L’empereur Héraclius était d’un aspect agréable, d’un beau visage, d’une taille haute, le plus fort de tous et vaillant guerrier. Souvent seul et sans armes il tua des lions dans l’arène, et fit face à plusieurs hommes. Comme il était très versé dans les lettres, il devint astrologue. Découvrant à l’aide de cet art que, par la volonté divine, l’empire serait détruit par les nations circoncises, il envoya vers Dagobert, roi des Francs, pour le prier d’ordonner que tous les Juifs de son royaume fussent baptisés ; ce qui fut aussitôt exécuté par Dagobert. Héraclius fit la même chose dans toutes les provinces de son empire, car il ignorait d’où partirait ce fléau de l’empire.
Les Agasins, aussi nommés Sarrasins, comme le dit Orose, nation circoncise et habitant du côté du mont Caucase, au-dessus de la mer Caspienne, dans le pays nommé Ercolie, étant devenus trop nombreux, prirent les armes et se jetèrent sur les provines de l’empereur Héraclius. Héraclius envoya des troupes pour s’opposer à eux. Le combat s’étant engagé, les Sarrasins furent vainqueurs, et taillèrent leurs ennemis en pièces. On rapporte que, dans cette bataille, les Sarrasins tuèrent cent cinquante mille soldats. Ils envoyèrent des députés à Héraclius pour lui offrir de rendre les dépouilles. L’empereur, désirant se venger des Sarrasins, ne voulut rien recevoir d’eux. Ayant levé clans toutes les provinces de l’Empire un grand nombre de troupes, il envoya une députation du côté des Portes Caspiennes, qu’Alexandre le Grand avait construites en airain au-dessus de la mer Caspienne, et qu’il avait fait fermer pour repousser l’invasion des peuples barbares, qui habitent au-delà du mont Caucase. Héraclius fit ouvrir ces portes, et par-là vinrent, contre les Sarrasins, cent cinquante mille soldats qu’il loua à prix d’argent. Les Sarrasins, ayant deux chefs, étaient près de deux cent mille. Les deux armées ayant assis leur camp non loin l’une de l’autre, afin de commencer la bataille le lendemain matin, dans cette nuit même l’armée d’Héraclius fut frappée du glaive de Dieu. Cinquante-deux mille soldats moururent étendus dans leur camp ; et, devant sortir le lendemain pour combattre, quand ils virent qu’une très grande partie de leur armée avait péri par le jugement de Dieu, ils n’osèrent s’avancer pour combattre les Sarrasins. L’armée d’Héraclius étant retournée dans ses foyers, les Sarrasins, selon leur coutume, s’avancèrent en ravageant sans relâche les provinces de l’Empire. Comme déjà ils s’approchaient de Jérusalem, Héraclius, voyant qu’il ne pouvait résister à leurs attaques, fût désolé et saisi d’une douleur excessive ; et ce malheureux roi, qui, abandonnant la foi chrétienne, suivait l’hérésie d’Eutychès et avait pour femme la fille de sa sœur, tourmenté de la fièvre, finit sa vie dans les angoisses. Son fils Constantin lui succéda. Sous son règne, l’empire romain fut cruellement ravagé par les Sarrasins.