Le 10, j’étais à faire bouillir un peu de lait pour mon déjeuner : deux hassanes qui venaient d’arriver au camp s’approchèrent de moi; l’un d’eux jeta un chiffon sale dans mon lait, puis fit semblant de gronder son camarade, comme pour me faire croire que ce n’était pas lui qui l’avait jeté, et qu’il prenait intérêt à moi. Ce trait et celui que je vais raconter donneront une idée du caractère de cette classe. Ces deux hommes se trouvaient encore au camp le 1 2, au moment où l’on se disposait à aller plus loin. Ils trouvèrent un malheureux haddad ( ouvrier en fer), et voulurent le forcer à leur donner un coussabe ; ce malheureux n’en avait pas pour lui-même, car il était nu : ils le frappèrent, lui firent des menaces, puis lui mirent une corde au cou, et l’attachèrent à un chameau pour l’emmener avec eux; mais au moment de partir, un marabout obtint sa grâce à force de prières.
Comme je demandais la cause de tant de cruauté, on me dit que c’est ainsi que les hassanes traitent les zénagues (tributaires), quand ils veulent leur extorquer quelque chose ; qu’ils leur font suivre leur chameau à la course, en les frappant impitoyablement, et qu’ils ne les lâchent qu’après en avoir obtenu ce qu’ils demandent.
Les ouvriers sont toujours des zénagues ; ils sont généralement méprisés des autres classes, et sans cesse exposés au pillage des hassanes. Quand ils ont gagné quelque chose par leur travail, ils le donnent à garder à un marabout, car ils ne pourraient le conserver chez eux. Ils sont ou cordonniers ou forgerons : les cordonniers font tous les ouvrages en cuir, sandales, porte -feuille s, selles, etc : les forgerons font les serrures, les entraves, les poignards, et généralement tous les ouvrages en fer; ils sont, de plus, orfèvres, et travaillent avec beaucoup d’adresse ; ils ont peu d’outils, et font des ouvrages étonnans. On leur fournit ordinairement le métal, et on leur donne en paiement du mil, du lait, ou de l’étoffe pour faire des vêtemens.