al-‘alâ al-ma’arrî:
Halab est pour celui qui y arrive un jardin d’Eden, et pour ceux qui s’en éloignent un feu ardent. Le grand y est magnifique, et à ses yeux la valeur de ce qui est petit est augmentée par l’effet du charme de ce lieu. Or Quwayq est une mer dans l’esprit de ses gens, et un de ses cailloux tient le rang du mont Thabîr.
Abû al-Fitiân b. Jabûs (damascène, m.1081):
Ô mes deux amis ! quand ma maladie vous fatiguera, faites-moi respirer le doux souffle du vent de Halab, Du pays dans lequel le vent d’est a sa demeure ; car le vent vierge m’est nécessaire.
Abû al-Fath Sashâjem (b. al-Sindî, m.970) :
Aucun pays du monde ne procure autant d’avantages à ses habitants que le fait Alep. Dans cette ville se trouve rassemblé tout ce que tu peux désirer. Visite-la donc, c’est un bonheur de s’y trouver.
Abû al-Hasan ‘Alî, b. Mûsa b. Sa‘îd al-Gharnâthî al- ‘Ansy (chaine au sud ouest de halab) :
Ô conducteur des chameaux, que tu laisses longtemps reposer les montures ! Poussons-les plutôt ensemble dans le chemin de Halab. Car cette ville est le lieu de mon désir, le séjour que je souhaite, et le point de mire de mes voeux. Elle possède Jawshan et Bithiâs ; et dans elle résident des hommes vraiment généreux. Quelle pâture on y trouve pour satisfaire l’oeil et l’esprit ! Les souhaits y sont abreuvés à pleine coupe. Les oiseaux qui chantent annoncent leur gaieté ; les branches des arbres se penchent pour s’embrasser. En haut de la citadelle appelée Ash-Shahbâ se voient dans tout son circuit les étoiles du ciel qui l’environnent en guise de ceinture.
A Halab se trouve le Roi des Amirs, nommé Arghûn ad-Dwâdâr ; Amîr principal du roi Nâçir (nommé en 1326).
C’est un Faqih renommé pour sa justice, mais il est avare. Les qâdî, à Halab, sont au nombre de 4, un pour chacune des quatre madhâb sunnites.
L’un d’eux était le qâdî Kamâl ad-Dîn b. Az-Zamlakânî, de la madhâb Shâfi’îte (1324-7), personnage d’un esprit élevé ; très puissant, doué d’un noble coeur, d’un beau caractère, et versé dans diverses sciences. […] le poète du Shâm, Shihâb ad-Dîn Abû Bakr Muhammad b. Shykh Shams ad-Dîn Abû ‘Abd Allah Muhammad b. Nubâta al-Qurashî al-Umawî al-Fâriqî (m.1396). le loua ainsi :
Jilliq, la vaste (Damas), a été triste de ton absence, tandis que Achchahbâ s’est réjouie de ton arrivée. Un chagrin a surmonté Damas lors de ton départ ; la splendeur et l’élévation ont plané sur les collines d’Alep. La maison dont tu as occupé le vestibule a resplendi, de sorte qu’on a vu sa lumière briller comme l’éclair.
Ô vous tous qui avez joui des libéralités et des actes de noblesse de celui en comparaison duquel sont réputés avares les hommes généreux, Celui-ci est Kamâl ad-Dîn : mettez-vous donc sous sa protection, et vous en serez satisfaits ; car ici se trouvent la vertu et les bienfaits. Il est qâdhi des qâdhis, l’illustre personnage de son temps. Les orphelins et les pauvres qui reçoivent ses faveurs peuvent se passer de toute autre assistance. C’est un qâdhi dont l’origine et la postérité sont pures et sans tâche. Il s’est acquis de la gloire ; les pères et les fils s’ennoblissent par son moyen. Grâce à lui, Dieu a été bienfaisant envers les habitants d’Alep ; et le Ciel peut favoriser qui il lui plaît. Son intelligence et sa faconde ont dissipé le doute et l’obscurité, comme si ce brillant esprit était un soleil. Ô juge des juges ! ton mérite est trop supérieur pour que tu te réjouisses d’occuper un rang élevé. Certes, les dignités sont au-dessous de ton esprit, dont le mérite est plus haut placé que l’étoile d’Orion. Tu possèdes pour les sciences des capacités célèbres, et semblables à l’aurore, dont la lumière a dissipé les ténèbres ; Et tu as des vertus dont ton ennemi lui-même atteste l’excellence. Pourtant les ennemis ne sont point habitués à confesser le mérite [des adversaires].
[…] le qâdî en récompensa l’auteur par le don d’un habillement et d’une somme d’argent.
Ibn Juzay :
Parmi ses petites pièces de vers, celle qui suit est admirable, et on y voit la figure appelée allusion détournée :
Je l’ai aimée ; elle était mince, svelte, ornée de noblesse. Elle ravissait l’esprit et le coeur de l’amant. Elle était avare des perles de sa bouche pour qui voulait l’embrasser ; puis elle se soumit un beau matin avec ce dont elle avait été avare.
[…]
Quant au chef des qâdî du rite de Mâlik, je ne le nommerai pas. C’était un des hommes de confiance du prince au Caire ; et il a pris cette charge importante sans la mériter.
Le chef des shurfa, à Halab, est Badr ad-Dîn b. Az-Zahrâ(m.1331). Au nombre des fuqaha de cette ville se trouve Sharf ad-Dîn b. Al-‘Ajamî (grande famille). Ses parents sont au nombre des principaux personnages de la cité.
Quant à la ville de Qinnasrîn (déjà en déclin mi-Xe siècle, ISTAKHRI, 951), elle était ancienne et grande ; mais elle a été détruite, et il n’en reste maintenant que des vestiges.
[..]
SAHYÛN
Je voyageai ensuite vers la ville de Sahyûn, qui est belle, pourvue de rivières considérables et d’arbres touffus. Elle possède un excellent château, et son commandant est connu sous le nom d’Al-Ibrâhîmî ; son juge est Muhi ad-Dîn Al-Himçî. A l’extérieur de la ville est une Zâwya située au milieu d’un jardin, et qui donne à manger à tout venant. Elle est près du tombeau du pieux, du saint personnage ‘Isâ al-Badawî, et j’ai visité ce sépulcre.
CHATEAUX des ASSASSINS :
Je quittai cette ville, et je passai par le château de Qadmûs, puis par celui de Maynaqa, celui d’Ullayqa, et celui de Masyâf, et enfin par le château de Kahf. Ces forts appartiennent à une population qu’on appelle Al-Ismâ‘iliya ; on les nomme aussi Al-Fidâwiya (fedayin (qui font le sacrifice), après l’extermination de la branche persanne, le mongol Hulagu en 1256 les militants de Syrie ont dû se transformer en hommes de main des sultans mameluks. ) ; et ils n’admettent chez eux aucune personne étrangère à leur secte. Ils sont, pour ainsi dire, les flèches du roi Nâçir, avec lesquelles il atteint les ennemis qui cherchent à lui échapper en se rendant au ‘Irâq, ou ailleurs. Ils ont une solde ; et quand le Sultan veut envoyer l’un d’eux pour assassiner un de ses ennemis, il lui donne le prix de son sang ; et s’il se sauve après avoir accompli ce qu’on exigeait de lui, cette somme lui appartient ; s’il est tué, elle devient la propriété de ses fils. Ces Ismaéliens ont des couteaux empoisonnés, avec lesquels ils frappent ceux qu’on leur ordonne de tuer. Mais quelquefois leurs stratagèmes ne réussissent pas, et ils sont tués à leur tour. C’est ainsi que la chose est arrivée avec le Amîr Qarâ-Sun-Qûr (Vice-roi de Syrie de 1310-12 ) ; car, lorsqu’il se fut enfui au ‘Irâq, le roi Nâçir expédia vers lui un certain nombre de ces Ismaéliens, qui furent massacrés, et ne purent jamais venir à bout du Amîr, lequel prenait des précautions.
[…]
JABLA :
Je me rendis ensuite des châteaux des Ismaéliens à la ville de Jabla (mi-chemin entre Ladhikiyah et Banyas, prise en 1188). Elle possède des rivières abondantes et des arbres, et la mer est à un mille de distance environ. On y voit le tombeau de l’ami de Dieu, le saint, le célèbre Ibrâhîm b. ‘Adam (m. 780, sa légende, emprunte à Bouddha, roi de Balkh, son tombeau était ignoré de ses biographes antérieurs. Abû-al-Fida (1321) cite le premier Jabla.) C’est le personnage qui renonça à la royauté, et qui se consacra tout entier au culte de Dieu très haut, ainsi que cela est bien connu. Mais Ibrâhîm n’était pas d’une maison princière, comme on le pense généralement ; ce qui est vrai, c’est qu’il hérita du royaume de son aïeul maternel. Quant à son père ‘Adam, c’était un de ces faqir pieux, vivant dans la retraite, dévots, chastes, et livrés exclusivement au culte de la Divinité.
[…]
Près du tombeau d’Ibrâhîm b. ‘Adham, il existe une belle zâwiya, dans laquelle on voit un Hawd, et qui fournit à manger à tous les visiteurs. Son desservant est Ibrâhîm al-Jumahy, un des hommes pieux les plus notables. On se rend à cette zâwiya de tous les côtés de la Syrie, la nuit du 14 au 15 sha’bân, et l’on y reste l’espace de 3 jours. Il existe pour cela, en dehors de la ville, un grand marché où l’on trouve tout ce dont on a besoin. Les faqîr, qui font profession du célibat, viennent de tous les endroits pour assister à cette solennité ; et toute personne qui visite le sépulcre d’Ibrâhîm donne au desservant une bougie ; celui-ci en ramasse, de cette manière, beaucoup de quintaux.
NUSAYRI (ALAOUITES):
La plupart des habitants de ces parages appartiennent à la population appelée An-Nusayriya, qui croit que ‘Alî b. Abî Tâlib, est un Dieu. Ils ne prient point, ne se circoncisent, ni ne jeûnent ; le roi Dzâhir les avait forcés de bâtir des mosquées dans leurs bourgs. Ils en fondèrent, en effet, une pour chaque village, mais loin des habitations ; ils n’y entrent pas et n’en prennent pas soin. Souvent même leurs troupeaux et leurs bêtes de somme y cherchent un refuge. Bien des fois aussi, il arrive qu’un étranger qui se rend chez eux entre dans la mosquée et convoque à la prière. Ils lui répondent alors : « Ne braie pas, ô âne, on te donnera ta pâture ! » Ces gens sont en fort grand nombre.
On m’a raconté qu’un inconnu arriva dans le pays de cette peuplade, et qu’il s’attribua la qualité de mahdî (1317). Les habitants se rassemblèrent à l’envi autour de lui, et il leur promit la possession de différentes contrées. Il partagea entre eux la Syrie, en indiquant à chacun l’endroit précis vers lequel il lui commandait de se rendre. Il leur donnait des feuilles d’olivier, en leur disant « Ayez confiance en elles, car elles sont comme des mandements en votre faveur. » Quand l’un d’eux arrivait dans le pays désigné, le commandant du lieu le faisait venir ; et alors il disait à celui-ci : « Certes, que l’imam Al-mahdy m’a donné cette contrée. — Où donc est l’ordre ? » demandait l’émir. Notre malheureux tirait de suite les feuilles d’olivier, et, après cela, il était battu et emprisonné.
Plus tard, le même inconnu ordonna à ces gens de s’apprêter à combattre les musulmans, et de commencer par la ville de Jabla. Il leur prescrivit de prendre des baguettes de myrte, au lieu de sabres, et il leur promit qu’elles deviendraient des glaives entre leurs mains, au moment du combat. Ils tombèrent sur la ville de Jabla, pendant que les habitants étaient occupés à faire, au temple, la prière du vendredi. Ils entrèrent dans les maisons et ils violèrent les femmes. Les fidèles sortirent de leur mosquée, prirent les armes et tuèrent à volonté les agresseurs. La nouvelle de ce fait étant parvenue à Lâdhiqiya, son commandant, Bahâdir ‘Abd Allah (gouverneur de Himç en 1319, de Karak en 1325, disgrâcé en 1331, gouverneur de Tripoli m.1339), s’avança avec ses troupes. Les pigeons messagers furent aussi lâchés vers Tripoli avec cette annonce, et le chef des émirs survint, accompagné de son armée. On poursuivit alors de tous côtés ces Nusayriya, et on en tua environ vingt mille. Ceux qui survécurent se fortifièrent dans les montagnes, et firent savoir au prince des émirs qu’ils s’engageaient à lui payer un dinar par tête, s’il voulait bien les épargner. Mais la nouvelle de ces événements avait déjà été expédiée au roi Nâçir, au moyen des pigeons messagers, et sa réponse arriva, portant de passer ces ennemis au fil de l’épée. Le prince des émirs réclama près de lui et lui représenta que ces peuples labûraient la terre pour les musulmans, et que, s’ils étaient tués, les fidèles en seraient nécessairement affaiblis. Le roi ordonna alors de les épargner.
LATTAQUIE :
Je me rendis ensuite à la ville de Lâdhiqiya. C’est une ville ancienne, située sur le bord de la mer, et on soutient que c’est la ville de ce roi qui prenait par force tous les navires (Moïse dans le Coran (XVIII, 78). Le seul motif qui m’y conduisit, ce fut le désir de visiter le dévot, le saint personnage ‘Abd al-Muhsin Al-Iskandarî.[…] Il avait fondé pour eux dans cette ville une Zâwiya, près du Jâmi‘, dans laquelle il faisait servir de la nourriture à tous ceux qui s’y rendaient. Le qâdî de la ville est le faqih, l’homme éminent, Jalâl ad-Dîn ‘Abd al-Haqq al-Miçrî al-Mâlikî, homme vertueux et généreux. Il s’était lié avec Thaïlân (Taynal), chef des émirs, qui l’investit de la dignité de qâdî dans cette ville.
Le port d’Al-Lâdhiqiya est fermé par une chaîne tendue entre deux tours. Rien n’y entre et n’en sort que si l’on abaisse la chaîne. C’est un des plus beaux ports de mer de la Syrie. « A son entrée se trouve une grande chaîne qui protège les navires qui se trouvent dedans des ennemis du dehors ».
[…]
DAYR AL-FARUS :
A l’extérieur (N-E) de Ladhaqya se voit le couvent nommé Dayr Al-Fârûs « Dayr al-Farûs est un des plus beaux couvents. Un jour par an les chrétiens viennent le visiter » (DIMASHQI, env. 1300). C’est le plus grand de Syrie et Égypte ; des moines l’habitent, et il est visité par des chrétiens de tous les pays. Les musulmans qui s’y rendent reçoivent des chrétiens l’hospitalité. Leur nourriture consiste en pain, fromage, olives, vinaigre et câpres.
MARQAB :
Je voyageai ensuite vers le château d’Al-Marqab. C’est un des plus grands forts, et il égale celui de Karak. Il est bâti sur une montagne élevée, et, en dehors, il y a un faubourg où les voyageurs descendent, sans entrer dans la citadelle. C’est le roi Al-Mançûr Qalâwn qui a conquis cette place sur les Francs (1285), et près d’elle est né son fils, le roi An-Nâcir. Le juge de cette forteresse est Borhân ad-Dîn Al-Miçrî, un des meilleurs qâdîs et des plus généreux.
AL-AQRA‘-LIBAN :
Je me rendis au mont Al-Aqra‘, qui est le plus haut de la Syrie, et le premier que l’on découvre de la mer. Ses habitants sont des Türkmens ; et l’on y voit des sources et des fleuves. De là, je me transportai vers le mont Lubnân, qui est un des plus fertiles du monde. Il fournit différentes sortes de fruits ; il a des sources d’eau, d’épais ombrages, et il ne manque jamais de gens voués entièrement au culte de Dieu très haut, d’individus ayant renoncé aux biens du monde, ni de saints personnages. Il est renommé pour cela ; et je vis, pour ma part, dans cet endroit, un certain nombre de personnes pieuses, qui s’y étaient retirées pour adorer Dieu, mais dont les noms ne sont pas célèbres.
Mon entrée à Ba‘albak eut lieu au soir, et je la quittai dès le matin du jour suivant, à cause de l’excès de mon désir d’arriver à Damas.
DAMAS :
J’entrai dans cette ville le jeudi 9 ramadan 1326. Je me logeai dans la madrasa mâlikite, connu sous le nom d’Ash-Sharâbishiya. La ville de Damas surpasse toutes les autres en beauté et en perfection ; et toute description, si longue qu’elle soit, est toujours trop courte pour ses belles qualités. Rien n’est supérieur à ce qu’a dit, en la décrivant, Abû al-Huçayn b. Jubayr :
« Quant à Damas, c’est le paradis de l’Orient, et le point d’où s’élève sa lumière brillante ; le dernier pays de l’islam que nous avons visité, et la nouvelle mariée d’entre les villes, que nous avons admirée dans sa splendeur, et sans voile. Elle était ornée par les fleurs des végétaux odorants, et apparaissait tout éclatante dans les vêtements de brocart de ses jardins. Elle occupait un rang éminent pour la beauté et était parée, dans son siège nuptial, des ornements les plus jolis. Cette ville a été ennoblie parce que le Masîh et sa mère ont habité une de ses collines, demeure sûre et lieu abondant en sources (« Nous avons fait du fils de Marie et de sa mère un Signe. Nous leur avons donné asile sur une colline tranquille et arrosée » (XXIII, 50), c’est un ombrage durable et une eau limpide, comme celle de la fontaine Sal-Sabîl dans le Paradis. Ses ruisseaux coulent dans tous les chemins, avec les ondulations du serpent, et elle a des parterres dont le souffle léger fait renaître les âmes. Cette ville se pare, pour ceux qui la regardent, d’un brillant ornement, et leur crie : “Venez au lieu dans lequel la beauté passe la nuit, et fait sa sieste !” Le sol de cette ville est presque tourmenté par la quantité de l’eau, au point qu’il désire la soif ; et peu s’en faut que les pierres dures et sourdes ne te disent elles-mêmes dans ce pays : “Frappe la terre de ton pied ; c’est ici une eau fraîche pour les ablutions, en même temps qu’une boisson pure (XXXVIII, 41.)” Les jardins entourent Damas, à l’instar de ce cercle lumineux, le halo, quand il environne la lune, ou des calices de la fleur qui embrassent les fruits. A l’est de cette ville aussi loin que la vue peut s’étendre, se voit sa Ghûtaverdoyante. Quel que soit le point que tu regardes sur ses quatre côtés, tu le vois chargé de fruits mûrs, à une aussi grande distance que tes yeux peuvent distinguer. Combien ont dit vrai ceux qui ont ainsi parlé à l’égard de cette ville : “Si le paradis est sur la terre, certes c’est Damas ; et s’il est dans le ciel, cette ville lutte de gloire avec lui, et égale ses beautés”. »
Ibn Juzay : poète de Damas :
Si le Paradis de l’éternité est placé sur la terre, c’est Damas, et pas d’autre ville que celle-ci. S’il est dans le ciel, il lui a départi son atmosphère et son attrait La ville est excellente, et le maître clément. Jouis donc de ce trésor, au soir et au matin. « Voici un excellent pays et un Dieu qui pardonne » (XXXIV, 14).
La ville de Damas a été mentionnée par notre shykh traditionnaire, le voyageur Shams ad-Dîn Abû ‘Abd Allah Muhammad b. Jâbir Al-Qaysî al-Wâdy ‘âshî (Cadix) habitant à Tunis (voyagea dans l’Est v. 1320 et 1333, m. de la peste à Tunis en 1348)
« Ibn Jubayr a bien parlé dans la description qu’il a faite de cette ville, et il s’est exprimé, à ce sujet, d’une manière sublime. Ceux qui ne l’ont pas vue désirent la connaître, par suite de ce qu’il en a dit. Quoiqu’il n’ait pas séjourné beaucoup à Damas, il en parle éloquemment, et avec la véracité d’un savant très profond. Mais il n’a pas décrit les teintes dorées de son crépuscule du soir, au moment où a lieu le coucher du soleil ; ni les temps de ses foules agitées, ni les époques de ses joies célèbres. Du reste, il a particularisé suffisamment les faits, celui qui a dit de Damas : “Je l’ai trouvé tel que les langues le décrivent, et l’on y voit tout ce que l’esprit peut désirer et tout ce qui peut plaire aux yeux”. »
Ibn Juzay : « Ce que les poètes ont dit touchant la description des beautés de Damas est si nombreux qu’on ne saurait s’en rendre compte. Mon père récitait fréquemment les vers suivants sur cette ville, lesquels sont de Sharf Ad-Dîn b. Muhsîn (1232-1233) :
Et Damas ! j’éprouve pour lui un penchant qui me tourmente, bien qu’un dénonciateur m’importune, ou qu’un critique me presse. C’est une contrée dont les cailloux sont des perles, la terre de l’ambre gris, et les souffles du nord comme un vin frais. L’eau y coule bruyamment des lieux élevés et figure des chaînes : et tout le monde peut en disposer. Le vent des vergers y est sain, quoique faible.
« Ces vers appartiennent, ajoute Ibn Juzay, à un monde de poésie sublime. » Le poète Arqala ad-Dimashqî (ami de Salah ad-din, m. v. 1180) a dit :
Ash-Shâm est le grain de beauté (shama) de la joue du monde, de même que Jîlîq (résidence des princes Ghassân, localité d’al-Qiswa à 15 km S de Damas, équivalent poétique de la Ghûta) offre l’image de sa pupille langoureuse. Son myrte te présente un paradis sans fin, et son anémone une géhenne qui ne brûle pas.
[…]Quant à Damas, c’est un paradis anticipé pour ceux qui visitent cette ville. On y voit et les garçons et les hûrî. Le son que la lune y fait entendre sur ses cordes imite le chant de la tour-terelle et du merle. Et les cottes de mailles que les doigts des vents entrelacent sur l’eau ! Combien elles sont belles !… Malheureusement, ce n’est qu’une illusion.
Abû al-Wâhsh Saba‘ b. Khâlq al-Asadî (damascène n. 1110) :
Dieu veuille abreuver Damas par une nuée bienfaisante, qui verse sur cette ville une pluie abondante et continue ! Dans le monde tout entier et dans ses horizons, rien n’égale la beauté de cette ville. La Zawrâ (Tigre et partie ouest de Bagdad) du ‘Irâq préférerait faire partie de Damas, au lieu d’appartenir à la Khaldée. Son sol est aussi beau que le ciel, et ses fleurs sont comme les points lumineux qui brillent à son orient. Le zéphyr de ses parterres, toutes les fois qu’il s’agite au soir, délivre du poids de ses peines l’homme soucieux. Le printemps réside joyeusement dans les habitations de ce pays ; et l’univers est entraîné vers ses marchés. Ni les yeux ni l’odorat ne se fatiguent jamais de la vue de Damas et de l’aspiration de ses parfums.
qâdî ‘Abd ar-Rahîm Al-Baysânî (m.1199. Secrétaire de Salah ad-din) ou Ibn Al-Munîr(1080-1153) :
Ô éclair ! veux-tu être porteur d’un salut qui soit doux et agréable comme ton eau limpide ? Visite Damas de bon matin avec les longs roseaux de la pluie ; et les fleurs de ses vergers, qui semblent incrustées d’or et de pierreries, ou couronnées. Etends sur le quartier de Jayrûn (est) ta robe de nuages, et surtout au-dessus d’une demeure qui est toute couverte de noblesse ; Où la fertilité du printemps a répandu tous ses dons ; et les ondées printanières ont orné le pâturage.
Voici ce que dit, sur cette ville, Abû al-hasan Nûr ad-Dîn ‘Alî b. Mûsa al-‘ansî, al-Gharnâthî :
Damas, notre demeure, où le bonheur se montre parfait, tandis que, par-tout ailleurs, il est incomplet. Les arbres dansent, et les oiseaux chantent ; les plantes y sont élevées, et les eaux coulent en pente. Grâce aux plaisirs qu’on y éprouve, les visages des habitants resplendis-sent ; ils sont seulement cachés par les ombrages des grands arbres. Chaque fleuve qu’on y voit a un Moïse qui le fait couler (Q, VII, 160), et chaque ver-ger qu’il possède sur ses bords est orné d’une belle verdure.
[…] Fixe ta demeure à Jîlîq, entre la coupe et la corde des instruments, dans un jardin qui remplit de satisfaction l’ouïe et la vue. Fais jouir tes yeux de la contemplation de ses beautés ; et exerce la pensée entre les parterres et le fleuve. Regarde à Damas les teintes dorées qu’y revêt le soir, et écoute les mélodies des oiseaux sur les arbres. Et dis à celui qui blâme un homme de ses plaisirs : « Laisse-moi, car, à mes yeux, tu ne fais pas partie des êtres humains. »
[…] Cette ville est un paradis dans lequel l’étranger oublie son pays natal. Mon Dieu ! Qu’ils sont agréables les jours du samedi à Damas, et que leur coup d’oeil est magnifique ! Vois de tes propres yeux ; aperçois-tu autre chose qu’un objet aimé, ou un individu qui aime, Dans la demeure où l’on entend les colombes roucouler sur le rameau qui danse ? Et l’on voit au matin les fleurs de ce séjour heureux s’enorgueillir de joie et de bonheur.
Les gens de Damas ne font aucun ouvrage le samedi mais ils se rendent dans les lieux de plaisance, sur les bords des fleuves et sous l’ombre des grands arbres, entre les jardins fleuris et les eaux courantes, et ils y restent tout le jour, jusqu’à l’arrivée de la nuit.
JÂMI‘ DE DAMAS :
C’est la plus sublime mosquée du monde par sa pompe, la plus artistement construite, la plus admirable par sa beauté, sa grâce et sa perfection. On n’en connaît pas une semblable, et l’on n’en trouve pas une seconde qui puisse soutenir la comparaison avec elle. Celui qui a présidé à sa construction et à son arrangement fut le commandeur des croyants :
Al-Walîd b. ‘Abd al-Malik fit partir une ambassade vers le Roi des Romains, à Constantinople, pour intimer à ce prince l’ordre de lui envoyer des artisans, et ce dernier lui en expédia 12 000. (Le lieu où se trouve la mosquée était d’abord une église, et lorsque les musulmans s’emparèrent de Damas) il arriva que Khâlid, fils d’Eloualîd, entra de vive force par un de ses côtés, et parvint jusqu’au milieu de l’église. En même temps, Abû Obeïdah, fils d’Eldjarrâh, entra sans coup férir par le côté opposé, qui était la partie occidentale, et arriva aussi jusqu’à la partie moyenne de l’église. Alors les mahométans firent une mosquée de la moitié de l’église qu’ils avaient envahie par les armes, et l’autre moitié, où ils étaient entrés du consentement des habitants, resta, comme auparavant, un temple des chrétiens. Plus tard, Al-Walîd, ayant résolu d’agrandir la mosquée aux dépens de l’église, demanda aux chrétiens de lui vendre celle-ci, contre un équivalent à leur choix ; mais ils refusèrent, et alors Al-Walîd la leur prit par force. Les chrétiens étaient persuadés que celui qui l’abattrait deviendrait fou. On le dit à Al-Walîd qui répliqua : « Je serai donc le premier qui perdra la raison pour l’amour de Dieu. » Aussitôt il prit une pioche, et commença à détruire l’église de ses propres mains. Quand les musulmans virent cela, ils accoururent à l’envi les uns des autres, pour accomplir sa destruction, et Dieu démentit ainsi l’opinion des chrétiens. »
La mosquée fut ornée de ces cubes dorés qu’on nomme Fasîfisâ (de psefos : mosaique), mélangés de différentes sortes de couleurs, d’une beauté admirable. La dimension de la mosquée en longueur, de E à W, est de 200 pas ou 300 coudées, et sa largeur, du S au N, de 135 pas ou 200 coudées. Le nombre d’ouvertures garnies de verres colorés qu’on y voit est de 74, et celui de ses nefs, de 3, qui s’étendent d’E en W ; la dimension de chaque nef est de 18 pas. Elles sont soutenues par 54 colonnes et par 8 pilastres de plâtre, qui les séparent, plus 6 autres de marbre, incrustés de différentes sortes de marbres colorés, et où l’on voit des figures d’autels et autres représentations. Ils soutiennent la coupole de plomb qui est devant le mihrâb, et qu’on appelle la coupole de l’aigle, comme si l’on avait assimilé la mosquée à un aigle qui vole, et dont la coupole serait la tête.
Ibn Jubayr : Les gens croient y voir un vautour en son vol, la coupole étant sa tête, la nef axiale sa poitrine, la moitié du mur de la nef transversale de droite et la moitié de celui de gauche formant ses deux ailes. » ; du grec aétos : aigle ou pignon
Ibn Batt : Du reste, cette coupole est une des constructions les plus merveilleuses du monde. De quelque côté que tu te diriges vers la ville, tu l’aperçois s’élevant dans l’espace, et dominant tous les autres édifices.
La cour est entourée par 3 nefs, sur E, N, W; l’étendue de chacune est de 10 pas. Il y a 33 colonnes et 14 pilastres. La mesure de la cour est de 100 coudées, et elle offre une des plus jolies vues et des plus parfaites. Les habitants de la ville s’y réunissent tous les soirs quelques-uns lisent, d’autres racontent les traditions, et d’autres enfin se promènent. Ils ne se séparent qu’après la dernière prière du soir. Quand quelque grand personnage parmi eux, soit jurisconsulte ou autre, rencontre un de ses amis, ils s’empressent d’aller l’un vers l’autre, et d’incliner la tête.
Dans cette cour il existe 3 coupoles : l’une à son W, qui est la plus grande, nommée la coupole de ‘Aysha-mère des croyants. Elle est supportée par 8 colonnes en marbre, ornées de petits carreaux et de peintures diverses, et elle est recouverte en plomb. On dit que les trésors de la mosquée y sont déposés, et l’on m’a raconté que le produit des champs ensemencés de la mosquée et de ses revenus est d’environ 25 000 dînârs/an (8000 chez Ibn Jubayr, actualisés).
La seconde coupole, à l’E de la cour, est de la même architecture que la précédente, elle est seulement plus petite. Elle s’élève sur 8 colonnes de marbre, et on l’appelle la coupole de Zayn al-‘Abîdîn.
La troisième est située au milieu de la cour; elle est petite, de forme octogone, d’un fort beau marbre très bien joint, et supportée par quatre colonnes de marbre blanc d’une couleur claire.
Au-dessous d’elle se voit un grillage de fer, au milieu duquel existe un tuyau de cuivre qui lance de l’eau ; celle-ci s’élève, puis elle décrit une courbe, et ressemble à une baguette d’argent. On appelle cet endroit la Cage de l’eau, et les gens prennent plaisir à placer leurs lèvres sous ce jet d’eau, pour boire.
Du côté E de la cour se trouve une porte qui conduit à un Masjid admirable par son emplacement, et qu’on appelle le mashhad de ‘Alî b. Abî Tâlib (Husayn)
Et en face, au W, là où se réunissent les 2 nefs, savoir, celle placée à W et celle située au N, on voit un endroit dans lequel on prétend que ‘Aîsha racontait les actes et les discours du Prophète.
Au S de la mosquée est la grande tribune où se tient, pour présider à la prière, l’imâm des Shâfi‘î. On y voit à l’angle E, et en face du Mihrâb, une grande armoire (maqsura) dans laquelle est serré le Livre sublime, qui a été envoyé à Damas par le AlM ‘Uthmân b. ‘Affân. On ouvre cette armoire tous les vendredis, après la prière, et tout le monde se presse pour venir baiser ce livre sacré. C’est dans cet endroit qu’on défère le serment à ses débiteurs et à ceux, en général, auxquels on réclame quelque chose. A la gauche de la tribune est le mihrâb des Ashâb an-Nâbî, et les chroniqueurs disent que c’est le premier qui ait été construit sous l’islam. C’est l’imâm des partisans du rite de Mâlik qui officie en cette place. A droite de cette tribune est la niche des hanéfites, où leur imâm préside à la prière. Tout à côté se trouve celle des sectateurs de Hanbâl, où officie leur imâm.
Dans cette mosquée il y a 3 minarets : l’un à l’E, qui a été construit par les chrétiens (tour de Baal-Zeus détruite par le séisme de 1202, brûlé en 1339 nouvelle reconstruction : minaret de ‘Ysâ) sa porte est dans l’intérieur de la mosquée. Dans sa partie inférieure, il y a un vase pour les purifications, et des chambres pour les ablutions, où se lavent et se purifient les habitués et les attachés à la mosquée. Le 2è est situé au W, et il est aussi de construction chrétienne (autre tour de l’ancien ma‘bid, appelé Ghardiya). Le 3è, qui est au N, a été bâti par les musulmans(« la fiancée »)
. Le nombre des Mu’âdhin de cette mosquée est de 70. A l’E de la mosquée, il y a un grand espace grillé où se voit une citerne d’eau ; il appartient à la peuplade des Zayâli‘ah, qui sont des Noirs.
Au milieu de la mosquée est le tombeau de Zakaria(Yahya), au-dessus duquel se voit un cercueil placé obliquement entre deux colonnes, et recouvert d’une étoffe de soie noire et brodée. On y voit écrit, en lettres de couleur blanche, ce qui suit : « O Zakaria ! nous t’annonçons la naissance d’un garçon, dont le nom sera Yahya. » (Q, XIX, 7)
La renommée de cette mosquée et de ses mérites est très répandue ; et j’ai lu dans Les Qualités excellentes de Damas (Ibn ‘Asakir, m. 1176) sur l’autorité de Sufyan al-Thawri, ( m. 778.) : « La prière dans le Jâmi‘ de Damas équivaut à 30 000 prières. » Et dans les traditions du Prophète j’ai trouvé ces paroles de Mahomet : « On adorera Dieu, dans la mosquée de Damas, durant 40 années après la destruction du monde. »
On dit que la paroi méridionale de cette mosquée a été construite par le prophète de Dieu, Hûd (chargé de convertir ‘Ad. « On dit aussi que la tombe de Hud se trouve dans le mur sud ; en réalité, la tombe de Hud est en Hadramaut, à l’E d’Aden » (AL HARAWI), et que son tombeau s’y trouve. Mais j’ai vu dans le voisinage de la ville de Zafâr du Yaman, dans un endroit qu’on nomme Al-Ahqâf, un édifice où se voit un sépulcre sur lequel est l’inscription suivante : « C’est ici le tombeau de Hûd b. Abir, sur qui soit la bénédiction de Dieu et le salut. »
Parmi les mérites de ce Jâmi‘, il faut compter que jamais la lecture du Coran et la prière ne cessent de s’y faire, si ce n’est pendant peu d’instants, ainsi que nous le montrerons.
« Le public s’y réunit tous les jours, immédiatement après la prière du matin, et il lit la septième partie du Coran. Il se rassemble aussi après la prière de trois heures, pour la lecture appelée al-Kawthariya ; car on y lit dans le Coran depuis la sûra Kawthar (7 dernières sourates de 3 à 6 ayat)., jusqu’à la fin du Livre sacré. Il y a des honoraires fixes, lesquels sont payés à ceux qui assistent à cette lecture, et dont le nombre est d’environ 600. »
L’écrivain qui prend note des absents circule autour d’eux, et à celui qui manque on retient, lors du paiement, une somme proportionnée à son absence.
Dans cette mosquée, il y a un nombre considérable de mujâwirûn (stagiaire ); ils ne sortent jamais, et sont toujours occupés à la prière, à la lecture du Coran et à la célébration des louanges de Dieu. Ils ne discontinuent pas ces pieux exercices, et ils font leurs ablutions au moyen des vases qui se trouvent dans la tour orientale, que nous avons mentionnée. Les habitants de la ville leur fournissent gratuitement, et de leur plein gré, tout ce dont ils ont besoin pour leur nourriture et leurs vêtements.
Cette mosquée a 4 portes :
Une porte S, nommée Bâb Az-Ziyâdah; au-dessus d’elle, il y a un fragment de la lance sur laquelle se trouvait l’étendard de Khâlid. Cette porte a un large vestibule, très vaste, où sont les boutiques des fripiers et autres marchands. C’est par là que l’on se rend à la caserne de la cavalerie (annexe du palais omayyade occupée par la madrasa Aminiya (1120), et à la gauche de celui qui sort par ce point se trouve la galerie des fondeurs en cuivre ou chaudronniers. C’est un grand sûq, qui s’étend le long de la paroi méridionale de la mosquée, et un des plus beaux de Damas. Sur son emplacement a existé l’hostel de Mu’âwya (al khadra, byzantine), ainsi que les maisons de ses gens ; on les appelait Al-Khadrâ. Les B. ‘Abbâs les ont détruites, et l’endroit qu’elles occupaient est devenu un marché.
Une porte E ; c’est la plus grande de celles de la mosquée, et on l’appelle la porte de Jayrûn. Elle a un vestibule magnifique, par où l’on passe dans une grande nef, fort étendue, au-devant de laquelle sont 5 portes, qui ont chacune six colonnes très hautes (détruits en 1858 ??). A sa gauche est un grand mausolée, où était la tête de Husayn, et en face, une petite mosquée, qui prend son nom de ‘Umar II ; elle est fournie d’eau courante. On a disposé devant la nef des marches par où l’on descend dans le vestibule, qui ressemble à un grand fossé, et qui se joint à une porte très haute, au-dessous de laquelle sont des colonnes élevées, pareilles à des troncs de palmiers.
Des deux côtés de ce vestibule existent des colonnes sur lesquelles reposent des allées circulaires, où sont les boutiques des marchands de toile et autres trafiquants, et sur celles-ci s’étendent des voies allongées, où sont les magasins des joailliers, des libraires et des fabricants de vases en verre admirables. Dans l’espace étendu qui est contigu à la première porte se voient les estrades des principaux notaires ; parmi elles, deux sont destinées à ceux appartenant au rite de Shâfi‘î, et les autres à ceux des autres écoles orthodoxes. On trouve dans chaque loge 5 ou 6 tabellions (Shâhid ou ‘adl (Maghreb) : notaire occidental) et, de plus, la personne chargée par le juge de consacrer les mariages. Tous les autres notaires sont dispersés dans la ville.
Dans le voisinage de ces boutiques se trouve le marché des papetiers, qui vendent le papier, les roseaux pour écrire, et l’encre. Au milieu du vestibule mentionné est un bassin en marbre, grand, de forme circulaire, et surmonté d’un dôme sans toit, que supportent des colonnes de marbre. Au centre du bassin se voit un tuyau de cuivre qui pousse l’eau avec force, et elle s’élève dans l’air plus haut que la taille d’un homme. On l’appelle Al-Fiwâra, et son aspect est admirable. A droite de celui qui sort par la porte Jayrûn est une salle haute, en forme de grande arcade, dans laquelle il y a des arcades plus petites et ouvertes.
Elles ont des portes en nombre égal à celui des heures de la journée, et peintes à l’intérieur en vert, et à l’extérieur en jaune. Quand une heure du jour s’est écoulée, l’intérieur, qui est vert, se tourne en dehors, et l’extérieur, qui est jaune, se tourne en dedans. On dit qu’il y a quelqu’un, dans l’intérieur de la salle, qui est chargé d’exécuter ce changement avec les mains, à mesure que les heures passent (horloge de Nur ad-Din Zangî (m. 1174)
Ibn Jubayr :
Quand une heure de la journée est passée, deux poids de cuivre tombent du bec de deux faucons en cuivre sculpté qui se dressent au-dessus de deux cuves de cuivre, qui sont chacune au-dessous de chacun d’eux : l’un est sous la première de ces portes et l’autre sous la dernière. Les deux cuves sont percées d’un trou et quand les deux boules y tombent elles retournent derrière la cloison de la chambre. […] Quand les deux boules tombent dans les plateaux, elles font du bruit ; la porte qui correspond à l’heure qui vient de s’accomplir est aussitôt fermée par une plaque de cuivre, et cela se combine ainsi à chaque fin d’heure de la journée, jusqu’à ce que toutes les portes soient closes et toutes les heures écoulées. Elles reviennent alors à leur première position.
Une porte occidentale, qui s’appelle la Bab al-Barîd ; à droite de celui qui en sort est la madrasa des sectateurs de Shâfi‘î (As-Sumayatiya : « Le personnage qui l’acheta, qui la fit reconstruire, qui y constitua des vastes waqf […], était un ‘Ajâmî appelé as-Sumaysati [Samsat S-E Anatolie] » (IBN JUBAIR, 1184). Elle a un vestibule où se trouvent les boutiques des fabricants de bougies, et une galerie pour la vente des fruits. Dans sa partie la plus haute, il y a une porte à laquelle on monte par des degrés ; elle a des colonnes qui s’élèvent dans l’air, et sous l’escalier sont deux fontaines circulaires, à droite et à gauche.
Une porte septentrionale, nommée Bâb An-Natafânîn (Natif : boisson de jus de raisin), qui a un vestibule spacieux. A droite de celui qui en sort est le couvent qu’on appelle Ash-Shâmî ‘Aniya 512, qui a en son centre une citerne; il possède des bains, dans lesquels l’eau coule, et l’on dit que c’était d’abord l’hostel de ‘Umar II.
Près de chacune de ces 4 portes de la mosquée, il existe une Byt al-Wudû, où il y a environ 100 pièces, dans lesquelles l’eau coule en abondance.
LES IMÂMS
Ils sont au nombre de 13 ; le premier est celui des shâfeïtes, qui était, au temps de mon entrée à Damas, le chef des qudât, Jalâl ad-dîn, Muhammad b. ‘Abd Ar-Rahmâm Al-Qazwînî 513, un des principaux jurisconsultes ; il était aussi le prédicateur de la mosquée, et il habitait dans la maison appelée l’Hostel du Khatîb. Il sortait par la porte de fer, qui est en face de la tribune c’est la porte par laquelle sortait Mu‘âwiya. Plus tard, Jalâl ad-dîn devint grand juge en Égypte, après que le roi Nâcir eut payé pour lui à peu près 100 000 dh de dettes qu’il avait à Damas. ( m. 1338, Qadî de Damas en 1324, transféré au Caire comme Qadî supérieur en 1327 ; transféré à Damas en 1338)
Quand l’imâm des shâfeïtes a fini sa prière, celui du sanctuaire de ‘Alî commence la sienne, et après celui du mausolée de Husayn, ensuite l’imâm de la Kallâsa (Four à chaux. Petite madrasa de Nur ad-din au N de la J -1160. Brûlé en même temps que « la Fiancée » en 1174, reconstruit par Saladin qui y fut enseveli en 1193), puis celui du mausolée d’Abû Bakr ; vient ensuite l’imâm du mashhad ‘Umar, puis celui du mashhad ‘Uthmân, et puis l’imâm des mâlikites. Lors de mon arrivée à Damas, c’était le faqîh Abû ‘Umar b. Abû al-Walîd de Cordoue, né à Grenade (m.1346, fils du prédecesseur) ; il remplissait la fonction d’imâm en alternant avec son frère. Venait ensuite l’imâm des hanéfites, qui était alors le faqîh ‘Imâd Ad-dîn Al-Hanafy b. Ar-Rûmy (fils du prédécesseur) ; c’est un des princi-paux soûfis. Il est le shykh du couvent qui porte le nom d’Elkhâtoûniyah ; il est aussi le supérieur d’un autre couvent situé à Ash-Sharaf al-‘Alâ rive nord du Barada à l’W
Enfin, c’était le tour de l’imâm des hanbalites, qui était alors le shykh ‘Abd Allah Al-Kafîf1283-1336 , un des mudarris de la lecture du Coran à Damas.
Après tous ceux que nous avons nommés venaient 5 imâms pour présider aux prières surrérogatoires.
La prière ne cesse point dans cette mosquée, depuis le commence-ment du jour jusqu’au tiers de la nuit ; il en est de même de la lecture du Coran, et c’est une des gloires de cette mosquée bénie.
Mudarris ET Mafâtî
Dans cette Jâmi‘, de nombreux auditoires assistent à des leçons traitant des différentes branches de la science. Les traditionnaires lisent les ouvrages des hadîth, sur des estrades élevées, et les Qurâ’ déclament avec de belles voix, le matin et le soir.
Il y a un certain nombre d’instituteurs pour expliquer le Livre de Dieu ; chacun d’eux s’appuie contre une des colonnes de la mosquée, instruit les enfants, et les fait lire. Ils n’écrivent point le Quran sur des tablettes, par vénération pour le Livre du Dieu très haut ; mais ils le lisent seulement pour qu’il serve d’instruction.
Le maître d’écriture est un autre que celui du Coran, et il instruit les enfants au moyen d’ouvrages de poésies et autres. Les enfants passent de l’enseignement oral aux leçons d’écriture, et de cette manière ils apprennent à écrire fort bien ; car le maître d’écriture n’enseigne pas autre chose.
[…]
Le chef des qâdi hanafites est ‘Imâd ad-dîn Al-Hawrânî, homme très violent. C’est chez lui que se rendent les femmes et leurs maris pour faire juger leurs contestations ; et lorsque les derniers entendent seulement le nom du qâdi hanafite, ils font justice à leurs femmes, avant d’arriver au tribunal. […]
Ibn Taymiya
Il y avait à Damas, parmi les grands docteurs de la secte de Hanbal, un certain Tâqî ad-dîn de Taymiya (Emprisonné au Caire de 1307 à 1311==>Damas==>prison qqs mois en 1320 ==>prison en 1326, à cause d’une fatwa dénonçant le pèlerinage aux tombeaux==>m. en 1328) qui jouissait d’une grande considération. Il discourait sur les sciences en général ; mais il y avait dans son cerveau quelque chose de dérangé. Les habitants de Damas l’honoraient excessivement, et il les prêchait du haut de la chaire. Une fois, il y dit de certaines choses que les docteurs désapprouvèrent ; ils le déférèrent au roi Nâçir, qui ordonna de l’amener au Caire. Les juges et les jurisconsultes s’assemblèrent dans la salle d’audience du roi Nâçir, et Sharf ad-dîn Az-Zwâwî 529, de la secte de Mâlik, dit : « Certes, que cet homme a dit cela et cela », et il énuméra les choses qu’on réprouvait chez Ibn Taymiya. Il produisit des attestations à ce sujet, et les plaça devant le chef des kâdhis. Celui-ci demanda alors à Ibn Taïmiya : « Que réponds-tu ? » Et l’accusé dit : « Lâ Ilah Illâ Allah » Le juge répéta la question, et l’accusé fit la même réponse. Le roi ordonna qu’il fût emprisonné, et il resta en effet détenu plusieurs années. Dans sa prison, il composa un livre sur l’explication du Coran, qu’il a intitulé La Mer environnante, et qui est en quarante volumes environ.
Plus tard, sa mère se présenta au roi Nâçir et se plaignit à lui, et le roi ordonna de le mettre en liberté. Mais dans la suite il tint une conduite pareille à celle que nous venons de rapporter ; et je me trouvais alors à Damas. J’étais donc présent un vendredi pendant qu’il exhortait et prêchait le peuple du haut de la chaire du Jâmi‘. Il dit entre autres choses : « Certes, que Dieu descend vers le ciel du monde, comme je descends maintenant », et il descendit une des marches de l’escalier de la chaire. Un docteur mâlikite, qui était connu sous le nom du Ibn Zahrâ, le contredit, et blâma son discours ; mais la populace se leva contre ce docteur, et le frappa très fort avec les mains et les sandales, de manière que son turban tomba et laissa voir sur sa tête une calotte de soie. La multitude réprouva l’usage de cet objet, et conduisit le Ibn Zahrâ à la demeure de ‘Izz ad-Dîn b. Muslim, juge Hanbalî, qui ordonna de l’emprisonner et lui infligea ensuite la bastonnade. Les docteurs mâlikites et shâfeïtes désapprouvèrent cette punition, et en référèrent au « roi des amirs », Sayf ad-dîn Tenkîz, qui était un des meilleurs chefs et des plus vertueux.
Tenkîz écrivit à ce sujet au roi Nâçir, et rédigea en même temps une attestation légale contre Ibn Taymiya, à propos des choses blâmables qu’il avait avancées, entre autres : « Que celui qui prononce les trois formules du divorce d’un seul coup n’est pas plus lié que s’il n’avait divorcé qu’une fois 531 », et secondement : « Que le voyageur qui a pour but le pèlerinage au tombeau de Muhammad à Madina (puisse Dieu augmenter toujours ses avantages !) ne doit pas abréger sa prière », et autres allégations semblables. L’émir expédia l’acte légalisé au roi Nâcir, qui ordonna d’emprisonner le coupable dans la forteresse ; et il y fut détenu, jusqu’à ce qu’il mourût dans sa prison.
Madrasa :
Ceux qui suivent le rite de Shâfi‘î ont à Damas plusieurs madrasa :
-la plus grande est appelée Al-‘Adiliya (Commencé par Nûr ad-din, achevée al-‘Adîl (1196-1218), au nord du J.), où rend ses jugements le chef des qâdî. En face, il y a le collège Az-Dzâhiriya, où se trouve le mausolée du roi Dzâhir (Baybars-1260-77); c’est là que siègent les substituts du qâdî. L’un d’eux est Fakhr ad-dîn Al-Qubtî. Son père était un des secrétaires égyptiens, mais il embrassa l’islam. Un autre est Jamâl Ad-Dîn b. Jumla. Il a été plus tard chef des qâdî (shafi‘îtes 1332-34) des châfeïtes, puis il perdit cette place pour une affaire qui nécessita sa destitution.
[ANECDOTE…]
Les hanéfites ont beaucoup de madrasa à Damas : le plus grand est celui du sultan Nûr ad-Dîn, où siège le chef des qâdî des hanafites (ex-mosquée de Hishâm).
Les Mâlikites ont 3 madrasa ; l’un est As-Samsâmiya (1318, près de Bâb Jâbiya) c’est là que demeure le grand juge des mâlikites, et qu’il rend ses jugements ; l’autre est le collège An-Nûriya (« La tombe de Nur ad-din, qui fait partie des saints dans la madrasa qui porte son nom » (AL-HARAWI). également attribué à Saladin, porte aussi le nom de Salahiya), construit par le sultan Nûr ad-Dîn Mahmûd b. Zengî ; et le 3è, la madrasa Ash-Sharâbishiya (Ahmad b. Nûr ad-Dawla, mort en 1333), construite par Shihâb ad-Dîn Ash-Sharâbishî, le marchand. Les hanbalites ont à Damas un grand nombre de collèges ; le principal est le collège An-Najmiya (Najmiya fondé par Nadjm ad-din Ayyub (père de Salah ad-Dîn) )
DES PORTES DE DAMAS
Cette ville a huit portes : l’une d’elles est la porte d’Al-Farâdîs (Paradisos, N), une autre la porte d’Al-Jâbiya, une 3è celle appelée Bâb As-Saghîr (mur S) Entre ces 2 dernières, il y a un cimetière où sont enterrés un très grand nombre de compagnons de Mahomet, de martyrs, et d’autres personnages plus récents.
IbnJuzay : poète moderne : Damas, par ses qualités, est un jardin de l’éternité agréable. Ne vois-tu pas que ses portes sont au nombre de huit? (8 étages du Paradis chacun a sa porte. Ibn ‘Asâkir parle de 7 portes des 7 planètes)
Mausolées :
Parmi ces mausolées, dans le cimetière situé entre les deux portes, celle dite Al-Jâbiya, et la petite, sont les tombeaux suivants : celui de Umm Habîba bt Abû Sufiân, UlM (femme du prophète, morte à Madîna en 664) ; celui de son frère, le prince des croyants, Mu‘âwiya (As-Sayyadî (XVIe) mentionne à Bab as-Saghir la tombe de Mu‘awiya enterré dans la tunique du Prophète); le sépulcre de Bilâl, mu’addhin du Rasûl Allah, celui de Uways al-Qaranî (« A al-Jabliya se trouve le tombeau de Uwais al-Qarani ; mais nous en avons aussi visité un à al-Raqqa, et il a un monument à Alexandrie et un autre à Diyarbekir ; l’opinion la plus répandue, c’est qu’il est à Rakka car on rapporte qu’il fut tué à Siffin, dans l’armée de Ali » (YAQUT, 1225)) et le tombeau de Ka‘b Al-Ahbâr (Juif yéménite, converti cité comme autorité du Tafsîr de la Torah, ne reste qu’un cénotaphe) J’ai trouvé dans l’ouvrage intitulé Le Livre du précepteur touchant l’explication du Sahîh de Muslim, par Al-Qurtubî (Ahmad b. ‘Umar, malikite mort à Alexandrie en 1258), qu’un certain nombre de compagnons du Prophète allaient une fois de Madîna à Damas, en compagnie d’Uways al-Qaranî, qui mourut en route, dans un désert, où il n’y avait ni habitations ni eau. Ils furent dans l’embarras à cause de cet événement. Ils descendent de leurs montures, et voici qu’ils trouvent des aromates, un linceul et de l’eau, ce qui les étonna beaucoup. Ils lavèrent le cadavre, l’enveloppèrent du drap mortuaire, et après avoir prié sur lui ils l’enterrèrent. Après cela, ils se remirent en voyage ; mais l’un d’eux dit aussitôt : « Comment ? Laisserons-nous ce tombeau sans un signe pour le reconnaître ? » Ils retournèrent alors sur leurs pas, et ils ne trouvèrent aucune trace du sépulcre. Voici ce que fait observer Ibn Juzay : « On assure qu’Uways a été tué à Ciffin, en combattant pour ‘Alî, et cette version est, grâce à Dieu, plus authentique. »
Près de la porte Al-Jâbiya se trouve « Bab Sharqi, qui est à l’est, avec un grand minaret blanc dont on dit que Jésus y descendra, car la tradition rapporte qu’il descendra sur le minaret blanc à l’est de Damas » (IBN JUBAIR, 1184). (porte de Saint-Paul) à côté de laquelle il y a un cimetière où se voit le tombeau d’’Ubayy b. Ka‘b (Kâtib de Muhammad et compilateur du Qur’ân, m. à Madîna), Sahib Rasûl Allah. On y trouve aussi le sépulcre de ‘Abd Allah, le pieux Arslân, surnommé le faucon cendré. (Arslân b. Ya‘qûb al Ju‘bari, mort en 1150, saint patron de la ville)
[…]
A l’W de Damas est un cimetière connu sous la dénomination de Tombeaux des martyrs. On y voit, entre autres, le tombeau d’Abû Ad-Darda‘(qadi de Damas, m. 651, épitaphe au musée de Damas) et de son épouse Umm Ad-Darda‘ ; celui de Fadhâla b. ‘Ubayd Qadi de Damas 651-71 ; celui de Wâtîla b. Al-Asqa‘(chef de tribu converti en 631, m. à Jérusalem v. 702); celui de Sahi b. Handzaliya Ansârî m. à Damas en 667; et tous ceux-ci sont au nombre des personnages qui ont prêté serment sous l’arbre, à Muhammad « Dieu était satisfait des croyants quand ils te prêtaient serment sous l’Arbre » (XLVIII, 18)
Dans un bourg nommé Al-Manîha, à l’E de Damas et à la distance de 4 milles, il y a le sépulcre de Sa‘d b. ‘Ubâda, à côté duquel existe une petite mosquée, d’une belle construction. A la tête du sépulcre est une pierre, avec cette inscription : « Ceci est le tombeau de Sa‘d b. ‘Ubâda, chef de la tribu de Khazraj, compagnon de l’envoyé de Dieu », etc (Élu chef de la tribu à la Madina mais invalidé par la Succession d’Abu Bakr émigre en Syrie m. Hawran en 636)
Dans un village, au S de la ville, à la distance d’une parasange, est situé le mausolée d’Umm Kulthûm bt ‘Alî et Fâtima. On dit que son nom était Zaynab, et que le Prophète la surnomma ainsi, à cause de sa ressemblance avec sa tante maternelle, bt Rasûl Allah. Tout près de son tombeau, il y a une noble mosquée autour de laquelle sont des habitations, et qui est dotée de legs pieux. Les gens de Damas l’appellent le Mausolée de la Dame U-K(« Son monument vénéré est dans un village au sud de la ville appelé Rawiya à la distance d’un farsakh » (IBN DJUBAIR, 1184) auj. Qabr al-Sitt (de la Dame). . Dans le même village se trouve un autre tombeau qu’on dit être celui de Sukayna bt Hosam b. ‘Alî (Échappée au massacre de Karbala et m. à Madina en 735, toujours vénér au cimetière de B. Saghir) ; et dans la mosquée principale d’An-Nayrab, un des bourgs dépendants de Damas (faubourgs W), on voit dans une cellule à l’est, un tombeau qu’on dit être celui d’Umm Maryam. Enfin, dans un village qu’on nomme Dârayâ, à l’W de la ville, et à la distance de 4 milles, se voit le tombeau d’Abû Muslim Al-Khawlânî (m.682), et celui d’Abû Sulaymân Ad-Darâny (Mystique, m. 850).
Au nombre des lieux de réunion à Damas, qui sont célèbres par leur sainteté, se trouve la mosquée d’Al-Aqdâm. Elle est située au S de Damas, à la distance de 2 milles, à côté de la principale route qui conduit au noble Hijâz, à Jérusalem et en Égypte.« Au mashad des Empreintes (al-Aqdam), au sud de Damas, des empreintes de pas (aqdam) dans le rocher qui seraient dit-on celles des prophètes. On dit aussi que la tombe qui s’y trouve est celle de Musa b. ‘Imrân, mais ce n’est pas exact : en réalité, on ne connaît pas l’emplacement de la tombe de Musa » (AL-HARAWI).
C’est une grande mosquée, riche en bénédictions, et possédant beaucoup de legs pieux. Les habitants de Damas la tiennent en grande considération. Quant à la dénomination qu’elle porte, elle la doit à des pieds dont l’empreinte est tracée dans une pierre qui s’y trouve ; et l’on dit que ce sont les marques des pieds de Moïse. Dans cette mosquée, il y a une petite chambre, où se voit une pierre sur laquelle est écrit ce qui suit : « Un homme pieux a vu en songe Muhammad, qui lui a dit que dans ce lieu se trouve le tombeau de son frère Musa. » Dans les environs de cette mosquée, et sur le chemin, il y a un endroit qu’on nomme Al-Katîb Al-Ahmar; et dans le voisinage de Jérusalem et de Jéricho est un lieu qu’on nomme de la même manière, et que les Israélites honorent beaucoup(Hadith de Bukhari, Muhammad aurait localisé la tombe sous la colline de sable rouge (al-kathib al-ahmar), identifié à un bourg de Jericho où Baybars bâtit une mosquée en 1270).
Peste
J’ai vu dans les jours de la grande peste à Damas, en juillet 1348, un témoignage du respect des habitants de Damas pour cette mosquée, qui est digne d’admiration, et dont voici le détail : le roi des émirs, lieutenant du sultan, Arghûn Shâh, ordonna à un crieur de proclamer dans Damas que tout le monde eût à jeûner pendant 3 jours, et que personne ne fit cuire alors dans les marchés rien de ce qui sert à la nourriture de l’homme tout le long du jour. (Or, à Damas, la plupart des habitants ne mangent que ce qu’on prépare dans les marchés.) Les Damasquins jeûnèrent 3 jours consécutifs, dont le dernier était un jeudi. Ensuite les Amirs, les Shurfa, les Qudât, les Fuqaha et les autres ordres se réunirent tous pêle-mêle dans cette mosquée principale, au point qu’elle fut comble. Ils y passèrent la nuit du jeudi au vendredi, en priant, louant Dieu, et faisant des voeux. Ils firent après cela la prière de l’aurore, et tous sortirent à pied, tenant dans leurs mains des Corans ; et les émirs étaient nu-pieds. Tous les habitants de la ville, hommes, femmes, petits et grands prirent part à cette procession. Les Juifs sortirent avec leur Torah et les chrétiens avec leur Évangile, et ils étaient suivis de leurs femmes et de leurs enfants. Tous pleuraient, suppliaient, et cherchaient un recours près de Dieu, au moyen de ses livres et de ses prophètes. Ils se rendirent à la mosquée Al-Aqdâm, et ils y restèrent, occupés à supplier et à invoquer Dieu, jusque vers le Zawâl (midi-3 heure). Ensuite ils retournèrent à la ville, ils firent la prière du vendredi, et Dieu les soulagea.
Le nombre des morts n’a pas atteint à Damas 2000 dans un jour, tandis qu’au Caire et en Egypte, il a été de 24 000 dans un seul jour.
Auprès de la porte E de Damas, il y a une tour de couleur blanche, et l’on dit que c’est près de là que descendra Jésus, suivant ce qui nous a été transmis dans le Sahîb de Moslim
FAUBOURGS DE DAMAS
Cette ville est entourée de faubourgs de tous les côtés, à l’exception du côté oriental ; ils couvrent un vaste emplacement, et leur intérieur est plus beau que celui de Damas, à cause du peu de largeur dans les rues de cette ville. Du côté du nord est le faubourg d’As-Sâlihiya« En face de la ville, sur les pentes du mont Qasyun, se trouve la cité des Salihyin qui s’étend sur le penchant de la montagne en face de la ville en lon-gueur, de façon à dominer Damas et sa Ghuta, ses maisons, ses écoles, ses couvents, ses souks, constructions importantes » (QALQASHANDI, env. 1400). ; c’est une grande ville qui possède un marché sans pareil pour la beauté. Elle a une Jâmi‘ et un hôpital ; elle a aussi un collège, nommé le collège d’Ibn ‘Umar (fondés par Abu Omar, Hanbalite émigré de Jérusalem), lequel est consacré à ceux qui veulent apprendre le noble Coran, sous la direction des docteurs et des hommes âgés. Les disciples et les professeurs reçoivent ce qui leur est nécessaire, soit en nourriture, soit en habillements. Dans l’intérieur de la ville, il y a encore un collège qui a la même destination, et qui est appelé le collège d’Ibn Munajjâ (son premier shykh, Zayn ad-Din b. al-Munajja, m. 1296). Les gens As-Sâlihia suivent tous le rite de l’Imâm Ibn Hanbâl.
QÂSIÛN ET SES LIEUX DE PÈLERINAGE
Qâsiûn est une montagne au N de Damas, et au pied de laquelle se voit Sâlihiya. C’est une montagne célèbre par son caractère de sainteté, car c’est l’endroit d’où les prophètes se sont élevés au ciel. Parmi ses nobles lieux de pèlerinage est la caverne où naquit Abraham, l’ami de Dieu.
C’est une grotte longue et étroite, près de laquelle existe une grande mosquée, avec un minaret élevé. De cette caverne Abraham a vu l’étoile, la lune et le soleil, ainsi que nous l’apprend le Livre sublime (VI, 76-8).
Ibn Jubayr : Le lieu de naissance d’Abraham est au pied du mont Qasyun en un village appelé Barka, qui est des plus jolis » (1184)
A l’extérieur de la grotte se voit le lieu de repos d’Abraham, où il avait coutume de se rendre. J’ai pourtant vu dans le pays du ‘Irâq un village nommé Burs, entre Hilla et Baghdâd, et où on dit qu’Abraham est né. Il est situé dans le voisinage de la ville de Dhû al-Qafl, et son tombeau s’y trouve (celui d’Ezéchiel, identifié à Dhû al-Qifl du Quran. Le lieu de naissance traditionnel d’Abraham est Quta Rabba)
Un autre sanctuaire du mont Qâsiûn, situé à l’W, est la grotte du Sang; au-dessus d’elle, dans la montagne, se voit le sang de Habil b. Adam. Dieu en a fait rester dans la pierre une trace vermeille juste à l’endroit où son frère l’a tué et d’où il l’a traîné jusqu’à la caverne. On dit qu’Abraham, Moise, Jésus, Job et Lot ont prié dans cette grotte. Près d’elle il y a une mosquée solidement construite, à laquelle on monte par un escalier, et qui possède des cellules et autres endroits commodes à habiter. On l’ouvre tous les lundis et les jeudis, et des bougies et des lampes sont allumées dans la caverne.
Un autre lieu qu’on visite est une vaste grotte au sommet de la montagne, que l’on nomme la « caverne d’Adam », et à côté de laquelle il y a un édifice « La grotte d’Adam où il vécut et que l’on connaît maintenant comme la Caverne » (AL-HARAWI). Plus connue sous le nom de caverne de Sept Dormants, signalée par des constructions anciennes. Plus bas que cette grotte, il en existe une autre, qu’on appelle la grotte de la Faim. On dit que 70 prophètes s’y sont réfugiés, et qu’ils n’avaient pour toute provision qu’un pain rond et mince. Ils le faisaient circuler parmi eux, et chacun l’offrait à son compagnon, de sorte qu’ils moururent tous. (« La grotte de la Faim, où moururent, dit-on, 40 prophètes et qui a son histoire » (AL-HARAWI) Qubbat al-Arbain) Près de cette caverne il y a une mosquée bien bâtie, et où des lampes brûlent nuit et jour. Toutes ces mosquées possèdent en propre beaucoup de fondations pieuses. On dit encore que, entre la porte des jardins et la mosquée principale du Qâsiûn, se trouve le lieu d’inhumation de 700 prophètes, et, d’après une autre version, de 70 000 prophètes.
Au-dehors de la ville se voit le vieux cimetière ; c’est le lieu de sépulture des prophètes et des saints. A côté de ce cimetière, tout près des jardins, est un terrain déprimé, dont l’eau s’est emparée, et l’on dit que c’est la sépulture de soixante et dix prophètes. Mais l’eau séjourne dans cet endroit d’une manière permanente, et l’on ne peut plus y enterrer personne.
En haut du mont Qâsiûn est la colline bénie (Ibn Jubayr: « A l’extrémité de cette montagne et au commencement de la plaine […] s’élève la colline bénie. »), mentionnée dans le Livre de Dieu, et qui possède la stabilité, la source d’eau pure, et l’habitation du Jésus le Christ et de sa mère (XXIII, 52) réfutée par al-Harawi : Jésus n’a jamais visité Damas.
C’est un des plus jolis points de vue du monde et un de ses plus beaux lieux de plaisance. On y trouve des palais élevés, de nobles édifices et des jardins admirables. L’habitation bénie est une petite grotte au milieu de la colline, à l’instar d’un petit logement, et en face est une cellule qu’on dit avoir été l’oratoire de Khidr (Soit Élie l’immortel, soit saint Georges) La foule s’empresse à l’envi de venir prier dans cette caverne. L’habitation est pourvue d’une petite porte de fer, et la mosquée l’entoure. Celle-ci renferme des allées circulaires, et un beau réservoir où l’eau descend ; après quoi, elle se déverse dans un conduit qui se trouve dans le mur, et qui communique à un bassin de marbre dans lequel l’eau tombe. Ce dernier n’a pas de pareil pour sa beauté et la singularité de sa structure. Près de cette fontaine, il y a des cabinets pour faire les ablutions, et où l’eau coule.
Cette colline bénie est comme la tête des jardins de Damas, car elle possède les sources qui les arrosent Ibn Djubair : « Sur cette colline bénie commencent les premiers jardins de la ville, là où la rivière se divise en sept branches, dont chacune prend sa route propre » Celles-ci se partagent en 7 canaux, dont chacun se dirige d’un côté différent. Cet endroit s’appelle le lieu des divisions. Le plus grand de ces canaux est celui qui est nommé Tourah. Il coule au-dessous de la colline, et on lui a creusé dans la pierre dure un lit qui ressemble à une grande caverne (« Damas et ses jardins sont arrosés par un cours d’eau appelé Barada […] l’eau jaillit d’une fente, du bord extrême du pied de la montagne, et sa sortie est voûtée d’une arcade de construction romaine ; elle est accrue par des sources le long de son parcours. Puis la rivière se divise en sept branches, quatre à l’ouest qui sont le Daraya, le Mizza, le Qanawat, le Banas et deux à l’est le Yazid et le Thawra [Tourah], entre lesquels coule le Barada. […] Le Thawra est le Nil de Damas sur ses bords s’élèvent les principales constructions et la plupart des pavillons de plaisance des habitants » (QALQASHANDI, env. 1400). Souvent quelque nageur audacieux plonge dans le canal, du haut de la colline, et il est entraîné dans l’eau, jusqu’à ce qu’il ait parcouru le canal souterrain, et qu’il en sorte au bas de la colline : et c’est là une entreprise fort périlleuse. Cette colline domine les jardins qui entourent la ville, et sa beauté et l’étendue du champ de délices qu’elle offre aux regards sont incomparables. Les sept canaux dont nous avons parlé suivent tous des directions différentes. Les yeux demeurent éblouis de la beauté de leur ensemble, de leur séparation, de leur courant et de leur effusion. En somme, la grâce de la colline et sa beauté parfaite sont au-dessus de tout ce qu’on peut exprimer par une description.
Elle possède beaucoup de legs pieux en champs cultivés, en ver-gers et en maisons, au moyen desquels on sert les traitements de l’imâm, du moueddhin et l’on défraye les voyageurs.
Au bas de la colline est le village de Nayrab (« à un demi-fersakh de Damas dans les jardins, l’endroit le plus agréa-ble que j’aie jamais vu » (YAQUT, 1225). Il contient beaucoup de jardins, des ombrages touffus, des arbres rapprochés, et l’on ne peut, par conséquent, voir ses édifices, si ce n’est ceux dont la hauteur est considérable. Il possède un joli bain et une mosquée principale admirable, dont la cour est pavée de petits cubes de marbre. On y voit une fontaine très belle et un lieu destiné aux purifications, où il y a bon nombre de chambres dans lesquelles l’eau coule.
Au S de ce village est le bourg de Mizza (5 km W de Damas), qui est connu sous le nom de Mizza de Kalb, qu’il doit à cette tribu Qudâ‘a. Il était affecté comme fief à ladite tribu, et c’est de lui que prend son nom l’Imâm Hâfidz ad-Duniyâ, Jamâl ad-Dîn Yûsuf b. Az-Zakî, ainsi que beaucoup d’autres savants. C’est un des plus grands villages de Damas ; il a un vaste Jâmi‘ et admirable, et une fontaine d’eau de source. Du reste, la plupart des villages de Damas possèdent des bains, des mosquées principales, des marchés, et les habitants sont dans leurs localités sur le même pied que ceux de la ville.
A lE de Damas il y a un bourg qu’on nomme Bayt Ilâhiya. Il renfermait d’abord une église, et l’on dit qu’Âzer (père d’Abraham) y taillait les idoles que son fils brisait. Maintenant elle est changée en mosquée cathédrale, très jolie, ornée de mosaïques de marbre, colorées, et rangées selon la disposition la plus admirable et l’accord le plus parfait.
Il est impossible d’énumérer les genres de legs pieux à Damas, et leurs différentes dépenses, tant ils sont nombreux. Nous citerons :
Des legs pour ceux qui ne pourraient point faire le pèlerinage de La Mecque. Ils consistent à fournir à celui qui l’entreprend, au lieu de quelqu’un d’entre eux, tout ce qui lui est nécessaire.
Des fondations pour fournir aux filles leur trousseau de mariage, lorsque leurs familles sont dans l’impuissance d’y pourvoir.
D’autres pour entreprendre la délivrance des captifs.
Des legs en faveur des voyageurs. On leur fournit la nourriture, l’habillement et de quoi se suffire jusqu’à l’arrivée dans leur pays.
Ceux pour l’entretien des chemins et le pavage des rues. Ces dernières, à Damas, sont pourvues, de chaque côté, d’un trottoir où marchent les piétons , ceux qui sont à cheval suivent la route du milieu.
Il y a encore d’autres fondations pieuses, pour diverses oeuvres de bienfaisance.
ANECDOTE : ASSURANCE POUR LES ESCLAVES
Je passais un jour par une des rues de Damas, et je vis un petit esclave qui avait laissé échapper de ses mains un grand plat de porcelaine de Chine, qu’on appelle dans cette ville Sahn. Il se brisa, et du monde se rassembla autour du petit Mamlûk. Un individu lui dit : « Ramasse les fragments du plat et porte les à l’intendant des oeuvres pies pour les ustensiles. » L’esclave les prit et la même personne l’accompagna chez ledit intendant et les lui montra. Celui-ci lui remit aussitôt de quoi acheter un plat semblable à celui qui avait été brisé.
Cette institution est une des meilleures qu’on puisse fonder ; car le maître du jeune esclave l’aurait certainement frappé pour avoir cassé l’ustensile, ou bien il l’aurait beaucoup grondé. De plus, il en aurait eu le coeur brisé et aurait été troublé par cet accident. Le legs a donc été un vrai soulagement pour les coeurs. Que Dieu récompense celui dont l’application aux bonnes oeuvres s’est élevée jusqu’à une pareille action !
EXCELLENCE des DAMASQUINS :
Les habitants de Damas luttent d’émulation pour la construction des mosquées, des zâwya, des madrasa et des mausolées. Ils ont une bonne opinion des Barbaresques, et ils leur confient leurs biens, leurs femmes et leurs enfants. Tous ceux d’entre eux qui se retirent dans quelque partie que ce soit de la ville sont pourvus par les Damasquins d’un moyen de subsistance, soit la fonction d’imâm d’une mosquée, ou de lecteur dans un collège, ou la garde d’une mosquée, où on lui fournit sa nourriture de chaque jour ; ou bien encore la lecture du Coran, ou le service de quelque sanctuaire béni. S’il est du nombre des sûfis, qui habitent des couvents, on le nourrit et on l’habille. Tous les étrangers se sont bien trouvés à Damas. Ils sont traités avec égard, et on a soin d’éviter tout ce qui pourrait blesser leurs sentiments de dignité personnelle.
Ceux qui appartiennent à la classe des artisans et à la domesticité ont d’autres ressources. Telles sont, par exemple : la garde d’un jardin, ou la direction d’un moulin, ou le soin des enfants pour les accompagner le matin à l’école et les reconduire le soir à la maison ; et, enfin, ceux qui désirent s’instruire ou se consacrer exclusivement au culte de Dieu trouvent un secours efficace pour leurs desseins.
FTÛR COLLECTIF :
Parmi les belles qualités de Damas, il faut noter qu’aucun d’eux ne rompt le jeûne tout seul, dans les nuits du mois de Ramadân. Celui qui fait partie des émirs, des Qâdî et des grands personnages invite ses amis, ainsi que les fuqâra, à rompre le jeûne chez lui. Celui qui appartient à l’ordre des négociants, ou qui est du nombre des principaux marchands, agit de même ; et les individus des classes peu aisées, ainsi que les Bédouins, se réunissent chaque nuit dudit mois, dans le logement de l’un d’eux, ou dans une mosquée. Chacun apporte ce qu’il a, et ils mangent en compagnie. […]
2 EVERGETES DAMASQUIN
Il y avait également à Damas un homme excellent, un des principaux de la ville, le Sâhib ‘Izz ad-Dîn Al-Qilânisî (m.1338, famille de notables). Il était doué de qualités remarquables, de générosité, de noblesse et de libéralité, et il possédait une grande fortune. On raconte que, le roi Nâcir s’étant rendu à Damas, ce personnage lui donna l’hospitalité, ainsi qu’à toute sa cour, à ses mamlûk, à ses favoris, et cela durant 3 jours, et qu’en cette circonstance le roi l’honora du nom de Sâhib.
Parmi les récits que l’on fait touchant les belles prérogatives des habitants de Damas se trouve celui qui suit : un de leurs anciens rois recommanda en mourant qu’on l’enterrât au S du noble Jâmi‘, et qu’on cachât son tombeau ; et il assigna des legs considérables aux lecteurs qui réciteraient une 7è partie du Coran, tous les jours, immédiatement après la prière de l’aurore, à l’E de la tribune des compagnons du Prophète, où se trouvait son sépulcre. La lecture du Coran n’a jamais cessé depuis d’avoir lieu sur son tombeau, et cet excellent usage est devenu éternel après son décès.
Une autre habitude des Damascènes et de toutes les populations de ces contrées, c’est qu’ils sortent après la prière de trois heures, au jour des cérémonies du mont ‘Arafât, et ils se tiennent debout dans les cours des mosquées, telles que Bayt al-Muqaddas et celle des B. Umayya, et autres. Avec eux sont leurs imâms, ayant la tête découverte, faisant des voeux, s’humiliant, suppliant et demandant à Dieu sa bénédiction. Ils choisissent l’heure dans laquelle se tiennent debout à ‘Arafât les visiteurs de Dieu très haut et les pèlerins de son temple. Ils ne cessent point de s’humilier, de faire des voeux, de supplier et de rechercher la faveur de Dieu très haut, par le canal de ses pèlerins, jusqu’à ce que le soleil disparaisse ; et alors ils partent en courant, à l’instar desdits pèlerins, et ils pleurent d’avoir été privés de la vue de la noble station à Arafât. Ils adressent des prières au Dieu puissant, pour qu’il leur permette d’y arriver plus tard, et pour qu’il ne les prive point de la faveur d’agréer ce qu’ils ont fait en ce j1our-là.
Les habitants de Damas observent un ordre admirable en accompagnant les convois funèbres. Ils marchent devant le cercueil, et les lecteurs lisent le Coran avec de belles voix et des modulations qui excitent à pleurer, et inspirent une telle commisération, que les âmes sont près de s’envoler. Ils prient pour les morts dans la mosquée principale, en face du sanctuaire. Si le défunt est un des imâm du Jâmi‘, ou un de ses mu’addin, ou de ses desservants, ils l’introduisent en continuant la lecture jusqu’au lieu de la prière ; autrement, ils cessent la lecture près de la porte de la mosquée, et ils entrent en silence avec le cercueil ; puis un certain nombre de personnes se réunissent autour de lui dans la nef occidentale de la cour, près de la porte de la Poste. Tous les assistants s’asseyent, ayant devant eux les coffrets du Coran, et ils lisent dans les cahiers (Ces coffrets contiennent les Juz du Coran). A mesure que quelque grand personnage de la ville et de ses notables vient se joindre aux obsèques, ils élèvent la voix pour l’annoncer, et ils disent : « BsL, Fulân ad-Dîn », comme Kamâl (ad-Dîn), et Jamâl (ad-Dîn) et Shams (ad-Dîn), et Badr (ad-Dîn), … Lorsqu’ils ont fini la lecture, les mu’addin se lèvent et disent : « Réfléchissez et méditez bien votre prière sur un tel individu, le pieux, le savant… », et ils le décrivent par ses belles qualités. Après cela, ils prient sur le trépassé, et ils l’emportent dans le lieu destiné à sa sépulture.
Licence et lectures :
J’ai entendu, dans la Jâmi‘ des B. Umayya (que Dieu la conserve longtemps avec ses prières !), tout le Sahîh de l’imâm Abû ‘Abd Allah Muhammad b. d’Ismâ‘îl al-Ju‘fy al-Bukhârî (que Dieu soit content de lui !), expliqué par le shykh vénérable, vers lequel on voyage des divers points de l’horizon, et qui sert de lien entre deux générations. Shihâb ad-Dîn Ahmad b. Abi Tâlib al-Mukri As-Sâlihî, connu sous le nom d’Ibn Ash-Shihna Al-Hijâzî (1227-1330). Cela en 14 séances, dont la première eut lieu le mardi 15 ramadân 726, et la dernière le lundi 28 Ramadan.
La lecture était faite par l’imâm, sachant tout le Coran par coeur, l’historien de la Syrie, ‘Alam ad-Dîn Abû Muhammad Al-Qâsim b. Muhammad Al-Birzâlî (m. 1338 célèbre traditionnaire), originaire de Séville et citoyen de Damas ; et étaient présents un nombre considérable d’auditeurs, dont les noms ont été consignés dans un catalogue par Muhammad b. Tughrîl As-Sayrafî. Parmi ceux-ci, le shykh Abû al-‘Abbâs al-Hijâzy a entendu l’explication du livre entier.
[…Isnad]
Parmi les habitants de Damas qui m’ont donné la Licence Générale, je mentionnerai les suivants :
[… noms et titres des shyûkhs dont ]
La savante shykha, pieuse, Umm Muhammad ‘Aîsha bt Muhammad Al-Harrânî. m. 1336, couturière, (une des 16 Aïcha savantes du siècle)
La vertueuse shykha, Ruhiya Ad-Duniyâ Zaynab bt Kamâl ad-Dîn Ahmad Al-Qudsî (Une des 23 Zaynab m. 1339 a voyagé bcp)
Tous ces personnages m’ont délivré une permission universelle d’enseigner, l’an 626, à Damas Ibn Battûta a reçu 13 diplômes en 3 semaines
Quand apparut la lune de Shawwâl 1326, la caravane du Hijâz sortit de la ville de Damas, et campa dans le village appelé Kiswa (1ère étape, 15 km). Je me mis en marche avec elle ; son commandant était Sayf ad-Dîn Al-Jûbân, un des principaux émirs, et son Qâdi, Sharf ad-Dîn Al-Adra‘î Al-Hawrânî. Cette année-là, le Mufti des mâlikites, Sadr ad-Dîn Al-Ghumârî Yusuf b. Ahmad Ibn Ghannum (m.1333), fit le pèlerinage de La Mecque.
Je voyageai avec une troupe d’Arabes appelés Al-‘ tribu Yaman de Khath’am. dont le chef était Muhammad b. Râfi‘, personnage important d’entre les Amirs. Nous partîmes de Kiswa pour un gros village nommé As-Sanamayn (30km de Kiswa), et ensuite pour
BUSRA :
La ville d’Izra‘a est petite, et fait partie du pays de Hawrân. Nous fîmes halte tout près d’elle et nous nous dirigeâmes après cela vers la petite ville de Busrâ.
La caravane s’y arrête ordinairement 4 jours entiers, afin de donner le temps de la rejoindre à ceux qui sont restés en arrière à Damas, pour finir leurs affaires. C’est à Bosrâ que vint l’envoyé de Dieu, avant le temps de sa mission divine, pour les intérêts du commerce de Khadîdjah ; et l’on voit dans cette ville la place où se coucha sa chamelle, et sur laquelle on a bâti une grande mosquée. Les habitants du Haourân se rendent dans cette ville, et les pèlerins y font leurs provisions pour le voyage. Après cela, ils partent pour Birket Zîza (30 km S Ammân), et ils y restent 1 jour. Ensuite ils se dirigent vers Al-Ajjûn, où se trouve de l’eau courante, et après vers le château de Karak.