Cependant, si une partie de l’élite française joue la carte des communauté judéo-arabes, qu’une partie de l’élite anglaise joue celle de l’émigration du prolétariat Yiddish (dont personne ne veut) au cœur de la Syrie-Palestine, dans une zone éminemment stratégique qu’il est impossible de ne pas garder, la haine de la bourgeoisie d’ascendance chrétienne, en Europe même, contre cette nouvelle élite israelite assimilée ne trouve plus de bornes.
L’homogénéisation de l’occident s’achève alors sur la destruction de la Pologne-Lituanie, et les pogroms à répétition, qui détournent la colère populaire contre les épiciers et usuriers des Stetl, avec l’appui de l’Etat Russe, contraignant les Yiddish à fuir en masse vers l’Amérique.
La définition raciale des identités est, elle, pratiquement achevée. Un allemand parle l’allemand et il est de race allemande, même chose pour les italiens, les écossais ou les portugais…mais aussi les serbes, les tchécoslovaques ou des polonais… ce qui pousse l’éclosion du nationalisme ethno-racial au cœur des empires multiraciaux et multi-confessionnels de Russie, d’Autriche et de Turquie…
La structuration du racisme anti-sémite vient de la constitution raciale de l’identité allemande. En effet, puisque les Yiddish et autres judéo-germanophones parlent allemand, ils sont donc des Allemands. Pourtant, ils n’ont culturellement, pas assez de point communs. Comme la race est devenue le crible darwinien de définition de l’identité, ces éléments de culture judéo-islamique, au cœur de l’europe allemande ne peuvent être que des intrus, définis comme sémites.
Mais c’est en France, Etat pourtant théoriquement non-racial puisqu’assimilant des peuples non gallo-romains à la nation française (alsaciens, bretons, basques, corses, judéo-algériens, sénégalais des 4 communes) que va exploser l’anti-sémitisme : la seule unité de la Gaule, puis du royaume des Francs, puis du royaume de France ayant toujours été son catholicisme romain, les juifs, même assimilés, même convertis, constituent un ennemi intérieur, c’est alors qu’interviennent les Drumont, les Renan, les Barrès.
Le Sémite renvoie à tous les clichés de l’oriental judéo-musulman, le sémite à l’exprit embrouillé, quand l’indo-européen est classique. Ainsi, la medina de Fès est à l’image de l’entremêlement racial, culturel et linguistique du Moyen-Orient, un monde informe, désordonné, qui menace l’ordre européen dans ce qu’il a de plus essentiel. Même le christianisme, religion d’un juif pour des juifs, est revisité, il devient la plus belle création, avec l’ordre romain, de la race européenne, et c’est par son identité européenne (comprenons catholique-romaine) qu’il a magnifié la spiritualité humaine. C’est ce qu’un Maurras, tout athée qu’il est, pourra prendre en compte afin de jeter les bases d’une identité racialo-culturelle française.
L’affaire Dreyfus est ainsi la rencontre entre le racisme allemand et l’anti-sémitisme français ; et, c’est à la même époque, dans le même mouvement d’idées nationalistes, racistes et post-darwiniennes, que va se développer le projet sioniste.