Chemin faisant, elle détourne sa course, arrive chez Iarbas dont elle embrase l’esprit par ses dires, et accroît les rancoeurs.
Ce fils d’Hammon et d’une nymphe enlevée au pays des Garamantes avait, en son vaste royaume, élevé à Jupiter 100 temples immenses, 100 autels, et avait consacré un feu perpétuel, pour les dieux, une éternelle garde. Leur sol était gras du sang des victimes et leurs seuils fleuris de guirlandes de toutes sortes.
Iarbas, l’esprit égaré, enflammé par cette amère rumeur, pria, dit-on, devant les autels, parmi les statues divines, les mains levées en suppliant, invoqua longuement Jupiter :
« Jupiter tout-puissant, à qui les Maurusiens offrent désormais les libations lénéennes quand ils banquettent sur des lits brodés, vois-tu ce qui se passe ? Ou, père, est-ce en vain que nous tremblons quand tu brandis tes foudres et que, aveugles dans les nuages les éclairs terrifient nos esprits, et y mêlent leurs vains grondements ?
Cette femme, qui errait sur notre territoire, a établi, à prix d’argent, une petite cité sur le bord de mer que nous lui avons donné à cultiver, lui imposant les lois du lieu ; elle a repoussé notre offre de mariage, et a accepté Énée comme maître dans son royaume.
[…]
Le Tout-puissant l’entendit; il tourna ses regards vers les murs de la reine et vers les amants oublieux d’une plus haute gloire.
Puis s’adressant à Mercure, il lui ordonne ce qui suit : « Allons, va, mon fils, appelle les Zéphyrs et d’un glissement d’ailes […] »