Dans toutes les grandes villes, ils ont un premier magistrat, qui porte le titre d’alkaïd et dont la place est héréditaire. Cet alkaïd est chargé de maintenir l’ordre dans la ville, de percevoir les droits qu’on impose aux voyageurs et de présider toutes les séances de la juridiction du lieu et l’administration de la justice.
La juridiction est composée de vieillards de condition libre, et on appelle leur assemblée un palaver. Elle tient ses séances en plein air et avec beaucoup de solennité. Là, les affaires sont examinées avec franchise, les témoins publiquement entendus, et les décisions des juges reçues ordinairement avec l’approbation de tous les spectateurs.
Comme les Nègres n’ont point de langue écrite, ils jugent en général les affaires d’après leurs anciennes coutumes. Mais, depuis que la loi de Mahomet a fait de grands progrès parmi eux, les sectateurs de cette croyance ont insensiblement introduit avec leurs préceptes religieux plusieurs des institutions civiles du prophète ; et lorsque le Koran ne leur paraît pas assez clair ils ont recours à un commentaire intitulé Al Scharra, qui contient, dit-on, une exposition complète des lois civiles et criminelles de l’islamisme, très bien mises en ordre.
La nécessité d’avoir souvent recours à des lois écrites, que les Nègres qui professent encore le paganisme ne connaissent pas, fait qu’il y a dans leurs palavers ce que je ne m’attendais guère à trouver en Afrique, c’est-à-dire des gens qui exercent la profession d’avocat ou d’interprète des lois ; et il leur est permis de comparaître et de plaider, soit pour l’accusateur, soit pour l’accusé, de la même manière que dans les tribunaux de la Grande-Bretagne. Ces avocats nègres sont mahométans ; ils ont fait, ou du moins ils affectent d’avoir fait, une étude particulière des lois du prophète ; et, si j’en peux juger par leurs plaidoyers que j’allais souvent entendre, ils égalent dans l’art de la chicane et des cavillations les plus habiles plaideurs d’Europe.