- Introduction
- 1 : Qu’est-ce que l’Anti-Sémitisme
- 2 : L’Anti-Judaïsme chrétien
- 3 : L’Islam primitif et les judaïsants
- 4 : Un Anti-Judaïsme Musulman ?
- 5 : L’Anti-islamisme chrétien et l’anti-christianisme judéo-islamique
- 6 : La dérive inquisitoriale_les causes
- 7 : La dérive Inquisitoriale_disparition de l’altérité
- 8 : La civilisation judéo-islamique et la centralisation étatique
- 9 : L’Occident en expansion et le racisme bourgeois
- 10 : La constitution d’une communauté juive d’Occident et les prémices de l’anti-sémitisme
- 11 : L’Occident à la conquête de la civilisation judéo-islamique
- 12 : Racisme allemand et anti-sémitisme français
- 13 : Sionisme et Colonialisme : annihilation de la civilisation judéo-islamique
- 14 : La Construction de la “communauté juive de France (1) avant 1962
- 15 : La Construction de la communauté juive de France (2) l’époque post-coloniale
- 16 : Les juifs et l’anti-sémitisme actuel
- Conclusion : anti-sémitisme islamique/anti-islamisme judaïque ?
De manière intéressante, l’histoire “islamique” commence au moment de la rupture définitive entre christianisme et judaïsme. L’historiographie des deux premiers siècles de cette histoire n’en est qu’à ses balbutiements. Il est donc difficile de proposer une vision d’ensemble satisfaisante, qui ne soit pas sur-interprétative.
Certains faits sont vraisemblablement établis :
-Le royaume du Himyar (Yemen) est dominé par une dynastie et une élite judaïsante au Vème et VIème siècle. Il est ensuite conquis par l’Ethiopie chrétienne monophysite (aliée de Byzance). C’est alors qu’apparaît un christianisme d’influence abrahamique, qui concilie un bon siècle de culture judaïque avec le christianisme officiel des gouverneurs éthiopiens du Yemen.
-La cité de Yathrib où est fondée la Madîna (cité-capitale) du proto-Etat des « émigrés » en 621 ou 622, est peuplée, comme les autres agglomérations de l’oasis, de nombreuses tribus judaïsantes (peut-être sont-elles majoritaires). Ces clans sont cependant de culture arabe. Il en est de même dans l’oasis de Ta’îf, sans parler de celle de Khaybar, qui semble exclusivement judaïsante, et les tribus, bédouinisées, de la région, sont considérées comme juives (qaraites ?) jusqu’au XVIIIème siècle…
-L’historiographie a conservé l’identité judaïque de nombreux compagnons du prophète avant leur « conversion à l’Islam ».
-Le texte fondateur des relations entre juifs et musulmans aurait été établi par le Prophète lui-même. On y distingue la communauté des « Auxilaires » (Ançâr), les arabes _définis a posteriori_ non juifs et non chrétiens, vivant dans l’Oasis de Yathrib, les « Emigrants » (Muhâjirîn), censés être les disciples du prophète à La Mekke, et, enfin, les « Judéens » (Yahûd). Ces trois communautés se doivent assistance et solidarité, les Judéens ont une série de privilèges, on leur épargne notamment le service militaire.
-Les sources externes (non arabophones) expriment avec vigueur, et de manière répétitive, les liens entre les « Muhâjirîn » et les Juifs, dans le façonnement de la doctrine coranique, dans la conquête de Jerusalem, et dans l’assujettissement des chrétiens.
-La capitale de « l’émigration », Kûfa, est sise à quelques milles des grands centres judéo-araméens de « Babylonie », où fut rédigé le plus respecté des deux Talmuds.
-Selon les sources chrétiennes comme musulmanes, le premier acte des « arabes », après la prise de Jerusalem, fut l’autorisation pour les juifs, pour la première fois depuis 5 siècle, de pénétrer dans la ville-sainte.
-Les sources chrétiennes du VIIème siècle et les sources islamiques (plus tardives) assurent que la première réalisation des « sarracènes » fut de nettoyer le mont du temple, couvert, depuis 5 siècle, d’un monceau d’ordures, et d’y « reconstruire le Temple de Salomon ». Il s’agirait d’un petit oratoire, peut être sur le plan d’un martyrion, observé par le pèlerin Gaulois Arculf en 670… L’historiographie musulmane en fait le premier jet de la future « Coupole du Rocher » (re)fondée en 692 par ‘Abd al-Malik. Elle reste dans nos sources un lieu saint abrahamique et le point de départ de « l’ascension » du prophète de l’Islam.
-La constitution de la “Sunna des Arabes”, à la base du droit musulman, s’inspire dans la méthode, dans l’esprit, et même dans la racine sémitique, de la constitution de la Mishna (la « tradition » judéenne, la « Torah Orale »). Les termes scolaires de Midrash et Talmud renvoient à des équivalents arabes assez probants : Madrasa : « Ecole »; Talmidh : « étudiant »
On pourrait doubler ou tripler, et surtout détailler ces exemples… Il ne fait aucun doute que les arabes ont éprouvé, pour une raison ou une autre, une forte solidarité avec les juifs, sans doute parce qu’ils étaient eux même puissamment judaïsés, même lorsqu’ils n’étaient pas formellement juifs (n’importe quel connaisseur un tant soit peu éclairé du Talmud le constatera en lisant les pages « mekkoises » du Coran).
Les Yemenites étaient chrétiens crypto-judaïsants, et depuis le reflux des armées éthiopiennes à l’aube du VIIème siècle, ils avaient pu restaurer l’orthodoxie qaraite/talmudique, même si une partie, resté « Esaü-istes » (rappelez-vous, Esaü est le nom symbolique de Rome et du christianisme romain) sont peut être à l’origine des passages coraniques insistant sur la réalité du messianisme de ‘Isâ fils de Marie ».
Les sources « externes » chrétiennes insistent souvent, même les plus anciennes, pour faire de l’Islam une sorte de complot juif. Initialement, ils ne contestent pas le « Muhammadisme », ils y voient la manipulation de peuples frustes et ignares par des idéologues judéens… Heraclius en aurait reçu l’annonce divinatoire, il l’aurait mal interprétée dans sa forme. Et, pourchassant les juifs, il aurait finalement du abandonner le Diocèse d’Orient aux mains des arabes. La preuve de cette collusion judéo-arabe résidait, pour ces auteurs, dans la circoncision, pratiquée aussi bien par les « Ismaelites » que par les « Israelites »…