Skylax, Périplous, Etapes des Colonnes d'Hercule à l'Île de Kernè, commerce phénicien, les Ethiopiens, v. -350

[…] La colonne d’Hercule, le promontoire de Libye, et la ville d’Apanytie sur un fleuve.

A l’opposé de cette dernière sont les îles Gadès.

Si votre navigation est heureuse, vous employez 7 jours et 7 nuits à parcourir l’espace qui sépare la ville de Carthage des colonnes d’Hercule.
Les îles Gadès, dont une a une ville, appartiennent l’Europe.
Là sont les colonnes d’Hercule, Celle qui est en Libye est très petite, et celle qui est en Europe est très élevée; éloignées l’une de l’autre d’un jour de navigation, elles se tournent le dos.
Si vous suivez le calcul que j’ai employé pour les distances d’Asie et d’Europe, vous trouverez qu’en parcourant les diverses sinuosités que fait la mer, il vous faudra 65,25 jours pour parcourir toute la Libye, depuis l’embouchure Canopique qui est en Egypte, jusqu’aux colonnes d’Hercule.
Toutes les villes, tous les comptoirs que j’ai passé en revue sur la Libye, depuis le golfe Surtis, auprès des Hespérides jusqu’aux colonnes d’Hercule, appartiennent aux Carthaginois.
Si vous passez les colonnes d’Hercule, en laissant la Libye à gauche, vous rencontrez un grand golfe qui se prolonge jusqu’au promontoire Hermès ; car il y a encore ici un promontoire de ce nom. (comme au Cap-Bon)
Au milieu du golfe est la ville de Pontion, près de laquelle est un grand lac, parsemé de plusieurs îles : les bords de ce lac sont jonchés de roseaux, de troènes, de plantes arborescentes épineuses, et de joncs. On y voit aussi des pintades ; et c’est le seul endroit où elles se trouvent. Le lac porte le nom de Cephesias, et le golfe, qu’il ferme, celui de Cotès. Le promontoire Hermès, sur lequel sont les colonnes d’Hercule, se trouve au milieu.

Au delà sont de vastes déserts qui s’étendent depuis la Libye jusqu’en Europe, et sur lesquels on ne trouve aucun fruit. Cette solitude est la même sur le promontoire d’Europe, qui est opposé à celui-ci. Il s’appelle le promontoire sacré.

Au delà du promontoire d’Hermès, est le fleuve Adonis, qui va se jeter dans le grand lac.
On trouve ensuite le grand fleuve Lixos, sur les bords duquel est une ville phénicienne du même nom, et, en face d’elle, sur le bord opposé, une autre ville avec un port.
Après le fleuve Lixos vient le Krabis, sur lequel est Thymiateria, ville phénicienne avec un port.

En sortant de cette dernière ville, vous découvrez le promontoire de Soloente, qui s’avance beaucoup dans la mer. Cette, région-là est la plus célèbre de la Libye. C’est-là que viennent les différents peuples qui habitent, pour y exercer leur piété envers les Dieux. Au haut du promontoire est un grand autel consacré à la douleur et à Poséidon. Sur cet autel, que l’on dit construit avec beaucoup d’art, sont des images de lions, de dauphins. Sur le promontoire Soloente, coule un fleuve qu’on appelle Xion, et dont les bords sont habités par une tribu d’Ethiopiens, appelés sacrés. Près de là est l’île Kerné.

La navigation, depuis les colonnes d’Hercule jusqu’au promontoire Hermès, est de 2 jours depuis ce dernier lieu jusqu’au promontoire de Soloente, de 3 jours ; et de Soloente jusqu’à Kerné, de 7 jours. Tout ce trajet depuis les colonnes d’Hercule jusqu’à l’île de Cerné, est de 12 jours.

Les mers qui sont au-delà de cette île, ne sont plus navigables, à cause de bas-fonds, des bancs de sables, et de l’algue marine qui couvre sa surface. Cette plante a une palme de largeur, et elle finit en une pointe tellement acérée, qu’elle tranche tout ce qui s’offre sur la surface de l’eau.

Tous les comptoirs qui sont dans ces parages, appartiennent aux Phéniciens. Lorsqu’ils arrivent dans l’île de Kerné, ils amarrent leurs bâtiments, tendent leurs tentes et, à l’aide de petits vaisseaux plats, ils transportent leurs marchandises sur le continent.

ETHIOPIENS :

Ceux avec lesquels ils trafiquent, sont les Ethiopiens. Ils leur vendent des peaux de cerfs et de lions, et des pierres précieuses, des peaux et des dents d’éléphants, et des troupeaux de bêtes domestiques. Les plus riches ameublements de ces Ethiopiens consistent dans des vases ciselés et dans des bouteilles d’ivoire: Les femmes ont pour ornement des bracelets d’ivoire. Ils emploient aussi cette parure pour décorer leurs cheveux Ces peuples sont, de tous ceux que nous connaissions, les plus grands; car ils ont plus de quatre coudées de haut : quelques uns même ont jusqu’à cinq coudées. Ils portent la barbe et les cheveux longs; ce sont les plus beaux hommes de la terre. Celui qui, parmi eux, a la plus belle taille devient leur chef. Ils sont excellents cavaliers, et archers très adroits. Ils décochent leurs flèches, durcies au feu, avec une dextérité merveilleuse Les négociants Phéniciens portent aussi à ces peuples de l’onguent d’Egypte, des béliers châtrés, des tuiles attiques et des vases. C’est pendant les fêtes de la nation que se fait ce commerce de la vaisselle. Les Ethiopiens sont carnivores et emploient le lait pour leur boisson; cependant ils ont l’usage du vin qu’ils tirent en abondance des vignes qu’ils cultivent. Ils ont une grande ville où les Phéniciens vont porter leurs marchandises. Quelques-uns prétendent que les Ethiopiens habitent un vaste territoire qui confine par l’intérieur des terres à l’Egypte, et de l’autre à la mer. Ils assurent que la Libye n’est autre chose qu’une presqu’île.