Nasiri, Al-Istiqsâ, XIXème siècle sauf My Slimane

Les Berbers s’accordent tous pour proclamer le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân bn Hishâm causes de cet événement

Nous avons vu qu’après l’affaire de Zayan les Berbers, coalisés pour résister au Sultan et s’en séparer, s’étaient coalisés contre lui et contre tous ceux qui parlaient l’arabe dans le Maghrib. A la mort du sultan Mawlay Slimàn, suivie de l’avènement du sultan Mawlay ‘Abderralunàn, les Berbers confirmèrent ce serment qui reçut ainsi plus de force et de solidité, et se préparèrent à continuer avec la dernière vigueur leur révolte et leurs intrigues. Leur chef Elhadj Muhammad bn Elgâzi E/.zemmoûri prit la direction du mouvement. Non content de ce qu’il avait fait à l’affaire de Zayân en provoquant la déroute de Mawlay Slimàn, il avait commis un acte analogue en prètant serment à Mawlay ISràhim bn Yazîd, et en entraînant ceux qui le touchaient de près ou de loin. Dans la crainte que celui de ses frères ou de sa famille qui succéderait au Sultan n’usât de représailles contre lui, il s’employa activement à détourner les IJerbers du Sultan, et recourut, pour cela, à l’appui de 15où Bkeur Mhàouch. Les chefs lierbers se livrèrent à lui, et un accord unanime se fit entre eux, pour faire disparaître entièrement le nom du Sultan et de son parti du territoire du Maghrib. Il est probable que leur cause fut embrassée aussi par divers brigands ‘Arab-s, comme les fractions de Béni Hsen appelées Essefdf’a et Ettouâ/.it, les Za’ir, et presque tous les ‘Arab-s de Tàdla.

Mais Dieu, voulant rompre ce qu’ils avaient consolidé et disperser ce qu’ils avaient réuni et ordonné, trouva bientôt un prétexte d’intervention. Le shaykh Ahoù ‘Abdallah Edderqâoui avait été emprisonné par les Où (Malou ?)

leva dans les conditions que nous avons rapportées, lors de la révoltedes fils tic Yazîd, et il était encore en prison lorsque fut proclamé Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân. Comme Bn Elgdzi était un des disciples de ce shaykh, et qu’il avait en lui une confiance immense, les fils de ce dernier vinrent le trouver, et demeurèrent chez lui pour le décider à travailler à l’élargissement de leur père. Leurs instances furent si vives qu’il se vit obligé de manifester son obéissance au Sultan et de rentrer Sûs la loi commune. Il se rendit auprès du Sultan, accompagné d’une bande formée desprincipaux de ses contribules, qui lui apportèrent leurs présents et leur hêta. Les autres Borbcrs Ait Idrâsén et Guerouûn qui s’étaient coalisés avec lui, voyant qu’il était allé chez le Sultan, crurent a sa trahison et, rejetant leur pacte, s’empressèrent d’apporter leur serment de fidélité au Sultan, et de le servir de leurs biens et de leurs personnes. Elhasan hen Hamino Ou ‘Azîz, chef des Aït ïdrasén, alla donc faire sa soumission, escorté des notables de son groupe, et rentra ainsi dans la loi commune. Or, comme il était, avec Bn Elgâzi, la base même des affaires des Bcrbers, Dieu amena la défection des uns et des autres, et les réunit pour reconnaître le Sultan sans coup férir et sans pertes d’hommes ni de chevaux. Le Sultan les reçut avec une extrême bienveillance, particulièrement Bn Elgâzi, qu’il sut gagner et dont il fit son conseiller le plus intime il ne prit plus aucune décision sans le consulter et lui accorda la liberté du shaykh Abû ‘Abdallah Edderqâoui, Dieu lui fasse miséricorde Le Sultan maria ensuite Bn Elgâzi à une des concubines de son oncle, qui était la fille du qâ’îd ‘Omar bn Bû Setta. La situation de Bn Elgâzi dans le gouvernement s’accrut du fait de ce mariage; il fut tout dévoué à ce Sultan contre lequel il avait d’abord dirigé la résistance, et l’accompagna deux fois à Murrâkush, comme nous allons le rapporter, s’il plaît à Dieu.

Le Sultan se met en route pour examiner les affaires de ses sujets et arrive à Ribât Elleth

Les réceptions des délégations terminées dans la capitale de Fâs, le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân bn Hishâm se préoccupa d’examiner les affaires de ses sujets et de consolider son autorité dans les parties éloignées do rEnipirc. Il nomma, d’abord comme gouverneur de Fâs, son nègre le qàïd JJoù Jouiu’a lion Sùl(;m,(|ui était proposé à la porle du grand ])alais de Fcs Eljedîd, puis, au moment departir en voyage, le destitua, pour le remplacer par son cousin Sîdi Muhammad l)ou Eljayvéb. 11 quitta ensuile Fus Eljedid, se j)ro])osanl. d’inspecter le pays. Il alla d’abord jusqu’à Qsar Rétama, en passant parle pays des Selian, et séjourna dans cette ville, à Koudial Mawlay Ismà’il. Il y reçut la visite (le Mawlay ‘Abdcsselàm, fils du sultan Moùlav Sb’inàn (Dieu lui fasse miséricorde !), accompagné d’un groupe de chéiîl’s et de secrétaires, parmi lesquels étaitAbû ‘Abdallah Akensoùs. Ce Mawlay ‘Abdessclàm était tallé de Tàfj’lèlt à Murrâkush après la mort de son père, afin d’y recueillir le serment de fidélité des habitants de celle ville en faveur de son frère Mawlay Wbdelouùhed bon Sliinàn, qui avait été proclamé à Tâi’ilêlt et avait été reconnu a l’unanimité par tes habitants de cette région. Mais, quand il eut constaté que le sultan Mawlay ‘Abderrahman avait définitivement réuni les suffrages de toutes les populations du Maghrib, LMawlay ‘Abdesselani avait renoncé, à son grand regret, à la mission qui l’avait amené, et avait voulu réparer sa faute envers le Sultan en se rendant lui-même auprès de lui et en lui apportant sa bêta. « Dès que nous arrivâmes auprès du sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân à Qsar Kolâina, venant de Murrâkush, dit Akensoùs, il me fit donner Tordre d’entrer auprès de lui, car il était très désireux d’obtenir des renseignements sur le Sultan défunt, Mawlay Slinian. Je fus introduit chez lui, et je m’assis devant lui pendant près de deux heures. II me posa une foule de questions. Après la prière du mogréb, j’allai de nouveau chez lui, et il me questionna encore sur ce qui lui restait à apprendre. Il vint ensuite à parler des fils de son oncle le Sultan défunt, et me jura qu’il ne nourrissait pour eux que des sentiments de hienveillance. »

 

DYNASTIE AI.AOUIE 1)U MAHOC

 

Deux ou trois jouis après, le Sultan parlil pour lîibàt

Klfelh, où il fit séjour, Il reçut les délégations des liibus

du IIoûz et leurs chefs, puis après avoir célébré la lète de

la rupture du jeune de l’année I23>S, il retourna a l’ès,

accompagné des tribus du Hawz venues pour le saluer.

A son arrivée à Fâs, il reçut, son oncle Mawlay Moùsa

bon Muhammad qui était accompagné d’un cerlain nombre

de .gens de Murrâkush, parmi lesquels se trouvait Mawlay

Wbdelouûhéd bn Slîinfin, qui avait été proclamé à Tàfilèlt.

H les traita tous généreusement et les recul avec lion

ncur. Il ne lit de reproches à aucun des partisans île .Moù

lay ‘Abdelouàhéd au contraire, il leur pardonna el leur

donna des cadeaux. Il conféra ensuite le gouvernement

de Murrâkush à son cousin Mawlay Mbârék bon Ali bn

Muhammad, qui se mit en route en compagnie de ces visi

teurs, et administra cette ville jusqu’au moment où il advint

de lui ce que nous allons raconter.

 

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) fit, après cela,

acheter la maison de Abû Muhammad ‘Abdesselàm Checj

chaq ElFâsi, qui étaitvoisine de la coupole de Moùlav ldris

(Dieu soit satisfait de lui et se trouvait entre ce monu

ment et la qaïsariya. Il la fit démolir pour en annexer le

terrain à la mosquée de Mawlay ldris (Dieu soit satisfait

de lui !). Il réunit pour cela des artisans et des ouvriers qui

se mirent à l’oeuvre et édifièrent une mosquée plus belle

que l’ancienne. Celui qui fut chargé de s’occuper de ces

travaux fut le chérîf Mawlay Elhachim bn Melloùk Elbel

gîti. En peu de temps, cette construction fut terminée,

réunissant toutes les conditions désirables de beauté et de

solidité. Dieu inscrivit la récompense de cette œuvre sur

la page du Sultan.

 

Durant cette période, mourut le grand cbéïkh, qui con

nut Dieu, le célèbre Abû ‘Abdallah Sidi Muhammad El

‘arbi bn Ahmad Edderqâoui (Dieu soit satisfait de lui !>.

Sa mort eut lieu dans la nuit du lundi au mardi 23 safar

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AHCHIVES MAROCAINES

1239. Il fut enterré le lendemain i lîoù Ilrîh, dams le pays

de Gomàra. Son tombeau est Jjien connu. Ce personnage

(Dieu soit satisfait de lui !) était surprenant et jouissait

d’un rang iiès élevé ses lettres, qui se trouvent entre les

mains de tout le monde, sont empreintes d’un souffle béni.

Dieu nous fasse profiler de lui et de ses semblables

Le sultan Mawlay Abderrahmàn se rend à Miknâs, transfère les

Aït Yimmour dans le Hawzet part ensuite pour Murrâkush

En eflectuant son premier voyage à Ribât Elfetli, le

sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân s’était proposé d’examiner

de près la situation de ses sujets et leurs aspirations, afin

de pouvoir en tenir compte dans l’avenir. De retour à Fâs,

il se prépara de la façon la plus complète à soumettre le

Maghrib, à en pacifier les diverses régions et à en réu

nir les éléments désagrégés pour y ramener une vie expi

rante la révolte, durant la période d’anarchie qui venait

de s’écouler, avait successivement modifié la situation et

assombri les esprits. A Murrâkush, Mawlay Mbârék bn

‘Ali, gouverneur de la ville, s’était laissé dominer par son

mauvais entourage et de nombreuses plaintes étaient

adressées contre lui au Sultan. Celui-ci (Dieu lui fasse

miséricorde !) résolut de se mettre en route pour cette

ville. Quittant Fâs, il se dirigea d’abord sur Miknâs. A

son approche de la ville, les ‘Abîds se rendirent audevant

de lui, avec leurs étendards déployés. Mais leur petit

nombre fit dire au Sultan « Ouest le corps des ‘Abîds

d’Elbokhâri ? Il n’en reste plus, répondirent-ils, que ces

quelques hommes que.la révolte a troublés. A Dieu, et à

toi ensuite de les remplacer. Quand il entra à Miknâs,

le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) inspectale Trésor:

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 175.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAHOC

 

ARCH. MAROC. £

 

il le trouva [)lus « lisse que la paume de la main ». Les

‘Abids étaient en nombre excessivement réduit et dans le

plus grand dénùment ils avaient vendu leurs chevaux et

leurs armes pour se nourrir. Pour les tirer de leur misère

et relever leur situation, il les renforça de chevaux, d’armes

et de rations, et rétablit ainsi leur état, tout en mettant un

ternie à leur pauvreté.

 

« En résumé, dit l’auteur iVElj’éïch, ce Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde !) trouva un Empire qui avait été ébranlé

par des bouleversements successifs et qui, de la beauté

de la jeunesse, était passé à la laideur du vieil âge. Les

hommes avaient disparu et son champ d’action s’était

rétréci, depuis l’afI’aire de Zayan jusqu’à la mort du sultan

Mawlay Slnnâii. Quand Dieu y amena ce Sultan fortifié, il

n’y trouva plus qu’un léger souffle de vie et qu’un fan

tôme défaillant. Les colonnes qui le soutenaient étaient

ébranlées et penchaient vers cette ruine qui amène l’anéan

tissement. Mais Dieu lui apporta le soutien d’une fortune

extraordinaire, qui lui permit de reconstituer l’Empire sans

argent et sans hommes, à l’aide de l’insigne protection de

Dieu. Il rétablit sur ses bases la royauté ismâ’ilienne,

et rendit la vie à un corps dont le souffle était éteint. »

Après avoir terminé ce qu’il avait à faire à Miknâs, le

Sultan s’occupa des Aït Yimmoïir. Cette tribu était cam

pée au Jebel Selfât et à Elouelja Ettouîla depuis le règne

du sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde !). Ils

avaient fait souche et s’étaient multipliés, mais égarés par

leur séjour dans cette région merveilleuse où se trouvent

de« cultures si fert-iles, ils faisaient du tort à leurs voisins,

notamment aux gens du Garb et de Zerlioûtn. Sur l’ordre

du Sultan, le qâ’îd Abû ‘Abdallah Muhammad bn Ichcho

Elmâlki El’euroui recourut à un stratagème pour les châ

tier et arrêta environ 400 d’entre eux, qu’il envoya au

Sultan. Celui-ci les transporta ensuite dans les environs

de Murrâkush et partit pour Ribàt Al-Fath, où, dès son arri

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ARCHIVES MAROCAINES

vée, il nomma son frère Mawlay Elmâmoùn hen Hishâm,

gouverneur de Murrâkush, en remplacement de Mawlay

Mbârék bn ‘Ali.

 

En quittant ensuite Ri bât Al-Fath pour se rendre à Mor

râkch, il passa par les tribus d’Echchàouya, chez lesquelles

il prit les mesures que comportait la situation. Il fit no

tamment mettre à mort Elhûchmî bn ‘Abbâs Ezzayâni.

Ce personnage avait tué par ruse le qâ’îd d’Echchàouya,

Abû lshâq Brâhîm Elourâoui il l’avait invité a chasser,

et, quand il s’était trouvé seul avec lui à l’endroit appelé

Tâddàrt, près de Medioùna, il lui avait tiré un coup de

fusil dont il était mort. Le Sultan, qui après ce meurtre

avait donné à Elhâchmi pendant quelque temps le com

mandement de sa tribu, voulut que sa tête fut coupée

dans ce même endroit. Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân passa ensuite

chez les tribus de Doùkkâla, où il châtia celle d’El’aounât,.

puis arriva à Murrâkush.

 

De là, il fit partir quelqu’un pour lui ramener Moham

med hen Slîmân ElFâsi, (lui avait été l’instigateur de la

révolte de Brâhhn bn Yazkl et qui était détenu à la prison

d’Eljezira. Sa tête fut coupée et exposée à Bâb Elkhamîs,

une des portes de Murrâkush. Avec lui était emprisonné

Afooû ‘Abdallah Muhammad Etfayyéb Elbéyâz ElFâsi le

Sultan le fit sortir de prison et lui pardonna, car, différent

de Bn Slîmân, c’était un homme respectable et sérieux

en affaires. Il le prit au service, et le nomma d’abord

amîn du port de Tanger, puis lui donna ensuite le gouver

nement de Fâs. Dieu sait quelle est la vérité

Excès et fin de ‘Bn Elgâzi Ezzémmoûri

 

Ainsi que nous l’avons rapporté, Al-Hâjj Muhammad

1. Teste arabe, IV0 partie, p. 176.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

bn Elgàzi Ezzéinmoùri avait prêté serment de fidélité au

sultan Mawlay Abderrahinàn et avait travaillé à l’élargisse

ment du shaykh Abû ‘Abdallah Edderqâoui (Dieu soit

satisfait de lui !). Le Sultan l’avait pris en amitié et l’avait

marié à une des concubines de son oncle Mawlay Slimàn

(Dieu lui fasse miséricorde !). Ouand il arriva à Murrâkush,

il l’avait avec lui et l’emprisonna. (Le récit d’Akcnsoùs ne

permet pas de savoir si l’arrestation de Bn Elgâzi eut

lieu au début du voyage qu’il fit à Morràkeh avec le Sultan,

ou si elle se produisit ensuite.) Voici quelle fut la raison

de cet emprisonnement. Bn Elgâzi avait avec le Sultan

une familiarité qui dépassait les limites où doit rester un

sujet visàvis d’un roi. Il avait l’habitude de se tenir

matin et soir à la porte du palais, comme les autres per

sonnages et hauts fonctionnaires du gouvernement, et con

formément à l’usage. Une nuit qu’il rentrait chez lui, il

fut épié par un des ‘Abîds qui ti ra sur lui un coup de fusil,

mais le manqua. Arrivé à sa maison, il porta ses soup

çons sur le Sultan, puis sur les membres du gouverne

ment. Sa familiarité l’entraîna à tenir des propos auda

cieux il tonna et tempêta, et proféra toutes sortes de me

naces. Ses paroles furent rapportées au Sultan, qui en

conçut de la colère contre lui. Dans son irritation contre

le gouvernement, il poussa l’aveuglement jusqu cesser

de venir à la porte du palais. Le Sultan qui avait cherché

à le ramener à lui, mais sans résultat, apprit ensuite qu’il

cherchait un moyen de prendre la fuite. Il se hâta de le

faire arrêter et l’envoya à l’île d’As-Swîra, où sont déte

nus les grands criminels. Il l’y fit enfermer. Au bout d’un

certain temps, un matin, on trouva Bn Elgâzi mort dans

sa prison c’était, diton, en 12ZiO.

Cette annéelà, un traité fut conclu entre le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) et la Sardaigne. Il contenait 28 articles, se rapportant à l’établissement de la paix, de la sécurité et des bons rapports dans le commerce et les diverses relations. Le quatorzième article de ce traité stipulait l’obligation pour les navires musulmans de faire quarantaine, en cas d’épidémie, pour être admis dans les ports sardes. Cette obligation était réciproque pour les navires sardes.

Nomination du chérîf Sîdi Muhammad bn At-Tayib au gouver

nement de Tâmisna, Dûkkâla et pays circonvoisins

Le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséri

corde .’) qui avait nommé son cousin le chérîf Sîdi Moham

med bn At-Tayib bn Muhammad hen ‘Abdallah gouver

neur de Fâs, l’y laissa pendant un certain temps, puis lui

donna le commandement de toutes les tribus de Tâmisna

et de Dûkkâla, avec les pouvoirs les plus étendus sur

elles. Ce Sîdi Muhammad était un homme d’une dureté

extraordinaire pour les révoltés. Sa violence était un mys

tère, et son épée une énigme. Il avait avec lui de grands

chiens, que le vulgaire appelle qnâj’ér on suppose que

s’il était irrité contre quelqu’un, il lançait sur lui ces chiens

pour le dévorer. On dit aussi que, lorsqu’on lui amenait

un criminel, il se levait et allait l’égorger de sa propre

main c’est ainsi qu’il se coupa un doigt en tuant un cou

pable.

 

Arrivé dans le Tâmisna, ce Sîdi Muhammad infligea une

terrible répression aux Wulâd Harîz il prit un grand

nombre de prisonniers, fit tomber près de 200 têtes, et

détruisit la qasba de Grîrân Elharizi, appelée Merjâna.

Le bruit de sa férocité se répandit rapidement parmi les

tribus qui furent terrifiées la crainte qu’il inspirait les

faisait frisonner.

 

Du Tâmisna, il passa dans le Dûkkâla. Arrivé au bord

1. Texte arabe, IVe partie, p. 176.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

de la rivière d’Azemmoûr, il fit amener ces prisonniers,

tua les uns, égorgea les autres, puis franchit la rivière

et s’installa dans la ville. La population fut frappée de ter

reur, et toutes les tribus de Doùkkâla se soumirent à son

approche. Il se rendit ensuite à Eljedida qu’il trouva en

ruines, telle qu’elle avait été laissée après la conquête,

lors du règne du sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse

miséricorde !). Cette ville s’appelait, avant la conquête, El

brîja, puis, comme, lors de la conquête, la muraille avait

été démolie par les mines, on lui avait donné le nom de

Elmehdoûina. Sidi Muhammad bn Ettavyéb fil recons

truire le mur d’enceinte et relever les ruines de la ville. Il

la nomma Eljedîda et menaça de peines graves quiconque

la désignerait Sûs un autre nom depuis cette époque,

elle ne fut plus appelée que Eljedîda. Ce fut lui qui fit

bâtir la petite qoubba qui fait face à la grande mosquée.

Quand le Sultan eut rétabli l’ordre dans cette région,

grâce à Bn At-Tayib et à la famine qui, sévissant alors

dans le Maghrib, exerçait ses ravages sur la population et t

risquait de la détruire totalement, il envoya son neveu dans

le Sahara pour le soumettre et percevoir les zekûts et les

ashûr-s. Il se rendit dans ce pays et en revint plus calme.

Le Sultan le nomma ensuite gouverneur d’Wujda, où il

resta peu de tempset qu’il dut quitter sans résultat.

Le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde!)

entreprend la plantation d’Agdâl dans la capitale de Murrâkush

Quand il eut pacifié le Maghrib, le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) entreprit la plantation d’Agdâl, à l’ouest de

Murrâkush. Agdâl est un immense parc qui comprend de

nombreux jardins, ayant chacun leurs limites, leurs noms

1. Texte arabe, 1V« partie, p. 177.

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ARCHIVES MAROCAINES

et leurs jardiniers, et plantés chacun d’une ou plusieurs

espèces d’arbres fruitiers, oliviers, grenadiers, pommiers,

citronniers et Wahrangers, vignes, figuiers, noyers, Amân

diers, etc. Chaque espèce de ces arbres produit, chaque

année, une récolte de milliers de mitsqûls la récolte des

citronniers et Wahrangers, par exemple, se vend 50.000 et

plus quand elle est abondante. Dans tous ces jardins se

trouvent des pieds de (leurs, de plants odoriférants et de

légumes de couleurs, d’odeurs, de goûts et de propriétés

variées dont on ne saurait calculer le nombre, d’autant

plus qu’il s’en trouve parmi elles que ne connaissent pas

les habitants du Maghrib et qu’ils n’ont jamais vues, car

elles ont été importées d’autres pays. Au milieu du pare

sont de grands bassins sur lesquels circulent des embar

cations. Il s’y déverse des eaux de source abondantes

comme des rivières qui servent à arroser les jardins. Il s’y

trouve aussi de nombreux moulins. Parmi ces bassins, il

y en a dont un seul côté mesure approximativement

200 pas. Les kiosques Chosroésiens, les pavillons Césa

riens, les terrasses Mérouaniennes qui s’élèvent à l’inté

rieur du parc, sont telles qu’elles immobilisent le regard

et défient toute description telles sont Dâr Elhanâ, Eddàr

Elbaïdâ, Essâlha, Ezzâhra, etc.

 

A ce parc fait suite le Jenân Ridouân, qui, par sa

beauté, par ses salles et ses magnifiques terrasses, sur

passe encore tout cela.

 

En résumé, le parc d’Agdâl est un des paradis de la

terre il surpasse les frondaisons de Bouân et fait oublier

Gamdân, et même Jennât Elmenâra, El’âfia et les autres

lieux de délices étonnants qu’a fondés à Murrâkush cette

dynastie à l’époque de sa jeunesse fortunée.

 

En commençant les plantations de ce parc, le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !) y amena les eaux de la source

appelée Tâsoultânt dans le pays de Mesfîoua et dont l’eau

est une des plus agréables, des plus légères et des plus

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

salutaires qui existent. Cette source avait été captée depuis

le règne du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah par les

Mesfioua qui, pendant la nuit, s’en appropriaient l’eau,

qu’ils divisaient en plusieurs canaux pour arroser leurs

jardins et leurs champs. Ils avaient continué jusqu’au

moment où le sultan Mawlay Slimân, fatigué de leur façon

d’user de cette source, leur en céda l’usage, moyennant

le paiement d’une somme annuelle de 1.000 mitsqâls. Le

sultan Mawlay Abderrahmân leur retira cette concession

malgré eux, et amena les eaux de la source, à travers les

précipices et les collines, jusqu’à l’Agdâl fortuné, faisant

profiter de leur bienfaisance leurs voisins immédiats et

éloignés. Voilà ce que dit à ce sujet le vizir Abû ‘Abdal

lah Muhammad bn Drîs (Dieu lui fasse miséricorde !).

La plupart des faits que nous avons rapportés sur ce

règnefortuné, depuis son commencement jusqu’à l’époque

où nous sommes arrivés, ont été empruntés par nous à

Abû ‘Abdallah AkenSûs, qui (Dieului fasse miséricorde!) !)

les a rapportés toutefois sans en indiquer la date, qui,

cependant, est l’objet même de la science. Comme nous

n’avons trouvé dans toute cette période rien qui nous per

mette d’établir les dates, nous avons rangé les faits dans

l’ordre que nous ont inspiré la réflexion et l’examen, et

nous les avons consignés ici, afin de n’en pas perdre tout

à fait les avantages. En tous cas, ces événements se pas

saient de 1240 à 1250. Dieu sait quelle est la vérité

Le qâ’îd Abûroulâ Drîs bn HUmmân Eljerrâri est nommé

gouverneur d’Wujda et de la région circonvoisine

Nous avons vu précédemment que le sultan Mawlay

Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde !) avait donné le

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 178.

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ARCHIVES MAROCAINES

gouvernement d’Wujda à son cousin Sidi Muhammad bn

At-Tayib qui était revenu de cette ville sans résultat. Le

gouvernement de cette place était, aux yeux du Sultan, un

des postes les plus importants et les plus délicats, à cause

de son éloignement du pouvoir central, de sa contiguïté

avec l’Empire des Turcs, qui en faisait une véritable place

avancée, du nombre des tribus avoisinantes, de la diver

sité des avis de ses hahitants, et de leurs mille rapports

avec les ‘Arab-s et les Berbers. Le Sultan se demandait à

qui il pourrait confier cette charge importante, et qui lui

boucherait une pareille issue. Son choix se porta sur un

qâ’îd avisé, Abûl’oulà Drîs bn HUmmân hen Al-’Arbi

Eloùdêyi Eljerrâri, à qui il remit ce gouvernement, et s’en

reposa entièrement sur lui. Or, ce personnage était incon

testablement le premier de son temps pour la sagesse de

son jugement, l’entente des affaires, leur direction exacte,

son affection pour le Sultan, et les bons conseils qu’il lui

donnait. Nommé gouverneur d’Wujda au début de l’année

12/|3, il exerça ses fonctions de la manière la plus hahile,

et sut percevoir tous les impôts des habitants des vil

lages et des tentes. En serviteur zélé et bon conseiller, il

eut l’idée de demander au Sultan l’autorisation de corres

pondre avec lui, pour le tenir au courant de tout ce qui

pourrait se produire dans cette région et qui intéresserait

la politique intérieure ou extérieure du gouvernement.

Il sollicita cette permission par l’intermédiaire du vizir

Abû ‘Abdallah hen Dris ce ministre lui répondit par la

lettre autographe suivante, que j’ai eue entre les mains:

« J’ai soumis à Notre Seigneur secouru de Dieu la ques

tion au sujet de laquelle vous avez écrit. Votre proposi

tion lui a plu, et il a répondu qu’il n’y voyait pas d’incon

vénient, à condition, toutefois, que cette correspondance

serait secrète et que personne n’en aurait connaissance.

Notre Seigneur sera ainsi informé de toutes les affaires

et en sera tenu au courant. Ne négligez donc rien à cet

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

égard, et faites tous vos efforts pour mettre en bon état

votre gouvernement, dont la question la plus grave et la

plus importante est celle de la sécurité des routes et de

l’extinction de la révolte, de façon que de votre région ne

viennent que de bonnes nouvelles. Grâce à Dieu vous pos

sédez beaucoup de jugement, et vous êtes au fait des

affaires, surtout de celles de cette région. Que Dieu vous

protège et vous dirige vers le bien

 

« Ce paysci est heureux et tranquille, et les faveurs de

Dieu y sont abondantes. La pluie y est tombée en grande

quantité, ce qui a fert-ilisé la terre et a permis aux gens

de faire de grands lahours. Notre Seigneur est à Mélcnâ

sét Ezzéïtoùn, et rien ne le préoccupe, si ce n’est que sa

mère sanctifiée est partie vers la clémence et la miséri

corde de Dieu, il y a un mois.

 

« Amitié et salut.

 

« Le 25 joumâda II de l’année 1243.

 

« Signé Muhammad bn Drîs (Dieu le favorise !) »

A la même époque, le Sultan avait confié le gouverne

ment de Tâza et de la région circonvoisine au shaykh Boù

Ziàra bn Echchàoui Elahlâfi, en lui recommandant de s’ap

puyer dans le service du Sultan sur le qàïd Drîs. Ils admi

nistraient ces contrées conjointement comme les deux

chevaux de Rihûn l’initiative était cependant réservée au

qâ’îd Dris.

 

Au mois de ramadan de l’année susdite, le Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !) résolut de faire un voyage dans la

région du Gherg, Wujda et son obédience, car il voulait se

rendre compte par lui-même des frontières de ce pays et

examiner les affaires d’une contrée qu’il n’avait jamais

vue. A cet effet, il convoqua les tribus à assister à la fête

de la rupture du jeune, pour l’accompagner ensuite dans

ce voyage. Mais, un grand nombre de Béni Yznâsén et de

“Arabs Angâd étant venus auprès du Sultan pour la fête, il

les interrogea sur l’état de leur pays, mais, comme ils se

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‘ARCHIVES MAROCAINES

plaignirent de l’infert-ilité du sol, il renonça à se rendre

chez eux, et leur promit qu’il foulerait leur sol l’année sui

vante an commencemerit de janvier.

 

Il remplaça ce par une tournée dans les

ports du Maghrib, dont il voulait examiner les affaires et où

il se proposait de rétablir les moyens de faire la guerre

sainte. Il quitta Miknâs le 15 chouwâl de la même année

(12/j3) et passant par Rdât, dans la région d’Ouâzzân, il

alla d’abord à Tétouan, puis à Tanger, ensuite à Aséïla où

il visita le saint de la ville, Abû ‘Abdallah Muhammad

bn Merzoùq, et rechercha sa bénédiction. De là, il se ren

dit à El’arêïch, et passa par tous les ports successivement

jusqu’à Asfi.

 

Sur ces entrefaites, il reçut la nouvelle de la révolte des

Shrârda contre Mawlay Elinâmoùn, gouverneur de Mor

râkch cette tribu avait secoué le joug de l’obéissance,

attaquait les caravanes et, après de nombreux actes de ce

genre, venait jusque dans les jardins de Murrâkush. Le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) résolut de marcher

contre eux nous allons raconter ce qui lui advint avec

eux.

 

Prise de la Zâwiyat Echcherrâdi, et causes qui la provoquèrent

Nous avons déjà suffisamment parlé des démêlés qui

eurent lieu entre Al-Mahdi bn Muhammad Echcherrâdi

Ezzirâri et le sultan Mawlay Slîman (Dieu lui fasse misé

ricorde !). A l’avènement du sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân,

Al-Mahdi lui prêta serment de fidélité comme tout le

monde. Lors du premier voyage de ce Commandeur à Murrâkush,

les Shrârda allèrent le saluer, au nombre de 500 cava

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 179.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

liers, à Mechra’ lien Ilania, et témoigner de leur obéis

sance. Le Sultan leur fit un gracieux accueil et reçut géné

reusement leur députation. Au moment de leur départ, il

leur dit, entre autres choses, que « le passé était mort,

•qu’il ne serait plus question de ce qui avait été volé au

moment de la révolte, mais que dorénavant quiconque

commettrait la moindre faute aurait à en redouter les con

sé ,uences pour lui-même ». Les Shrârda rentrèrent chez

eux. Puis, le Sultan célébra a Murrâkush la fête du Moûloûd;

les députations y assistèrent, et, parmi elles, celles des

Shrârda, qui apportèrent 15 charges de toile, 5 de drap

et Zi.000 mitsclals provenant du pillage effectué par eux

de la sâka d’As-Swîra, avant la mort du sultan Mawlay

Slîmân (Dieu lui fasse miséricorde !), et que nous avons

précédemment relaté. La hienveillance du Sultan et son

désir de conciliation furent tels qu’il leur demanda de

lui fournir un contingent de 200 cavaliers qui se rendraient

dans le Drâ\ tandis que la toile et le drap serviraient à leur

habillement, et l’argent à leurs dépenses. Ils s’exécutè

rent, et le Sultan les hahilla et leur fit des cadeaux. Plus

tard, quand le Sultan nomma à Murrâkush son frère Mawlay

ElMâmûn, les Shrârda lui obéirent sans empressement.

Dans son aveugle témérité, Al-Mahdi adressa contre lui

une plainte au Sultan qui était alors à Miknâs. Il alla jus

qu’à l’accuser de faire payer aux Shrârda la zekâls et

l’ashûr-s dans des conditions contraires aux prescriptions

de la Loi sainte, et de leur avoir donné quatre ou cinq gou

verneurs, au lieu d’un seul qui les administrait aupara

vant. Le Sultan en fut irrité il s’efforça d’adoucir les

termes de la lettre qu’il lui adressa, et lui promit que, dès

son arrivée à Murrâkush, il donnerait suite à ses plaintes

contre son frère. Sur ces entrefaites, et avant d’avoir reçu

la lettre du Sultan, Al-Mahdi excita ses contrihules à la

révolte contre le souverain et à ces actes qui attirent

sur leurs auteurs la colère de Dieu et les faveurs de Sa

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ARCHIVES MAROCAINES

lau. Les cavaliers Gheràrda se répandirent sur les routes

et les sillonnèrent de leurs pillages. Ils se ruèrent sur les

<|àïds que .Moi’ilay Elniâinoùn leur avait donnés, s’empa

rèrent de leurs personnes et les emprisonnèrent, puis

dévalisèrent leurs maisons. Les voyageurs et les négo

ciants, dévalisés et réduits à la nudité, allèrent à la porte

du Sultan se plaindre du malheur que leur avaient fait

subir les Shrârda, dont les victimes affluèrent auprès de

lui. Décidé à des mesures sérieuses et « affilant sonépée »,

le Sultan écrivit alors à son frère Mawlay ElMâmûn pour

l’inviter à convoquer les tribus du Hawz et à les réunir

auprès de lui en attendant son arrivée. Il se mit lui

même en route avec le yuéïch El’abîd, les Udaya, les Ait

Idràsén, lesZemmoùr et les Wrabs Béni Hsen, Béni Mâlék

et Sefiân. Il écrivit également aux Shawiyia et aux Doûk

kâla de tenir leurs cavaliers prêts pour le moment où il

passerait chez eux.

 

La réputation d’Al-Mahdi avait beaucoup grandi elle

lui avait conquis les ignWahrants de sa tribu, et peu s’en

fallait qu’elle ne se répandît plus loin. Il allait même jus

qu’à insinuer et à déclarer qu’il élail le mehdi attendu. La

raison la plus forte de son audace et de celle de sa tribu

était la chance qu’il avait eue d’infliger une défaite au

sultan Mawlay Slimân (Dieu lui fasse miséricorde !). Ils

pensaient, lui et ses Shrârda, que Dieu ne donnerait à

personne la victoire sur eux.

 

En sortant de HiLât Elfelh, le Sultan rencontra la cara

vane des Hâjjs qui avaient été pillés par les Hechtoùka

elles Chiâdmades environs d’Azeninioûr. A cette époque,

il était d’usage dans le que les caravanes de pèle

rins venant de toutes les régions de l’Empire allassent se

concentrer à Fâs, d’où le rèkb partait dans les formes

établies alors. C’est ainsi que les Hâjjs venus du Sûs et

d’autres contrées, à leur arrivée chez les Chiâdma et les

Hechtoùka, avaient été pillés et entièrement dévalisés. Le

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DYNASTIE AI.AOL’IE DU JIAROC

 

Sultan (l)icn lui fasse miséricorde écouta leur plainte et,

vivement irrité de la profanation dont ils avaient élo vic

times, marcha contre ces mauvais sujets et leur infligea, à

l’endroit appelé Fergâla, duns l’obédience d’Azemmoùr,

une répression si sanglante qu’ils se jetaient dans la nier

pourécliapper à lamort. Ils avaient d’abord infligé quelques

pertes à la mhalla, mais, bientôt vaincus, le Sultan leur fit

couper la tète, et les soldats s’emparèrent de leurs ell’cts

et de leurs animaux. Cette affaire fut l’annonce de la vic

toire et la préface du triomphe.

 

Le Sultan passa ensuite à A/.einmoûr, puis à Eljedida,

et se rendit, en suivant la côte, à Asli, où il visita le cliéïkh

Uoù Muhammad Salâl.i (Dieu soit satisfait de lui!). De

là, il poursuivit sa route jusqu’à la Zâwiyat Echclierràdi i

qu’il surprit. Ses étendards victorieux furent hissés dès le

matin sur ce bâtiment, sans qu’il allât jusqu’à Murrâkush.

Sans laisser à l’armée le temps de mettre pied à terre et

de dresser les tentes, il engagea le combat. bien qu’on fut

en plein été, on combattit en plein midi. La lutte dura

sept jours. Le Sultan braqua sur les Shrârda les canons

et les grands mortiers. Le cinquième jour, qui était un

mardi, jour de la fête du Moùloùd glorieux de l’année 12/|/i,

le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) voulut laisser les

hommes se reposer de la guerre, mais, entraînés par leur

insolence et leur iniquité, les Shrârda marchèrent sur

l’armée et l’attaquèrent le Sultan ordonna alors de s’avan

cer contre eux et de les harceler. Il commanda au grand

maître Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdallah Mellâh

Esslàoui, qui assistait à cette affaire, de tirer avec fermeté

et sans relâche. Celui-ci lança sur les Shrârda, dans cette

seule journée, 280 bombes qui, tombant toutes dans la

y.àouya, éclataient en tombant, et atteignaient toutes les

murailles voisines. Les Shrârda virent de près, ce jour

là, la « mort rouge » ils répondaient aussi par des boulets

et des bombes qu’ils lançaient avec les canons et les mor

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ARCHIVES MAIIOLA1NES

liors qu’ils avaient, enlevés dans la inhalla du sultan Mawlay

Sliinân. Le soir du septième jour du combat, qui était un

vendredi, la division éclata parmi les Shrârda, etElnieluli

résolut de prendre la fuite. « Comment, tu vas l’enfuir 1*

lui dirent ses compagnons, et tu nous abandonneras ? Où

est maintenant ce que tu nous avais promis – Pour

vous, leur répondit-il, ce que vous avez hérité de vos

ancêtres, c’est le service du Sultan vous ne pouvez pas le

refuser; quant à moi, ce que je sais, et ce que j’ai appris

de mes ancêtres, c’est que la guerre durera sept jours

contre cette bourgade qui sera prise ensuite par le Sultan

qui viendra de la direction de la mer ce Sultanlà est

venu. » Tels furent les propos qu’il leur tint pour faire

croire à sa divination il fut regardé comme sincère par

ces ignWahrants qui s’étaient fait tuer et ruiner pour lui.

Celui que Dieu ne peut pas avoir de guide. La nuit

Arenue, il monta, diton, sur un àne, accompagné d’une

vingtaine de ses compagnons à cheval qui l’escortèrent

jusqu’à l’endroit appelé Ti/.gui. Là, il leur fit ses adieux

et partit pour le Sûs. Il avait fait verser le sang sacré et

pillé l’argent sacré il avait rempli sa page de crimes. Je

demande à Dieu de m’épargner pareil sort et de m’accor

der la paix

 

Dès qu’ils se virent abandonnés par Al-Mahdi, les Che

rârda se dispersèrent. Ils passèrent la nuit à transporter l’

leurs femmes et leurs enfants vers leurs lieux de refuge.

Mais ceux à qui il fut difficile de partir, se réunirent et

allèrent délivrer leurs quatre qàïds, pour leur demander

leur intercession auprès du Sultan dès le matin ils étaient

au Lord de la mhalla, sollicitant leur introduction auprès

de Mawlay ElMâmûn. Le Commandeur Les fit venir, et, entrant

auprès de lui, ils implorèrent sa clémence en faveur de

ceux d’entre eux qui étaient restés, et lui demandèrent

Y. Amân. Mawlay ElMâmûn le leur accorda. Ils se rendirent

ensuite auniôs du; Sultan et lui firent demander à être

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DYNASTIE ALA.OUIE DU MAROC

 

reçus par lui. Introduits en sa présence, ils lui firent part

do Vamûn que leur avait octroyé Mawlay Hlmânioùn et le

Sultan y accéda. Il fit ensuite grouper les derniers Shrârda

restés dans la qasba il y en avait près de 2.000. Les troupes

livrèrent au pillage leurs maisons et leurs ed’ets.

On prétend que le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) ne

leur donna pas Vamûn, et que les ayant fait emprisonner,

il avait résolu de les passer au fil de l’épée. Il consulta à

ce sujet les ‘oulainû, qui se gardèrent de se prononcer

pour l’eH’usion du sang. L’un d’eux, qui était le ff/îh Abû

‘Abdallah Muhammad hen Elmràbet ElMurrâkushi, déclara

même que les Shrârda avaient été touchés par le repentir

avant d’avoir été vaincus. Le Sultan, qui était grand obser

vateur du droit, et qui en toutes circonstances se confor

mait à la loi, s’abstint de les mettre à mort.

 

Après cela, le Sultan ordonna de rechercher activement

les femmes et les enfants d’Elmehcli. Après des investiga

tions, on les lui amena, et il les envoya à Miknâs, où ils

furent logés dans la maison du qàïd Muhammad bn Ech

châhed Elbokhâri qui avait péri dans l’afl’aire d’A’lil con

duite parle sultan Mawlay Slîmân.

 

Au moment où le combat était terminé et la victoire

assurée, le maître Muhammad Mellàh, mourut frappé d’un

éclat de bombe, qui tua en même temps beaucoup d’autres

personnes. Le Sultan assista en personne à ses funérailles

jusqu’au moment où il fut enterré, et. fit des largesses à

ses enfants.

 

Voici ce que j’ai lu dans une lettre autographe du vizir

lien. Drîs

 

« Sachez que Dieu nous a accordé la conquête de la

Zâwiyat Echcherrâdi, et a fait périr jusqu’au dernier ses

coupables habitants les soldats n’ont pas encore fini de

procéder à sa démolition. Plus de 600 hommes ont été

emprisonnés, et tout le monde s’est enrichi des ellets, des

richesses et des trésors qui s’y. trouvaient. »

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ARCHIVES MAROCAINES

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) partagea ensuite

les prisonniers Chcràrda en plusieurs groupes les uns

furent expédiés à lîibàt Elfelh, les autres à Miknâs, un

troisième convoi a Fâs. Au bout d’une année environ, il

les mit en liberté et leur fit habiter la plaine d’A/.gâr. Il

groupa également les Shrârda qui étaient dans les tribus,

et les incorpora avec eux dans cette même région, où ils

résident encore aujourd’hui.

 

Quant à Al-Mahdi, il partit pour le Soùs et parvint jusque

chez les Aït Bà’Amrân d’Oultita. Il reçut l’hospitalité du

mrûbet de cette tribu, Abû ‘Abdallah Muhammad A’jali

Elbà’amràni. Il demeura chez lui trois ans, « soutirant de

l’exiguïté de la terre qui avait été si large pourlui»; après

quoi, il fit implorer la clémence du Amîr al-Mû’minîn.

Le Sultan se laissa fléchir. Al-Mahdi arriva, les fers aux

pieds, jusqu’auprès du Sultan, àMurrâkush il pleura en sa

présence et lui adressa d’humbles supplications. Le Sultan

lui pardonna et l’envoya à Miknâs, ou il revit sa famille,

puis, peu de temps après, le nomma gouverneur de ses

contribules. Suivant Akensoùs, Al-Mahdi traita durement

ses administrés, dont l’affection pour luise transforma en

host-ilité ils se plaignirent delui au Sultan qui le destitua.

Al-Mahdi accomplit ensuite le Hâjjage avec l’autorisation

du Sultan, qui, à son retour, le nomma de nouveau gouver

neur, sans que ses administrés voulussent l’accepter. Plus

tard, il fut emprisonné, puis relâché; enfin ilpassapar toutes

sortes de vicissitudes. Il ne mourut que dans les premiers

jours de chouwâl de l’année 1293, au début du règne du

Sultan de l’époque, Imâm de la victoire et Commandeur des

Croyants Mawlay Elhasan bn Muhammad (Dieu soit satis

fait de lui !).

 

La conquête de la Zâwiyat Echcherrâdya fut célébrée

par les poètes du temps, notamment par le fqîh Abû ‘Ab

dallâh Akensoùs.

 

Le Sultan prolongea pendant longtemps son séjour à

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

AISCII. MAROC. S

 

Murrâkush, et envoya son frère Mawlay Elmûiuoùn bn

llichâm dans la région du Sûs pour y percevoir tes im

pôts.

 

Au mois de eha’bàn 12.’j5, le Sultan conclut la paix avec

la nation « Nâperiâl » qu’on appelle l’Autriche le traité

contient douze articles ayant trait aux transactions commer

ciales, et stipule la sécurité et le respect réciproques

des deuxparties contractantes. Le dernier article établit, sur

l’observation des stipulations du traité, une paix durable

que ne pourra ébranler aucun événement postérieur, et

qui ne sera susceptible ni d’augmentation ni de diminu

tion. Peu de temps après ce traité, se produisit, cepen

dant, la grave affaire que nous allons rapporter.

Attaque d’El’arêïch par la nation « Nâperiâl », et ses motifs

Nous avons rapporté que, vers la fin de l’année ‘I2i3, le

sultan Mawlay ‘Abderralunân (Dieu lui fasse miséricorde !)

avait fait une tournée dans les places avancées et les ports

du Maghrib, dans le but de faire revivre la tradition de la

guerre sainte sur mer que le sultan Mawlay Slimàn (Dieu

lui fasse miséricorde!) avait fait cesser. Mawlay ‘Abder

rahmân avait donné l’ordre de construire des flottes, qui

devaient être réunies à celles qui existaient encore prove

nant de son aïeul Sîdi Muhammad bn ‘Abdallah, et avait

autorisé les capitaines de bateaux des deux rives de Salé et

de llibât Elfetli à croiser avec les corsaires de guerre sur les

côtes du Maghrib et sur les rivages voisins. Dans une de

ces croisières, les réïs Al-Hâjj ‘Abd Ar-Rahmân Bârgâch et

Al-Hâjj ‘AbderrahnUin Brîtal rencontrèrent des voiliers au

trichiens et s’en emparèrent, ces navires n’étant pas munis

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 183.

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ARCHIVES MAROCAINES

du papier de passeport qu’ils avaient habituellement. Ils y

trouvèrent une grande quantité de marchandises, spéciale

ment de l’huile. Certains de ces bateaux furent amenés dans

le port des DeuxRives, les autres dans celui d’El’arèTcli.

« Six corsaires autrichiens vinrent mettre le siège devant le

port d’ETai’èi’cli le mercredi 3 doùlqa’da 1 2/i 5 et lancèrent

un grand nombre d’obus sur la ville depuis l’aube jusqu’au

coucher du soleil. Pendant ce temps, ils firent débarquer

sur le rivage, vers l’endroit appelé Elmaqsara, 500 soldats

environ qu’ils avaient embarqués dans six allèges dont ils

s’étaient emparés. Ils marchèrent dans la direction des

navires du Sultan qui étaient ancrés dans la rivière, bat

tant du tambour et jouant du clairon, tandis que leurs

croiseurs lançaient des boulets tout le long de la rivière,

pour empêcher qu’on ne les rejoignît en la traversant.

Arrivés auprès des navires du Sultan, ils y mirent le feu,

en guise de représailles pour ce qui leur avait été enlevé.

Mais, au bout de peu de temps, ils furent enveloppés par

les Musulmans qui venaient de toutes les directions, gens

du Sàhel ou autres. Les gens d’ETaroïch et des environs

franchirent bientôt la rivière à la nage et dans des barques,

et jetant le désordre parmi eux, en firent un violent

massacre. Des moissonneurs qui étaient en train de cou

per les récoltes dans les champs, et qui voyaient de loin

l’affaire, prirent à leur tour une helle part au massacre

en coupant les têtes des Autrichiens avec leurs faucilles.

Manuel, qui raconte cette affaire en détail, prétend que les

Autrichiens eurent /|3 tués, sans compter les prisonniers.

Ils laissèrent sur le rivage un canon et un grand nombre

d’armes, et s’enfuirent vers leurs bateaux en regardant

derrière eux.

 

Cette affairé détermina le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân

à renoncer aux expéditions maritimes et à y prendre inté

rêt. En effet, le moment où il voulait ressusciter cette

tradition était précisément celui où la puissance des Eu

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ropéens commençait, où leur nombre augmentait ainsi que

leurs forces navales. De plus, les expéditions niaiilimes

faisaient naître des conflits, des discussions et des contes

tations, et créaient entre le gouvernement élevé et les

gouvernements des nations ses voisines une haine qui

risquait de rompre les traités établissant la trêve. Enfin,

la prise d’Alger par les Français qui venait de se produire

confirmait le bienfondé de ces craintes. Le Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !) se recueillit et, après un examen

approfondi, pensa qu’il était sage de renoncer aux affaires

de mer, en considération des nécessités du moment et du

peu de profit résultant des expéditions des bateaux mu

sulmans. A tout cela vint s’ajouter un avis publié par de

grands États européens, comme l’Angleterre et la France,

et suivant lequel les navires ne devaient appartenir qu’à

ceux qui étaient en mesure d’observer les règlements ma

ritimes, dont le but est d’assurer le bon fonctionnement

des affaires de mer et de produire les résultats désirables,

et dont l’observation maintient l’amitié établie par les

traités. Parmi les importants résultats de ces mesures, se

trouvent d’abord l’établissement de consuls envoyés dans

les ports par les gouvernements, quels qu’ils soient, qui

veulent y introduire leurs navires et leur commerce, puis,

entre autres choses, empreintes d’une grande légèreté et

que ni la Loi sainte, ni les usages ne peuvent admettre,

la question des quarantaines et tout ce qui en découle.

Tout cela ne fit qu’encourager le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) dans sa résolution d’abandonner une chose

qui amenait de telles conséquences; trop de raisons le

déterminaient à s’en abstenir. Kt vraiment les grands

avantages de l’abstention ne peuvent échapper à celui qui

examine la question seuls peuvent la comprendre ceux

qui savent.

 

Quant à l’affaire des Autrichiens, elle fut réglée grâce

a l’intervention des Anglais, qui envoyèrent leur ambas

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ARCHIVES MAROCAINES

sadeur, accompagné de l’ambassadeur autrichien, auprès

du Sultan à Miknâs, au mois de rabî’ de l’année 12/|6.

Conquête d’Alger par les Français suivie de l’accession des habi

tants de Tlimsân au serment de fidélité prêté au sultan Mawlay

‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde!) 1.

 

La conquête d’Alger par le tyran de France eut lieu à

la fin de moliarrem, premier mois de l’année \1l\Q. Elle fut

causée par l’état d’opposition continuelle qui régnait alors

entre les Turcs d’Alger et les Français. De nombreux

combats sur terre et sur mer avaient eu lieu entre eux, les

haines qui les séparaient s’étaient accumulées, et les Turcs

mettaient violemment à mal leurs ennemis. D’autre part,

le Commandeur d’Alger, qui était alors Ahmad Bâsha, était

arrivé à l’apogée de sa puissance et voulait se rendre

indépendant du gouvernement ottoman. Il est possible

que, le tyran de France s’étant plaint de lui au sultan otto

man Mahmoud, Celui-ci lui ait répondu de débrouiller

seul cette affaire avec ce Commandeur. Les Français attaquèrent

donc Alger avec des forces considérables, et s’en empa

rèrent après divers combats et engagements qui se pro

duisirent à la date précitée.

 

A ce momentlà, le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân était à

Murrâkush. Il reçut, dans les premiers jours de safar, la

nouvelle de ce qui s’était passé à Alger et partit aussitôt

pour Miknâs.

 

Dès qu’ils surent ce qui était arrivé aux habitants d’Al

ger, les gens de Tlemsèn se réunirent pour se concerter

et se mirent d’accord pour prêter serment de fidélité

au sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséri

corde !). Ils se rendirent auprès de son gouverneur Wujda,

1. TexLe arabe, IV partie, p. 1S4.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

le qàïd Abûl’oulà Drisbcn IIomiTiân Eljcrràii, et lui pro

posèrent de s’entremettre auprès du Sultan pour lui faire

accepter leur serment, et le déterminer à rechercher les

moyens de défendre leurs intérêts et de les protéger

contre leurs ennemis. Ils désignèrent un certain nombre

d’entre eux pour aller auprès du Sultan soutenir cette

demande et hâter la réalisation de leurs désirs. Arrivée

chez le Sultan à Miknâs, le ]” rabi’ I01′ de cette annéelà,

la députation fut reçue avec beaucoup d’égards et de res

pect. Lorsqu’ils eurent exposé leurs desiderata, le Sultan

ne leur donna pas de suite satisfaction, car, malgré son

désir de les accepter pour ses sujets, il voulait, suivant la

règle qu’il s’était tracée, baser sa décision sur les pres

criptions de la Loi. Il consulta à ce sujet les ‘oulaniàde Fâs,

qui, presque tous, rendirent un avis défavorable, tandis

que quelquesuns considéraient la demande comme réali

sable. Il s’en tint à l’avis de ces derniers, d’autant plus

que les gens de Tlemsèn, à la réception du feloua des

savants de Fâs, le réfutèrent en ces termes

 

« Sache notre Seigneur, le pôle et le siège de la gloire,

le séjour et l’asile de l’honneur, la base et la source de la

fière noblesse, le tapis et le centre de la vertu très haute,

le Sultan grand, illustre et glorieux, rejeton des grands

rois, notre Seigneur et notre Maître Wbderrahmàn bn

Ilichàm (Dieu conserve aux Musulmans ce trésor clu’est

notre Seigneur et lui accorde son amitié et sa récom

pense !) que le fetoua rendu par nos seigneurs les ‘ou

laniii de Fâs n’est pas fondé sur une base solide, parce

qu’ils n’ont envisagé que le serment de fidélité qui nous

engage envers l’imam ottoman. Ce serment est bien un

argument contre nous, mais il ne s’accorde pas avec la

réalité des faits, car il n’a du serment que le nom. En effet,

le gouverneur d’Alger était un usurpateur, il jouait avec

la religion, et Dieu l’a fait périr pour le punir de son injus

tice, de ses vexations à l’encontre des serviteurs de Dieu,

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ARCHIVES MAROCAINES

de sa violence et de son libertinage. Dieu laisse du répit

à l’injuste avant de le saisir, mais quand il le saisit, il ne

le laisse pas échapper. Or ce qui prouve l’usurpation et

les actes d’indépendance de ce gouverneur, c’est sa déso

béissance aux ordres de l’Ottoman iln’avait pour lui aucun

respect et ne suivait ni ses paroles, ni ses actes. Ainsi

l’Ottoman lui avait ordonné de conclure la paix avec les

Chrétiens: mais il n’a accepté ni ses ordres, ni ses con

seils, et quand il lui a demandé de l’argent pour l’aider à

résister contre les malheurs amenés par les Chrétiens, l’Ot

toman le lui a catégoriquement refusé et, loin de se mon

trer généreux, ne lui a pas remis la moindre chose. C’est

ainsi que l’ennemi infidèle a pu prendre la ville. Telle est

la récompense des libertins prévaricateurs tout bien

gagné d’une manière illicite, Dieu en rend maîtres les

ennemis les plus vils. Tout ce que nous disons de cet

usurpateur est connu de tous, perceptible à la lumière des

yeux, et n’a pas besoin de preuves ni d’arguments. Les

hommes sont tous des serviteurs et des esclaves de Dieu,

et le Sultan n’est que l’un d’entre eux à qui Dieu a remis

le pouvoir pour l’éprouver et le l’aire soufl’rir s’il gou

verne les autres avec justice, clémence, équité et droi

ture, comme notre Seigneur (Dieu le secoure !) il est le

lieutenant de Dieu sur sa terre, l’ombre de Dieu sur ses

serviteurs, et son rang est élevé auprès du TrèsHaut si,

au contraire, il gouverne avec injustice, tyrannie, oppres

sion et corruption, comme cet usurpateur, il n’est qu’un

révolté contre Dieu dans son empire, un détenteur du pou

voir suprême, un superbe qui règne sur la terre sans

droit, voué aux plus terribles châtiments de Dieu et à sa

colère.

 

« D’ailleurs, en admettant même que nous soyons liés

envers l’Ottoman par notre serment, ce n’est pas un argu

ment contre nous, car le pays où il réside est tellement

loin de nous, que sa royauté ne nous est d’aucune ut-ilité,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

à cause (les plaines, des déserts, des mers, des villages,

des bourgades et des villes qui nous séparent de lui. Et

si le lieu de sa résidence est plus rapproché par mer, les

infidèles l’empêchent aujourd’hui de s’y embarquer. De

plus, il est établi par des informations successives, ré

pandues de tous côtés, qu’il est si occupé de lui-même et

de son trône, si impuissant à défendre son pays voisin de

sa capitale, qu’il a du acheter aux Chrétiens une trêve de

cinq années pour des sommes formidables, et leur en

donner un garant, afin d’avoir pendant ces cinq années la

sécurité pour sa personne et son entourage. Comment,

dans ces conditions, lui serait-il possible de prendre la

défense de notre contrée, de notre province, de notre

ville ? La preuve la plus évidente de cette impuissance est

dans l’Egypte et la Syrie, qui sont restées pendant plus

de cinq ans au pouvoir des ennemis de la religion, sans

qu’il ait pu trouver, pour leur résister et protéger ces

pays, d’autre moyen qu’un recours à l’appui de l’ennemi

infidèle. Dieu TrèsHaut fortifie parfois cette religion au

moyen des pervers.

 

« Aussi bien, Elabi, dans le commentaire de Moslim, à

propos d’un cas semblable au nôtre, déclare formellement

que, si l’imâm ne peut faire exécuter ses ordres dans un

pays, il est permis d’en choisir un autre et de le procla

mer, et que tout retard dans sa proclamation est une

cause de mort. Or, cette proclamation, tous les cous sont

tendus vers elle, les yeux, les prunelles la convoitent

ardemment de tous côtés. Nous avons échappé par le si

lence à toutes les sollicitations, nous avons rompu avec

toutes les propositions, pour venir au seuil de la porte de

notre Seigneur (Dieu le secoure et le dirige!) pour entrer

Sûs son obéissance, pour nous engager à le servir, d’ac

cord avec les tribus et les villes, et les gens avisés et

réfléchis, parce que nous savons que notre Seigneur(Dieu

le secoure !) est seul digne de cette mission généreuse,

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ARCHIVES MAROCAINES

est seul le véritable imam, lui qui a mérité cette dignité

de ses aïeux successifs, et à qui aboutissent toutes les

gloires et tous les honneurs.

 

« Aussi, nous demandons à notre Seigneur (Dieu le se

coure !) de daigner s’engager il agréer notre serment, par

l’intercession de son ancêtre le Prophète (Dieu prie pour

lui, pour sa famille excellente et pour ses compagnons

(Mus et leur donne le salut !).

 

« Notre dernier vuhi est: louange à Dieu, le Maître

îles mondes »

 

La lecture de cette pièce décida le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) à accepter leur bay’a et à prendre l’engage

ment de la respecter. Il donna le commandement de Tlcm

sen à son cousin, Mawlay ‘Ali bn Slimàn, qui était aussi

son beaufrère et lui fournit un détachement du c/uéïch,

composé de 500 hommes d’Udaya et de ‘Abids notables.

Il les envoya tous à ïlemsèn, accompagnés des délégués

de cette ville, qu’il combla de cadeaux et de bienfaits. En

même temps il écrivit à son gouverneur le qûl’cl Drispour

lui recommander cette mission dont il devait s’occuper,

et l’associa à Mawlay ‘Ali dans l’administration et les déci

sions à prendre en réalité, Celui-ci devait seul en avoir

la responsabilité. J’ai eu entre les mains la lettre auto

graphe que le vizir Abû ‘Abdallah bn Dris lui envoya

à ce sujet. Voici ce qu’il lui écrivait

 

« Louange à Dieu seul.

 

« Dieu prie pour notre Seigneur Muhammad et sa fa

mille!

 

« A notre ami, à l’oncle de notre Seigneur, Si Drîs bn

Ilommun Eljerrâri.

 

« Que le salut, la miséricorde de Dieu et ses bénédic

tions soient sur vous, en participation aux bienfaits de

notre Seigneur, Dieu le fortifie

 

« Ensuite

 

« J’ai reçu votre lettre qui m’a été apportée par les no

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DYNASTIE ALAOUIE DU JlAttOf.;

 

tables do Tlemsèn et des tribus voisines de celle ville. Je

leur ai donné tout l’appui que j’ai pu, et j’ai fait pour eux

tous les ellbrts possibles. Noire Maître les a agréés et les

a traités, à leur arrivée cl à leur départ, avec; la plus grande

générosilé, suivant son habitude..Notre Maître les renvoie

maintenant comblés d’honneurs. Il a désigné, pour le re

présenter auprès d’eux, son cousin Mawlay ‘Ali, dont il

connait l’intelligence, l’expérience, L’habileté et le cu’ur

haut placé. (“est qu’il ne tant dans ce pays que des hommes

jouissant de ces qualités, pour savoir distinguer la situa

tion du moment de celle qui l’a précédé. Notre Maître

vous a également désigné pour servir d’intermédiaire

entre son cousin et les gens de Tlenisèn, car vous possé

dez aussi les qualités, éuumérées plus haut. Justifiez donc

votre réputation, gavde/vous bien de vous laisser aller à

l’avidité: « abstenez-vous du bien d’autrui». Tout ce dont

vous aurez besoin et qui vous sera indispensable, vous le

recevrez: vous n’aurez qu’à nous prévenir. Ne nous cachez

absolument rien. Sachez que notre Maître vous a distin

gué parmi vos contribuées et vous a rapproché de lui. Main

tenez toujours votre rang auprès de lui. Dieu est Dieu!

Justifiez votre bonne réputation Dieu vous bénisse, ainsi

soit-il!

 

« Notre Seigneur a gratifié chacun d’entre eux d’un cos

tume approprié à son rang. Dans toutes les villes où ils

sont entrés, il leur a donné.

 

« 11 leur a lait voir l’intérieur de son palais, tous ses jar

dins et tous les locaux royaux, où ne sont admis que les

favoris. Bref, ils ont obtenu des égards inespérés, et je les

ai servis au delà de ce que vous désiriez. D’ailleurs, c’est

assez d’eux pour vous renseigner.

 

« C’est à vous maintenant de vous acquitter envers nous

justifiez l’espoir que nous mettons en vous, et n’oubliez

pas que notre Seigneur en a mis d’autres à l’épreuve avant

vous et les a sacrifiés. Voici je demande à Dieu qu’elle

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AUCIIIVES MAROCAINES

 

soit en or pur. Co que vous a promis notre Seigneur vous

parviendra des que vous aurez lixé voire résidence dans

le pays et que tous, citadins et campagnards, auront pu

constater votre bonne administration. A cet égard, il vous

suffit des recommandations contenues dans la lettre ché

rifienne de notre Seigneur.

 

« Amitié et salut.

 

« Le 13 rabi’ II de l’année ’12/J6.

 

« Muhammad bn Drîs, Dieu le favorise. »

 

Mawlay ‘Ali arriva à Tlimsân le Sultan lui envoya,

après son départ, 500 cavaliers, 100 fantassins et un grand

nombre d’art-illeurs d’élite pris parmi ceux de Salé et de

Ribât Al-Fath, et au nombre desquels se trouvait le fils du

gouverneur de Salé, Muhammad bn Al-Hâjj Muhammad

Bû Jmî’a, qui était un des plus habiles. L arrivée et l’éta

blissement de Mawlay ‘Ali à Tlimsân remplirent de joie

les harlar de la ville, chez lesquels il devint très populaire.

Les délégations de toutes les régions vinrent le saluer,

et, aidé du qâ’îd Dris, il reçut d’elles leur serment de fidé

lité au Sultan. S’y refusèrent les Kourouglis turcs, qui

formaient depuis très longtemps la garnison de la qasba.

Mais, après les avoir assiégés et combattus pendant

quelque temps, il en triompha et s’empara de tout ce qu’ils

possédaient. Il eut aussi à vaincre la résistance de deux

tribus arabes du pays, les Doùaïr et les Zmâla, issues, dit

on, des réguliers que Mawlay Ismâ’îl (Dieu lui fasse misé

ricorde !) avait envoyés dans cette contrée pour y tenir

garnison, et qui, demeurés dans le pays, y avaient fait

souche. Mawlay ‘Ali les subjugua également, et l’armée

mit leurs biens au pillage comme elle l’avait fait pour ceux

des Kourouglis. Cette répression amena de grands troubles

que nous rapporterons plus bas, s’il plaît à Dieu

Dès les premiers jours de ramadan, le qâ’îd Drîs sortit

de Tlimsân à la tête d’une troupe prise parmi le guéïch qui

l’accompagnait, dans le but de soumettre les tribus du

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAHOC

 

pays ri (le faire prêter le serment à celles qui l’avaient

refuse, car seuls avaient l’ait leur soumission les habitants

de Mascara, les tribus d’Elheehéni, d’Elinchàchél, des Ijeni

Cheqrân, les Mrâbel; de Geris et d’Ouargiya, les Tahallit,

les Hamiyân, et d’autres, dans leur béï’u dont voici le

texte

 

« Louange à Dieu qui a fait briller à la face de cette

nouvelle époque des lumières du KhalifaI, qui a manifesté

sur la page de son aurore les signes précurseurs du bon

lieur, de la bonne fortune et de la sécurité, et qui a con

duit les créatures de son choix à se ranger Sûs l’étendard

de notre .Maître l’Imam.

 

« La prière et le salut soient sur notre Seigneur Moham

med qui a été envoyé par miséricorde pour les mondes,

sur sa famille et sur ses compagnons excellents.

« Ensuite

 

« Toutes les tribus inscrites à droite du présent ont

envoyé leurs délégations auprès de notre Maître le khalifa

Abûlhasan Mawlay ‘Ali, fils du Amîr al-Mû’minîn

Mawlay Sliniân, qui leur a donné lecture de la lettre de

notre Maître victorieux, dont l’étendard est déployé, et

l’épée illustre, le Amîr al-Mû’minîn Mawlay ‘Abcler

rahmân, fils de Moûlav Ilichâm (Dieu lui perpétue sa

protection et dirige ses ellbrts vers ce qui peut le satis

faire !), en présence de son khalifa, le tâléb plein de droi

ture, l’illustre et fortuné qaïd Sî Drîs Eljerràri. Les délé

gués ont accueilli cette lettre avec respect et vénération

ils ont requis de témoigner contre eux qu’ils prêtaient

sermentde fidélité a notre Maître l’Imam (Dieu le fortifie

et perpétue sa puissance et sa majesté !) ils ont pris l’en

gagement de l’observer et de lui obéir, et se sont rangés

Sûs sa loi. Cette bay’a est complète et remplit toutes les

conditions; elle comporte tous les engagements et établit

toutes les obligations. Tous l’ont acceptée et approuvée et

s’engagent à l’observer.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

« Ceux qui ont entendu ce qui précède des susdits ont

dressé acte, le premier jouniàda II de l’année \”l!i(\. »

Suivent les signatures des deux ‘adel qui ont reçu la

déclaration îles notables des tribus précitées.

 

Le serment de fidélité avait été prêté par ceux que nous

avons nommés les dissidents étaient ceux contre lesquels

marcha le qâ’îd Dris, afin de recueillir leur bay’a, comme

nous l’avons dit plus haut.

 

En résumé, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) s’oc

cupa d’une façon très des affaires de cette contrée,

et ne négligea aucun ellbrt pour la pourvoit1 petit à petit

de tous les secours dont elle avait besoin en fait d’hommes,

d’armes et d’argent. Il envoya aussi auprès des popula

tions de ces régions, pour les engager à l’obéissance et

les inviter à se ranger dans la loi commune, le chérîf

baraka Sidi Eihâdj Al-’Arbi bn ‘Ali Elouezzani, qui jouis

sait auprès d’elles, comme ses ancêtres, d’une entière

confiance. Il fit partir aussi pour TIemsèn, afin d’y exercer

les fonctions de mohtaséb, le cliérîf excellent Abû Moham

med ‘Abdessehlm Elboù’Jnâni. Il expédia également, en

grande quantité, des costumes, des étendards, des pavil

lons, des canons, des mortiers, de la poudre et du plomb.

Tout cela n’empêcha pas la volonté de Dieu de s’exercer.

Les Arabs de ce pays se séparèrent du Sultan, à cause de la

faiblesse de leur foi et de leur incurie, et presque tous pri

rent parti pour les Chrétiens, dès que ceux-ci eurent enlevé

Wahran. La division gagna ensuite les qàïds du gaèïch du Sul

tan, parmi lesquels éclatèrent de violentes rivalités, dont

les échos divers arrivèrent jusqu’au Sultan. Enfin ces qâ’îd-s

finirent par piller les effets des Kourouglis, sans vouloir

les rendre, et par voler ensuite, à proximité même du

chérit Sîdi Al-Hâjj Al-’Arbi bn ‘Ali Elouezzani, l’argent et

le bétail des Zmâla et des Doûaïr. Tout allait mal et les

espérances étaient détruites. Le Sullan pensa alors qu’il

valait mieux rappeler ces troupes, sur l’ut-ilité desquelles

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DYNASTIE ALA01/1E DU MAROC.

 

il n’y avait plus à compter, et ordonna l’arrestation du qâ’îd

Drîs qui lui fut dénonce comme ayant participé au pillage

des des Zmàla et des Doùaïr, et ayant refusé

de leur restituer le lire biens les plus précieux. La Mhalla

se mit en route et fut de retour la fin de ramadan.

Le 15 jouniàda II de la même année, il y eut un trem

blement de terre qui détruisit de fond en comble une des

bourgades de Tlenisén, appelée Elblida, et fit périr des

habitants.

 

Tout appartient à Dieu il fait ce qui lui plait.

Révolte des Udaya contre le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân

et ses causes’.

 

La révolte du guéïch Eloùdèya contre le sultan Mawlay

‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde !) éclata au mois

de moharrem 1247. Voici ce qui la provoqua

Les principaux qâ’îd-s et les personnages les plus en vue

de ce guéïch étaient Ettâhar bn Més’oùd Elnigafri Elhas

sâni, Al-Hâjj Muhammad bn Ettâhar Ehngafri El’aqili

et Elhaclj Muhammad hen Ferhoûn Eljerrâri. Le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !) leur confiait les missions

importantes et les envoyait dans les contrées les plus loin

taines de l’Empire. Eux, de leur côté, Sûs les apparences

de l’obéissance, n’avaient que des sentiments host-iles pour

le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân, parce qu’il avait fait ces

ser la familiarité avec laquelle ils traitaient le sultan Moû

lay Slîmân. A chaque instant, ils manifestaient leur déso

béissance, mais le Sultan les laissait faire et négligeait de

relever leurs fautes. Quand vint l’expédition de Tlemsén,

il les fit partir avec les chefs et les notables du guéïch qu’il

envoya. Ils continuèrent leurs attaques contre le gouver

1. Texte arabe, IV” parlie, p. 187.

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ARCHIVES MAROCAINES

nemcnl, et leurs menées devinrent plus étendues et plus

audacieuses. Ils prirent une large part au pillage des Zniàla

et des Doùaïr, assistés du qàïd Drts bn Elniahjoùb Elbo

khàri qui leur servit de complice, et laissèrent voir qu’ils

ne tenaient aucun compte ni du Sultan, ni de son khulîfa,

ni de son gouverneur. Comme une haine secrète régnait

entre eux et le qàïd Dris Eljerrâri, Celui-ci, craignant que

s’il s’opposait au pillage organisé par eux, sa tête ne leur

servit à « fermer cette déchirure », céda et pilla avec eux.

Aussi, lorsque le Sultan, comme nous l’avons rapporté,

rappela cette armée, un émissaire envoyé par lui alla arrê

ter le qàïd Dris à Wujda, d’où il l’ut amené à Tàza où il fut

mis en prison. Quand l’armée de Tlimsân fut arrivée à

‘Ouq Eljernel, près de Fâs, le qàïd At-Tayib Eloudîni

Elbokhâri, gouverneur de cette Aille, se rendit auprès

d’elle. Suivant les uns, il devait arrêter ces qàïds sur l’ordre

du Sullan suivant les autres, il voulait leur enlever les s

charges de leurs animaux qui étaient pleines du produit

du pillage. Mais les Oùdéya et les ‘Abîds, au moment de

commettre leur crime, s’étaient promis et juré de faire

cause commune contre quiconque leur voudrait du mal.

Aussi, quand ils virent arriver le qâ’îd At-Tayib Eloudîni,

ils lui firent un accueil tics plus rudes, si bien qu’il retourna

sur ses pas et alla rendre compte de sa mission au Sultan

qui en fut très irrité.

 

Quelques jours après, le Sultan décida l’arrestation de

Elbàdj Muhammad hen Etlàhar ETaqîli. Pressentant ce

qui l’attendait, Celui-ci se rendit auprès d’Ellàhar hen

Més’oûd et se jetant à ses pieds « .Je vais être emprisonné

sans aucun doute, lui dit-il. Si le Sultan te donne le

moindre pouvoir sur moi, montretoi généreux et ne te

venge pas de ce que je t’ai fait. » Etlâhar hen Més’oùd

avait été auparavant gouverneur de Taroûdant et le Sultan

l’avait destitué pour mettre à sa place lien Etlàbar qui lui

avait fait subir de mauvais traitements. C’est pourquoi il

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

lui tint pareil langage. «Vastu vraiment être arrêté’.1 »

lui répondit Eltâhar bn Mês’oùcl, qui, sur sa réponse

affirmative, lui dit « Moi vivant, il ne t’arrivera rien de ce

que tu redoutes. >> Le Sultan convoqua ensuite Elbàdj

Muhammad bn Ellàhar et Ahmad beu Elmahjoùb, et les

fit arrêter après leur avoir reproché leur conduite. Les

sbires des Oûdèva s’emparèrent de leur conlribule, et

ceux des ‘Abîds du leur, puis les conduisirent le soir à la

prison.

 

Eltâhar hen Més’oùd faisait le guet à la porte du palais

du Sultan pour délivrer Al-Hâjj Muhammad bn Ellàhar

et son compagnon. Quand il les vit sortir, il demanda aux

gardes de les relâcher, niais ceux-ci refusèrent en disant

qu’ils étaient emprisonnes sur Tordre du Sultan. Eltàhar

bn Més’oùd ne voulut rien écouter et, tirant son poi

gnard, frappa le portier Dris Eloùdèyi qu’il entama a

l’épaule, et lui enleva son prisonnier. Il s’avança ensuite

pour délivrer Ahmad hen Elmahjoùb, mais Celui-ci s’y

refusa et le repoussa sévèrement, en lui disant qu’il ne

voulait pas enfreindre les ordres du Sultan. Les Oùdèva

pensaient, en eu’et, en raison de leur serment antérieur,

que les ‘Abids étaient avec eux, mais Dieu avait semé la

division entre eux. Ettâhar et Bn Ettâhar se précipitèrent

alors vers leurs chevaux et s’enfuirent à cheval dans la

direction de Dur Eddebibag. Les Mgàl’ra assaillirent alors

la porte du palais du Sultan, ceints de leurs armes, et si1

mirent à charger leurs fusils et à tirer à balles. Le parti du

Sultan voulut leur résister, mais les Oùdèva, plus nom

breux qu’eux, les battirent et fermèrent sur eux la porte

du Mcchouar. Le Sultan s’informa de ce qui se passait et

fut mis au courant de la nouvelle. Elhasan bn llanimo

Ou’Aziz, qui se trouvait avec lui, lui dit « O notre Maître

si ces gens ont eu l’audace de commettre de pareils actes

à votre porte, c’est qu’ils sont résolus à faire plus. » Le

Sullan (it aussitôt venir un cheval, et sortit, au coucher du

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ARCHIVES .M A H0 GAIN ES

soleil, par 15àb Elbejà, accompagné de I$en Ou W/îz et

do q nelcj ues serviteurs à pied et à cheval.

 

Dès qu’ils apprirent le départ du Sultan, tous les Oùdèya

quittèrent Fâs Eljedîd et la qasba des Chràga pour rejoin

di’o le Sultan, (|u’ils rattrapèrent au pont de Wyyâd. Là,

ils mirent pied à terre et, baisant les sabots de son cheval,

implorèrent sa clémence et se déclarèrent innocents du

crime de ces impudents. Il tombait alors une pluie lég’ère,

et le soleil venait de se coucher, ou peu s’en fallait. Le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !j céda à leurs suppli

cations et revint. Elhàclilj Muhammad bn Fcrhoùn lui

conseilla d’aller avec lui à la qasba des Shrâga, qui était

alors habitée par les gens du Soùs. Le Sultan se rendit à

la maison de ce dernier, non sans méfiance, mais il le

fallait en ce momentla.

 

A peine fut-il installé dans la maison de lien Ferhoùn,

que les Mgàl’ra, les Oùdèya et les gens du Soùs s’ameu

tèrent autour de lui. Les Mgâfra lui manquèrent de res

pect et résolurent même de le tuer. Mais Dieu le protégea

contre leur malice, car la division se répandit parmi eux,

et les gens du Soùs, très surexcités, déclarèrent que le

Sultan ne passerait pas la nuit ailleurs que dans son palais.

En effet, ils lui demandèrent de s’en aller. Le Sultan

monta à cheval et, reconduit par eux, retourna pendant la

nuit à son palais, où il se reposa.

 

Quelques jours après, le Sultan profita d’un moment

d’inadvertance des Oùdèya pour se transporter au jardin

de Boùljloûd, en dehors de Fâs Eljedîd. Tout son parti de

Wbids et d’autres gens se joignirent à lui et presque tous

s’installèrent à Fâs le vieux, de sorte que les Oùdèya res

tèrent seuls a Fâs Eljedîd. Le Sultan fit venir ensuite les

Wbids de Miknâs qui répondirent à son appel. Les Udaya

s’émurent en voyant que le Sultan avait résolu de les quit

ter, car ils savaient que, s’il se séparait d’eux, il ne les

abandonnerait que pour les réduire ensuite. Ils le solli

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 10

 

citèrent de demeurer il iïès, s’excusèrent et manifestèrent

leur repentir, tandis que les mauvais sujets allaient livrer

aux ‘Abîds un combat, où nombre d’hommes périrent des

deux côtés.

 

Le Sultan parvint à les calmer, par une attitude bion

veillante et douce, puis résolut d’aller à Miknâs. Empor

tant avec lui ses lourds bagages, ses efl’ets et ses ri

chesses, il prit la route de (Juebgueb et la ‘Aqbat Elm

sàjin, pour faire croire qu’il partait pour le Garb. Un

grand nombre de notables des Oùdèya sortirent pour lui

l’aire escorte, puis, changeant d’idée, revinrent sur leurs

pas. Les Abîds tinrent-ils à leur adresser certains propos

déplaisants? Les Oùdèya se groupèrent et tombèrent sur

les ‘Abîds qu’ils séparèrent du Sultan, puis pillèrent ses

trésors et ses bagages. Quelques hommes sensés purent

s’approcher des femmes et les ramenèrent, Sûs leur pro

tection, au palais ils ne pouvaient faire un plus bel acte.

L’argent et les effets furent pillés ils étaient en grande

quantité. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) pour

suivit sa route. Un des audacieux Oùdèya le suivit dans

le but de le tuer, mais, avec la protection de Dieu, il

arriva à Miknâs, ou il se trouva en sécurité.

 

La nouvelle de cette émeute était parvenue au qaïdDrîs

bn IlUmmân Eljerràri, emprisonné à Tàza, qui, usant

de ruse pour obtenir sa liberté, forgea une lettre au nom

du Sultan et l’envoya au gouverneur de Tàza qui le mit

en liberté. C’est que le Sultan, au moment où ce qâ’îd était

à Tlimsân, lui avait envoyé quatre feuilles de papier por

tant le grand sceau impérial, et lui avait ordonné de con

server précieusement ces feuilles et de ne les employer

que pour des affaires de la plus haute importance inté

ressant particulièrement le Sultan et le gouvernement, et

pour lesquelles il n’aurait pas le temps de demander des

instructions, en raison de la distance qui sépare Tlimsân

de Fâs. Ce qâ’îd employa alors une de ces feuilles, et y

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AMC.IIIVliS jNIAHOCAl.NKS

 

écrivit l’ordre de sa mise en liberté; c’est ainsi qu’il sor

lit de prison. Il alla à l’es a marches forcées, et, à peine

arrivé, il écrivit au Sultan, pour lui annoncer ce qu’il avait

luit et l’assurer « <|ii’il était toujours prêt à donner à notre

Maître ses bons conseils et a travailler au bien du Sultan

et de l’armée ». Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

lui répondit par la lettre suivante:

 

« Ensuite

 

« Nous avons reçu votre lettre et en avons pris connais

sance. Dieu soit loué de ce que vous êtes sain et sauf!

car j’avais envoyé quelqu’un auprès de vous pour vous

délivrer. C’est que nous avons acquis la certitude que

vous avez été contraint d’agir ainsi et que vous n’avez rien

à vous reprocher..Vu contraire, vous ave/, donné une

preuve d’habileté en cédant aux pillards, car si vous les

aviez retenus, la situation eut été gravement compromise

làbas. Aussi vous avez l’Amân, pour le présent et l’avenir.

Ne craignez jamais rien, car vous êtes de ceux dont nous

connaissons la piété, l’intelligence et la sincérité. Nous

avons vu, nous avons entendu tout le mal diabolique au

quel se sont livrés nos oncles. Il ne convient pas que nous

les traitions comme nous ont. traité ceux d’entre eux qui

n’ont pas de raison, car si nous agissions ainsi, nous ne

pourrions plus nous rencontrer. Kaitcsdone tous vos

e Morts pour le bien et la conciliation. Donnezleur de

notre part l’assurance qu’ils n’ont rien à craindre de nous.

Déployez donc les ell’orts les plus sérieux, car « si Dieu

se sert de vous pour ramener dans le droit chemin un

seul individu, cela vaut mieux pour vous que ce sur quoi

le soleil se lève.

 

« Salut. t.

 

« Le 17 moharrem 12/|7. »

 

Le qâ’îd Dris s’occupa avec la plus grande sollicitude

du harem du Sultan qui était reste à Fâs Eljedîd, et où

se trouvait la favorite de Mawlay ‘Alxlerrahmàn, Lâlla

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

l’Yiliua, fille de Mawlay Slimùn. Il alla trouver ïamîn pré

cédemment chargé des dépenses, et le pria de lui drosser

une liste des (juanlilés journalières de farine, île viande,

de graisse, etc., qu’il remettait auparavant au palais du

Sultan. Quand cet ainiii lui eut écrit cette liste et la lui

eut envoyée, ilfournit chaque jour au palais du Sultan les

quantités qui y étaient porlées. L’n jour l’eau du palais du

Sultan lut coupée le qâ’îd IJris lit porler lotis les jours

des outres d’eau au palais, répara les conduites, et tra

vailla jusqu’à ce que l’eau eut repris sou cours.

l’eu de temps après, le Sultan convoqua toutes les tri

Jhis du Maghrib, celles du IJoùz, comme celles du Garb, et

des ports. Elles arrivèrent toutes à Miknâs. Apprenant

cela, les Oùdèya firent venir d’une province où il se trou

vait le ehériï Sîdi Muhammad bn At-Tayib, se massèrent 1

autour de lui et le proclamèrent. Les tribus qui les avoi

si liaient, et qui leur avaient promis de faire cause com

mune avec eux, les abandonnèrent, l’ouïes les tribus du

Maghrib étaient prévenues, eu ell’et, contre ce Sidi Moham

med bn IvHayyéb, depuis que, gouverneur de Taniesua

et de Doùkkâla, il avait maltraité les habitants de ces

contrées aussi était-il universellement détesté.

Le Sultan marcha sur Fâs Eljedîd pour y assiéger les

Udaya. Il fit braquer contre eux les canons et les mor

tiers. On tira sur eux sans discontinuer de la Mhalla du

Sultan, de ‘Aïn Qâdoùs, du bastion de Boùljeloùd, du

bastion de Bâb Elguisa et du bastion de Bab Elftoùh. Le

siège dura sans répit pendant quarante jours. Les Oùdèya

répondaient aussi par des boulets et des bombes. Au

cours de ces journéeslà, les Bni Hsen se distinguèrent

par leurs exploits. Puis le Sultan résolut de les emmurer

et fit venir des charpentiers qui se mirent à travailler.

Mais, fatigués de la guerre, les Oùdèya réclamèrent la

paix. L’amîn Al-Hâjj Elfàléb bn Jelloùn leur servit

d’intermédiaire auprès du Sultan, qui leur accorda L’Amân

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ARCHIVES MAROCAINES

à la condition qu’ils quitteraient Fâs Eljcdid. Ils se sou

mirent et envoyèrent auprès de Mawlay AbdeiTahinàn,

pour implorer sa clémence, les vieillards et les enfants

portant des planchettes sur leurs tètes. Parmi eux se trou

vait leur sultan Bn Eftayyéb. 11 pardonna à tous (Dieu lui

fasse miséricorde !), et parmi les paroles qu’il leur adressa

leur dit: « Dieu soit loué de n’avoir donné la victoire ni

à vous, ni à moi, car si je vous avais vaincus, cette armée

aurait égorgé vos enfants sans que je pusse vous préser

ver, et si vous m’aviez vaincu, vous auriez fait tout ce que

vous auriez pu. Dieu a donné une preuve de sa clémence

envers vous et envers moi. » Ces paroles sont une marque

de la grande intelligence du Sultan (Dieu lui fasse misé

ricorde !), de sa générosité et de sa bonté.

 

Le Sultan résolut ensuite de partir pour Miknâs, mais

auparavant il investit le qâ’îd Dris hen IlUmmân Eljerrâri i

du commandement du guèïch Eloùdèya tout entier (21 cljou

mâda 11 1247). A Miknâs, lors de la fête de la rupture du

jeune, toutes les députations vinrent saluer le Sultan. Le

calme était rétabli, le Sultan écrivit au qâ’îd Dris de venir

aussi assister i la fête avec un grand nombre de ses con

tribules, environ 500. Ils répondirent à sa convocation, et

se présentèrent au Sultan un soir dans le Meehouar. Là, il

leur adressa des réprimandes, si bien que l’on crut qu’il

allait les emprisonner. Mais il leur donna congé, et ils

retournèrent à Fâs Eljedîd.

 

Puis, quand il résolut de partir pour Murrâkush, il se

rendit d’abord à Fâs. Il campa en dehors de la ville, et

après avoir examiné la situation du pays, du guèïch et de

tous les habitants, il reprit la route de Murrâkush. Un jour

ou deux après son départ de Fâs, il écrivit au qâ’îd Drîs

de lui envoyer Ettâhar bn Més’oùd et Al-Hâjj Moham

med bn Ettâhar, qui l’accompagneraient à Murrâkush,

où ils serviraient Sûs les ordres de son fils et khalîfa,

Sîdi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân. Ces deux person

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

nages partirent à cheval, et libres, mais ils redoutaient le

Sultan depuis les actes abominables qu’ils avaient com

mis et qui avaient amené cette grande révolte. Arrivés à

Murrâkush, ils entrèrent au service du khalîfa.

L’année 12/|7 prit (in. Durant son cours, le Sultan des

titua son vizir, le fqîh Abû ‘Abdallah Muhammad hen

Dris, et le mit à la torture, puis lui rendit ses fonctions.

Dans l’intervalle, le Sultan nomma à sa place le fqih très

docte et distingué Si Elmoukhtàr bn ‘AbdelmélikEljàm’i,

qui s’accluitta avec distinction de cette charge (Dieu lui

fasse miséricorde !).

 

Durant cette même année, le Sultan fit construire le

grand muristân, qui se trouve sur le mausolée de l’ami

de Dieu Abûl’abbas Ahmad hen ‘Âchér à Salé. Il n’y

avait alors sur le tombeau que la qouhba et la mosquée

le Sultan fit élever autour de ces constructions un grand

mûristûn et construire une autre mosquée, et plus de

vingt chambres pour les malades. Il y amena l’eau et éta

blit auprès de la mosquée une chambre d’ablutions pour

les hommes et une autre à l’est pour les femmes. Ce fut

une belle action dont Dieu inscrivit la récompense sur la

page du Sultan.

 

Dans l’année 1248, au mois de safar, le qàïd Dris reçut

du Sultan, qui se trouvait alors à Ribàt Ell’eth, une lettre

l’invitant à lui envoyer Al-Hâjj Muhammad bn Ferl.ioùn

Eljerrari. Celui-ci arriva libre, mais il fut aussitôt arrêté

et envoyé à As-Swîra. Peu de temps après, le Sultan rece

vait une lettre de son fils Sîdi Muhammad, le prévenant

qu’il avait emprisonné Ellahar bn Més’oùd et Al-Hâjj

Muhammad bn Ettâhar, parce que, persistant dans leur

égarement et leurs menées diaboliques, ceux-ci avaient

comploté de le faire périr au msalla, le jour de la fête des

sacrifices de l’année précédente Dieu seul l’avait préservé

de leurs machinations. Arrivé à Murrâkush, le Sultan en

voya successivement au qaïd Drîs l’ordre d’arrêter les fau

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teurs de la révolte les uns après les autres, de sorte que

presque tous furent emprisonnés.

 

Mais le qàïd Dris, sentant que le Sultan avait encore (lu

ressentiment contre les Oùdèya, s’attacha à rechercher et

à découvrir quels étaient les sentiments intimes qu’il nour

rissait à leur égard, ce qu’il voulait d’eux, et ce qu’ils

pourraient faire pour le satisfaire et apaiser son esprit. Le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui écrivit à ce sujet

une lettre exposant ses désirs oit il disait, après les invo

cations et le sceau ehérifien placé entre elles et le texte de

la lettre

 

« A notre oncle intègre le qàïd Drîs Eljerrâri. Le salut

soit sur vous et la miséricorde du TrèsHaut.

 

« Ensuite

 

« Vous nous avez demandé, plusieurs fois, de vive voix

et par écrit de vous expliquer notre désir et de vous expo

ser nos vues sur le guéïck, et ce qu’il pourrait faire pour

nous contenter. Nous vous avons fait une réponse pleine

de réserves, parce qu’alors nous n’avions pas une en

tière confiance dans la sincérité de votre langage, et il

nous semblait que vous nous questionniez pour connaitre

le fonds de notre cœur. Mais aujourd’hui nous avons

tellement pénétré vos sentiments de sincérité, votre affec

tion et la pureté de vos intentions que nous vous consi

dérons comme un de nos enfants. « Tl ne peut y avoir de

« certitude sur rien, si le soleil a besoin de preuves. »

En conséquence, personne n’est plus digne que vous de

recevoir la coniîdence de nos pensées intimes. Nous ne

vous cacherons rien de nos projets secrets.

 

« Sachez donc (Dieu vous dirige !) que ceux que nous

avons tenu à maltraiter, dans nos paroles et dans nos actes,

ce sont tous les Mgâfra, sans faire de distinction parmi

eux entre le grand et l’humble, entre le fort et le faible,

et cependant il n’est pas un seul homme droit d’entre eux

qui ait été atteint. Si les Udaya et les Ahl As-Sûs les

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

avaient suivis, avaient soutenu leurs ambitions, ils auraient il

réussi à nous enlever la vie. Mais Dieu nous a sauvé. Per

sonne n’ignore le châtiment qu’ils ont mérite pour leur

conduite aux termes de la Loi et de la coutume, mais en

raison de leurs anciens services et contenant notre juste

colère, nous ne leur avons appliqué que les peines les plus

légères parmi celles que Dieu édicte eontre leurs pareils.

Dieu a dit (sa majesté soit exaltée! «Le châtiment de

ceux qui luttent contre Dieu et son Prophète, et qui travail

lent à répandre la corruption sur la terre. etc. » Nous

avons juré, par Dieu et par ses anges, que Fâs Eljedîd ne

nous posséderait pas tant que les Mgàfra s’y trouveraient.

Voilà la vérité sincèrement exprimée.

 

« Et maintenant indiqueznous de quelle façon il convient

d’agir, ce que nous devrons faire en premier lieu et ce que

nous devrons différer. Nous tenons à arriver à nos lins

sans soulever de difficultés et sans causer de scandale

préjudiciable au guéïch. Croyez-vous qu’il faille divulguer la

chose ou la tenir secrète’ Au cas où il n’y aurait pas de

résistance de leur part, faitesnous savoir dans lequel des

ports de notre empire ils consentiraient à se transporter,

à Errefftt, par exemple, ou à la qasba de Murrâkush. De

toute façon, nous ne pouvons pas leur pardonner nous vou

lons, au contraire, les chàtier et leur appliquer au moins

en partie la justice de Dieu c’est la seule manière pour

nous d’obtenir la tranquillité et le calme, et de nous dé

gager de notre serment, car le croyant ne se laisse pas

blesser deux fois par la même pierre.

 

« Vous nous rappelez l’engagement que nous avons pris

envers vous, et notre promesse d’être bienveillant pour

vous et de vous comhler d’honneurs. Cette promesse est

sincère et ne doit vous laisser aucun doute, s’il plaît à

Dieu Ne méritez-vous pas toutes nos faveurs ? Votre in

telligence et votre fidélité vous ont rendu digne des plus

hautes missions. Si nous avions trouvé un homme comme

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vous dans le guëïch, nous aurions eu la plus grande con

fiance en lui, et nous aurions fait pour lui le nécessaire.

Vous nous avez demandé, en résumé, d’occuper auprès

de nous la place que tenait auprès de notre seigneur

et aïeul le qâ’îd Qacldoûr bn Elkhadir (Dieu leur fasse mi

séricorde !). Mais votre rang auprès de nous est plus con

sidérable que ne l’était le sien l’influence que vous avez

auprès de nous est plus grande et plus appréciable que

celle dont il jouissait auprès de mon seigneur et aïeul,

(Dieu le sanctifie !), car Celui-ci ne le récompensa que pour

sa fidélité. Nous, au contraire, qui l’égalez à ce point de

vue, vous le surpassez par quelque chose de plus c’est

le service que vous avez rendu à nos femmes et i nos en

fants, qui, sans vous, seraient morts de faim. Seul, un

homme vil nierait un tel bienfait. Dieu nous préserve d’un

pareil sentiment Réjouissez-vous et n’ayez aucune inquié

tude. Le rang et la situation dont vous jouissez auprès de

nous sont tels que si vous pouviez vous en rendre

un compte exact, vous seriez rempli de joie et d’allé

gresse d’ailleurs, vous le verrez dès que la « poussière se

« dissipera M. Notre famille qui est auprès de nous, ne cesse

de rappeler votre bienfaisance à son égard et fait auprès

de nous les prières les plus pures en votre faveur. Dans

le hadîts, on raconte qu’une femme des Bni Isrâ’il

voyant un chien qui avait si soif qu’il léchait de la boue,

lui donna à boire, et que Dieu lui pardonna ses fautes.

Que réservet-il alors à celui qui a fait le bien envers plu

sieurs personnes qui n’avaient plus d’espoir qu’en Dieu ?

Que Dieu ne vous fasse jamais tomber dans le malheur

« Salut.

 

« Le 18 du mois glorifié de ramadan 12/|8. »

 

Après cela, Dieu prépara au Sultan sa décision à l’égard

des Udaya et lui inspira les véritables mesures qu’il y

avait lieu de prendre visàvis d’eux. Il commença par

ordonner le transfert du Relia des Mgâfra à Qasbat Ech

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

cherrâdi, dans les cnviions de Murrâkush. La population

pensa qu’il se bornerait à cela, car (Dieu lui fasse mi

séricorde !) il (it croire <|ii’il avait seulement décidé le

transfert des Mgfdra. Ensuite, il envoya le Relia des Où

dèya à El’arêïch et dans les environs, puis au Jebel Sel

fât. Peu de temps après, le Relia de Ilel Sûs fut trans

porté à Ribât Al-Fath les hommes devaient camper à

Elmansouriya, au bord (le l’Wad Ennefîfîkh, et leurs

qàïds résider à la de Ribât Elfelh. Six ans après, il

fit transporter leurs campements à Qasbat Temâra, près

de Ribât Al-Fath. Comme cette (la.yba était en ruines, il la

fit réparer entièrement deux ou trois ans après. Le Sul

tan raya le corps des Udaya des contrôles de l’armée et

cessa de s’en occuper pendant quelques années. Puis il les

y réintégra vers 4 260, comme nous le verrons plus tard.

Le Sultan avait ainsi totalement débarrassé Fâs Eljedîd

du guéïch ElUdaya. De Murrâkush, il envoya Ettâhar bn

Més’oùd et Elhadj Muhammad bn Ettàhar, qui y furent

emprisonnés. Puis la ‘Arifa du palais, Al-Hâjja Zouîcla,

apporta, de la part du Sultan, à son fils Sidi Muhammad,

à Fâs, une lettre contenant l’ordre de mettre ces deux

hommes à mort il l’endroit même où le premier avait dé

livré le second. On les conduisit à cet endroit, et le nègre,

le qûïd Faraji, fut chargé de l’exécution. Il commença

d’abord par Ettâhar, qui tomba frappé d’une balle qui

lui fracassa la tète. Puis, ce fut le tour d’Al-Hâjj

Muhammad bn Ettâhar bn Més’oùd qui fut tué de la

même façon on prétend que la vie s’était déjà retirée de

lui avant qu’on le tuât, car on ne vit pas son sang couler.

Au contraire, le sang de Ettàhar bn Més’oùd coula en

abondance et Sidi Muhammad, fils du Sultan, ordonna de

l’enterrer. Quant à Bn Ettâhar, son cadavre fut jeté sur

un fumier, et dévoré par les chiens, Sûs la surveillance

de gardiens il ne reste plus que ses pieds avec leur

chaîne. Cette exécution eut lieu vers 1250.

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ARCHIVES MAROCAINES

Quant à lion Ferhoùn et ses compagnons, ils demeu

reront dans la prison do l’ilo de As-Swîra jusqu’à leur

moil.

 

Cette terrible allai re mon Ire quelle était l’intelligence

du Sultan, et jusqu’à quel point allaient sa clémence et sa

générosité, puisqu’il n’inliigea à ces gens, qui lui avaient

fait le mal le plus grand, que le plus mince des châtiments

qu’ils avaient mérités, ainsi qu’il l’a dit lui-même et comme

on a pu le voir et le savoir.

 

Je demande à Dieu de nous envelopper de sa miséri

corde, ainsi que tous les Musulmans, de nous préserver

tous du mal, de nous faire obtenir la paix dans ce monde

et le paradis dans l’autre. 11 peut nous accorder cette

grâce et répondre à nos prières.

 

Commencements de Al-Hâjj ‘Abdelqâder bn Mahi Eddîn Elmou

khtàri dans le Maghrib moyen, et quelquesunes de ses ac

tions

 

Quand le guàïch du Sultan eut quitté Tlemsén Sûs la

conduite de Mawlay Ali bon Slmian, la population de la

ville demeura sans maître. Les host-ilités recommencèrent

entre les Hadar de la ville et les Kourou<ïlis, et destrou

bles éclatèrent parmi les tribus arabes de la région. La

situation devint très compliquée.

 

A cette époque, campait au milieu des Ilchém, dans la

fraction des Mchacbel, un mrûbet, le fqih Mahi Eddin ‘Ab

delqader Elmoukltlari ce nom d’Elmouklilûri lui venait

d’un de ses ancêtres qui étaient célèbres dans cette région.

Ce personnage s’appliquait à faire du bien et à enseigner

la science il avait fondé dans ce but une zûomja pour les

tolba et pour les lecteurs du Qoriin. Il s’était ainsi acquis

1. Texte arabe, IV” partie, p. 191.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

une grande célébrité parmi ces lril)us (|iii croyaient on lui.

Lorsque l’ennemi fond il sur ce pays, et que s’allumèrent

des guerres intestines, les [Jeliéni et une partie des lieui

‘Amer se réunirent pour délibérer sur les événements cj ni

les frappaient. Ils tombèrent d’accord pour proclamer ce

Main Eddin, et se rendirent auprès de lui pour lui sou

mettre leurs desseins. Celui-ci refusa le pouvoir, fit part

(le ses scrupules et s’excusa en disant qu’il était vieux,

qu’il n’était plus bon à rien, et que d’un jour à l’autre il

ne serait plus qu’un cadavre. Comme ils insistaient et le

suppliaient, il leur conseilla de s’adresser soit fils,

Elhadj ‘Abdelqâder bn Mahi Eddin. Le mrâbet avait alors

plusieurs enfants: Al-Hâjj ‘Abdelqâder n’était ni l’aîné,

ni le plus savant, ni le plus vertueux, mais il était décidé

et courageux. Ces gens cédèrent à ses conseils, en y met

tant comme condition que le père dirigerait son fils et

lui donnerait les conseils nécessaires.

 

Une fois en possession du pouvoir, Al-Hâjj ‘Abdclcjà

der réunit une troupe de lîeni ‘Amer et d’Elhchém, et

marcha sur Wahran qui avait été prise par les Chrétiens

depuis six ou sept mois, et qui était encore en leur pou

voir. Il attaqua vivement les Chrétiens, en tua un certain

nombre, emmena des prisonniers et fit à l’ennemi un mal

considérable. Il s’en retourna victorieux et triomphant.

Les tribus tirèrent bon augure de ce succès, l’aimèrent

et furent frappées par son prestige. Il en profita aussitôt

pour composer une armée assez considérable de Ilchém

et de Bni ‘Amer.

 

A la nouvelle de cette victoire, les habitants de Tlemsèn,

qui réclamaient plus que jamais un chef, lui envoyèrent t

une députation, pour lui faire connaître que, bien qu’avant

déjà prêté serment au sultan Mawlay ‘Abdcrrahmàn, roi

de Murrâkush et de Fâs, ils voulaient aussi se Sûs

son obéissance et prendre sou parti. Al-Hâjj ‘Abdelqàder

accueillit leur demande et leur fît prêter serment, tout en

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ARCHIVAS MAROCAINES

manifestant son obéissance et sa soumission au sullnu

Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân, au nom duquel la kholba fut pro

noncée du liant des chaires do Tlemsèn et du pays. Il

nomma, comme gouverneur de Tleuisèn, son vizir Abû

‘Abdallah Muhammad ElBûhamîdi Eloulhàsi, et écrivit

au Sultan pour lui faire savoir qu’il était un de ses servi

teurs et un des qàïds de son armée. La situation d’Elhâdd j

‘Abdelquder devint bientôt prospère et s’afl’ermit dans le

pays de Tlcmsèn. Cependant, il fut bientôt abandonné

par les tribus d’Eddoûaïr et d’Ezzemâla, dont nous avons

déjà parlé, pour plusieurs raisons, et principalement à

cause de leur inimitié contre les llchém, qui n’avait fait t

qu’augmenter lorsqu’Elhadj ‘Abdelqâder avait rappro

ché ceux-ci de sa personne en les prenant comme soldats.

Ils en conçurent de l’aversion pour Al-Hâjj ‘Abdelqâder

et se rendirent à Wahran, où ils déclarèrent qu’ils se sou

mettaient aux Français. Ceux-ci les ayantaccueillis etpris

Sûs leur protection, il en résulta entre eux et Elhadj

‘Abdelqàder des guerres terribles.

 

Voici le récit que m’a fait Vamin Elhadj ‘Abdelkerîm,

fils d’Al-Hâjj Ahmad Errezini Ettetâouni. « J’ai demeuré

assez longtemps à Wahran j’étais encore très jeune à cette

époquelà, ma barbe commençait à peine à pousser

Elhadj ‘Abdelqâdor bon Mal.ii Eddîn avait conclu une

trêve avec le gouverneur français de Wahran et d’Alger. Cha

cun d’eux avait installé un consul et des négociants chez

l’autre, connue cela se passe toujours en temps de trêve.

On reçut un jour la nouvelle que les tribus d’Ezzemâla et

d’Eddoûaïr, rentrant dans le commandement de Elhadj

‘Abdelqâder, au nombre de près 2.000 feux, s’étaient en

fuies loin de lui et étaient venues camper Sûs les murs

de la ville de Wahran, qu’elles demandaient aux Français leur

appui, qu’elles avaient déjà arboré leur drapeau et qu’elles

déclaraient se placer Sûs leur autorité et compter parmi

leurs sujets. Les Français leur envoyèrent dire qu’ils les

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

acceptaient et qu’elles seraient bien traitées. Le lendeinaiii

Ell.iàdj ‘Abdelqàder (il porter aux Français, par le plus

haut personnage de son gouvernement, Klhùdj Klhabib

Ould Elmouhr Elma’askéri, une lettre où il leur disait:

« Vous savez que ces gens qui se sont enfuis auprès de

« vous sont nies sujets et sont placés Sûs mes ordres. Il

« faut que vous me les rendiez, sans quoi je vous déclare la

« guerre. » Les Français refuseront, de rendre ces tribus

et acceptèrent la guerre. 11 fut convenu, de part, et d’autre,

que chacune des deux parties renverrait les négociants

ressortissant de l’autre et établis sur son territoire, dans

un délai de trois jours, faute de quoi ils ne seraient plus

respectés, et que les consuls quitteraient les derniers le

territoire de l’ennemi à une heure déterminée de la nuit,

de façon à se trouver ensemble à la frontière qui sépare

le territoire des Musulmans de celui des Chrétiens. Cette

convention fut mise a exécution, et chacun se retira en

lieu sûr. Les délais écoulés, les deux années marchèrent

au jour qui fut déterminé. Il y eut une mêlée qui ferait

blanchir les cheveux d’un petit enfant. Le soir, on enten

dit, à l’intérieur de la ville, un grand fracas, des cris et

de nombreux coups de feu. C’était Al-Hâjj ‘Abdelqàder

qui avait infligé une sanglante défaite aux infidèles. Les

Chrétiens s’étaient réfugiés aux pieds des murs de la ville

et s’étaient pressés aux portes, montant les uns sur les

autres. Puis la cavalerie venant par derrière les avait écra

sés et piétines avec les chevaux. Dans cette presse mou

rurent près de Zi.000 Français, sans compter ceux qui

avaient péri en dehors de la ville, tués par les boulets, les

balles, la baïonnette et la lance. Les Musulmans s’empa

rèrent du camp des Chrétiens, avec tous ses canons, ses

caissons, ses tentes et ses bagages. J’habitais, à ce moment

là, ajoutait Al-Hâjj Wbdelkerîm, la même maison qu’un

officier supérieur français. Je lui demandai, un jour ou

deux après la bataille, combien, à son avis, étaient morts

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ARCHIVAS MAROCAINES

de Français à cette ad’aire. 11 me demande si je voulais un

compte approximatif, ou bien très large. Comme je le priai

de compter approximativement « Je suis officier supé

« rieur de l’armée, me dilil, et comme tel j’ai 1 .800 hommes

«Sûs mes ordres depuis cette bataille, je n’en ai plus

« que 18! »

 

Les Zmàla et les Doùaïi* persistèrent a être les auxi

liaires des Français, qu’ils soutinrent de leur mieux. Ils

se choisirent comme chef un homme appelé Elmouslafa

bn Ismâ il, qui lut le principal agent de la prise du 3Ia

grib moyen par les Français, et fut l’âme de presque toutes

les guerres qui curent lieu pendant cette période entre

les Musulmans et les Chrétiens, jusqu’au jour où il fut

tué, vers le milieu de l’année 1 259. Que Dieu redouble de

colère et de venofeance contre lui

 

En apprenant la manière dont Al-Hâjj Wbdelqâder

menait la guerre sainte contre l’ennemi de la religion et

soutenait l’indépendance des Musulmans, le sultan M où la y

‘Abderralunaii (Dieu lui fasse miséricorde !) admira sa

conduite, lui assigna, dans son estime, une haute situation,

car il voyait en lui un ardent champion de l’Islam dans un

moment où la religion manquait de défenseur. Plusieurs

fois, il lui envoya des secours en chevaux, en armes et en

argent, notamment par l’intermédiaire de Yamîn Al-Hâjj

Eltâléb bn Jelloûn ElFâsi.

 

La guerre dura longtemps entre Al-Hâjj ‘Abdelqâder

et les Français. A un certain moment, ceux-ci ayant réussi

à s’emparer de ïlemsên, Al-Hâjj ‘Abdelqâdev les y assié

gea et les fit sortir de la ville. Puis ceux-ci la reprirent,

après de terribles engagements et des sièges pénibles.

Mais le mal que leur faisait Elhftdj ‘Abdelqader consis

tait seulement à leur tuer des gens et à les piller, tandis

que les Fiançais mettaient il mal les Musulmans en s’em

parant de leur pays et en le réduisant progressivement.

Cette situation dura près de seize ans.

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DYNASTIE ALAOLJE DU MAROC

 

En résumé, Elhndj ‘Abdelqûder fut irréprocha])lc au

début, dans son application à faire la guerre sainte et à

repousser l’ennemi, mais peu à peu ses ambitions évo

luèrent dans un autre sens, et le pays resta aux mains des

[̃^aurais Dieu fait toujours triompher ses décrets.

En l’année 12Ô0, naquit l’auteur de ce livre, Ahmad bn

Khalod Ennàsiri, Esslàoui. Ma mère, la dame Fàtmn, lille

du fi/îfi Si Muhammad bn Muhammad hen Qàsém Ijen

Zerroùq Elhasani Elidrîsi Eljebbài’i, m’a raconté que je

naquis à l’aurore du samedi 22 cloùlhedja de cette année

là.

 

Au mois de moharrein 1251, mourut a Murrâkush l’il

lustre vizir Si Elmoukhtâr bn ‘Abdelniélik Eljâm’i. Ee

Sultan le remplaça par le l’qîb Abû ‘Abdallah Mohamnied

hen ‘Ali Elhàl.ii Enneknafi qui exerça ses fondions peu de

temps, et nomma à sa place l’ancien vizir Al>où ‘Abdal

lah Muhammad bon Dris (Dieu leur fasse miséricorde!).

Cette annéelà éclata dans le Maghrib une épidémie carac

térisée par la diarrhée, les vomissements, l’enfoncement

des yeux et le refroidissement des membres.

 

En 1252, les ‘oulamd de Fâs reçurent d’Al-Hâjj ‘Ab

deiqàder bnMahi Eddin le questionnaire suivant

« Louange à Dieu.

 

« A nos doctes seigneurs, les guides de la voie droite

et les lampes qui brillent dans les ténèbres, les juriscon

sultes de la capitale Idrisiennc, « cibles » de toutes les

demandes et « halte des animaux au poil gris », médecins

qui administrez les remèdes de la religion, qui faites triom

pher sa justice et anéantissez l’injustice, et qui résolvez

les questions difficiles, vides ou stériles.

 

« Quelle est votre réponse (Dieu vous conserve !) au

sujet de la question si grave et si cruellement attristante

de la patrie d’Alger, partagée maintenant en plusieurs des

dans le crible de l’infidélité. Les ennemis infidèles veulent

devenir les maîtres des Musulmans, et les asservir tantôt

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ARCHIVES MAROCAIN KS

par le glaive, tantôt ]>ar les stratagèmes de leur politique.

Il y a tics .Musulmans qui fie rendent auprès d’eux, leur

jurent fidélité, leur fournissent des chevaux, et qui ne

manquent pas de leur indiquer et de leur découvrir les

défauts des Musulmans. Il y a des Wrabs dans leur voi

qui imitent cet exemple, et qui s’eiHi’aident pour

renier et abjurer leur foi.

 

« Quel est, à rencontre de ces deux catégories de gens,

le jugement de Dieu en ce qui concerne leurs personnes

et leurs Liens ? Doivent-ils être châtiés ou laissés dans

cette situation? Quelle décision prendre contre ceux qui

ne vculeut pas prendre la défense des femmes et des

enfants, quand le représentant de l’Imam les appelle pour

repousser l’ennemi et le combattre ? Doivent-ils être

punis ? Quel genre de châtiment doivent-ils recevoir, quand

il n’est pas possible de les tuer? Doiton leur prendre

leurs biens et leur argent ? Comment se comporter visà

vis de ceux qui refusent de payer partiellement ou inté

gralement la zakât, quand il est certain qu’ils sont en me

sure de le faire? Doiton croire à leurs paroles en ce temps

où il y a si peu de religion, ou bien faut-il attendre pour

faire les efforts nécessaires ? Comment pourvoir aux be

soins de l’armée qui défend les Musulmans, et qui protège

leurs ports contre les assaillants, alors qu’il n’y a que peu

de trésor, et que les recettes de la zekûls, loin de les pour

voir de costumes, d’armes, de chevaux et solde, ne suffi

sent même pas pour les nourrir ? Faut-il licencier ces

troupes et laisser l’infidèle s’emparer du pays, ou bien en

imposer l’entretien à la communauté des Musulmans?

Dans ce dernier cas, faut-il frapper tout le monde, ou bien

les riches seulement ? Il n’est pas possible, cependant, de

taxer exclusivement les riches, à cause de l’ignorance et

de la grossièreté des ‘Arab-s. Celui qui refusera de donner

sa contribution doit-il être considéré comme criminel ?

Quelle mesure prendre en ce qui concerne les biens de

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DYNASTIE ALAOIJIIî DU MAIiOC

 

ARCH. MAIIOC. 11

 

ces criminels Eslil permis de ne pas leur rendre leurs

biens Réponde/, à ces questions et à toutes celles qu’il

convient d’envisager en ce moment et qui nous ont

échappé, (iuérissez nos maux (Dieu vous conserve!), car

toutes ces allaires oui diminué nos forces et |)cu s’en tout

(|iie celui qui veille aux intérêts des .Musulmans, con

traint par ces raisons, n’abandonne le pouvoir et ne re

jelle le manteau de l’autorité et la cuirasse.

 

« Salut.

 

« Le 19 doûlhedja de l’année susdite.

 

« Emit sur Tordre d’Al-Hâjj ‘Abdelqâder bn Mahi

Eddin (Dieu le favorise!1. »

 

La réponse à ce questionnaire fut faite sur l’ordre du

Sultan, par le fqîh très docle Abûll.iasaii ‘Ali bn ‘Abdes

selàm Medidéch Ellesoùli. Cette réponse, très longue,

comprend plus de cinq cahiers eUe se trouve entre les

mains de tout le monde.

 

En présence des messages de ce genre qu’il recevait t

d’Al-Hâjj ‘Abdelqâder, le Sultan (Dieu lui fasse miséri

corde !) faisait tous ses ell’orts pour l’aider en lui envoyant t

des armes, des chevaux, de l’argent, etc. Mais cela n’em

pècha pas les décrets de Dieu de s’exécuter.

 

Dans l’aprèsmidi du samedi 20 rabî’ I01″ 1253, mourut

le fqîh très docte, versé dans toutes les sciences et sur

tout dans le Hadils, Abû Al-’Abbâs Ahmad bn Elluulj

Elmekki Essedrâti Esslâoui. Il fut enterré le lundi sui

vant au matin dans la plaine voisine du mausolée de

l’ami du TrèsHaut, Sidi Al-Hâjj Ahmad Bn ‘Âchér. Une

grande foule assista à son enterrement, qui était conduit t

par le fqîh très docte, le qâdi Abû ‘Abdallah Muhammad

Elhâclnni Toùbi. Le fqîh Abû Al-’Abbâs est l’auteur d’un

commentaire du Mououattâ de l’imam Mfilék, qui se trouve

entre toutes les mains.

 

Dans la matinée du vendredi 26 ramadan 125/i, mourut le

fqîh très docte, le qâdi AboiV Abdallah Toûbi, précédemment

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AHCHIVES MAROCAINES

nommé. Ce magistrat (Dieu lui fasse miséricorde !) était

un juge intègre, versé clans la science de la casuistique

et de la jurisprudence. On vante son caractère plein de

calme et de dignité.

 

Le 7 jouimïda 1’ 1256, fut achevée la construction du

minaret de la grande mosquée de Salé. Le minaret anté

rieur avait été frappé par la foudre et ses angles mena

çaient ruine. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) en

ordonna la démolition et la reconstruction. On édifia

ainsi un minaret solide, plus heau et plus grand que le

précédent. On dépensa, pour cela, une somme qui fut

payée par les soins des Oumaiiâ du port des Deux

ïlives, et qui s’élevait a 3.?i2/i milscjâls et (5 ocjiijas et demie

(la piastre forte valait alors 16 oqù/as). Toutes ces dépenses

furent supportées en plus grande partie par le Trésor et

un peu aussi par le fonds des habous. Le nadir de cette

administration, qui était en même temps préposé à cette

construction, était le gouverneur de Salé, l’excellent Sî

Al-Hâjj Ahmad bn Muhammad bn Elhâchmi ‘Aououâd.

Dans l’année 1258, mourut le fqi’h très docte, le vérifi

cateur brillant, Abûlhasan ‘Ali bn ‘Abd As-Slâm Eltes

soùli surnommé Medîdéch, auleur du grand commentaire

de la Tohfa de Uni ‘Asém sur la jurisprudence, d’un com

mentaire du Châmil, d’une glose marginale de la Zeqûqiya

et d’autres ouvrages excellents. Dieu lui fasse miséri

corde et nous fasse participer à ses mérites!

 

Vers le milieu de l’année 1259, le sultan Mawlay ‘Abder

rahinûn (Dieu lui fasse miséricorde !) razzia la tribu des

Zemmoùr Eehchleuh, qui avait dépassé toutes limites

dans ses excès et dans la terreur qu’elle répandait parmi

les serviteurs de Dieu et dans le pays.

 

Le Sultan la réduisit entièrement.

 

Il écrivit, ace sujet (Dieu lui fasse miséricorde!), son

fils et khalifa Sîdi Muhammad la lettre suivante, rédigée

par son vizir Abû ‘Abdallah bn Drîs

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« A notre lils intègre, pieux et juste, Sîdi Muhammad

(Dieu vous perfectionne !).

 

« Le salut soit sur vous, ainsi que la miséricorde du

TrèsHaut et ses bénédictions.

 

« Ensuite

 

« Nous nous étions promis (l’épargner la tribu de Zem

moùr, par clémence et par compassion, et de la ramener

dans le droit chemin en lui faisant redouter notre sévé

rité dans diverses affaires, et en la traitant avec douceur.

Mais Dieu ne leur voulait pas de bien, à cause de leurs

desseins pervers, de leurs sentiments méchants, et de

leur confiance dans leur puissance et leur force. Plus nous

les traitions avec bonté, plus ils se montraient durs et cor

rompus..V mesure que nous leur donnions des exhortations

et des conseils, ils manifestaient plus d’arrogance et d’in

soumission. Et quand, pour les épargner et les gagner,

nous avons retardé le départ de la mhalla victorieuse, ils

ont considéré cette mesure comme une marque de fai

blesse et d’impuissance, rétonnement leur a Louché les

yeux et les oreilles, et ils ne se sont pas rendu compte

que Dieu bien avant eux a fait périr des hommes qui les

surpassaient par leur force et par leur nombre.

« Faites du bien à un cœur généreux, vous le conquérez,

mais faites du bien à un homme pervers, il se révolte.

« User de générosité quand il faudrait employer le sabre

est aussi nuisible qu’avoir recours à l’épée quand il fau

drait la générosité.

 

« Voyant qu’ils persistaient à rester aveugles, qu’ils ne

voulaient pas revenir de leur passion, malgré leur éloi

gnement de leur pays, malgré le mal que leur avait fait

la révolte, à eux et a leurs enfants, malgré le pillage de

leurs récoltes sur pied ou déjà moissonnées et la remise

forcée de leurs nombreuses provisions, nous avons estimé

que les combattre était légal, et que leur faire la guerre

était défendre la religion et la protéger. Prenant appui de

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ARCHIVES MAHOCA1NES

 

la force et do In puissance île Dieu, nous avons ordonné

de leur prendre leurs Liens el de les harceler avec plus

île ligueur, de les piller et de les incendier le plus pos

sible, et de les bloquer dans leurs montagnes, et de les

forcer dans leurs nids d’aigles, parce <|ue l’action prolon

gée est plus efficace que l’assaul. Donc, des incursions

successives furent dirigées contre eux, des pertes conti

nues leur furent infligées. Ils ne surent plus où trouver

le repos, l’artout où ou les rencontrait., ils étaient pris et

massacrés. Chaque jour les lances cueillaient les lèles de

leurs chefs, et la mort frappait les auteurs de leur mal

heur. A mesure qu’on les recherchait, ils s’enfonçaient

davantage dans les înoiitaguesels’enfiiyaient. Maisla guerre

finît par les dompter, et le fer et la poudre toujours en

action par les dévorer. Leur bétail et leur argent perdus

dans le hlocus, le mal atteignant les enfants et les femmes,

ils commencèrent à se transporter chez les tribus voisines,

demandant leur appui a leurs allies et àleursvoisins. Le mal

qui leur a été fait ayant atteint les dernières limites, Dieu

a réalisé sur eux les promesses du verset sacré. Pendant

tout ce temps, à tout moment ils demandaient pardon, ils

demandaient humblement que leur repentir l’ut agréé et t

témoignaient de leur modestie. Mais nous ne leur avons

répondu que par les refus les plus catégoriques, parce que

nous avons voulu ne fonder une décision à leur égard que

sur des bases sérieuses et les punir de la violation de leurs

engagements. Et c’est lorsque la domination a exercé sur

eux tout ce que nous attendions, et que le châtiment a

atteint sur eux son extrême degré, que nous avons réponduà

leur oflense par la bienveillance, et que nous nous sommes

laissé fléchir envers eux par les malheureux, les femmes

et les enfants. Nous leur avons donné trois ‘âmil-s

pris dans la tribu, et nous leur avons imposé une contri

bution de 50.000 milsqûls. Nous les avons obligés à fournir

un contingent de 200 hommes de Ijarka, comme les tribus

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DYNASTIi: ALAOLIi; DU M.U10C

 

soumises, et à prendre l’engagement de se bien conduire,

et de servir de leur mieux. Ils se sont exécutés dans les

meilleures conditions (>t ont donné des <>’a<ies tin paiement

de l’argent au bout de quelques jours. Alors nous leur

avons accordé le pardon du triomphe et la force. Souvent t

le châtiment amène une belle soumission, et le repentir

sincère répare les fautes et les pertes passées. Parmi les

hommes, il y en a qui ont besoin d’être maltraites pour

être bous Votre Maître crée ce qu’il veut et fait ce qu’il

lui plaît.

 

« ‘.Vliya ne s’est pas rendue de son plein gré, c’est la

force qui l’a amenée dans la bonne voie.

 

« Nous avions voulu l’épargner, mais sa fatuité n’a fait

qu’augmenter, et c’est la rigueur, la violence et la capti

vité qui l’ont corrigée. »

 

« S’ils avaient lié ensemble les bienfaits et la recon

naissance, ils eussent été sûrs de ne pas périr. Quand Dieu

veut du mal à un peuple, personne ne peut l’en empêcher,

et ce peuple n’a pas d’autre protecteur que lui.

« Salut.

 

« Le ]̃ du mois sacré de rejéb, l’unique de l’année

1259. »

 

Rupture de la trêve avec les Français, revers des Musulmans

à Isly, près d’Wujda, et causes de ses événements

La trêve régnait entre le gouvernement sharîfien et la

nation française depuis le règne du grand sultan Sîdi

Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui fasse miséricorde !).

Nous avons vu qu’à la suite des différends survenus entre

les Turcs d’Alger et les Français, ceux-ci s’étaient emparés

de leurs ports, les habitants de Tlimsân s’étaient rendus

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 195.

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ARCHIVES MAROCAINES

auprès du sultan ‘Mawlay ‘Abdcrrithmân (Dieu lui fasse

miséricorde !), pour lui demander d’accepter leur serment

de fidélité et se ranger Sûs son obéissance, et que celui

ci les y avait admis après avoir réfléchi et pris l’avis des

‘oulamû. l’lus tard, l’armée du Sultan avant mis à sac

Tlimsân, et les habitants de la contrée s’étant rangés

autour d’Al-Hâjj ‘Abdolqâder bon Mahi Eddin, Sûs la

domination du Sultan, Celui-ci lui animé des meilleures

dispositions envers ce chef qui soutint avec vigueur la

résistance contre les Français. Mais les résultats de la

guerre consistaient pour lui à leur tuer des hommes et à

leur prendre des richesses, tandis que pour les Français

ils consistaient à gagner toujours du terrain et à s’em

parer enfin du pays or, il y a entre ces deux manières

de grandes différences.

 

En 1259, les Français étaient maîtres de tout le terri

toire du Maghrib moyen, tandis que Wbdelqâdcr allait et

venait sur les confins, tantôt dans le Sahara, tantôt chez

les Boni Yznâsén, tantôt à Wujda et dans le Rif. Peutêtre,

dans ces allées et venues, y avait-il autour de lui un grand

nombre de sujets ou de soldats du Sultan ? Les Français,

envahissant alors l’Empire du Sultan (Dieu lui fasse misé

ricorde !) dirigèrent plusieurs incursions contre les Béni

Yznâsén et contre Wujda et les environs. Ils prirent Wujda

par surprise et livrèrent cette ville au pillage. Leur bri

gandage désolait la frontière. Le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde!) leur ayant adressé des représentations sur

cette violation de son territoire, ils répondirent que le fait

d’avoir fourni à plusieurs reprises à Elhûdj ‘Abdelqader

des chevaux, des armes et de l’argent, la guerre qui leur

avait été faite par les troupes régulières du Sultan massées

sur la frontière, et la présence des Béni Yznâsén dans les

rangs de l’armée d’Al-Hâjj ‘Abdelqàder, constituaient une

violation do la trêve, sans compter d’autres arguments

qu’ils mettaient en avant.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Or, a ce momentlà, les desseins d’Al-Hâjj ‘Abdelqàder

à l’égard du Sultan et de la guerre sainte étuienl devenus

coupables. D’abord, la guerre sainte ne produisait aucun

résultat, et puis il voulait être indépendant et il avait

déjà commencé a corrompre les tribus de cette région.

Le Sultan savait à quoi s’en tenir sur son compte et se rit

de ses malices.

 

Les affaires s’aggravant, le Sultan (Dieu lui fasse misé

ricorde !) résolut de déclarer la guerre aux Français. 11

invita les habitants des ports à se tenir prêts, à faire bonne

garde et à se préparer à toute éventualité. Il donna à son

cousin Monlay ElMâmûn hen Echsharîf le commandement

d’un détachement de réguliers et l’envoya dans la direc

tion d’Wujda, accompagné du fqîh Abûlhasan ‘Ali hen

Elguenâoiii, un des notables de Rihat Al-Fath. Ils eurent

une première rencontre avec le poste français établi làbas.

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) se mit ensuite

aux préparatifs de l’expédition et prit toutes ses disposi

tions. Il réunit les réguliers, lit prendre les étendards et

les drapeaux, et convoqua les tribus. Voici, à ce sujet, ce

qu’écrivait le vizir Bn Drîs pour appeler au combat les

populations du Maghrib, les exciter à la guerre sainte et

réveiller leurs aspirations dans ce sens

 

« O habitants de notre Maghrib, il est juste de vous

appeler à la guerre sainte le droit ne se trompe pas.

« Le polythéisme est à vos portes du côté de l’Est il a

déjà imposé l’injustice aux gens de votre religion.

« Ne vous laissez pas séduire par sa douceur trompeuse

qui déjà s’est transformée en colère contre l’Islam,

« Car il possède toutes sortes de stratagèmes qui défient

toute l’intelligence des jeunes et des vieux.

 

« Les principes de la trahison commencent à ses bagues

la trahison et le mal abhorré sont sa règle de conduite.

« C’est vous qu’il vise ne restez pas en paix le repos

devant les ennemis est une déchéance.

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ARCHIVES MAROCAINES

« Celui qui reste dans le voisinage cl mal sera frappé

par le malheur. Connneiil vivre quand on a des serpents

dans son panier?

 

« L’homme noble désire la gloire qui le rend éternel,

et celui qui vit dans l’avilissement n’est pas heureux. »

Celle poésie contient le vers bien connu de Ibn El’assâl.

A l’appel du Sultan (Dieu lni fasse miséricorde!), près

de 3.000 cavaliers bien armés et bien équipés vinrent se

grouper autour de lui, tant des réguliers que des contin

gents des tribus il se trouvait parmi eux très peu d’Où

dèya, car ce f/uéïch était alors en défaveur auprès de Mawlay

‘AbdeiTahniân. Le commandement de ces troupes fut t

confié au fils et kliab’l’a du Sultan, Sidi Muhammad bn

‘Abd Ar-Rahmân, qui se mit en route et établit son camp

au bord de la rivière d’Isly, dans l’obédience d’Wujda.

Elhadj ‘Abdelqâder parcourait toujours le pays, n’ayant

plus avec lui qu’environ 500 cavaliers du Maghrib moyen

sa situation commençait à décliner et il ne servait plus à

rien dans ce pays au contraire, il était devenu un lléau;

son énergie n’était plus que de la faiblesse, parce que ses

ambitions s’étaient perverties et qu’il cherchait à cor

rompre les réguliers et les sujets du Sultan. Quand le

khalîfa Sîdi Muhammad, arrivé à l’Wad Isly, y eut établi

son camp, Al-Hâjj ‘Abdelqâder vint lui demander une

entrevue. Le khalifa le reçut à cheval et eut un entretien

avec lui. Entre autres choses, Al-Hâjj ‘Abdelqâder lui

dit « Vous avez été mal inspiré d’apporter avec vous ces

tapis, ces effets et tout cet appareil que vous avez placé

ici devant le front de l’armée de cet ennemi. N’oubliez

jamais que vous ne devez jamais vous trouver en face de

l’ennemi sans avoir tout chargé et tout plié, et sans laisser

une seule tente plantée sur le terrain. Sinon, dès que

l’ennemi apercevra les tentes, c’est sur elles qu’il se diri

gera, et il n’hésitera pas à perdre pour elles tous ses sol

dats. » Il lui expliqua aussi la façon dont il combattait les

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DYNASTIE AI.AOUIE I)f MAROC

 

!̃ raneais, et certes il «ivsii t raison de tenir ce langage, mais

il ne produisit aucun ellcl, parce que les cu’iirs étaient

déjà gâtés. Il n’y a do force el de puissance qu’en Dieu.

On croit qu’une personne de l’entourage du khalîl’a blâma

Klhàdj ‘Abdelqâder d’avoir ainsi parlé devant lui et de

lui avoir donné des conseils avant qu’il ne le lui en de

mandât, car il s’en retourna el se lint à l’écart avec ses

troupes. Dans la nuit qui précéda le combat, deux ‘Arab-s

du pays arrivèrent au camp et demandèrent à être intro

duits auprès du hâjéb, qui était le fr/th Si Kttavvéb bn

ElvAmâni, surnommé Boù ‘Euclu in. Arrivés auprès de lui,

ils lui dirent: «L’ennemi se dispose à vous surprendre

demain matin préparez-vous à le recevoir et prévenez

votre général. » On prétend que le hûjéb leur répondit

« Le général dort en ce moment ce n’est pas moi qui le

réveillerai. » Après eux, quatre autres hommes vinrent

donner des informations sur l’ennemi ils furent reçus

comme les premiers. A l’aube, le khalîfa venait de termi

ner sa prière quand une dizaine de cavaliers, arabes selon

les uns, gardiens du khalîfa selon les autres, arrivèrent

pour lui annoncer que l’ennemi était en route et qu’ils

l’avaient quitté au moment où il commençait à lever le

camp. Le khalîfa (Dieu lui fasse miséricorde !) donna

l’ordre de monter à cheval et de se tenir prêts personne

ne devrait rester à la mhalla, sauf les fantassins qui étaient

moins d’un millier. Il envoya l’ordre de se mettre en selle

aux Béni Yznâsén qui arrivèrent par milliers, et qui étaient

presque aussi nombreux que les troupes du khalifa. Les

cavaliers marchèrent contre l’ennemi, rangés en bataille

à perte de vue, leurs étendards flottant audessus d’eux.

Ils offraient un spectacle surprenant et présentaient un

ordre magnifique. Au milieu d’eux marchait le khalifa,

avec le parasol ouvert audessus de sa tète, monté sur un

cheval blanc et vêtu d’un manteau rouge, se distinguant

des autres par son extérieur et son appareil. Quand les

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ARCHIVES MAROCAINES

 

deux armées se l’approchèrent, des lignes de cavaliers se

mirent à se poi’lcr on avant, comme pour hâter le combat.

Mais le klialil’a ordonna aussitôt le calme, la dignité et une

marche prudente. Puis, les deux troupes se trouvant face

à face, le combat s’engagea. L’ennemi observait: surtout

le klialil’a et dirigea plusieurs fois son tir sur lui une

bombe vint même tomber devant le porteparasol, son

cheval s’emporta et faillit le désarçonner. Voyant cela, le

khalifa changea son aspect extérieur. Il fit replier le para

sol, monta un cheval bai qu’il se fit amener, et mit un

autre manleau. De cette façon, il disparaissait dans la

foule. Les Musulmans avaient, jusquelà, brillamment

repoussé l’ennemi et lui avaient inflige des pertes sé

rieuses. Leurs chevaux s’effrayaient du bruit des canons,

mais ils les éperonnaient vigoureusement et ils tenaient

ferme contre l’ennemi. Mais quand, se tournant du coté

du khalifa, ils ne le virent plus, à cause de son change

ment d’aspect, ils furent pris de peur, car des alarmistes

disaient qu’il était mort. Aussitôt le désordre se mit dans

leurs rangs. Les Shrârda se hâtèrent vers la mhalla et,se

rendant mai très des tentes où était l’argent, s’en emparèrent,

s’entretuèrent pour se l’arracher. Ceux qui étaient domi

nés par l’ellroi les suivirent, les autres s’esquivèrent peu

à peu, de sorte que l’armée fut battue sur tous les points.

Un des personnages de son entourage vint annoncer au

khalifa que l’armée était défaite et que les hommes se

tuaient et se volaient dans la mhalla. « Gloire à Dieu! »

s’écriat-il, et, se retournant, il constata la conduite

edrayanle des troupes, et battit en retraite les gens qui

étaient restés avec lui furent mis en déroute jusqu’au der

nier. L’ennemi les poursuivait et lançait sans discontinuer

des boulets et des obus. Heureusement, quelques art-il

leurs tinrent solidement à la mhalla, mais la rivière se

mit à couler et submergea ses rives habituelles. Les ordres

de Dieu reçurent leur exécution, et ce furent les Musul

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

mans seuls qui ballirent les Musulmans, ainsi que vous

avez pu le voir. L’ennemi s’empara de la m/ialla, et, les

pillards s’étant enfuis devant lui, il en resta mai Ire avec

tout ce qu’elle contenait. Ce fut une calamité cruelle, un

désiislre considérable, tel que n’en avait pas encore subi

la dynastie sharîfienne. Ce triste événement eut lieu le

lô cha’bân 1260, à 10 heures du matin.

 

Les troupes défaites battirent en retraite et se disper

sèrent de tous côtés. Mourants de soif, de faim et de

fatigue, ces gens se laissaient dépouiller sans résistance

par les femmes des ‘Arab-s Angâd. Le khalifa parvintjusqu’à

Tàza, où il resta quatre jours, pour attendre les fantassins

et les faibles débris du guéïch, puis rentra à Fâs.

Pendant ce temps, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde!)

allait de Morr&kch à Fâs; à Ribat Elfe th., il reçut la nou

velle de cette allaire, et reprit en toute hâte le chemin de

Fâs. En route, il apprit la nouvelle de deux autres au’aires,

le bombardement de Tanger et celui d’As-Swîra par les

Français qui avaient lancé sur ces deux villes des milliers

de boulets et de bombes. A As-Swîra, des événements

particulièrement graves s’étaient produits. Les mauvais

sujets de la ville et les Chiàdma des environs, voyant que

l’ennemi avait débarqué dans l’île et pensant qu’il entre

rait aussi dans la ville, la mirent au pillage. Ils commen

cèrent par les Juifs, puis s’attaquèrent aux autres habi

tants il se passa des choses que je ne saurais rapporter.

Plus irrité encore et plus abattu par cet incident, le Sultan

fi arrêter un certain nombre de qàïds du guéïch, et leur fit t

couper la barbe pour les punir.

 

Manuel, qui rapporte la bataille d’Isly, prétend que ce

jourlà les Français avaient 10.000 soldats, et qu’ils

n’avaient d’autre but que de combattre les gens qui les

combattaient sur les conlins du pays, car ils s’étaient enga

gés par écrit, envers les Anglais, à ne rien prendre du ter

ritoire du Maghrib, au cas où, faisant la guerre, ils auraient

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ARCHIVES MAROCAINES

eu la victoire. « C’est pourquoi, dilil, après avoir mis les

ennemis en déroute, ils envoyèrent de suite demander la

paix au sultan Moùlav ‘Abderraluntln, qui, cependant,

n’avait pas fait preuve de faiblesse et ne se considérait

pas encore comme définitivement battu, puisqu’il recom

mença de plus belle à réunir des bomnies et des armes. »

Après cela, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde con

clnt la trêve avec les Français, par l’entremise du fqih Si

IJoù Selhàm hen ‘Ali Azloi, gouverneur de Tanger et

d’Kl’ai’èïch. Ce traité comprenait cS articles, dont l’un sti

pulait que EU.iadj Wbdelqâder devait être expulsé de ce

territoire, sa présence dans ce pays ne pouvant qu’être

une cause inut-ile de conflits entre les deux gouvernements.

En même temps, les intérêts du moment amenèrent le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) à décharger définiti

vement le Danemark et la Suède des sommes qu’ils ver

saient annuellement au Gouvernement Sublime, et qui

étaient, pour le premier, de 25.000 douros, et, pour le se

cond, de 20.000. De même, il abolit diverses autres charges

qui lui étaient dues par d’autres gouvernements.

Toutes choses sont entre les mains de Dieu, à qui on

ne demande pas compte de ce qu’il fait, tandis qu’il demande

compte de leurs actes aux créatures.

 

En 1261, la monnaie commença à subir une hausse. La

piastre forte « au canon » était à 16 oqiyas; la petite piastre

franqueàlâ oqiyas;\e.boundouqi à 30 oqiyas; le petit dirhem

à l\ moùzoûnas et le grand à 6 moûzoûnas. La hausse de la

monnaie produisit une élévation du prix des denrées. Le

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) chercha à arrêter cette

hausse, mais il n’y put parvenir. La cause de la hausse

était la suivante (Dieu sait quelle est la vérité !) A la suite

de la conclusion de cette paix avec les Français et de la

suppression des tributs que payaient les nations étran

gères, les vo3’ageurs et les commerçants européens devin

rent plus nombreux dans les ports du Maghrib leurs

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DYNASTIE ALAOUIK DU MAROC;

 

relations cl leurs poi nLs de contact avec les indigènes :m s^

mcnlèrenl. Ils se livrèrent surtout au commerce des mar

chandises dont ils n’avaient jias eu jusqu’alors le droit de

s’occuper, et ainsi se trouva ouverte pour eux une porte

qui leur était fermée auparavant. Les conséquences de

celle nouvelle situation se manifestèrent dans la monnaie

et les marchandises. Pour ce <|iii concerne la monnaie, la

leur étant la plus répandue et avant une circulation supé

rieure à celle de la monnaie du .Maghrib, elle devait l’orcé

ment l’aire autorité et avoir la préférence; les commerçants

devaient aussi l’estimer en raison des excédents et des

bénéfices résultant de la différence des cours, bénéfices

que ne pouvait leur concurrencer le commun des négo

ciants. Les commerçants musulmans les suivirent dans

cette pratique.

 

Pour ce qui concerne les marchandises, comme les

négociants chrétiens les vendent plus cher que les autres,

ainsi que cela est prouvé, qu’ensuite pendant que les pays

francs progressaient en civilisation, se réorganisaient et

réalisaient plus de sécurité et de justice, nos monnaies et

nos mercuriales continuaient à renchérir proportionnelle

ment à la croissance des relations et à l’extension du com

merce. Vous pouvez, à la réflexion, apercevoir les consé

quences de cet état de choses.

 

C’est de Dieu que vient l’assistance.

 

Durant cette annéelà, la population de Uibàt Al-Fath se

révolta contre son gouverneur Al-Hâjj Muhammad bn

Al-Hâjj Muhammad Essoùsi. Elle fut provoquée par

Al-Hâjj Muhammad bn Al-Hâjj Ettâhar Ezzebdi, un des

personnages importants de cette ville, où se trouvent

encore de ses descendants. II était en relations très suivies

avec le gouverneur et lui témoignait des sentiments sin

cèrement amicaux. On prétend qu’il intercéda nu jour

auprès de lui en faveur d’un habitant de la ville, et que,

le gouverneur n’ayant pas cédé à ses sollicitations, il s’en

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ARCHIVES MAROCAINES

irrita et en fut très attristé. Les gens delà ville suppor

taient avec répugnance l’autorité d’Essoùsi et ne lui obéis

saient qu’à contrecœur, pour diverses raisons dont les

administrés font retomber la responsabilité sur le gou

verneur. Ezzebdi rentra chez lui et réunit un certain

nombre de notables de la ville qu’il savait host-iles au

gouverneur. Il leur servit à dîner et leur lit part de son

ressentiment contre ce fonctionnaire. Connue il les trouva

prêts à le seconder, il leur lit jurer et prendre l’engage

ment de ne plus conserver Essoùsi comme gouverneur.

Ils su rendirent ensuite chez lui, lui firent part de leurs

reproches, et lui ordonnèrent de ne plus sortir de sa

maison. Puis ils tombèrent d’accord pour nommer à sa

place Ezzebdi. Celui-ci prit possession de ces fonctions

et présida à l’administration de la ville. Le Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !), qui était déjà à Fâs, bondit en

apprenant cette nouvelle. 11 écrivit d’abord aux gens de

Ribàt une lettre de reproches et d’exhortations, mais ils y

restèrent sourds et persistèrent dans leur attitude. Puis

il leur envoya comme gouverneur le qàïd At-Tayib Elou

tlini Elbokhâri, qui avait mission d’arrêter les coupables.

Ils le reçurent avec des insultes et le chassèrent le soir de

la ville. Celui-ci passa la rivière pour aller à Salé Sûs une

pluie torrentielle, et retourna auprès du Sultan, qu’il

informa de ce qui s’était passé. Le Sultan recourut alors à

la ruse et envoya à Ribàt Elfelh lofqtk, le secrétaire Abû

‘Abdallah Muhammad Al-’Arbi hen Elmoukhtar Eljàm’i, qui,

à peine arrivé, réunit les notables de la ville et les invita à

se choisir un gouverneur. Leur choix se fixa sur Ezzebdi,

qui fut reconnu comme gouverneur par le Sultan, et dont la

conduite fut appréciée. Six mois après, le Sultan arriva à

Ribàt Al-Fath, où il demeura tout le temps nécessaire pour

rechercher les chefs de la révolte, puis il les arrêta, il

arrêta leur qàïd Ezzebdi et les envoya à Fâs, où ils furent

emprisonnés. Peu de temps après, ils furent relâchés.

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DYNASTIE AIAOU1E DU MAItOC

 

En 1262, le Sultan quitta Fâs, pendant que le klialil’a Sidi

Muhammad parlait de Murrâkush. Los deux Commandeurs se ren

contrèrent au gué de lîoùl’aouàn, dans le Doùkkàla, el

̃célébrèrent là la fêle du Moûlond glorieux. l’uis le Sultan

se remit en route pour Morrâkcli, et le khalil’a pour Fâs.

A l’occasion de cette fêle, Abû ‘Abdallah Akensoùs

envoya une (jaxida au Sultan.

 

En 1263, le grand fort de Salé, qu’on appelle Ksseqâla

Eljcdida, fut terminé. Le Sultan (Dieu lui lasse miséri

corde!) en avait commencé la construction au moment de

la rupture do la paix avec les Français. Il l’allut toute cette

période pour l’achever dans les conditions les plus par

faites et les plus satisfaisantes.

 

Fin de l’histoire d’Al-Hâjj ‘Abdelqâder, sa disparition, et ce qu’il

advint de lui 1.

 

Nous avons vu qu’Al-Hâjj ‘Abdelqader, nourrissant

des desseins pervers, voulait devenir indépendant et

même s’emparer du Maghrib. La défaite d’Jslv vint encore

augmenter ses ambitions il se mit à solliciter les habi

tants de cette région de lui prêter serment de fidélité et

de se ranger Sûs son obéissance. Une correspondance

fut échangée, diton, entre lui et les principaux person

nages de Fâs et du gouvernement. Recourant à un strata

gème, il envoya d’abord un très grand nombre de gens

d’Elhehém et des Béni ‘Amer, ses auxiliaires, Sûs forme

de fuyards qui venaient auprès du Sultan pour lui demander

asile. Le Sultan leur fit bon accueil et les installa auprès du

fleuve Sbou. Al-Hâjj “Abdelqâder s’avança à son tour jus

qu’à Elqa’da Elhamrâ, entre Tessoûl etElbrànés. Son plan

était de rejoindre ses auxiliaires, de s’unir h eux et d’opé

1. Texte arabe, IVe partie, p. 198.

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ARC III VICS SlAHOCAINIiS

ror ensuite ce qu’il se proposait. Mais le Sultan, devinant

ses projets, envoya aussiUH contre colle Jenià’a une armée

de Shrârda eoiniiiandée par le qàïd IJràhim bn Ahmad

Elkhal, <|di les réduisit après de grands ell’oils et an prix

de sanglants combats. Ces gens sY’Uiienl, retranchés sur

une colline et se mirent à combattre pour leurs enfants,

(relaient de bons tireurs pas une seule de leurs balles

ne se perdait. Dèsqu’uno troupe du guéich s’avançait contre

eux, ils la fauchaient à coups de l’eu, lis relevaient leurs

morts, et les dressaient devant eux connue un rempart,

qui leur servait comme de bouclier et derrière lequel

ils se Initiaient. Enlin, fatigué de leur résistance, le guéïch

dirigea sur eux un assaut général, les attaqua dans leur

retranchement, et les battit à Farine blanche, à coups de

lance cl de baïonnette, (hiand ils n’eurent plus de poudre,

ils tuèrent leurs enfants et leurs femmes, pour les Sûs

traire à la captivité et à la honte, puis se tuèrent eux

mêmes lorsqu’ils virent qu’ils allaient être faits prison

niers.

 

Après cela, le Sultan envoya son fils Sidi Muhammad

pour en finir avec le mal provoqué par Al-Hâjj ‘Abdelqà

der il lit partir avec lui une importante armée, dont le

chef, placé Sûs les ordres du khalîfa, était le qâ’îd Moham

med bn ‘Abdelkerim Kchclicrgui surnommé Bn

Muhammad, célèbre pour sa bravoure et son habileté.

Lorsque le khalifa arriva à Selouàn, Al-Hâjj ‘Abdelqâder

députa auprès de lui un certain nombre de gens, parmi

lesquels se trouvait son vizir Abû “Abdallah Elboùha

midi, pour le disculper des projets qu’on lui attribuait,

et assurer le Commandeur de son obéissance et de son fidèle

dévoùmeiit au Sultan. Celle délégation apporta des cadeaux

au khalifa, puis il fut convenu qu’elle se rendrait auprès

du Sultan, qu’elle lui exposerait la situation, et que tout

dépendrait de sa décision. Le khalifa les fit accompagner

auprès de son père, à Fâs.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ABCI1. MAROC. 12

 

Sur ces entrefaites, Elhadj ‘A bdelqsldtîi”, une certaine

nuit, à la tète d’une partie de ses soldats, au nombre de

150 environ, tous héros qui avaient l’ait leurs preuves et

qu’il avait choisis avec soin, attaqua l’armée du khalila (lui

était divisée en deux portions, l’une Sûs ses ordres, et

l’autre Sûs le commandement de son frère Mawlay Ahmad.

Elhddj ‘Abdelqâder se dirigea sur ces groupes, « dans

une nuit brumeuse de jouinâda où le chien n’aurait pas

pu distinguer un cheval dans le brouillard », commandant

cette phalange de jeunes guerriers, insatiables de com

bats, hraises de la guerre, avec lesquels il assistait depuis

si longtemps aux batailles et affrontait les abîmes de la

mort avec les Français et autres ennemis. Il les arrêta

entre les deux mhallas ils firent pleuvoir les balles et

lancèrent des fusées sur les chameaux et des feux pour

effrayer les gens. Les soldats s’agitèrent en désordre dans

cette obscurité épaisse, et furent frappés d’une terreur

que la langue ne saurait dépeindre. Le khalîfa se leva, il

se mit aussitôt à calmer les gens lui-même et à les empê

cher de monter à cheval, de peur qu’ils ne désertassent,

puis il donna l’ordre aux fantassins et aux art-illeurs de

lancer des boulets et des obus. Mais leur tir porta sur la

mhalla de Mawlay Ahmad, car ils pensaient que l’ennemi

était toujours en face d’eux, et la mhalla de Mawlay Ahmad

de son côté tirait aussi sur eux. Un grand nombre de gens

périrent pour cette raison dans les deux camps. Quant à

Al-Hâjj ‘Abdelqâder, il prit la fuite avec ses hommes,

emportant la plupart de ses morts. Le qâ’îd Muhammad se

distingua brillamment cette nuitlà.

 

Le lendemain matin, quand on put se rendre compte de la

situation, on trouva un millier de blessés et un nombre à

peu près égal de morts. On trouva également autour de la

mhalla, parmi les morts, une cinquantaine de gens d’El

hâdj ‘Abdelqâder que le combat les avait empêché d’em

porter. D’autres furent faits prisonniers vivants, qui, au

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ARCIIIYKS JIAROCAINES

 

nioineiiL où ils furent tués, donnèrent le spectacle d’un

calme étonnant. Les morts étaient vêtus île riches cos

tumes brodés d’or et de soiu, car, ainsi qu’on le verra,

cet homme prenait le plus grand intérêt de son armée

régulière.

 

Le khalifa (Dieu lui fasse miséricorde !) ordonna ensuite

la poursuite d’Al-Hâjj Wbdelqâder et en chargea des

troupes choisies. l’ne nouvelle rencontre eut lieu au gué

de l’Wad Melouiva appelé IMechru’ Errahâïl, non loin de

la mer et près de l’embouchure de ce fleuve. Les troupes

lui inlligèrent un nouvel échec, qui lui causa la perte de

ses braves. Voyant sa puissance anéantie, rempli d’épou

vaule et désespérant île rétablir sa situation, il s’enfuit

auprès des Français, pour leur demander asde, laissant

derrière lui son camp qui fut pris par l’armée du khalîfa.

Un des témoins de cette all’airc m’a raconte que les

cavaliers chargeaient un groupe de gens d’Al-Hâjj ‘Abdel

qiider qui étaient à pied pour les l’aire prisonniers, et qu’ils

ne réussissaient à les saisir qu’après avoir parcouru une

.très grande distance.

 

Ys/ En résumé, le degré de bravoure de cet homme est

connu, et sa connaissance îles ruses de la guerre est

célèbre. Malheureusement, comme nous l’avons dit, un

revirement s’était opéré en lui, et il avait voulu se rendre

indépendant et se Sûstraire à l’obéissance de l’Imam

régulier auquel le liait son serinent de fidélité.

 

Quelque esprit querelleur qui lira ce que nous avons

rapporlc des i’aits et gesles’de cet homme, nous accusera

peutêtre de partialité et d’inconvenance à son égard. Nous

répondrons que nous n’avons raconté que la vérité, nous

appuyant également du récit suivant de Lisan Eddin Ibn

ElUhalfb (Dieu lui fasse miséricorde !) « Je me trouvai,

un jour, en présence du sultan Abû ‘Inan, dans une des

missions dont je fus chargé auprès de lui pour lui remettre

des correspondances. La conversation étant tombée sur

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DYNASTli; ALAOUIli DU JIAHOC

 

un de ses ennemis, je lui dis ce que je pensais <le cet

ennemi, et ce que je connaissais de son mérite. Je lus

contredit par un dus assistants, qui était de ces gens qui

« ut; vont au bois qu’avec la corde du souverain ». Détour

nant le visage « Dieu vous foilifie! diisje aux assistants,

« manifester du mépris pour l’ennemi du souverain en prê

« sence de Celui-ci n’est pas d’une bonne politique le con

te traire est plus judicieux, car si le Sulîan triomphe de son

«ennemi, il triomphe do quelqu’un qui n’est pas à dédai

« gner, et c’est à lui de le glorilier et de vanter saAaleur

« si, au contraire, c’est l’ennemi qui triomphede lui, ce n’est

« pas quelqu’un de méprisable qui remporte la victoire, et

« il n’en sera que plus triste el plus sensible à i’aJironl. »

Le Sullan (Dieu lui fasse miséricorde !) partagea mou

avis, l’approuva elle vanta, ce qui mit mon contradicteur

dans l’embarras. »

 

Le Sultan écrivit la nouvelle de cette victoire dans

toutes les contrées les marchés Turent pavoises et des

réjouissances lurent organisées. Voici le texte de la lettre

qu’écrivit le Sultan à la suite de cette victoire

« Ensuite:

 

« L’agitateur corrompu, le lieutenant de Satan a poussé

l’audace à ses dernières limites il a enfourché la monture

de sa perte, élargi le chemin de la rébellion et perdu celui

de la bonne direction.

 

« Son esprit Ta persuadé de prendre le litre A’ Commandeur et il

a voulu se séparer de l’Islam et diviser les cu.’urs des créa

tures. Il s’est mis à mani l’ester des choses honteuses, com

pliquant a plaisir les ciioses les plus claires, pour cacher sa

trahison et sa perfidie. Aussi le mal qu’il a ainsi provoqué

s’est répandu sur les frontières de l’Empire. Ses dispo

sitions intérieures étaient mauvaises il manifestait au

contraire des apparences qui lui servaient a gagner le

cœur des ignWahrants, des aveugles et des égarés. Désespé

rant de le voir rentrer dans le droit chemin, et sachant l

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ARCHIVES MAROCAINES

quel était son but caché, nous avons équipé une année

secourue par Dieu, aux étendards déployés, pi nous avons

placé sa télo notre fils pieux Sidi .Muhammad (Dieu l’amé

liore !), nous lui en avons le commandement et

nous l’avons chargé do sa direction. Nous lui avons fait

promettre d’empêcher, autant que possible, l’ell’usion du

sang, d’essayer tous les moyens pour redresser cet agita

teur, de le guérir de son mal par tous les remèdes, de ne

se laisser guider à son égard ni par la passion, ni par l’in

lérèt, et de ne recourir au combat qu’à la dernière extré

mité, la lutte pacifique devant être son vo’ii le plus cher.

L’ennemi de sa propre personne, se voyant entouré par

les troupes, a envoyé une dépulation pour manifester son

prétendu repentir de sa conduite passée et sa résolution

de se conformer au devoir. Nous lui avons répondu que

les paroles qui plaisent le plus à Dieu sont celles qui sont

sincères, et que si leur maître recherchait le bien pour

lui-même, voulait se fortifier dans sa religion et travailler

à son repos éternel, il avait à choisir entre demeurer sur

notre territoire, lui et ses compagnons, en toute sécurité

pour leurs personnes et leurs biens, avec les mêmes droits

et devoirs que nous, ou se rendre dans le Sahara. Ils

nous ont alors demandé un délai pour envoyer l’un d’eux

lui faire part des résultats de l’entrevue et réparer le mal

pendant qu’il en était encore temps. Nous leur avons fait

cette concession. Mais les envoyés n’étaient pas encore

arrivés auprès de lui, qu’il attaqua pendant la nuit la

mhalla. Dieu l’a repoussé avec un échec et en lui infli

geant un retour honteux. Il a abandonné ses morts sur le

sol, quoiqu’il en ait emporté un grand nombre, qu’il s’est

mis à enterrer dans sa retraite pour cacher le malheur

qui le terrassait dans son déclin. La mhalla victorieuse

par Dieu lui a alors livré un combat où elle lui a fait goù

ter la ruine et l’anéantissement et, vaincu, il s’est effa

rouché comme une autruche, il a tourné le dos au champ

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

de bataille et s’est mis à errer en tous sens. Un nombre

considérable de ses fidèles, de ses chefs, do ses guerriers

les plus vigoureux et les plus malfaisants sont morts. Ses

troupes ont battu en retraite dans le plus grand désordre;

ses armées ont été divisées en tués et en prisonniers, et

sont devenues un objet de moquerie, elles qui étaient si

moqueuses. Elles ont été vaincues et se sont retirées

pleines d’humiliation. C’est à Dieu que je demande le

secours de sa protection et la direction dans le droit che

min.

 

« Salut.

 

« Le 22 înoharrem sacré de l’année 1264. »

 

Ell.uulj ‘Alxlelqâder s’enfuit chez les Français, comme

nous l’avons dit, et resta un certain temps auprès d’eux.

L’auteur du Qatf Ezzouhoûr raconte qu’ « après s’être

réfugié auprès des Français, Al-Hâjj Wbdelqâder de

meura chez eux pendant six ans. Puis Napoléon III lui

donna la liberté et lui assigna une pension annuelle sur le

Trésor du gouvernement. 11 alla habiter Damas où il se

trouve encore aujourd’hui. » II est encore en vie, selon les

informations qui nous parviennent.

 

Dieu se charge de conduire les Musulmans et répare

leurs malheurs par sa clémence et sa générosité. Ainsi

soit-il.

 

« Le lundi l\ nioharrem 126/i, au matin, dit Abû ‘Abdal

lah Akensoùs, mourut le grand vizir, le fqih illustre et

généreux, le chef des travailleurs du roseau, qui orna le

gouvernement des colliers de la prose et de la poésie

dans les grandes circonstances, et qui, par ses impromp

tus, ses œuvres admirables et extraordinaires, a discré

dité Bedi’EzzAmân et Elfalh bn KMqân, Abû ‘Abdallah

Muhammad bn Dris (Dieu le revête d’un nouveau vête

ment de sa satisfaction chaque fois que luira et brillera

une étoile). Le Sultan nomma à sa place le fqîh noble, aux

vertus parfumées, des doigts duquel coulent des gouttes

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ARCHIVES MAROCAINES

de pluie, dont le jugement est solide, dont les ordres sont

bien conçus et dont le comu’ pur est comparable sa

pureté à l’or en lingots, Abû ‘Abdallah Muhammad El

‘arbi bn Elnioukhtàr Eljam’i. » Le Sullan le destitua

plus lard en arrivant à Murrâkush, lors du dernier voyage

qu’il fit dans cette ville et le remplaça par le fqîh, le se

crétaire intègre AIjoù ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdal

lah Essefl’àr Eltelàonni.

 

Dans les premiers jours de ramadan de cette annéelà

(J26.1), le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) quitta Fâs

pour se rendre dans la région d’Wujda. 11 alla jusqu’à ‘Aïn

Zùra. Après avoir inspecté le pays et pris des mesures

ut-iles, il rentra à Fâs dans la nuit qui précédait la fête des

Sacrifices.

 

En 1265, eut lieu la révolte des ‘Arab-s ‘Àmér du voi

sinage de Salé et celle des ‘Arab-s Za’ir du voisinage

de liibât Al-Fath. Ces deux tribus s’attaquèrent avec

rage à ces villes, qu’ils assiégèrent avec acharnement, et

se livrèrent au pillage et à tous les excès de brigandage

et de corruption sur les routes et dans les jardins. Plu

sieurs fois ils enlevèrent les troupeaux, abandonnant, chez

leurs propriétaires les petits qui moururent de faim, sans

compter bien d’autres actes de ce genre. Comme ils avaient

dépassé toutes les limites de l’audace, le Sultan envoya

contre eux son nègre, le Bâsha Faraji, gouverneur de Fâs

Eljedid, qui infligea une terrible défaite aux ‘Àmér, le

quatrième jour de la fête des Sacrifices, et les mit en dé

route, malgré la forte position qu’ils avaient prise à El

garràq entre Salé et Al-Mahdiya.

 

Cette même année, les deux fils du Sultan, Mawlay Er

rechid et Mawlay Slimàn, effectuèrent le Hâjjage: ils

revinrent Tannée suivante, après avoir reçu l’accueil le

plus bienveillant du Possesseur de l’Egypte et de celui du

Hejâz.

 

Cette annéela également, apparut une comète elle

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC.

 

était visible dans la direction du couchant et disparaissait

après le ‘achà on la vit pendant près d’un mois. La po

pulation eu était terrifiée, comme dit Ahoù Teiiiàiu

« Les hommes redoutent d’obscurs malheurs, des que

parait la constellation occidentale qui porte une queue. »

En 126(5, le Sultan rétablit le meks à Eès et dans toutes

les grandes villes. Il le fit d’abord percevoir sur les peaux

par l’intermédiaire d’Elmostafa Eddoùkkali bn Eljilàni

EiTcbâli et d’Elmekki Elqabbâd j Ell’èsi. Il le rétablit en

suite sur les animaux. Mais l’immoralité de cette institu

tion se manifesta tout entière Sûs le règne de son fils le

sultan Sidi Muhammad hen Wbderral.iniàn (Dieu lui tasse

miséricorde !) et jusqu’à ce momentci.

 

Cette annéelà, dans la nuit du 26 ramadan, trépassa

l’ami de Dieu Abû Wbdallfth Sîdi ‘Abdelqâder El’alami,

l’illustre homme de bénédiction, auteur de chansons en

langue vulgaire. Il mourut a Méknàsét Ezzéïtoùn et fut

enscveli dans le quartier de Sidi iîoù Etlayyéb sur son

tombeau a été édifiée une construction des plus magni

fiques (Dieu lui fasse miséricorde et soit satisfait de lui!).

Cette annéelà également, le Sultan envoya son fils Moù

lay ‘Abdelqàder, alors âgé de douze ans, à Salé pour s’y

instruire. Il fut logé chez le qàdi de la ville, Abû Abdal

lâh Muhammad bn Hassoùn Wououàd, qui avait reçu

pour instructions du Sultan, d’habituer cet enfant aux ali

ments et aux costumes grossiers, et de ne lui permettre

de boire du thé qu’une fois ou deux par semaine.

Cette annéelà fut signalée par l’extrême cherté des den

rées et par une disette excessive; elles se firent sentir

surtout chez les tribus du Hawz, comme les Béni Meslcîn,

‘Abda, Doùkkàla, etc., qui durent émigrer dans le Garb

et le Fahs. Les gens mangèrent des charognes, des ca

davres et des plantes. Cette année est appelée, par les

campagnards, l’année d’Elkhobîzi et l’année d’Irni. On

mangeait sans se rassasier et si on mangeait abondam

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ARCHIVES MAROCAINES

ment, on avait au bout d’un instant les entrailles brûlées

parla faim. Le moudd, à liibât Al-Fath et à Salé. qui estime

très grande mesure, atteignit le prix (le 18 milsqâls c’est

une date pour le vulgaire, qui dit: « ‘l’el événement eut

lieu l’année des 18 milsqâls. »

 

En 1267, dans la nuit du mercredi 23 rabi’ II, mourut

le fqîh très docte, le qâdide Salé, Abû ‘Abdallah Moham

med bn Hassoi’m ‘Aououâd. 11 fut enterré, dans cette

ville, à la zaouya du chcïkb Sîdi Ahmad bn ‘Abdelqâder

Ettestâouti, dans le quartier de Bâb Ahséïn. Ce person

nage (Dieu lui fasse miséricorde!) était instruit dans le

droit, le hadîts et la grammaire. Il avait passé sa vie à

recueillir les livres et à les copier il avait d’ailleurs une

écriture tout à fait nette et ne pouvant donner lieu a au

cune erreur de lecture. Charitable envers les pauvres, les

chérîfs et les gens de grande famille, il était plein de gé

nérosité envers eux et leur faisait des libéralités (Dieu lui

fasse miséricorde !).

 

Le mercredi, premier jour de cette annéelà, mourut le

chérîf, l’homme de bénédiction, le vertueux Abû ‘Abdal

lâh Sîdi Al-Hâjj Al-’Arbi bn ‘Ali Elouezzâni. Ce person

nage, dont le nom est bien célèbre, jouissait d’une très

hàute considération. Dieu nous fasse participer à sa béné”

diction et à celle de ses ancêtres

 

En 1268, les Français attaquèrent la place de Salé pour

la raison suivante Deux navires chargés de blé étaient

venus mouiller dans le port des DeuxRives. La disette

régnait cette annéelà. Les deux navires ayant échoué sur

le rivage de Salé, la populace se hâta de les piller, et

poussa l’excès jusqu’à enlever les planches et les agrès de

ces bateaux qu’elle se partagea. Les deux navires apparte

nant à des marchands français, la France porta plainte à

leur sujet auprès du Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

qui écrivit au gouverneur de Salé, Abû ‘Abdallah Moham

med bn ‘Abdelhadi Znîbér pour lui demander des éclair

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DYNASTIE ALA0L1E DU MAROC

 

cisscments sur cette affaire. Celui-ci uia tout simplement

les faits incriminés, clans la pensée qu’il sauverait la ville

par ce moyen. Mais les Français, voyant qu’ils n’obte

naient aucun résultat (le leurs négociations avec le Sultan,

vinrent assiéger Salé, le mardi premier jour de safar de

l’année précitée, avec cinq bateaux à vapeur et un grand

vaisseau, appelé le Nabious, armé de près de soixante ca

nons. Le lendemain matin, ils firent avancer leurs navires

et quand ils se furent mis en position parallèlement la

ville, à 10 heures du matin, ils commencèrent à la hom

barder avec des bombes et des boulets: un seul bateau

ne tira pas, il resta un peu à l’écart pour surveiller: c’était,

diton, un navire anglais. Les boulets et les bombes tom

baient sur la ville sans interruption avec un fracas aussi

effrayant que le tonnerre, et qui faillit faire écrouler les

montagnes. Le tir fut continu au commencement de la

journée. Dans l’aprèsmidi il continua, avec quelques in

tervalles très courts, jusqu’au moment du coucher de so

leil, et même une demiheure après. Le bombardement

avait duré huit heures et demie. La population fit tous ses

efforts pour renvoyer aussi des project-iles aux Français,

mais à la fin du jour elle fut impuissante à soutenir l’at

taque et les Français furent seuls à tirer. Environ sept mu

sulmans périrent pour la cause de Dieu. Le nombre des

boulets et des bombes lancés par l’ennemi dans cette

journée atteignit un chiffre énorme 7.000 suivant les uns,

12.000 selon les autres. Les bombes n’éclataient pas ins

tantanément, et quand elles le faisaient, tuaient les gens.

Plusieurs boulets tombèrent sur la grande mosquée et

sur son minaret, où ils percèrent les toits et les murs, et

sur les maisons des habitants de la ville, mais le Sultan

donna a ces derniers pour les réparer de l’argent du Tré

sor. Manuel, qui donne le récit de cet événement, dit que

« lorsque les Français eurent épuisé leurs provisions,

c’estàdire les boulets et la poudre, ils levèrent l’ancre

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ARCHIVES MAROCAINES

pendant I;i nuit, craignant, que s’ils ne s’en allaient pas

volontairement, ils ne fussent obligés de partir malgré

eux. »

 

En apprenant la nouvelle de cette aJVaire, le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !,i (|iii éLait à Fâs, écrivit une

lettre dans laquelle il disait:

 

« Louange à Dieu seul.

 

« Dieu prie pour notre Seigneur Muhammad, pour sa

famille et ses compagnons.

 

« ‘Abderrahinàn hen Ilicliàm, Dieu est son protecteur.

« A notre serviteur agréé, le fùléb Muhammad bn

“Abdelhàdi Zni’bér, que Dieu vous protège!

 

« Le salut soit sur vous, ainsi que la miséricorde du

TrèsHaut et ses bénédictions.

 

« Ensuite

 

« Nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous

avez fait connaître que les bateaux des Français ennemis

de Dieu ont bombardé la ville depuis le matin jusqu’aux

abords du ‘achd, puis qu’ils ont levé l’ancre, déçus et hu

miliés, et que Dieu les a repoussés avec toute leur colère,

sans qu’ils aient obtenu un résultat ut-ile. Vous ajoutiez

que Dieu a accordé aux Musulmans une patience, une fer

meté et une confiance qui ont fait honneur à la religion

et vivement attristé les polythéistes injustes, et que plu

sieurs d’entre les combattants de la foi sont; tombés pour

la cause de Dieu, qui leur a assuré la félicité éternelle et

l’existence de l’éternité. Dieu soit loué d’avoir manifesté

la puissance de sa religion et secouru le peuple de son

Prophète Grâce à Dieu, les niches où brident les lampes

de l’Islam n’ont pas cessé de briller de la lumière la plus

intense et c’est Dieu qui donne à sa lumière tout son

éclat, quoi qu’en aient dit les inlidèles.

 

« Vous n’ignorez pas tout ce qui se trouve dans les ver

sets cWahraniques et dans les hadîls du Prophète, pour cé

lébrer les mérites de la guerre dans les voies de Dieu et

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DYNASTIE AÏ.AOUIE DU MAF1OC

 

de la résistance soutenue en vue de glorifier la parole de

Dieu. Vous avez bien l’empli voire devoir à cet égard,

vous ave/ justifié la confiance placée en vous et vous avez

l’ait ce qui vous était demandé. Dieu vous améliore et soit

satisfait (Je vous! deux qui ont été tués, Dieu les a grati

fiés d’un bonheur sans (in. Ouant aux Liens qui ont été

perdus, Dieu les remplacera, car il se charge de rempla

cer ce qui a été perdu pour l’amour de lui. Veillez donc

plus que jamais et soyez patients Dieu vous soit eu aide!

« Nous avons ordonné à nos serviteurs les oumanà des

DeuxRives de vous envoyer les ouvriers les plus habiles

pour fabriquer des afl’ùts et, conformément à votre de

mande, nous avons invité notre serviteur Belhefràn à éta

blir des tentes où ils pourront s’abriter. Rien de ce qui

vous est nécessaire ne vous fera défaut, s’il plait à Dieu.

« Vous nous avez rendu compte, d’autre part, de la réu

nion qui a eu lieu chez vous, des habitants de la ville avec

le qâdi et Vamin pour vous demander d’écrire à Notre .Ma

jesté élevée en Dieu afin que nous leur donnions de quoi

réparer leur ftqâlci, leurs mosquées, leurs maisons et leur

muraille. Nous avons écrit aux oainanù des DeuxRives de

se rendre auprès de vous, de visiter tous les immeubles,

maisons ou autres, qui ont été démolis, en votre présence

et accompagnés du qâdi et des ‘adoill, et de faire une es

timation des frais qu’entraînera la réparation convenable

de chaque immeuble. Pour la grande mosquée et Sidi

lîen ‘Âchér, ils prépareront les matériaux voulus et, dès

qu’ils seront réunis, ils commenceront la réparation. Dès

maintenant ils devront réparer la ttqdla nouvelle et la

muraille le plus solidement possible avec du pisé excel

lent, inattaquable aux boulets, et les muniront d’un abri

construit de façon que le tireur soit en sûreté. Xe pro

cédez pas lentement à ces travaux. Nous avons de plus

l’intention d’établir, s’il plait à Dieu, un solide bastion à

l’extrémité de la muraille, du côté de la nouvelle sqùla.

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AlifKlVES M.\nOCAINE»

« Vous l’occvro/. cijoint une lettre que vous lirez à nos

serviteurs les habitants de Salé.

 

« Salut.

 

« Le 1.8 snfar 1 2(>S. »

 

Le Sultan construisit effectivement ce bastion, qui est

un travail très bon, très solide et très beau. C’est une

nmvro digne des grandes dynasties.

 

Colle annéelà, on reçut du Sultan une lettre destinée

il restreindre les variations de la monnaie.

 

En voici le texte

 

« Ensuite

 

« Depuis longtemps, nous avons tenté de restreindre

l’augmentation de la monnaie, nous avons donné des aver

tissements, nous avons multiplié les avis et menacé de

châtiments ceux qui commettraient des contraventions ou

donneraient à la monnaie une valeur autre que celle que

nous avons fixée. Mais on n’a fait que montrer plus d’avi

dité et d’audace. Aussi nous avons demandé à Dieu de

nous aider dans cette affaire, et nous avons décidé d’éta

blir la hausse convenue définitivement entre tout le monde,

pour rendre dorénavant toute excuse irrecevable et don

ner un dernier avertissement.

 

« Ceux qui respecteront les limites que nous avons

fixées et qui ne s’écarteront pas de ce que nous avons dé

cidé, agiront dans l’intérêt de leurs personnes et de leurs

biens ceux, au contraire, qui contreviendront à nos or

dres et commettront la moindre désobéissance, travaille

ront à leur perte et recevront un châtiment qui servira

d’exemple et ne sera pas oublié. L’avertissement tient

lieu d’excuse (quiconque est averti devient fautif).

« En conséquence, nous avons fixé la valeur du boun

douqilx AO oqiyas celle du doublon à 32 mitsqâls celle du

douro « au canon » à 20 oqiyas celle du douro « sans ca

non » à 19 oqiyas celle de la peseta « au canon » à 5 oqiyas

celle de la peseta « sans canon » à oqiyas celle du dirhém

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DYNASTIE AT.AOUIE DU MAROC

 

roubâ’ih l\ moùzoânas et demie, cl celle du dirhéni soudàsi

à 7 moûzoûnas, et ainsi do suite.

 

« Informez de ce qui précède vos administrés et les

gens de votre gouvernement, et invitezles à s’y con

former strictement. Vous punirez très sévèrement ceux

qui y contreviendront, et chez qui vous « .sentirez

l’odeur » de la désobéissance et de la fraude, et vous

nous en informerez.

 

«Salut.

 

« Le 14 rabî’ II 12(58. »

 

En 1269, le Sultan razzia la tribu des Zemmoùr Ech

chleuh. De Miknâs, il écrivit d’abord à son fils et khalil’a

Sidi Muhammad qui étaità Murrâkush. Celui-ci quitta cette

ville et, passant par Tâclla, châtia les Béni Moùsa, qui

avaient tué leur gouverneur, Aboiil’abbâs Ahmad bn Zi

doùh il coupa 64 têtes et emmena 150 prisonniers. De

là, il se rendit à Ribât Al-Fath, où il arriva le lundi 11 chou

wâl, et où il demeura jusqu’au samedi 16. Puis il fran

chit la rivière et campa à Qarmîm, dans la dépendance de

Salé. Il partit le lendemain et passa la nuit à Sîdi ‘Allah

Elbahrâoui. Il demeura là deux jours, puis se remit en

route et alla camper à Tîfelt où il resta quelques jours.

Après cela, il s’avança jusqu’à Dâr Bel Gazi. Pendant ce

temps, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) avait quitté

Miknâs, et, fixant son camp à Elkhamîsât, il avait dirigé

plusieurs attaques sur les Zemmoùr qui s’étaient retran

chés dans leurs montagnes. Il avait pillé leurs biens et

dévasté leurs cultures et même leurs arbres. De là, il se

mit en route pour Murrâkush, tandis que le khalifa se diri

geait sur Fâs (26 doùlqa’da).

 

A partir de cette époque, le Sultan et le khalîfa (Dieu

leur fasse miséricorde !) razziaient, chaque année, les Zem

moùr. Ils se donnaient rendez-vous et faisaient ravager

leurs cultures et leurs propriétés par leurs soldats. Les

Zemmoùr, fortement lésés, et se voyant près de périr,

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ARCHIVES MAH00A1NES

«•ai* leurs vivres élaienl épuisés, linirenl par se souinellie

bon gré ma! ijTi’.

 

Mn (juilliiul. les Zi’jiiinoùi, lors de ce lia première ex

pédition, le Sullau euvovu une lellre dont voici le texle

« Knsuile

 

v 11 n’v a personne <|iii ignore la malice des Zemnioùr:

elle esl plus noire cj no ia nuit, el assez forte pour èlre

comparée à un torrent. Depuis longtemps, nous les avons

rappelés au devoir, nous les avons exhorlés au bien, nous

les avons prévenus el .menacés, et nous nous sommes abs

lenus de leur faire du mal, répondant à leur audace par la

douceur, à leurs provocations par le calme..Mais leur ini’a

liuuion les a enhardis et rendus plus insolents, elle mal

leur a bouché les yeux el les oreilles. Celui dont Dieu veut

la révolle est désarmé pour lui résister. Noyant que le

malin du départ ne dissipait pas les ténèbres de leur éga

rcmeiil, et qu’une main deslruelrice s’était appesantie sur

les riles de l’Islam, nous avons levé contre eux les troupes

victorieuses devant lesquelles sont toujours déployés,

avec l’aide do Dieu, les étendards de ia victoire, et nous

avons l’ait venir de Murrâkush notre /ils vertueux Sidi

.Muhammad (Dieu le conserve !j à la tète d’une, armée pré

cédée de la Jjonne fortune el des heureux auspices, et

poussée parla félicité dans ses repos et dans ses marches.

Nous avons quitté nousmèine Méknasél E/.zéïtoi’in avec

une armée qui remplissait les plumes et garnissait les can

tons el les districts avec ses cavaliers et ses fantassins,

ses colonnes légères et ses bagages. Jusqu’alors, nous

avions livré combat à ces mauvais sujets dans l’endroit

appelé Hlkhamîsal, niais les colonnes n’étant pus suffisam

ment à l’aise pour les tuer, les piller, les disperser et les

frapper, nous avons décide’1, cette fuis, de prendre position

conlreeiix, d’abord à Wïn ETan’iua, le point où leur sou

lèvement et leurs déprédations avaient tout envahi. Nous

avons campé là quelques jours, puis, levant le camp, nous

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DYNASTIE M.A0U11J I»U MAHOC

 

nous sommes arrêtés à Mahsà. De là, nous nous sommes

encore mis en roule cl. nous avons c;mi|>(‘k à Elkha

misàt. Pondant ces séjours cl ces déplacements, notre

/ils Sîdi Muhammad (Dieu le conserve) quittait Hrribàl

et s’installait à Tifelt, <|ui était le centre des révoltés

et le lieu d’étape des oppresseurs ini<|iies. Le rappro

chemeut (tes deux m/iallas causa à ces révoltés une grande

sur]>Lise (|iii atteignit toute extrémité. Les colonnes s’oc

cupèrent à dévaster leurs grains et à les jeter au vent,

et à extraire de leurs cachettes leurs provisions an

ciennes et récentes. Eux, regardaient alunis et voyaient

le malheur (|iiï les frappait. Dès (|ii’ils cherchaient à se

défendre, ils s’en retournaient humiliés. Les tètes des

oiseaux de proie, leurs chefs, ayant été coupées, ils !ie

purent plus résister et quittèrent leurs territoires, per

suadés que le malheur décrété pour eux voulait qu’ils

fussent chassés et éloignés de chez eux. Il n’y resta plus

d’autres habitants que les bêles sauvages et les cha

meaux, car ils s’élaient retranchés dans leurs repaires ha

bituels et leurs citadelles, au sein de montagnes voilées

de nuages et donnant presque la main aux étoiles. Ré

duits à la plus grande détresse, leurs femmes périrent

de faim et de soif, leurs biens furent perdus, et le mal

heur s’exerça sur eux comme il voulut. Quoiqu’ils fussent

fortifiés dans ces repaires, les troupes auraient voulu aller

les v poursuivre et donner leur vie précieuse pour s’em

parer d’eiix. Mais pris par cette compassion qui anoblit

et par la haine de l’acharnement qui avilit, nous avons

donné l’ordre de ne pas les attaquer, pour attendre que

leurs repaires les rejettent et que leur feu les brùJe. Per

dant patience et consumés par l’abattement, ils ont im

ploré la protection do notre fils Sidi Muhammad (Dieu le

conserve !) qui a intercédé eu leur faveur auprès île nous.

Nous avons accédé à ses prières moyennant certaines con

ditions qu’ils ont acceptées, certaines obligations auxqucl

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ARCHIVES MAROCAINES

les ils ont Sûscrit et de vifs reproches. Nous avons alors

incliné vers la clémence et le pardon prescrit par Dieu, et

remettant leur sort entre les mains de notre fils pour cou

per court à leurs excuses, nous les avons quittés (Dieu soit

loué!), nous en remettant à Dieu du soin de régler leurs

comptes. Je demande à Dieu de protéger tous les Musul

mans. Ainsi soit-il

 

« Le 2(ï du mois sacré de doùlqa’da de l’année 1269. »

Cette annéelà, apparut une nouvelle comète.

Au commencement de l’année, le Sultan (Dieu lui fasse

miséricorde !) prit pour vizir le fqîh très docte, le ver

tueux Abû ‘Abdallah Muhammad EssefTar Ettetàouni,

après son arrivée à Murrâkush.

 

Dans cette annéelà également fut terminé le grand bas

tion de Salé qui se trouve à l’angle sud de cette ville, au

bord de la mer. Les dépenses de cette construction, qui

furent prélevées, par ordre du Sultan, sur le fonds des

habous de la grande mosquée de Ribat Al-Fath, s’élèvent

à environ 50.000 milsqûls.

 

Une chose très curieuse eut lieu à Fâs cette annéelà.

Pendant que l’Imâm prêchait un vendredi à la mosquée

d’Elqaroui3,iii, un morceau de plâtre pesant près d’un

quart de quintal se détacha de la voûte audessus de la

troisième rangée de fidèles. Les gens qui se trouvaient

dans cette rangée prirent la fuite ceux qui étaient der

rière eux, les voyant fuir, prirent la fuite à leur tour, et

leur exemple fut suivi par les autres, si bien que tous les

rangs dela mosquée furent rompus. La foule se précipita

en courant vers les portes, où se produisit une presse vio

lente, et les premiers arrivés s’enfuirent dans le Soùq

Echchemmâ’în, perdant leurs chaussures, leurs tapis de

feutre, leurs manteaux, et même leurs coiffures. Un

nombre incalculahle de Qur’âns, de fascicules qWahraniques

et de Delâïl Elkhéirât furent perdus de cette façon.

Les gens ne s’étaient pas rendu compte de ce qui était

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DYNASTIE ALAOUUÎ DU MAROC

 

AliCH. MAItOC. 13

 

>

 

arrivé, et ne revinrent de leur frayeur cjii’au l>oul de

quelque temps.

 

Révolte de Brâhîm Isemmoûr Elizdégui dans le Sahara

Vers le milieu de l’année 1271, la révolte de lirâliim

Isemmoûr Elizdégui fit son apparition dans le Sahara de

Talïlélt. Voici comment elle fut amenée.

 

Les Berbers du Sahara étaient alors divisés en doux par

tis celui des Ail Alla, qui étaient les plus nombreux et

les plus forls de la région, et celui des Ait Yai’elniâl qui

étaient plus faibles. Les Ait Alla mettaient à mal les chc

rîfs du pays et leurs voisins. Ce I îràhîni prit le commande

ment des Ait Yafelmal et, prenant la défense des chérîfs,

leur témoigna tous les égards et la générosité possibles.

Il invitait ses conlribules à faire le bien, les détournait

du mal, faisait l’éloge du Sultan et les invitait à lui obéir.

Il devint bientôt célèbre dansle pays, où on se répandit

en éloges sur son compte.

 

Or, il arriva sur ces entrefaites qu’une discussion s’étant

produite entre les Aït Yafelmal et les Ait ‘Alta, Brâlihn

marcha contre ces derniers et leur infligea une défaite ter

rible. Ses contribules l’aimèrent, davantage et s’attachè

rent à lui de plus en plus, en même temps que les sharîfs

mirent en lui leurs espérances, car triompher des Ait

‘Alla, à cette époque, était un fait surprenant. Il faisait,

avec cela, les plus grandes largesses à ses proches et aux

étrangers. Le Sultan ne tarda pas à entendre parler de lui.

Son caractère (Dieu lui fasse miséricorde !) le portait à

aimer les gens de bien et à se montrer bienveillant envers

eux. Il alla donc audevant de Brâhîm et, pour lui donner

plus de considération, il lui conféra le gouvernement de

1. Texte arabe, IVe pailic, p. 204.

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ARCHIVES MAROCAINES

cetlo contrée. Ntais, en présence (le cette augmentation

tic sa force et du dévcloppementde sa renommée, celui

ci, travaillé par le désir le chef, voulut se rendre in

dépendant, et poussa la révolte jusqu’à retourner au Sul

tan les ordres qu’il recevait île lui. Puis, petit à petit, il

se rapprocha des frontières de l’Empire, et dans tout le

Maghrib on ne parlait plus que do lui. Le Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde !) lui expédia plusieurs missives, puis en

voya des gens qui lui livrèrent combat, enfin Dieu inspira

un de ses proches qui le tua par surprise, lui coupa la tète

et l’apporta, pour obtenir une récompense, au Sultan, à

Morrakcli.

 

Le Sultan ordonna des réjouissances auxquelles il con

voqua toutes les classes de la population de la ville à tous

il lit des cadeaux et répandit sur eux des niasses de bien

faits.

 

Un fait curieux se présenta à cette occasion. Parmi les

invités du Sultan, se trouvaient les tolba des écoles,

étrangers à la ville. Assis à l’écart de la foule, il arriva

que ces tolba restèrent les derniers à recevoir la nourri

ture qui sortait du palais du Sultan et qui était distribuée

aux diverses catégories d’invités. Un des gens de l’entou

rage du Sultan ayant demandé à un des gardes chargés

d’apporter les plats, s’il y avait encore des gens qui

n’avaient rien reçu, Celui-ci répondit « II ne reste plus

que les tolba et les meuniers. » 11 ne restait plus que ceux

ci, en eil’et. Un taléb, entendant ces mots, dit à ses com

pagnons « N’avez-vous pas entendu ce que vient de dire

cet homme – Qu’at-il dit? lui répondirent-ils. Il a ré

pondu qu’il ne restait plus que vous et les meuniers on

vous met sur le même pied que ces derniers en vous joi

gnant à eux par la conjonction et; par Dieu, vous ne res

terez pas plus longtemps ici. » Les tolba se levèrent irri

tés et ne voulurent pas revenir, malgré les supplications

d’un memhre de l’entourage du Sultan qui les suivit. En

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

apprenant la nouvelle, le Sultan ditqu’ilfallaitles laisser

tranquilles et qu’il saurait arranger les choses. Le lende

main, en ell’et, il les convia à venir au parc du vizir J5en

Diîs, à rintérieui’ de Murrâkush, |)rès de Uàb Errobb, et

là il leur fit toutes les largesses possibles pendant trois

jours, ce dont Ils furent satisfaits. Ensuite, ils s’attaquè

rent aux fruits du parc et les prirent jusqu’au dernier.

Cette anecdote prouve la générosité du caractère du

Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !), sa largeur d’esprit

et sa considération pour la science et ceux qui s’y adon

nent. Ce fait me rappelle les vers du poète

 

« Si vous êtes mis pour quelque chose sur le même

pied qu’un inférieur, il n’y a pas de quoi vous fâcher.

« On voit bien, parmi les animaux, la réunion forcée

d’Aristote et du chien qui mord. »

 

On peut constater la question de cette conjonction dans

la science des Ma uni au chapitre concernant le fa.yl et le

.OHaA’

 

Le parc Bn Dris inspira un poème suivant à Abû

‘Abdallah Akensoùs (Dieu lui fasse miséricorde !).

Cette annéelà (1271), une épidémie se déclara dans le

Maghrib, caractérisée par une forte diarrhée, accompagnée

de douleurs dans le ventre et les jambes, et suivie de cour

bature et de frissons. Le teint du malade devenait ensuite

noir. S’il pouvait rester ainsi plus de 2/i heures, il était le

plus souvent sauvé, sinon c’était la mort. Le shaykh de la

confrérie, ill~aû `~lLdalluli SI<li \Lohammecl l:llaei°itd lJtte

confrérie, Abû ‘Abdallah Sùli Muhammad Elharràq Ette

tàouni, mourut de cette maladie, et sa mort mit un terme

à l’épidémie à Tétouan. Le 15 doùlqa’da, il mourut à

Salé 120 personnes; ce fut ce jourla que trépassa le gou

verneur de la ville, Abû ‘Abdallah Muhammad hen

‘Abdelhâdi Znîbér.

 

Eu 1272, le khalifa Sidi Muhammad beu ‘Abd Ar-Rahmân

s’occupa des ‘Arab-s Elkhlof, qui, depuis le règne d’Elman

soùr Essa’di, étaient au nombre des tribus soumises aux

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ARCHIVES MAROCAINES

contributions, ot les réincorpora dans l’armée régulière.

Se dévouant à leurs intérêts, il les transporta dans les

territoires des Sefiân et des lieni Màlék ot dans les envi

rons d’Elarêich. Il les fit résider aussi à Zeggola et à

l’Wad Mékkès, dans le gouvernement de Miknâs, les

habilla et leur alloua une solde. Mais, deux ou trois ans

après, le désordre éclata parmi eux.

 

En 1273, il vint du Sultan (Dieu lui fasse miséri

corde !) une lettre où il disait, après la formule d’intro

duction

 

« A notre Serviteur agréé, le tâlëb Wbdcraziz MahBûba.

Dieu vous protège

 

« Le salut soit sur vous, ainsi que la miséricorde de,

Dieu et ses bénédictions

 

« Ensuite

 

« Au reçu de cette lettre, désignez de suite vingt jeunes

gens intelligents pour étudier la science de l’art-illerie.

Cherchez, pour les instruire, un ou deux maîtres habiles

parmi les art-illeurs de votre ville. Ils devront commencer

dès maintenant leur instruction. Ils apprendront d’abord

les préliminaires, puis ils s’exerceront jusqu’à ce qu’ils

soient à même de commencer à étudier le tir du canon et

du mortier, et continueront tant qu’ils ne seront pas ins

truits, habiles dans leur métier et capables de servir. Nous

demandons à Dieu de les aider et de nous permettre de

subvenir aux dépenses qui leur seront nécessaires. Ces

vingt élèves viendront en supplément des art-illeurs déjà

présents de votre ville.

 

« Nous ordonnons aux OAmânû de leur servir, à titre

d’encouragement, une solde de 15 oqhjas par mois et par

homme. Nous donnerons une augmentation à ceux qui se

distingueront et surpasseront leurs camarades. Nous

ordonnons également aux Oumanâ de payer à leurs ins

tructeurs une somme de 30 ocjiijas par homme et par mois,

en supplément de leur solde ordinaire.

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DYNASTIE ALAOUIIî DU MAROC

 

« Occupez-vous activement de ces jeunes Nous

avons écrit mie lettre identique aux ‘âmil-s des autres

poi’ts; nous apprécierons ainsi ceux (lui manifesteront le

plus (le zèle et d’activité.

 

« Salut.

 

« Le 20 doùlqa’da de l’année, 1273″. »

 

Cette annéelà, Lui traité fut conclu entre le Sultan et les

Anglais il est divisé en deux parties. L’une, qui contient

15 articles, se rapporte au commerce et fixe les droits

d’exportation et d’importation qui ne doivent être payés

sur les diverses marchandises que du plein gré du négo

ciant. et l’autre, qui renferme 38 articles, a trait à la trêve

et stipule la sécurité et le respect des sujets des deux

parties en quelque endroit qu’ils se trouvent. Ce traité fut

négocié à Tanger par Abû ‘Abdallah Muhammad Elkhat.îb

Ettetâouni.

 

Le sultan Mawlay Abderrahmân envoie ses fils dans le Hejâz

ce qui leur arrive dans ce voyage’. 1.

 

En 1274, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) envoya

ses fils Mawlay ‘Ali, Mawlay Brâhîm, Mawlay ‘Abdallah,

Mawlay Ja’iar, et leur cousin, Mawlay Boù Bkeur bn

‘Abdelouâhédbn Muhammad bn’Abdallâh, dansle Hejâz

pour y accomplir l’obligation du Hâjjage. Le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !) prépara leur voyage dans de

bien meilleures conditions que celui de leurs frères qui

avaient effectué le Hâjjage avant eux, Sûs le rapport t

de l’argent, de leurs compagnons, de leurs bagages, de

leurs montures et de leurs nombreuses commodités. Il

expédia, par leur intermédiaire, des sommes considérables

aux chérîfs des deux sanctuaires et aux principaux savants

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 206.

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ARCHIVES MAROCAINES

et habitants. Il envoya avec eux des négociants et des

Oumanâ en vue, connaissant Lien les coutumes des pays,

des régions et des peuples, comme Al-Hâjj Muhammad

bn Al-Hâjj Ahmad Erre/.îni Ettctâouni et Al-Hâjj Moham

med Bû Jenân Elbâroùdi Ettlemsâni, et, parmi un certain

nombre de fqîhs, changés de leur faire la lecture du Livre,

le qâdi de Miknâs, le fqih très docte Sîdi Al-Mahdi bn

Ettâléb bn Souda Elmourri ElFâsi et son frère, le fqîh

très docte Sîdi Ahmad bn Souda. Al-Hâjj ‘Abdelkerim

hen Al-Hâjj Ahmad Errezîni, frère d’Al-Hâjj Muhammad

que nous venons de nommer, m’a raconté que le sultan

Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde qui

venait de décider l’envoi de ses fils au Hejâz, avait fait

venir l’amin Al-Hâjj Muhammad, et, après lui avoir fait

diverses recommandations, lui avait déclaré que tout l’ar

gent destiné aux dépenses de ses fils provenait d’une

source entièrement licite, partie du revenu de ses im

meubles à Tàfîlêlt, et partie de divers autres revenus

légaux. Il ajouta « Conserve cet argent précieusement,

et serst’en avec générosité comme du sel dans la

nourriture. »

 

Au moment où ses fils furent sur le point de se séparer

de lui pour entreprendre leur voyage, le Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde !) leur remit ses recommandations, dont

voici le texte

 

« Louange à Dieu seul,

 

« Dieu prie pour notre Seigneur et Maître Muhammad,

pour sa famille et ses compagnons.

 

« A mes fils ‘Abdallah, Brâhîm, ‘Ali, Bû Bkeur et

Ja ‘far.

 

« Dieu nous protège et vous protège pour agir Sûs son

obéissance, vous conserve, vous dirige et vous guide, et

qu’il soit avec vous en toutes circonstances

 

« Le salut soit sur vous, ainsi que la miséricorde du

TrèsHaut et ses bénédictions.

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DYNASTIE AI.AOU1E DU MAROC

 

« Ensuite

 

« Les enfants sont une portion de notre sang, le soutien.

des familles, les fruits des cœurs et leur consolation. Les

pères doivent donc être pour eux le ciel qui donne de

l’ombre et le nuage bienfaisant. Les meilleurs des pères

pour leurs fils sont ceux que leur affection n’entraîne pas

à les léser dans leurs droits, et les meilleurs des fils pour

leurs pères sont ceux que leur négligence n’amène pas à

la désobéissance et à l’insoumission. Le Prophète (Dieu

prie pour lui et lui donne le salut!) a dit Les enfants sont

des myrtes du Paradis. Un poète a dit aussi « Nos enfants

« au milieu de nous ne sont pas autre chose que nos cœurs

« qui marchent sur la terre quand le vent souffle sur l’un

« d’eux, nos yeux ne veulent pas se fermer. »

Or, la première chose qu’un père doit donner à son fils,

comme provision de route, est une recommandation qu’il

prendra comme guide et comme appui dans son voyage.

Sachez donc que nous vous envoyons faire le Hâjjage

à la maison sacrée de Dieu et visiter le tombeau de son

Prophète (sur lui soient la prière et le salut!). Nous vous

recommandons à Dieu qui ne perd jamais ce qui lui a été

confié. Rendez-vous bien compte du prix de ce voyage que

vous entreprenez appréciez la valeur de cette dévotion

que vous vous proposez, et allez à elle avec des intentions

pures, et avec l’espoir que Dieu TrèsHaut réalisera vos

désirs et vos vœux. Je vous recommande donc la crainte

de Dieu, dans votre for intérieur et en public, car la crainte

de Dieu est le meilleur viatique. Je vous rappelle aussi les

recommandations d’Abraham à ses fils « 0 nos fils, leur

« disait-il, Dieu vous a choisi la Religion ne mourez qu’en

« Musulmans », et les exhortations de Loqmân à son fils

« 0 mon fils, lui disait-il, n’attribue aucun associé à Dieu

« c’est une grande injustice. 0 mon fils, fais la prière, invite

« à faire le bien et détourne du mal. etc. » Veuillez-vous

du bien les uns aux autres, et encouragez-vous réciproque

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ARCHIVES MAROCAINES

nient à la patience et à la compassion. Notre frère Mawlay

‘Abdallah est votre aîné respectez ses avis, car l’âge

donne droit à la priorité.

 

« Depuis que nous avons décidé de vous faire partir pour

ce voyage fortuné, nous nous sommes demandé qui nous

enverrions avec vous. Notre choix s’est porté sur notre

serviteur Al-Hâjj Muhammad Errezîni, parce que c’est un

homme excellent, en qui se trouvent réunies toutes les

qualités éparses chez d’autres. Comportez-vous visàvis

de lui comme si vous étiez ses enfants vertueux, et qu’il

soit pour vous un tendre père, comme a dit le poète

« Al)où Hasan ‘Ali était un père vertueux pour elle et

« nous étions des fils pour lui. »

 

« Nous lui avons ajoint Al-Hâjj lîoù Jcnân Elbâroûdi,

qui est un homme respectable, droit et de helle conduite.

Ils sont bons tous deux (Dieu soit loué!). Nous vous avons

honoré aussi de la compagnie du fqîh incomparable, le

savant universel Sidi Al-Mahdi bn Souda, qui sera accom

pagné de son frère dont la science s’ajoutera aussi à la

sienne. Remplissez visàvis de ces personnages les devoirs

qu’ils méritent et auxquels ils ont droit, car le Prophète y

invite il a posé les principes de l’éducation et de la poli

tesse en disant « Il n’y a personne parmi nous qui ne

« respecte le vieillard, qui ne soit indulgent pour l’enfant,

« et qui ne reconnaisse le mérite du savant. »

« Observez votre religion, occupez-vous de ce qui vous

convient et laissez de côté ce qui ne vous convient pas,

car le noble hadits dit que le mépris de ce qui ne le con

cerne pas est une des choses qui constituent le bon Islam

de l’homme. Appliquez-vous à vos études et ne perdez pas

votre temps dans l’oisiveté, surtout quand il s’agit de la

dévotion que vous allez accomplir. Dès maintenant, met

tez-vous tout entiers à l’étude des rites commencez par

les plus faciles, qui sont ceux du c( Mourchid il mou In »,

puis arrivez aux prescriptions plus larges et aux questions

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DYNASTIE ALAOLIIC DU MA1I0C

 

j)lus étendues. Lu fr/îh Sidi Elniehdi ne doit négliger aucun

ellbrt ni aucun conseil pour vous instruire et lire avec

vous. Fixez aussi un moment à passer avec son frère, qui

est. actuellement un des meilleurs lolba enseignants. Si

vous vous laissez aller a la négligence et à l’oisiveté, vous

n’aurez pas d’excuse.

 

« Tous les serviteurs et suivants qui partent avec

vous sont Sûs votre garde « Nous êtes tous des pas

teurs », dit le hadîls, « et vous ètes tous responsables

de votre troupeau». Enseignezleur les choses de leur

religion et les rites de leur Hâjjage, et tenezleur en

cela un langage qu’ils puissent comprendre, afin que

votre œuvre soit inscrite sur votre page. Le meilleur

parmi vous, dit le hcidits, est celui qui a appris et ensei

gné. Si Dieu conduit par vous dans la voie droite un seul

homme, c’est encore mieux pour vous que ce sur quoi le

soleil se lève.

 

« Que votre extérieur soit celui des gens vertueux et

parfaits, et soyez toujours polis avec les créatures et le

Créateur. Perfectionnez vos vertus soyez attables et aima

Lies dans vos rapports avec les gens, et rendez à chacun

ce qui lui est dû. On parle encore làbas de votre frère

Mawlay Slîman (Dieu le conserve !) et l’on fait encore des

vomx pour lui dans ces contrées chéri Tiennes, parce qu’on

se souvient de ses nombreuses qualités, de sa honte et

de sa douceur.

 

« Nous avons confiance que vous ne nous oublierez pas

dans vos prières dans tous les lieux saints où vous arri

verez, surtout à Elrnoultezém et au Maqâm, dans tous ces

points où les prières sont exaucées. Faites acte de péni

tence pour nous en haisant la pierre noire, en visitant le

tombeau du Prophète (Dieu prie pour lui et lui donne le

salut!), en le saluant et en saluant ses deux compagnons

Abû Bekr et ‘Omar (Dieu soit satisfait d’eux!).

« Soyez pleins de droiture dans toutes vos actions, pra

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ARCHIVES MAROCAINES

tiquez la bonne harmonie et l’amitié, ne vous laissez pas

aller à des disputes et au désaccord, combattez la passion,

la partialité et Satan qui sait imposer ses mauvaises inspi

rations dans les voies du bien, et soyez toujours en garde

contre lui, car Dieu a dit « Satan est un ennemi pour

« vous traitezle comme un ennemi. »

 

« Nous demandons à Dieu de vous conserver, de vous

donner la bonne santé, la paix et la tranquillité, a l’aller

et au retour, dans vos âmes, votre religion et vos biens

terrestres. Nous recommandons à Dieu votre religion et

les fins de vos œuvres.

 

« Rendez-vous lentement Sûs la garde de Dieu jusqu’à

Elqsar et reposez-vous là auprès d’Abonlhasan bn Gâléb.

Dieu vous fasse participer, ainsi que nous, à ses bénédic

tions, comme l’ont fait vos frères précédemment, car il

vaut mieux séjourner à Elqsar qu’à Tanger pour attendre

l’arrivée du bateau dont El khatib doit vous aviser en temps

opportun. Vous vous mettrez alors en route directement

pour Tanger, car nous avons écrit à ce sujet au tfileb

Muhammad Elkhatib.

 

« Communiquez la présente lettre à Al-Hâjj Muhammad

Errezîni, lorsque vous vous rencontrerez avec lui, s’il

plaît à Dieu.

 

« Sachez aussi que nous avons destiné à l’achat de fon

dations pieuses dans la voie de Dieu une somme de

20.000 douros 10.000 serviront à acheter un habous à la

Mekke et 10.000 à l’achat d’un autre habous dans la voie

de Dieu à Médine la lumineuse. Cette somme est com

prise dans l’argent remis pour les dépenses à Al-Hâjj

Muhammad Errezîni et à son compagnon. Nous espérons

que la récompense de cette œuvre ut-ile, s’il plaît à Dieu,

nous sera comptée.

 

« Salut.

 

« Le (i du mois glorifié de ramadan de l’année 127/j. »

AkenSûs dit « Ils s’embarquèrent à Tanger sur un

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

croiseur anglais. Arrivés à Alexandrie, ils furent reçus

avec une joie et une allégresse extrêmes, entourés de

tous les égards par le Possesseur de l’Egypte, qui leur

accorda une hospitalité dont la largeur surpasse toute des

cription. Il les installa dans le plus riche, le plus beau, le

plus magnifique et le plus agréable de ses palais, dans

lequel il avait fait préparer tout ce qui était nécessaire:

ustensiles d’argent et d’or, tapis de soie et de satin à ra

mages, et toutes sortes de choses précieuses surprenantes

Il leur fit donner des quantités magnifiques de toutes sortes

de mets et de boissons royaux en rapport avec leur rang. Il

leur permit de pénétrer dans tous les lieux qu’ils désirè

rent voir, édifices, fabriques, jardins et parcs royaux, dont

la vue frappe d’étonnement et dont la renommée s’est ré

pandue au loin. Ils virent ainsi des choses que la langue

ne saurait exprimer avec exactitude et qu’on n’aurait ja

mais cru la puissance humaine capahle de créer. Ils tra

versèrent ensuite la mer Rouge jusqu’à Jedda. Ils rem

plirent leurs obligations, exécutant toutes les prescrip

tions de la loi pure taouâf, sa’i, ouqoûfet\isile des lieux

bénis. Puis ils partirent pour accomplir l’acte le plus

grave et le plus élevé, l’extrême vœu des cœurs des

croyants, la visite à l’intercesseur des peuples dans le lieu

le plus vénérable. A la Mekke, ils avaient trouvé la mala

die et l’insalubrité. Un grand nombre de Hâjjs étran

gers avaient péri et, parmi eux, un certain nombre de

leurs serviteurs. Deux des enfants du sultan, Mawlay Brâ

hîm et Mawlay Ja’far, étaient morts, le premier à la Mekke,

le second àMédine.

 

« Dieu avait sauvé les autres, se montrant généreux en

vers eux et rehaussant leur rang. Hors de leur visite au

Seigneur de la terre et des cieux, ils furent accueillis par

la félicité dans ce lieu en comparaison duquel tout autre

lieu est si petit, et réalisèrent l’espoir qu’ils avaient conçu

de baiser la poussière du plus noble des sols et de la plus

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ARCHIVES MAROCAINES

généreuse des pierres. Ils donnèrent dos témoignages

d’une générosité inspirée par Dieu, et chacun d’eux obtint

ce qu’il avait espéré et désiré.

 

« Après cela, ils quittèrent Médine, re\ cinmt avec toutes

sortes du bienfaits et lavant de leurs pleurs la poussière

dont ils avaient couvert leurs visages en ces contrées. Mais

ils eurent à subir de pénibles difficultés du fait de la sau

vagerie des Arabes, au cours du chemin qui sépare Mé

dine de Venbo’. Il s’étaient séparés de la caravane des

Hâjjs au retour, et, sans la clémence divine, ils eussent

été exterminés jusqu’au dernier, car la façon dont ils sor

tirent de cette pénible situation fut surprenante. Leur sa

lut, en cette circonstance, pourrait être cité en exemple

aux hommes doués d’intelligence, car ils étaient comme

des gens qui seraient ressuscités après leur mort et leur

ensevelissement, et dont la vie et les traces auraient été

arrêtées. Grâces en soient rendues à Dieu qui ne viole pas

ses engagements et dont le respect ne saurait être atteint.

« En arrivant à Yenbo’,ils trouvèrent, les attendant, les

bateaux qui devaient les emporter, et s’embarquèrent,

poussés par les vents favorables, et assurés de tous les

gains du commerce et de la félicité.

 

« Arrivés près de Murrâkush, ombragés par la sécurité, les

étendards et les pavillons de la satisfaction déployés au

dessus d’eux, ils passèrent la nuit au pont de l’Wad Tân

sîft. Le lendemain, la cavalerie et l’infanterie du Sultan se

rendirent à leur rencontre, ainsi que toute la population

de Murrâkush, vêtue de ses plus beaux costumes. Le jour

de leur arrivée fut une journée célèbre et comptée parmi

les plus grandes fêtes. »

 

Le vendredi 27 moliarrem 1275, mourut le fqîh très

docte, l’unique, Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abder

rahmân Elfîlâli ElFâsi, qui était le savant, par excellence,

de Fâs et du Maghrib, et se distingua par l’excellence de

son enseignement et de ses rédactions, spécialement sur

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAnOC

 

le Moukhla.sar du cheikh Khelil. Sa mort fut pénible sur

tout pour les éliulinnls, car il ne laissa après lui personne

d’aussi fort que lui dans la rédaction des questions de ju

risprudence. (Dieu lui fasse miséricorde et nous le rende

ut-ile !)

 

Dans la nuit du G cha’bân de la même année, après le

deuxième ‘achû, il se produisit une légère secousse de

tremblement de terre.

 

Le cbouwà de cette annéelà, le guerrier de la foi

Abû Muhammad ‘Abdallah bon Muhammad bn Al-’Arbi

Feimîeh Esslàoui arriva au port de Salé, venant de Lon

dres, et ramenant un bateau chargé, où se trouvaient dix

sept canons, deux grands mortiers en bronze et de nom

breux instruments de guerre. Il était allé chercher tout

cela sur l’ordre du sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân pour ar

mer le nouveau bastion de Salé, dont nous avons précédem

ment parlé. Dieu sait quelle estla vérité

 

La même année, la comète apparut de nouveau, pour la

troisième fois durant cette période.

 

Mort du Amîr al-Mû’minîn, Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân bn Hishâm

(Dieu lui fasse miséricorde I)1.

 

Le Amîr al-Mû’minîn, Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui

fasse miséricorde!), s’était rendu à Murrâkush au commen

cement de l’année 1270.

 

Dès son arrivée, il destitua le vizir Abû ‘Abdallah El

jàm’i et établit à sa place, pendant quelques jours, le fqth

Abû ‘Abdallah Garrît; puis il prit comme vizir le fqih

Abû ‘Abdallah Esseflar Ettelâouni. Il resta à MorrâUch

jusqu’à la lin de 1273. De là, il fil. une expédition contre

les Zemmoùr Echchleuh, assisté, comme d’habitude, par

1. Texte arabe, IV” partie, p. 209.

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AtlCIIlVES MAROCAINES

Je klialifa Sidi Muhammad. L’opération terminée, le kha

1 i l’a partit pour Murrâkush, tandis que le Sultan descendait

sur .Méknés où il établit sa résidence, n’en sortant que

pour combattre les Zemmoùr Eclichleuh. l’eutèlre, à un

certain moment, allat-il ù l;ès. Mais au commencement de

127(>, il fut atteint, de la maladie dont il devait mourir, et

qui débuta au moment où il était en lutte avec les Zem

moùr. Il partit alors pour Miknâs, et, la maladie ayant

suivi son cours, il mourut le lundi 29 moharrem 1276. Il

fut enterré entre les deux ‘achd, le premier soir de safar,

dans le mausolée du grand sultan Mawlay Ismà’il (Dieu

lui fasse miséricorde !).

 

J’avais composé, a ce sujet, une élégie, que j’ai oubliée

maintenant, et qui commençait par ces vers

« Estce à cause des fantômes du songe que ton cœur

est agité, que tes larmes coulent, que ta désolation per

siste ?

 

« T’ont-ils rappelé les peines profondes et multiples,

dont s’était ell’acée la trace devant des mérites dont la

grandeur surpassait encore ces chagrins ? »

 

Le fqili Abû ‘Abdallah Akensoùs composa aussi une

élégie sur ce sujet.

 

Fin de l’histoire du Amîr al-Mû’minîn Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân

sa conduite; les monuments élevés par lui K

 

Deux traits particuliers suffiront à celui qui lira l’his

toire de cet imam glorieux, magnanime et généreux, pour

apprécier ses mérites exceptionnels. L’un est l’hommage

rendu par son oncle le sultan Mawlay Slimân de sa piété,

sa justice, son amour du bien, ses œuvres surérogatoires

en lui donnant la préférence sur ses fils tout ceci a été

exposé déjà en détail. Le second est d’avoir restauré cette

noble dynastie, qui marchait à sa ruine et de lui avoir

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 210.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MA1IOC

 

̃donné une nouvelle “jeunesse au moment où elle était sur

son déclin et prèle à disparaître;, ainsi <|u’on l’a vu égale

ment. C’est qu’en c (le t Mawlay Abderrabniân (Dieu lui

fasse miséricorde !) élait un second Mawlay Ismà’il. Après

le récit que nous avons donné des événements de son

règne, je ne pense pas que le lecteur puisse rien ignorer

de sa fermeté, de son énergie, de son intelligence par

faite, de la sagesse avec laquelle il traitait les alï’aircs, delà

façon dont il mettait toutes choses en place, de sa clair

voyance à en les causes et les conséquences, et de

son habileté à les conduire suivant leur cours régulier.

On a vu comme il fut frappé par les événements et sans

cesse accablé par les commotions, sans qu’il eut le plus

souvent un seul auxiliaire digne de mémoire, ni un seul

vizir qui mérite la considération. Malgré cela, il tint tète à

tout, trouvant des remèdes aux situations les plus douces

comme aux plus amères; il ramena le principe de la

royauté à son origine et rétablit sa puissance. Tout le

monde connaît aussi sa nature scrupuleuse, sa patience,

sa modestie, son entière aversion pour l’edusion du sang,

sauf dans les cas où la vérité était élablie au grand jour

et où la loi l’exigeait.

 

Les œuvres qu’il a laissées dans le Maghrib sont très

nombreuses. Ce sont d’abord les travaux par lesquels il

inaugura son règne en reconstruisant la partie démolie du

port de Tanger, qu’il rendit plus beau et plus solide qu’au

paravant, et pour lequel il dépensa des sommes impor

tantes. Puis ce fut la restauration du sanctuaire de Moù

lay Idris à Fâs, dont il construisit la mosquée, qu’il agran

dit et décora, comme on l’a vu précédemment. Ensuite, ce

furent, à Salé, les deux grands forts et les redoutes du

grand fort de cette ville qui font face à la mer, le grand

mûristûn du mausolée du shaykh Bn ‘Achér, le célèbre,

minaret de la grande mosquée, et le magasin à poudre

d’Elqolî’a, etc., et les redoutes du grand fort de liibât El

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ARCHIVES MAROCAINES

felh. Il construisit aussi aux abords de cette ville, pour sa

protection et pour la sécurité de ses roules, deux grandes

rj (isbas, celle d’Essekhiràt et celle de Hoù Znîqa grâce à

ces deux constructions, la tranquillité fut assurée, et la

libre circulation établie entre elles.

 

Il restaura les parties démolies des forts d’As-Swîra et

s’appliqua, par les sommes considérables qu’il dépensa

pour cela, à les rendre aussi solides et aussi puissantes

que possible. Les travaux qu’il lit exécuter n Morrûkch

furent le célèbre Agdûl, la rcédificalion de la mosquée

d’Elmansoùr, dont il ne restait plus que le nom, et qu’il

rétablit dans son état primitif, avec toulc sa majesté, son

étendue et la hauteur de ses constructions, deux restau

rations de la mosquée d’Elkoutbiyin, la réparation de la

(joubba du ehéïkh lîel ‘Abbâs Essebti (Dieu soit satisfait

de lui !), l’agrandissement de la mosquée du shaykh Abû

lshàq Elbell’iqi, dans le soùq Eddeqqâqin, la démolition

de la mosquée d’Elousti qui fut remplacée par un bel édi

fice d’une superbe apparence, la construction de la mos

quée d’Abû Hassoùn, où fut rétablie, comme autrefois,

la prière du vendredi, la reconstruction et l’agrandisse

ment de la mosquée d’Elqanâriya. A Fâs, il fit restaurer

le parc d’Amîna Elmeriniya. « Ce parc, dit Akensoùs, était

ahandonné les bétes sauvages en avaient fait leur ha

bitation, bien qu’il fut à la porte du palais du Sultan et au

cœur de la capitale. Du temps de la dynastie mérinide,

c’était un parc superbe, qui témoignait de son luxe et de

sa magnificence. Là se trouvaient leurs terrasses, leurs

pavillons très élevés et les lieux où ils se tenaient et qui

avaient vue sur les jardins d’Elmousfar/a. » « En résumé,

ajoute cet écrivain, ces jardins réalisaient toute la magni

ficence qu’on peut rêver dans ce bas monde c’était un

paradis dépassant les plus hautes limites de la beauté.

Mais l’action du temps avait fini par les ruiner et par effa

cer toutes les lettres des documents qui constituaient ses

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 14.

 

vestiges. Les rois qui ont précédé notre maître fortifié en

Dieu les avaient vus, sans être émus par leur état et sans

les sauver de l’abîme où ils se trouvaient, bien qu’ils fus

sent tous près d’eux et fissent partie de leurs palais. Dieu

inspira de la compassion pour eux à ce Sultan béni, qui

leur rendit l’existence qu’ils avaient perdue, et fit sortir

des ténèbres du néant leur vie éclatante.

 

Récit du règne du Amîr al-Mû’minîn Sîdi Muhammad bn

‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde!]1 1

 

Sidi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân bn Ilicliâm (Dieu

lui fasse miséricorde !), depuis qu’il avait grandi et était

devenu un jeune homme, avait joui de toute la faveur de

son père, qui le préférait à tous ses frères à cause de son

extrême piété filiale. Il se distinguait par son calme, sa

dignité, sa droiture, sa piété et ses autres belles qualités.

Désigné tout jeune encore par son père comme son kha

lifa, il avait exercé le pouvoir suivant les traditions les

plus pures, et l’on n’avait eu qu’à se louer de son admi

nistration.

 

Il avait donné de telles marques de son habileté et de sa

droiture que le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) lui

avait donné ses pleins pouvoirs et lui avait remis les rênes

de son gouvernement. Il ne lui cachait rien des affaires et

des charges du royaume. Aussi, même pendant le règne

de son père, entretint-il à son service un corps d’infante

rie et de cavalerie il organisa l’infanterie et s’occupa de

l’enrôlement des troupes régulières, avançant ou reculant

toute affaire, abaissant ou élevant, donnant ou retirant il

était, en quelque sorte, un roi indépendant. Si le Sultan

était à Murrâkush, Sîdi Muhammad était habituellement à

1. Texte arabe, IV partie, p. 211.

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ARCHIVES MAROCAINES

Fâs ou i’i Miknâs, ot réciproquement. C’estainsique lorsque

le Sultan (Dieu lui lasso miséricorde !) tomba malade àMék

nès de la maladiedont-ildevait mourir, Sidi Muhammad était

à Murrâkush. Il reçut, sans s’y attendre, des lettres de son

frère Mawlay El’abbâs et du vizir Abû ‘Abdallah Essef

fâr, lui annonçant que le Sultan était à l’article de la mort.

Accablé de tristesse, il quitta Murrâkush en toute hâte et

lit le voyage à étapes forcées, espérant trouver son père

en vie. Arrivé dans le pays des Serâjna, à deux étapes de

Murrâkush, il reçut la nouvelle de la mort du Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !). Ce fut lit que vintle trouver ensuite

la bay’a des habitants des deux capitales, Fâs et Miknâs, de

tout le cjiiéïck Elbokhàri, et de tous les arbitres des desti

nées du pays, les notables des tribus et des Derbers. Il

prononça la formule du retour à Dieu à l’occasion du mal

heur qui le frappait, et remercia Dieu d’avoir laissé entre

ses mains le commandement des Musulmans. Il écrivit la

nouvelle à Morràkcli en envoyant la bay’a qu’il avait reçue.

Les diverses classes de cette ville se réunirent à la mos

quée d’Elkoutbiyin, et en présence du gouverneur, qui

était, à cette époque, Abû Al-’Abbâs Ahmad bn ‘Omar

bn l>où Sel.ta, du qàïd du (juiieh EsSûsi de la qasba,

Abû Ishàq Bràhim bn Sa’id Eljeràoui, et des qâ’îd-s du

Hawz, parmi lesquels celui des Rhàmna, lecture fut don

née de la lettre du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abderrah

miui annonçant la mort de son père et sa proclamation par

la population. Les voix s’élevèrent pour pleurer le Sultan

qui était parti pour le monde des faveurs et de la miséri

corde, et pour acclamer celui que Dieu avait choisi pour

protéger son peuple. Les habitants de Murrâkush écrivirent

leur bay’a, qui fut rédigée par Abû ‘Abdallah AkenSûs,

le guéïeli EsSûsi et les gens du IIoùz firent de même, et

leurs députés se rendirent à Miknâs auprès du Sultan, pour

lui témoigner de leur obéissance et entrer dans la voie

déjà suivie par la communion des Musulmans. Le Sultan

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DYNASTIE ALAOUIK DU MAHOC

 

leur fit bon accueil, les reçut avec honneurs et les combla

de cadeaux.

 

Parmi les poèmes écrits pour le féliciter de son avène

ment, est celui de Abû ‘Abdallah Akensoùs.

Ce fut à cette époque que se manifesta Mawlay ‘Abder

rahmûn bn Slîmân bn .Muhammad. Il arriva très près de

l’ès pour réclamer le pouvoir. Quelquesuns de ses cou

sins, à Fâs et à Miknâs, lui avaient écrit, au moment, de

la mort du Sultan (Dieu lui lasse miséricorde!], pour le

pousser à venir; ils étaient de connivence avec quelques

‘Abicls d’Elbokhâri et quelques IJerbers des environs de

Miknâs. Quand il l’ut près de Fâs, le l’qih Abû ‘Abdallah

Muhammad ETarbi bn Klnioukhtâr Eljam’i, qui com

mandait alors les Cbràga de cette ville, sauva la situation

il invita les gens à la ferme lé et a la lidélité au Commandeur des

Croyants Sidi Muhammad hen Wbderrahmàn. Son alti

tude lit cesser l’eflervescence et mit un terme aux causes

qui l’avaient provoquée. Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân bn Sli

mân renonça à son projet qu’il désespérait de pouvoir

réaliser, et se retira chez les lîerbers dans la Zâwiya d’El

‘ayyàchi, où il demeura jusqu’au jour où il tomba dans

l’oubli.

 

En se rendant de Murrâkush à Miknâs, le sultan Sidi

Muhammad (Dieu lui i’asse miséricorde !) passa par la

ville de Salé, et fixa son campement, à lias Elmâ, le 23 sai’ar

127(5. Dans l’aprèsmidi, il vint, accompagné de quelques

uns des personnages de son eulourage, visiter le shaykh

Abû Muhammad ‘Abdallah bn llassoùn et le shaykh

AbûTabbâs Ahmad bn ‘Aehér (Dieu soit satisfait d’eux!).

Il entra aussi dans le grand bastion, où il vit les canons

dressés sur des alluts de l’er, qui s’enfonçaient dans la

terre, quand on les traînait, à cause du poids du canon.

Il conseilla d’établir un sol en bois solide et bien monté,

de façon qu’on puisse les liainer sans difficulté. Ce travail

fut exécuté sur ses indications (Dieu lui fasse miséricorde !).

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ARCIIIVES MAROCAINES

Je le louai à cette occasion dans un poème, dont je ne me

rappelle que les deux vers suivants

 

« Les Alides réunissent tous les mérites il n’en est pas

« un d’entre eux qui n’arrive a l’apogée de la gloire.

« Mais le Amîr al-Mû’minîn Muhammad est comme la

« pleine lune dans les hauteurs du ciel, où brillentles deux

« étoiles voisines du pôle. »

 

Rupture de la paix avec les Espagnols, qui prennent Tétouan,

puis l’abandonnent causes de ces événements

 

Ce fut la cause suivante qui provoqua la rupture de la

paix avec la nation espagnole.

 

L’usage s’était établi entre les Chrétiens habitant Ceuta

et les Musulmans habitants de l’Anjera que chacun avait

choisi un emplacement pour la garde de sa frontière les

Chrétiens y établissaient de petites cabanes en planches, et

les Musulmans des chaumières en massette ou en maté

riaux du même genre. Or, à la fin du règne du sultan

Mawlay “Abderrahmân (Dieu lui fasse miséricorde !), les

Chrétiens de Ceuta élevèrent sur la frontière une maison

en pierre et en argile, et y placèrent le drapeau de leur roi

qu’ils appellent la « Corona ». Les gens de l’Anjera se

rendirent auprès d’eux, pour les inviter à démolir cette

maison, dont la construction était contraire à l’usage, et

revenir à l’ancien état de choses en n’établissant que des

baraques en bois. Les Chrétiens s’y étant refusés, les gens

de l’Anjera s’emparèrent de cette maison, la démolirent,

enlevèrent la « Corona » et la souillèrent d’excréments.

Ils tuèrent aussi quelques hommes, et traquèrent les habi

tants de Ceuta, qu’ils poursuivaient jusqu’aux murs de la

ville.

 

1. Texte arabe, IV” partie, p. 213.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Les gens de Ceuta saisirent de cette affaire leur chef il

Tanger Celui-ci intervint à ce sujet auprès du représen

tant du Sultan en cette ville, qui était alors Abû ‘Abdallah

Muhammad bn Al-Hâjj ‘Abdallah Elkhatîb Elletâoimi,

et lui porta plainte contre les actes host-iles auxquels s’é

taient livrés des gens de l’Anjera contre la population de

Ceuta. Elkhatîb repoussa ses réclamations, mais Celui-ci,

insistant, exigea que douze individus de l’Anjera, dont il

donna les noms, fussent amenés à Tanger et mis à mort

en punition de leurs actes. Elkhatîb trouva cette exigence

exagérée. 11 s’adressa, diton, au Ministre d’Angleterre, qui

l’engagea à faire venir les inculpés pour sauver les appa

rences aux yeux des Puissances, et se fit fort d’obtenir

qu’il ne leur fût fait aucun mal, au cas où le bon droit des

Espagnols serait établi. Cette proposition plut à Elkhatib

qui résolut de la mettre à exécution. Mais les gens de

l’Anjera, ayant appris ce qui se passait, et qu’Elkhatîb

avait formé le projet d’écrire au Sultan pour lui signaler

ces douze individus, allèrent trouver le chérîf Sidi Al-Hâjj

‘Abclesselâm bn Al-’Arbi Elouazzâni, et lui dirent « Elkha

tîb trahit le Sultan et les Musulmans. il approuve tout ce que

les Chrétiens lui disent, et c’est lui qui les rend si audacieux

contre nous. Nous sommes venus te demander d’instruire

le Sultan de notre situation, afin qu’il nous fasse appuyer

par les trihus qui nous avoisinent nous nous chargerons

bien alors de le débarrasser de cet ennui. »

 

Sur ces entrefaites, le sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân

(Dieu lui fasse miséricorde !) mourut son fils Sîdi Moham

med lui succéda et, arrivé àMiknâs, reçut l’adhésion una

nime de la population du Maghrib. Le chérîf Sîdi Al-Hâjj

‘Abdesselàm lui écrivit au sujet des gens de l’Anjera et

lui exposa leur demande. Le Sultan consulta quelques per

sonnages de son entourage, qui penchèrent pour la guerre.

Le Sultan s’arrêta à cet avis, car il lui eût été pénible de

livrer à l’ennemi douze Musulmans pour satisfaire ses exi

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ARCHIVES MAROCAINES

gences importunes et son désir de les mettre à mort en

présence de tous les représentants des Puissances. 11

décida donc (Dieu lui fasse miséricorde !) de ne pas céder

à la demande de l’ennemi sans l’avoir combattue, Il ré

clama l’appui du TrèsHaut et envoya son serviteur Elhàdd j

Muhammad bn ElhiUlj Eltahar Ezzebdi Errebâti auprès

d’Elkhatib à Tanger, avec mission d’examiner l’ail’aire, de

chercher à découvrir la vérité et de ne consentir à la paix

que s’il ne trouvait pas de moyen de faire autrement. Il

ne manqua pas de prétendus donneurs de bons conseils

auprès du Sultan pour lui représenter l’ennemi comme

une quantité négligeable, ce qui est très impolitique,

même si l’ennemi est faihle et méprisable.

 

Arrivé à Tanger, Ezzebdi se mit en rapport avec ElUha

tib et s’entretint à fond avec lui de la question. Ce dernier

inclinait pour la paix, mais il refusa d’entrer avec lui dans

celte voie, et lui présenta la lettre du Sultan lui donnant

pleins pouvoirs pour traiter cette afl’aire. Elkhatîb se retira

donc, et cessa de parler et ([‘intriguer. A la fin, Ezzebdi

rompit les pourparlers avec le représentant de l’Espagne

sur une déclaration de guerre, et partit.

 

Les Espagnols amenèrent leur pavillon et s’embarquèrent

de suite pour leur pays. Ezzebdi écrivit la nouvelle au Sul

tan, qui annonça à tous les ports qu’il avait déclaré la guerre

aux Espagnols, et donna l’ordre aux habitants de se tenir

sur leurs gardes et de faire leurs préparatifs pour la guerre

sainte. Il ouvrit le Trésor, et distribua à plusieurs reprises

de l’argent, des armes et des costumes. Il commença par

envoyer à Tétouan le qàïd Elmâmoùn Ezzirâri avec une

centaine de cavaliers et 500 fantassins, qui établiraient leur

camp en dehors de la ville, du côté de Ceuta. Ensuite

l’armée espagnole, forte de près de 20.000 soldats bien

entraînés et solides, sortit de Ceuta et campa sur la bor

dure de la frontière, en dedans de son territoire c’était

un samedi, vers le milieu du mois de rabî’ Ier 1276.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Les gens de l’Anjcrn et des tribus montagnardes voi

sines se levèrent pour se jetersur l’ennemi. De tous côtés

leur des gens qui avaient appris ces événe

ments ils formèrent un total de 5.000 hommes environ.

Ils marcheront tous contre l’ennemi et le combattirent

pendant une quinzaine de jours, lui infligeant chaque jour

des pertes doubles de celles des Musulmans. La tactique

de l’ennemi consistait, en effet, à s’avancer en ligne dé

ployée, tandis que celle des Musulmans consistait à le

charger en se portant en avant et en se retirant ensuite.

De cette façon il était inévitable que les pertes de l’ennemi

fussent plus nombreuses que celles des Musulmans. Seu

lement, ceux-ci n’arrivaient pas à le combattre dans son

camp, ni à le repousser, car il se fortifiait très puissam

ment au moyen de redoutes et de retranchements formés de

sacs de sable.

 

Quelque temps après, le Sultan (Dieu lui fasse miséri

corde !) expédia un escadron d’environ 500 cavaliers, com

mandé par son frère le fqîk très docte Mawlay El’abbâs.

Celui-ci campa d’abord à un endroit appelé Aïn Eddâlia,

près de Tanger. Au bout de quelques jours, il marcha

dans la direction de l’ennemi et s’établit au village d’El

bouyoût, dans l’Anjera.

 

La lutte continua encore dans les mêmes conditions

entre les Musulmans et les Chrétiens pendant une dizaine

de jours. Alors les Musulmans se portèrent sur un autre

point, nommé Boiî Kecldân, dans la crainte que l’ennemi

fit une sortie et les surprit. Mais ce fut ce qui enhardit

l’ennemi et lui montra que l’indolence régnait parmi eux.

On combattit encore là pendant près de quinze jours. Puis

un beau jour, l’ennemi, ayant réuni son infanterie et sa

cavalerie, vint attaquer les Musulmans et lança sur eux

toutes ses forces. Les Musulmans lui résistèrent et com

battirent avec fermeté ils le forcèrent à se replier en

arrière. Voyant que cette tentative avait échoué, l’ennemi

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ARCHIVES MAROCAINES

réunit toutes ses troupes pendant une nuit a l’insu des Mu

sulmans et les embarqua, pour les débarquer ensuite a un

endroit appelé Elfenîdaq, parce qu’il s’y trouvait un ancien

fondaq. Dans tous ses mouvements, l’ennemi n’abandon

nait jamais la côte, afin d’avoir ses derrières protégés par

ses bateaux de guerre. Le camp des Chrétiens se trouva

ainsi à une demiheure environ du fondaq. On conseilla

alors à Mawlay El’abbas de se reculer un peu, parce que

l’ennemi le serrait de près il emmena l’armée un peu

plus loin à l’endroit appelé Mejâz Elhesû. Cette manœuvre

ne fit qu’augmenter les convoitises de l’ennemi à l’égard

des Musulmans, et lui découvrir leur peu d’entente des

artifices de la guerre et leur manque de persévérance

dans la lutte.

 

Le général en chef de l’armée espagnole s’appelait

O’Donnell et son ministre et conseiller, Prim la reine

d’Espagne était alors Isabelle II.

 

Les Musulmans recommencèrent ensuite leurs attaques

contre l’ennemi et lui livrèrent de nouveaux combats, tou

jours dans les mêmes conditions que précédemment. Ils

allaient auprès de lui, à Elfenîdaq, et combattaient depuis

le matin jusqu’au soir ils lui infligeaient des pertes et

en subissaient aussi.

 

Pendant ce temps, des délégués, envoyés par la popula

tion de Tétouan, arrivaient auprès du Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde), à Miknâs. Ils lui représentaient la situa

tion causée par l’ennemi comme très grave, et lui expri

maient leurs craintes touchant leurs biens et leurs enfants,

car ils s’étaient rendu compte que ses forces étaient consi

dérables. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) leur pro

mit de les aider, de les défendre et de ne rien leur refuser

ni en armes, ni en troupes, pour n’avoir rien à se reprocher

envers eux ni envers personne.

 

Au bout d’une dizaine de jours, l’ennemi quitta Elfenî

daq et marcha sur Tétouan. Jusquelà, on ne savait pas

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

quel était son plan quand il abandonna Elfenidaq, on sut

qu’il se dirigeait sur Tétouan. Il vint camper à l’endroit

appelé Ennégro et y demeura près de dix jours. La lutte

continua comme précédemment. Seulement, l’ennemi était

fortement approvisionné du côté de la terre et de la mer.

Il recevait de Ceuta tout ce dont il avait besoin pour sa

nourriture et celle des animaux, riz, orge, biscuits, etc., et

même il laissait derrière lui beaucoup de choses, dont se

nourrirent les malheureux de cette région, chaque fois

qu’il se déplaçait. C’était, d’ailleurs, une ruse de sa part

pour montrer sa force et son bienêtre.

 

Des volontaires de la campagne entraient isolément

pendant la nuit dans le camp de l’ennemi pour lui enlever

des mulets et des bœufs ils les amenaient le lendemain

matin à Tétouan et ailleurs. Les gens de peu d’esprit

approuvaient cette manière de faire et s’en réjouissaient:

ils trouvaient qu’ils avaient opéré quelque chose. Or, ce

résultat était négligeable en comparaison du territoire que

l’ennemi prenait, car il s’avançait toujours du côté des

Musulmans, tandis que ceux-ci reculaient.

 

En définitive, les Musulmans ne combattaient pas suivant

un plan déterminé et d’une façon régulière. Ils se battaient

pargroupes dispersés, et, lesoir venu, rentraient dans leurs

campements sans que le moment fût fixé, et sans ordres.

Aussi, une pareille manière de combattre ne pouvait amener

aucun profit. L’ennemi, au contraire, combattait en ligne

et suivant un ordre solide. Il s’attachait à gagner du ter

rain et considérait sa marche en avant et la retraite devant

lui des Musulmans qui lui tournaient le dos, comme une

défaite pour eux. Ibn Khaldoûn, dans son chapitre des

guerres, parlant de la façon de combattre des habitants

du Maghrib, qui est la charge suivie de retraite, dit « La

tactique suivie dans les troupes du khalife depuis leur créa

tion a toujours été de deux sortes la marche en avant en

lignes déployées et l’attaque suivie de la retraite. La pre_

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ARCHIVES MAROCAINES

 

mière façon est celle de tous les étrangers de diverses

souches, la seconde est celle des ‘Arab-s et des Berbers

qui habitent lcMaghrib. Le combat par la marche en avant

est plus sûr et plus énergique que celui (le l’attaque suivie

delà retraite les troupes sont formées en lignesdéployées,

alignées comme des verres ou comme les rangs des gens

qui font la prière, et marchant à l’ennemi en conservant

leur alignement, sans s’écarter ni à droite, ni a gauche.

C’est pourquoi elles sont plus solides au moment de l’at

taque, plus vigoureuses dans la lutte et plus impression

nantes pour l’ennemi. Elles se présentent, en ell’et, comme

un long mur et comme une forteresse solide qu’on n’a

pas envie de détruire. » D’autre part, on lit dans le Tenzll

que « Dieu aime ceux qui comhattent dans sa voie en for

mant une ligne semblable une construction bien cimen

tée ».

 

L’ennemi, continuant à s’avancer petit à petit, arriva à

une rivière appelée Wad Asmîr. 11 choisissait, pour ses

déplacements, le samedi, se basant, aton dit, sur une

raison astronomique. Quand il parvint à Asmîr, il souffla

un vent d’est violent, qui souleva la mer et, interrompant

ses communications par la côte avec ses bateaux, le priva

des provisions qui lui venaient par nier. L’eau de la mer

monta jusque dans l’Wad Ennégro, qui se trouvait der

rière lui, et le fit déborder: son approvisionnement par

Ceuta fut aussi interrompu. Enfin, la mer monta égale

ment dans l’Wad Asmîr, qui était devant l’ennemi, et

l’empêcha de le traverser, de sorte qu’il se trouva isolé

entre ces deux rivières, ayant la mer à sa gauche et ne

recevant plus de provisions. Un soldat espagnol a raconté

après cela, que la galeta, qui est un petit pain ressemblant

au biscuit, se vendait une peseta au commencement de la

journée, finit par se vendre le soir pour un douro, et que

même on n’en trouvait plus. L’ennemi aurait été certaine

ment anéanti, s’il s’était trouvé quelqu’un pour saisir cette

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

occasion. Mais où étailil le bras puissant’ Cette situation

dura deux ou trois jours. Puis, la nier se calma, les deux

rivières se retirèrent, et les Espagnols reçurent des pro

visions. Voyant que l’ennemi était parvenu jusquelà, les

Musulmans se replièrent et s’établirent au village d’Elqal

làlin, ù la distance d’une demiheure environ de Télouan.

L’ennemi traversa la rivière à la fin de la nuit, et se trou

va, le matin, à un endroit appelé Elmediq.

 

Les volontaires arabes, durant cette période, étaient par

tagés entre deux sentiments. Les uns, qui étaient résolus

et pleins d’ardeur, disaient « Si l’ennemi n’était pas au mi

lieu des montagnes et fortifié dans ses cavernes, nous fe

rions ceci, nous ferions cela. » Les autres disaient « Pour

quoi iraisje me mettre dans cette houillie. Que les gens

de Tétouan se battent pour défendre leur Tétouan. Pour

moi, je ne bougerai que quand l’ennemi s’approchera de

moi, dans ma tente, en ‘Àfoda ou Doùkkala. » Tel était le

sens des propos qu’ils tenaient, comme s’ils s’étaient ima

ginés qu’il n’y avait aucune obligation à secourir les Mu

sulmans. Mais ceux qui combattirent vigoureusement,

qui se défendirent avec énergie et secoururent vraiment

l’Islam avec une foi entière et une ardeur sincère, furent

une troupe de jeunes Ahl Al-Fâs, un groupe d’habitants

de Zerhoûn et quelques gens des Aït Yimmoùr, en parti

culier l’un d’entre eux nommé Don Riyâla, qui se livra à

de nombreux exploits et donna des témoignages de valeur

comme il ne s’en produisit que du temps des Compagnons

(Dieu soit satisfait d’eux !). Des témoins oculaires ont rap

porté, et on l’a raconté bien souvent, que cet homme avait

comme signe distinctif un fanion jaune, qu’il tenait serré

contre sa poitrine et qu’il dirigeait du côté de l’ennemi. Il

chargeait ensuite la ligne espagnole, la traversait et, reve

nant par derrière, l’attaquait avec une extrême audace, puis

il recommençait. Il enlevait aussi les chevaux de l’ennemi,

les conduisait par leurs licols et les remettait à nos com

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ARCHIVES MAKOCAINKS

pariions. Quand il marchait vers l’ennemi, il tlisail aux

gens qui étaient autour de lui « Venez, je suis votre bou

clier, je suis votre muraille. » II répéta ces mots plus d’une

fois.

 

Arrivé à Elmedîq, 1 ennemi quitta le bord de la mer et

prit la direction de Tétouan. Il pénétra entre les deux mon

tagnes formant le col, ellrouva issue, du côté de Tétouan,

au lieu qui s’appelle Foumin El’clUq lu il vit quelques

tentes don! quelquesunes élaientà clés Ahl Al-Fâs; illes

attaqua, et tout en faisant battre le tambour, il lança sur

elles des boulets et des obus, d’une façon si imprévue

que quelquesuns de ces gens n’eurent pas le temps de

charger leurs bagages. L’arrivée de l’ennemi produisit à

Tétouan une émotion considérable. La population se dé

cida à résister sérieusement et à combattre; l’armée mu

sulmane s’excita au courage et, malgré la pluie abon

dante qui tomba ce jourlà, se battit vaillamment.

lioû Riyâla se distingua encore dans cette journéelà. Il

eut deux chevaux tués Sûs lui, Mawlay El’abbâs lui en

voya son propre cheval. Ce Commandeur, qui avait pour lui

beaucoup d’égards et lui témoignait une grande considé

ration, envoyait les tambours jouer devant sa tente. Bû

Riyala fut blessé légèrement, ce jourlà. Un grand nombre

de Musulmans et de Chrétiens furent tués des habitants

de Tétouan seulement, il mourut, diton, près de 500 hom

mes. Ce jourlà, la victoire resta à l’ennemi.

 

Le lendemain, les Espagnols quittèrent Foumin El’ol

liq et se dirigèrent sur la gauche du côté du port. Ils cam

pèrent là pour recevoir leurs provisions venant par mer,

s’emparèrent du borj de Martîl et de tout ce qui l’avoi

sinait, comme DârMartîl, qui était la douane. Dès leur ar

rivée, ils la fortifièrent avec des redoutes de sable et des

canons, y établirent des cabanes et des boutiques en plan

ches, et s’installèrent en toute sécurité, leurs bateaux al

lant et venant continuellement sur mer pour leur amener

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nYNASTIE ALAOUIE DU 51AR0C

 

dos vivres, des armes, des soldats eL tout ce dont ils avaient

besoin. Ils se reposèrent treize jours, sans qu’il v eùl un

seul combat.

 

Pendant ces jourslà, Mawlay Ahmad bn ‘Abdeirahmân

arriva, conduisant une armée envoyée de Miknâs par le

Sultan, et établit son campement à Fou mm Elguczéyira.

Quant à Mawlay ETabbâs, il était campé au village d’El

qallàlin, dans un endroit élevé dominant tous les envi

rons.

 

Après s’être reposé et remis son armée en ordre, l’en

nemi livra de nouveaux combats. Il quittait son camp, al

laitetvenaitautourdes deux mhallas, combattait, puis s’en

retournait. Prim marchait toujours en avant de ses trou

pes, monté sur un cheval blanc; il est célèbre chez les

Espagnols, qui le regardent comme un homme brave et

avisé.

 

Enfin, l’ennemi résolut de livrer une bataille définitive aux

Musulmans et d’attaquer Tétouan. Le samedi 11 rejeb 1276,

il leva son camp, se ramassa,se concentra et marcha au com

bat. Il Fit partir deux ailes de flanqueurs qui devaient mar

cher vers la ville l’une, formée de cavalerie, devait remon

ter le cours de la rivière, et l’autre, composée de fantassins,

devait suivre la forêt. Le gros de l’armée se mit en route

également, avançant petit à petit, lançant pendant ce temps

des boulets et des obus, et ayant ses canons traînés par

des mulets. Les deux ailes se déployant cernèrent la

mhalla de Mawlay Ahmad, et quand elles en furent si près,

qu’elles allaient se rencontrer pour l’écraser, tous ceux

qui s’y trouvaient prirent la fuite, abandonnant les tentes

et les bagages entre les mains de l’ennemi, qui s’en em

para. L’ennemi installa son armée dans ce camp qu’il forti

fia. Mawlay ETabbâs se replia avec son armée et alla

camper derrière la ville, qui resta entre lui et l’ennemi.

Dans sa retraite, il passa par Tétouan, qu’il traversa, un

mouchoir sur les yeux, pleurant de tristesse pour la reli

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ARCHIVES MAROCAINES

gion si peu défendue. Quand son camp fut éLabli, à la

tombée do la nuit, les habitants de Tétouan se rendirent

auprès de lui pour se plaindre du fléau qui allait les frap

per dans la présence de l’ennemi, et lui demandèrent l’au

torisation de transporter leurs ell’els, leurs biens et leurs

femmes dans les villages do la montagne et partout où ils

se Irouveraionl en sùrelé, avant que l’ennemi ne leur in

(ligeàt un malheur. Bien qu’il eut auparavant interdit aux

habilanls d’emmener leurs biens cl leurs femmes, pour

empêcher une émeute des Musulmans qui entraînerait la

défaite, et pour que ceux-ci puissent lutter de tout cœur,

il Jour accorda celle autorisation, car, celle fois, l’ennemi

planait sur eux, et il ne lui fallait plus qu’un nouvel as

saut pour se trouver an milieu de la ville. En ett’et, quand

l’ennemi avait établi son camp ce soirlà à FUmm Elgue

zéyira, il avait lance sur Télouan quatre boulets qui étaient

tombes au centre de la ville, comme pour annoncer aux

habitants qu’il les dominait et qu’il ne lui restait plus

rien à faire pour être leur maître. Aussi, des qu’ils enten

dirent la réponse de .Mawlay El’abbàs, ces gens partirent

en toute hâte pour emporter leurs biens. Alors, le tumulte

éclnla dans la ville; les gens policés et les gens grossiers

étaient pèlemèle, la populace se livra au pillage et la po

puiation abdiqua toute pudeur. Les gens du Jebel qui

étaient là, les ‘Arab-s et les vauriens se mirent à enfoncer

les portes des maisons et des boutiques. Et ceux qui en

traient en ville étaient plus nombreux que ceux qui en

sortaient. Ce trouble dura toute la nuit jusqu’au matin.

Lorsque le jour parut, et que les visages purent se voir,

on ne se contenta plus de piller, on se tua pour le butin

une vingtaine de personnes périrent dans l’intérieur de

la ville. Le désordre était à son comble. Ell’rayés, ceux qui

restaient à Tétouan parce qu’ils ne pouvaient pas fuir se

réunirent autour d’Ell.uidj Ahmad hen ‘Ali Ab’îr, origi

naire de Tanger et fixé à Tétouan, et délibérèrent sur le

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DYXASTIE ALAOUIK DU MAROC

 

fléau qui les frappait. Ils furent tous d’avis d’écrire au

chef de l’ai’iuéo ennemie, O’Donnell, pour lui demander de

venir mettre un terme au désordre dans lequel ils se trou

vaient. Ils rédigèrent aussitôt une lettre, qu’un certain

nombre d’entre eux furent chargés de porter. Ils étaient

encore à une faible distance de la ville quand ils décou

vrirent les éclaireurs qui circulaient autour des murs et

veillaient sur leur campement. Ceux-ci coururent auprès

d’eux, leur firent bon visage et leur demandèrent pourquoi

ils étaient venus. Ils répondirent qu’ils étaient porteurs

d’une lettre pour O’Donnell. On les conduisit auprès de ce

dernier, qui les reçut aussi avec amabilité et contenle

menl, et leur oll’rit des douceurs, et leur dit entre autres

choses « Je vous ferai plus de bien que n’en ont fait les

Français aux habitants d’Alger et de Tlenisèn », c’estàdire

Je vous traiterai avec bienveillance. Or, il mentait (Dieu

l’abandonne !) car c’était là une de ces ruses par lesquelles

l’ennemi cherche à gagner les naïfs et corrompt la reli

gion. Quel bien, en eflct, les Français ont-ils fait aux gens

d’Alger et de Tlemsèn Ne voyonsnous pas qu’ils ont

perdu leur religion, que le mal les a envahis et vaincus,

que leurs enfants, sauf de rares exceptions, sont élevés

dans l’athéisme et l’infidélité, et que bientôt leurs succes

senrs auront tous suivi les traces de leurs prédécesseurs.

Dieu protège le peuple de l’Islam et brise, par sa puis

sance, la force des athées et des idolâtres L’ennemi ré

pondit par ces mois à la proposition que lui faisaient les

gens de Tétouan d’entrer dans leur ville « Aujourd’hui,

c’est dimanche, jour de fête des Chrétiens il ne m’est pas

permis de bouger d’ici, ni de faire aucun mouvement.

Mais demain, attendezmoi à 10 heures du malin. » Ils

retourneront vers leurs compatriotes, et leur firent part

de la réponse de l’ennemi. La situation dans la ville n’a

A’ait pas changé on continuait à briser les portes des bou

tiques, à démolir les maisons et le fort dévorait le faible.

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ARCHIVES MAROCAINES

La nuit du dimanche au lundi se passa de la même façon,

et, le matin, c’était encore la même chose.

 

Or, l’ennemi avait pris ses dispositions et était prêl. Il

se mit en route sur Tétouan. Son armée était divisée en

deux colonnes l’une, conduite pur O’Donnell, passa par

le cimetière, se dirigeant vers la porte de la ville qui

s’ouvre sur cet endroit, et l’autre monta dans la direction

de la qasba et du borj, de sorte qu’au moment où O’Don

nell arriva à la porte, l’antre colonne parvenait à la

qasba.

 

O’Donnell trouva la porte fermée. Les Musulmans qui

étaient en dedans lui ayant adressé la parole, il leur or

donna d’ouvrir la porte. Ceux-ci répondirent que les clefs

avaient été perdues dans l’émeute. Il les invita à briser les

serrures, ce qu’ils firent.

 

O’Donnell entra dans la ville avec les chefs de son ar

mée et se dirigea vers l’hôtel du gouvernement, où il

s’installa. Les autres chefs se dispersèrent dans la ville.

Ils étaient tous porteurs d’un papier indiquant les noms

des maisons où ils devaient loger, et chacun d’eux avait

celui où était inscrit le nom de la maison qu’il devait ha

biter. L’un demandait où était la maison d’Errezîni, l’autre

celle d’Elleblâdi, un troisième celle de Bn Elmufti, et

ainsi de suite ils connaissaient entièrement la ville avant

d’y entrer, et étaient au courant des maisons des notables

du pays. Ils se répandirent donc chacun dans la maison

qui lui avait été assignée.

 

L’autre corps, qui avait marché sur la qasba, avait éta

bli le long du mur des échelles en grosses cordes por

tant à leurs extrémités des crochets. Grâce à ces échelles,

les soldats grimpèrent bientôt audessus des murs et, arri

vés au haut du borj, hissèrent leur drapeau au bout du

mât après quoi, ils tirèrent un coup de canon en son hon

neur.

 

Au bruit du canon, les gens occupés à tuer et à piller

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DYNASTIE ALAOUIE Dl! JIVROC

 

ABCII. MAROC. 15

 

regardèrent du côte du borj. Dus c|ii’ils v virent flotter le

drapeau de l’ennemi, ils s’enfuirent sans plus faire al’.en

tion à ce <jni se passait, tels des autruches. Le pouvoir

appartient à Dieu Il n’y a de force et de puissance c[ii’en

Dieu Quel malheur pour la Religion et ses sectateurs

Une fois établi dans la ville, l’ennemi en détermina les

fonctionnaires. Jl fit cesser les actes de brigandage et

nomma, comme gouverneur des Musulmans, Al-Hâjj Mo

hammed Ab’il, dont nous avons déjà parlé.

 

L’entrée de l’ennemi dans Télouan et la prise de la

ville eurent lieu le lundi 13 rejéb 1276, vers 9 heures du

matin.

 

Le lettre délicat, le chérit’ Sidi Elmofadclal Al’ilâl a

pleuré cet événement dans un poème, où il dit

a Temps, dismoi pourquoi tu as brisé notre tranquil

lité, pourquoi tu l’as exposé aux malicieux, sans craindre

qu’on puisse te le reprocher.

 

« Tu as abaissé le rang d’une place qui était !e symbole

même de l’élévation, et tu l’as mise au pouvoir d’ennemis

qui ne valent même pas une rognure d’ongle.

« La Religion verse des larmes, semblables aux averses

que répand le nuage, sur ses mosquées où maintenant le

vin se vend en plein jour.

 

« Dans combien de mausolées de saints, d’où les mira

cles jettent des éclats, le moine n’at-il pas attaché sa croix

et sa bride

 

« Que de demeures de sharîfs et de savants pleins de

droiture sont devenues les latrines d’infidèles qui n’ont

pas eu égard à leur vénérabilité

 

« Que de choses, que de choses encore, qui sont une

profanation pour la Religion, et qui font verser des larmes

de tristesse et de regret

 

« Tétouan, parmi toutes les villes, tu étais comme une

colombe, ou comme un prédicateur qui revêt son manteau

après avoir coiffé son turban.

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AnCUIYKS MAROCAINES

« Non, tu étais un parterre magnifique, dont souriaient

les fleurs écloses, lu étais comme le visage d’un fiancé dont

la joue porte un grain de beauté.

 

« Tu dépassais en éclat et en beauté Fâs, Le Caire et

Damas Un temps est venu qui t’a lancé le mauvais œil

« lit qui a dispersé tes habitants, dont il ne reste plus que

les traces. Comme le temps y était doux, comme la pas

sion v était délicieuse

 

« Nous y avons passé tant de temps en compagnie de

savants l’esprit délié et distingués, a réciter des poésies

et à composer des « séances ».

 

« Nous formions de nombreuses sociétés, car la gaieté

aime les réunions nombreuses.

 

« 0 la beauté de ses nuits ne passentelles pas comme

un rêve P

 

« O Tétouan, ô demeure de la compagnie agréable, pé

pinière des hommes courageux.

 

« Est-il un moyen de retourner à toi ? Notre séparation

dure depuis plus d’un an.

 

« Notre cœur s’est fondu de désir, d’ardeur et de fol

amour.

 

« La tristesse a desséché notre corps et presque rongé

nos os.

 

« Patience, gens de Tétouan rien n’est perpétuel.

« Une situation continue est impossible. L’ombre dure

telle toujours Il

 

« Si l’étoile du bonheur a disparu, et si celle du malheur

a brillé,

 

« Bientôt paraîtra la pleine lune, dont l’éclat dissipera

les ténèbres.

 

« Raffermissez-vous dans l’espérance.

 

« Ayez bon espoir, vous ferez votre salut dans ce bas

monde et au jour de la résurrection,

 

« Remettez votre sort entre les mains de Dieu, pour

qu’il écarte de nous sa vengeance.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Seuls échapperont les sages qui auront mis le bien en

avant

 

« Et qui sont satisfaits du lieu où Dieu les place, futce

même à Osai’ Ketama.

 

« Celui qui attend tranquillement ne trébuche pas, car

tout finit: il attend Dieu en secret et manifestement.

« Et il demande une bonne fin et l’entrée dans l’éternel

séjour. »

 

Quand O’Donnell eut établi des fonctionnaires à Tétouan,

il rentra à son camp et sépara son armée en deux corps,

qui devaient entourer la ville, l’un à l’est et l’autre à

l’ouest. Il y choisit aussi 10.000 hommes qu’il installa en

ville. Quant à lui, il resta en dehors des murs, dans l’un

des camps.

 

On dit que le jouroù il entra à Tétouan, il avait avec lui

70.000 hommes, tous combattants bien préparés et dispo

sant de toute leur force.

 

Après cela, il fit proclamer dans la ville, dans la crainte

que les Musulmans n’eussent creusé une mine, que quicon

que allumerait du feu serait condamné à une peine rigou

reuse. Pendant près de quatre jours, les habitants n’allu

mèrent pas de feu. Il fit proclamer aussi que les gens de

la ville qui avaient pris la fuite, et qui, dans un délai de

sept jours, ne seraient pas revenus auprès de leurs biens

et de leurs propriétés, en seraient dépouillés. Une des

premières opérations qu’il effectua fut d’enlever la poudre

et les canons des Musulmans qui se trouvaient dans la

ville. Il envoya les canons en Espagne et mit la poudre

dans le mausolée du protégé du TrèsHaut Sidi Essa’idi.

Il fit de même avec tous les engins de la guerre sainte.

Puis, il profana le mausolée de Sîdi ‘Abdallah Elbaqqâl

qu’il transforma en église, et emmagasina le riz et l’orge

dans la mosquée d’Elbacha, et les galettes dans celle de

la qasba.

 

Depuis lors, il traita les Musulmans avec égards et res

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AHCUIVKS MAROCAÎNKS

 

pool, saus leur faire subir d’humiliations, ni leur imposer

des corvées, ni leur réclamer de taxes. Il cherchait à se

les concilier par ce moyen, et, eliai|ue fois qu’il achelniL

quelque chose, pavait le double du prix.. Il en usa de

nièiuc avec les gens des villages qui entourent la ville. Il [

établit un marché au lieu appelé koudiat Elmelfa’, en

tlehors de Télouan, et quand les tribus du Jebel en con

nurent F existence, elles s empressèrent d’y venir do toutes

les directions. La population y lit de grands profils.

Dans la suite, O’Donnell envoya dans les tribus du Jebel

une lettre où il leur faisait des promesses très alléchantes,

si les gens de ces tribus venaient auprès de lui pour nouer

des relations commerciales, et où il leur faisait des me

naces dans le cas contraire. H vint alors des gens de par

tout. Le prix des denrées s’éleva et même atteignit plus

du double de ce qu’il était auparavant il n’a pas descendu

depuis.

 

O’Donnell s’occupa aussi de régler dans la ville ce qui

concerne les constructions et d’en adapter le plan aux habi

tudes suivies par les Chrétiens dans leurs villes. Il démolit

donc ce qui ne concordait pas avec ses idées, notamment

en séparant les maisons du mur de la ville, de telle sorte

qu’il ne resta plus une seule maison appuyée sur la mu

raille.

 

lise passa ainsi une vingtaine de jours.

 

Enfin O’Donncll entra en pourparlers avecMawlay El’ah

Ms au sujet de la paix la nouvelle s’en répandit et réjouit

aussi bien les Chrétiens que les Musulmans. Il est facile

de deviner les causes de la joie de ceux-ci. Les Chrétiens,

quoique victorieux, n’avaient pas obtenu ce résultat sans

difficulté Ils avaient eu un très grand nombre de tués,

beaucoup de blessés, et avaient eu à surmonter des ohs

tacles considérables. Le Très Haut dit « Si vous souffrez,

ils soufl’rent aussi comme vous, mais vous, vous avez en Dieu

des espérances qu’ils n’ont pas. » Il l’aut ajouter à cela

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DYNASTIE ALAOUIi: DU MAROC

 

l’abandon du pays ;hk|iic1 ils étaient accoutumés, cl dos

luibiluclos dans lesquelles ils avnienl été élevés, et penser

surtout (|uc, poui’ les simples soldats, leur mort assura la

victoire et que leur sang fut le prix du triomphe. «C’est

avec une tète de chameau, dit le proverbe, qu’on sauve le

sabot d’un cheval. » Un témoin oculaire m’a raconté que la

nouvelle d’une paix prochaine causa aux soldats chrétiens

une joie double de celle qu’elle procura aux Musulmans

ils allaient et venaient, auprès de ces derniers et leur de

mandaient à chaque instant des nouvelles. Dès qu’on leur

disait quelque chose ayant trait à la paix, ils bondissaient

d’allégresse. C’est que les Chrétiens combattaient tous à

contrecœur. Il n’était pas possible au fantassin de s’enfuir

pendant l’attaque au moment du combat, car il était poussé

par les cavaliers et les porteurs de sabres qui étaient der

rière lui s’il reculait et laissait un vide dans le rang, sa

tète tombait surlechamp. Sa mort était certaine s’il

s’enfuyait, et probable seulement s’il allait de l’avant il

préférait la probabilité à la certitude. Cependant, si la

guerre avait été plus acharnée, si la fournaise avait été

cliauflee, et qu’il y ait eu une mêlée, la fuite aurait été

possible, parce qu’alors chefs et subordonnés n’auraient

plus été occupés que d’euxmêmes. Mais c’est grâce à cette

discipline qu’ils ne subirent pas une seule défaite depuis

leur sortie de Ceuta.

 

En campagne, l’ennemi a l’habitude, quand il marche

au combat, d’emporter avec lui tout ce qui compose son

armée, comme s’il était en voyage. C’est ainsi qu’on voit

leurs soldats marcher au combat portant tout ce qui lui est

nécessaire eau, nourriture, poudre, plomb et même un

couteau, des ciseaux, un miroir, du savon, etc. Ils placent

le tout dans de jolis sacs, attachés sur eux, qui ne sont pas

trop lourds parce qu’ils ne contiennent de tous ces objets

que le strict nécessaire. Quant aux tentes, il suffit de trois

hommes pour en porter une de cette façon leur transport

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ARCHIVES MAROCAINKS

n’est pas gênant. Elles sont en ed’et aussi commodes et

aussi régulièrement confectionnées que possible, et les pi

quets sont légers et solides. Elles sont tout à fait suffisantes

et en même temps excessivement légères, de sorte qu’une

seule tente pliéc avec tous ses accessoires pourrait facile

ment être portée par un seul homme mais pour plus de

légèreté, et pour éviter de la peine si le voyage était long,

on la répartit entre trois personnes. Leurs canons sont

fixés solidement sur des chariots à roues évidées, et qui

sont traînés rapidement et avec adresse par des mulets

châtrés et sur lesquels sont placés des coll’res contenant

les munitions, poudre, plomb, boulets, etc. Les art-illeurs

s’asseoient sur ces caissons, tandis que tout autour se tien

nent d’autres soldats qui sont tout prêts à combattre.

Ensuite l’armée tout entière se met en marche dans cet

ordre en lignes déployées et s’avance petit à petit. Les files

se suivent comme les vagues de la mer. Le soleil fait

briller les shakos et luire ces têtes nombreuses et les

armes des hommes. Pendant ce temps, le tir des obus, des

boulets et de la mitraille est continu. Telle est invariable

ment la façon de combattre de l’ennemi. Le soir, ou lorsque

dans le jour il y a combat sur place, et qu’il ne veuille plus

avancer, il s’arrête dans le lieu où il se trouve et ne s’en

écarte que si toute son armée ou la majorité de son armée

est détruite. C’est cette discipline qui lui a valu la con

quête et le triomphe.

 

Les Musulmans, au contraire, se battaient sans disci

pline. Ceux qui combattaient étaient ceux qui voulaient

bien combattre et quand le chef de l’armée mettait de

l’ordre, c’est comme s’il n’y en avait pas, car n’allaient se

battre que ceux à qui il semblaitbond’y aller. Dieu dit cepen

dant lorsqu’ils se trouveront avec lui en ordre rassemblé,

ils ne pourront s’en aller sans qu’il les y ait autorisés.

Le combattant musulman va se battre sans rien avoir à

manger, ni à boire il faut bien, lorsqu’il a faim, ou soif,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

qu’il s’en aille chercher de quoi se donner de la force. Les

Musulmans se battent sans former de lignes et sans ordre

ils se répandent dans les ravins, les lits des ruisseaux,

autour des arbres, s’y cachent pour combattre et ne

savent attaquer l’ennemi de front que par groupes isolés

et par acoups. Quand le soir arrive, ou quand le combat

a lieu sur place, chacun rentre dans sa tente qu’il a laissée

derrière lui, à une grande distance. Avec tout cela, ils

n’ont pas de chef qui leur indique ce qu’ils devraient

faire.

 

En résumé, les soldats de notre Maghrib, quand ils sont

au combat, qu’ils sont montés sur leurs chevaux, sont

maîtres de leurs mouvements aussi bien que le chef de

l’armée Celui-ci n’a pas la moindre autorité sur eux, et

s’ils se battent, c’est par une faveur de Dieu et par respect

pour leur chef, et encore ceci se présente rarement Nous

les avons mis à l’épreuve, et ce que nous disons s’est

vérifié. Ils abandonnèrent le sultan Mawlay Slîman la pre

mière fois dans l’affaire de “Zâyân, et la seconde fois dans

l’affaire des Shrârda. Quand le sultan Mawlay ‘Abder

rahmâu, pour lequel ils avaient cependant plus de respect,

et dont ils n’abandonnaient pas l’étrier, les envoya à Tlem

sên, ils se conduisirent comme on l’a vu, et revinrent à

leurs errements. L’affaire d’Isly, à laquelle ils prirent

part avec le khalîfa Sîdi Muhammad bn ‘Abderrahman,

fut, à cause d’eux, des plus étrangement honteuses. Et si,

dans la nuit d’Al-Hâjj ‘Abdelqâder, il ne s’était pas levé

pour empêcher les hommes de monter à cheval, ils auraient

recommencé.

 

C’est toutefois dans cette guerreci qu’ils se conduisirent

le mieux. Ils résistèrent à l’ennemi et, enfoncèrent plus

d’une fois ses rangs, mais ils montrèrent autant de désordre

que l’ennemi montrait de discipline, et le fait qu’ils

n’abordaient pas l’ennemi dans les conditions voulues

pour le combat, leur porta le plus grand préjudice et fit

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ATiCIlIVES JIAHOCAINES

remporter la victoire à l’ennemi. On sait que deux choses,

pour lutter l’une contre l’antre, doivent être semblables;

le mal ne peut être repoussé que par ce qui lui est con

traire, et l’incompatibilité n’est possible qu’entre deux

choses contraires ou entre deux choses semblables. Or,

notre guerre et celle des Espagnols étaient sans analogie

entre elles, et il ne peut y avoir incompatibilité entre

deux choses qui n’ont aucune analogie, comme l’établit

la philosophie. La véritable assistance n’est qu’entre les

mains de Dieu.

 

Mais revenons aux négociations entreprises pour la

paix.

 

Dès le début des pourparlers pour la paix, Mawlay El’ab

bàs (Dieu lui fasse miséricorde et O’Donuell se donnèrent

rendez-vous pour un jour déterminé à un endroit situé a

égale distance des deux campements. Ce jour arrivé, une

tente fut dressée sur l’emplacement fixé et Mawlay El’abbàs

s’y rendit avec un certain nombre de chefs de son armée,

parmi lesquels se trouvait Abû ‘Abdallah Elkliatib Ette

taouni. O’DonnelI y alla de son côté, accompagné égale

ment de quelques généraux de son armée avec lui était

aussi le moqaddèm des Musulmans de Tétouan, Al-Hâjj

Ahmad Ab’ir, qui espérait servir d’interprète entre les

deux généraux et gagner tout l’honneur de cette confé

rence. Mais ses espérances furent déçues, car, lorsque les

deux parties se rencontrèrent Sûs la tente, tout le monde

en demeura à une certaine distance, sauf Mawlay El’abbâs,

O’Donnell et Elkhatib qui seuls y pénétrèrent, à ce que

l’on dit. O’Donnell témoigna à Mawlay El’abbâs la plus

extrême politesse et la plus grande courtoisie. Après une

heure d’entretien, la réunion prit fin. On raconta alors

qu’il avait été question de la paix, qu’O’Donnell l’avait sol

licitée en même temps que l’affermissement des relations

entre les Espagnols et les Musulmans moyennant certaines

conditions qu’il avait indiquées, mais que Mawlay El’abbâs

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

avait refuse d’adhérer à ces conditions sans consulter son

frère le sultan Sidi Muhammad. Les généraux rentrèrent

chacun chez, eux, et tout le monde attendait, se demandant

quelle serait la réponse du Sultan. Peu de jours après, la

nouvelle arriva que le Sultan repoussait cette paix. Rien

ne l’ut changé la situation respective des deux camps.

L’armée ennemie resta partie à Télouan et partie à l’exté

rieur de la ville, a l’est et à l’ouest, et la m ha lia de Mo ù la y

El’abbàs demeura a environ une demi de distance

de la ville.

 

Un beau jour, il veut une concentration des Musulmans,

à la suite de laquelle ils marchèrent de nuitsur le campe

ment de l’ennemi fixé en dehors de la ville (c’était dans

les derniers jours de cha’bàn 1276) et l’attaquèrent. La

nuit était très noire et les Chrétiens étaient endormis. Les

Musulmans les surprirent et passèrent toute la nuit à les

tuer, et continuèrent le lendemain jusqu’au soir. Les Chré

tiens se défendirent aussi ce jourlà vigoureusement, mais

la victoire resta aux Musulmans. Si l’ennemi ne s’était pas

senti encouragé par la l’orce que lui donnait son appui sur

la ville et la présence de son chef à l’intérieur des murs,

il aurait subi une complète déroute. Dans cette affaire, il

y eut près de 500 Chrétiens tués et plus de 1.000 blessés.

Les Musulmans n’eurent, au contraire, que peu de tués.

Le lendemain matin, O’Donnell; voyant ce qui était

arrivé à son armée, se montra très sévère envers les

habitants de Tctouan et remplaça la bienveillance avec la

quelle il les traitait par la dureté, et la bonté par la rigueur.

Il profana la mosquée du shaykh Abûlhasan ‘Ali Barakât

(Dieu lui fasse miséricorde !) et en fit un hôpital pour ses

blessés, qui y furent transportés pendant la journée. Il

imposa aux habitants de la ville l’obligation de fournir des

couvertures et des tapis les gens de Tétouan lui en appor

tèrent une grande quantité, qui servirent à aménager cette

mosquée pour les blessés. Les soldats chrétiens qui étaient

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ARCHIVES MAROCAINES

à Tétouan se mirent à insulter et à maltraiter tous les

Musulmans qu’ils rencontraient.

 

Après s’être reposé pendant une dizaine de jours pour

reposer son armée et guérir ses Liesses, O’Donnell se mit

en route, avec des troupes solides et bien armées, vers

l’armée des Musulmans qu’il voulait attaquer. Il laissa

Tétouan derrière lui et s’avança jusqu’à l’Wad Boiï Sfiha.

Dès qu’ils le virent arriver, les gens des villages et les

volontaires se hâtèrent de courir sur lui. Ce jourlà, les

‘Arab-s Elhayâïna venaient d’arriver ils formaient un

groupe nombreux, animé d’une haine implacable, et leur

présence raffermit les cauirs. Les Musulmans marchèrent

sur l’ennemi et lui livrèrent combat à Boù Sfiha avant

qu’il eut pu atteindre la mhalla.

 

Ils le battirent et lui infligèrent une défaite qui fit ou

blier tous les événements antérieurs. Ils tuèrent un nom

bre incalculable de Chrétiens; quant au nombre des bles

sés, vous pouvez dire le chiffre que vous voudrez. Les

morts jonchaient le sol. Fatigué de les enterrer, l’ennemi

finit par les grouper par huit ou dix, sur lesquels il jeta

un peu de terre. Malgré cela, il en resta encore beau

coup qui ne purent être ensevelis, et le champ de bataille

était empesté de l’odeur des cadavres. Les Musulmans

remportèrent, ce jourlà, un succès sans précédent et sans

égal. Les ‘Arab-s Elhayaïna se distinguèrent particulière

ment dans cette journée ainsi que les volontaires.

La mhalla de Mawlay El’abbâs était très loin du champ

de bataille.

 

Manuel, qui a fait le récit de cette affaire, assure que le

sang des Chrétiens fut versé avec abondance et qu’ils per

dirent un grand nombre d’hommes et de chevaux.

Quand Mawlay El’abbâs apprit que l’ennemi était sorti

de Tétouan et que les Musulmans étaient en train de se

battre avec lui à Bû Sfiha, il changea d’opinion et se mit

à réfléchir sur les conséquences de. celte affaire. Il trouva

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

que les Musulmans auraient beau triompher de l’ennemi

et lui infliger une importante défaite, les résultats n’en se

raient pas moins liés minces, attendu que si nous faisions

du mal à l’ennemi en tuant et blessant ses soldats, l’en

nemi nous faisait du mal en prenant du territoire et en en

restant le maitre, ainsi que nous l’avons dit à plusieurs

reprises. Il se décida (Dieu lui fasse miséricorde !) pour la

paix qu’il préféra à la guerre, dans l’espoir que les Mu

sulmans auraient leur heure favorable, s’il plaît a Dieu.

Voici ce que m’a raconté, à ce sujet, mon ami le noble

qaïd Abû ‘Abdallah Muhammad heu Drîs bn Homniam

Eljerràvi (Dieu le conserve !) « Comme la guerre entre les

Musulmans et les Chrétiens se prolongeait au sujet de Té

touan, le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abdallah (Dieu lui

fasse miséricorde!) me fit venir et me remit 60.000 mits

(jûls à porter à l’armée musulmane assiégeant Tétouan

pour subvenir à sa nourriture et à ses dépenses. Il me dit

en même temps: « Quand vous parviendrez à la mhalla des

« Musulmans, examinezla, rendez-vous compte de toutes

« leurs affaires, de la façon dont ils comhattent leur ennemi,

« s’ils observent en cela une discipline ou non, et s’ils sont

« pourvus de tout ce dont ils peuvent avoir besoin. Rensei

« gnez-vous à fond et rapportezmoi ensuite fidèlement ce

« qu’il en est. » Je partis donc. J’arrivai à la mhalla un jeudi.

Le lendemain matin, avait lieu le combat de Bon Sfiha.

Un émissaire vint avertir Mawlay El’abbâs que les Mu

sulmans étaient en train de se battre avec l’ennemi. Je

montai à cheval avec un certain nombre d’hommes et j’al

lai voir comment se comportaient les Musulmans et leurs

ennemis, ainsi que le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

me l’avait ordonné. Arrivé sur le champ où combattaient

les Musulmans, je les trouvai en train de chercher un en

droit pour y décharger leurs bagages et dresser leurs ten

tes, afin de ne se battre avec leur ennemi que lorsqu’ils

s’en seraient débarrassés. Ils décidèrent de fixer leur cam

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AHCHIVES MAROCAINES

peinent à Wad Agràz. Afais l’on iiotiii les on chassa à coups

de boulets et d’obus, cl s’avança en môme temps directe

ment vers eux. Ils renoncèrent il cet endroit et s’inslallè

rent à une autre place, où leurs tentes et leurs balayes

étaient en sûreté. Puis ils marchèrent contre l’ennemi et

le combattirent si vigoureusement qu’ils le forcèrent deux

ou trois fois jusqu’au lieu appelé Amsàl et lui tuèrent un

nombre d’hommes incalculable. Le gouverneur des Sol’iâii

et des Béni Malék, Ahoù Muhammad ‘Abdesselam bn Ab

dellcérim bn ‘Aouda Elhàrtsi, mourut pour la foi ce jour

là. L ennemi passa la nuit à Wad Agràz, où les Musul

mans avaient voulu camper, et l’armée des Musulmans

la passa à Elfenîdiq. Les volontaires se dispersèrent cha

cun de. leur côté, suivant leur habitude. Il pleuvait et il fai

sait très froid, et le temps ne me plaisait guère. Le len

demain, qui était un samedi, l’ennemi resta au camp et les

Musulmans firent de même. C’était, au contraire, le mo

ment pour eux de se hâter d’engager une seconde action,

de le terrasseret d’épuiser ses forces, pendant qu’il souf

frait encore de ses pertes, au lieu de le laisser se reposer

et reprendre de la vigueur. C’est ce que les Musulmans ne

firent pas.

 

« Ce jourlà, les pourparlers pour la paix reprirent. Les

deux généraux, celui des Musulmans et celui des Chré

tiens, la désiraient également. Ils étaient fatigués de la

campagne et las de combattre. Le lendemain, dimanche,

ils s’invitèrent à une conférence. Auparavant, l’ennemi leva

le camp, groupa ses forces et se retira rapidement, pour

montrer qu’il avait encore la force voulue pour se dispo

ser à combattre et à préparer une bataille, et que si la

paix n’était pas conclue, il était prêt à se battre. C’était

un stratagème de sa part.

 

« Enfin, Mawlay El’abbâs se rendit à la conférence, en

touré des chefs de l’armée, et O’Donnell s’approcha de lui

avec un certain nombre de ses compagnons. Il avait fait

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

dresser une petite tente où la conférence devait avoir lieu.

O’Donnell fit de nombreux pas en avant pour saluer Moù

lay El’abbâs et lui ténioigner de la politesse. Quand il

l’eut salué, ils revinrent ensemble à la tente l’interprète

et deux autres personnes assistèrent à la réunion. Ils con

clurent la paix, et, après avoir échangé leurs signatures,

se séparèrent. »

 

Ainsi unit la guerre entre les Musulmans et les Espa

gnols.

 

La nouvelle de la conclusion de la paix causa parmi l’ar

mée espagnole une joie sans exemple. Les soldats se mi

rent à crier El paz El paz c’estàdire la paix la paix

Ils l’entrèrent à Tétouan en chantant. Quand ils rencon

traient des Musulmans, ils leur témoignaient de la joie,

comme pour les féliciter de la paix.

 

La paix entre les Musulmans et les Espagnols fut conclue

moyennant diverses conditions le Sultan devait verser

20 millions de douros aux Espagnols, qui s’engageaient à

évacuer Tétouan et tout le territoire dont ils s’étaient em

parés entre cette ville et Ceuta, sauf une bande de terrain

destinée à étendre leur frontière.

 

La conclusion de la paix fut faite dans les derniers jours

de cha’ljàn 1276. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde!)

tarda à verser l’argent, et l’ennemi continua a occuper Té

touan en attendant le paiement. Une année après la paix,

il reçut 10 millions en acompte: il restait encore 10 mil

lions à payer. Il fut convenu que l’ennemi percevrait cette

somme sur les revenus des douanes du Maghrib. Des com

missaires espagnols s’installèrent donc dans les ports

pour encaisser tous les mois la moitié des entrées. Ils y

sont encore aujourd’hui. Dieu se chargera de résister à

leurs malices et à celles de tous les méchants. Après cet

accord, les Chrétiens livrèrent Tétouan aux Musulmans et

Pévacuèrent dans la matinée du vendredi 2 doùlqa’da i 278,

après y avoir séjourné deux ans et trois mois et demi.

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AHCHIVliS MAROCAINES

Celte afl\iire de Télouau a déterminé la chute du pres

tige du Maghrib et l’invasion du pays parles Chrétiens..Ja

mais pareil désastre ne s’était abattu sur les Musulmans,

les protections ont nngmenté et il en est résulté un mal

considérable. Demandons à Dieu de nous pardonner et

de nous accorder la tranquillité, dans la religion, dans ce

monde et dans l’autre

 

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde après la fin de la

guerre de Tétouan, s’occupa activement de créer l’infante

rie régulière suivant l’organisation qui existe aujourd’hui.

Ce fut le premier souverain du Maghrib qui prit cette ini

tiative. Il avait déjà commencé du temps de son père

(Dieu lui fasse miséricorde !), à son retour de la campagne

d’Isly avec les Français. Il s’y appliqua désormais et réu

nit d’abord tout ce qui fut possible. Il établit ensuite les

taxes à payer aux portes et sur la vente des marchandises.

Il écrivit, à ce sujet, dans toutes les provinces. Voici le

texte de la lettre qu’il adressa à ce propos auxOumânadu

port d’Eddar Elbaïrlà

 

« Ensuite

 

« Nous avons entrepris de former une armée régulière

qui répond à un besoin évident et réel, et dont l’ut-ilité est

établie aux yeux de tous, grands et petits. Nous n’avons

encore réuni qu’un petit nombre d’hommes, et nous avons

constaté que les sommes dépensées pour eux dans un mois

formaient un total considérable. Que seraitce lorsque

nous aurions réuni un nombreux contingent répondant au

but proposé et susceptible d’aveugler les révoltés? Nous

avons décidé alors d’entretenir de cette question les négo

ciants notables, et de les inviter à examiner les moyens

propres à nous aider à subvenir à la solde des troupes qui

est indispensable, sans quoi l’organisation en vue de la

quelle ils ont été groupés n’existerait plus, et il en résul

terait des conséquences qui ne peuvent échapper à qui

conque possède un peu d’intelligence et aime la religion.

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DYNASTIE ALAOLIE DU MAF1OC

 

Ils ont conseillé d’imposer à la population une contribu

tion légère et en ont dressé les conditions dans un règle

ment. Cette contribution n’est, pour ainsi dire, rien en

comparaison de celles qu’ont imposées en pareille circons

tance les autres souverains pour être à même de faire face

aux besoins de leurs sujets. La nécessité a ses rigueurs:

c’est bien connu et reconnu, et écrit dans plus d’un ou

vrage. Nous avons décidé ensuite de confier cette ques

tion aux gens de science pour qu’ils expliquent a la popu

lation la sagesse de cette mesure, qui est de nature à ré

jouir les cœurs et à laquelle ils doivent se soumettre en

tout temps; d’ailleurs, presque tout le monde sait que la

population d’un pays ne peut prospérer que grâce à une

armée forte par Dieu, qu’il ne peut pas y avoir une armée

sans argent, et qu’on ne peut pas avoir d’argent sans la

population, mais dans des conditions qui ne lui portent

pas préjudice. Depuis quelque temps déjà, dans notre ca

pitale élevée en Dieu, à Miknâs, à Taza, aux DeuxRives

et à Murrâkush, on a commencé à se soumettre à cette con

tribution et on l’a fait d’une façon digne d’éloges. Nous

ne doutons pas que les habitants de cette ville ne soient

bénis dans leurs biens, dans leurs familles et dans leurs

personnes.

 

« En conséquence, au reçu de cette lettre, mettez-vous

résolument à percevoir cette contribution sur la popula

tion à la porte de la ville, dans les conditions stipulées par

le règlement précité. Les Chrétiens ne sont pas compris

dans cette mesure.

 

« Je demande à Dieu de bénir les Musulmans dans

leurs biens et de leur rendre ce qu’ils paieront. Ainsi

soit-il.

 

« Salut.

 

« Le 22 rejéb unique et sacré de l’année 1277. »

Comme nous sommes arrivés à parler de la création de

l’armée régulière et de son organisation, il est nécessaire

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AHC111VKS 5IAU0CAINKS

 

de traiter cette (juoslion ut-ilement par une élude profi

table.

 

Étude sur la création et l’organisation de l’armée régulière,

et sur certaines règles à observer en cette matière

L’Jmànt a le devoir de défendre le lerriloire de l’Islam,

de veiller sur ses sujets, de les préserver contre des

mains oppresseuses, de leur donner de bons conseils, et

de rechercher ce qui peut leur être nécessaire, et ut-ile dans

leur foi et dans leurs biens de ce monde, Il ne lui est

possible de remplir cette obligation que s’il possède une

armée forte et une puissance parfaite, qui lui permettent de

triompher de tous et de dompter tout le inonde. La créa

tion d’une armée régulière est donc nécessaire il faut,

en conséquence, que l’Imâin établisse un diouân où seront

inscrits les noms des soldats et où il sera inventorié leur

nombre, afin d’assurer la régularité et écarter la fraude.

Le premier Commandeur qui établit, le dîouân fut le Commandeur

des Croyants ‘Omar bn Elkhattâb (Dieu soit satisfait de

lui !) qui fit dresser par ‘Aqil bn Abî Tàleb, Makhraina

bn Naufcl, et Jobéïr bn Mout’im, secrétaires de la

tribu de Qoréïch, le dteuûn des soldats islamiques par

ordre de familles, en commençant par les proches du Pro

phète de Dieu (Dieu prie pour lui et lui donne le salut !)

et en continuant par ceux; dont la parenté avec lui était

plus éloignée, et ainsi de suite.

 

L’Imam doit, sur cet exemple, inscrire d’une façon ré

gulière ses troupes dans un diouân où elles seront main

tenues, dans un registre qui les comprendra toutes. Il

convient, avant tout, qu’il possède entre ses mains un

grand dtoaûn, qui sera le registre original et qui contien

1. Texte arabe, 1V« parUe, p. 222.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 16

 

cira tous les noms des soldats présents ou absents, des

grands et des petits. Il établira ensuite des dtouûns par

tiels, affectés respectivement à une troupe spéciale, par

exemple à l’infanterie de l’imàm qui ne le quitte jamais,

ni en voyage, ni chez lui, i l’infanterie des ports et à celle

des forteresses, etc. Ces dlouâns partiels seraient comme

les branches du grand et seraient renouvelés chaque fois

que lesdites troupes seraient renouvelées, comme on le

verra plus loin. Un dîouân comprendrait des rehas, par

exemple, et chaque reha serait inscrit avec ses miyas, les

miyas avec leurs officiers, leur médecin et leur ‘ûlém char

gé de l’enseignement religieux.

 

L’auteur du Mesbûh Efsâri dit que le gouvernement ot

toman, à son début, maintenait au service pendant toute

leur existence les hommes incorporés dans le corps qui les

employait. Mais comme c’était une chose ardue, c’estàdire

qu’elle n’établissait pas l’égalité entre les sujets dans cette

importante question, il décida d’établir le tirage au sort

quinquennal entre les fils de tous ses sujets. Leur temps de

service terminé, ceux qui ont appris ce qu’il faut savoir

pour battre l’ennemi et sont en mesure de pratiquer l’atta

(lue et la défense sont libérés et retournent à leur gagne

pain, l’artisan à son métier et le négociant à son commerce.

Un autre contingent vient les remplacer, de sorte que tous

les sujets composent une armée capable d’attaquer et de

défendre lorsqu’on a besoin d’elle. Ceux qui ont fini leur

service sont classés pendant sept autres années dans les

rédifs (le mot rédî f signifie qu’ils forment une réserve pour

le gouvernement, qui s’en sert quand il en a besoin, dans

une affaire grave ou en cas de guerre générale, comme en

ont entre elles les Puissances étrangères). Au bout de ces

sept ans, ils sont définitivement libres pour toujours, et on

ne peut plus leur imposer d’expédition, sauf s’ils veulent

servir bénévolement. La durée totale du service militaire

dans l’armée active et dans les rèdîfs est de douze ans.

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ARCHIVES MAROCAINES

Les appelés au service militaire doivent, comme condi

tion, être âgés de vingt à vingtcinq ans s’ils sont plus

âgés ou pins jeunes, le gouvernement ne les accepte pas,

afin que tout se passe avec régularité. Il n’y a pas d’in

convénients, toutefois, si on le juge ut-ile, à reculer ou à

abaisser cette limite.

 

Pour le tirage au sort, qui doit avoir lieu tous les cinq

ans, comme nous l’avons dit, tous les jeunes gens ayant

cet âge dans une région, ceux de Murrâkush et de son obé

dience, par exemple, ceux de Fâs et de son obédience, (les

DeuxlUves et de leur obédience, devront se réunir à un

jour fixé de l’année qui ne pourra être ni devancé ni re

culé. Le représentant du Sultan, le cjûdi et les témoins se

ront présents, et on écrira sur autant de bulletins qu’il v

aura d’hommes présents: X. fils de X. âgé de. Si,

par exemple, ou a cent bulletins et qu’on ne veuille appe

ler au service que cinquante hommes, on prendra ceshul

letins les uns après les autres jusqu’à ce qu’on eu ait cin

quante. On les ouvrira, et tous ceux dont les noms y se

ront trouvés inscrits seront pris pour le service durant

cette période. Ceux qui ne seront pas atteints par le tirage

au sort retourneront chez eux, et s’ils dépassent l’âge fixé

pour le service militaire, c’estàdire vingtcinq ans, sans

avoir été touchés par le sort, ils passeront dans la catégo

rie des vêdîfs pour sept ans, comme nous l’avons vu. Ceux

qui auront été pris par le sort, et inscrits dans le dîouûn,

auront la faculté de rentrer chez eux, afin de régler leurs

afl’aires pendant vingt jours après quoi, ils se présente

ront à la caserne.

 

Ceux qui manqueraient à la convocation sans excuse va

lable seront inscrits d’office dans le diouûn, en diminu

tion du nombre original demandé, sans possibilité d’in

ter vention en leur faveur ni de rachat.

 

Le fils unique d’un père âgé, ou d’une veuve, etc., qui

n’a pas d’autre soutien, sera libéré, pour que ses parents

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ne soient pas abandonnés, mais après s’être présenté à la

réunion et avoir établi la preuve (le ses déclarations. Si.

deux frères sont atteints par le tirage au sort, l’un d’eux

seulement sera pris, l’autre sera renvoyé. Dans une fa

mille de quatre ou cinq (ils, dont trois au plus sont atteints

par le tirage au sort, deux seront retenus et les autres

renvoyés. Seront exemptés, ceux qui sont seuls dans leur

famille, les aveugles, les manchots, les boiteux, les bos

sus, ceux qui sont atteints d’inlirmilés chroniques ou pas

sagères, ceux qui sont trop maigres de corps et trop fai

bles de constitution et sont impropres au service militaire,

qui n’ont pas une bonne santé, etc. Seront exemptés éga

lement les tolba: ils devront toutefois comparaître et subir

un examen. S’ils sont reconnus méritants, ils seront lais

sés libres, car ils assument une charge qui est la plus im

portante de toutes. Mais ceux qui seront peu intelligents,

d’un esprit léger, donnant peu d’espoir d’ut-ilité, et pour

qui la qualiîé d’étudiants sera un simple déguisement,

seront compris dans le tirage au sort.

 

Le père de deux fils, dont l’un aura été atteint par le

sort, pourra, s’il le veut, le remplacer par l’autre, si tou

tefois Celui-ci remplit les conditions exigées pour le ser

vice. S’il veut le remplacer par un autre que son frère,

c’estàdire par un remplaçant payé ou par un esclave, il

devra, de plus, payer une somme d’argent fixe, pourvu

toutefois qu’il ne se dépouille pas pour cela et ne soit pas

obligé d’arrêter son commerce ou de vendre ses proprié

tés. Le remplaçant sera soumis aux conditions suivantes

1° Il sera exempt de toutes les infirmités précitées ‘2″ il

ne devra pas être de ceux qui ont terminé leur service de

cinq ans et sont classés dans les rédefs, sauf s’il a été

classé dans cette catégorie sans avoir été atteint par le

sort tant qu’il n’a pas dépassé l’âge lixé; 3° il devra appar

tenir à la même région que celui qu’il remplace, de sorte

qu’un homme de Murrâkush, par exemple, ne pourra pas

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ARCHIVES MAROCAINES

remplacer un liommc de Fâs, et réciproquement /|” il ne

devra pas être esclave noir, sauf s’il existe un corps spé

cial de noirs dans l’armée, auquel cas il sera afl’eclé à ce

corps, de sorte que le remplaçant pourra être un es

clave blanc; 5° il ne devra pas avoir été incorporé dans

l’armée, puis en être sorti pour une raison de santé ou de

conduite, comme une affection corporelle ou un délit infa

mant, vol, etc. 6″ le remplaçant ne pourra plus être pré

senté après un délai de trois mois, et en cas de désertion,

s’il ne se présente pas au bout d’un mois, celui qu’il rem

place sera pris à sa place.

 

Le recrutement militaire une fois réglé, on enseignera

tout d’abord aux hommes les connaissances indispensa

bles de leur religion, et cela d’une façon abrégée. Ils de

vront bien comprendre la façon de prononcer les deux

chahâda, et on leur en expliquera le sens en termes géné

raux, car la plupart des gens du commun, principalement

les gens de la campagne et des bourgs qui payent la nâïba,

ne connaissent pas les principes essentiels de leur re

ligion. On leur apprendra à faire l’ablution et la prière

qu’ils seront obligés de pratiquer. Tout homme qui ne

sera pas présent au moment de l’appel à la prière, qii i

ne répondra pas au son de la trompette, ou quand ïî

entendra un appel quelconque au culte de Dieu, sera sé

vèrement puni. C’est la première chose qu’ils apprendront

afin qu’ils puissent recueillir les grâces de la reli

gion.

 

On développera chez eux le zèle à protéger les Musul

mans. La création de cette armée n’a, en effet, pas d’autre

but que de conserver la religion si l’armée était la pre

mière à lui porter préjudice, elle ne pourrait pas la pro

téger contre des attaques et être ut-ile aux Musul

mans.

 

Après cela, on leur apprendra les choses qui dénotent

la grandeur d’âme et l’élévation des sentiments, comme la

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

décence, la dignité, la bonne tenue, l’abstention des mots

grossiers, le respect des grands et la bienveillance envers

les humbles. Ils devront savoir que la vertu la plus chère

à Dieu et aux hommes est l’amour zélé de la religion et

de la patrie, le dévouement et l’aflection pour le Sultan.

On leur dira, par exemple, que si l’étranger hérétique dé

fend avec ardeur sa religion mensongère, l’Arabe croyant

doit, à plus forte raison, défendre avec ardeur sa religion,

son gouvernement et sa patrie.

 

Il devra organiser une réunion quotidienne, dans la

quelle ils écouteront le récit de la vie du Prophète de Dieu

(Dieu prie pour lui et lui donne le salut !), de ses expédi

tions, de celles des khalifes orthodoxes et des ancêtres de

la nation, l’histoire des chefs, des sages et des poètes

arabes, de leurs actions et de leurs exploits. On choisira

les livres les mieux faits sur ces sujets, comme le Kitàb

Eliklifû de Abûrrabî’ Elkoulâ’i, le livre d’Ibn Ennahâs

sur le Jikâd, le Sirâj Elmouloûk, etc. Ce sera un moyen

d’affermir leur religion, de stimuler leur esprit, et de for

tifier leur affection pour la religion et ses adeptes.

On les engagera aussi à préserver leurs vêtements, ainsi

que leurs mains et leurs pieds, de la saleté et des taches,

qui indiquent une nature basse, dépourvue de virilité et

de dignité. On leur interdira également l’usage du tabac,

qui détruit la pureté au point de vue religieux et porte

préjudice aux convenances et à la bourse, sans profit.

Quand, au bout de six, dix mois au plus, ces principes

d’éducation leur auront été bien inculqués, ils commen

ceront à apprendre la stratégie et les choses de la

guerre. Un des points les plus importants auxquels on de

vra s’appliquer sera de ne pas les habituer aux coutumes

des étrangers, de ne pas adopter les usages de ces der

niers, dans les choses du métier, dans le langage, dans

les termes techniques, le salut, etc.

 

L’armée musulmane est, d’une façon générale, atteinte

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ARCHIVES MAROCAINES

par ce fléau des habitudes des étrangers. Les soldais veu

lent apprendre le métier des armes pour défendre la reli

gion, et ils la perdent en l’apprenant. Au bout de deux ou

trois ans, les fils de Musulmans deviennent des étrangers

qui ont adopté les habitudes des étrangers et leur main

tien extérieur, Ils ont même abandonné le salut prescrit

par le Qur’ân et saluent en portant la main derrière l’oreille.

Les instructeurs, dans leurs instructions, devront rempla

cer les termes techniques étrangers par des termes arabes,

en traduisant en arabe les mots étrangers. Quoique les

principes soient empruntés aux étrangers, les instructeurs

intelligents doivent s’efforcer de les arabiser. Ce n’est pas

difficile, d’ailleurs, pour celui à qui Dieu a donné ce don,

et il n’y a qu’à remplacer un mot étranger par un mot ar abe

9

 

On dira, par exemple, ç\ Amûm, i aX= Khalf,ïJ>\iDûïra,

fc/o i &*&> JYouss Dâïra, etc. Au bout d’un mois ou deux

d’exercice, ils trouveront ces termes plus faciles et les ai

meront davantage, car ils appartiendront à la langue dans

laquelle ils ont été élevés. Les manœuvres seront étran

gères et les mots qui les représentent seront arabes. Il n’y

a rien la de bien difficile, et ce sera un moyen d’empêcher

qu’ils ressemhlent aux étrangers, ce qui est interdit par

la loi, car l’adoption des manières étrangères n’est d’au

cun profit; c’est, aucontraire, tout ce qu’il y a de plus dan

gereux pour la religion que nous voulons fortifier par les

soldats. ‘Omar bn ‘Abdel’azîz a dit « Celui que la

sounna n’améliore pas, Dieu ne peut pas l’améliorer. »

Ensuite, la base de tout cela, son principe indispensable

son essence même sont que rien ne manque aux soldats

comme nourriture et comme vêtements. On choisira les

aliments les meilleurs et les plus sains pour le corps. On

leur donnera deux tenues, l’une pour l’hiver, l’autre pour

l’été.

 

On leur désignera les maisons et les chambres les méil

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DYNASTIE ALAOL’Ii: DU MAROC

 

leures, bien aérées et éloignées des endroits malsains. On

les forcera i s’appliquer an nelloyage et à l’aération de

leurs maisons, afin d’éviter que les maladies n’y éclatent.

Toute négligence dans cet ouvrage sera punie, parce

qu’elle indique une âme vulgaire, et la vulgarité des sen

timents ne produit rien.

 

Ou leur donnera des médecins experts, qui soigneront

immédiatement ceux qui tomberont Cette armée

devant la muraille de l’Islam, la haie qui protège la

religion, en la conservant, on conserve la religion, en pré

servant sa santé, on préserve la religion.

 

‘L’établissement d’une armée organisée de la façon que

nous avons exposée facilitera à la population l’entrée au

service militaire, et même la stimulera.

 

Celui qui possédera un dirhém voudra le partager avec

les soldats, et alors l’armée jouira d’une considération bien

plus grande que les sujets, puisque l’armée doit les pro

téger, et que les sujets possèdent et l’entretiennent.

Les soldats qui se distingueront par leur intelligence,

leur bravoure et leur dévouement dans le service impérial,

recevront de l’avancement, et leur nom sera élevé audes

sns du commun; on leur donnera ainsi le goût de leur si

tuation et on encouragera leur zèle. En même temps, leurs

camarades les aimeront et voudront aussi acquérir les qua

lités qui leur ont fait obtenir ce rang.

 

Que l’on juge par là de tout ce qui n’a pas été dit.

Dieu, dans sa bienveillance, conduit à ce qui est juste.

Mais revenons à l’histoire

 

Le mardi 21 doùlqa’dal277, mon père le fqih, le nirâbet

excellent, Abûlbaqâ Khâled bn Hammàd bn Muhammad

Elkébir Ennâsiri, mourut dans la tribu de Sefîàn, et fut en

seveli dans le mausolée du shaykh Bû Selhâm (Dieu soit

satisfait de lui!). C’était (Dieu lui fasse miséricorde!) un

homme scrupuleux, qui s’appliquait a ne manger que des

aliments licites avec une telle rigueur qu’il dépassa, en

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ARCHIVES MAROCAINES

cela, tous ses contemporains. Il était pieux et austère, et

avait de nombreux ouerds sa vie fut honorable et sérieuse.

Il connaissait à fond la jurisprudence et la vie du prophète,

et sa bénédiction était recherchée par les gens du com

mun (Dieu lui fasse miséricorde !) ainsi qu’à nous et à tous

les Musulmans.

 

Révolte et mise à mort d’Eljîlâni Erroûgui

 

Eljîlâni Erroûgui, qui appartenait aux ‘Arab-s Sefiân,

était un homme obscur et de basse condition. Il était ber

ger de son métier et s’adonnait aux autres travaux de ce

genre habituels aux gens de la campagne.

 

Quelque génie ou quelque satan s’était emparé de lui,

il se mit à tenir des propos insolites, et le peuple s’étant

mis à le suivre, il souleva la région de Koûrt. A la tête

d’un ramassis de mauvais sujets armés de bâtons et de

frondes, il alla assiéger le qâ’îd ‘Abdelkérim bn ‘Abdes

selâm bn ‘Oûda Elliârtsi Essefiâni dans sa maison. Le

siège dura depuis le dohr jusqu’au coucher du soleil. En

fin, la populace finit par envahir la maison du qâ’îd, le mit

à mort, tua un grand nombre de ses frères et de ses pa

rents, et mit au pillage tout ce qu’elle trouva dans cette

demeure où il y avait beaucoup d’argent et d’effets. Les

victimes restèrent sans sépulture dans la cour intérieure

de la maison pendant trois jours. Le peuple se révolta à

l’appel de ce Roûgui, à qui il attribuait des prodiges et

des miracles sans la moindre preuve. Il avait promis qu’il

s’emparerait du pouvoir et qu’il mettrait ses partisans en

possession de toutes les richesses qu’ils voudraient. Ce

soulèvement fit périr beaucoup de gens et occasionna des

pillages considérables. Il y eut un désordre épouvantable.

1. Texte arabe, IVe partie, p. 225.

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DYNASTIE ALAOUIE DU M.V11OC

 

On aurait peine à croire celui qui, ayant été, comme moi,

témoin de cette affaire, raconterait à quel point atteignait

la séduction que ce fou inspirait à la populace, la confiance

qu’elle avait en lui, et l’ignorance avec laquelle elle fit sa

situation.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn Abderrahmàn (Dieu lui

fasse miséricorde!) se trouvait alors à llibàt Al-Fath. Il

s’émut vivement de cette affaire, car Satan avait encore

augmenté les mensonges d’Erroùgui, qui s’étaient telle

ment répandus que les Chrétiens deTétouan, épouvantés,

s’imaginèrent qu’il fallait prendre la fuite. Le Sultan en

voya contre lui son frère Mawlay Errechîd. Quand il ap

prit sa venue, Errougui prédit à sa horde qu’il triomphe

rait de lui et que les chevaux du Sultan deviendraient leur

butin. Il leur dit de faire des chkîmas, c’estàdire des licols

en palmier nain, et de les tenir prêts pour les emmener.

Une troupe considérable de gens du commun, ceints de

cordes et de licols dissimulés Sûs leurs habits, se mirent

à suivre Erroùgui partout où il allait, attendant la réalisa

tion de ses promesses. Mais à mesure que Mawlay Erre

chid s’approchait, ses affaires commençaient à baisser et

son prestige à disparaître. Quand ce Commandeur fut près du u

marché d’Elarba’a, dans le pays de Séfiân, les chkâïmiya

s’approchèrent de la Mhalla et tournèrent autour en se

cachant dans les ravins, les lits de ruisseaux, et derrière

les collines, dans l’espoir qu’elle allait être mise en dé

route par un prodige de leur apôtre. Mawlay Errechîd, in

formé de leur cachette, envoya des cavaliers, qui les pri

rent tous les uns après les autres en moins d’une heure, et

les emmena avec lui à Ribât Al-Fath, où il restèrent empri

sonnés pendant un certain temps. Un très petit nombre

seulement avait pu s’échapper.

 

Quant à Erroùgui, il prit la direction du mont Zerhoiin

et pénétra dans le mausolée de Mawlay Idrîs s Elakbar (Dieu

soit satisfait de lui !). Un certain nombre de chérîfs Idrî

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ARCHIVES MAROCAINES

sis et ‘Alaouis se massèrent autour de lui, fermèrent les

portes de la qoubba, et un chérîl1 ‘Alaoui s’avança sur lui

et le tua, débarrassant ainsi la population de ce fléau. Les

chéiifs coupèrent sa lèle et ses mains, et les portèrent au

Sultan qui les envoya à Murrâkush, où elles furent exposées

à Jàina’ Elfenâ pendant quelque temps. La foule stupide

ne voulut pas croire à sa mort et attendit pendant deux ou

trois ans son retour. Celui que Dieu égare reste sans

guide.

 

Le meurtre d’Krroùgui eut lieu vers le milieu de

eha’bân 1278: cette allai te ne dura pas plus de trente

jours.

 

Voici une lettre que le Sultan écrivit à ce sujet:

«Ensuite:

 

« Un agitateur de Sefiân s’est écarté de la voie de la re

ligion et a soulevé par ses diableries des Musulmans qui

se sont laissés aveugler. Il a réuni autour de lui des mau

vais sujets de ses pareils, de ses frères et de ses sembla

bles. Il les a conduits à la maison de notre serviteur Bn

‘Oitda et ils l’ont tué.

 

« 11 les a conduits ensuite chez les Chevârda qui l’ont

battu, puis à la Zâwiya de Mawlay ldrîs. Les gens de cette

Zâwiya lui ont livré un combat agréable à Dieu et à son

Prophète, mais sans pouvoir le tuer. Puis ils l’ont empri

sonné, l’ont mis à mort et ont suspendu sa tête audessus

de la porte de la Zâwiya appelée Bâb Plliejar. Ensuite, ils

ont fermé la porte sur ses compagnons, ses auxiliaires et

partisans qui étaient entrés avec lui, les ont emprisonnés

et leur ont mis des claînes et des carcans.

 

« Nous avons l’intention de leur infliger, s’il plaît à Dieu,

un châtiment répondant aux crimes et aux actes honteux

qu’ils ont commis. Et alors ceux d’entre eux qui se seront,

à ce moment, mis hors la loi, tomberont Sûs le coup de

la justice et recueilleront les fruits de la révolte et de l’in

justice auxquelles ils ont travaillé. Ainsi, ils seront exter

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DYNAST1K ALAOL1K DU MAUOC

 

minés jusqu’au dernier. Louange eu soilà Dieu qui mérite

d’être loué et de qui vient toute faveur.

 

« Nous avons tenu à vous éclairer sur cette aHaire, dans

la crainte que quelques agitateurs ne vous le rapportent,

suivant leur habitude, Sûs un jour différent.

« Salut.

 

« Le 18 cha’bân glorifié de l’année 1278. »

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse

miséricorde I) châtie les ‘Arab-s Rhâmna1.

 

Au moment où le sultan Sidi Muhammad bn “Abder

rahmân (Dieu lui fasse miséricorde !) était, dans le Nord,

occupé à la guerre de Tétouan avec les Espagnols, les

‘Arab-s Rhâmna se révoltèrent dans le Hawz. Ils vinrent

jusqu’au Soùq Elkhamis de Murrâkush, l’envahirent, le

livrèrent au pillage, dévalisèrent les caravanes, les jardins,

et bloquèrent si étroitement les habitants de la ville qu’ils

les empêchèrent de s’approvisionner. Les communications

furent interceptées, et les denrées devinrent chères. Les

Rhâmna coupèrent même tous les arbres qui étaient autour

des murs de la ville pour faire du bois, moissonnèrent les

récoltes dans les champs et les emportèrent. Le siège

devint très rigoureux et les habitants furent abandonnés

par leurs auxiliaires. Il en fut ainsi jusqu’au moment où

le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !), ayant terminé la

guerre avec les Espagnols et mis fin à l’émeute d’Erroùgui,

se mit en route pour Murrâkush.

 

A son approche, les Rhàmna se coalisèrent pour lui

faire la guerre tous ensemble et se retirèrent dans la ré

gion d’Erremîla, d’Elaoudiya et de Zâwiyat Bn Sàsi, afin

de lui barrer la route et l’empêcher d’entrer à Morrdkch.

I. Texte arabe, IV’ partie, p. 22fi.

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AliClllVLS MAHOCAINliS

Mais le Sultan les attaqua et dirigea contre eux une poussée

si violente qu’une heure après ils étaient conduits à Mor

ràkch, attachés deux à deux, et que les prisons furent trop

petites pour les contenir. Et même si le Sultan n’avait

pas retenu ses troupes, elles les auraient complètement

anéantis. Peu après il leur pardonna, mais leur retira les

terrains d’Aït Sa’àda, de Gouatem et d’Elaoudiya, qui sont

excessivement fert-iles.

 

Le Sultan écrivit au sujet de cette affaire à son frère

Mawlay Errechîd. Sa lettre portait le grand sceau apposé

entre les invocations et le protocole. Sur ce sceau était

gravé, au centre

 

« Muhammad bn Wbderrahinân (Dieu lui pardonne !). »

Sur le pourtour

 

« Celui qui attend son secours du Prophète de Dieu, les

lions euxmêmes s’inclineront devant lui s’ils le rencon

trent dans leurs fourrés. Notre assistance ne peut venir

que de Dieu c’est en lui que j’ai mis ma confiance et c’est

à lui que je reviendrai. »

 

Et dans les angles

 

« Dieu, Muhammad, Abû Bekr, ‘Omar, ‘Uthmân, ‘Ali. »

Le texte de la formule du début était

 

« Louange à Dieu qui dans sa sollicitude a attribué à

son peuple la tranquillité de son pays et l’accomplissement

de ses désirs.

 

« Dieu prie sur notre Seigneur Muhammad, sur sa fa

mille et ses compagnons qui ont secouru la Religion de

leurs poitrines et de leurs lances, et ont éclairci les règles

de la sounna

 

« A notre frère chéri et dévoué, Mawlay Errechîd (Dieu

t’améliore et t’aide !).

 

« Le salut soit sur toi ainsi que la miséricorde du Très

Haut et ses bénédictions

 

« Ensuite

 

« Des nouvelles d’abord douteuses, puis certaines, et

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DYN.VSTIK .W..Y0U1E DU MAItOC

 

des informations trop précises pour que leur importance

soit mise en doute, nous étant successivement parvenues

des actes manifestes et notoires de corruption de toutes

sortes accomplis par los oppresseurs d’euxmêmes, les

Rhàmna, qui les méditaient depuis longtemps dans leurs

cttuirs, nous nous sommes rendus auprès d’eux, en faisant

les étapes doubles, et, arrivés sur leur territoire, nous

avons lâché sur eux le torrent bariolé des fantassins vic

torieux et des cavaliers nombreux, qui, en peu de temps,

nous ont apporté plusieurs de leurs tètes au bout de leurs

lances, et des prisonniers, faits parmi leurs guerriers et

dépouillés de leurs vêtements et de leurs armes, si bien

que ceux d’entre eux qui ont pu s’échapper ne s’en sont

retournés que vêtus de leur insuccès et abreuvés de la

coupe de leur iniquité. L’infanterie et le guéïch se sont

emparés de tout ce que possédaient les rebelles. On sait

que celui qui a tiré le glaive de l’iniquité, le voit se retour

ner contre lui pour l’égorger, que celui qui a trempé dans

les dissensions, périt englouti dans leurs abîmes, que la

révolte est un feu qui brûle celui qui l’allume et que l’in

soumission est un pacte qui perd celui qui l’a contracté.

« Lorsque nous avons voulu nous appliquer à les exter

miner et jeter aux vents les dernières cendres de leurs

traces, ils se sont accrochés à des marabouts influents,

ont égorgé de nombreuses victimes de tous côtés, et ont

fait appel à notre clémence. Ils ont alors effectué leur sou

mission en exécutant tous les ordres proportionnés à leurs

moyens que nous leur avons donnés. Nous leur avons

donc laissé la vie, car si le scorpion revient, nous retour

nerons à lui, avec l’aide de Dieu, mais en gardant toujours

notre semelle prête à l’écraser.

 

« Dieu soit loué Il a trompé leurs espérances, il a fait

avorter leurs agissements, il a inspiré la défection à leurs

auxiliaires, il les a arrêtés à temps après avoir aveuglé

leurs yeux, il leur a fait tourner les talons après les avoir

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.vuciiivKs jiAitor:iM:s

 

dépouillés de louis biens el avoir tranché leurs tètes, tout

cela, parce qu’ils out voulu lenir tète à Dieu et à son Pro

phète. Or, celui qui se sépare <le Dieu et de son Prophète,

Dieu lui inflige uu châtiment sévère. Nous cherchons en

Dieu un abri contre les pensées tortueuses, les voluptés

à contresens, les crimes qui conduisent aux causes de

mort, et la malchance qui met le clairvoyant dans les

ténèbres de la nuit noire où il erre comme un aveugle.

« Vous recevrez les tètes qui ont été coupées sur les

cadavres des Rliàmna. ous les suspendrez à la porte de

la ville, pour qu’elles y servent d’enseignement et fixent

le souvenir.

 

« A Dieu je demande de ne pas nous abandonner à

nousmêmes en nous quittant des yeux un seul instant et

même moins, d’être pour nous et pour les Musulmans ce

qu’il est pour ses protégés, ses amis et les élus de son

choix, de nous soutenir ainsi que les Musulmans en vue

de ce qu’il aime et le satisfait, et nous accorder à tous une

Lonue fin.

 

« Salut.

 

« Mois sacré de doùlhedja 1278.

 

« Quand les têtes auront été exposées un jour, remettez

les aux porteurs, qui les conduiront à Miknâs. »

En 1279, notre professeur le i’qîh très docte et émérite

Abû ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdel’aziz MahBûba

Esslaoui partit pour le Hejàz, alin d’y accomplir l’obliga

tion du Hâjjage. Sa dernière heure sonna à Médine

l’anoblie quand il termina son Hâjjage et la visite des

lieux saints, et il fut enterré à Elma’là. Il avait une bonne

mémoire et une intelligence très vive. Il enseigna beau

coup, nota beaucoup et copia nombre de livres remar

quahles. Son style était clair et il avait une belle voix. Il

connaissait bien le hadits, qu’il lisait très fréquemment, la

grammaire, la jurisprudence et la musique instrumen

tale. Nous l’avons assidûment fréquenté, et nous en avons

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DYNASTIE ALAOLIE DU MMIOC

 

retiré do nombreux fruits, car nous avons participé sa

bénédiction. Dieu lui fasse miséricorde et nous fasse par

liciper à ses mérites

 

J’avais composé a son sujet un poème élégiacjue, que

j’ai oublié comme toutes mes autres poésies, car je ne me

souciais pas de les écrire. 11 commençait ainsi

« L’évocation constante des chagrins emporte la rai

son. Elle rallume l’ancienne passion de l’homme éperdu

d’amour. »

 

En l’année 1280, le samedi lAcha’bân, il y eut une explo

sion de poudre à Murrâkush. Dans une des chambres d’un

fondaq situé à Jânia’ Elfenâ se trouvaient près de 400 quin

taux de poudre, ainsi que du « charbon de plume » pour la

fabrication de la poudre. Le feu prit dans cette pièce, se

communiqua à la poudre qui fit explosion au coucher du

soleil, au moment où il y avait beaucoup de gens autour

du fondaq. Ce bâtiment vola en éclats ainsi que tout ce

qu’il contenait, et tous les gens qui se trouvaient là furent

projetés en l’air. Il y avait, diton, trois cents personnes.

Il y en eut dont on ne trouva pas traces, d’autres dont on

ne retrouva qu’une partie, une main, une jambe, etc.

Toules les maisons de JMurrâkush furent démolies, les

cadenas furent arrachés des portes, les plafonds et les murs

se lézardèrent bref, ce fut une aïïaire épouvantable.

Cette annéelà, un Juif de Londres vint auprès du Sul

tan à Murrâkush, pour lui demander l’émancipation de ses

coreligionnaires du Maghrib. A la suite de l’affaire de

Tétouan, les protections avaient été, comme l’on sait, très

recherchées, et c’étaient surtout les Juifs qui les avaient

obtenues. Mais ce résultat ne leur suffisait pas, ils vou

laient être libres comme les Juifs d’Egypte ou des pays

similaires. Ils s’étaient donc adressé pour cela à un de

leurs coreligionnaires qui s’appelait Rothschild et qui était

le négociant juif le plus considérable de Londres c’était

le Qàroûn de son époque. Il était de plus en grande faveur

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ARCHIVES MAROCAIN ES

 

auprès du gouvornomeul. anglais qui avait besoin de lui.

car il lui prêtait beaucoup d’argent on cite à ce sujet des

faits célèbres sur son compte. Les Juifs du Maghrib lui écri

virent, donc, ou du moins quelquesuns d’entre eux, pour se

plaindre (le leur situation avilie et dégradante et lui deman

der de leur servir d’intermédiaire auprès du Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde!) pour en obtenir leur émancipation.

Le Juif dont nous avons parlé, qui était son gendre, fut

désigné par lui pour se rendre auprès du Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde et traiter celte all’aire ainsi que d’autres

moins importantes. Il le chargea d’apporter de très riches

présents. De plus, sur sademande, le gouvernement anglais

Intervint auprès du Sultan, pour le prier de lui donner

satisfaction. Cet envoyé vint donc auprès du Sultan à

Murrâkush, lui présenta ses cadeaux, et le pria de Sûscrire

à sa requête. Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) eut

de la répugnance à le renvoyer avec un échec et lui accorda

un dahîr, dont le Juif se saisit, et qui contenait simple

ment les prescriptions de la Loi et les obligations stipulées

par Dieu de respecter envers les Juifs le pacte de protec

tion et de ne pas leur faire subir d’injustices ni de vexa

tions, mais il ne leur accorda pas, dans cet édit, une

liberté semblable à celle des Chrétiens. Voici le texte de

ce dahîr qui porte le grand sceau

 

« Au nom de Dieu le clément, le miséricordieux.

« II n’y a de force et de puissance qu’en Dieu, le grand,

le sublime.

 

« Nous ordonnons à tous nos serviteurs, aux gouver

neurs et à tous les fonctionnaires placés Sûs notre dépen

dance, qui liront la présente lettre (Dieu l’exalte, glorifie

l’ordre qu’elle contient, et élève jusqu’aux hauteurs célestes

son soleil et sa pleine lune brillants!) !) de traiter les Juifs

de tout notre Empire comme le prescrit Dieu, en leur appli

quant dans l’administration la balance de la justice et de

l’égalité entre eux et ceux qui ne sont pas Juifs, de sorte

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DYNASTIK ALAOUIIC DU MAROC

 

qu’aucun deux ne soit victime de la plus petite injustice

et ne soil l’objet, d’aucune mesure malveillante ni vexa

toire; ils ne commettront envers eux aucune injustice qui

les atteigne dans leur personne ou leurs Liens, et n’en

toléreront de. la part de personne, et ils ne devront employer

les artisans juifs que de leur plein gré, et à condition de

leur payer le salaire qu’ils auront gagné par leur travail.

L’injustice sera l’obscurité du jour de la résurrection, et

nous ne saluions l’admettre, ni l’approuver, ni en ce qui

les concerne, ni eu ce qui concerne d’autres qu’eux, car, à

nos yeux, etau point de vue de la justice, tous les hommes

son! égaux. Donc, nous punirons avec t’aide de Dieu qui

conque les opprimera ou sera injuste envers eux.

« La question que nous venons d’exposer d’une façon

claire et développée était déjà connue, établie et expliquée,

mais nous avons voulu l’exposer de nouveau par cet écrit,

qui t’établira avec plus de vigueur et servira d’avertisse

ment sévère? à ceux qui voudront, maltraiter les Juifs, afin

que les Juifs jouissent d’une plus grande sécurité, et que

ceux qui veulent les molester soient frappés d’une plus

grande crainte.

 

« Notre ordre élevé en Dieu à ce sujet a été édicté le

2(i du mois béni de cha’bàn de l’année 1280. »

Quand le Sultan eut remis cet ordre aux Juifs, ils en

prirent des copies, qu’ils envoyèrent à toutes les commu

nautés juives du Maghrib. Alors on les vit se livrer à l’op

pression et à l’arbitraire, car ils voulaient s’administrer

entre eux d’une façon spéciale, surtout ceux des ports, qui

prirent a ce sujet des engagements formels. Mais Dieu ne

tarda pas à détruire leurs ariilices et à faire avorter leurs

ellbrls, cardes que le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

comprit que c’était son tjahtr qui avait provoqué cet éga

rement des Juifs, il écrivit une autre lettre expliquant sa

pensée et déclarant que les recommandations qu’il avait

faites ne visaient que les Juifs respectables et les malheu

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AIICHIVKS MAROCAIN KS

 

rcnx occupés à gagner leur vie, mais que les mauvais

Slljolrï COllIlUS ])OUl’ ll’IIL1 injustice, leur l”l|)ilC’i lé, et U.MIIS

occupations louches, recevraient le cliàlimenl qu’ils au

raienl. mérité.

 

Au surplus, cette liberté ([ii’onl établie les Européens

dans ces dernières années est. l’œuvre absolue de, l’irréli

gion, car elle comporte la destruction complète des droits

•de Dieu, des droits des paren’s et des droits de l’huma

nité. Elle détruit les droits de Dieu, parce que Dieu a

édicté des peines connues contre celui qui ne pratique pas

la prière et le jeune, contre; celui qui boit des liqueurs

fermentées et contre l’adultère volontaire, et que la liberté

abolit ces peines comme on le sait. Elle détruit les droits

des parents, parce que les Chrétiens (Dieu les abandonne!)

disent que le jeune homme arrivé a sa majorité, la jeune

fille âgée de vingt ans, par exemple, peuvent faire de leur

personne ce qu’ils veulent, sans que leurs parents, sans

que leurs proches, ni l’autorité puissent rien sur eux: or,

nous savons que le père s’emporte contre son (ils ou sa

fille, quand il les voit se livrer à des actes qui portent at

teinte à la dignité et à l’honneur, surtout lorsqu’ils sont

de grande famille. Si ces choses se passent Sûs ses yeux

sans qu’il puisse l’aire la moindre observation, c’est l’en

couragement à la désobéissance et l’anéantissement du

respect auquel il a droit.

 

Elle détruit les droits de l’humanité, parce qu’en créant

l’homme, Dieu l’a gratifié et anobli par la raison qui l’em

pêche de tomber dans l’abjection, l’encourage à recher

cher les belles qualités, et le distingue des autres ani

maux. La base de la liberté chez les Chrétiens ne tient pas

compte de cela au contraire, il est permis à l’homme de

commettre, si bon lui semble, des actions contraires à la

nature et défendues par l’humanité, comme l’indécence et

l’adultère publics, etc., parce qu’il est son propre maître et

qu’aucun lien ne peut le retenir. Rien ne le distingue de

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DYNASTIK ALAOUIIC DU MAROC

 

la bête abandonnée, sauf sut” un point, qui est do ne pas

faire de tort à sou pareil, qu’il ne lui est pas permis d’op

primer. En dehors de cela, personne ne peut lui imposer

d’autre obligation. 11 est bien évident que c’est la des

Iruction de tout, car Dieu, qui est sage, n’a distingué

l’homme par la raison que pour lui imposer ces obliga

lions légales, qui sont la connaissance de son Créateur et

l’humiliation devant lui, que pour lui fournir un moyen

de conquérir un rang auprès de lui dans l’éternité.

La liberté légale est celle que Dieu a mentionnée dans

son livre, que le Prophète de Dieu (Dieu prie pour lui et

lui donne le salut!) a expliquée à son peuple et que les sa

vants (Dieu soit satisfait d’eux !) ont exposée dans leurs

livres au chapitre qui traite du^.«. Revoyez ce chapitre,

pénétrez-vous en, et vous serez dans la bonne voie avec le

secours de Dieu.

 

En 1281, fut terminée la construction du vaste palais que

le sultan Sùli Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde

avait fait édifier dans l’Agdâl de Ribal. Elfelh, auprès du

mausolée de son aïeul S ici i Muhammad bn ‘Abdallah. C’est

un vaste édifice bien bâti, où se trouvent de vastes salles et

appartements. On dit qu’il est comparable au BêdV d’El

mansoùr. Lorsque les travaux furent achevés, le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !) ordonna aux docteurs de Ri

bàt Al-Fath d’y procéder à une lecture complète du Sahth

d’Elbokhàri, puis il donna le même ordre aux docteurs

de Salé, au nombre desquels je me trouvais. C’est ainsi

que j’ai pu voir les appartements de ce palais et ses salles,

et mes yeux se sont régalés de beauté, de solidité ét

d’art.

 

En 1282, une panique se produisit à Fâs au moment où

lesgensassistaient àla prière du vendredià la mosquéed’El

qarouiyîn, le 5 rabî’ I1″ Là se trouvait le négociant distin

gué Abû ‘Abdallah Habib bn Hachém bn Jelloùn El

Fâsi. Au moment où il se prosternait avec tout le monde,

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AnCHIVES MAROCAINES

 

un mauvais sujet, armé d’une des plus grosses pierres

d’ablution sèche de la mosquée, l’assomma, puis, prenant

un poignard, se précipita sur lui et lui coupa la peau du

ventre. Ce négociant bondit sur lui, niais ne lui restait

plus de force. Au bruit de ce vacarme, les gens interrom

pirent leur prière et sortirent de la mosquée, abandonnant

derrière eux leurs vêtements, leurs chaussures, leurs

moushal’s, etc. Les uns disaient que l’imam Elniehdi était

arrivé, les autres qu on s’entr’égorgcail dans la mosquée.

La ville tout entière fut en émoi, puis, au bout d’un ins

tant, les gens revinrent à la prière. Quant à l’assassin, il

sortit de la mosquée, son arme à la main, mais, à la porte,

la foule l’enveloppa, s’empara de lui, lui enleva l’arme de

la main, et releva ses vêlements il était complètement

couvert en desSûs de cordes enroulées autour de son

corps pour le proléger. On le mit à mort surlechamp. Le

négociant Bn Jelloùn continua à panser ses blessures,

mais il expira à la fin de la nuit. Sa famille accusa des no

tables de Fâs d’avoir inspiré son assassinat, mais ce ne fut

pas établi.

 

Cette annéelà, c’estàdire eu 1282. le Sultan (Dieu lui

fasse miséricorde !) envoya à Paris un des qaïds du guéïch,

A boii ‘Abdallah Muhammad bn ‘Abdelkéiîm Echchergui,

et le gouverneur de Salé, Abû ‘Abdallah Muhammad

bon Sa’îd Esslàoui, comme ambassadeurs auprès du gou

vernement français. Le q;Vi’d Abû ‘Abdallah bn Sa’îd m’a

raconté les motifs de cette ambassade.

 

« Notre Seigneur, le Amîr al-Mû’minîn, Sicli Moham

med bn ‘Abderrahniân (Dieu lui fasse miséricorde !) ,me

dit-il, nous avail chargés de remettre une lettre an despote

des Français et de nous entretenir avec lui de la question

de ces agents consulaires qu’il envoie au Maghrib, en lui

demandant de les choisir dans les familles des notables et

parmi les gens se distinguant par leur modération, leur

bonne conduite et leur réserve. Arrivés à Paris, nous ex

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DYNASTIE ALAOUIË DU MAROC

 

posâmes la question par écrit an despote, qui nous fit bon

accueil. Il nous fit une réception qui dépassa en amabilité

tout ce que je pourrais décrire. L’hospitalité que nousleur

donnons est, toutefois, grâce a Dieu, bien supérieure au

point de vue des dépenses. Nous avions emmené avec nous

des chevaux et d’autres présents. Nous restâmes à Paris un

mois. Nous demeurions dans une maison aménagée avec

une profusion de meubles et de lapis, et un atnin était char

gé de payer toutes les dépenses qu’il nous plaisait de l’aire.

Des domestiques s’occupaient du nettoyage de la maison,

des chambres, etc., et nos gens et notre cuisinier, que nous

avions fait venir avec nous, avaient leur local spécial.

« Tous les jours, le gouvernement nous invitait au spec

tacle, le soir, dans un endroit appelé Théâtre, où il y

avait des discours, des enseignements ut-iles pour ceux qui

savent comprendre et un plaisir intellectuel pour les spec

tateurs. Le despote nous donna une réception dans sa mai

son nous fûmes reçus de même le soir par les ministres,

le gouverneur de la ville, les principaux personnages qui

réunissaient, à cette occasion, les personnes notables du

gouvernement et de la ville, hommes et femmes. L’usage

chez eux, quand on entre dans une maison, est de saluer

d’abord la femme du maître du logis et les gens qui sont

avec elle, puis le maître de maison. Le despote et son mi

nistre des All’aires étrangères nous témoignèrent une ama

bilité et une courtoisie bien près d’être extrêmes. Le des

pote nous demanda notamment de chercher dans les

livres d’histoire du Maghrib si nous ne trouverions pas

l’histoire de la fondation de Rome, la date de cet événe

ment et le nom du fondateur, et de la lui envoyer. »

Voilà ce que m’a raconté ce gouverneur, qui est un de

hommes les plus parfaits, les plus justes et les plus pieux

que je connaisse il jouit d’ailleurs d’une grande considé

ration de la part du Sultan et de la population. Dieu pré

serve son prestige et lui accorde la paix et la santé

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AnCIIIVlïS MAROCAINES

 

Voici le texte de la lettre que le Sultan (Dieu lui fasse

îuiséi’icoi’cle !) leur avait remise, et qui ])orlaitsoii nom ins

crit clans le sceau sharîfien

 

« Au nom de Dieu, le clément, le miséricordieux.

« 11 n’y a de force et de puissance qu’eu Dieu le grand,,

le sublime.

 

« De la part du serviteur de Dieu, qui place sa confiance

en lui, qui met ses adaires entre les mains de Dieu, le

Amîr al-Mû’minîn, fils du Amîr al-Mû’minîn, fils du

Amîr al-Mû’minîn, fils du Amîr al-Mû’minîn de l’Ex

trêmeMaghrib, Muhammad, bn Abderrahmân (Dieu le pro

tège, lui perpétue son secours, et orne son règne de toutes

sortes de bienfaits).

 

« A l’ami qui est arrivé au glorieux faîte du pouvoir, qui

a réuni les marques les plus hautes comme les plus simples

de l’autorité, si bien que les autres Commandeurs n’ont qu’une

seule voix pour le célébrer, et pour reconnaître les heu

reux ouvrages de son intelligence, le roi du royaume de

France, l’empereur Napoléon III Bonaparte.

 

« Ensuite

 

« En vous écrivant cette lettre, nous nous sommes pro

posé de vous exprimer la sincère amitié et la fidèle affec

tion de notre cœur, en même temps que la joie que nous

causent les occasions qui se présentent à nous en tout

temps d’en resserrer les liens et s’offrent, à tout instant,

d’en fortifier les hases et d’en ouvrir les issues. Notre ami

tié personnelle pour vous dépasse celle qui existait du

temps de nos ancêtres, en raison de la sincérité et des bons

procédés que vous manifestez. Par l’affection, en efl’et, les

cœurs se vivifient l’un l’autre, et tout édifice élevé sur

une base solide ne peut que grandir et s’achever.

« C’est dans ces sentiments que nous avons désigné, pour

se rendre en ambassade auprès de vous, notre oncle agréé

et magnanime le qâ’îd Muhammad Echchergui, qui est bâ

cha de notre guéïch, et qui, tout en étant des grands per

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

sonnnges Je notre Empire, a l’honneur d’être notre parent.

Il sera accompagné de notre serviteur agréé, l’amin Elluulj

Muhammad .heu Sa’id, gouverneur de Salé, qui, par sa

politesse el son jugement solide, jouit, à nos yeux, d’une

grande considération. Le but de leur mission est de re

nouer les rapports avec vous et de maintenir avec vous

des relations ininterrompues, qui sont un nioven d’alï’er

mir les bases de l’amitié entre nos deux gouvernements

et d’aplanir la voie de la prospérité entre les deux pays.

Nous comptons sur votre générosité pour leur faire bon

accueil et leur concéder la réalisation des espérances fon

dées sur leur mission, suivant votre habitude ancienne

et les voies droites dans lesquelles vous marchez. Nous les

avons chai’gvs de vous exposer les questions politiques qui

nous préoccupent et qui touchent aux intérêts communs

des deux pays, et de vous soumettre nos propositions: nous

n’en disons pas plus long, puisque vous les entendrez. Nous

leur avons recommandé d’écouler attentivemenlccquevous

leur ferez savoir, et de se montrer courtois en recueillant

ce que vous leur exposerez. Nous ne doutons pas, confiants

que nous sommes dans vos bons procédés et dans votre

amitié, que vous ne recommandiez aux agents que vous

envoyez rem plir leurs fonctions dans notre Empire fortuné

d’entretenir de bons rapports avec nous, de s’efforcer

d’être conciliants, de se conformer aux traités, en en fai

sant la base de leur œuvre.

 

« Fini le 22 rabi’ 1er de l’année 1282. »

 

Cette lettre est remarquable par son début et étonnante

par son style. Elle contient des Sûsentendus, des finesses

et des phrases de circonstance qui indiquent un auteur

expérimenté, habile, pénétrant et clairvoyant (Dieu lui

fasse miséricorde !).

 

Au mois de chouwâl de la même année, le Sultan (Dieu

lui fasse miséricorde !) fut atteint d’une grave maladie qui

mit ses jours en danger. Des agitateurs ayant même fait

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ARCI1IVK.S MMIOCAIXKS

 

courir le bruit do sa mort. un grand trouble se manifesta

dans la population. Los ‘Arab-sdo la campagne recommen

cèrent à exercer loues brigandages sue les roules cl à dé

pouiller les voyageurs. Les ‘Arab-s ‘Àinée assiégèrent la

ville de Salé, dévalisèrent les jardins et interceptèrent

toutes communications avec l’extérieur on dut même fer

mer les portes. Cette situation dura jusqu’à la fête des Sa

crifices. On sut ensuite, d’une façon certaine, que le Sul

tan était sauvé et qu’il était guéri. Il avait été atleintd’une

angine qui avait failli être mortelle, mais Dieu, dans sa

bonté, protégea les Musulmans et rendit à leur Imam la

santé. Des fêtes et des festins furent célébrés dans toutes

les villes.

 

Abû ‘Abdallah Akeusoùs raconte qu’après la guérison

du Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) les chambellans et

les vizirs de Sa Majesté écrivirent à son fils, le khalifa qui

attend son secours de Dieu, Abû ‘Ali Mawlay Hlhasan bn

Muhammad, pour le féliciter du rétablissement de son père.

Ce khalifa (Dieu le glorifie ordonna de tirer des salves

d’art-illerie qui ébranlèrent les montagnes. Il invita en

suite (Dieu le fortifie!) la population à une fête brillante à

laquelle pas un seul habitant raisonnable de Murrâkush ne

manqua. Il avait fait aménager, pour cela, le Jenan Ri

douân « dont les portes furent ouvertes, les pavillons et

les salles meublés, et les eaux lâchées, ce qui fit éclore les

fleurs. Tous les hauts personnages du gouvernement et

les chefs des tribus s’y trouvèrent réunis. Cette réjouis

sance eut lieu après la fête des Sacrifices, au moment où

les députations venues pour y assister n’avaient pas en

core quitté la capitale. De la maison impériale furent ap

portés des « torrents » de tables portant des plats succu

lents, de quoi rassasier les uns et les autres, ceux-ci desti

nés aux gens du commun et aux humbles. Pour les hauts

personnages et les notables, ils furent l’objet des plus

grands égards, on leur souhaita la bienvenue, on les fit

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DYNASTIE ALA0UII3 I)U MAKOU

 

asseoir sur des éloll’es île soie brodées d ‘or, solis (tes

lentes élevées, on les aspergea d’eau de fleurs de Wahranger oL

on les parfuma de toutes sorles d<; part’iims la conversa

tion fut plaisante et la vue élonunnle. Chacun lit venir les

instruments do plaisir et de joie, suivant ses goûts et son

choix. Aussi, dans ces groupes assis, dans ces clm’urs,

on n’enlendail que le son des cordes des lulhs et tou

tes espèces de chants modulés et de chansons. Ces fêles

durèrent trois jouis, pendant lesquels le seigneur khalifa

(Dieu le glorifie !) ses frères et ses cousins se tenaient

dans la Qoubbat As-Swîra .Moliammédiya, pour assister

au spectacle des courses et des jeux à cheval, et de toutes

les évolutions équestres. Chaque soir. tous les notables et

les grands de la capitale montaient des chevaux de race,

des bêtes élancées, pour montrer leur habileté et leur

science équestre, et faire parade de leur« tenue makhzé

nienne » et de leur faste roval.

 

Puis les grands et les hauts personnages de l’Empire,

les qàïds et les chefs, se mirent à donner des festins et

des réceptions, chacun suivant son choix et sa situation.

Apres cela, la population continua ses réjouissances, ses

manifestations de luxe, ses plaisirs de toutes sortes on

ne pouvait plus passer devant un jardin sans y trouver une

réunion joyeuse ou un groupe en liesse.

 

En 1283, au mois de rabî’ I” correspondant au mois de

mars du calendrier étranger, les sauterelles envahirent le

Maghrib et couvrirent tout le pays elles dévorèrent les

herbes et les arbres. Après elles, ce furent leurs rejetons,

appelés amréd, qui mangèrent tout ce qui était vert sur le

sol, dépouillèrent les branches de leurs feuilles et même

de leur écorec. Ils entrèrent jusque dans les villes, où ils

pénétrèrent dans les maisons habitées.

 

En 128/j, les denrées atteignirent un prix sans précé

dent le rebl\ qui est le huitième du moadd, monta jus

qu’à 60 oqiyas à Salé et à Ribât Al-Fath. Tout était si cher que

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ARCHIVES MAROCAINES

 

les gens tliirenl vendre leurs ell’els et leurs bijoux à vil prix:

les pauvres l’tirenl hès malheureux.

 

An mois tlt1 doùlqa’da de In même année, mourut le

qâ’îd distinguo Abû .Muhammad ‘Abdallah bea ‘Abdelmâ

lék bn Jîîhi Elhâhi, c|iii <>taiL un des plus grands qâ’îd-sdu

Mag’rib, de qui l’on cite de nombreux traits de générosité

et de bienveillance (Dieu lui fasse miséricorde!).

En 1285, il régna dans le Maghrib une épidémie se ma

nifestant par des vomissements et de la diarrhée, à peu près

dans les conditions que nous avons exposées dans les épo

ques précédentes.

 

Dans l’aprèsmidi du 11 joumâda P1’, expira le cjûdi de

Salé, le fqïh très docte, le scrupuleux ÀBû Abdallah Mo

hammed Ël’ai’bi bn Ahmad bn Mansoùr, qui fut enterré

dans le cimetière cont.igu an mausolée du shaykh Abûl

‘abbâs bn ‘Acliér (Dieu soit satisfait de lui !). Ce magis

trat se distinguait par sa belle conduite, sa justice dans les

jugements qu’il rendait, sa prudence et en même temps

sa dignité et sa réserve (Dieu lui fasse miséricorde !). La

ville resta sans qâdi pendant quarante jours. Enfin, le

choix du Sultan se porta sur notre professeur, lefqîh très

docte, le qâdi Sidi Bû Bkeur, fils du fqîh très docte du

qâdi Sidi Muhammad ‘Àououâd (Dieu lui fasse miséri

corde !).

 

Cette annéelà, le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !)

fit frapper des dirhëms légaux et tenta de réglementer la

monnaie par la circulation de ces pièces. Il exhorta la po

pulation à ne plus mentionner dans les opérations com

merciales, les contrats de mariage, dans tous leurs actes

enfin, que le dirham légal; il donna même, à ce sujet, des

instructions très sévères, et écrivit aux ‘âmil-s des

villes la lettre que voici

 

« Ensuite

 

« La question de la monnaie est une de celles qui méri

tent le plus d’attention, et dont il faut le plus se préoccu

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

per, car il faut examiner si ses efl’ets sont ut-iles ou nuisi

bles aux Musulmans et à leur Trésor. Nos ancêtres (Dieu

leur fasse miséricorde !) avaient beaucoup étudié ce sujet.

Pour retenir les avantages de la monnaie et écarter ses in

convénients, ils l’avaient fondée sur une unité légale fixe

ils avaient espéré la réglemenler par ce moyen, dont l’ori

gine ellemême devait être une source de bénédictions. Le

.Musulman, qui avait à payer sur cette base la zelcâls, qui

est une des obligations fondamentales de l’Islam, devait

savoir ainsi, d’une façon certaine, s’il avait entièrement

rempli ses obligations ou non, et il n’était plus possible de

lui chercher chicane.

 

« Mais nous avons constaté que des changements se sont

produits dans la monnaie, et que cette réglementation

n’existe plus. Il en est résulté pour les Musulmans et pour

leur Trésor un préjudice connu de tout le monde. Nous

avons donc décidé de ramener la monnaie à la hase primi

tive qui avait été établie par nos ancêtres généreux en 1180,

car ils nous ont donné un bel exemple que nous devons suivre

dans son ensemble et dans ses détails. Nous avons donc

donné au dirhêm actuellement en cours le poids du dirhêm

du cher’ i au cours légal, comme à l’époque de notre grand

père (Dieu le sanctifie et répande toujours sur lui sa miséri

corde !). Dix dirhéms cker’i formeront un mitsqûl ne saiton

pas, en effet, que dix des dirhénxs ayant cours du temps de

nos ancêtres (Dieu leur fasse miséricorde !) valaient un

mitsqûl ? Le dirhêm, qui est le dixième au mitsqûl, sera seul

employé, à l’avenir, dans toutes les transactions, les opéra

tions de vente ou d’achat, etc., entre nos sujets fortunés

des villes et des campagnes. Il est la base des ordres que

nous avons donnés h tous les ‘âmil-s et à tous les

fonctionnaires de divers ordres, qui doivent le faire savoir

il tous. Il sera également la base des paiements au Trésor.

Nous avons ordonné aux ‘âmil-s de se conformer aux

instructions que nous avons édictées, arrêtées avec l’aide

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ARCHIVES MAROCAINES

de Dieu et ratifiées, (le punir quiconque coiiiincllrnil une

contravention à ces (.Impositions, et de montrer le plus de

sévérité envers les contrevenants, en leur infligeant un

châtiment exemplaire pour avoir violé ces prescrip

tions.

 

« Toutefois, toute transaction, de quelque nature qu’elle

soit, passée avant la date de celle lettre, restera soumise au

régime monétaire; précédemment en vigueur, sans qu’au

cune majoration puisse être imposée à personne. Les det

tes antérieures à celle lettre seront payées en douros et

en dirhéms, suivant les calculs monétaires suivis jusqu’ici.

Les dispositions que nous avons arrêtées entreront en

vigueur à partir de ce jour, et pour l’avenir, s’il plaît à

Dieu, et, grâce à elles, les difficultés qui s’élevaient entre

les particuliers, à l’occasion des transactions, ne se repré

senteront plus.

 

« Nous demandons à Dieu de considérer cette mesure

comme une œuvre pie pratiquée dans sa voie et pour lui

être agréable, et de récompenser, par sa bienveillance et

sa générosité, le but poursuivi et les intentions sin

cères.

 

« Salut.

 

ce Le S chouwâl 1285. »

 

Le vendredi 10 chouwal de la même année, l’homme de

bénédiction, l’homme de bien et de uoble origine, Sîdi

Al-Hâjj Muhammad, Len Erarbi Eddlûï Errebâli, mourut à

Eddâr Elbaidà et fut enterré le même jour dans la Zâwiya

qui lui est dédiée en cette ville (Dieu lui fasse miséricorde

et nous fasse participer aux grâces qu’il lui a accor

dées !).

 

Cette annéelà, se tint, à Paris, en France, le « marché

du palais de cristal ». Le despote Napoléon III, dont la

puissance et l’autorité avaient atteint un degré que peu de

nations aient acquis, avait encore de plus hautes visées. Il

voulut attirer auprès de ses sujets et dans sa capitale toutes

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

les merveilles du monde, afin de réunir chez lui tout ce

qui était épars chez, les autres souverains, Il écrivil tous

les rois delà terre, pour leur faire savoir qu’il avait résolu

d’ouvrir un marché une époque qu’il indiqua, et leur de

mander d’y envoyer leurs négociants old’y apporter leurs

marchandises et leurs merveilles. Son projet était. d’une

ut-ilité générale, et les peuples devaient s’instruire réci

proquement de leurs œuvres et de leurs métiers. Les rois

répondirent à son invitation suivant les usages établis enlre

gouvernements et l’habitude lixée depuis les rois les plus

anciens, et tous, depuis le plus fort jusqu’au plus faible,

envoyèrent leurs négociants, leurs trésors et leurs curio

sités.

 

Le sultan Sidi Muhammad (Dieu lui lasse miséricorde!) !)

fit partir pour ce marché un négociant de ses sujets,

Al-Hâjj Muhammad lien ETarbi Elqabbâj Kll’èsi, suinom

îné Elfransûoui, qui connaissait, bien le l’ lançais et était

au courant des habitudes de cette nation c’était, d’ail

leurs, la raison de son surnom (X’Elfransùoui. Le Sultan

(Dieu lui fasse miséricorde !) expédia par lui toutes les cu

riosités particulières au Maghrib, comme des selles brodées

d’or, des ceiutures tissées d’or, des tapis à grands dessins

et toutes sortes d’autres objets, depuis les plus riches jus

qu’aux plus simples, et même jusqu’à des zoulh’ïjs de Vès,

que des ouvriers, partis pour cela, devaient mettre en

place.

 

Ce marché fut visité par les rois et les peuples de tous

les pays de la terre et même par le sultan ottoman ‘Al>

del’azi/. (Dieu lui fasse miséricorde .’). Celait bien la situa

tion qui fait dire à Abûl’jayyéb Eliiioutanabbi

« Toutes les langues et tous les peuples y sont réunis,

et, seuls, les interprètes peuvent comprendre celui qui

parle. »

 

Ce marché dura trois mois après, chacun rentra dans

son pays.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Napoléon III était parvenu à l’apogée de la gloire quand

sou all’aire avec les Prussiens vint s’abattre sur lui. Cette

a flaire brisa sa puissance, qui fut anéantie. M l’ut lui-même

emprisonné, et Paris, sa capitale, subit un siège prolongé

pendant lequel la viande d’âne se vendit, raconteton, jus

qu’à h douros français la livre les assiégés eurent à sup

porter toutes les misères possibles. Enfin, la paix fut con

clue, Sûs diverses conditions, notamment celle du paie

ment d’un milliard de douros par le gouvernement français

au gouvernement prussien.

 

En 1286, clans la soirée du jeudi 14 cha’bân mourut le

vizir Abû ‘Abdallah Muhammad At-Tayib bel YAmâni,

surnommé Boù ‘Euchrîn. Ilsouffraitd’unerétentiond’urine.

Etant entré dans la salle d’ablutions du Mechouàr de Boùl

khesisât dans le palais du Sultan à Murrâkush, sa vessie se

déchira et il expira surlechamp. Il fut transporté à sa mai

son, les prières furent faites sur son cadavre après la prière

du vendredi à la mosquée d’Elmouasin, une l’ouïe nombreuse

assista à son enterrement, et il lut enseveli dans le mau

solée du shaykh Abû Muhammad Elgezouàui, dans le

quartier d’Elqçûr. Ce personnage (Dieu lui fasse miséri

corde !) remplissait scrupuleusement ses fonctions et était

dévoué au Sultan et aux Musulmans.

 

En 1287, dans la nuit du mercredi au jeudi l/i rabi’II, il

y eut une éclipse de lune totale, qui dura depuis le coucher

du soleil jusqu’à minuit.

 

A l’aube du vendredi 8 joumada II de la même année,

mourut le saint vertueux, le pieux, le glorieux Abû ‘Ab

dallah Muhammad At-Tayib, (ils de l’illustre shaykh Moû

lay Al-’Arbi Edderqaoui. il fut enterré dans l’endroit où se

se trouve la sâotti/a qui lui est consacrée à Amejjoût chez

les Ueni Zerouàl. C’était un des meilleurs serviteurs de

Dieu.

 

D’une piété et d’une sobriété extrêmes, il vivait avec

la plus grande simplicité, montant toujours un âne, s’ha

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

billanl seulement d’une robe longue et ne se distinguant

«n rien do ses compagnons. Il «Hait, avec cela, doux et

grave, s’abstenait des choses inut-iles et s’écarlait des plai

sirs de ce monde et de ceux qui les aiment (Dieu lui fasse

miséricorde et nous lasse participer aux grâces qu’il lui a

accordées!).

 

Le 22 ramadan de la même année, il y eut une éclipse de

soleil qui commença, suivant les calculs, une demiheure

environ aprèsmidi. Elle l’ut presque totale, car l’obscurité

se fit eton ne vit plus du soleil qu’un petit cercle brillant.

Les nuages empêchèrent de constater à quel moment elle

finit.

 

Durant les journées qui suivirent, une curieuse rougeur

d’un ton de corail apparut dans le ciel qui était très clair.

Elle se manifesta à peu près entre les deux eucha, accen

tuée surtout du côte du sud. Elle se maintint ainsi pendant

sept jours environ, puis disparut.

 

Dans la nuit du vendredi au samedi 8 chouwâl de la

même année, vers 3 heures, il y eut une secousse de

tremblement de terre que beaucoup de gens ne ressenti

rent pas, parce qu’ils dormaient.

 

En 1289, le sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse miséri

corde !) dirigea une expédition contre les tribus de Tàdla.

Il commença par les Sema’la, le 15 rejéb, puis se rendit chez

les Béni Zemnioùr, et de là à Boùlja’d. Ensuite, il alla à

Qasbat Tâdla, puis passa le pont et campa chez les Béni

‘Omcïr. Il attaqua, après cela, les Ueni Moùsa qu’il razzia,

parce qu’ils s’étaient révoltés contre leur gouverneur, El

gezouâni hen Zidoùh, coupa 50 tètes et fit 40 prisonniers.

Sur ces entrefaites, il reçut une députalion envoyée par

les habitants de Murrâkushqui s’étaient révoltés contre leur

gouverneur Ahmad hen Dàoutl, parce que Celui-ci les mal

menait. Ils venaient s’excuser de leur conduite auprès du

Sultan, qui refusa d’écouter leurs paroles et repoussa

leurs excuses. Us clurent s’en retourner avec un échec.

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ARCHIVES MAROCAINES

Le Sulliiii (l)icu lui fasse miséricorde!) se mit ensuite en

route pour .Morràkeh, vivement irrité contre les liabitants

de cette ville, qui, cependant, étaient, à ce qu’on dit, dans

leur droit, car te Sultan avait été I rompe sur tour compte.

(Juand il fut en présence tle la ville, les ‘Oulamiï, les lec

teurs et les enfants (tes écoles allèrent le fléchir, niais il ne

voulut pas s’arrêter et. ne lit pas attention à eux. Son fils et

khalila Moûlav Elhusan, qui était présent, s’avança alors

vers les haljilanls de la ville et leur adressa des paroles bien

veillantes. Cet incident eul lien dans !c mois de ramadan.

Peu de temps après, I5eu Dàoud mourut et « l’ouil fut débar

rasse’1 du poussin». Le pardon de Dieu est attendu ensuite.

En I’29O, l’incendie se déclara dans de nombreuses con

trées du Maàril) et brûla les récoltes, les Fruits et les jar

dins. De nombreux d illéi ends survinrent au sujet des

récoltes vendues à (avance et on dut établir des moûjèbs.

Les premières années du règne du sultan Si’di Moham

med (Dieu lui fasse miséricorde !i lurent nialbeu reuses par

suite de la victoire de l’ennemi sur [es Musulmans, de la

cherté des vivres et de l’épidémie qui la suivit, mais,

dans la suite, la prospérité revint, la sécurité se rétablit, la

puissance des tribus arabes du Maghrib ayant diminué, les

roules furent purgées de leurs brigandages, la vie devint

plus facile et les prix baissèrent sensiblement. Les gens

gagnaient beaucoup d’argent Sûs son règne. Les maisons

et les propriétés devinrent très chères, si bien que, pen

dant quelques années, on ne vendit pas les maisons aux

enchères et que, pour en acheter, il fallait se hâter de

choisir et se soumettre au prix exorbitant demandé par le

propriétaire. Les gens riches montaient des mules de prix,

portaient des costumes riches, possédaient des trésors

précieux, et se mirent à adopter, pourleurs constructions,

les zoulléïjs, le marbre et les sculptures recherchées, sur

tout à Fâs et à lîibâl Ell’elh. Sur tous brillait la marque du

raffinement étranger.

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DYNASTIE ALAOUIIï DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 18

 

Le sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde !)

avait, dans toutes les villes, des espions qui lui faisaient

part des actes des ‘âmil-s et de leurs subordonnés

aussi, avait-il tous ses sujets dans la main. Ces espions

étaient des gens du commun, qui lui écrivaient « du mai

gre et du gras » il écoutait tout, conservait le vrai et

repoussait l’inut-ile. C’est ainsi que le bienêtre de la popu

lation fut rétabli.

 

Mort du Amîr al-Mû’minîn Sîdi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân

(Dieu lui fasse miséricorde !] 1.

 

La mort du Amîr al-Mû’minîn Sîdi Muhammad bn

‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde !) eut lieu dans

l’aprèsmidi du dixhuitième jour du mois sacré et unique

de rejéb de l’année 1290. Il expira dans son palais de Mor

râkch, dans le parc appelé Ennîl. Il fut malade pendant un

jour ou une demijournée, et mourut, diton, d’une purge

qu’il avait avalée. Dieu sait quelle est la vérité Il fut en

terré dans le mausolée de son aïeul Mawlay ‘Ali Echché

rîf, qui est voisin du mausolée du qfidi ‘Ayyâd.

Derniers détails sur le sultan Sidi Muhammad bn ‘Abderrah

mân (Dieu lui fasse miséricorde!), sa vie et les monuments

qu’il a laissés 2.

 

Le sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu

lui fasse miséricorde!) avait la crainte du TrèsHaut et

prenait comme fondement de ses actes la loi sainte,

dont il ne s’écartait jamais. Quand il fit construire son

1. Texte arabe, IV” partie, p. 233.

 

2. Texte arabe, IV» partie, p. 233.

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ARCHIVES MAROCAINES s

palais de llibàt Elfetl.i, un certain nombre de gens (lut

pays lui demandèrent justice au sujet de leurs jardins sur

lesquels le palais devait s’élever. 11 consentit (Dieu lui

fasse miséricorde !) à ester en justice avec eux, désigna un

avocat, ceuxlà désignèrent le leur, et l’auaire vint devant

le qâdi de Salé, le fqîh Abû ‘Abdallah Muhammad Al-’Arbi

hen Ahmad hen Mansoûr. Enfin, l’aliaire se régla par un

compromis, aux termes duquel le Sultan leur paya le prix

total ou partiel de leurs propriétés. Ils se retirèrent satis

faits.

 

Il était (Dieu lui fasse miséricorde !) énergique dans ses s

commandements et rempli d’aspirations élevées qui inspi

raient ses vues les plus hautes. Mais l’époque ne le favo

risa pas complètement, car ses aspirations valaient mieux

que son temps. Habile politique, calme, modéré, prudent,

plein de dignité, il était lent à se mettre en colère et fa

cile à contenter. Il était charitable pour ses sujets, répu

gnait t verser le sang, et était toujours animé de la crainte

de Dieu. Dieu lui fasse miséricorde et nous fasse partici

per aux grâces qu’il a accordées à lui et à ses ancêtres

Il a laissé des œuvres durables en Maghrib, les unes

remontant au moment où il était khalil’a du vivant de son

père, les autres postérieures à son avènement.

Les œuvres créées du vivant de son père sont, comme

l’a dit Akensoùs, l’ouverture de canaux et le dégagement

de sources que les rois précédents n’avaient pas pu effec

tuer. Il acheva la plantation d’Agdâl à Murrâkush. Ce parc

souiï’rai L de la sécheresse en été par suite du manque d’eau.

Les bassins, où l’eau devait s’accumuler, étaient remplis

de terre et de vase apportées par les ruisseaux qui les ali

mentaient, et étaient hors d’usage. Le plus vaste de ces

bassins est celui de Dir Elhanâ, qu’on appelait la « petite

mer». Il a 1.200 pieds de longueur et 900 pieds de largeur,

au dire de quelqu’un qui l’a mesuré. Le mur qui borne ses

quatre faces est comme une muraille de qasba, et on. a

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DYJiAST-ili ALAOUE DU MAROC

 

construit au centre une véritable bourgade avec ses mai

sons, ses rues el ses marchés. Le sultan Sîdi Muhammad

(Dieu lui fasse miséricorde !) donna l’ordre, lorsqu’il était

khalîfa, de vider tous les bassins et les réservoirs, et de

les curer de toute la vase durcie. Un grand nombre de gens

furent employés à ce travail, et quand ils eurent terminé le

nettoyage, ces bassins purent remplir le but en vue du

quel ils avaient été construits, (lui est de servir de réser

voirs pour l’été. Par ce travail, l’Agdàl était achevé, etmis

il l’ahri de la soif et de la stérilité.

 

Il restaura aussi la source de Boù ‘Oukkàz, en dehors

d’une des portes de Murrâkush, Bâb Ettouboùl, qui se dé

versait dans un bassin du même genre. Il fit dégager cette

source, qui jaillit abondamment, et la conduisit jusqu’à ce

bassin qu’il avait fait nettoyer et réparer. La plaine au mi

lieu de laquelle elle se trouve se couvrit de cultures ut-iles,

sources de richesses pour les laboureurs et de plaisir

pour le promeneur. Il fit élever une bastide, pour servir

d’abri aux cultivateurs, à leurs biens et à leurs bestiaux,

et y lit placer un grand nombre de juments poulinières.

11 restaura également la source d’Elmcnâra et son bas

sin presque aussi vaste que la petite mer de Dâr Elhanâ,

qu’on n’ut-ilisait plus depuis longtemps, car Dieu leur des

tinait ce Sultan. Il y réunit, en effet, des travailleurs, fit

extraire du bassin des montagnes de boue, répara les murs,

et l’alimenta avec des sources et des ruisseaux. Il fit, de

plus, planter des arbres de toutes sortes dans les endroits

arrosés par le tropplein du bassin, si bien que ce parc

égale les jardins d’Agdâl.

 

Il dériva de l’Wad Ncfïïs la rivière appelée Târki, qui

égale l’ancienne rivière qui conduit autrefois dans son lit

et est même plus ut-ile et plus large. Il ramena ainsi la vie

dans les plaines qui s’étendent entre l’Wad Neffîs et Mor

râkch.

 

Il dériva également la rivière appelée Féïtôt, qu’il dé

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ARCHIVES MAROCAINES

tourna de Toslnout dans la plaine limitée parles territoires

des Zemran, des lîhâmna et des Serâgna, qui se trans

forma en jardins verdoyants et en parterres de fleurs. Il

y bâtit (Dieu lui fasse miséricorde !) une vaste qasba pour

les régisseurs et les laboureurs de ces terres, qui, de sté

riles et dépeuplées qu’elles étaient, devinrent prospères

et populeuses.

 

Voici maintenant les travaux datant de l’époque où il

prit en main le commandement des Musulmans:

A Ribât Al-Fath, il édifia son grand palais de l’Agdâl qu’il

entourait de son grand mur et où il amena l’eau à très

grands frais.

 

Proche du palais, la mosquée Jâma’ Essounna, où ni

chaient les chouettes et les hihous, fut restaurée et les

cinq prières, ainsi que la khutba, célébrées tous les ven

dredis. La petite mosquée, appelée Mesjid Ehl Fâs, fut

restaurée avec un grand soin et ses plafonds dorés et ba

riolés. Il fit tracer le chemin qui va du palais à la rivière,

en bas de Hassan, afin de faciliter, de raccourcir le trajet.

Enfin,il transporta une fraction du guéïch Ehl Sûs d’Elmeh

diya, et lui assigna comme demeure la partie de l’Agdâl

qui entoure le palais. Cette colonie se plut dans cet en

droit, et peupla cet endroit qui est encore habité par eux.

A Eddâr Elbâïdâ, il fit élever la grande mosquée du

marché, dont les frais furent payés par les habous de l’an

cienne mosquée.

 

Le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) donna l’ordre de

la construire sur les indications du gouverneur d’alors,

Abû Muhammad ‘Abdallâh bn Drîs Eljerrâri. Il fit cons

truire les bains appelés Elhammâm Elqedîm, aux frais du

Trésor.

 

Il fit réparer (Dieu lui fasse miséricorde !) les murs et

les borjs d’Eljedida, et s’occupa tout spécialement des

ports, dans lesquels il envoyait des inspecteurs pour les

examiner.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

A il construisit la fabrique de sucre (Dâr fa

brikat essoukkâr), pour laquelle il dépensa beaucoup d’ar

gent, et qui, quoique actuellement abandonnée, est une

construction belle et solide. Il fit bâtir aussi, dans le lieu

appelé Essejîna, la fabrique de poudre raffinée.

Il fit élever encore la tour du phare qui est au bord de

la mer à Acheq Qâr, près de Tanger, d’où s’échappe une

vive lumière qui éclaire à une grande distance les naviga

teurs. Beaucoup d’argent fut dépensé pour cela. Aupara

vant, les navires venaient faire naufrage sur cette côte,

car ils n’avaient rien pour les guider en mer, mais depuis

que le Sultan (Dieu lui fasse miséricorde !) a établi ce phare,

ils sont à l’abri de ce danger.

 

Il a laissé encore (Dieu lui fasse miséricorde!) bien d’au

tres œuvres, mais il serait trop long de les mentionner

toutes. Que Dieu les mette dans la balance de ses bonnes

actions et élève, à cause d’elles, les degrés des hauteurs

qui lui sont réservées.

 

Règne du souverain actuel, du Amîr al-Mû’minîn Mawlay El

hasan bn Muhammad bn ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu perpétue son

pouvoir!)

 

Après la mort du sultan Sîdi Muhammad bn ‘Abderrah

mân (Dieu lui fasse miséricorde !), les hauts fonctionnaires

du gouvernement, les qâ’îd-s du guéïch, les qâdis, les oula

mû, les chérîfs et les habitants de Murrâkush et des envi

rons, tous arbitres des destinées du pays, s’accordèrent

pour proclamer Amîr al-Mû’minîn son fils Mawlay Aboiï

‘Ali Elhasan hen Muhammad. Ce Commandeur possédait à un haut

degré les conditions requises pour l’imâmat, et avait toute

l’habileté, la clairvoyance et l’énergie désirables. Il se fai

1. Texte arabe, IV* partie, p. 235.

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ARCHIVAS MAROCAINES

sait remarquer aussi par sa vertu et sa piété, el. par tous

les autres caractères du bonheur et les voies .qui condui

sent à la vérité. De plus,son père l’avait pris comme kha

lifa pendant sa vie, et lui avait confié toutes les an’aires im

portantes. 11 avait été à la hauteur de la situation et avait

visité les recoins les plus obscurs et les plus ombragés

des demeures de la félicité.

 

« Quand il était khalifa de son père, Mawlay Klhasan, dit

Abû ‘Abdallah Akensoùs, ne se laissait détourner, ni

par les affaires de l’Empire qui ne cessent ni la nuit, ni le

jour, ni par les charmes des jardins et des (leurs des pa

lais impériaux, des obligations religieuses et des voies de

la vérité, comme la prière, le jeune et la récitation du Co

ran, ainsi que me l’a raconté un de ses familiers. Il trou

vait, au contraire, à les pratiquer, dans ses moments d’iso

lement, beaucoup de jouissance et de douceur. »

A la mort de son père, Mawlay Elhasan (Dieu le fortifie!)

était, nous l’avons dit, à Boù Piîqi, en Hâhâ, où il reçut la

lettre des grands de l’Empire lui annonçant la mort du

Sultan et sa proclamation unanime. Il arriva à Murrâkush

le 27 rejéb 1290. A son approche, les vizirs, les qâdis, les

chérîfs, les notables et tous les habitants de .Murrâkush, les

hommes, femmes et enfants se rendirent à sa rencontre, si

nombreux qu’ils couvraient la plaine et que la place ne

pouvait pas les contenir. Ils lui présentèrent leurs condo

léances et leurs félicitations. Lui (Dieu le fortifie !) s’arrê

tait devant chaque groupe pour les recevoir, même devant

les femmes et les enfants, témoignant ainsi de sa sollici

tude et de sa bienveillance. Aussi, le jour de son entrée

dans la capitale de Murrâkush fut-il une journée de spec

tacle, une fête comptée au nombre de celles qui attirent les

bénédictions.

 

Aussitôt qu’il fut établi dans le palais de l’Empire, il

reçut les députations de toutes les villes, de toutes les

provinces et de toutes les régions, apportant chacune leur

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

serment de fidélité et leurs présents, car la population se

réjouissait de son avènement *’L eu lirait d’iieuieux augu

res. Il reçut iDieu le fortifie !) cliacun avec les égards qui

lui étaient dus, combla ses sujets de bienfaits. Puis il

s’occupa d’équiper ses troupes et ouvrit le Trésor. Il dis

tribua beaucoup d’argent, de costumes et de moulures.

Il quitta Murrâkush, le lundi ramadan, pour se rendre à

Fâs, voir ses sujets et examiner leurs intérêts. Il passa par

les Seràgna, de là à ELbrouj, puis à Ké’fser dans le Tû

mesna. Là, il reçut la nouvelle de la révolte de Fâs, dont

les habitants avaient mis à mal l’amin Elhadj .Muhammad

bn Elmadani Hennis; suivant ce qu’on raconte, voici

comment les choses s’étaient passées.

 

A l’arrivée à Fâs de la nouvelle de la mort du Sultan, la

population s’était réunie pour reconnaître, comme Commandeur

des Croyants, Mawlay EU.iasau (Dieu le glorifie !), mais

quand il fallut rédiger la prestation de serinent, les gens

du peuple, et principalement les tanneurs, n’avaient con

senti à prêter serment qu’à condition que le meks serait

supprimé. Des oulamà et des notables qui voulaient réunir,

avant tout, l’unanimité du serment, se seraient, diton, faits

forts d’obtenir cette faveur du Sultan.

 

Mais la bay’a terminée, l’amin Bnnis avait continué à

envoyer ses agents pour percevoir les droits sur les mar

chés et aux portes, etc. Un notable de la ville lui avait

même conseillé de suspendre cette mesure pendant quel

que temps pour attendre que les esprits se calment, que le

droit s’établit sur sa racine et que la question serait alors

tranchée suivant le droit. Mais il n’avait voulu rien entendre

et avait persisté dans sa décision. La populace s’était alors

soulevée contre lui, avait démoli sa maison, pillé ses efl’ets,

enlevé son argent et avait même voulu le tuer. Il était par

venu à se cacher pendant que la fureur était à son comble,

puis il s’était esquivé au sanctuaire de Mawlay Idrisoù, du

moins, son existence était en sûreté.

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ARCHIVES MAROCAINES

Ce fut une émeute très grave, qu’il serait trop long de

rapporter en entier.

 

A Kéïsef, le Sultan apprit aussi que les gens d’Azein

moûr s’étaient révoltés et avaient tué Ahmad bn ElinWad

din Elfarji d’Azemmoûr, khalîfa du gouverneur de la ville,

qui était AbûFabbâs Ahmad bn ‘Omar bn Boù Setta

ElMurrâkushi (19 ramadan).

 

Quelque temps après, les Ahl Al-Fâs écrivirent au Sul

tan (Dieu le glorifie !) qui se trouvait encore dans le Tâ

mesna, une lettre éloquente par laquelle ils désavouaient

les actes dont Jîennîs avait été victime, et en rejetaient la

responsabilité sur la populace, les mauvais sujets et les

gens sans aveu.

 

Voici le texte de cette lettre

 

« Louange à Dieu seul qui ne se hâte pas de punir celui

qui a commis une faute.

 

« La prière et le salut soient sur Notre Seigneur Moham

med, le grand intercesseur, celui à qui Notre Maître, dans

son livre, dit « Tu es, certes, une grande créature. »

« Sur sa famille envers qui Dieu commande l’affection et

l’amour, et au sujet desquels il a révélé « Dis je ne vous

« demanderai pas pour cela d’autre salaire que l’affection

« des proches. »

 

« Et sur ses compagnons, qui étaient intraitahles avec les

chrétiens, mais compatissants les uns pour les autres, et

dont les anges, dans la journée de Honéïn, étaient les ap

puis et les soutiens.

 

« Ensuite, nous saluons la Majesté dont le rang est élevé,

dont la lumière et l’aube brillent, que la gloire et la gran

deur anoblissent, que la splendeur élève et illustre, et

que le Prophète a revêtu du manteau de la noblesse au

jour où ‘Ali et Fâtima et les deux Hasan étaient Sûs sa pro

tection, celui qui s’est élevé, est parvenu au faîte et est de

venu le maître, celui qui sert de guide et d’appui au kha

lîfa, dont les éloges font l’ornement des livres jusqu’alors

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

vides, dont la générosité remplit de confusion les pluies

abondantes, dont le nom fait ouvrir à la gloire ses porti

ques, que les hauteurs célestes ne cessent d’inviter et

d’appeler auprès d’elles, dont le respect rapproche les pau

pières et les prunelles, le chef de la noble dynastie impé

riale, le plus grand des Commandeurs ‘alaonis dont la vie est ins

crite dans les pages où sont consignées les œuvres glori

fiées, et dont les œuvres sont célébrées dans les poèmes,

celui à qui ce pays de Maghrib a remis les rênes du pouvoir

et s’en félicite, le Sultan fortifié Notre Maître Elhasan, re

jeton de ceux dont l’aine fut pure, dont les semences ont

mûri dans les jardins des bienfaits, Sûs les étendards des

quels marche la gloire et dont les parfums embaument les

réunions. Puisse à tout jamais la fortune te suivre partout

où tu iras, la gloire dormir dans tes vallées, les yeux des

jaloux être frappés, et la poussière aveugler ceux de tes

ennemis. Que Dieu te préserve des vicissitudes du temps,

qu’il conserve tes dispositions bienveillantes envers le

corps des ‘oulamâ, qu’il ne dépouille pas les Musulmans

des vêtements de ta fortune, qu’il élève tes étendards sur

les tours du bonheur, qu’il porte ton épée sur les cous des

ennemis, qu’il te donne la victoire partout où tu marche

ras en avant, et que la Loi sainte de ton aïeul soit toujours

ton arme et ton guide dans une prospérité sans fin et dans

un jardin aux fruits pleins de douceur!

 

« Ensuite

 

« Que Dieu écarte les mauvais de la place occupée par

Notre Seigneur, en rapproche les bons et les vertueux, et

en fasse toujours le refuge du nécessiteux et de l’oppri

mé Quand nous avons reçu de la Haute Majesté de Notre

Seigneur sa lettre glorieuse, qui porte des épithètes et des

noms respectés, qui est brillante dans ses expressions, et

claire dans ses déductions, dont le style éloquent stupéfie

les diserts, et qui, par sa correction, est montée au plus

haut des chaires, si bien qu’en comparaison d’elle, toute pa

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AltCIIlVKS MAROCAINES

role esl un il nous nous sommes empressé de la

baiser et nous l’avons placée où se placent. la couronne et le

diadème. Elle a été lue ensuite devant une grande foule et

son arrivée a réjoui le petit et le grand. La nouvelle a ré

tabli le calme dans les ctrurs et a fait cesser les méconten

tements et les peines. Les assistants étaient avides d’en

tendre son contenu, et l’homme de bien, comme le polis

son, l’ont écoutée avec attention. La mosquée était trop

petite pour contenir tous les auditeurs, car tous y étaient

venus. Quand on lut la lettre, on constata qu’elle débutait

par des éloges et finissait par des blâmes et des reproches,

qu’elle contenait, à la fois, de la gaieté et de la colère, et

qu’elle était, en même temps, instante et menaçante.

Aussi les gens soupçonneux s’en inquiétèrent. La lecture

achevée et finie, et le contenu de la lettre étant exposé et

connu, les groupes se retirèrent et la ville fut extrême

ment agitée. La population était vivement émue de cette

lecture et remplie de crainte et de terreur. L’ordre que

contenait la lettre de réparer ce qui était arrivé en était la

cause, car on avait compris qu’il s’agissait de rendre ce

qui avait été perdu et qui, dispersé de tous côtés, ne peut

se réunir. Or, ceci est impossible, ainsi qu’il apparaîtra1,

car la vérité est trop claire et trop évidente pour être

expliquée, d’autant plus que le but poursuivi est de couper

court au mal, afin de faire cesser les actes oppressifs de

quelques mauvais sujets et d’empêcher d’éclater le feu de

la discorde qu’on ne pourrait plus éteindre.

 

« En ce qui concerne les incidents de l’aflaire d’Al-Hâjj

Muhammad Bnnîs, qui ont obligé Celui-ci à se réfugier à

Mawlay Idrîs où se sont commis des faits regrettables pour

lesquels des reproches ont été adressés aux chefs et aux

subordonnés, l’argument sera détruit par un exposé exact

et complet de l’affaire, où la vérité ne sera pas déguisée et

où le droit chemin sera suivi.

 

« Notre Seigneur généreux sait, en efl’et, que l’homme

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IVYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

peut se prévaloir d’excuses qui excluent le blâme et qui

le mettent à l’abri d<as reproches et des réprimandes. Or,

le pillage qui s’est produit a eu lieu par surprise dans un

jour qu’un témoin aurait de la peine à décrire et à expli

quer. La ville était alors pleine de campagnards et de ci

tadins, et nous ne pouvons pas savoir quels ont été les

pillards, quels sont ceux qui sont entrés, ni ceux qui sont

sortis. C’est une all’aire que le destin a provoquée, sans

qu’il nous ait été possible de la prévenir ni de retenir les

mauvais sujets. Si ces actes avaient été le fait de gens con

nus, d’individus déterminés, nous aurions pu les punir, et

leur enlever ce qu’ils avaient pris sans nous écarter du

droit chemin. Mais tout a été fait par un péleinèle de cam

pagnards et de citadins, de blancs, de noirs et de rouges,

tous furieux comme des lions et des tigres, dont pas un

visage ne portait trace ni marque de pudeur, et qui n’ac

ceptaient pas la moindre observation parce qu’ils étaient

dépourvus de raison. Pour les contenir il aurait fallu une

armée considérable. Plus on cherchait i les retenir, plus

ils perdaient audacieusement la tète, et loin de tenir

compte des avertissements, ils n’en avaient pas conscience.

Les sourds n’entendent pas les appels lorsqu’ils ne con

naissent pas le danger. Ensuite, le dixième jour de ce

mois, il s’est passé dans le sanctuaire de Mawlay Idris ce

qui nous a été rapporté et sans doute avec les plus grands

détails. Mais la bonté et la miséricorde de Dieu nous ont

enveloppés le mausolée et ses alentours ont été sauve

gardés et n’ont pas été profanés. Ses défenseurs l’ont

protégé et ses portes ont pu être ouvertes aux pieux visi

teurs à qui la grâce a été accordée de contempler ses

lumières.

 

« La lettre dont il s’agit dit aussi que le mauvais sujet

qu’on ne retient pas se considère comme agissant en vertu

d’ordres. Certes, nous ne savions pas ce qui se passait,

nous ne nous en doutions pas. L’homme sensé peut-il

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AIICIIIVES MAHOCAINKS

 

ordonner (les choses défendues? Un Musulman peut-il

approuver la profanation dp l’Islam, et des Musulmans,

une parole ou un acte qui sème la desunion? Et quand

on connaît le châtiment réservé au témoin silencieux, que

doit-il advenir du participant ou du commandant? Mais,

grâce à Dieu la porte du repentir est ouverte à celui qui

vient y frapper. Nous prions Dieu de leur accorder la

grâce du repentir de leurs actes.

 

« Au moment où nous écrivons cette lettre à notre Sei

gneur, la sécurité règne dans la ville, les esprits sont

calmes et rassurés, l’oppression a cessé et les communi

cations ont repris sans danger sur les chemins, car rien

n’a été négligé pour éteindre le feu de la révolte. Les

grâces de Dieu se répandent sur nous avec abondance et

sans discontinuer; auparavant, la révolte était allumée,

brûlait, et les cœurs étaient plongés dans le désespoir et

l’angoisse. Il n’est pas un seul homme de bien, de piété,

de ceux qu’on regarde comme marchant dans là voie droite

qui n’ait travaillé au bien des Musulmans et usé de tous

les moyens de conciliation en son pouvoir. Notre qâdi

(Dieu le bénisse !) a la plus large part dans cette oeuvre

il n’a rien négligé ni dans la première affaire, ni dansla

seconde.

 

« Vous n’ignorez pas, d’ailleurs, que le véritable souve

rain est celui qui sait maîtriser sa passion, qui ne se laisse

pas émouvoir par ces accidents passagers, qui surmonte

sa nature dans les moments de colère et qui recherche les

moyens de se rapprocher de Dieu. L’homme généreux

pardonne quand il a examiné, et absout quand il le peut,

même si le méchant a dépassé toutes les bornes dans ses

malices. Que Notre Seigneur daigne nous faire la grâce de

céder aux intercessions des ‘oulamâ et des chérîfs signa

taires de cette lettre, qui désapprouvent entièrement les

actes commis par les mauvais sujets. On ne s’étonne pas

de voir le bien venir de sa source et la bienveillance de sa

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DYNASTIE ALA0U1E DU MAPOC

 

demeure. Vos qualités si nobles, vos sentiments si purs

ne voudront pas que notre intercession en faveur de ces

révoltés soit repoussée, et que notre assemblée soit étoi

gnée et chassée du sol que vous fouler. La haute opinion

que nous avons de vous nous est garante de la bonté que

vous ne pouvez manquer de nous témoigner. Que Notre

Seigneur soit donc clément envers cette capitale de Fâs,

et qu’il ne nous fasse pas supporter la responsabilité de

la faute commise quelques mauvais sujets. L’indul

gence n’estelle pas issue de votre famille, n’estelle pas

une de vos belles qualités? C’est pourquoi nous désirons

que cet acte vertueux reste pour toujours cité à votre

honneur et inscrit sur votre page. Répondez par le pardon

et l’oubli à ce qui s’est passé et est fini.

 

« Nous sommes tous vos sujets, nous sommes les fruits

de votre jardin, nous sommes nourris à votre table. Nous

avons la confiance inébranlable que vous céderez à nos

prières et que vous serez clément envers vos faibles sujets.

Il semble déjà qu’on proclame votre lettre de pardon,

dont les mots sont plus délicieux et plus doux que le

miel.

 

« Dieu, dans sa générosité habituelle, effectuera la récon

ciliation et réunira nos cœurs dans la soumission à ses

ordres et dans la recherche de ce qui pourra le satisfaire.

Nous serons ainsi frères en Dieu; nous serons les soutiens

et les défenseurs de la religion, remettant nos cœurs entre

les mains de Celui qui ordonne et décide. Ton maître crée

ce qu’il veut et décide, et si les passions sont en conflit,

Dieu ne réserve que du bien à ceux qui sont généreux.

La meilleure œuvre est celle qui rapproche du paradis et

éloigne de l’enfer. Le Musulman doit s’abstenir de ce qui

discrédite et atteint l’Islam, et éloigner toutes les sources

de division qui sont une force et un appui pour l’infidélité.

La présence derrière nous d’un ennemi qui ne pense qu’à

marcher à notre poursuite et à souiller nos étendards veut

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ARCHIVES MAROCAINES

que nous savons frères, que nous secourions l’Islam, que

nous Je protégions, que nous le défendions et que

nous n’ayons d’ardeurs que pour lui.

 

« Que Dieu nous aide faire ce qui peut le satisfaire et

dirige nos ellbrls vers les choses qu’il aime et agrée.

Ainsi soit-il.

 

« Salut

 

« Le 15 du mois glorifié de ramadan 1290. »

 

Le sultan Mawlay Elhasan iDieii le glorifie!) entra

ensuite a lîibat Al-Fath dans la matinée du jeudi ’29 ramadan.

La fête eut lieu le samedi suivant le Sultan la célébra à

llibàl. Al-Fath. Il fit faire à cette occasion la lecture habi

tuelle du Sahilt d’Elbokhâri. Le fqîh qui présida à cette

lecture, fut le très docte Sîdi Al-Mahdi bn Ejtâléb J’en

Souda Ell’èsi. Les délégations du Maghrib assistèrent à cette

séance ainsi que les qâdis et les oulamà des DeuxRives

je me trouvais parmi ces derniers. Le Sultan fut célébré

dans des poèmes éloquents et donna un éclat tout parti

culier à cette cérémonie en od’rant un repas, des boissons

et des parfums, et en distribuant de l’argent à tous les

assistants. Il lit également les cadeaux habituels aux

‘oulamà, auxiecteurs, aux mWaddins. aux art-illeurs et aux

malins des DeuxRives.

 

il reçut une députation des habitants d’Azemmoùr, qui

vinrent témoigner leurs regrets de la conduite de la popu

lace envers Muhammad bn ElmWaddin. Il leur témoigna

de bonnes dispositions et leur pardonna, se réservant de

rechercher plus tard les coupables, auxquels il infligea un

châtiment mérité.

 

Le Sultan (Dieu le glorifie ‘.) demeura à Ribât Al-Fath

jusqu’au samedi 22 chouwâl, puis il se mit en route pour

Miknâs. Il franchit la rivière accompagné des troupes du

Gouvernement et des contingents fort nombreux des tribus.

Son départ fut précipité par les mauvaises nouvelles qu’il

avait reçues touchant Mawlay Abdelkébîr bn ‘Abder

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DYNASTIE ALAOUIK DU MAROC

 

rahmûn bn Slîmân, (tout le père s’était déjà révolté peu

(te temps après l’avèiieinenl du sultan Sidi Muhammad

bn ‘Abtlerrahniân. Le fils suivait l’exemple de son père

et s’était laissé entraîner à convoiter la royauté par les

démons berbères qui t’avaient entraîné dans le chemin de

la perdition, où il s’était laissé conduire, et qui avaient

jeté ainsi l’aveugle dans la gueule du loup.

 

En arrivant sur le territoire des Bni Ilsén, le Sultan

(Dieu le glorilie !) apprit son emprisonnement. Il envoya

alors aux villes la lettre dont voici la teneur Il elINov~t

alors aux villes la lettre dont voici la Leiiet-il”

 

« Ensuite

 

« ‘Abclelkébîr bon Wbderrahmân, égaré par les sugges

tions trompeuses et les passions subversives de son esprit,

a fait cause commune avec des démons et des gredins

des Berbers Bni Mguild, qui l’ont amené jusque chez les

Aït ‘Ayyâch dans le voisinage de Fâs. En apprenant cela,

nos serviteurs les Ahl Al-Fâs, nos oncles maternels les

Chràga, et d’autres gens du guéïch de Ehl Soùs et des

tribus raisonnables ont déployé tous leurs efforts pour le

repousser, l’éloigner et le chasser de leur territoire en

jetant aux vents les cendres de ses campements. Ils lui

ont donné la chasse et lui ont infligé de mauvais traite

ments auxquels il ne s’attendait guère, si bien qu’il a du

s’en retourner entièrement déçu. Cet échec et ce départ

forcé ne l’ont pas rappelé cependant au sentiment de sa mau

vaise situation; il n’a pas renoncé à l’impossible qu’il

convoitait, il ne s’est pas réveillé de son sommeil et il

n’est pas revenu de son ivresse. Il a continué à circuler

chez les Berbers, et ses allées et venues l’ont conduit chez

les Aït Yoûsi. Là, Dieu a fait mettre la main sur lui, et

on l’a fait prisonnier. La fortune l’a abandonné, et l’échec

a été complet pour les Berbers qui s’étaient joints à lui et

qui n’y ont gagné que ruine, confusion et abandon. L’agi

tateur est maintenant entre les mains de notre frère

intègre Mawlay Ismâ’îl (Dieu le garde !). Dieu soit loué l

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ARCIIIVES MAROCAINES

 

il mérite qu’on lui rende grâces. Il est la source de tout bien

fait. Nous lui demandons par son Prophète, sur lequel il

répand ses bénédictions et sa paix, de recevoir l’hommage

de notre reconnaissance et de celle des Musulmans, et de

nous traiter comme toujours avec bonté et générosité.

« Nous vous écrivons cette lettre du territoire d’Essefaf ‘a,

chez les Béni Hsén, où nous avons établi notre camp avec

l’aide de Dieu. Notre mhalla, victorieuse par Dieu, est

enveloppée (grâce à Dieu !) de la victoire et de la puis

sance, nos étendards triomphants par Dieu flottent aux

vents de la bonne fortune et du bonheur, et les bénéfices

y entretiennent le marché.

 

« Nous avons tenu à vous prévenir, afin que vous ayez

votre part de la joie que nous cause cette marque de bien

veillance inépuisable de notre Maître, qu’il soit glorifié et

exalté Dieu soit loué c’est à lui qu’appartient la bonté

« Salut

 

« Le 26 chouwâl 1290. »

 

Le Sultan (Dieu le glorifie !) se rendit ensuite à Dâr Bn

El’âmri. Il infligea aux Ouled Yahya, fraction des Bni

Hsén, qui s’étaient révoltés contre leur gouverneur

“Abdelqâder bn Ahmad Elmahroûqi, avaient détruit et

pillé sa maison, et s’étaient livrés au brigandage sur les

routes, un châtiment qui faillit les réduire à néant. Ils le

supplièrent, se jetèrent à ses pieds, manifestèrent leur

repentir et leur soumission, et il accepta leurs regrets.

Après leur avoir imposé trois ‘âmil-s, et les avoir

taxés de sommes importantes, il partit (Dieu le glorifie !)

pour M éknâsét Ezzéïtoùn, le 7 doûlqa’da, et fit dans cette

ville une entrée triomphale. Dès son arrivée, il envoya

(Dieu le fortifie !) dans les villes la lettre suivante

« Ensuite

 

« Après avoir terminé les affaires de la tribu Yahyâouiya,

les avoir rétablies sur des bases sérieuses, avec l’aide de

Dieu, et y avoir rétabli l’ordre désirable (grâce à Dieu !),

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARC11. MAnOC. 19

 

nous avons dirigé notre marche fortunée vers le pays de

nos ancêtres généreux (Dieu les sanctifie !) Méknàsét

Ezzéïtoùn. A la tête de notre mhalla fortunée et victorieuse

que la bonne fortune et le triomphe ont couverte de leur

manteau, nous avons rencontré sur notre chemin les hahi

tants de cette contrée du Maghrib, Berbers et autres, aux

souches et tribus diverses. Elles nous ont manifesté la

plus grande joie de notre venue, et ont témoigné la plus

entière soumission à notre personne élevée en Dieu. Nous

sommes arrivé à notre capitale fortunée, Méknàsét

Ezzéïtoùn le jour de notre entrée a été une de ces arri

vées bénies, dont le souvenir est inoubliable. Ce jour

heureux a même été si plein d’allégresse que pas une fête,

pas un moûsêm ne saurait lui être comparé.

 

« Rendons grâce à Dieu de ses grands bienfaits et de

son immense bonté Nous lui demandons par son Pro

phète (qu’il répande sur lui ses bénédictions et la paix !)

de recevoir l’hommage de notre reconnaissance et de

celle des Musulmans, et de nous traiter toujours avec

bonté et générosité. Ainsi soit-il.

 

« Salut

 

« Le 20 du mois sacré de doùlqa’da 1290. »

 

Avant d’entrer à Miknâs, le Sultan (Dieu le glorifie !)

avait visité le tombeau de Mawlay Idrîs l’aîné, où il avait

célébré la prière du vendredi.

 

Le Sultan (Dieu le fortifie) prolongea son séjour à Mék

nés. Il en profita pour châtier les Bni Mtîr et leurs confé

dérés les Mejjât, Bni Mguîld, Aït Yoûsi, etc.

Il dut lutter longtemps contre eux, enleva leurs forte

resses et s’avança jusqu’à l’endroit appelé Elhâjéb, qui

était leur camp retranché, leur principal point d’appui.

Les troupes victorieuses aux étendards déployés péné

trèrent même beaucoup plus loin, à FUmm Elkhenlq, où

commence le territoire des Bni Mguîld. Elles mirent

leurs campements au pillage, firent voler les têtes des

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ARCHIVES MAROCAINES

meneurs, et leur enlevèrent un grand nombre de prison

niers, que le Sultan (Dieu le glorifie !) envoya dans les

villes pour servir d’exemple.

 

La répression des Béni Mtir eut lieu au milieu du mois

de moharrem 1291

 

Le Sultan demeura à Miknâs jusqu’au I’1′ rabî’ Ier. Le

lundi 3, il partit (Dieu le fortifie!) pour Fâs, et y entra le

jeudi G. A Wad Ennejâ, les chériïs de la ville, les ‘oulamâ,

les notables, les tirailleurs et même les femmes et les

enfants, accompagnés du gouverneur et du qâdi, vinrent

à sa rencontre. Il les reçut avec affabilité et leur témoigna

beaucoup de bonté pour calmer leurs appréhensions.

La première chose qu’il fit en arrivant en ville fut de se

rendre au mausolée de Mawlay Idrîs (Dieu soit satisfait de

lui !) d’y faire sa ziâra et d’en recueillir la bénédiction.

Les pauvres, les femmes et les enfants se pressèrent au

tour de lui pour baiser les pans de ses vêtements et s’en

essuyer. Il fit immoler des victimes au sanctuaire Idrîsi

et à d’autres lieux saints, et fit distribuer aux pauvres et

aux malheureux des aumônes qui dépassent tout calcul.

Bref, le jour de son entrée dans la ville fut un jour célébré

et compté parmi les mouséms pleins de bénédictions.

Le Sultan célébra à Fâs la fête du Moûloûd. Les dépura

tions de toutes les contrées arrivèrent auprès de lui, et les

notables des tribus des montagnes et de la plaine se réu

nirent: à la porte de son palais. C’était une époque magni

fique, la victoire et le triomphe étaient complets, toutes

les affaires étaient en bon ordre et le héraut de la joie lan

çait aux uns et aux autres sa proclamation.

 

La fête terminée, le Sultan (Dieu le glorifie !) ordonna à

son amîn, Aboiil’abbâs Ahmad bn Muhammad bn Che

qroûn ElMurrâkushi, d’organiser la perception des taxes,

qui étaient payées aux portes et sur les marchés de Fâs,

1. Texte arabe, IV» partie, p. 23R.

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DYNASTIE ALA0U1E DU MAROC

 

du vivant du sultan Sidi Muhammad (Dieu lui fasse misé

ricorde !) Ces ordres reçurent leur exécution.

Ceci se passait à la lin du mois de rabî’ Ier.

 

Les oumanâ s’installèrent chacun à la place qui leur fut

assignée et tout alla bien, les appréhensions du public

s’étant calmées. Mais la taxe parut lourde aux tanneurs,

qui manifestèrent de la résistance dans le paiement. Ils

allèrent trouver le sharîf, le fqîh Moùlav “Abdelmâlék

Eddari’r, et lui tinrent ce langage: « C’est vous qui nous

avez mis dans cette situation, en nous garantissant d’abord

la suppression du meks, ce qui nous a fait agir envers

BemiJS comme nous avons agi. Maintenant tireznous de

cette situation, soit par la suppression du meks, soi t en nous

̃débarrassant de lîennis avant qu’il ait trouvé une occasion

de se venger de nous, car il est maintenant notre ennemi. »

Le i’qih se rendit auprès du Sultan (Dieu le glorifie !) et

lui fit part des dispositions des tanneurs de basse condi

tion. Le Sultan (Dieu le fortifie !) tout en se montrant bien

veillant, repoussa ces propositions, et le fqîh lui dit alors

« Si rien de ce que j’ai exposé à notre Seigneur ne doit

avoir lieu, je n’ai plus qu’à aller habiter Tàfilèlt, car je ne

peux plus rester au milieu de ces gens. » Le Sultan accéda

à sa demande et lui fournit des muletiers pour le trans

porter, lui et sa famille. Voyant cela, les tanneurs, inspirés

par Satan, attaquèrent les muletiers, qui les repoussèrent.

La ville fut en émoi, les marchés s’agitèrent, et une véri

table révolution éclata. Prévenu de ce qui se passait, le

Sultan (Dieu le fortifie !) convoqua le gouverneur de Fâs,

Dris bn ‘Abderralimân Esserrâj, qui était soupçonné

d’avoir provoqué l’au’aire Bnnîs et ses suites. Obéissant

aussitôt, il monta à mule pour se rendre auprès du Sultan,

à Fâs Eljedid, mais les tanneurs lui barrèrent le passage

et l’empêchèrent de se mettre en route, le menaçant de le

tuer s’il allait chez le Sultan. Il ne bougea pas il craignait

pour sa vie et c’est pourquoi il se conduisit ainsi.

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ARCHIVES MAROCAINES

Voyant que ces slupides gens persistaient dans leur

mauvaise querelle et leur entêtement, malgré la douceur

et la mansuétude extrêmes dont il avait fait preuve, notam

ment en s’appliquant à garder le silence sur l’affaire Berinîs,

le Sultan (Dieu le fortifie !) ordonna d’assiéger la ville et

de la tenir étroitement bloquée, dans l’espoir d’obtenir un

revirement dans la conduite des habitants. Mais ceux-ci

s’obstinèrent dans leur rébellion, et, montés sur le mina

ret de la mosquée El’inâm’ya et sur ceux des autres mos

quées qui dominent Fâs Eljedîd, ils se mirent à tirer, et

atteignirent même des gens qui étaient à Boùljcloiid. En

présence d’un pareil excès d’insolence, le Sultan (Dieu le

fortifie !) donna l’ordre de les traiter comme ils le méri

taient pour leur crime. Des soldats cernèrent la ville et la

bombardèrent dans toutes les directions. Un bataillon

parvint à escalader le mur de Fâs, du côté de la Tâl’a, et

se mit à tuer et à piller.

 

L’affaire prit aussitôt de grandes proportions, et la tris

tesse arriva à son comble. Sur ces entrefaites, le Sultan

(Dieu le glorifie !) envoya son vizir Abû ‘Abdallah Essef

fâr pour adresser des avertissements aux gens de la ville

et leur proposer VAmân, à condition qu’ils manifesteraient

leurs regrets et rentreraient dans l’obéissance. Ils accep

tèrent cette proposition, cédèrent, et le feu de la révolte

fut éteint, en même temps qu’il était coupé court aux repré

sailles. Le Sultan se hâta d’adresser une proclamation aux

populations, fit preuve de clémence, et justifia sa conduite

sur la provocation des Ahl Al-Fâs, car le plus coupable

est celui qui commence. D’ailleurs, dès qu’ils cédèrent, il

leva le siège par compassion pour eux. Cet événement eut

lieu le mardi 4 rabî’ II.

 

Voici le texte de la lettre du Sultan (Dieu le glorifie !).

« Ensuite

 

« Nous vous avions fait part de l’accueil joyeux et en

thousiaste que nous avions reçu des Ahl Al-Fâs, et de

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

l’empressement qu’ils avaient témoigné en toutes choses.

Depuis, nous les avons mis à l’épreuve, nous avons sur

veillé leurs agissements, et nous avons constaté que

leurs actes concordaient avec leurs paroles. Nous avons

alors donné l’ordre de rétablir les moustafâds dans leurs

conditions habituelles, comme nous l’avons fait à Miknâs

et dans toutes les autres villes. Ils ont obéi et se sont

empressés de les payer. Nous avons nommé, entre autres

amîns chargés de la perception, l’amîn Bn Cheqroùn

Elniorrâkchi. Nous avons tenu à ne pas inquiéter les tan

neurs, auteurs de l’affaire Bnnfs, qui cependant étaient

pleins d’angoisse et craignaient d’être poursuivis pour

leurs actes. Ils nous ont demandé de les débarrasser de

Hennis et de l’éloigner. Ils étaient encore obéissants et

manifestaient la soumission habituelle. Mais comme nous

n’avons pas accédé à leur demande, leurs craintes n’ont

fait qu’augmenter, et ils se sont livrés à des excès qui ont

témoigné de leur trouble et de leur désarroi. Nous nous

sommes mis alors en devoir, avec l’aide et la puissance

de Dieu, de les châtier, mais nous avons usé de toute la

longanimité possible avant de fondre sur eux, et nous

nous sommes abstenus de précipiter leur châtiment par

respect pour le caractère sacré de notre seigneur et

maître le brillant Idris, et par égard pour tous les hommes

de Dieu vivants ou morts. Nous ne leur avons ménagé ni

les exhortations ni les avertissements, voulant avoir contre

eux une arme basée sur la Loi divine et sur la Coutume.

Mais ils ont commencé euxmêmes les host-ilités, ont pro

fané le caractère sacré qui les protégeait. Nous leur

avons répondu par des host-ilités, celui qui commence est

le plus coupable. En moins d’un clin d’oeil Dieu fit appa

raître son appui. Des maisons et des minarets ont été dé

molis, des fondaqs et des ateliers d’où ils tiraient et qui

leur servaient de remparts ont été jetés à terre, des bou

tiques et des maisons ont été dévalisées, les soldats ont

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ARCHIVAS MAROCAINES

dépouillé les uns, fait prisonniers les autres, et le châti

ment de la vie future et de celle de ce monde commença

pour eux. Mais dès que la force victorieuse de Dieu eut

triomphé, et que la victoire fut décidée, nous avons fait

proclamer le pardon, et fait cesser le meurtre et l’empri

sonnement, par égard et par compassion pour eux, et pour

voir quelle serait leur attitude, et si leur pénible aveugle

ment cesserait. Au ‘a.sar de ce même jour, les ‘oiilamâ,

les chorfa, les notables et les experts sont venus inter

céder pour que nous leur pardonnions, à condition qu’ils

paieraient les droits, exécuteraient les conventions, et que

les charges et impositions dont ils étaient grevés du vivant

de Notre Maître sanctifié ne seraient pas augmentées.

Nous nous sommes laissé fléchir à ces conditions, et nous

avons accédé à leur demande, moyennant l’observation

des règlements prescrits.

 

« Nous vous faisons part de ce qui précède pour que

vous vous réjouissiez de la victoire de Dieu et afin que

vous connaissiez la réalité des faits. De cette façon vous

ne prêterez pas l’oreille aux nouvelles trompeuses, et vous

repousserez les propos des agitateurs qui ne rendent

aucun culte à Dieu et qui ne cherchent qu’à jeter le trouble

dans les croyances et parmi les croyants.

 

« Salut.

 

« Le 4 rabî’ II de l’année 1291. »

 

Après cela, le Sultan (Dieu le glorifie !) fit emprison

ner le gouverneur de Fâs, Dris Esserrâj, son fils, et

deux autres chefs de la révolte. Il les exila à Murrâkush et

nomma gouverneur de Fâs un de ses qâ’îd-s, le qàïd

Eljilâni bn Hammo Elbokhâri. L’ordre fut ainsi rétabli.

Parmi les poésies composées sur cet événement, est

celle de notre ami lefqîh, le lettré délicat Abou ‘Abdallah

Muhammad bn Nâçir Harakât Esslâoui (Dieu le con

serve !).

 

Après cela, le Sultan (Dieu le glorifie !) se mit à former

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

l’infanterie, en développant le recrutement qui existait

du temps de son père. Il imposa 500 hommes à Fâs, (>00

aux DcuxHives et 200 à chacun des ports. Il ne prit pas

un seul homme à Murrâkush ni dans Y’amàla de cette ville.

La population, malgré son mécontentement, fournit tous

les hommes qu’elle put donner, et le Sultan s’occupa lui

même de les passer en revue et de les organiser.

Pendant son séjour à Fâs, un hérétique fit son appari

tion dans Y’amâla d’Wujda. Il s’appelait Boù ‘Azza Elhabri

(ce nom est l’ethnique de llabra, branche des Souéïd, qui

fait partie du groupe hilàlien des Bni Màlek bn Zogha).

Cet homme, à ce que l’on raconte, traçait des lignes sur

le sable et se livrait à la sorcellerie. Des fripons sans tra

vail se firent ses disciples et se réunirent autour de lui.

Il s’approcha des frontières du pays et on parla beaucoup

de lui. Le Sultan, qui était déjà résolu se rendre dans

cette région qu’il voulait pacifier en faisant disparaître les

promoteurs de révolte, accéléra ses préparatifs, fit faire

de nouvelles tentes, habilla les troupes d’infanterie et de

cavalerie, aussi bien les anciens soldats que les recrues,

et après les avoir passées toutes en revue, il quitta Fâs le

15 rejéb 1291. Dans la seconde nuit qui suivit son départ,

il était campé chez les Aït Chegroussen, quand Boù ‘Azza

Elhabri, accompagné de Sa’id bn Ahmad Echchegroussni,

chérîf Idrisi, diton, vint attaquer la mhalla. Après un

moment de trouble, les hommes se reprirent, chacun se

mit à son poste, on braqua les canons et tout l’appareil de

guerre sur l’ennemi qui fut mis en déroute, et dont il

ne fut plus question. Plusieurs partisans d’Elhabri furent

arrêtés et quelques têtes furent coupées.

 

Le Sultan (Dieu le glorifie !), à la tête de ses troupes com

posées du guéïch fortuné toujours victorieux, de l’infanterie

régulière et des combattants des tribus du Maghrib, arabes

et berbères, marcha sur les Bni Saddén et les Ait Che

groussen, les punit et répandit parmi eux le meurtre et le

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ARCHIVES MAROCAINES

pillage. L’armée dévasta leurs cultures et bouleversa leurs

terrains et leurs maisons, et ils durent se réfugier chez

les Bni Ouaraïn. Le Sultan (Dieu le fortifie !) ordonna de

livrer combat à ces trois tribus à la fois. Bientôt les Bni

Ouaraïn vinrent auprès du Sultan pour se disculper et lui

déclarer qu’ils ne faisaient pas cause commune avec les

autres. Il accepta leurs excuses et leur donna un gouver

neur choisi parmi leurs notables.

 

Les Bni Sâddén et les Aït Chegroussen vinrent à leur

tour humblement demander pardon au Sultan, qui leur par

donna et les frappa d’une contribution de 100.000 mitsqâls

et de 400 chevaux. Ils se soumirent à cette obligation, et

lorsqu’ils l’eurent entièrement remplie, le Sultan (Dieu

le glorifie !) continua sa route sur Tâza dans les premiers

jours de cha’bân.

 

Le Sultan fit son entrée dans cette ville, peu de jours

après. Dès son arrivée, les tribus de la région envoyèrent

leurs députations, qui déclarèrent leur obéissance, se ran

gèrent dans la partie de la communauté musulmane et se

montrèrent prêtes à servir, autant que cela était en leur

pouvoir. Puis arrivèrent les ‘Arab Elalilàf et leurs voisins,

amenant avec eux leurs grandes litières portées sur des

chameaux, couvertes de toutes sortes de bijoux et des or

nements propres à ces tribus, et qu’ils revêtent dans les

grandes occasions. Le Sultan (Dieu le glorifie !) les reçut

tous avec la bienveillance et les bons procédés nécessaires,

à l’exception de trois fractions des Giyâtsâ voisins de Tâza,

les Bni Boù Guéïtoûn, les gens d’Echcheqqa et ceux

d’Eddoùla, qui attaquaient constamment les habitants de

Tâza et les dévalisaient. Le Sultan (Dieu le fortifie !)

obligea ces derniers à payer leurs contributions arriérées,

qu’ils versèrent surlechamp, puis il les frappa d’une

amende supplémentaire de 30.000 douros, au profit du

Trésor, qu’ils payèrent sans résistance. Quant aux autres

fractions des Giyâtsâ, elles ne versèrent que leurs zakât

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

et leurs ‘ashûr-s, et se montrèrent pleines de soumission

et de bonne volonté.

 

Durant ces journéeslà, Elhabri fut amené prisonnier

au Sultan. Lorsque le Sultan lui avait donné la chasse et

poursuivi ses partisans, il avait pris la route du Sahara.

Repoussé de pays en pays, chassé de ravins en précipi

ces, il avait fini, poussé par un destin vengeur, par arri

ver chez les Bni Klàl, à quatre étapes de Tàza. Les gens

de cette tribu l’avaient fait prisonnier et l’amenaient

captif au Sultan, entre les mains de qui ils le rCommandeurent,

ligoté et à bout de forces. Elhabri eut une attitude repen

tante, humble et soumise. Le Sultan (Dieu le glorifie!) ne

voulut pas verser son sang, et le fit promener sur un

chameau dans toute la mhalla. Il l’envoya ensuite à Fâs,

où il fut de nouveau promené dans tous les marchés de la

ville, puis mis en prison.

 

Après cela, le Sultan (Dieu le glorifie !) poursuivit sa

route. Il arriva à Qasbat Selouân, sur les confins du Ma

grib, dans la direction du Chèrg. Les tribus de cette

région lui apportèrent leurs présents et la moâna, et lui

témoignèrent beaucoup de joie et d’allégresse. Une per

sonne qui se trouvait là lui a raconté que les populations,

voulant recueillir sa bénédiction, se pressaient en foule

autour de lui pour baiser sa main, son étrier, et poser sur

leurs yeux les pans de ses vêtements.

 

Dans les premiers jours de ramadan, dans la nuit du

5 au 6, ou celle du 6 au 7, il y eut une pluie d’étoiles qui

se produisit dans une confusion et un désordre effrayants.

Les unes suivaient la direction de l’est, les autres celles

de l’ouest, d’autres enfin affectaient une forme toute par

ticulière. C’était tout à fait le spectacle décrit par Ela’ma

dans ce vers

 

« On eut dit que des tourbillons de poussière volaient

sur nos têtes et que notre pays était la nuit dont les étoiles

nous caressaient. »

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AIICIIIVES MAROCAINES

 

Cette révolution sidérale dura jusqu’à l’aube.

Le Sullan (l)iou le glorifie !) demeura dans cette région

jusqu’à la ‘ayd al-fitr, qu’il célébra là

avec un éclat tout particulier. Les ISeni Y/.nàsén y assistè

rent, Sûs la conduite de leur chef Elhûdj Muhammad

bn Elbachir heu Ales’oùd, qui ollïit ait Sullan de nom

breux présents et en recul, le commandement de toutes

les tribus du pays, y compris les Boni Y/.nàsén.

Le Sultan (Dieu le glorilie !) se remit en route pour ren

trer à Fés. Surpris par la mauvaise saison dans ces mon

tagnes el ces plaines, où le froid vif et la rareté des vivres

firent péril un grand nombre de soldats, et oùtoutle monde

eut beaucoup à souffrir, il fit preuve (Dieu le secoure !)

d’uue sollicitude et d’un dévouement dont le bruit se

répandit au loin et dont on parla partout. Sa marche

était celle des humbles il s’occupait des malades pour

les faire soigner, veillait à l’ensevelissement des morts,

faisait porter ceux qui ne pouvaient plus marcher, et

fournissait de l’aide à tous ceux dont la charge ou la

bête tombaient. 11 en fut ainsi jusqu’à son arrivée à Fâs,

où il arriva assez à temps pour y célébrer la fête des Sa

crifices.

 

Il donna alors tous ses soins à l’infanterie, dont il tint à

s’occuper lui-même. Il passa ces troupes en revue, ins

pecta les listes de leur tnoûna et de leur solde, et se ren

dit ainsi compte que les administrateurs avaient exagéré

les dépenses d’une manière fictive. Il infligea plusieurs

punitions et ordonna des destitutions. Ensuite il fit em

prisonner le chef des troupes du Sûs, Al-Hâjj Menno

Elhahi. Cet homme était brave et courageux, mais son or

gueil et les libertés qu’il prenait avec le gouvernement et

ses chefs le rendaient si intolérable qu’il fallait le punir. Il

fut bâtonué et mis en prison son argent et ses biens furent

confisqués. Il est encore en prison en ce moment. Plus

tard il fut mis en liberté et alla habiter Murrâkush en 1305.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Ce fut à cette époque que le Sultan (Dieu le fortifie!)

entreprit la construction de son palais, élevé en Dieu,

qui surpasse les monuments élevés par Elinou’tanud et

les coupoles cl’Ezzohra. L’emplacement qu’il choisit fut

une partie du parc d’Amina, à l’intérieur de Fâs Elje

did, où il lit arracher les arbres. Il fit bâtir d’abord un

magnifique pavillon, d’une beauté surprenante et d’un vif

éclat, sur le modèle, diton, des pavillons élevés par Elmo’

tamid à Séville. A côté, il fit construire le grand palais, qui

est, ce qu’on assure, une des merveilles du inonde. Ses pro

portions, sa décoration, ses sculptures étonnantes, ses mar

bres superbes, ses revêtements de zoulléïj plus beaux que

des parterres de fleurs,les tapisde l’Inde et les porcelaines

multicolores qu’il renferme, font que, suivant ce que m’a

assuré quelqu’un qui l’a vu, pas une dynastie du Maghrib

n’a élevé un pareil palais. Les portes vinrent du pays des

chrétiens chacune d’elles coûta, diton, 15.000 douros.

Les clous sont en argent doré et le bois qui a servi à les

fabriquer est de la meilleure espèce qu’on puisse trouver

et n’a pas de prix. L’imagination est troublée, les yeux

sont éblouis par les dallages en marbre et les sculptures

qui s’y trouvent. Les autres portes sont en cristal doré et

élégamment gravé. Il fit venir, pour meubler ce palais, des

marchandises européennes pour des milliers de douros

on y voit des tapis et des kûïtis brodés, dont on ne peut

connaître le prix, ni la source, ni l’origine. Enfin il s’y

trouve quantités de salons superbes, de chambres admi

rables, agréables par leur forme et surprenantes par leur

style et leur dallage.

 

Pendant qu’il était à Fâs, le Sultan (Dieu le fortifie !)

ay.ant été avisé de divers actes d’indépendance commis par

Ould Elbachir bn Mes’oûd, décida d’envoyer un gouver

neur pour lever des impôts en son nom dans cette région.

Il donna à son frère Mawlay ‘Ali le commandement d’une

armée, lui ajoignit le qàïd Abû Zéïd ‘Abderralimânbn

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ARCHIVES MAROCAINES

Echchlih Ezzeràri avec le rang de vizir pour lui servir

d’auxiliaire, et les fit partir pour la direction d’Wujda. Bn

Echchlîh était alors gouverneur de l’ `amQlal de Tâza, et les

gens d’Wujda et des environs, qui n’aimaient pas avoir

pour gouverneur Ould Elbachîr, le désiraient parce qu’il

était renommé et influent dans cette contrée. Peutêtre

même les ‘Arnbs Angàd se mirent-ils en correspondance

avec lui. Quand cela parvint aux oreilles de Ould Elba

chir, il n’en fallut pas davantage pour augmenter l’inimi

tié entre lui et Bn Echchlih, et immédiatement le Sultan

(Dieu le fortifie !) envoya Bn Echchlih à Wujda comme

gouverneur de la ville et des environs, avec mission de

percevoir les impôts de la région et de surveiller l’état

et les affaires du pays. C’est alors que Ould Elbachir, sa

chant qu’il ne pourrait pas vivre en bonne intelligence

avec lui, se mit en révolte et résolut de le chasser du pays

et de le renvoyer à l’endroit d’où il était venu. Ould El

bachîr était jusqu’alors soumis au Sultan, mais les cir

constances que nous avons rapportées avaient déterminé

chez lui ces mauvaises dispositions. Quand Bn Echchlih

fut proche de son territoire, il marcha sur lui avec ses ca

valiers et ses hommes à pied, et dès sa rencontre avec

l’avantgarde de l’armée, la lutte s’engagea, et un grand

désordre s’en suivit. Ould Elbachir ne voulait pas s’atta

quer au frère du Sultan, ni à son armée il se proposait

au contraire de le servir et ne désirait pas autre chose

que repousser son ennemi. Mais son plan ne put se réali

ser. D’ailleurs son plan était une faute. On ne peut pas

donner le nom de soumission à une pareille attitude.

L’armée fut battue, et les Bni Yznâsén ainsi que les

‘Arab-s s’attaquèrent à la mhalla et la pillèrent. ‘Abder

rahmân bn Echchlih s’en retourna auprès du Sultan (Dieu

le glorifié !) qui était à Fâs, et lui fit part de ce qui s’était

passé. Peu après, Ould Elbachîr écrivit au Sultan pour se

justifier de la façon dont Bn Echchlih et sa mhalla

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

avaient été traités, disant qu’il lui était toujours soumis et

que ses dispositions n’avaient pas varié, que le pillage de la

mhalla était le fait de quelques mauvais sujets qui avaient

agi sans autorisation, qu’il n’approuvait pas ces actes,

et qu’il était disposé à payer largement tout ce que cette

mhalla avait perdu. Mais le Sultan (Dieu le glorifie !) laissa

cette aflaire en suspens, se réservant de la régler plus

tard.

 

Il venait en effet de recevoir de mauvaises nouvelles au

sujet de Abou ‘Abdallah Muhammad Elgountâfi, chef du

Jebel Tinmellel. Ce personnage était à l’origine un des

shaykhs de sa tribu, qui était commandée par le qâ’îd du

guéïch de Ehl Sûs, Abou Ishâq Brahîm bn Sa idEljerâoui.

Elgountâfi était plus circonspect qu’un corbeau et plus

difficile à surprendre qu’un vautour. Il s’était construit

une forteresse sur le sommet du Jebel ïinmellel, où

avait commencé l’apparition du Mehdi des Almohades, et

s’y tenait fortifié. Il payait, d’ailleurs, sans la moindre résis

tance, au qâ’îd Eljeràoui, tout ce que Celui-ci ordonnait de

verser, mais ne consentait jamais à descendre vers lui.

Ce qâ’îd étant venu à mourir, le Sultan donna le com

mandement du guéïch Sûsi et de tout ce qui rentrait

dans ses attributions à son esclave le qâ’îd Ahmad bn

Mâlék. Celui-ci, s’étant montré plus exigeant envers

Elgountâfi, et ayant pris visàvis de lui une attitude diffé

rente de celle de son prédécesseur, Elgountâfi lui tint

tête et fit savoir publiquement qu’il était soumis au Sultan,

que respectant le serment d’obéissance qu’il lui avait prêté,

il y resterait fidèle jusqu’à la mort et jusqu’à sa résurrec

tion, mais qu’il ne reconnaîtrait pas l’autorité de Ahmad

bn Mâlék, quand bien même on le jetterait dans les

flammes. Ahmcd bn Mâlék écrivit alors au Sultan, qui

était à Fâs, et lui fit savoir qu’Elgountâfi avait secoué le

joug de l’obéissance et s’était mis en dehors de la conunu

nauté. Des agitateurs répandirent le bruit qu’il voulait se

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ARCHIVES MAROCAINES

rendre indépendant, comme l’avaient été les habitants de

celle montagne pendant septcents ans. 11 se peut qu’il eut

lui-même ces intentions. Ibn Khaldoûn raconte que de son

temps les gens de cette montagne vivaient dans cette con

dition. Ahmad J)en Mâlék demanda en même temps au

Sultan l’autorisation de diriger une expédition contre ce

(joimtftfi. Sur l’ordre du Sultan, il envoya contre lui un

escadron du yuèïch qui fut taillé en pièces. Les propos et

les racontars des agitateurs ne firent qu’augmenter. Une

seconde colonne, plus considérable que la première, fut

ensuite envoyée par Bn Màlék. Elgountâfi la défit aussi,

et s’empara d’un certain nombre des gens qui la compo

saient. 11 rendit la liberté aux réguliers du Sultan pour

témoigner de son obéissance, mais il trancha la tête à

tous ceux qui appartenaient aux tribus de son voisinage:

ils étaient très nombreux. Cette affaire du Gountâfi faisait

déjà scandale dans le Howz et peu s’en fallait qu’elle n’y

provoquât des désordres. Elgountâfi envoya son fils auprès

du Sultan à Fâs, et lui écrivit pour lui exposer son affaire,

lui disant qu’il était opprimé par Ahmad bn Mâlék, que

c’était dans l’état de légitime défense qu’il s’était ainsi

comporté avec la colonne mais qu’il n’avait pas tué un

seul régulier. Il multiplia les excuses, les intercessions,

les objurgations et les immolations, si bien que le Sultan

(Dieu le glorifie différa sa décision.

 

Mawlay Elhasan quitta Fâs le 15 ramadan ‘1292 et arriva

à Ri bât. Al-Fath, la veille de la ‘ayd al-fitr,

ôans la nuit1.

 

Un fait curieux se produisit à ce momentlà. Une

troupe de douze individus, dont le témoignage devait ser

vir à établir un acte de notoriété, arrivèrent chez le qâçli

Abû ‘Abdallah Muhammad bon Brâhîm. (Dieu lui fasse

miséricorde !) dans la nuit du 28 au 29 ramadan, et lui

1. TexLe arabe, IV’ partie, p. 245.

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DYNASTIE ALAOUIE DU J1AROC

 

déclarèrent qu’ils avaient vu le premier quartier de In

lune de chouwùl après le coucher du soleil et cela d’une

façon sûre, et qu’ils n’avaient à ce sujet ni doute. ni hési

tation. Le qâdi écouta leur témoignage, le consigna par

écrit et écrivit au Sultan qui se trouvait à Qnrmiin. Dans

la nuit même, le Sultan se mit en route et arriva à son pa

lais. Le lendemain matin, il commença la l’ète ainsi que

les habitants des DeuxHives et des environs, et bon

nombre de gens du reste du Maghrib venus pour la célébrer

avec le Sultan. Mais au dhor, les astronomes du gouver

nement constatèrent que la fêle ne pouvait certainement

pas avoir lieu ce jourlà qui était le 29 du mois de rama

dan et en parlèrent. On en lit grand bruit, et la majorité

de la population resta cependant dans le doute. Au cou

cher du soleil, on surveilla l’apparition (lu croissant, car le

ciel était très clair, sans le moindre nuage, mais on ne

vit absolument rien. Le Sultan (Dieu le glorifie lit aus

sitôt crier que l’on devait jeûner le lendemain, parce que

ramadan n’était pas fini. On jeûna donc le lendemain. Le

croissant apparut comme d’habitude, et on put constater

le mensonge des témoins, qui furent mis en prison, puis

remis en liberté au bout de peu de temps.

 

La fête célébrée, le Sultan se mit en route pour Mor

râkch. Arrivé à Zâwiyat Bn Siisi, entre le territoire des

Rhâmna et des Zemrân, il établit là son camp pour châ

tier les Rhâmna qui avaient commis des actes (le rébellion.

Il leur imposa des sommes d’argent qui « chargèrent leurs

dos », et les obligea à lui fournir un nombre de soldats et

,de chevaux qu’ils eurent beaucoup de peine à réunir. Il

ne consentit à lever le camp que lorsqu’ils se furent ac

quités de toutes ces obligations. Il fallut encore pour

cela que les chérîfs et les descendants des marabouts de

Murrâkush vinssent intervenir auprès de lui en leur faveur

et le presser de se rendre à son palais. Cédant à leurs in

tercessions, le Sultan (Dieu le fortifie !) quitta, le dernier

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ARCHIVES MAROCAINES

jour de doùlqa’da, le territoire des Rhâmna où il avaitfait

un séjour de seize jours. Son entrée à Murrâkush fut une

journée mémorable.

 

Le 4 doi’ilhedja suivant, eut lieu l’arrestation de 280 no

tables des Oulfld Bessebâ’. Cette tribu du Hortz s’était

livrée à une de ces révoltes qui lui sont habituelles ses

méfaits avaient été considérables et s’étaient étendus très

loin. Insurgés contre leur gouverneur Si ‘Abdallah bn

Bel’aïd, les Wulâd Bessebâ’ avaient attaqué le qâ’îd

Abû I.Iafs ‘Omar Elmtoùggui. La guerre avait éclaté

entre eux et les partisans de leur gouverneur Bn Bcl’aïd

qui s’était enfui à Fâs auprès du Sultan. Celui-ci (Dieu le

glorifie !) leur « rendit les rênes » et leur donna comme

gouverneur le qâ’îd Abou ‘Abdallah Muhammad bn

Zerouàl Erralimâni c’était une feinte de sa part, pour les

faire rentrer dans le calme et leur donner confiance. Ar

rivé à Murrâkush, il imposa aux tribus du Hawz la fourni

ture de contingents celui des Wulâd Bessebâ’, qui était

de 300 cavaliers, se rendit à la ville avec ses chevaux et

ses armes. Le Sultan (Dieu le fortifie !) avait déjà com

mencé à passer en revue les contingents des tribus à l’in

térieur du Mechonan de Bûlkhesîsât. Quand ce fut le

tour des Wulâd Bessebâ1, les portes furent fermées, on

les arrêta, on leur enleva leurs armes et on les conduisit

en prison ils étaient 280, comme nous l’avons dit. Après

cela, le Sultan (Dieu le glorifie !) envoya dans leurs

douars un peloton du guéïch, commandé par le qâ’îd

Al-’Arbi Errahmâni, qui y reste campé pour leur faire ver

ser une amende de 60.000 douros, qu’ils payèrent immé

diatement en vendant à vil prix leur bétail. Le Sultan

manda alors leur gouverneur ‘Abdallah bn Bel’aïd, qui

était encore à Fâs et, dès son arrivée, le rétablit comme

gouverneur de cette tribu, qui rentra dans le calme et

l’obéissance.

 

Jusqu’aux derniers jours de safar de l’année 1293, le Sul

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DYNASTIE ALAOUIS DU MAROC

 

ARCH. MAROC. 20

 

tan travailla activement à réunir et à armer l’infanterie1. 1.

cette époquelà, Abou ‘Abdallah Muhammad Elgoun

tâfi, chef de la montagne, se rendit auprès de lui, couvert

de la protection du marabout Abou ‘Ali Elhasan bn Tîm

kîlécht. Il le reçut, lui pardonna, lui donna l’hospita

lité ainsi qu’à ses compagnons, et le nomma gouverneur

de sescontribules, si bien qu’il s’en retourna plein de joie.

Le Sultan (Dieu le fortifie !) célébra ensuite la fête du

Moùloùd glorieux, avec tout l’éclat que lui donnaient ses

ancêtres généreux (Dieu sanctifie leurs âmes! et place

dans les hauteurs célestes leur naissance et leur trépas !).

Les oreilles furent ornées des éloges du Prophète dans

la nuit bénie à la mosquée spécialement affectée à cette

cérémonie et l’on récita les poèmes des lettrés de l’époque.

Après la fête, le Sultan (Dieu le secoure !) distribua des

costumes au guéïch, à l’infanterie, aux secrétaires et même

aux amîns et aux tolba.

 

Le 1er rabî’ II, il quitta Murrâkush pour se rendre dans le

Nord. Il visita d’abord le mausolée des Bni Anigâr au

Ribât de Tît, puis passa par Eljedida. Là, il examina la

situation de ce port, s’occupa des borjs et des murs, et fit

un tir au canon son tir fut excellent et atteignit le but.

Tous les négociants de la ville, musulmans, chrétiens et

juifs, lui offrirent un présent, qu’il accepta, et en échange

duquel il leur donna des cadeaux. Avant son départ de

Murrâkush, il avait écrit (Dieu le glorifie !) au gouverneur

de la ville d’Anfa, le qâ’îd illustre et dévoué Abû ‘Abdal

lâh Al-Hâjj Muhammad bn Drîs bn HUmmân Eljerrâri,

de se rendre à Eljedîda et d’y attendre ses ordres. Ce

qâ’îd avait suivi ses instructions. Reçu par le Sultan, lors

de son arrivée à Eljedîda, il lui demanda de lui renou

veler le dahîr de respect et d’égards, que son père et lui

avaient obtenu du glorieux sultan Mawlay ‘Abd Ar-Rahmân

1. Texte arabe, IV* partie, p. 246.

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ARCHIVES MAROCAINES

et de sou lils le sultan Sitli Muhammad, Dieu leur fasse

miséricorde Le Sultan accéda à sa demande et lui écrivit

un dahîr, dont voici le texte

 

« Louange à Dieu seul

 

« Dieu prie pour Noire Seigneur et Maître Muhammad

et sur sa famille

 

«Notre présente lettre (Dieu l’exalte et glorifie l’ordre

qu’elle contient, et la compte, pliée ou dépliée, au nombre

des bonnes œuvres !) doit rester entre les mains de sou

bénéficiaire, notre digne serviteur le tâleb Muhammad

hen Dris Eljerrari, pour faire connaître que, grâce à la

puissance et la force de Dieu, nous lui avons concédé le

rang dont il a joui, lui et son père, auprès de nos ancêtres

généreux, que nous jetons sur lui, sur ses enfants et ses

frères, un regard de considération et de respect, qu’ils

ne verront que du bien de la part de notre personne élevée

en Dieu, parce qu’ils sont nos serviteurs et appartiennent

à une famille aimante et dévouée, que nous ne les ahan

donnerons, ni ne les oublierons et que nous ne leur ferons

pas perdre le fruit de leurs services passés, et que nous

ne leur enlèverons rien de la considération dont ils jouis

sent, avec l’aide et la puissance de Dieu.

 

« Salut.

 

« Notre ordre glorifié en Dieu à ce sujet a été édicté le

9 rabi’ II de l’année 1293. »

 

Ayant terminé ce qu’il avait à faire à Eljedida, le Sultan

(Dieu le glorifie !) partit pour Azemmoûr. La population de

cette ville le reçut avec joie et allégresse. Ému de cet

accueil, il se montra plein d’amabilité, fit des vœux pour

elle et visita le mausolée du cheikh Boù Cha’îb et celui i

de Abû ‘Abdallah Muhammad Oua’doûd (Dieu soit satis

fait d’eux !) devant lesquels il immola des victimes. Il fit le

tour des murs de la ville et des borjs, et ordonna de

consolider l’un d’eux, celui qui fait face au port.

Un ou deux jours après, il quitta Azemmoûr et s’arrêta

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

dans la ville d’Anfa, où il entra le 23 rabî’ II. Il retira le

gouvernement de cette ville au qàïd Abû ‘Abdallah ^Mo

hammed lion Dris Eljerràri et nomma à sa place Elhiuhlj

‘Abdallah bn Qâsém Hassâr Esslàoui. Il écrivit ensuite

a Abû ‘Abdallah Eljerràri, pour lui annoncer qu’il était

nommé gouverneur d’Eljedkla et de son ‘amalat. Voici le

texte de la lettre qu’il lui adressa

 

« A Notre digne serviteur, le tâleb Muhammad bn

Duis Eljerràii, Dieu vous protège

 

« Le salut soit sur nous, ainsi que la miséricorde et les

bénédictions du TrèsHaut

 

« Ensuite

 

« Nous vous avons retiré le gouvernement d’Eddàr

Elbaïda pour vous donner celui Ce n’est pas

une destitution motivée par votre conduite ou par une

négligence dans vos fonctions, mais Une décision motivée

par des considérations d’intérêt général, pour mettre au

premier rang les allaues les plus importantes. Vous êtes

des nôtres et vous nous appartenez. Votre famille est une

famille de serviteurs, nous ne vous abandonnerons, ni ne

vous négligerons, ni ne vous amoindrirons|en quoi que cesoi t.

« Salut.

 

« Le 23 rabî’ II de l’année 1293. »

 

Le gouverneur est un des ‘âmil-s les plus en vue,

les plus intelligents, les plus habiles et les plus dévoués

du Sultan (Dieu le secoure !). Les trois souverains, Mawlay

‘Abd Ar-Rahmân, son fils Sidi i Muhammad et son petitfils

Mawlay Elhasan (Dieu soit satisfait d’eux !), lui ont confié

successivement les fonctions de ‘âmél, qu’il a toujours

exercées, jusqu’à ce jour, avec compétence et dévouement

et à la satisfaction de tous. Dieu nous conserve, ainsi que

lui et tous les Musulmans Ainsi soit-il

 

Arrivé à Ecldâr Elbaïdâ, le Sultan (Dieu le glorifie !) ins

pecta les borjs de la ville et ordonna aux art-illeurs de pla

cersurla nier des cibles, appelées qrîbiyyât, sur lesquelles

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ARCHIVES MAROCAINES

ils devaient tirer en sa présence. Il est possible qu’il tira

aussi lui-même. Le tir terminé, il passa par Bab Elmarsà,

et visita le lieu où sont débarquées les marchandises des

négociants. Il en fit un examen attentif, comme il l’avait

fait à Eljedida, et promit d’améliorer le môle au bord de

la mer, dont l’état rendait particulièrement fatigant pour

les marins l’embarquement et le débarquement des mar

cliandises. Il passa deux jours à Eddâr Elbaïda sa Mhalla

était installée à l’extérieur de la ville. Les négociants

chrétiens, juifs et musulmans lui offrirent un cadeau. Les

chrétiens donnèrent des signes d’allégresse, ils pavoi

sèrent leurs maisons de drapeaux et tirèrent des feux

d’artifices qu’ils lancèrent dans les airs. Le Sultan (Dieu

le glorifie !) se montra très bienveillant pour eux et donna

à certains d’entre eux des chevaux en retour de leur pré

sent. Ces cadeaux les remplirent de joie ils informèrent

les gens de leurs gouvernements, et racontèrent tout cela

dans leurs journaux et leurs correspondances.

Durant cette période, le Sultan (Dieu le glorifie !)

envoya son serviteur distingué Abû ‘Abdallah Al-Hâjj

Muhammad bn Al-Hâjj Ettâhar Ezzebdi Errebâti, en

qualité d’ambassadeur, auprès des gouvernements d’Eu

rope, comme la France, l’Angleterre, l’Italie et la Bel

gique.

 

Il le chargea de porter de précieux cadeaux, et lui remit

des sommes importantes qu’il dépensa durant son voyage.

Cet ambassadeur fut accompagné du digne amîn Si Bn

nâsar bn Si Al-Hâjj Ahmad Gannâm Errebâti, en qualité

d’amîn et de trésorier, et de notre ami le fqîh délicat,

l’astronome et le calculateur de l’époque, le chérîf Abûl’ `

alâ Dris bn Muhammad Elja’îdi Esslâoui, en qualité de

secrétaire. Ils se rendirent donc auprès. de ces gouverne

ments et remplirent leur mission dans les conditions les

plus satisfaisantes. Ils revinrent fort contents dans les

derniers jours de cha’bân.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Notre ami Abûl’alâ a écrit sur ce voyage une rihla

magnifique, intitulée: Tohfat el ahbûr biyarûtbelakhbûr,

où se trouvent toutes les choses curieuses et remarqua

bles qu’il a vues, et où sont décrites les industries euro

péennes et leurs machines étonnantes. A son retour, lors

qu’il se rendit auprès du Sultan (Dieu le fortifie!), il com

posa en son honneur une qasîda excellente.

 

Après cela, le Sultan (Dieu le glorifie !) partit de Casa

blanca. Il avait à sa suite une armée nombreuse, compo

sée du guéïch, du ‘askar et d’un grand nombre de gens du

Hawz, de Doukkala et de la Tâmisna. Après avoir razzié

les Ziyâïda, qui habitaient la Tâmisna, il se rendit à Ribât

Al-Fath, où il entra le lor joûinâda I01’. Il y demeura environ

sept jours, puis se rendit à Salé. Il visita les sanctuaires

de la ville, fit, à la grande mosquée, la prière du dhor,

dans laquelle notre ami le fqîh très docte et remarquable,

Abû Muhammad ‘Abdallah bn Elhâchmi bn Khadra,

lui servit à’imûm. Il entra ensuite dans la bibliothèque de

la mosquée, où sont contenus les livres de science, et les

examina. Ce jourlà, notre professeur le fqîh très docte,

le qâdi Sîdi Bon Bkeur bn Muhammad ‘Aououâd, qui se

trouvait avec lui, demanda au Sultan (Dieu le fortifie !)

d’acheter de nouveaux livres pour la bibliothèque. Le Sul

tan lui permit d’en acheter pour une somme de cent dou

ros ces livres se trouvent aujourd’hui dans la bibliothè

que. Il fit (Dieu le fortifie !) aux ‘oulamâ et aux Moujâhîds

des DeuxRives les cadeaux d’usage.

 

J’avais composé alors sur un certain sujet une qasîda,

qu’à l’occasion de l’arrivée du Sultan (Dieu le fortifie !) j’a

daptai à cette circonstance en faisant son éloge.

Après moi, le poète de l’époque, le fqîh, le lettré délicat

Abou ‘Abdallah Muhammad bn Nâçir Barakât, lut une

poésie avec la même rime, mais sur un mètre différent, qui

est une de ses poésies composée pour la fête du Moû

loùd.

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ARCHIVES MAROCAINES

 

Le Sultan (Dieu le glorifie!) quitta Ribât Al-Fath le

10 joùmâda l”1′ 1203, pour se rendre à Miknâs. Il passa

par le territoire des Zemmoîir Echchleuh, qui se rendirent

humblement et modestement auprès de lui, et cherchèrent

à gagner sa bienveillance par leurs présents el leur moilna.

Ils consentirent à payer le tribu) et à fournir les contin

gents qu’il leur imposa. Le 4 8, il entra (Dieu le glorifie !)

à Miknâs, où il demeura quelques jours, puis se mit en

route pour Fâs. Après un très court séjour dans cette ville

pour attendre la concentration des troupes, il en sortit le

15 joùmâda II pour se rendre dans le pays d’Oujdn et (les

Bni Yznâsénoù se trouvait le chef de cette tribu, Al-Hâjj

Muhammad bn Elbachîr bn Més’oûd. Il passa par Taza,

et laissant devant lui, au sudest, la chaîne rocheuse appe

lée Dr;V Elloûz, il établit ses positions de combat contre la

tribu de Gayy&tsa. Il leur imposa la moûna, qu’il fixa, dit

on, à 200 sahfa de blé et d’orge. Ils ne consentirent à lui

en livrer qu’une faible quantité, en déclarant que jamais

ils n’avaient fourni davantage aux souverains précédents.

Cette tribu n’avait pas été inquiétée depuis fort longtemps.

Fortifiée dans ses montagnes et ses vallées inaccessibles,

elle en profitait pour infliger toutes sortes de mauvais

traitements aux habitants de Tâza, Le Sultan (Dieu le glo

rifie !) décida donc de la combattre. La lutte commença

dans les derniers jours du mois, un jeudi. Il pénétra

d’abord dans leur forteresse naturelle, appelée Echcheqqa;

c’est un grand ravin, entre deux montagnes, au fond du

quel coule une rivière dont les deux rives sont couvertes

de constructions et de maisons. Il incendia tout cela, le

démolit, s’empara de l’orge, du blé, du beurre et de tout

ce qui s’y trouvait, et lit couper quelques têtes. Le lende

main, qui était le vendredi 26, le Sultan (Dieu le fortifie !)

se mit à la tête de la mhalla qui se trouvait réunie presque

tout entière, fit marcher les canons et les mortiers en avant,

et suivi des troupes, il pénétra de nouveau dans Ech

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DYNASTIE ALAOU1E DU MAROC

 

cheqqa, puis arriva au ctrur du pays des Gayvàtsa, lcui’

livra combat et les mit en déroule. Le Sultan continua à

s’avancer, à la tète de l’armée et entouré de son cortège

habituel, et atteignit les villages, sur quelquesuns des

quels il fit lancer des boulets et des bombes. Les Gayvàtsa

avaient dressé des barricades dans tous les passages et

les avaient garnis de combattants seule restait libre une

ouverture conduisant à un précipice rempli de crevasses

profondes, et garnie d’arbres épineux et de rochers amon

celés qu’on ne voyait pas et dont on ne pouvait mesurer

la profondeur avant d’arriver au bord. Quand les troupes

furent bien occupées à dévaster les cultures et les villa

ges, les gens embusqués se montrèrent tout à coup der

rière elles, et tirèrent sur elles tous à la fois. Prises

d’épouvante, les troupes revinrent à leurs anciens erre

ments qui avaient déjà amené la déroute des souverains, et

cela sans la moindre raison, car ni la force des Gayyâtsa,

ni leur nombre ne pouvaient leur assurer la défaite de

cette armée considérable, qui, si elle s’était quelque peu

défendue, leur eut résisté et les aurait battus surle

champ comme elle les avait déjà battus une fois. Mais

l’habitude était prise et elle prit la fuite. Les coups

de fusil atteignirent surtout l’entourage du Sultan le

porteétendard tomba; Mawlay ‘Arafa, frère du Sultan, fut

blessé, et Sîdi Muhammad lien Elhabîb, naqîb des sharîfs

des DeuxRives, fut tué. L’armée et ses qâ’îd-s, en se re

pliant, se dirigèrent sur ce précipice dont nous avons

parlé, et s’y précipitèrent en aveugles. Égarés par la fumée

de la poudre et la poussière soulevée par les chevaux, ils

tombèrent les uns sur les autres comme les papillons dans

la lumière, sans que ceux de derrière sussent ce qui arri

vait à ceux de devant. L’abîme fut bientôt rempli de che

vaux, d’hommes et de bagages c’était la volonté de Dieu!

Un nombre incalculable d’hommes et de chevaux périrent

là leurs débris restèrent suspendus pêlemêle dans tous

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ARCHIVES MAROCAINES

ces ravins qui brillaient au soleil comme un Le

Sultan lui-même (Dieu le glorifie !) dût mettre pied à terre

pour sortir de ces crevasses, puis remonta à cheval et ral

lia ses troupes qui se calmèrent après cette défaite. Les

(ïayyatsa se replièrent ensuite sur les sommets de leurs

montagnes, abandonnant leurs villages et leurs vergers.

Le Sultan, en deux ou trois jours, s’en empara, sans ren

contrer un seul homme de cette tribu, les saccagea, les

incendia et les rasa si complètement qu’on n’eût pu croire

que la veille ils existaient encore. Il envoya (Dieu le for

tifie !) des messages à ce sujet dans toutes les régions,

disant que la cavalerie et l’infanterie avaient rasé le pays

des Gayyâtsa, qu’elles les avaient poursuivis de tous côtés,

si bien qu’ils s’étaient réfugiés tout près du territoire de

leurs voisins.

 

Le Sultan (Dieu le secoure !) continua jusqu’à Wujda, où

il arriva dans les premiers jours de cha’bân. Les Bni

Yznâsén vinrent le saluer, humbles et repentants. Il leur

pardonna parce qu’ils formaient un des remparts des Mu

sulmans et une cohorte toujours en réserve pour la dé

fense de la religion seulement il destitua Ould Elbachîr

qu’il expédia prisonnier à Fâs, leur donna comme gouver

neurs des hommes résolus et dévoués choisis parmi eux,

et leur imposa une somme d’argent raisonnable qu’ils

commencèrent à payer, en prenant l’engagement de verser

toutes leurs contributions arriérées. Le bon ordre se ré

tablit parmi eux, et la situation de toute cette région se

trouva redressée.

 

Ayant achevé la tâche qu’il s’était imposée, le Sultan

(Dieu le glorifie !) se remit en route pour retourner à

Fâs, où il arriva dans la nuit du 27 ramadan. Il annonça

ces événements aux habitants des villes par la lettre sui

vante

 

« Nous vous écrivons cette lettre, au retour de notre

expédition fortunée. Nous sommes revenu à notre capi

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

tale élevée en Dieu de Fâs, avec de nouvelles conquêtes,

avec des bienfaits accrus. Notre arrivée a été de gloire et

de triomphe, de bonheur et de victoire.

 

« Nous avons achevé de rétablir l’ordre parmi ces tribus

et de les purger de toutes leurs vilenies. Grâce à Dieu,

nous avons obtenu dans cette expédition des marques de

bonheur, de bonne fortune et de bénédiction qui ont

rafraîchi les cœurs. Nous avons laissé les gens de ces

régions et les habitants de ces montagnes et de ces con

trées éloignées dans la meilleure situation possible Sûs

le rapport du bon ordre, de la tranquillité et de la soumis

sion à l’administration du Makhzen.

 

« Nous avons aussi laissé un détachement de notre armée

fortunée chez les tribus du Rîf, pour augmenter leur con

fiance et les liens qui les unissent à nous, dans le but de

recueillir leurs impôts arriérés et de pourvoir à la néces

sité de leur faire rendre justice de toutes les revendica

tions dont elles sont l’objet.

 

« Tous ces résultats sont le fruit des faveurs de Dieu, de

son assistance et de sa munificence envers son serviteur.

Le secours ne vient que de lui. Nous n’avons par nous

mème ni force, ni puissance, ni alliés sur qui compter.

Nous n’avons confiance ni dans le nombre, ni dans les

armes. Lui seul est notre secours et notre appui. Dieu nous

a fait connaître le prix de ses bienfaits, il nous a enseigné

à les louer et à les glorifier, et il nous a témoigné sa bien

veillance habituelle, dont les limites ne sauraient être

décrites par la plume.

 

« Nous avons décidé, dans notre jugement élevé en Dieu,

de vous informer de ce qui précède, afin que vous vous

réjouissiez aussi de l’assistance et du secours de Dieu, et

que vous célébriez ses louanges et le remerciiez de ses

vastes bienfaits.

 

« Salut.

 

« Le 26 ramadân 1293. »

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ARCHIVES ÏIAHOCAINES

Le Sultan (Dieu le glorifie !) prolongea son séjour à Fes,

et s’occupa activement de la construction de ses apparte

ments et ilo ses pavillons du lioustun Aniîm, à FâsEljeclid.

11 écrivit! Dieu le fortifie !) à son esclave Ahmad bn Màlek,

̃qâ’îd du fjuéïch saisi d’Elmenchiya à Murrâkush, de cons

truire audessus de la porte du grand palais de cette ville,

appelée IJàb Erréïs, une qoubba magnifique, très haute,

très belle et bien décorée. Il se mit à l’ouvrage dans le

mois de cliouwâl. J’étais alors charge des comptes de

diverses constructions à Murrâkush, et notamment de celle

ci; il fut dépensé pour cette qoubba plus de ‘100.000 mits

r/âls. A Miknâs, le Sultan fit édifier la grande qoubba, qui

s’élève jusqu’au ciel et qui monte si haut dans les airs

qu’elle domine toute la plaine de Sâïs qui l’environne.

Elle est passée en proverbe pour sa hauteur et sa renom

mée. Il fit bâtir aussi (Dieu le glorifie!) une superbe

fjoubba sur le mausolée du shaykh qui connut Dieu, Abou

‘Abdallah Muhammad Essâlah bn Elme’ti Eehcherqâoui

à Bûlja’d et dépensa pour cela plus de 30.000 mitstjâls

puisse son œuvre être agréée par Dieu

 

Le 10 cliouwâl, mourut le fqîh très docte, le pieux qâcli

de llibât Al-Fath Abû Zéïd ‘Abd Ar-Rahmân, fils du fqîh très

docte Sidi Ahmad ])en Ettahâmi Elbrîbri il fut enterré

dans cette ville dans la Zàouya de Ilansâla. C’était un des

qâdis\es plus remarquables de l’époque et de ceux qui ne

connaissent que la justice. II avait exercé les fonctions de

qâcli à Jiib.tt Al-Fath pendant plus de vingt ans, puis les avait

abandonnées, mais sans avoir été révoqué. Retiré chez lui,

il ne quitta plus sa maison. Cette attitude fut tolérée par

le Sultan et la population qui avaient foi en lui. Il ne

sortit plus de sa maison jusqu’à sa mort. Dieu lui fasse

miséricorde, ainsi qu’à nous et à tous les Musulmans

Le mardi 29 moharrem de l’année 12941, mourut le fqîh

1. TexLe arabe, IV” partie, p. 253.

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DYNASTIE AI.AOUIE DU MAROC

 

très docte, le lettré délicat, le poète de l’époque, Abû

‘Abdallah Muhammad bn Ahmad Akensoùs ElMurrâkushi.

Il fut enterré à Morrâkeh, en dehors de Jïùl> Evrobb,

auprès du mausolée de l’Imam Abûlqasém Essehili une

grande foule assista à son convoi funèbre. Il est l’auteur du

Kildb ElJaysh. Dieu lui fasse miséricorde

 

Dans la matinée du lundi 17 rabi’ I’1′, il m’est né un

enfant que j’ai appelé Muhammad Al-’Arbi j’en parle ici

parce qu’il naquit circoncis, ce qui est une œuvre éton

nante de Dieu. Cet enfant vit Dieu l’améliore, le fasse

grandir, et en fasse un de ses pieux serviteurs et un savant

pratiquant. Ainsi soit-il!

 

En joùmadal’ le Sultan (Dieu le glorifie!) commença,

dans sa capitale de Fâs, les préparatifs d’une hnrka tclle

qu’on n’en avait jamais vu. Il écrivit même à son frère,

Moùlav ‘Olsmàn bn Muhammad, qui était son khalil’a à

Murrâkush, de lui envoyer 620 fusils européens, ou fusils

sur lesquels se fixe une baïonnette dont l’ouverture laisse

passer les balles européennes, AIO.OOO de ces balles,

10 qanpârs de poudre, 100 qantûrs de salpêtre et deux

canons. Il ordonna aussi aux Oumana Essâïr de lui expé

dier 360 selles, (>00 costumes de drap pour l’infanterie,

15.000 belgas et 15.000 na’âlas. Il fit partir son oncle Moù

lay Elamin bn Wbderrahmàn pour Ribât Elfelh, avec mis

sion d’y réunir les soldats des ports et de rassembler les

contingents des tribus de Doukkàla, de Tamesnà, du Garb,

des Bni Hsén, etc. Il chargea son frère M où la y Elhasan

Essegîr d’appeler les contingents des tribus du Déïr et

les hommes du guéïch dispersés parmi elles. Enfin il sortit

luimème de Fâs pour se rendre a Méknôs dans les der

niers jours du mois. En apprenant son départ, les tribus

berbères s’inquiétèrent et se tinrent sur leurs gardes,

̃chacune d’elles croyant qu’elle était visée par le Sultan.

Les Mejjât et les Bni Mtîr se sauvèrent sur les sommets

des montagnes, et les ‘Arab-s ‘Amer, de la tribu des Bni

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ARCHIVES MAROCAINES

Hsén, se réfugièrent chez les Zemmoûr Echchleuh. Chacun

croyait alors que le Sultan allait razzier, cette annéelà, les

lîerbcrs des montagnes et du Sahara, mais ces craintes ne

se réalisèrent pas.

 

Durant cette période, plusieurs ambassadeurs étrangers

se rendirent auprès du Sultan (Dieu le glorifie !), entre

autres celui de France, celui d’Espagne et celui du Por

tugal. L’ambassadeur de France mit sur le tapis la ques

tion du chemin de fer et du télégraphe et de leur établis

sement dans le Maghrib comme dans tous les autres pays

kabiles. Il prétendit qu’il en résulterait de grands avan

tages pour les Musulmans et les chrétiens. Or, par Dieu

rien n’est plus dangereux; les chrétiens ont expérimenté

tous les pays ils veulent aussi expérimenter cette contrée

fortunée que Dieu a jusqu’ici préservée de leur souillure.

Demandons à Dieu de déjouer leurs stratagèmes et de

préserver les Musulmans de leurs bienfaits

 

Le Sultan (Dieu le secoure !) partit ensuite de Miknâs

vers le milieu de rejéb, à la tête d’une armée considérable

et parfaitement armée. Il passa par le pays des Zemmoûr

Echchleuh, qui lui marquèrent leur soumission et leur

obéissance entière. Des députations de tous les points de

cette tribu se rendirent auprès de lui, portant leurs éten

dards et les costumes qu’ils revêtent dans leurs mouséms et

leurs l’êtes. L’argent, la moûna, les mets qu’ils apportèrent

étonnèrent tout le monde par leur quantité, et il en fut

beaucoup parlé.

 

De là, il se porta sur les ‘Arab-s Essehoûl, de 1″amala de

Salé, les réduisit, et leur déroute fit fuir ceux qui étaient

derrière eux. Le Sultan (Dieu le glorifie !) écrivit, le

20 ramadan dans toutes les contrées pour annoncer la

victoire, le triomphe et le succès que Dieu lui avait ac

cordés, l’attitude pleine d’humilité des tribus berbères à

son égard, leur empressement à lui obéir et à le servir,

et le versement par eux d’impôts dépassant de beaucoup

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ce qu’ils avaient donne à ses prédécesseurs. « Ce résul

tat, ajoutait-il dans sa lettre, est dû simplement aux faveurs

de Dieu, à la bonne fortune et à une habile politique, sans

coup férir, sans effusion de sang. La tribu des Bni Ilkim

ellemême, qui avait donné diverses manifestations d’éga

rement, a obéi aux ordres de Dieu, leurs frères les Zem

moùr s’étant chargés de la faire revenir de cet égare

ment. » II poursuivait en disant que, pour les Schoûl, il

les avait ralliés après les avoir mis en déroute, et que,

dans l’espoir qu’ils auraient profité du châtiment reçu, il

avait jugé bon de concéder l’Amân à la majorité d’entre eux

afin de peupler leur pays.

 

Dans la nuit du jeudi au vendredi \h cha’bân, il y eut

une éclipse de lune totale pendant près de deux heures

elle cessa de briller et fut si complètement cachée qu’on

n’en voyait plus rien. Puis elle reparut petit à petit et rede

vint pleine.

 

Durant cette période, les /lods de cuivre devinrent très

rares à Murrâkush on faillit en manquer. Le douro euro

péen était devenu très cher à Murrâkush, tandis qu’il était à

bas prix à Fâs le change était, à Murrâkush, à 63 oqiyas,

tandis qu’à Fâs il était à 53 oqiyas. Les négociants de Fâs

faisaient donc venir de Murrâkush des flous de cuivre et les

changeaient en douros à Fâs ils gagnaient ainsi un mitsqâl

environ par douro. Ils se mirent tous d’accord pour faire

ces opérations et s’y livrèrent avec acharnement, si bien

que les flous devinrent rares à Murrâkush, et que ceux qui en

avaient les gardèrent à cause du bénéfice qu’ils pouvaient

en tirer. La vie devint très difficile pour les malheureux,

et la population en subit un grave préjudice. Les gens

faisaient le tour de tous les marchés avec une peseta ou un

douro sans trouver quelqu’un pour les changer; ils ne pou

vaient rien acheter pour leur nourriture, si le prix était

inférieur à une peseta.

 

Informé de cette situation, le Sultan (Dieu le glorifie !)

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ARCHIVES MAROCAINES

écrivit dans toutes les contrées pour ordonner aux popu

lations do rétablir le change du douro à 3 milsqûls et quart.

Cet ordre, qui fut crié dans les inni’chés, fut exécuté.

.Mais les choses se retournèrent contre les négociants.

Ceux-ci lenuient en réserve leurs douros et leurs pièces

d’une peseta, les flous envahirent tellement les marchés

que loules les transactions se firent uniquement dans cette

monnaie. La Laisse du douro causa aux négociants le

même préjudice que la rareté des flous aux pauvres gens.

Ils avaient acheté leurs marchandises en douros chers, et

étaient obligés de les vendre en monnaie de cuivre, avec

perle, puisq u’en convertissant le douro en cette monnaie ils

perdaient la moitié de sa valeur. Les négociants préférèrent

conserver leurs marchandises et ne pas vendre, et alors il

fut presque impossible de se fournir du nécessaire. Le

Sultan écrivit une nouvelle lettre pour diminuer de moi

tié les prix des marchandises et des aliments, afin de réta

hfir la balance entre les prix et la valeur réelle des ar

ticles de commerce. Ces ordres provoquèrent une grande

émotion et en même temps que de grandes pertes. Dieu

ne voulut pas que la monnaie revint à son état primitif. Nous

avons déjà dit d’où vient le mal les monnaies et les prix

ne feront qu’augmenter tant que continueront les échanges

avec les Européens, s’aecroissant et diminuant avec eux.

Le mercredi 3 ramadan, mourut le savant du Maghrib,

Sitli Ehnehdi bn Etlfdeb bn Souda ElFâsi. C’était un

homme très docte, d’un savoir solide et d’une diction par

faite. Il connaissait l’art d’enseigner et de faire de beaux

exposés à cet égard il a dépassé tous ses contemporains.

On dit qu’il a laissé des ouvrages, mais je n’en ai pas eu

un seul entre les mains. Dieu lui fasse miséricorde

Quoique très proche de Ribât Al-Fath, le Sultan n’y entra

pas pour célébrer la ‘ayd al-fitr qu’il accom

plit à Zobéïda dans le pays des Za’fr il y reçut les tribus

du Maghrib et les habitants des villes qui assistèrent a la

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

fêle avec lui, et leur lit, cojnino d’habitude, des cadeaux

et des distributions de vêlements.

 

La fête terminée, il désigna le gouverneur de Llihât

Ell’ell.i, le qàïd Abû Muhammad Wbdesselam bn Mo

hammed Essoùsi, Al-Hâjj ‘Abdelkérini Brîcha Elléluouni,

et Al-Hâjj Muhammad bn Wbderrezzâq bn Cheqroùn

Ell’èsi pour se rendre en ambassade à Madrid, capitale de

l’Espagne, et rendre la visite (|ue lui avait faite l’ambassa

deur de cette puissance, et dont nous avons déjà parlé.

Cette ambassade elï’eeluée, ils revinrent à temps pour cé

lébrer à Murrâkush, auprès du Sultan (Dieu le glorifie!}, la

fête des Sacrifices.

 

Après la ‘ayd al-fitr, le Sultan leva son

camp de Zobéïda pour se rendre dans la région de Mor

ràkch. II passa par Tâdla et pacifia les tribus de ce pays.

Il razzia les Déni ‘Oméïr et leur fit plus de /|00 prison

niers qui furent conduits en prison, couverts de chaînes et

de carcans. Les Béni Moùsa s’enfuirent vers les sommets

des montagnes ils en descendirent quand le Sultan leur

accorda Vamdn, vinrent se ranger Sûs son obéissance

et s’engagèrent a le servir. Puis il continua sa route

vers Morrùkch, où il arriva le 10 doùlhedja. La i’ète

y fut célébrée avec une pompe telle qu’on n’en avait pas

vu de pareille depuis fort longtemps. Le Sultan écrivit

dans toutes les contrées pour annoncer aux populations

le don que Dieu lui avait fait de la victoire, de raffer

missement, du triomphe et d’un surcroît de puissance. Son

séjour dans cette ville fut, cette fois, très long il dura

jusqu’au moment où arriva ce que nous allons raconter.

L’année 1295 fut une des années les plus mauvaises pour

les Musulmans elle fut signalée par toutes sortes de

fléaux et de calamités. Que Dieu ne leur en ramène pas

une pareille

 

1. Texte arabe, IVe partie, p. 25ô.

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ARCHIVES MAROCAINES

Il y eut d’abord la cherté des vivres, qui fut amenée et

commença par In crise que subit la monnaie au cours de

l’année précédente. Ensuite, vint la sécheresse pas une

goutte d’eau ne tomba du ciel les gens furent réduits à

la misère, les animaux périrent, et toutes provisions

s’épuisèrent. Puis ce fut la famine, et, enfin, la maladie

Sûs trois formes. Ce fut d’abord le choléra, caractérisé

par la diarrhée et les vomissements, qui sévit surtout sur

les classes moyennes dans la campagne et dans les villes.

Puis, des foules de gens moururent de faim, surtout dans

les campagnes. Les morts étaient enterrés la nuit par leurs

contribules, qui volaient leurs linceuls à Salé notamment

on en retrouva un grand nombre. Le Sultan (Dieu le glo

rifie !) ordonna alors aux ‘âmil-s et aux oumanâ des

villes de faire aux habitants des distributions de vivres

pour les nourrir. Après tout cela, éclata une épidémie de

fièvre, qui exerça ses ravages parmi les hautes classes

un grand nombre de notables furent emportés par le fléau.

Les chrétiens qui, au début de cette famine, avaient assisté,

au moyen de secours et d’aumônes, les Musulmans mal

heureux et leurs enfants, dévièrent par la suite, jusqu’à

en acheter comme esclaves. Toutes choses appartiennent

à Dieu seul il fait ce qu’il veut, il ordonne ce qui lui plaît.

L’année 1296’, commença par l’épidémie de fièvre dont

nous avons parlé. Au mois de moharrem, elle emporta le

grandvizir Abû ‘Amrân Moûsa bn Ahmad, qui était une

flamme d’intelligence, un modèle de perspicacité et de

finesse. Le Sultan désigna pour le remplacer le fqîh excel

lent Abû “Abdallah Muhammad bn Al-’Arbibn Elmoukh

târ bn Abdelmâlék Eljâm’î, qui appartenait à une famille

de vizirs et en fut le plus distingué. Suivant ce qui nous

est rapporté, il aime les gens de bien, il est bienveillant

envers les humbles et les malheureux, il aime le Sultan et

1. Texte arabe, IV° partie, p. 255.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

AFCIJ. MAROC. 21

 

lui donne de bons conseils, il est zélé pour sa personne

glorifiée, et il professe une grande aversion pour l’avidité

qui est la source de tous les maux, dans les questions reli

gieuses et matérielles. Dieu le dirige

 

Au dhor du dimanche 10 safar de cette annéelà, expira

notre professeur, le fclih très docte, le qâdi Sidi Bû

Bkeur, fils du fqîh très docte, du qâdi Sîdi Muhammad

‘Aououâd. Il était versé (Dieu lui fasse miséricorde !)

dans toutes les branches de la science et s’y adonnait

avec ardeur. Il professait beaucoup et notait beaucoup.

J’ai étudié entièrement Sûs sa direction (Dieu lui fasse

miséricorde !) un grand nombre de livres importants

le Sahlh d’Elbokhâri, près de 10 fois; le Sahîh de

Moslim, trois fois; le Chafâ du qâdi ‘Ayyàd, plusieurs fois;

le Kitâb Eliktifâ d’Abûrrabî’ Elkoulâ’î, une fois entière

ment, et une autre fois jusqu’à l’expédition de Khaïber

les Chemâïl d’Ettarmedi, deux fois, avec le commentaire

d’Abû ‘Abdallah Muhammad bn Qâsém GuesSûs; le

Ihyû d’Elgazzâli (Dieu soit satisfait de lui !) les ‘Aouârif

eltna’ûrif d’Essohraouardi, et de nombreux autres ou

vrages de grammaire, de droit, de rhétorique, de théo

logie dogmatique, etc., qu’il serait trop long de nommer.

Bref, il m’a été très ut-ile et très profitable. Dieu lui fasse

miséricorde et nous fasse participer à ses bénédictions

Il fut remplacé dans les fonctions de qâdi par le savant

.iqîh Abû Ishâq Brâhîm bn Muhammad Eljerîri, connu

Sûs le nom de Bellefqîh, qui appartient à une famille

célèbre par sa science, sa piété et ses principes rigou

reux. Il vise (Dieu lui fasse miséricorde !) à l’équité dans

ses jugements et suit dans toutes ses affaires la Loi divine

à la lettre. Dieu le dirige et le protège Notre professeur

fut remplacé, dans les fonctions de Ichatîb, par son frère

le fqîh Abûlhasan ‘Ali bn Muhammad ‘Aououâd, qui

fait d’excellents prônes et qu’on range parmi les gens de

bien, de piété et de science. Que Dieu nous seconde ainsi

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ARCHIVES MAROCAINES

 

que lui et tous les Musulmans pour réaliser ce qu’il agrée

et ce qu’il aime

 

Ce fut à cette époque que le Sultan (Dieu le fortifie !)

convoqua, auprès de Sa Majesté élevée en Dieu, a Murrâkush

son serviteur l’amîn agréé Sî Muhammad bn Ell.iâdj

Muhammad Ettâzi Erre bâti. Celui-ci se rendit auprès de

lui le Sultan le reçut avec égards et lui confia l’adminis

tration de tous les revenus du Maghrib, impôts, ports,

mouslafdd, ainsi que des dépenses qui en découlent. Il lui

donna, à cet égard, les pouvoirs les plus pleins, car il con

naissait son dévouement, sa probité et son ordre. Cet

homme est un des plus remarquables du Maghrib, des plus

sûrs, des plus dévoués au Sultan, des plus zélés dans la

défense de la religion et du pays. Si le gouvernement

possédait dix hommes comme lui, il serait permis d’espérer

pour lui une entière réussite. Demandons au TrèsHaut

de l’améliorer et d’affermir, par sa grâce, sa puissance et

son prestige!

 

Au mois de rabî’ II, les autorités des DeuxRives reçu

rent du Sultan (Dieu le glorifie!) l’ordre de lui envoyer

un certain nombre d’oumanâ et de ‘adoùls du pays, pour

remplir des emplois sharîfiens dans les ports du Maghrib.

Ceux-ci se rendirent auprès du Sultan à Murrâkush. Parmi

eux se trouvait mon frère en Dieu le fqih très docte, le

hâfid Abû Muhammad ‘Abdallah bn Elhâchmi bn

Khadra Esslâoui, qui récita en l’honneur du Sultan (Dieu

le secoure !) un poème.

 

Quand le Sultan (Dieu le glorifie !) prit connaissance

de cette qasîda, il s’en réjouit beaucoup et fit demander à

son auteur ce qu’il désirait en récompense. Celui-ci de

manda l’autorisation de rendre des fetouas, un clahîr lui

assurant les égards et le respect, et une faveur témoignant

de l’intérêt que lui portait le Sultan. Celui-ci (Dieu le glo

rifie !) lui fit don de l’autorisation de rendre des fetouas,

d’un dahîr lui assurant le respect, et lui concéda une

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

rente sur les habous de la mosquée de Bn Yoùsef, à

litre d’indemnité pour y donne ses leçons.

 

Quelque temps après, le Sultan (Dieu le fortifie !) par

tit de Morràkeh pour se rendre dans le Nord, le 1C1 joù

mâda I°r 1296. Il passa par Tâdla et attaqua la tribu des

Ait A’tâb il alla la frapper jusque dans ses ravins et ses

forteresses les plus solides, et emporta 21 tètes. De là il

descendit chez les Bni Moùsa, qui lui firent leur soumis

sion et lui donnèrent les marques de l’obéissance. Pro

tégé par la victoire et le succès, il poursuivit sa route vers

Miknâs. Arrivé aux approches de cette ville, il marcha

sur les Béni Mtir. Les désordres de cette tribu avaient

rempli toute cette région. Au moment où le Sultan (Dieu

le secoure !) était parti de Miknâs en 9/i, comme nous

l’avons vu, ces Bni Ml îr étaient descendus dans la plaine

de Sais où le Sultan avait installé les ‘Arab-s Dekhîsa et

Wulâd Noséïr en remplacement des Mejjât, et leur avaient

fait subir une attaque eu’royable. Les ‘Arab-s avaient tenu

bon ce jourlà un certain nombre d’entre eux, même,

s’étaient attachés sur le lieu du combat pour ne pas fuir

taudis que leurs contribules se battaient sans eux. Aussi

les Berbères, ayant fini par l’emporter par le nombre, s’en

étaient emparés sans difficulté et leur avaient coupé la

tète. Ils en avaient tué environ deux cents et avaient perdu

euxmêmes le même nombre d’hommes ou un peu plus.

Les ‘Arab-s battus, les Bni Mtir avaient ramené les Mejjât

et les avaient réinstallés à Sàïs dans les mêmes conditions

qu’auparavant. Puis ils s’étaient répandus sur les routes,

se livrant au brigandage, à tous les excès, pillant les pas

sants et ne réservant pour l’avenir aucune diablerie. Le

Sultan, à Murrâkush, avait reçu contre eux de nombreuses

plaintes aussi, quand il fut de retour (Dieu le glorifie !),

il ne voulut rien entreprendre avant de les avoir châtiés.

11 se mit d’abord en route pour Agourâï, Elhâjeb et d’autres

localités, qui sont le centre principal de leur pays et le

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ARCHIVES MAROCAINES

point de départ de leur corruption. II les poursuivit dans

toute cette contrée, et ses armées dépassèrent même

Elhajeb de plusieurs lieues les Berbères s’enfuirent jus

qu’en haut des montagnes. Le Sultan (Dieu perpétue sa

grandeur !) ordonna alors aux Bni Mguîld de marcher

sur eux du côté du sudest d’Agourâï. Ceux-ci se dissémi

nèrent sur les confins de leur territoire jusqu’à la forêt de

Afaqfâq, qui forme la limite entre les Bni Mguîld, les

Aït Chegroussen et les Aït Yoûsi, et les cernèrent de

tous côtés. Les Ait Yoûsi, les Aït Chegroussen, les Ait

‘Ayyâçh et les Aït Ouâllân prirent leurs positions en face

d’eux du côté du nord et s’étendirent jusqu’aux environs

de l’Wad Emejâ, tandis que le qâ’îd Al-’Arbi bn Moham

med Echcherqi, surnommé Ebba Muhammad, s’établis

sait devant eux à l’ouest, au delà de cette rivière, ayant

son flanc appuyé par les tribus du Garb et du Hawz. Les

Bni Mtir se trouvèrent bloqués de tous côtés, comme

le qatâ dans le creux où il se blottit. Resserrés dans

leur territoire, ils se virent voués à la mort certaine et

à la perdition, car les plaines et les monts inaccessibles

les repoussaient. Les troupes pillèrent leurs grains sur

pied et ceux qui étaient déjà moissonnés, et enlevèrent

toutes leurs provisions en réserve. Réduits à cette extré

mité, ils multiplièrent les intercessions auprès du Sul

tan, et cherchèrent un accès auprès de lui en immo

lant des victimes et en le suppliant. Le Sultan céda et

décida de se retirer, mais il les obligea auparavant à lui

remettre 500 otages, leur fit payer les impôts et donner satis

faction pour les injustices qu’ils avaient commises, et les

frappa d’une amende de 150.000 mitsqâls. Il les força,

de plus, à éloigner de leur voisinage la tribu de Mejjât.

Il plaça, de plus, Sûs leur garantie le chemin de Miknâs

et de Fâs, et les rendit responsables de sa sécurité,

qu’ils devaient assurer, conformément à un usage ancien

en y établissant des nzâlas et des gardiens. Ils s’enga

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

gèrent à accepter les clauses et les mirent à exécution.

Après cela, le Sultan partit pour Miknâs, où il entra

dans les derniers jours de rejéb. Il y demeura jusqu’au

commencement de l’année 1297’, puis se rendit à Fâs.

Arrivé dans cette ville, il expédia des colonnes dans toutes

les directions pour lever la zekûts et Y’ashûr-s, et les con

tributions makhzéniennes Ces détachements pénétrèrent

jusque chez les Aït Yzdég, Berbères du Sahara, qui payèrent

sans résistance leurs ‘ashûr-s, leurs zakât, etc. chez les

Aït Yoùsi et autres tribus, qui obéirent et se soumirent.

Seuls, les Ait Heli, fraction des Aït Yoùsi, qui s’étaient

révoltés contre leur gouverneur, ne voulurent pas payer

ce qui leur fut imposé. Les troupes du Sultan les battirent,

leur firent un grand nombre de prisonniers et cou

pèrent plusieurs têtes, qui furent suspendues aux mu

railles de Fâs. Après cela, ils effectuèrent leur soumission.

Le Sultan (Dieu le fortifie !) l’accepta et les obligea à

accepter le commandement du gouverneur qu’ils avaient

repoussé. Ces événements se passèrent dans les derniers

jours de safar.

 

Le Sultan célébra ensuite comme de coutume la fête

glorieuse du Moûloûd. A cette occasion, notre ami le fqîh

Abû Muhammad ‘Abdallah bn Khadra envoya à Sa Ma

jesté une qasîda en l’honneur de la naissance d’un fils qui

venait de lui naître.

 

Au mois de rabî’ II 1297, le qâdi de Salé reçut une

lettre du Sultan (Dieu le glorifie !) pour lui annoncer qu’il

avait désigné notre ami le cliérîf érudit, l’astronome

de l’époque, Abûroulâ Dris bn Muhammad Elja’îdi

Esslâoui pour se rendre à Murrâkush, où il devait exercer

les fonctions d’amîn des dépenses du Sultan, en rempla

cement du fqîh Abû Muhammad ‘Abdallah bn Khadra.

Ce chérîf se mit en route à la date précitée.

 

1. Texte arabe, IVe partie, p. 258.

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ARCHIVES MAROCAINES

A la fin de cette annéelà, il arriva une lettre du Sultan

(Dieu le fortifie !) qui appelait notre ami Abû Muhammad

Abdallah bcn Khadra à la Cour pour recevoir les fonctions

de qadi de Murrâkush. Celui-ci exécuta cet ordre et se ren

dit auprès du Amîr al-Mû’minîn(Dieu perpétue son éléva

tion !) dans sa capitale fortunée de Fâs gardée par Dieu. Le

Sultan l’ayant nommé qâdi de Murrâkush, il partit pour cette

ville, où il est encore aujourd’hui, remplissant ses fonctions

à la satisfaction de tous. Dieu le dirige et le protège

De nombreux éloges ont été écrits sur la personne de

cet illustre souverain, de ce noble chériî. Les qasîdas qui

expriment la hauteur de son rang et l’élévation de sa gloire

et de son prestige sont célèbres et importantes, principa

lement celles de nos amis de Salé, que nous avons citées,

et celles que nous n’avons pas citées. Si nous n’avions

pas craint des longueurs, nous aurions rapporté ici de

quoi épuiser des flots d’encre et donner un enseignement

et un exemple éloquents. Dieu récompense chacun suivant

ses intentions et la sincérité de ses désirs.

 

Dans le courant de l’année 1298 eut lieu le renouvelle

ment des traités entre le Sultan (Dieu le glorifie !) et les

nations européennes, en vue de rafl’ermir la paix et de

procurer des avantages au commerce. Il fut stipulé notam

ment que les chrétiens et leurs protégés seraient soumis,

comme les sujets du Sultan, au paiement des taxes

makhzéniennes, qui sont de six réaux par charge de tête.

Durant cette période, qui correspond au milieu de l’an

née précitée, le Sultan (Dieu le glorifie!) se livra aux

préparatifs de harka, afin de quitter Méknâset Ezzéïtoûn

pour se rendre à MurrâkushlaRouge, où, étant arrivé vers

la fin de l’année, il célébra la fête des Sacrifices.

Quand commença l’année 1299’2, le Sultan (Dieu le glo

1. Texte arabe, IV« partie, p. 261.

 

2. Ibidem.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

rifie!) prépara une expédition dans la région de l’Extrêiiie

Sûs. Prenant ses dispositions à cet effet, il ordonna aux

tribus de Doukkâla et de Tûmesna de transporter du blé,

de l’orge et de la paille aux ports d’Eljedîda et d’Ecldâr

Elbaïdâ, d’où ils devaient être embarqués à destination

de la côte de l’ExtrèmcSoùs pour servir d’approvisionne

ments à l’armée. Le motif de cette décision était le sui

vant les Espagnols étaient très désireux de prendre

possession d’un port de la côte du Soùs à la suite du traité

de paix conclu avec eux pour mettre fin à la guerre de

Tétouan. Leurs navires de guerre et de commerce allaient

et venaient sur cette côte, pour tâcher de s’attacher ses

habitants par des échanges commerciaux et des projets.

On ignore si ceux-ci acceptèrent leurs propositions ou

s’ils les repoussèrent. Le Sultan (Dieu le glorifie !) fit des

représentations auprès de leurs chefs, qui répondirent

que la paix de Tétouan ayant stipulé l’ouverture d’un port

du Sûs, ils avaient décidé de procéder euxmêmes à

l’exécution de cette clause, et que si on les en empêchait,

l’affaire aurait les suites qu’elle comportait. Le Sultan

(Dieu le glorifie!) jugea qu’il était de son devoir de se

rendre dans ce pays pour y traiter lui-même cette question,

d’autant plus que ses habitants n’étaient plus soumis

depuis longtemps d’une façon régulière à l’autorité impé

riale. Il se mit donc en route au mois de ramadan. Arrivé

dans le voisinage de l’Wad Noûl, il pacifia cette contrée,

y installa des qâdis et des ‘âmil-s, et établit un port

pour l’exportation et l’importation, le port d’Asâka. Il

écrivit ce sujet aux ‘âmil-s du Maghrib la lettre

dont voici le texte

 

« Ensuite

 

« Nous sommes parti de Murrâkush, par la force et la

puissance de Dieu, par sa vigueur victorieuse et son pou

voir. Les armées triomphantes de Dieu sont nombreuses,

et ses troupes sont rangées en longues files. Leurs éten

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ARCHIVES MAROCAINES

 

dards victorieux sont déployés. Notre dépari a été celui

d’un homme qui met sa confiance en son. Maître, qui se

laisse conduire par les projets qu’il a établis dans son

cœur et qu’il a entrepris de réaliser, et qui s’attache à

cette protection sûre qui conduit toujours au succès celui

qui en bénéficie. Aidés par Dieu, nous avons atteint le

point où commençait ce pays du Sûs, dont le dos nous

sert de monture, monture docile qui cherche à gagner les

demeures de la félicité, tandis que les étendards de Dieu

flottent sur les routes du triomphe et s’élèvent audessus

de la poussière de la gloire. Les délégations sont arrivées

auprès de notre Majesté élevée en Dieu, se suivant en

ordre, et se sont rangées dans les lignes de l’obéissance

et de la soumission. Elles se sont empressées d’exécuter

les ordres qui leur ont été faits et les accueillant comme

l’homme altéré, elles ont bu et étanché leur soif. Elles ont

ainsi illuminé l’arrivée de leurs chefs, de leurs notables

et de leurs shaykhs, et se sont éclairées de la splendeur

de la lumière de Dieu pour venir auprès de nous et s’en

retourner. Elles ont tendu le cou de l’obéissance et donné

la poignée de main de la réconciliation, du pardon et de

la sécurité, malgré la terreur et le tremblement que leur

avait d’abord inspirés la terreur de Dieu. L’homme pieux

a repris confiance et le coupable a été suffoqué, et alors

l’activité makhzénienne endormie a ouvert les paupières.

Admirez les marques de la miséricorde de Dieu, voyez

comme il tire la terre de son sommeil pour lui donner une

nouvelle vie.

 

« Après avoir attiré ces populations par la protection

de nos compliments de bienvenue, nous avons dirigé vers

elles les rênes de l’organisation. Nous avons choisi pour

leur servir de guides ceux que nous avons jugé dignes

de devenir les chefs de leurs contribules. Nous les avons

ceints de l’autorité sur la collectivité et sur les individus,

en remettant à chacun, avec le secours de Dieu, un trait

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

atteignant le but, comme l’exige la politique et en lui don

nant à brouter une grasse pâture dans les de

notre service sharîfien, si bien que nous tenons en mains

leurs rênes. Nous avons maintenu leurs privilèges à leurs

privilégiés et à leurs ‘âmil-s, de telle sorte que la

Makhzéniya est liée à eux comme l’âme est liée au corps,

et que ces contrées reçoivent de la lumière de Dieu une

clarté qui éclaire le sédentaire et le nomade. Aussi nous

ont-ils apporté des cadeaux et des présents, qui seraient

un trésor pour quiconque serait avide de ces faveurs, et

cependant depuis un grand nombre d’années, depuis plus

de soixante ans, le pays n’avait pas eu de rapports avec le

Makhzen C’est pourquoi, même si Dieu dans sa générosité

ne nous avait accordé que le dixième de ces brillantes

victoires, ce serait encore trop en comparaison des résul

tats obtenus par ceux qui y avaient établi avant nous

l’autorité du Makhzen.

 

« Mais Dieu ne nous at-il pas habitué à n’être traité par

lui qu’avec bienveillance, car c’est lui qui dirige tout, qui

est riche, puissant, fort et garant il est notre mandataire

et quel mandataire

 

« Après cela, nous leur avons donné des qâdis en nombre

suffisant pour veiller au respect des préceptes sacrés de la

religion, et nous avons fait tous nos efforts pour les choi

sir parmi les magistrats les plus dignes, car nous savons

que la Loi Sainte est le fondement de tout, que par elle

un pays devient prospère et qu’elle développe l’intelligence

et la compréhension.

 

« Puis les marabouts et les chérîfs ont fait appel à notre

Majesté pour obtenir la reconnaissance de leurs privilèges

et le maintien des droits coutumiers et des revenus qui

leur sont attribués par des dahîrs de nos ancètres sanctifiés

les imâms des Musulmans, les Commandeurs des Croyants et des

autres rois anciens (sur eux tous soit la satisfaction de

Dieu !). Nous sommes entré dans la voie qu’ils nous

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AltCIlIVES MAROCAINES

ouvraient, nous avons encore, avec l’aide de Dieu, élevé

leur prestige et nous avons consenti à maintenir leur

situation, en renouvelant chacun son dahîr et en lui

assurant la noblesse qui lui avait été concédée.

« Mais le but le plus important de ce voyage béni était de

protéger ces Musulmans et de défendre leur pays, leurs

existences et leurs biens contre les convoitises de ceux

qui jettent sur eux un regard d’espoir. Ce résultai devait

être assuré par l’ouverture d’un port sur l’Wad Noùl, a

un endroit appelé Asàka, sur le territoire des deux tribus

des Telcna et îles Ait Jîâ’Amrân, qui devait avoir pour eil’ets

de favoriser la défense et de faciliter aux habitants de cette

région leurs achats et leurs ventes. II est certain, en eflet,

qu’il est formellement prescrit de fermer les portes du

mal et que la Loi Sainte ordonne de conduire l’égaré dans

la bonne voie. Ces deux tribus se sont rendues avec

empressement auprès de notre Haute Majesté quand nous

eûmes franchi l’Wad Ouftlihis, et nous nous sommes rendu

dans leur pays avec les armées do Dieu, comme le méde

cin généreux. Elles ont reçu notre é trier fortuné dans

une localité appelée Amsa, dans le voisinage d’un port

nommé Aglou, qui est à l’extrémité du pays des Ait

Ba’Amram appelé Essâhél. La distance entre Amsa et le

port qu’il s’agissait d’ouvrir est de deux étapes, c’est

àdire de treize heures de route.

 

« Venus avec leurs chérîi’s, leurs ffjîhs, leurs marabouts et

leurs notables, et les shaykhs qui possèdent le commande

ment, les habitants du pays reçurent l’accueil réservé à

leurs pareils et les égards qu’il convenait de leur témoi

gner. Après leur avoir désigné un certain nombre de gou

verneurs qui doivent être, avec l’aide de Dieu, comme des

armes dans ces régions, nous nous sommes entretenu avec

eux de la question du port. Quand nous leur avons ordonné

d’ouvrir ce port, ils ont obéi comme celui qui du matin au

soir travaille activement à être agréable à Dieu et à son

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Prophète. Puis nous avons envoyé Sûs leur conduite un

détachement composé de notables éminenls du guéïch

auxquels nous avons ajoint des fqîhs et des mouhendis

expérimentés pour établir ce port et en fixe rie plan confor

mément aux règles établies et aux principes de la science.

Notre présence dans le pays et les circonstances obli

geaient à commencer par ces travaux, par égard pour les

serviteurs de Dieu; il en résulta que Dieu mena à bien

cette affaire, en accorda la solution et la fit réussir. Vous

ne voulez rien sans que Dieu le veuille dites môme que

la grâce est entre les mains de Dieu et que vous ne possé

dez rien qui ne vienne de Dieu.

 

« Après cela, nous avons continué à séjourner dans cette

localité pour attendre le retour des envoyés, car s’ils reve

naient après avoir rempli leur mission avec succès, nous

devions louer Dieu dont la bienveillance permet d’accom

plir les œuvres pies si, au contraire, ils n’avaient pas

réussi, notre intention était, avec l’aide de Dieu, de nous

mettre en route pour gagner ce port et de parcourir cette

région.

 

« Nous avons alors établi un qâ’îd, choisi parmi les qâ’îd-s

de notre guéïch fortuné et parmi ceux qui possèdent un

jugement droit, et nous lui avons fixé comme résidence la

qasba de Tîznît, où résidait autrefois le Makhzen, avec

mission de prèter son concours à tous les autres gouver

neurs du Sûs, depuis l’Wad Ouâlgâs, jusqu’aux confins

de l’Wad Noûl et de Goulîmîmtm ces ‘âmil-s

doivent s’entendre avec lui pour toutes les affaires impor

tantes qui surviendraient dans leur ressort, surtout

lorsque le Makhzen sera éloigné de ces régions. D’autre

part, nous avons fait connaître aux habitants que ce qâ’îd

est là pour leur servir de conseiller et surveiller la réali

sation des projets en vue desquels nous avons ouvert ce

port. Cette décision leur a causé la joie qu’éprouve à se

désaltérer celui qui a soif, et à retrouver son chemin celui

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ARCHIVES MAROCAINES

qui est égaré. Témoignage a été recueilli contre eux de

l’acceptation de tout ce que nous avons décidé, et un acte

dans ce sens a été dressé concernant ce que nous avons

établi. Ainsi a été consommée l’œuvre que nous nous

étions proposée.

 

« Puisse Dieu TrèsHaut purifier cette œuvre, et dans sa

bienfaisance et sa générosité, considérer ce voyage béni

comme un jihâd agréé. Il est bon, généreux, bienfaisant,

riclie et doux.

 

« Salut.

 

« Le dernier jour de cha’bân de l’année 1299. »

Fin de la lettre du Sultan (Dieu le fortifie !).

 

Dans les derniers jours du mois de safar 1302 les com

missaires espagnols quittèrent les ports du Maghrib, où ils

étaient demeurés plus de vingt ans pour se faire payer la

somme convenue pour la conclusion de la paix après la

guerre de Tétouan. Le chiffre de la somme totale était de

20 millions de piastres fortes; le sultan Sîdi Muhammad

bn ‘Abd Ar-Rahmân (Dieu lui fasse miséricorde!) avait payé

10 millions comptant, les 10 autres millions furent ceux

que se firent payer les Espagnols pendant cette période.

Des commissaires espagnols s’étaient établis dans les ports

du Maghrib avec les Oumanâ du Sultan, et chaque groupe

encaissait la moitié des recettes jusqu’au moment où tout

fut versé.

 

Dans la matinée du lundi 2 rabî’ II de cette annéelà,

expira le shaykh lumineux, qui se distingua par la fré

quence du nom de Dieu dans la bouche et par son humi

lité, Abû ‘Abdallah Muhammad Elhâchim Ettâlbi, un des

saints personnages de Salé. Il mourut subitement. La veille

au soir, il avait fait un dîner léger suivant son habitude

il s’était retiré ensuite dans sa chambre pour faire la prière

du ‘achâ et réciter ses ouerds, comme il le faisait toujours.

1. Texte arabe, IVe partie, p. 263.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAKOC

 

On le trouva mort le lendemain, sans que personne lût

resté près de lui. Il était âgé de plus de 80 ans ses che

veux et sa barbe étaient entièrement blancs. Une foule

nombreuse de gens des deux villes, Salé et Errebàt, assis

tèrent à son enterrement et se pressèrent autour (le la

civière pour s’y relayer, afin de recueillir sa bénédiction.

Les prières furent récitées sur son cadavre dans la grande

mosquée de Salé après la prière du dhor. Il fut enterré

dans la chambre de sa maison, et pendant plusieurs jours

les tolba allèrent sur son tombeau réciter le Qur’ân, la

Borda et d’autres louanges. Sa mort fut vivement regrettée

par la population. Cet homme était en eflet, de son temps,

le flambeau des DeuxRives. Dieu lui avait donné en par

tage cette modestie, cet heureux caractère et cette égale

bienveillance pour tous à laquelle on n’était plus habitué

et qu’on n’a rencontrée que chez les gens vertueux et ceux

qui, comme lui; ont marchésurleurs traces (Dieu les agrée !).

Si l’on causait avec lui, ses conversations étaient pleines de

science, de dignité et d’exhortations il parlait des saints

et des gens vertueux, de leurs actes, de leur histoire. Il

n’y était jamais question des fut-ilités et des intrigues de ce

monde. Ce n’étaient que récits de liadits et d’actions des

gens vertueux. Il pratiquait régulièrement les prières, se

levait la nuit pour les faire et réciter les dikrs, il pratiquait

le bien et l’encourageait chez les autres de tout son pou

voir. En un mot, sa conduite et son caractère étaient con

formes à la sounna du Prophète et aux préceptes des gens

vertueux. Dieu soit satisfait d’eux et nous rétribue de

notre amitié pour eux et leurs pareils. Ainsi soit-il

Dans la nuitdu vendredi l01″ doùlhedja de la mêmeannée,

après le coucher du soleil, expira le fqth très docte et

remarquable ÀBû ‘Abdallah Muhammad bn Elmadâïn

Guennoûn, le savant de Fâs et du Maghrib. Les prières

furent récitées après la prière du vendredi à la mosquée

d’Elandalous à Fâs (Dieu le protège !) et il fut enterré dans

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ARCHIVES .MAflOCAlNES

l’endroit appelé Elqebàb. C’était (Dieu lui fasse miséri

corde !) un savant jurisconsulte. Intransigeant, il disait la

vérité avec franchise, sans tenir compte du rang de celui

il qui il la disait, ce qui lui attira d’ailleurs des rudes

épreuves de la part du Sultan, mais sans qu’il changeât

d’attitude ou se départit de son courage et de son impé

tuosité. Il a laissé un certain nombre d’ouvrages, dont le

plus remarquable est un abrégé de la Jlûchia de Errehoùni

sur le Mokhlasar du cliéïkh Klielil (Que Dieu le couvre

de nouveau de sa miséricorde !). Ainsi soit-il.

 

Nous sommes arrivés à l’année 1303

 

Dans la nuit du 29 safar, il y eut une pluie considérable

d’étoiles qui furent lancées dans la direction de l’est et de

l’ouest, dans des conditions tout à fait inusités, qui me

rappelèrent la description de la guerre par Bechâr bn

Berd Ela’mi.

 

« On eut dit que des tourbillons de poussière volaient

sur nos têtes et que notre pays était la nuit dont les étoiles

nous caressaient. »

 

Ce phénomène dura depuis le coucher du soleil jusqu’à à

minuit.

 

A cette époque eurent lieu, entre l’homme secouru de

Dieu, qui avait soulevé les contrées de l’Abyssinie et du

Soudan, Sûs le titre d’Elmahdi, et l’armée anglaise, d’im

portantes batailles, qui ne faisaient que suivre d’autres

combats aussi graves. Le Xlalidi remporta alors sur les

Anglais la victoire la plus complète. Si parler de lui ne

sortait pas du cadre de cet ouvrage, j’aurais rapporté toutes

ses actions qui sont des plus surprenantes.

 

Au milieu du mois de rabî’ Ier de l’année susdite, fut

publiée une lettre du Sultan (Dieu le fortifie !) ordonnant

l’abolition des taxes prélevées aux portes des villes et des

bourgades et payées jusqu’alors par la population sur les

1. Texte arabe, IV” partie, p. 263.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

animaux chargés de marchandises de toutes sortes. 11 écri

vit à ce sujet au gouverneur de Salé à cette époque la lettre

dont voici la teneur, venant après la formule d’introduction

et le sceau où est inscrit le nom du Sultan (Dieu le for

tifie !)

 

« A notre serviteur intègre Al-Hâjj Muhammad bn

Sa’îd Esslâoui (Dieu vous protège .’).

 

« Le salut soit sur vous, ainsi que la bénédiction de

Dieu

 

« Ensuite

 

« Dieu a dilaté Notre cœur en Nous permettant d’abolir

les taxes qui étaient exigées à toutes les portes des villes

et des ports sur les marchandises qui y passaient à l’entrée

et à la sortie. Nous avons édicté à Yatnîn elmoustafâd de

Salé, ainsi qu’à ses collègues des autres villes, notre ordre

sharîfien l’invitant à congédier les fermiers des portes de

votre cité qui effectuaient la perception des droits et

s’occupaient de tout ce qui le concerne, à faire avec eux

le compte de leur administration jusqu’au jour de la cessa

tion de leur exercice, et à envoyer une note de tout cela

à Notre Majesté élevée en Dieu.

 

« Il n’y a rien de changé en ce qui concerne les endroits

autres que les portes où des taxes sont perçues; c’est une

question que nous nous réservons d’examiner, avec l’aide

de Dieu.

 

« Nous vous avons avisé de ce qui précède pour que

vous en soyez prévenu.

 

« Salut.

 

« Le 2rabî’ Ier 1303. »

 

La lecture de cette lettre fit plaisir à la population, qui,

du fond de son cœur, fit des vœux pour la victoire et le

renforcement du Sultan. Nous demandons à Dieu de mettre

le comble à ses faveurs envers les Musulmans, en leur

accordant la levée des dernières taxes imposées aux mar

chandises vendues sur les marchés et en les délivrant de

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ARCHIVES MAROCAINES

cette calamité, car rien n’est plus malheureux pour un gou

vernement que ces meks (Dieu nous en préserve !).

Le 10 joùmâda II de la même année, le sultan Mawlay

Elhasan (Dieu le fortifie quitta la capitale de Murrâkush

pour faire une expédition dans l’ExtrémeSûs et dans les

pays situés au delà où se trouvent les ‘Arab-s Ma’qil et toutes

les tribus du Sahara. Il avait appris que les sujets de cette

région étaient en ébullition et qu’ils s’étaient révoltés con

tre leurs ‘âmil-s. Il avait été informé également que

des négociants anglais, débarqués clandestinement dans

un port de cette côte nommé Tarfâya, avaient noué des rela

tions commerciales avec des tribus du pays et avaient

l’intention d’élever des constructions dans cet endroit. Le

Sultan partit donc pour mettre un terme à ces désordres.

Arrivé au cœur du Sûs, quand il eut amélioré la situa

tion de ce pays et rétabli l’ordre dans diverses régions, le

Sultan écrivit aux ‘âmil-s du Maghrib une lettre dans

laquelle il disait après la formule d’introduction

« Ensuite

 

« Par la puissance de Dieu, le fort, l’assistant, qui ouvre

ce qu’il a fermé quand il le veut, immédiatement ou au bout

de quelque temps, qui par sa protection soutient son

esclave partout où il va, partout oit il arrive, partout où il

se met en route, partout où il se repose, nous vous écri

vons cette lettre le jour de notre arrivée chez nos servi

teurs les tribus des Aït Ba’Amrân, la plus importante des

tribus de l’ExtrèmeSûs. Nous vous faisons connaître que

par les succès ininterrompus, les victoires et les sourires

de la bouche du temps, le Souverain Maître a réalisé, dans

cette expédition bénie, les espérances que nous avions

fondées dans le Sublime Bienfaiteur. Vous saurez ainsi que

Dieu peut tout, qu’il détient dans ses mains les affaires des

cieux et de la terre, qu’il est le protecteur, le secourable,

qu’il entend et voit tout.

 

« Quant à ces tribus du Sûs, ces populations du Sàhél,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

elles sont venues audevant de notre étrier fortuné en

foules nombreuses, déployant en avant des cohortes de

Dieu victorieuses les étendards de la joie, groupées cha

cune avec leurs notables et tous ceux que l’on remarque,

leurs fqîhs, leurs chorfâ et leurs marabouts, sans qu’un

seul d’entre eux manquât, témoignant, par leur docilité et

leur soumission et à son Prophète, de leur désir de se

concilier nos bonnes grâces sharîfîennes, déposant devant

elles leurs présents, se faisant un rempart de leurs fils, de

leurs frères et de leurs esclaves, tendant le cou de l’obéis

sance, et manifestant leur empressement à nous servir et

à bien se conduire. Elles ont apporté leurs moûnas en

rapport avec leurs moyens. Elles ont aplani pour le pas

sage de l’armée fortunée les parties mauvaises de leurs

chemins qu’elles ont rendus praticables. Et nous, de notre

côté, nous les avons traitées avec bienveillance, nous leur

avons témoigné de la bonne humeur, et notre accueil a

répondu à la joie qui les animait:

 

« Et maintenant, grâce à Dieu, nous nous occupons de

résoudre la question qui nous a amené à porter ici nos

pas et qui a été l’occupation de nos pensées et de nos

réflexions l’étude de l’ouverture du port d’Asâka, qui est

la clef des rivages de l’Wad Noùl, le point de rencontre

des tribus arabes et berbères, le lieu où viennent

converger les habitants de toute cette région, et spéciale

ment les deux tribus des Bu ‘Amrân et des Tekna, pour

lesquels il est une mère, une source d’où sont issus ces

deux frères jumeaux qui sucent le pur lait de ses mamelles,

et, avec ces deux tribus, toutes les tribus des ‘Arab-s et

des Berbers qui rayonnent autour d’elles, ou sont placées

Sûs leur dépendance pour avoir sucé leur lait et s’en être

abreuvées. Mais nous ne réaliserons ce projet que si ce

port remplit les conditions requises, s’il doit être avan

tageux pour les Musulmans et pour l’Islam. Puis, nous

étudierons à plusieurs reprises le plan sur lequel il devra

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ARCHIVES MAROCAINES

être construit; nous nous assurerons qu’il répond à tous

les besoins d’une façon apparente etréelle, et pour le mettre

à exécution, avec l’aide de Dieu, nous rechercherons le

moyen le plus sage et l’accord le plus parfait avec les

coutumes de ces régions. Si ce port est le meilleur, nous

réaliserons notre projet; sinon, nous y renoncerons pour

en rechercher un autre. Le TrèsHaut a dit « Quand nous

« effacerons ou oublierons quelque chose d’un verset, nous

« le remplacerons par quelque chose de meilleur ou de

« pareil. » Nous ne manquerons pas de vous faire part des

résultats de cette question et de parer vos oreilles de celui

de ses secrets qu’il aura dévoilé, car toute entreprise

amène un résultat.

 

« Dieu est le maître auquel il faut demander appui et

qui conduit dans le droit chemin. Quel excellent maître!

quel excellent mandataire

 

« Salut.

 

« Le 9 du mois héni de cha’bân 1303. »

 

De l’ExtrêmeSûs, le Sultan (Dieu le fortifie !) se

rendit dans le Sahara de Gouliinîm. Là il reçut les shaykhs

et les notables des ‘Arab-s Ma’aqil, qui vinrent expri

mer leur humble obéissance. La venue du Sultan dans

leur pays leur procura une si grande joie, que l’emplace

ment où était plantée sa tente est jusqu’à ce jour une

mezâra, où ils viennent se bénir. Ni eux, ni leurs pères,.

n’avaient vu de Sultan sur leur territoire ou n’avaient

entendu parler d’un pareil événement. Ils firent des

courses de chevaux et de chameaux en son honneur, et

se livrèrent au jeu de la poudre. Les ‘Arab-s du Sahara

font, en effet, des courses de chameaux comme des courses.

de chevaux.

 

De là, le Sultan (Dieu le fortifie !) envoya au port de

Tarfâya une portion de son guéïch, qui démolirent les cons

tructions élevées par ces chrétiens anglais et en firent dis

paraître toute trace, tandis que les chrétiens prenaient la

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DYNASTIE AIAOUIE DU MAROC

 

fuito vers leurs vaisseaux qui croisaient sur la côte. Il fit

construire (Dieu le fortifie !) le port d’Asâka, qui devint un

lieu d’importation et d’exportation, établit un service de

défense et de garde sur toute la côte depuis Agadir jus

qu’à (joulimim, et annonça par lettre toutes ces disposi

tions aux ‘âmil-s du Maghrib.

 

Après cela, il se mit en route pour revenir, et sur son

passage châtia la tribu des Ida ou Tanân qui habitent

l’ExIrèmeSûs.

 

Voici comment finit l’afl’aire anglaise les membres du

Gouvernement anglais, d’abord très émus, arrivèrent,

comme d’habitude, à se calmer par le tapage qu’ils fai

saient, puis consentirent quelques concessions; enfin l’in

cident fut réglé à l’amiable moyennant une somme d’ar

gent que le Sultan leur versa pour avoir la paix et écarter

un plus grand danger. Toutes choses appartiennent à Dieu

seul

 

Le mardi 2ft joùmâda II de. la même année, dans la

soirée, le ciel se couvrit de nuages épais et noirs, à M or

ra kc et dans les environs. Un vent d’une violence

effrayante se mit à souffler et le tonnerre retentit avec

fracas. Puis il tomba des grêlons plus gros que des œufs.

Un grand nombre de maisons tombèrent à Murrâkush et de

nombreuses personnes, plus d’une centaine à ce qu’on dit,

succombèrent Sûs les décombres. Les gens firent leurs

adieux à leurs parents et à leurs amis, et allèrent se

réfugier dans les mausolées des saints, où ils se mirent à

demander pardon de leurs fautes et à adresser à Dieu

TrèsHaut d’humbles prières. Deux heures après, le ciel

s’éclaircit. Dieu soit loué d’avoir été clément après avoir

su et d’avoir fait grâce après avoir décrété.

 

Cette annéelà, les nations européennes demandèrent

avec une nouvelle insistance une diminution des tarifs de

douanes et sollicitèrent du Sultan (Dieu le fortifie !) une

diminution des droits appliqués aux marchandises d’expor

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ARCHIVES MAROCAINES

talion dont la sortie était déjà permise, et la faculté d’ex

porter des marchandises dont la sortie était suspendue.

Ils firent de nombreuses démarches à ce sujet et mani

festèrent une grande agitation. En présence de leur vive

insistance et de leur attitude comminatoire, le Sultan

(Dieu le fortifie !) décida de demander par lettre un conseil

à ses sujets.

 

Voici ce qu’il disait dans cette lettre après les formules

d’introduction

 

« Depuis de nombreuses années, quelques représentants

des Puissances à Tanger nous demandent d’une façon

pacifique et amicale le renouvellement des traités de com

merce et notamment la libre exportation des grains de

toutes espèces, du bétail et des bêtes de somme, etc., et

la réduction des droits d’exportation, en invoquant le

profit qui en résultera pour le Trésor et les sujets. Depuis

près de cinq ans, nous nous défendons, nous mettons des

obstacles et nous témoignons de bonnes dispositions, sui

vant les circonstances et le moment, nous inspirant de

cette parole du Prophète (Dieu prie pour lui et lui donne

le salut !) « Dans les incidents et les affaires, montrez

« vous tour à tour intraitables et bien disposés, afin de main

« tenir ce qui existe. » On ne peut faire rien de moins,

surtout dans le moment actuel auquel s’appliquent ces

paroles du Prophète (Dieu prie pour lui et lui donne le

salut !) « Un temps viendra où les vivants passeront sur

« les tombeaux des morts en disant « Que ne suisje à votre

« place »

 

« Dieu nous garde de vouloir attirer sur les Musul

mans la cherté des denrées ou de consentir à rien qui

puisse leur faire du tort Le témoignage de Dieu est

suffisant Comment, d’ailleurs, en serait-il autrement ?

Dieu a placé les Musulmans Sûs notre responsabilité,

et le Prophète (Dieu prie pour lui et lui donne le salut !)

« dit « Vous êtes tous des bergers, et comme tout

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« berger vous avez la responsabilité de votre troupeau. »

« ^lais leurs demandes sont devenues pressantes, ils les

soutiennent tous d’un commun accord et ne veulent pas y

renoncer. Dans ces conditions, comme la situation mena

çait d’entraîner des conséquences qu’il faut redouter, nous

avons estimé qu’il ne nous restait plus qu’à en faire part

et à demander conseil aux gens compétents, et nous avons

consulté tous ceux qui se distinguent par la droiture, le

mérite, la piété, le bon sens, l’intelligence et la sagesse,

et se confinent dans la religion et leur droiture. Leur avis

n’a pas été favorable à ces demandes ils ont été unanimes

à déclarer qu’il n’y avait pas le moindre intérêt à accorder

l’exportation et ont expliqué les dangers qui pourraient

en résulter. Suivant eux, l’exportation des animaux aurait

pour premier effet préjudiciable de les rendre très chers

pour les pauvres, et même d’entraîner leur extinction

complète dans le pays, sans parler d’autres conséquences

qu’il serait trop long de mentionner ici. Une réduction des

droits de douane entraînerait une diminution des recettes

que le Makhzen emploie pour faire face à l’entretien du

guéleh et des soldats, et pour le bien général des Musul

mans ce qui l’obligerait à taxer ses sujets en doublant les

meks et en établissant des impôts fonciers pour renforcer

le Trésor et l’armée il en résulterait un affaiblissement

pour la population. Ils ont répondu, d’autre part, avec de

longs détails qu’une seule feuille ne pourrait contenir, en

ce qui concerne les avantages financiers profitables à nos

sujets fortunés, qui résulteraient, suivant les représentants

des Puissances, de l’exportation qu’ils désirent obtenir.

« Voyant que cette affaire était sur le point de prendre

une tournure plus grave, nous avons cherché « à réparer

« l’accroc en faisant une reprise ». Obéissant à cette parole

de Dieu « S’ils inclinent à la paix, tu t’y prêteras aussi. »,

nous avons incliné à la conciliation et nous avons opté

pour celle des deux solutions qui présente les moindres

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ARCHIVES MAROCAINES

dangers. Nous avons donc décidé, si vous êtes d’avis de

remédier aux inconvénients avant de songer à rechercher

des avantages, de leur accorder, à titre d’essai, l’exporta

tation de divers produits dont l’embarquement est actuelle

ment interdit, comme le blé, l’orge, les bœufs, les mou

tons, les chèvres et les ânes mâles, pendant trois années

seulement, et à condition que ce sera pour expérimenter

les avantages qui doivent en résulter suivant eux, et

moyennant le paiement des droits de douane qui frappent

les marchandises du même genre. L’exportation devra

s’effectuer au moment de la récolte, si l’année est bonne,

pendant trois mois; passé ce délai, il ne sera tenu compte

d’aucune réclamation touchant l’exportation, et il ne sera

accepté aucune excuse. L’année suivante, si la récolte est

bonne, l’exportation sera encore permise pendant trois

mois à titre d’essai; mais si elle est mauvaise, il n’y aura

même pas lieu de faire un essai, même pendant une période

limitée, et la mesure restera suspendue. Il sera convenu,

d’ailleurs, qu’il ne s’agit pas d’un engagement, mais d’un

essai dont on attendra les résultats. Sachez aussi que vous

ne cesserez pas d’être à votre aise. Si vous approuvez

cette mesure, les choses resteront en l’état si vous trou

vez, au contraire, un moyen plus sur et plus puissant de

défendre les Musulmans, faitesnousen part. Je ne suis

pas autre chose qu’un Musulman comme vous. Nous vous

avons fait part de ce qui se passe pour nous conformer

à cette parole du TrèsHaut « Tu les consulteras en

« toutes choses. » D’ailleurs, ce qui est auprès de Dieu vaut L

mieux que le plaisir et le commerce. Dieu est le meilleur

̃de ceux qui donnent de quoi vivre.

 

« Salut.

 

« Le 7 du mois sacré et unique de rejéb de l’an

née 1303. »

 

Fin de la lettre du Sultan (Dieu le glorifie !).

 

Cette lettre fut lue devant toute la population, grands

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAIIOC

 

et petits, qui répondirent tous que leur avis était conforme

à celui du Sultan (Dieu le protège !), à l’exception de

quelques gens du peuple grossiers, sans expérience des

affaires et incapables d’examiner les conséquences, qui

déclarèrent qu’ils ne donneraient pas aux chrétiens autre

chose que le sabre, mais il ne fut pas tenu compte de leurs

dires. J’avais écrit sur cette question une longue note que

je crois ut-ile de transcrire ici, dans la crainte qu’elle ne

se perde. En voici le texte

 

« Sachez (Dieu vous conserve !) que cette question doit

être examinée à divers points de vue 1° au point de vue

du droit et de la jurisprudence 2° au point de vue du bon

sens et de la politique, dans lesquels, toutefois, on ne peut

suivre que les règles du droit 3° au point de vue de l’in

telligence de Dieu TrèsHaut et de l’étude approfondie de

son action sur le monde.

 

« Étudions la question Sûs le premier aspect. Les juris

consultes (Dieu les agrée !) ont écrit qu’il est défendu de

vendre aux infidèles en guerre tout ce qui sert à la guerre

comme les armes, les chevaux, les selles, les boucliers, etc.,

parce qu’on doit craindre que cela les rende plus puis

sants contre les Musulmans. Telle est la cause pour

laquelle la défense existe. Deux principes en découlent

le premier, c’est que tout ce qui, sans rentrer dans la caté

gorie des armes, peut servir a augmenter la force des

chrétiens, est interdit comme les armes; c’est le point

visé par les textes, il n’y a donc pas lieu d’entrer dans des

développements le second, c’est qu’il est licite de leur

vendre tout ce qui n’est pas susceptible d’accroître leur

force. Une marchandise ne peut être susceptible d’accroître

leur force, ou quand on ne peut s’en servir pour augmen

ter sa force dans la guerre comme les aliments, les objets,

d’habillement et autres produits dont l’exportation leur

est permise aujourd’hui comme elle l’était depuis long

temps, ou quand, rentrant dans la catégorie de celles qui

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ARCHIVES MAROCAINES

sont une source de force dans la guerre, elle est sans

profit pour eux en raison de leur situation actuelle. Nous

savons, en effet, que les chrétiens sont parvenus, au point

de vue de la force et de la science des divers engins de

guerre, à un degré tel que nos engins n’ont pas plus de

valeur chez eux que le Lois. La preuve en est qu’ils nous

vendent divers engins de guerre qui nous étonnent par

leur perfection et leur solidité. On nous rapporte, de plus,

qu’ils ne nous vendent que les armes qui n’ont plus pour

eux aucune valeur, parce qu’ils sont parvenus, sauf quel

ques exceptions, à fabriquer des articles bien meilleurs,

plus solides et plus avantageux.

 

« Dans ces conditions, il convient aujourd’hui de

décider qu’il est licite de vendre des armes aux chrétiens

et à eux de préférence, car il est établi péremptoirement

qu’elles ne leur sont pas ut-iles dans le sens d’une augmen

tation de force, ou que s’il y a pour eux la moindre ut-ilité,

c’est comme si elle n’existait pas et cela à condition que

nous n’ayons rien à redouter d’eux au cas où nous refu

serions de les leur vendre. Mais si nous avons quelque

chose à redouter, comme c’est le cas aujourd’hui à cause

de notre situation, il n’y a plus à songer si c’est licite, mais

à s’élever à des motifs supérieurs, car la nécessité a ses

rigueurs.

 

« Mais, me diraton, en considérant comme licite la vente

des armes aux infidèles en guerre, vous faites une chose

que personne n’a faite avant nous ?

 

« Je n’ai parlé des armes que pour simplifier la question

qui nous occupe, et pour conclure ensuite a fortiori. D’ail

leurs, je ne suis arrivé à ma conclusion qu’en suivant les

règles du droit, comme l’ont fait avant moi ceux qui ont

considéré comme licite la construction des églises dans

les pays musulmans parce qu’il y avait des motifs rigou

reux pour cela. Les ‘Oulamâ de l’Andalousie, au cinquième

siècle, ont arrêté, en effet, qu’il fallait autoriser les chré

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DYNASTIE ALA0U1E DL” MAROC

 

tiens à construire des églises en pavs conquis de vive

force et dans les grandes villes fondées par les Musul

mans. Cependant, suivant les livres des anciens, c’était

interdit. La raison en est que les lois basées sur les cou

tumes locales varient avec ces coutumes. Dans son Kilùb

Elihkâm fîlfctrqi béïnn Ifatûoui ouéi ahkâm, à la trente

neuvième question, Elqirâfi dit ceci « Quelle est la doc

trine en ce qui concerne les arrêts de jurisprudence qui

se trouvent dans les rites malékite, chaféite et autres, et

qui sont basés sur l’usage et la coutume locale, existant

au moment où les ‘Oulamâ ont rendu les dits arrêts ? Si les

usages ont changé et conduisent à des avis différents de

ceux qui s’en déduisaient auparavant, devonsnous annuler

les fetouas consignées dans les livres etenprononcerde nou

velles basées sur les usages nouveaux, ou bien devonsnous

déclarer que nous n’avons qu’à appliquer les textes et que

nous n’avons pas à réformer la loi sainte, parce que nous ne

sommes pas dignes de l’interpréter et prononcer nos fetouas

suivant les livres écrits d’après les interprétateurs ? » »

« Réponse: L’applicationdesarrètsdejurisprudence basés

sur les usages, lorsque ces usages ont changé, est contraire

à Vljmâ’ et constitue un acte d’ignorance de la religion, car

tous les arrêts tirés de la Loi sainte que suivent les usages

doivent être modifiés quand les usages changent et rempla

cés par de nouveaux arrêts conformes auxnouveauxusages.

Il ne s’agit pas pour le magistrat de faire une nouvelle inter

prétation pour que vous lui réclamiez les qualités requises

pour interpréter; il s’agit, au contraire, d’une règle qui a

été établie par les ‘Oulamâ et qu’ils ont tous acceptée.

Nous n’avons qu’à les suivre dans cette règle sans com

mencer de nouvelles interprétations. Elqirâfi, dans le Kitûb

Elfouroûq, professe la même doctrine qui lui a été ensuite

empruntée par les docteurs et leur a servi de base.

« Il résulte donc de ce qui précède que c’est un nonsens

de décréter aujourd’hui qu’il est défendu de vendre

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ARCHIVES MAROCAINES

quoi que ce soit aux infidèles, sauf en ce qui concerne le

Qur’ân, les .Musulmans, et autres choses similaires, parce

que leurforce est arrivée à un point que personne n’aurait

pu soupçonner ni escompter.

 

« Mais Dieu voudra nous réserver quelque chose qui

nous dédommagera d’eux. JI est en mesure de Je faire, il

le peut, et nous l’attendons de lui.

 

« Mais, me diraton encore, il y a un autre danger à per

mettre la vente de ce que les chrétiens ont demandé. C’est

de rendre difficile aux Musulmans leur subsistance et

leurs bénéfices. Si les chrétiens se mettent à acheter les

produits dont il s’agit, ceux-ci renchériront et les prix

monteront, ce qui causera un grand préjudice aux Musul

mans. C’est pourquoi les docteurs ont considéré comme

illicite l’accaparement de tout ce qui est nécessaire à

l’homme, comme les aliments, les peaux et les vêtements,

et ils ne le permettent pour les aliments et les similaires

que si, l’année étant abondante, il ne peut nuire à per

sonne.

 

« Je dirai à cela qu’aujourd’hui la population, grâce à

Dieu, jouit de l’abondance, et que la gène que lui cause

rait pour sa nourriture et ses profits l’exportation de ces

produits par les chrétiens est douteuse elle peut se pro

duire et ne pas se produire. Or, au point de vue du Chera”,

le doute est toujours rejeté, tandis que l’argument des

dangers que nous aurions à redouter des chrétiens en cas

de refus et d’host-ilités, est absolument décisif, quand on

tient compte de sa vigueur et des usages.

 

« Mais, diraton, non seulement la misère n’est pas dou

teuse, mais, selon toutes probabilités, elle se produira.

« Cela n’est point probable, car nous voyons les chrétiens

embarquer depuis bien longtemps des produits nombreux,

notamment des farinacés, et grâce à Dieu le bon marché

se maintient. D’ailleurs, il s’agit là d’une chose inconnue

en pareille matière, il n’appartient a personne de se pro

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DYNASTIE Al.AOUIE DU MAROC

 

noncer pour le plus ou le moins de probabilités, car tout

jugement basé sur des suppositions est un véritable pré

jugé contre le TrèsHaut en ce qui concerne ses desseins

secrets, et est illicite. De plus, quand ils nous achèteront

quelque chose, les chrétiens en (tonneront un prix notable

et paieront des droits de douane importants les sujets

euxmêmes et le Sultan auront à y gagner; et c’est la, il

me semble, un avantage ineontesinble, d’autant plus que,

comme nous l’avons dit, le renchérissement des denrées

est douteux.

 

« En résumé, cette question donne matière à de nom

breuses recherches et déductions le peu que nous indi

quons suffira pour ceux qui examineront la chose avec

perspicacité. Dieu les aidera

 

« Prenons maintenant la question Sûs son second aspect,

et étudionsla au point de vue du bon sens et de la poli

tique, en nous inspirant forcément du droit, car toute

politique qui ne s’éclaire pas de la lumière de la Loi sainte

est une erreur.

 

« On sait qu’à l’heure actuelle, les chrétiens sont arrivés

à l’apogée de la force et de la puissance, et qu’au contraire

les Musulmans, Dieu les rassemble et répare leur déroute,

sont aussi faibles et désordonnés que possible. Dans ces

conditions, comment est-il possible, au point de vue du

bon sens et de la politique, et même de la loi, que le faible

se montre host-ile au fort ou que celui qui est désarmé

livre combat a celui qui est armé de pied en cap ? Com

ment peuton trouver naturel que celui qui est assis ren

verse celui qui est debout sur ses jambes ou admettre que

les moutons sans cornes combattent ceux qui en ont.

« Si je le pouvais, je me préoccuperais de mettre à exé

cution mes résolutions mais la ceinture de sevrage a

séparé la chamelle de son petit.

 

« Jamais politique, jamais loi n’a conseillé la guerre dans

de pareilles conditions. Aussi, quand le Prophète de

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ARCHIVES MAROCAINES

Dieu, sur lui soient les prières et la bénédiction de Dieu

qui est la meilleure et la plus pure des créatures auprès de

son Maître, ayant conclu avec les idolâtres au jour d’Elho

déîbiya une paix qui fit dire i l’un des principaux compa

gnons, Dieu les agrée « Comment, nous sommes les

Musulmans et nous nous abaissons notre religion » » il

renvoya Abû Jendal, Dieu soit satisfait de lui auprès

des idolâtres, et Celui-ci, marchant les fers aux pieds,

criait de toute sa voix « 0 Musulmans comment peuton

me renvoyer chez les idolâtres qui vont jeter le trouble

dans ma religion ? Il n’est pas nécessaire de rapporter

entièrement cette anecdote qui est bien connue. On sait

aussi que le Prophète de Dieu, sur lui soient les prières

et la bénédiction de Dieu ayant décidé, le jour des Ahzâb,

de donner aux chefs des Gatafân, ‘Aïyina bn Hisn et

Elhârits bn ‘Oùf, le tiers des dattes de Xlcdine, à condi

tion qu’eux et leurs gens le laisseraient tranquille, lui et

ses compagnons, il en fut empêché par Sa’d bn Ma’àd

et Sa’d bn ‘Ibâda, Dieu soit satisfait d’eux qui avaient

senti qu’ils étaient capables de résister à l’ennemi. Pou

vonsnous nous comparer a eux, au point de vue de la

religion, des convictions et de la résistance à la guerre?

Les jurisconsultes, Dieu soit satisfait d’eux ont déclaré,

en raison de cette tradition qui nous vient du Prophète de

Dieu, sur lui soient les prières et la bénédiction de Dieu

qu’il était licite de contracter une trêve avec les infidèles

moyennant paiement d’une somme d’argent. Consultez à

cet égard le Mokhtasar et autres ouvrages. S’il est permis

de donner de l’argent à titre gratuit en cas de nécessité

à plus forte raison, il est permis de donner des produits

moyennant un prix notable.

 

« D’ailleurs, ces puissancesne nousproposent selon toute

apparence que la paix et non pas la guerre. Elles ne recher

chent pas autre chose, dans cette question, que le déve

loppement du commerce, qui amène le plus souvent avec

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

lui une augmentation des rapports entre eux et nous. Cer

tes c’est un danger pour nous, et quel danger d’entrer

en relations avec eux et de les fréquenter, niais celui de

leur faire la guerre est encore plus grand. Il n’est ni sage

ni politique de déclarer la guerre à celui qui nous propose

la paix, tant que celleci est possible. Le Prophète lui

même nous en a donné l’exemple le jour d’Elhodéïbiya.

Ses compagnons s’étaient irrités de cette paix et l’un d’eux,

lui ayant même dit: « Par Dieu! ce n’est plus une vic

toire » il leur répondit: « Nous avons défendu les appro

ches de la maison sacrée. C’est la plus grande victoire que

nous puissions remporter les idolâtres ont bien voulu

vous éloigner joyeux de leur pays, vous demander votre

sentence et solliciter l’Amân. »

 

« C’est à cela aussi qu’il est fait allusion dans cette parole

du TrèsHaut « S’ils inclinent à la paix, tu t’y prêteras

aussi et tu mettras ta confiance en Dieu. » Dieu a dit ces

mots, après avoir dit: « Mettez donc sur pied pour lutter

contre eux toutes les forces dont vous disposez et de forts

escadrons. » pour montrer que la paix est licite, même

dans le cas où les Musulmans ont pour eux la force et sont

prêts à combattre, ainsi que le font remarquer certains

commentateurs. N’en serat-il pas de même quand ils n’ont

ni la force ni la préparation, et qu’ils ne subsistent que par

la générosité de Dieu ? Cependant les interprétateurs ne

sont pas d’accord sur la question de savoir si le verset dont

il s’agit n’est pas annulé par un autre. L’opinion admise,

que l’on trouve dans plusieurs ouvrages etnotamment dans

le Kechchâf, est qu’en pareille matière la décision appar

tient à l’Imâm, qui est juge de l’ut-ilité que présentent pour

l’Islam et ses fidèles la paix ou la guerre sans qu’il soit

formulé qu’il faut combattre ou toujours faire la paix.

« Je suis également cette doctrine, et en conséquence

je considère comme licite la trêve, même moyennant paie

ment d’argent, comme on l’a vu.

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ARCHIVES M\nOCAINES

« Le verset précité prouve, d’ailleurs, que la paix vaut

mieux que la guerre c’est ce qu’admet, en ed’et, le Chera’

et la nature même des choses. En ce qui concerne le Chera’

la chose est permise par ce verset; par l’anecdote d’Elho

déïbiya par la parole de Dieu: « la paix vaut mieux »;

par cette autre parole « et la révolte est plus grave que

le meurtre » par les deux versets précités, qui, bien que

révélés pour un cas particulier, peuvent servir d’argu

ments à l’appui de notre thèse, comme il pourrait servir

pour d’autres, puisqu’ils sont de ces sentences courantes

passées en proverbes par ces mots de ‘Ali, Dieu soit sa

tisfait de lui qui dit « Je n’ai jamais provoque personne

au combat, et personne ne m’a jamais provoque sans que

j’aie accepté», et qui ajouta, comme on lui marquait son

élonneinent « Celui qui provoque a la guerre est un

transgresseur, et le transgresseur est toujours terrassé. »

Au point de vue de la nature même des choses, nous

n’avons pas besoin de preuves, car tout homme raison

nable sait que la paix est meilleure que la guerre. Cherik

dit un jour à Mo’âouiya, Dieu soit satisfait d’eux au cours

d’une discussion: « Tu es un homme de guerre, mais la

paix est meilleure que la guerre. » Elhosaïn bn Namîr

Essekoùni dit à Ibn Ezzoubéir, Dieu soit satisfait de lui

le jour de la mort de Yazid, fils de Mo’âouiya « Viens

avec moi à Damas, pour que j’invite la population à te

prêter serment de fidélité, car personne d’autre que toi

ne saurait être appelé au Khalilat. » – « Je n’irai pas,

si je ne dois pas tuer dix habitants de Damas pour chaque

homme du Hejâz qui sera tué », répondit Ibn Ezzoubéïr,.

en criant. « Je te parle en toute confidence », lui dit alors

Elhosaïn, « et tu me réponds par des cris. Je t’invite à

faire la paix et à prendre le Khalilat, et tu me provoques

à la guerre et à la lutte. Ceux qui prétendent que tu es

le Iléau des Arabes ont menti » On voit que ces repro

ches lui étaient inspirés par le bon sens. L’auteur du

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

Kechchâf et d’autres écrivains citent à propos de la parole

de Dieu: « S’ils inclinent à la paix, tu t’y prêteras. » ce

vers d’El’abbâs lien }lerdâs, Dieu soit satisfait de lui

« La paix, tu peux en prendre ce qui te satisfait, mais la

guerre, il te suffira d’en boire une gorgée. »

 

« Dans le Kitûb Elfitan du Sahtli d’Elbokhâri, il est dit

que « les anciens s’efforçaient dans les résolutions de

s’inspirer des vers suivants:

 

« La guerre à sou début est une jeune fille (lui cherche

a gagner les ignWahrants par sa beauté.

 

« Mais quand elle s’est allumée et que sa conflagration

s’est répandue, elle n’est plus qu’une vieille femme qui

ne trouve plus de mari,

 

« Dont les cheveux grisonnants n’ont plus de couleur,

qui est toute changée, et qu’on ne voudrait plus flairer ni

embrasser. »

 

« Cela signifie, au dire d’Elqastalâni, « qu’ils s’inspiraient

de ces vers pour se représenter ce qu’ils avaient vu et

entendu des effets de la révolte, et qu’ils s’en souvenaient

en les récitant. Ainsi ils renonçaient à y participer, pour

ne pas se laisser tromper, dès le début, par ses appa

rences. »

 

« Et, en effet, vous verrez toujours la canaille ignWahrante,

qui n’a pas la pratique des guerres et qui n’a pas été ins

truite par l’expérience, prête, dès qu’apparaissent des

symptômes de révolte (nous demandons la paix à Dieu !),

à y participer et souhaiter le trouble qui l’accompagne.

Vous entendrez même ceux qui ont eu peur d’y prendre

part dire que, s’ils avaient été là, ils auraient fait telle et

telle chose. Le Prophète, sur lui soient les prières et le

salut! a dit: « Ne désirez pas aller audevant de l’ennemi. »

Elmoutanabbi décrit dans ce vers l’état d’esprit de ces

poltrons

 

« Partout où il y a un poltron, il veut frapper tout seul

et charger l’ennemi. »

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ARCHIVES MAROCAINES

 

« Ce pays du Maghrib, Dieu soutienne son dernier souffle

est, comme vous le voyez, dans la faiblesse et la désorga

nisation la plus extrême. 11 ne conviendrait pas à ses habi

tants de courir à la guerre contre l’ennemi infidèle, qui

est au contraire extrêmement fort et puissant. La logique

nous apprend qu’il ne peut y avoir opposition ou exclusion

qu’entre des termes contraires ou identiques, mais pas

entre des termes contradictoires. Or, notre situation

actuelle et celle de l’ennemi ne sont pas des termes con

traires, ni des termes identiques, mais des termes contra

dictoires. Tirez la conclusion. En supposant même que les

habitants du Maghrib soient aujourd’hui égaux à l’ennemi

par la force et l’organisation, il ne leur conviendrait pas

de faire la guerre. Ici, les préparatifs et le grand nombre

des hommes et des combattants ne sont pas tant il faut

encore que tous soient d’accord pour obéir et ne forment

qu’un seul cœur il faut encore des règlements qui réu

nissent les hommes, des principes qui les dirigent, afin

que toute la troupe ne forme qu’un seul corps, qui se lève

et s’assoit d’un seul bloc. Tel est d’ailleurs le sens com

munément admis du hadîls où se trouve cette parole du

Prophète: « Le croyant doit être pour le croyant comme

une construction bien cimentée dont tous les éléments se

soutiennent l’un l’autre. » S’il n’y a pas de règlements et

de principes, il faut l’autorité de l’intelligence de la reli

gion, la force des convictions, l’entente amicale entre les

Musulmans, l’amour jaloux de la patrie et des choses sa

crées, l’esprit avisé, l’expérience de la guerre et des stra

tagèmes des idolâtres. Or, à l’heure actuelle, sauf de rares

exceptions, les habitants du Maghrib sont dépourvus de

toutes ou à peu près toutes ces conditions. Des généra

tions successives ont vécu dans la paix et la trêve, et il y

a longtemps que leurs ancêtres n’ont pas fait la guerre,

expérimenté ses angoisses, et éprouvé les ennemis et leurs

ruses. Ils ne pensent qu’à manger, à boire et à s’habiller,

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ARGU. MAROC. 23

 

et à cet égard il n’y a pas de différence entre eux et leurs

femmes. On connaît mieux les choses quand on les voit de

ses propres yeux que quand on en entend parler. Dans ces

conditions, serait-il sensé de déclarer avec empressement

la guerre aux nations européennes ? P

 

« Nous sommes, elles et nous, comme deux oiseaux, l’un,

pourvu d’ailes, qui va partout où il lui plaît, et l’autre qui

aurait les ailes coupées et qui retomberait toujours à terre

sans pouvoir voler. Croyez-vous que cet oiseau sans ailes,

qui n’est pas autre chose qu’un morceau de viande sur une

planchette, puisse combattre celui qui vole où il veut

« Ne seraitce pas la mort assurée de celuilà et le salut

et même le butin de Celui-ci, qui le déchirera quand il en

trouvera l’occasion, et s’en éloignera en volant quand il ne

la trouvera pas, pour attendre le moment où il pourra tom

ber sur lui et s’en emparer entièrement, tandis que l’autre

ne pourra que se défendre quelquefois quand il en aura le

moyen, mais succombera un. jour ou l’autre. Telle est

notre situation à l’égard de notre ennemi. Avec ses bateaux

de guerre pourvus de nombreuses ailes, il nous tient en

tièrement à sa discrétion il peut nous attaquer dans nos

ports quand il lui plaira, et s’éloigner, sans qu’il nous soit

possible de l’atteindre, quand il voudra. Nous n’avons pas

d’autre ressource que de nous défendre si nous sommes

unis, et si les turbulents Arabes n’occupent pas nos der

rières, comme nous l’avons, hélas expérimenté trop sou

vent. « Le croyant ne se laisse pas piquer deux fois dans

le même trou de scorpion », a dit le Prophète, sur lui soit

le salut Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce point,

mais ce que nous avons indiqué suffit.

 

«Mais, objecteraton, vousassimilez à une simple révolte

la guerre sainte qui est conseillée par le Chera* et à laquelle

est réservée une magnifique récompense ? Vous voulez

nous en faire perdre le désir et nous enlever tout espoir

de nous y livrer par vos paroles.

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ARCHIVES MAROCAINES

« Savez-vous, ômon frère, répondraije, ce que c’est que

la guerre sainte conseillée par le Chera et à laquelle est

réservée la plus grande récompense.’ Le jihûcl consiste

à faire la guerre aux idolâtres et aux impies, pour faire

triompher la parole du Clément et les amener à professer

la religion de Dieu de gré ou de force, de façon que la

parole de Dieu soit celle qui reste victorieuse et celle du

diable qui soit anéantie. Cette guerre doit être inspirée

par la clairvoyance, la pureté des intentions et l’amour

jaloux de la religion de Dieu, pourvu, et c’est une condi

tion essentielle, que les forces soient suffisantes ou peu

s’en faut. La guerre qui ne serait pas conforme à un seul

même de ces principes ou conditions, serait plus proche

de la révolte que du jihâd. Je dirai même plus le jihâd

légal est impossible depuis longtemps comment alors le

vouloir aujourd’hui ? Provoquer la guerre par ignorance

de la vérité, ce serait vouloir allumer le flambeau de la

révolte, donner prise à l’ennemi sur nous, le mettre

en possession de nos ports, lui fournir les moyens de

prendre nos femmes, notre argent et notre sang (deman

dons à Dieu de nous en préserver à à moins que nous ne

soyons de ceux que Dieu a choisis, dans le cœur des

quels il a écrit la foi, qu’il soutient de son souffle comme

les peuples de l’Abyssinie et de la Nubie, dont nous enten

dons parler, et qui disputent aux soldats anglais les

confins de la HauteEgypte. Ceuxlà, nous le savons par

des nouvelles consécutives et sûres, le Gouvernement

anglais a épuisé ses ruses contre eux il a eu beau envoyer

d’Egypte à plusieurs reprises des soldats munis de toute

la force et la puissance possible, ils les ont complète

ment anéantis, et cependant ils ne combattent le plus

souvent qu’avec des lances, comme le font toujours les

habitants du Soudan. La victoire est entre les mains de

Dieu!

 

« Étudions enfin la question Sûs son troisième point de

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DYNASTIE ALAOU1E DU MAROC

 

vue, celui de la compréhension de Dieu et de l’examen

attentif de son action sur ce monde.

 

« Seuls peuvent traiter pareille matière ceux qui ont l’in

telligence éclairée de la lumière d’en haut et dont les

cœurs sont purs, et non ceux qui, comme nous, ne sont

occupés que d’euxmêmes et entraînés dans les torrents

des passions (Que Dieu ait la clémence de nous sauver).

Nous dirons cependant quelque chose, quoique ce soit un

bavardage inut-ile.

 

« Si nous examinons comment Dieu traite son serviteur

le Amîr al-Mû’minîn, Mawlay Elhasan (Dieu le fortifie !),

nous constaterons heureusement qu’il est bien traité, qu’il

jouit de la protection divine, que l’œil de l’attention du

Maître est toujours ouvert sur lui partout où il va, la

fortune l’accompagne il réussit dans toutes ses entre

prises et le succès avec lequel il termine les graves affaires

réjouit l’ami et nuit à l’ennemi. Dieu en soit hautement

loué Avec cela il est reconnaissant envers son Maître,

confiant dans l’appui qu’il prend en lui, et ne tourne ses

regards que vers lui. Il est soucieux d’améliorer le sort de

ses sujets et aime jalousement la religion et le pays. Par ces

qualités et par les autres beautés de son caractère, il s’éleva

bien audessus des rois de sa famille qui l’ont précédé.

« Dans ces conditions, le bon sens le plus complet nous

commande de remettre cette affaire entre ses mains,

d’avoir confiance dans son jugement éclairé et dans son

esprit heureusement inspiré, et de lui répondre que dans

cette affaire il appartient à lui seul de décider, car c’est lui

que Dieu a chargé de nous gouverner, et qui a reçu mis

sion de veiller sur nous et de nous conseiller. S’il juge

indispensable de demander conseil, il ne peut s’adresser

qu’aux arbitres des destinées du Gouvernement, qui,

disent les Oumanâ, sont les gens savants et religieux

connaissant cette question spéciale, car la condition

requise pour être chargé de l’étude d’une question est de

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ARCHIVES MAROCAINES

la connaître. La détermination prise par le Commandeur des

Croyants sera la nôtre, et nous ratifierons ce qu’il aura

ratifié. Dieu ne l’at-il pas habitué à ses bienfaits? « Il

« peut se faire que quelque chose vous répugne et qu’elle

« soit cependant bornée pour vous. » La demande de ces

nations peut être aussi mauvaise pour elles, et au contraire

nous convenir. N’attendons pas autre chose du TrèsHaut;

ce n’est pas trop pour lui. Les mesures préparées par eux

tourneraient alors à leur perdition. Nous sentons déjà

souffler, grâce à Dieu le vent qui dissipe nos soucis

passés, puisse Dieu terminer son œuvre de bonté pour

nous. Ainsi soit-il

 

« De plus, en nous en remettant à lui de cette affaire, nous

nous affranchissons de la force et de la puissance, car la

destinée nous ayant amené cette question, il convient que

nous l’accueillions et l’admettions, tandis que si nous y

employions nos ruses et notre jugement, nous prendrions

part à sa direction or, il y a une différence entre remettre

à un autre le soin de régler une affaire et la diriger.

« Dieu conduit qui lui plaît dans la voie droite.

« Le salut soit sur vous ainsi que la miséricorde de Dieu

et ses bénédictions.

 

« Écrit par Ahmad bn Khâléd Ennâsiri (Dieu lui soit

favorable !) le 10 cha’bân de l’année 1303. »

 

Après cela, le TrèsHaut donna une belle marque de sa

bienveillance et permit que la question fut terminée

moyennant de légères concessions sur la demande présen

tée le Sultan (Dieu le fortifie !) accorda aux nations l’ex

portation du blé et de l’orge pendant trois ans, avec une

réduction d’un quart sur les droits de douane, et, grâce à

Dieu il n’en résulta aucun dommage pour ses sujets.

L’année suivante (1304) 1, le sultan Mawlay Elhasan (Dieu

le fortifie !) écrivit aux ‘Oulamâ de Fâs pour leur demander

1. Texte arabe, IVe partie, p. 270.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

leur avis sur les arrêts concernant le commerce des plantes

soporatives et nuisibles, et provoquer leurs conseils sur la

question de savoir s’il fallait les laisser vendre sans restric

tion ou en interdire le commerce.

 

Voici le texte de sa lettre après les formules d’usage

« A nos amis, les jurisconsultes éminents et intègres,

les ‘Oulamâ bien dirigés de Fâs.

 

« Le salut soit sur vous, accompagné de la miséricorde

du TrèsHaut et de ses bénédictions.

 

« Ensuite

 

« Depuis bien longtemps nous sommes hésitant en ce

qui concerne la levée du monopole de la sâka, c’estàdire

des herbes soporatives et nuisibles, et de ce qui s’y

rapporte. Nous considérions cette levée comme une chose

des plus importantes et plus urgente que celle du droit

des portes, car nous avons du dégoût pour ces herbes et

une grande répugnance à nous occuper de cette question,

qui pèse extrêmement sur notre cœur et nous inspire de

la crainte.

 

« Nos ancêtres (Dieu les sanctifie !) avaient tenté de les

faire disparaître entièrement et avaient essayé de tous les

moyens. Plusieurs fois, ils les firent brûler. Mais voyant

que la lie du peuple, les impudents, les pauvres et les

indigents euxmêmes, persistaientà les employer, ils prirent

des mesures pour en rendre l’achat difficile à ceux qui s’y

adonnaient, afin que seuls puissent les acheter ceux qui en

auraient les moyens, et ces derniers sont dans la lie du

peuple un bien petit nombre, en considération des grands

bénéfices qui en résultent pour le Trésor. Elles furent donc

saisies au profit du Makhzen ce procédé réalisait ces deux

objets.

 

« Quand Dieu a jeté dans notre cœur le désir de lever ce

monopole et de faire disparaître l’ordure qui en résulte,

nous nous sommes trouvés en présence de deux solutions

celle qui consisterait à maintenir ces herbes entre les

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ARCHIVES MAROCAINES

mains du Makhzen et celle (jui consisterait à en déclarer la

vente libre. La première solution est précisément celle

que nous évitons, pour les raisons que nous avons indi

quées. Quant à la seconde, elle aurait pour résultat d’exci

ter la lie du peuple et les gens impudents à user de ces

herbes d’autant plus que leur prix baisserait. Le fort et

le faible pourraient donc se les procurer. Ce serait leur

permettre ce qui leur a été précédemment interdit. Ils

deviendraient plus audacieux et ne redouteraient plus

aucune surveillance. Il en viendrait du pays des chré

tiens des quantités illimitées, qui seraient taxées aux

douanes comme les marchandises permises bref, il résul

terait de tout cela des maux plus graves que si le Makhzen

détenait le monopole de la vente. Nous nous trouvons donc

très embarrassé.

 

« Nous vous invitons, en conséquence, à nous indiquer,

pour nous tirer d’embarras, un moyen conforme aux

règles de la Loi sainte purifiée, et qui mette notre respon

sabilité à couvert; cette question est très grave.

« Salut.

 

« Le 23 moharrém 1304. »

 

La réponse des ‘Oulainâ de Fâs (Dieu les rende plus

nombreux !) fut longue. Elle disait, en résumé, que l’usage

et la vente de ces herbes étaient illicites, ce qui est la

doctrine de tous les docteurs et soûfis (sur eux soit l’agré

ment de Dieu !).

 

Comme le Sultan (Dieu le fortifie !) désirait avant tout

un conseil sur le moyen de se dégager de la responsabilité

qu’il courait en autorisant la libre vente de ces produits,

et de se préserver en même temps contre les conséquences

nuisibles qui en résulteraient et qui sont indiquées dans

la lettre sharîfienne, un de mes amis de Fâs m’écrivit pour

me parler de ce cas. Je lui répondis par cettre lettre

« La réponse faite par nos seigneurs les jurisconsultes

de Fâs, qui interdisent l’usage de ces herbes illicites et

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

établissent que le Makhzen a le devoir de cesser d’en

pratiquer la vente, est la véritable doctrine qu’il faut obser

ver entièrement. Ces herbes ont plusieurs caractères de

nocuité, dont un seul serait suffisant pour en interdire

péremptoirement l’usage. Nous avons déjà traité ce point

suffisamment dans le Kilùb Elislïqsà on peut s’y référer.

La lettre chérîfienne dit que l’avantage qui résulterait de

ce que le Makhzen saisit ces produits et eu pratiquât seul

la vente, serait d’en rendre l’acquisition difficile à ceux

qui en usent et de le permettre seulement à ceux qui

peuvent en payer le prix, à l’exclusion des pauvres. Cet

avantage est douteux, peutêtre même irréalisable. Ainsi

que nous l’avons déclaré péremptoirement, ceux qui font

usage de ces herbes n’y sont portés que par leur noncha

lance, leur manque de dignité, leur peu de piété, la

bassesse de leurs sentiments et leurs préoccupations viles,

tandis que ceux qui s’en abstiennent sont retenus par leur

dignité, leur piété solide, leurs sentiments nobles et leurs

préoccupations élevées. Cette dépense infime n’entre pas

en ligne de compte, car ce sont les pauvres et les malheu

reux qui en usent le plus. Donc, comme vous pourrez le

constater, il n’y a pas avantage à en rendre l’acquisition

difficile par l’augmentation du 1 1 prix.

 

« Puisqu’il en est ainsi, il faut., au point de vue de la loi et

de la dignité humaine, dégager entièrement du commerce

de ces herbes l’Imamat islamique, le Khalîfat prophétique

qui est la source même des fonctions spirituelles et des

charges judiciaires, et l’empêcher de se souiller à leur

contact impur. Pareille chose est inconvenante pour le

dernier des .Musulmans, à plus forte raison pour le Commandeur

des Croyants. De même, si Sa Majesté s’ingérait dans

cette affaire pour pratiquer le commerce de ces herbes et

s’en réserver les bénéfices, Elle pousserait les gens du

peuple à en faire usage, ainsi que l’ont dit les “Oulaniâ

de Fâs (Dieu les protège !) et on aurait beau les en empê

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ARCHIVES MAROCAINES

cher, ils ne se laisseraient pas convaincre, et diraient que

si ces herbes étaient vraiment illicites, le Makhzen ne les

prendrait pas pour lui et ne s’en réserverait pas les béné

fices. En effet, c’est toujours la parole de celui qui prêche

d’exemple qui est seule écoutée c’est l’ordre de celui qui

sait obéir qui est seul exécuté. Lorsque le Prophète de

Dieu (Dieu prie pour lui et lui donne le salut !) conclut la

paix avec la tribu de Qoréïch au jour d’Elhodéïbiya, il

ordonna à ses compagnons d’enlever leurs vêtements et

de se raser. Ceux-ci ne lui obéirent pas. Il répéta cet

ordre trois fois de suite, sans qu’un seul d’entre eux ne

bougeât. Alors il se leva lui-même, et, entrant chez la

mère de Salama, il lui fit part de leur attitude. « Sors, ô

« Prophète de Dieu lui dit la mère de Salama (Dieu soit

« satisfait d’elle !) ne leur adresse pas la parole, découvretoi

« le corps, appelle ton barbier et fais toi raser. Le Prophète

(Dieu prie pour lui et lui donne le salut sortit et, sans

dire un seul mot, il se découvrit le corps et fit venir son

barbier qui le rasa. Voyant cela, ses compagnons se

levèrent aussitôt, se déshabillèrent et commencèrent à se

raser l’un l’autre, si bien qu’ils faillirent se battre. Voilà

pourquoi je dis que les gens du peuple, acharnés à suivre

l’exemple du Commandeur et des chefs qui ont du prestige,

ainsi que l’expose Ibn Khaldoûn dans son Histoire, au

livre des Caractères de la civilisation, s’ils voient leur

Commandeur faire quelque chose, le font aussi, et s’il s’en abstient,

s’en abstiennent aussi.

 

« Maintenant, la crainte que ces herbes soient importées

du pays des chrétiens, que ceux-ci se mettent à en faire le

commerce sur les marchés des Musulmans et établissent

des boutiques pour les vendre, et qu’il en résulte des con

séquences nuisibles, cette crainte, disje, est détruite par

les traités qui existent entre eux et nous, et notamment

par les articles 2, 5 et 7 du traité de commerce conclu

avec les Anglais, en particulier, et les autres puissances

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

en général, en 1273. L’article 2 de ce traité stipule cjue

ces herbes et les produits similaires font partie des mar

chandises dont l’importation et l’exportation sont inter

dites. Les articles 5 et 7, qu’on peut consulter, stipulent

encore que, lorsque le Sultan aura renoncé à en pratiquer

la vente, ils pourront seulement introduire la quantité né

cessaire à leur usage personnel, pas davantage. Or, en ce

qui concerne les boissons fermentées, ne savez-vous pas

qu’ils n’importent à l’heure actuelle que ce qui sert à leur

consommation personnelle, ou qu’ils se les vendent entre

eux, mais qu’il ne leur est pas possible d’en faire le com

merce sur les marchés des Musulmans ni d’établir des bou

tiques pour les vendre ? Il pourrait en être de même pour

ces herbes, qui doivent être soumises absolument au même

régime que les boissons fermentées.

 

« Or si le Makhzen s’interdit de faire le commerce de ces

herbes en maintenant la même interdiction en ce qui con

cerne les sujets, les chrétiens. n’auront pas d’argument à

invoquer contre cette mesure, ni de discussion à soulever,

car l’interdiction que s’appliquera le Makhzen ne sera

alors que la confirmation de l’interdiction prononcée pré

cédemment. Ils ne pourraient réclamer qu’au cas où ces

marchandises seraient vendues à certains sujets à l’excep

tion des autres. Les quinze articles des traités de commerce

stipulent et posent en principe que les sujets étrangers

seront traités comme les sujets marocains, tant au point de

vue des mesures restrictives et spéciales qu’à celui des

libertés absolues et des mesures générales de telle sorte

qu’il ne peut y avoir de privilège pour personne en matière

commerciale, sauf en ce qui concerne les produits spécia

lement désignés dont le Makhzen a intérêt ou avantage à

arrêter la vente, et qu’il arrête s’il lui plaît quand il le veut

ou laisse entrer quand il lui plaît, de même qu’il peut se

réserver le bénéfice de certains produits à l’exclusion de ses

sujets ou des sujets étrangers. Ce que défendent les traités,

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ARCHIVES MAROCAINES

c’est qu’il accorde à ses sujets des droits qu’il n’accorderait

pas aux sujets étrangers, ou qu’il fasse à quelquesuns de

ces derniers des concessions qu’il lie ferait pas aux autres;

mais, pour ce qui le concerne personnellement ou pour ce

qui a trait aux avantages de son empire, il peut se réserver

exclusivement les produits interdits comme il l’entend.

Telles sont en résume les stipulations des traités.

« Dans ces conditions, eston fondé a craindre, qu’au

moment où le Sultan s’interdit de vendre ces herbes, en

maintenant la même interdiction à ses sujets, on en fasse

venir du pays des chrétiens, qu’on en fasse le commerce

sur les marchés musulmans, et qu’on établisse des bou

tiques pour en opérer la vente, etc. ? Une pareille crainte

n’a pas de raison d’être. Elle serait plausible si, tout en

s’interdisant à lui-même de les vendre, le Sultan permet

tait à la population d’en faire le commerce et lui laissait

toute liberté à ce sujet. Mais telle n’est pas la pensée du

Sultan, Dieu le fortifie malgré l’équivoque des termes de

la lettre sharîfienne où il est dit « Il y a longtemps que

nous faisons des pas en avant, puis en arrière en ce qui

concerne la liberté du commerce de la sâka. »

« Il est probable que le rédacteur de cette lettre, ou que

celui qui l’a dictée, n’a pas bien exprimé la pensée du

Sultan, Dieu le fortifie et a rédigé sa lettre Sûs cette

forme qui laisse penser que le Amîr al-Mû’minîn, Dieu

le glorifie veut s’interdire de vendre ces herbes, dans un

sentiment de dégoût et de mépris pour elles, et le permet

à ses sujets musulmans ou autres. A Dieu ne plaise que

ce soit là sa pensée Dieu le fortifie car c’est le souverain

le plus scrupuleux, le plus respectueux de Dieu, trop atta

ché à ses sujets, le plus soucieux de développer leurs inté

rêts et d’écarter ce qui peut leur nuire, et le plus pénétré

de ces paroles de son aïeul, sur lui soient les prières et le

salut « Ce n’est pas un croyant celui qui ne voudra pas

pour son frère croyant ce qu’il veut pour lui-même. »

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DYNAST1K ALAOUIE DU MAROC

 

« II résulte donc de cet exposé que, légalement et mora

lement, il faut se hâter de mettre un terme au commerce

de ces herbes et de purifier de leur souillure l’Imamat

islamique. Dieu très haut a dit en parlant de son Prophète,

sur lui soient les bénédictions de Dieu « Les choses

pures leur seront permises et les choses impures leur

seront défendues. » Non seulement le Amîr al-Mû’minîn,

Dieu le fortifie a le devoir de purifier le Khalîfat de ces

produits, mais il doit encore s’efl’orcer d’en purifier les

Musulmans, pour les raisons que nous venons de don

ner.

 

« Mais, me diraton, s’il est facile et possible de purifier

promptement, comme vous le dites, le Khalîfat de ces

herbes, s’il plaît à Dieu, il paraît excessivement difficile

d’en purifier tous les Musulmans. Si le vulgaire est invité

à les supprimer d’un seul coup et est amené à en aban

donner l’usage en une seule fois, ce sera très pénible pour

lui, il deviendra méchant, il se révoltera comme l’âne

sauvage, et peutêtre se livrerat-il à des actes fâcheux en

proclAmânt sa désobéissance et en se révoltant.

« Aristote faisait à son élève Alexandre la recommanda

tion suivante à peu près dans ces termes « 0 Alexandre,

lui disait-il, évite autant que possible le vulgaire, et fais

en sorte qu’il ne dise que du bien de toi, car si le vulgaire

peut parler, il peut aussi agir. » En résumé, il est très

difficile de supprimer chez le vulgaire une habitude résul

tant de la sottise, et de le faire renoncer à une erreur dans

laquelle il a été élevé cette tâche n’est possible que pour

celui qui y a été préparé par Dieu, comme un prophète,

un saint parfait, ou un imâm juste, et si on supprimait chez

lui ce vice dont il a contracté l’habitude, avec lequel il a

grandi pendant des générations et des siècles, il en résul

terait forcément des troubles et de la résistance en fait ou

en pensée. Il convient donc de lui laisser son habitude,

car, pour changer une chose mauvaise, la première condi

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ARCHIVES MAROCAINES

tion est de ne pas amener une chose plus mauvaise, comme

l’enseignent les règles et les principes.

 

« Tout ce que vous dites, répondraije, est juste et inat

taquable. Mais je ne prétends pas que le Commandeur des

Croyants, Dieu le fortifie doive supprimer d’un seul coup

l’habitude contractée par le vulgaire et l’amener à l’aban

donner immédiatement. On doit procéder à cet égard

avec méthode, comme l’a fait le Prophète de Dieu, Dieu

prie pour lui et lui donne le salut quand il a voulu inter

dire aux Arabes les boissons fermentées. Au moment où

Dieu envoya le Prophète, Dieu prie pour lui et lui donne

le salut les Arabes étaient le peuple le plus adonné à la

boisson et le plus passionné pour les liqueurs fermentées.

Son amour pour elles était si grand qu’elles étaient deve

nues la moitié d’euxmêmes et constituaient la force atti

rante de leur société. Ils préparaient à cette occasion des

réunions nombreuses et choisissaient, pour les leur pré

senter, les plus belles d’entre leurs esclaves chanteuses et

musiciennes. Ils les célébraient au son des cymbales et

des tambours de basque, et posaient comme règle, contrai

rement à leurs habitudes, de se parer dans ces fêtes des

plus fins tissus. Ils leur consacraient leurs vers et leur

tressaient des couronnes dans leurs poèmes. En un mot,

aucun peuple n’a laissé à un degré aussi élevé que les

Arabes le souvenir de la passion des boissons fermentées

et des éloges qu’elles ont inspirés. Aussi lorsque la sollici

tude de la Loi sainte se préoccupa de les interdire, le fit

elle avec méthode, comme cela ressort du Qur’ân et de la

Sounna, jusqu’à ce que Dieu et son Prophète eurent accom

pli leurs desseins à l’égard des Arabes. Ceux-ci renon

cèrent alors définitivement aux boissons fermentées, et

le divin Législateur leur donna le nom de « Umm Elkhe

bâïts » (Mère des turpitudes) pour en faire l’objet d’une

plus grande répulsion.

 

« Et les instruments de jeu n’ont été prohibés qu’à cause

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

des boissons fermentées et pour en porter l’interdiction

à sa limite extrême, puisque ceux-ci sont un moyen de

provoquer l’usage de celleslà.

 

« Comme le constate Elgezzâli, Dieu lui fasse miséri

corde dans le Kilâb Essemâ’ men elahyâ et dans le

Commentaire d’Elkhâzén, après avoir fait l’exposé de la

façon dont cette prohibition a été faite, il s’exprime

ainsi

 

« La sagesse qui fit adopter cette méthode de prohibi

tion s’explique par le fait que Dieu très haut savait que

ces peuplades s’étaient habituées à user des boissons

fermentées et à en tirer de grands bénéfices, et qu’il

savait que les leur interdire en une seule fois c’était leur

rendre cette interdiction plus pénible. C’est assurément

pour cela qu’il usa de cette méthode progressive et bien

veillante.

 

« Anes, Dieu soit satisfait de lui a dit Les boissons

fermentées ont été prohibées alors qu’il n’y avait pas pour

les Arabes « d’aliment » qui leur fût plus agréable, et

il n’est pas une prohibition qui leur ait été plus pénible

que cellelà. »

 

« Connaissant ce précédent, je dirai de même: II faut que

le Amîr al-Mû’minîn, Dieu le fortifie s’efforce de puri

fier ses sujets de la souillure de ces herbes, dont l’emploi

constitue la plus odieuse des pratiques, comme je l’ai

exposé dans le Kitdb Elistiqsâ, et suive envers ses sujets

la méthode de l’interdiction progressive, en y appliquant

toute son attention, en cherchant l’appui de Dieu et en

s’en remettant à Lui dans cette affaire. Il n’y trouvera alors,

s’il plaît à Dieu, aucune difficulté.

 

« Lorsque l’homme a pour lui le secours de Dieu, la

réalisation de ses désirs est affranchie de toute diffi

culté. »

 

« Elbonoûri dit au Prophète, Dieu lui accorde ses béné

dictions et son salut « Et je dirai au Amîr al-Mû’minîn:

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ARCHIVES MAROCAINES

celui dont les efforts changent de direction devient injuste

et grâce à Dieu

 

« Vous verrez l’élite des hommes se soumettre à toute

chose à laquelle vous vous serez appliqué et les gens clair

voyants leur donner leurs suffrages. »

 

« En ce qui concerne la façon d’user de cette méthode

progressive, le Sultan, Dieu le fortifie devra ordonner

aux ‘oulamâ dans leurs conférences, aux khâtibs dans leurs

chaires et aux prédicateurs dans leurs sièges de s’accorder

à blâmer l’usage de ces herbes, à en inspirer le dégoût à

la foule, à lui en montrer les souillures, à lui exposer les

germes de dépravation qu’elles renferment pour lui, et de

faire ces remontrances dans les termes les plus durs qu’ils

pourront.

 

« Que ceux qui pourront faire de cette propagande l’ob

jet d’un livre, l’écrivent que ceux qui pourront en faire

le sujet de poésies, la mettent en vers que ceux qui pour

ront la mettre en prose le fassent Ils continueront ainsi

pendant trois ou quatre mois, ou davantage.

 

« Il est certain que cela produira une certaine impression

dans l’esprit du peuple car lorsque les intentions sont

toutes d’accord en concourant au même but, elles y im

posent leur empreinte avec l’assistance de Dieu, surtout

lorsque ces intentions sont celles de gens de bien. On

trouve dans les hadîts « Le secours de Dieu est avec la

Communion des fidèles. »

 

« Passé ce délai, et lorsqu’il aura été bien constaté que la

notion de cette turpitude a pénétré l’esprit du peuple, le

Amîr al-Mû’minîn écrira à ses qâdis, et leur ordonnera

d’examiner avec attention les témoins et les imâms des

mosquées. Ceux qu’ils trouveront faisant le moindre usage

de ces choses viles, ils rejetteront.leur témoignage et leur

interdiront l’exercice de l’Imamat. Ils n’accepteront pas

leur témoignage, même s’il concorde avec celui d’un

grand nombre d’autres témoins.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« On devra continuer à écrire sur ce sujet et à s’y appli

quer pendant un temps égal au premier délai ou davan

tage, de sorte que le sentiment de la turpitude attachée à

ces herbes grandisse dans l’esprit du peuple et que la

majorité se détourne de cet usage.

 

« Le Amîr al-Mû’minîn écrira ensuite aux ‘âmil-s

des villes et des campagnes d’ordonner a leurs adminis

trés de s’abstenir de semer de ces herbes, d’en faire la

moindre provision ou le moindre commerce. Après avoir

mené de la sorte ce programme à bonne fin, il cessera dès

ce moment de pratiquer la vente de ces produits, et ordon

nera de brûler ce qui en restera, de fermer les boutiques

où il s’en consomme et que l’on nomme couramment

« qahâoui » (cafés) il sera interdit au peuple d’en faire

usage dans les lieux publics de réunion, comme les mar

chés, etc. Ces mesures seront rigoureusement observées,

et il sera publié dans tout l’Empire marocain que la règle

établie pour ces herbes est la même que celle concernant

les boissons i’ermentées.

 

« Aussi, de même que la consommation du vin ne se fait

plus publiquement sur les marchés, de même, l’usage de

ces herbes ne s’y exhibera plus ouvertement, et quiconque

s’en rendra coupable recevra un châtiment convenable

dont la portée s’étendra aux autres.

 

« Telle est la limite de ce que pourra faire le Sultan, et le

secours de Dieu fera le reste

 

« Si ce but est atteint en trois ans environ, cela aura été

peu de chose, et lorsque Dieu en aura facilité la réalisa

tion, ce sera pour les Musulmans une bonne nouvelle et un

trait caractéristique de la reconnaissance de leur religion.

Par ma vie la passion des boissons i’ermentées était pour

tant plus fortement enracinée chez les Arabes que celui

des herbes soporifiques chez les gens d’aujourd’hui, et de

beaucoup et le caractère suspect de ces boissons était

moins certain que celui de ces herbes. Il est à présumer

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ARCHIVES MAROCAINES

 

qu’il serait facile d’en faire cesser l’usage et d’en purifier

le pays et les serviteurs de Dieu. Cela n’est-il pas en effet

une des choses désagréables à Dieu.

 

« Dit et écrit par Ahmad bn Khâléd Ennâsiri, Dieu le

favorise le 15 rabî II, 1304. »

 

Le Sultan détourna ensuite le commerce du trafic de ces

herbes et fit brûler tout ce que le Makhzen avaient saisi

il défendit aux commerçants étrangers d’en importer au

Maghrib une quantité supérieure à celle de leur consom

mation particulière, et encore cette quantité devaitelle

être soumise au droit d’entrée de 10 p. 100. Il en limita

l’introduction au port de Tanger, à l’exclusion de tous les

autres ports marocains.

 

Tel est le dernier état de cette question à notre

époque.

 

En 1305 1, le sultan Mawlay Elhasan (Dieu le fortifie !) fit

une expédition contre les Aït Ou Mâlou, qui font partie

du groupe des Berbers de Fêzzâz et qui sont issus de la

souche des Senhâja. Ils se divisent en nombreuses

branches, comme les Zâyan, les Bni Mguîld, les Chqîrén,

les Aït Sekhmân, les Ait Isri, etc., et forment des popu

lations que seul leur créateur pourrait compter. Depuis

que les Berbers se sont emparés du Maghrib, de longs

siècles avant l’Islâm, ils habitent les montagnes de Fêzzâz

dont ils remplissent les sommets et où ils se sont fortifiés

dans les points inaccessibles.

 

Le Sultan sortit de Méknâsét Ezzéïtoûn le 10 ramadân

de cette annéelà pour razzier ces tribus rebelles et étour

dir ces contrées, où, dans les époques de relâchement du

pouvoir, les rois des dynasties du Maghrib avaient dû

établir leur autorité l’un après l’autre, ainsi qu’on l’a déjà

vu dans ce recueil par leur histoire et par celle des autres

tribus. Le Sultan atteignit ces montagnes qu’il soumit,

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 274.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

puis arriva à la qasba d’Adékhsân, bâtie jadis par Mawlay

Ismâ’îl (Dieu lui fasse miséricorde !). Presque toutes ces

tribus lui envoyèrent là des députations, pour marquer

leur obéissance, témoigner de leur soumission et fournir

des vivres à l’armée et des présents au Sultan. Toutefois,

les Aït Sekhmân, après avoir commencé par marquer leur

obéissance, comme les autres tribus, demandèrent au

Sultan d’envoyer avec eux un certain nombre d’hommes

du guéïch pour rapporter les vivres et les cadeaux qui leur

avaient été imposés. Le Sultan fit partir avec eux 200 cava

liers, Sûs le commandement de son cousin, le chérîf ver

tueux et pieux Mawlay Seroûr bn Drîs bn Slîmân. (Le

Slîmân, son grandpère, dont il s’agit ici, est Mawlay

Slîmân, un des rois de cette dynastie Alaouie.) Quand

cette troupe se trouva au cœur du pays des Aït Sekhmân,

le soir, ceux-ci tinrent des conciliabules entre eux, et,

Satan ne les quittant pas, ils décidèrent d’un commun

accord de faire tomber dans un guetapens les gens du

Sultan qu’ils avaient répartis par groupes dans leurs dchar

et leurs douwârs. Au moment du ‘ackâ, sur un signal

convenu entre eux, leurs divers groupes se rendirent

auprès des soldats du Sultan qui étaient chez eux, tom

bèrent sur eux et en tuèrent, diton, une vingtaine, tandis

que les autres prenaient la fuite à grand’ peine. Parmi les

morts se trouvait le chef de la troupe, le chérîf Mawlay

Seroûr, qui fut tué d’un coup de fusil, puis lardé à coups

de baïonnette. C’était une des meilleures personnes de

l’entourage du Sultan (sur lui soit la miséricorde de Dieu !).

Ces actes honteux eurent lieu sur les conseils du chef des

Aït Sekhmân, ‘Ali bn Elmekki, un des derniers survi

vants de la famille Mhawûsh, dont nous avons parlé Sûs

le règne de Mawlay Slîmân (Dieu lui fasse miséricorde !).

Après cela, ils se mirent en route pendant la nuit et, le

lendemain, ils s’étaient répandus en désordre chez les

Aït Hadîddo, les Aït Mergâd et autres tribus berbères. Il

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ARCHIVES MAROCAINES

 

n’en resta, diton, qu’un très petit nombre, qui furent

arrêtés le lendemain et eurent la tête tranchée.

Un des témoins de cette aflaire m’a raconté qu’après

avoir commis ces actes, ils s’enfuirent pendant la nuit,

abandonnant leurs cultures et leurs biens dans leurs

villages. Apprenant cela, le Sultan envoya à leur recherche

un certain nombre de ses soldats auxquels il ajoignit les

cavaliers de leurs contribules les Ait Chqirén, qui accom

pagnaient l’étrier du Sultan et feignaient la soumission.

Les soldats pillèrent ce qui appartenait aux Aït Sekhmân,

ravagèrent leurs cultures, démolirent leurs constructions

et incendièrent leurs maisons, mais les cavaliers Ghqîrén

se tinrent à distance pour ne point faire de mal à leurs

contribules et par patriotisme berbère aussi il est bien

probable qu’ils avaient prévenu ces derniers de ce qui

allait se passer et leur avaient conseillé de s’éloigner pour

se mettre à l’abri. Quand il connut les secrètes pensées

des Chqirén, le Sultan donna l’ordre de piller leurs cam

pements et de mettre à mort tous les prisonniers qu’on

pourrait leur enlever. L’armée du Sultan leur infligea une

terrible attaque, fit un grand nombre de prisonniers, dont

une trentaine eurent la tête coupée, et pilla leurs campe

ments et leurs villages qui furent entièrement saccagés.

Le lendemain, leurs femmes et leurs enfants vinrent cher

cher protection auprès des canons et implorèrent l’assis

tance du Sultan. Celui-ci se montra bienveillant, leur

accorda la liberté de leurs prisonniers, les habilla et leur

pardonna.

 

Après cela, il se mit en route et arriva à Méknâsét

Ezzéïtoûn dans les derniers jours de doûlhedja, dernier

mois de l’année.

 

Au cours de l’année 1306 j, le Sultan fit une expédition

dans les montagnes des Gourâra. Il quitta Fâs le 10 chouwâl,

1. Texte arabe, IV0 partie, p. 274.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

parcourut ces montagnes et les soumit. Il visita le tombeau

du grand shaykh Abû Muhammad ‘Abd As-Slâm bn

Mechîch (Dieu soit satisfait de lui !). De là, il se rendit à

la ville de Tétouan, où il arriva le mercredi 8 moharrém

de l’année suivante (‘1 307) Pendant son séjour qui dura

une quinzaine de jours environ, il visita les saints person

nages et les principaux édifices de la ville les notables

de la ville lui offrirent des présents et firent tout leur

possible pour être agréables à son entourage et à son

armée. Cette attitude plut au Sultan et à son entourage

ils en furent récompensés par une somme de 10.000 douros

que leur accorda le Sultan pour la construction d’un pont

qui devait leur être très ut-ile pour franchir la rivière qui

entoure la ville. Mais ce plan ne put pas être réalisé, la

construction ne fut pas faite solidement et s’écroula aussi

tôt, de sorte que cet argent fut perdu.

 

De Tétouan, le Sultan alla à Tanger, puis à El’arèïch, et

revint enfin à Fâs, où il arriva vers le milieu de chouwâl.

Après cela, il razzia les Ait Sekhmân qui avaient mas

sacré son cousin Mawlay Seroùr, leur enleva quelques

prisonniers, mais ne put les soumettre comme il aurait

convenu.

 

Il se rendit de là à Murrâkush, où il célébra les mariages

de plusieurs de ses fils et de ses filles. De toutes les con

trées du Maghrib, des députations lui apportèrent leurs

félicitations et lui offrirent des cadeaux et des présents.

Le Sultan les traita à son tour avec la plus grande géné

rosité et leur fit beaucoup de largesses.

 

Il demeura dans cette ville (Dieu le fortifie !) assis sur

le trône de la royauté, sur le siège de sa puissance, jouis

sant du repos, tandis que le pays était calme à cause de sa

puissance et de ses victoires, et que ses sujets observaient

scrupuleusement ses ordres et ses défenses. Mais les

1. Texte arabe, IVe partie, p. 274.

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ARCHIVES MAROCAINES

représentants des Puissances ne voulurent pas le laisser

en repos ils firent de nombreux voyages auprès de lui,

l’importunant constamment et cherchant à le tromper tan

tôt par des conseils sans portée, tantôt par des réclama

tions imaginaires basées sur des preuves sans consis

tance, tantôt par des demandes tendant à la réduction des

droits de douane ou à la levée des monopoles, et par bien

d’autres choses extraordinaires qui soulèveraient presque

les montagnes les plus solides. Seul, sans être secondé,

sans avoir d’autre aide que celle de Dieu qui par lui for

tifie la religion et affermit l’Islam et les Musulmans, il

repoussait leurs sollicitations par son habileté.

En 13101, le sultan Mawlay Elhasan (Dieu le fortifie !)

partit de Fâs après la fête des Sacrifices pour diriger une

expédition contre les tribus du Sahâra de Tâfîlêlt, et

réussit à établir la paix dans cette région dans les condi

tions nécessaires. Après ce succès, il écrivit aux gouver

neurs du Maghrib, pour leur annoncer ces résultats et leur

rapporter les incidents survenus pendant les étapes de ce

voyage. Dans cette lettre, après les formules préliminaires

et le sceau portant son nom béni, il disait

 

« Quand Dieu, par un simple effet de sa bienveillance

et de ses préférences, a appelé son serviteur au pouvoir et

lui a donné la terre en héritage pour faire régner la prospé

rité dans les contrés et les demeures, notre seul souci a

été de travailler au bien des Musulmans, de rétablir

l’ordre dans leurs affaires et de grouper tous les croyants

autour de nous. Nous n’avons négligé aucun effort pour

arriver à ce résultat, et Dieu nous a déjà permis de nous

rendre chez toutes les tribus de notre Empire fortuné et

de parcourir tous leurs territoires avec nos armées de

Dieu qu’accompagne une protection toujours croissante,

ne laissant de côté que les régions sans importance, ou

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 274.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

celles dont l’accès ne présentait que des difficultés et des

dangers. Nous avons ainsi pu nous rendre compte des

nécessités de leur situation, et nous y avons établi à l’aller

et au retour l’ordre qui est agréable à Dieu.

« Parmi les contrées qu’il nous restait à visiter, il y avait

ces plaines sahariennes et ces forteresses berbères qui

étaient auparavant réputées d’un accès difficile et dépour

vues de tout moyen de pénétration. Nous avons invoqué

l’aide de Dieu, nous avons placé notre confiance en lui,

et nous avons remis entre ses mains le soin de réaliser

nos projets. Nous avons ainsi vérifié que lorsque le Très

Haut veut quelque chose, il en prépare les moyens et ouvre

pour y conduire toutes les issues et toutes les portes.

Tout vient de lui et tout va à lui, comme le dit dans son

sage précepte Ibn ‘Atâillâh « S’il veut te témoigner sa

« faveur, il crée une chose et te l’attribue tu ne donneras

« pas un souffle sans qu’il ne mette en toi le moyen de le

« produire. »

 

« Quittant notre glorieuse capitale de Fâs la bien gardée,

nous avons pris la direction de ces contrées berbères.

Le secours et la victoire de Dieu ne cessaient de nous

accompagner un seul instant, et de se renouveler comme le

renouvellement du jour et de la nuit, tandis que les faveurs s

de Dieu se suivaient sans interruption et que les plans

organisés par sa noble puissance étaient solidement coor

donnés. Nous avons traversé le pays des AïtMoûsa et celui

des Bni Mguîld, que nous avons trouvés dans la plus

parfaite soumission et qui ont tendu à Notre Majesté élevée

en Dieu le licol et la longe, pour montrer qu’ils obser

vaient nos prescriptions et nos défenses, sans qu’un seul

d’entre eux n’ait montré la moindre résistance. Puis nous

sommes allé, avec les troupes victorieuses de Dieu

et ses armées innombrables, audevant de la tribu des

Aït Izdég, qui était particulièrement visée. La bonne direc

tion leur fut envoyée par Dieu, les étendards de l’égare

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ARCIIIVES MAROCAINES

ment et de l’erreur qui flottaient sur eux furent repliés, et

ils nous reçurent à l’entrée de leur territoire, craintifs,

épouvantés et eflVayés par la puissance de Dieu. Nous nous

sommes disposé à pardonner, par goût pour le pardon,

pour éviter l’efFusion du sang et le combat, par égard pour

les enfants, les vieillards et les malheureux, pour user de

clémence envers ceux d’entre eux qui étaient tombés dans

l’erreur et l’égarement, et pour nous conformer enfin à la

parole du TrèsHaut « Le pardon se rapproche davantage

« de la crainte de Dieu. » Quand nous fûmes convaincus de

leur repentir, en les voyant s’efforcer d’être agréables à

Dieu et de nous satisfaire pour faire oublier leurs fautes

et leurs crimes, réparer leurs méfaits par de bonnes

actions et détourner le châtiment qui les attendait, nous

les avons traités de façon à dissiper leur crainte et leur

terreur et eflacer leur frayeur. Ils furent remplis d’allé

gresse, accompagnèrent notre noble étrier avec leurs

heaux costumes et en troupes nombreuses, joyeux et con

tents, heureux de notre venue fortunée et nous condui

sirent jusqu’à Aoutât. Là, ils nous donnèrent les plus

grandes marques de docilité et d’obéissance ils rem

plirent leurs obligations envers la mhalla fortunée par

leurs égards et leur hospitalité, et se mirent à verser

immédiatement toutes les sommes que nous leur avions

imposées, s’empressant même d’effectuer ce paiement et

exécutant tout ce qui leur était commandé. De là, nous

sommes allé camper dans le cœur môme de leur pays, sur

l’Wad Zîz le conducteur de la bonne fortune poussant

toujours devant lui la victoire évidente et le triomphe

glorieux, nous leur fimcs payer le reliquat de la somme

imposée et grâce à la protection de Dieu nous avons obtenu

d’eux ce que nous désirions.

 

« Puis, accompagné d’un escadron nombreux fourni par

cette tribu, et comprenant un nombre important de ses

principaux cavaliers et de ses guerriers, nous avons levé

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

le camp et nous sommes arrivé sur le territoire des Aït

Mergâd. Ceux-ci sont venus avec soumission, humilité et

docilité, audevant de notre noble étrier, et ont témoigné

de leur obéissance à tout ce qui leur a été ordonné. Ils

ont apporté leurs impositions et leurs cadeaux, manifestant

tout le plaisir que leur causait notre noble venue.

« C’est Dieu qui a préparé ces résultats, qui les a dirigés,

conduits, soutenus, voulus et facilités. Jamais, dit le sage,

une demande adressée à Dieu ne demeure sans succès,

tandis que celle que tu t’adresses à toimême ne peut

réussir. »

 

« Nous avons usé aussi d’une politique conforme à nos

messages antérieurs, qui a retenu les épées dans leurs

fourreaux. L’encre des plumes a évité l’effusion du sang

et épargné les efforts, et les pourparlers ont rendu les

blessures inut-iles. C’est ainsi que nous avons réduit leur

pays tout entier de fond en comble, malgré ses escarpe

ments et ses énormes montagnes qui semblent con

verser avec la lune et donner la main aux étoiles quand

cellesci commencent à briller. Louange à Dieu qui ma

nifeste sa grandeur et fait éclater l’évidence de son argu

ment

 

« C’est ainsi que nous sommes parvenus à Tadgoûst, qui

est la capitale de cette tribu et la résidence de son chef le

corrupteur ‘Ali bn Yahyâ Elmergâdi, qui depuis long

temps recevait des avertissements et dont l’aspect disait’:

« Celui que tu proclames ne vivra pas. » Nous l’avons

emprisonné et nous l’avons envoyé enchaîné à Murrâkush,

conformément à la loi de Dieu touchant ceux qui ont

péché il n’a pas tardé à jurer ses regrets et son remords.

Dieu a débarrassé de lui ses serviteurs et a purifié le

pays.

 

« Auparavant nous avionsenvoyédesémissairespourfaire

payer aux Aït liadîddo les contributions qui leur avaient été

imposées et rapporter ce qu’ils devaient. Mais ces envoyés

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ARCHIVES MAROCAINES

 

étant revenus sans avoir réussi, nous avons fait surveiller

un grand nombre des notables de cette tribu, des arbitres

de sa destinée, au nombre de deux cents environ, et nous

les avons emprisonnés pourles punir, avec l’intention de les

maintenir auprès de nous jusqu’à ce que avec l’aide de Dieu

ils versent les contributions dont ils ont été frappés.

« Puis nous nous sommes mis en route, précédés par la

bonne fortune et enveloppés d’heureux augures.

« Notre étrier sharîfien avait pour escorte l’armée des

Ait Mergâd, comprenant un grand nombre d’hommes,

parmi lesquels des milliers de cavaliers et de héros, lions

dans la guerre et dans l’assaut. Arrivés à Ysar Essoûq,

nous avons trouvé l’armée de nos serviteurs les Ait ‘Atta

qui attendaient Notre Noble Majesté, pour accompagner

notre étrier fortuné et glorieux. Ils étaient nombreux et

représentant une force extr aordinaire ils étaient près de

A.000 cavaliers, tous lions à l’aspect terrifiant, avec un

nombre imposant d’hommes à pied, semblables à un tor

rent qui s’écoule des montagnes. Cette armée nombreuse

s’est mise en route avec Notre Majesté élevée en Dieu jus

qu’à Mdagra. Nous nous sommes bénis de cette terre

foulée par nos ancêtres et nous avons examiné les affaires

de ses habitants avec la plus grande bienveillance. Nous

avons gratifié les chérîfs de ce pays de 20.000 douros,

nous avons chargé de les leur porter notre fils Mawlay

‘Abdel’azîz, Dieu l’améliore Cette somme leur ayant été

distribuée à titre de cadeau et pour remplir nos devoirs de

parenté et d’alliance, nous avons emporté pour notre

voyage leurs vœux sincères et exaucés qui, espéronsle,

ne trouveront pas d’obstacle entre Dieu et eux.

« De là nous nous sommes rendu chez les ‘Arab-s Esseb

bâh, qui, après avoir accueilli nos cortèges fortunés avec

joie et allégresse, se sont acquittés du devoir de fournir

des provisions et des vivres, et ont immédiatement payé

toutes les impositions. <

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

« Nous avons quitté leur pays pour nous rendre à Tâfî

lêlt, où nous voulions visiter notre grand aïeul, le pôle

évident, notre Maître ‘Ali Ash-Sharîf, Dieu soit satisfait de

lui et nous le rende profitable Les habitants de ce pays

sont venus audevant de nous, chérîfs et gens du commun,

hommes et femmes, enfants et vieillards, en foules consi

dérables, ceux-ci en troupes, ceuxlà isolément, d’autres

deux par deux. Notre vue leur a causé une profonde allé

gresse, et notre venue les a remplis de joie et de bonheur.

Les esprits se sont réjouis et les cœurs se sont dilatés. Nous

avons rempli nos devoirs envers tous nos parents, ce qui

était pour nous très important et nous leur avons fait

cadeau, comme à ceux de Mdagra, de 20.000 douros, que

nous avons chargé de leur porter et de leur donner comme

présent, nos fils Mawlay ‘Abdel’azîz et Mawlay Belgaïts,

Dieu les conserve Nous sommes resté là dixhuit jours,

afin de nous reposer, de faire de pieuses visites et de voir

les souvenirs de nos ancêtres, Dieu les sanctifie Peut-il y

avoir de plus nobles souvenirs, de vestiges plus glorieux?

Nous avons examiné les biens qu’ils possèdent, et nous

leur avons donné une attention qui leur a donné une nou

velle fert-ilité, et a augmenté leur beauté et leur fécondité.

Dieu soit loué au commencement et à la fin

 

« Nous le remercions en premier et en dernier lieu. Nous

lui demandons de considérer toute cette œuvre comme un

pur hommage en son honneur, de lui réserver le meilleur

accueil, de nous conduire à réaliser pour le bien des Mu

sulmans tout ce que nous espérons, et de placer Sûs son

obéissance ceux qui sont en mouvement et ceux qui sont

en repos. Sa force et sa puissance sont le seul appui.

« Enfin nous nous sommes mis en route pour notre capi

tale sharîfienne de Murrâkush, demandant à Dieu son aide,

sa force et la réalisation des espérances.

 

« Nous vous avons fait part de tout cela, pour que vous

connaissiez la vérité, et que vous vous réjouissiez de la

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ARCHIVES MAROCAINES

faveur, de la victoire et du triomphe que Dieu nous a

accordés dans les choses secrètes et connues. C’est a lui

de faire que la fin réponde au commencement et de nous

assurer tout le bonheur que nous désirons.

 

« Salut.

 

« Le 15 joûmâda I01′ de l’année 1311 »

 

Le Sultan prit, pour rentrer à Murrâkush, la route d’El

fâïja. Au col d’Elglftoui, il y avait beaucoup de neige, et il

faisait très froid. Tout le monde, et le Sultan lui-même, en

souffrirent, mais on parvint à y échapper au prix des plus

grandes difficultés.

 

Pendant l’absence du Sultan, une guerre féroce avait

éclaté entre les Zenâta du Rif et les chrétiens espagnols

de Melilla et des villes voisines. Les Zenâta avaient fait

subir des pertes importantes aux Espagnols et les avaient

repoussés en leur tuant bon nombre d’hommes. Ces hos

t-ilités avaient été provoquées par la cause suivante

Les Espagnols avaient, suivant leur habitude, impor

tuné le Sultan de demandes réitérées et d’intrigues mul

tiples, pour obtenir une augmentation du territoire de

Melilla. Il avait cédé et leur avait accordé la prolongation

de leur frontière jusqu’à une portée de flèche environ sur

le territoire de Zenâta, de telle sorte que la limite com

mune des deux territoires était voisine du tombeau de

l’ami de Dieu, Sîdi Ouâriâch. Ce saint jouit d’une grande

vénération dans cette région, où il est très renommé. Les

différentes tribus vont à tour de rôle en Hâjjage à son

tombeau, pour recueillir sa bénédiction, et y enterrent

leurs morts.

 

Il n’était pas possible aux chrétiens de Melilla de cons

truire leurs portes de garde ailleurs que sur un terrain

dominant le tombeau de ce saint, et d’où on pouvait le

voir à découvert. Les Rifains leur avaient demandé d’éle

1. Texte arabe, IV’ partie, p. 277.

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

ver leurs constructions sur un autre point, mais ils leur

avaient opposé un refus persistant, et peutêtre même ils

les avaient irrités en les blessant par ces mots pénibles dont

ils sont coutumiers.

 

Depuis qu’ils ont été victorieux dans la guerre de

Tétouan, les Espagnols font beaucoup souflïir les habi

tants du par leurs observations et leurs accusa

tions injustes, ainsi que les paroles grossières et les

reproches non déguisés, que leur font entendre surtout

les mauvais sujets et les gens du peuple. J’ai entendu de

mes propres oreilles des choses qui serrent le cœur et

que la langue refuse de prononcer.

 

Quand on porte plainte à leurs autorités, elles ne veu

lent pas rendre justice et entrent dans des discussions

vides de sens. Telle est leur manière de faire, aussi estce

à Dieu seul qu’il faut adresser ses plaintes, car il vous

accorde ses faveurs pour vous agréer ensuite. Il n’y a de

force et de puissance qu’en lui

 

Comme ils avaient pris cette attitude, ou peu s’en faut,

visàvis des gens du Rîf, ceux-ci leur avaient fait éprou

ver qu’ils étaient en mesure, comme on le sait, de leur

infliger un châtiment terrible et une punition doulou

reuse.

 

Quand le Sultan, Dieu le fortifie fut de retour à Mor

râkch, une ambassade espagnole alla lui demander justice

contre les gens du Rîf dans cette affaire. Elle apportait

avec elle un certain nombre de pigeons qui emportent

dans leur vol les correspondances et les nouvelles. Des

négociations furent entamées sur cette question entre eux

et le Sultan, mais celui qui trancha le différend n’avait

pas l’expérience des affaires difficiles, car il ne vit rien ou

fit semblant de ne rien voir. L’affaire fut réglée moyennant

le paiement par le Sultan d’une indemnité de quatre mil

lions de douros, comme prix du sang des Espagnols qui

avaient été tués, et la paix fut conclue sur cette clause.

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ARCHIVES MAROCAINES

Chaque fois qu’ils avaient une entrevue avec le Sultan au

sujet de cette question, ils envoyaient la nouvelle par un

pigeon aux membres de leur gouvernement à Madrid. Dieu

fait ce qu’il veut et décide ce qui lui plaît.

 

A la fin de cette année survint la mort du sultan Moû

lay Elhasan bn Muhammad (Dieu lui fasse miséricorde

et l’agrée !). Il avait quitté Murrâkush le j01′ doûlqa’da avec

l’intention de razzier les tribus berbères qui habitent les

montagnes de Fêzzâz, particulièrement les Ait Sekhmân,

qui avaient trahi ses gens et son cousin, dans les condi

tions que nous venons de rapporter.

 

Revenu de son expédition dans le Tâfîlêlt, atteint d’une

maladie qui paraissait sans gravité, mais qui déjà était

chronique, il avait tenu malgré cela à continuer de se

montrer en public, de traiter les affaires, de recevoir les

députations et de les congédier, et d’accomplir tous les

actes de gouvernement. A la date précitée, il était donc

parti de Murrâkush, malgré cette maladie et la souffrance

qu’elle lui occasionnait, et n’avait pas redouté ces fatigues.

Mais arrivé à l’Wad EPabid, dans le pays de Tâdla, il

succomba le mercredi troisième jour du mois sacré de

doûlheclja, à 11 heures du soir. Il fut porté dans un cer

cueil jusqu’à Ribât Al-Fath, où il fut inhumé à côté de son

ancêtre glorieux, Sîdi lohammed bn ‘Abdallah (Dieu

leur fasse miséricorde Ainsi soit-il Son règne avait duré

vingt et un ans et cinq mois. Ce fut un des souverains

‘Alaouis les meilleurs et les plus remarquables, par la jus

tice qu’il fit régner, le bien qu’il fit pour ses sujets et les

traces qu’il a laissées de son règne dans le Maghrib et dans

ses ports. Que le TrèsHaut adoucisse la peine causée aux

Musulmans par sa perte, et qu’il les dédommage de ce

malheur par une récompense Ainsi soit-il

 

Les arbitres des destinées du pays prêtèrent serment de

fidélité à son fils agréé et pieux, notre Maître ‘Abdel’azîz,

fils de notre Maître Elhasan (que Dieu lui accorde un appui

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DYNASTIE ALAOUIE DU MAROC

 

puissant et le gratifie de la victoire évidente) Ce Commandeur

est en ce moment assis sur le trône royal à Fâs la proté

gée, dans les meilleures conditions désirables.

Fidèles à l’habitude contractée du vivant de son père,

un certain nombre de représentants des Puissances se sont

mis en route pour aller auprès de lui et sont arrivés à

Fâs, faisant croire qu’ils sont venus pour le féliciter. Mais

leur but est différent Ils trament des complots Dieu à

son tour complote contre eux, et certes Dieu est le plus

habile à mener un complot. Que pensez-vous en effet de

celui qui prétend être venu pour apporter ses félicitations

et qui séjourne dans la capitale depuis près de quatre

mois, espionnant les événements, étudiant les points fai

bles des Musulmans, épiant les négligences, et comptant

la population dans l’espoir qu’il trouvera un joint pour

intervenir, ou qu’une bonne occasion se présentera ? De

mandons à Dieu de retourner ses artifices contre lui.

Ainsi soit-il

 

Il n’est pas, à mon sens, d’autre explication à cela que le

manque de respect envers Dieu et les gens sinon com

ment expliquer ce séjour de quatre mois pour présenter

ses félicitations, sans compter le temps pendant lequel il

va encore se prolonger ? « Si tu n’as pas de pudeur, fais ce

que tu voudras » dit une sentence prononcée par les pre

miers prophètes. Dieu nous suffit: c’est notre meilleur

mandataire.

 

Il faut observer que les conditions dans lesquelles se

trouve la génération actuelle sont tout à fait différentes de

celles de la génération qui l’a précédée les habitudes des

gens sont toutes bouleversées, et les usages suivis par les

commerçants et les artisans sont transformés en tout ce

qui touche à leurs affaires, monnaie, prix des mar chan

dises et autres dépenses, de telle sorte que la vie est deve

nue difficile pour la population, qui a de la peine à gagner

de quoi vivre et se nourrir. Aussi, si l’on examine le temps

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ARCHIVES MAROCAINES

présent et l’époque qui l’a précédé, et qu’on veuille les

comparer l’un à l’autre, on constate qu’il n’existe entre eux

aucun point (le comparaison. La principale cause de cette

situation est l’immixtion des Francs et des autres Euro

péens parmi la population, l’accroissement de leurs rela

tions avec elle et leur difl’usioix dans les contrées islami

ques, où ce sont leurs manières et leurs habitudes qui l’em

portent sur les nôtres et les absorbnt d’une façon violente.

Je rapporterai à ce sujet un trait qui peut servir d’exemple

et prouver l’ensemble des choses qu’il découvre. Je cau

sais un jour avec un homme de ma génération sur cette

question. « Je bénéficie, me dit-il, d’une pension impé

riale mensuelle de 30 oqiyas. Vers 1260, le change de la

peseta étant à 3 oqiyas, je recevais chaque mois 10 pesetas.

Après 1260, la monnaie ayant commencé à monter, je

ne touchai plus que 9 pesetas et quelques flous. Deux ou

trois ans après, ce furent 8 pesetas et des flous, ensuite

7 pesetas, et ainsi de suite, de telle sorte qu’aujourd’hui,

dans les années postérieures à 1290, je ne reçois plus

qu’une peseta et quelques flous. » Qu’on médite cette

immense difl’érence qui caractérise l’époque actuelle, et

qui s’est produite en moins de trente ans, par le fait de

la hausse d’environ 9 dixièmes survenue sur la monnaie et

sur les prix des marchandises. La cause de cela est celle

que nous avons indiquée. Cette différence ne pourra que

s’accentuer ou diminuer en raison directe du développe

ment des relations avec les Européens ou de leur dimi

nution. La preuve en est que les habitants du Maghrib sont,

parmi tous les peuples, ceux qui ont le moins de rapports

avec les Européens. Par suite, c’est chez eux que les prix

sont les plus bas et les vivres à meilleur marché, et ce

sont eux qui sont le plus éloignés des Européens par leur

costume et leurs usages. Aussi on sait les avantages qui

en résultent pour la sauvegarde de leur religion. Il n’en est

pas de même au Caire, à Damas et dans les autres grandes

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DYNASTIE ALAOUIE DU JIAROC

 

FIN DU TOME SECOND

 

villes, d’où nous reviennent sur les actes des Européens des

informations qui font se bouclier les oreilles. Qu’on exa

mine donc ce que nous avons dit et que l’on y reconnaisse

les desseins secrets de Dieu sur ses créatures.

Apprenez aussi que, depuis ces dernières années, ces

Européens ont atteint une puissance odieuse et une pré

pondérance sans pareille. Ils sont entrés dans la voie du

progrès avec une progression aussi rapide que celle des

grains de blé dans les cases de l’échiquier, et peu s’en faut

même que ce progrès ne tourne à la corruption. Dieu,

qui seul possède les secrets des choses cachées, en con

naît les résultats et les limites.

 

« Je puis savoir ce qu’est aujourd’hui et ce qu’était hier,

mais ma science ne va pas jusqu’à connaître ce que sera

demain. »

 

Ici finit ce que nous avons voulu réunir dans ce livre.

Puisse Dieu nous avoir bien inspiré 0 notre Maître, nous

nous sommes fait tort à nousmême; si tu ne nous par

donnes pas, et si tu n’as pas’ pitié de nous, nous resterons

•parmi les égarés.

 

Dieu prie pour notre Seigneur et Maître Muhammad,

pour sa famille et ses compagnons, et leur accorde son

salut et ses bénédictions Notre dernière prière sera

Louange à Dieu, Maître des deux mondes ‘•,̃! V’