CHAPITRE XXX : DE LA CONQUÊTE DES PAYS DU TOUAT ET DU TIGOURARIN
A son retour de Fez, Elmansour demeura quelques jours à Murâkush, puis, n’ayant plus à redouter la guerre avec les Turcs, il forma le projet de s’emparer des pays du Touât et de Tigourarîn, ainsi que des bourgs et des villages qui en dépendent. Comme, depuis un certain temps, les habitants de ces contrées avaient secoué le joug de l’autorité royale et n’étaient plus soumis à un pouvoir régulier et fort, Elmansour se décida à les placer sous sa dépendance et à les ramener à l’observance des lois divines. A cet effet, il dirigea contre eux une armée considérable sous les ordres des caïds Ahmed ben Barka et Ahmed ben Haddâd Al-Ghamri Al-Ma῾aqili ; les troupes, parties de Murâkush, n’atteignirent le territoire des deux pays qu’après 70 jours démarche. On somma à diverses reprises les habitants d’avoir à faire acte de soumission, mais entraînés par le démon, ils s’y refusèrent; on les attaqua donc et après une lutte assez vive qui se prolongea quelques jours, Dieu dompta ces rebelles auxquels on put justement appliquer le proverbe : « Le lendemain ils étaient comme s’ils avaient été à la veille de partir » Le succès de cette expédition causa une joie extrême à Elmansour et les poètes chantèrent ce glorieux événement, qui eut lieu en 989 (1582). Dieu est maître de la fin de toute chose.
CHAPITRE XXXIII : DE LA CONQUÊTE DU SOUDAN PAR ELMANSOUR ; DES CAUSES QUI L’AMENÈRENT ET DE LA FAÇON DONT ELLE FUT ACCOMPLIE
Maître du pays du Touât et de Tigourârîn et de leurs dépendances, Elmansour songea à s’emparer du Soudan, qui maintenant avoisinait ses nouvelles possessions. Dès que son plan fut arrêté, il pensa qu’il fallait tout d’abord envoyer des messages aux divers commandeurs du Soudan pour les engager à reconnaître son autorité ; si ces commandeurs se soumettaient sur cette seule invitation, le but se trouverait atteint et Dieu épargnerait ainsi la guerre aux musulmans, sinon ce serait alors à Dieu à décider entre lui et ses adversaires. En conséquence Elmansour écrivit à Sokia, le souverain des noirs, au sujet de la mine de sel située à Tighâzî, mine à laquelle s’approvisionnaient toutes les populations du Soudan,et demanda qu’on lui payât une redevance d’un mitsqâl d’or pour chaque charge de sel, cette contribution devant servir de subside aux armées de l’Islam.
En recevant cette lettre, Sokiâ manifesta hautement l’intention de résister à une telle prétention et refusa d’y donner son assentissement. Avant d’adresser son message, Elmansour avait consulté les savants de son royaume et les plus habiles juriconsultes qui tous avaient décidé, d’après les textes des docteurs autorisés, qu’en droit strict la disposition des mines appartenait au seul chef de la communauté musulmane et non à d’autres. Personne ne pouvait donc exploiter une mine sans l’autorisation du sultan ou de son représentant. La rédaction du message envoyé à cette occasion avait été confiée à l’imam, le très docte, le très illustre mufti delà ville de Murâkush, Abou Malek Abdelouâhed ben Ahmed Eccherif Essidjilmâssi, parce que Abou Fârès Abdelaziz ben Mohammed ben Ibrahim Elfichtâlî, ordinairement chargé de la correspondance du sultan, était malade à ce moment. Quand la rédaction de la lettre eut été achevée et qu’il ne resta plus qua fixer les termes du protocole, Abdelouâhed fut fort embarrassé ; il ne savait quel titre donner à Sokiâ, ni quelles formules de politesse employer ; devait-il faire usage d’épithètes louangeuses ou simplement d’expressions banales ?
Très perplexe sur ce point il adressa à Elmansour la lettre suivante :
« Que Dieu vous fortifie et assure la victoire à vos étendards. Ma langue s’embrouille à chercher les termes à employer vis-à-vis de cet homme qui n’a, par rapport à une Majesté molouyenne 1, que le rang d’un esclave; mes doigts s’arrêtent à l’idée de plonger dans un pareil gouffre, tant je suis éloigné de la voie à suivre. Je n’ose forcer cette porte close devant moi, dans la crainte d’agir avec trop de négligence ou avec un excès de zèle. Le mieux, comme en tout, eût été d’arriver à un terme moyen, mais je ne le connais pas et n’aurais pu réussir à le trouver que si j’avais connu les deux extrêmes, résultat auquel un esclave comme moi est à coup sûr incapable d’atteindre. En conséquence, je cède la place à quelqu’un de plus autorisé que moi et laisse le soin de formuler ce protocole au maître le plus habile, à Abou Farès Abdelaziz pour qui vos portes sont toujours ouvertes et que votre éclatante majesté a guidé elle-même de ses lumières dans cette voie. Si je n’agissais pas ainsi, il me semble que j’entendrais murmurer à mon oreille les paroles du poète :
« 0 loi qui veux tailler un arc, sans être habile à ce métier, ne torlure pas ce bois, donne-le à qui sait le tailler. »
Dieu nous seconde !
CHAPITRE XXXIV : DE LA FAMILLE DES SOKIA, COMMANDEURS DU SOUDAN ET DE SON ORIGINE
L’imam Ettek.rouri, dans son livre intitulé : Nasihet ahl essoudda, s’exprime en ces termes : « La famille des Solda tire sou origine des Senhadja ; ses membres ont exercé le pouvoir royal sur une grande partie du Soudan et le premier d’entr’eux qui régna sur ces contrées, fut Elhadj Mohammed Sokia. Vers la fin du ixe siècle, ce dernier personnage s’était rendu en Egypte et, delà, au Iledjaz, pour accomplir le pèlerinage au Temple sacré et faire une visite pieuse au tombeau du Prophète. En Egypte, il avait vu le calife abbasside et lui avait demandé l’autorisation d’exercer le pouvoir suprême au Soudan en qualité de représentant du calife dans ces régions. Le commandeur abbasside, lui avait alors confié la direction des affaires du Soudan et l’avait, eu outre, nommé son délégué sur tous les musulmans qui pourraient se trouver au delà de ce pays.
Rentré dans sa patrie, Elhadj établit son autorité sur les bases de la loi islamique et se conforma aux règles suivies par les adeptes de la Sonna. En Egypte, il avait aussi rencontré l’imam, le cheikh de l’Islam, le commandeur des érudits, Djelâl-eddin Essoyouthi et c’est auprès de ce maître qu’il avait étudié les Aqàid et appris à discerner le juste de l’injuste. Il avait encore suivi bon nombre de leçons de Essoyouthi sur le droit et la jurisprudence et profité de ses recommandations et de ses salutaires conseils. Aussi, de retour au Soudan, s’empressa-t-il de faire triompher la Sonna et de faire revivre la pratique de la justice. Il suivit d’ailleurs les usages des califes en toutes choses : dans ses vêtements, dans l’étiquette de sa cour, et abandonna complètement les coutumes barbares pour adopter les manières arabes. Sous son règne, la situation du Soudan devint prospère et, grâce à lui, le corps de l’orthodoxie en ces contrées fut enfin guéri du mal de l’hérésie.
D’un abord facile, Elhadj Mohammed était doué d’un coeur sensible et d’une humeur bienveillante ; il avait le plus grand respect pour les commandeurs de la religion et il témoignait de l’amitié à tous les savants, qu’il traitait avec les plus grands égards et auxquels il faisait une large place, aussi bien dans ses conseils que dans ses munificences. Duranttout son règne, il n’y eut, dans son royaume entier, ni guerre, ni sédition ; ses sujets vécurent dans l’abondance et dans une paix profonde. Elhadj n’avait établi qu’un seul impôt bien léger et il assurait qu’avant d’avoir recours à cette mesure, il avait pris conseil de son maître, l’imam Essoyouthî. Sa conduite, jusqu’au jour où la mort le surprit, fut toujours celle que nous venons de dire. Son lils, Daoud, qu’il eut pour successeur, mena également une vie exemplaire et suivit les traces de son père, jusqu’au moment où Dieu le rappela à lui. La couronne passa alors à Ishâq, fils de Daoud ; ce dernier commandeur s’écarta de la voie tracée par son père et son aïeul et c’est avec lui que le pouvoir royal s’éteignit dans la famille des Sokîa, qui avait régné dans le Soudan sur un territoire d’une étendue de six mois de marche. Le pouvoir appartient à Dieu seul qui dispose des événements à son gré.
CHAPITRE XXXV : LE SULTAN ELMAMSOUR CONSULTE SON ENTOURAGE SUR L’EXPÉDITION QU’IL VEUT ENTREPRENDRE CONTRE ISHAQ SOKIA ET SUR LA CONQUÊTE DU SOUDAN.
Aussitôt, dit Elfichtâlî, que les envoyés de Elmansour à ishâq Sokîa furent de retour avec la réponse du monarque soudanien qui refusait de se soumettre aux prétentions du sultan, alléguant qu’il était le maître absolu de son pays et ne devait obéissance à personne, Elmansour décida de consulter son entourage et réunit à cet effet les principaux fonctionnaires de son empire, en choisissant parmi eux ceux qui étaient hommes d’expérience et de bon conseil. Le jour de la réunion de cette assemblée, qui fut un jour mémorable, Elmansour prit la parole en ces termes :
« J’ai résolu d’attaquer le commandeur de Kâghou, qui est le maître du Soudan, et d’envoyer des troupes contre lui, afin de réunir dans une seule et même pensée toutes les forces de l’Islam. Le Soudan étant un pays fort riche et fournissant d’énormes impôts, nous pourrons ainsi donner une importance plus grande aux armées musulmanes et fortifier la valeur de la milice des croyants. D’ailleurs le chef actuel des Soudaniens, celui qui exerce sur eux l’autorité royale, est légalement déchu de ses fonctions, car il n’appartient pas à la famille des Qoreïch et il ne réunit aucune des autres conditions requises pour disposer delà puissance suprême. »
Quand Elmansour eut fini de vider son carquois, qu’il eut montré ainsi le fond de sa pensée et expurgé la bile de son l’oie, les assistants se turent sans avoir soulevé la moindre objection.
« Votre silence, dit alors le sultan, marque-t-il votre approbation ou annonce-t-il que votre opinion est en contradiction avec la mienne ? »
« Sire, s’écrièrent tous les conseillers d’une voix unanime, votre dessein est loin d’être correct et ne mérite pas d’être considéré comme judicieux ; comment a-t-il pu germer dans l’esprit d’un commandeur, alors qu’il rie serait jamais venu à l’idée d’un malfaiteur? »
— Qu’est-ce à dire, exclama le sultan? »
— « Commandeur, répondirent les conseillers, il y a entre le Soudan et notre pays un immense désert sans eau, ni plantes et si difficile à franchir que le qatha 1 lui-même ne le traverserait pas sans inquiétude. Non seulement le voyage y est impossible à cause de l’incertitude des routes, mais encore à raison des dangers qu’on y court et des terreurs qui remplissent ces solitudes. Ni le gouvernement des Almoravides malgré sa vaillance, ni celui des Almohades malgré sa grandeur, ni celui des Mérinides malgré sa puissance n’ont songé un instant à avoir de semblables visées et n’ont essavé de se mêler des affaires de ces pays. Et s’ils ont agi ainsi, c’est uniquement parce qu’ils ont vu les difficultés d’une semblable entreprise et l’impossibilité d’arriver à un heureux résultat. Nous espérons donc que vous suivrez les traces de ces gouvernements, car les modernes ne surpassent pas les anciens en intelligence. »
1. Oiseau du désert auquel les Arabes attribuent une habileté remarquable à retrouver son chemin au milieu des solitudes les plus uniformes.
Ce discours terminé, et l’assemblée ayant ainsi manifesté et justifié son opinion, Elmansour reprit la parole et dit :
« Si c’est là le seul point faible de mon projet et la seule objection que vous trouviez à lui faire, votre argumentation est sans valeur et n’effleure même pas ma résolution. Vous parlez de déserts dangereux qui nous séparent, de solitudes rendues mortelles par leur stérilité et l’absence d’eau ; mais ne voyons-nous pas tous les jours des négociants qui, tout en étant faibles et pauvres en ressources, traversent ces espaces et y pénètrent hardiment à pied ou à cheval, en groupes ou isolés. Jamais les caravanes n’ont cessé de sillonner ces contrées et moi, qui suis mieux pourvu qu’eux de toutes choses, je ne pourrais le faire avec une armée qui inspirerait la crainte et la terreur ! Aucun des gouvernements célèbres qui nous ont précédé n’a, dites-vous, conçu une telle entreprise. Mais vous savez bien que les Almoravides ont employé toute leur sollicitude à conquérir l’Andalousie, à guerroyer contre les Francs et autres chrétiens qui peuplent ces rivages, que les Almohades ont suivi la même voie et qu’en outre ils ont eu à lutter contre Ibn Ghània 1, enfin que les Mérinides ont livré le plus grand nombre de leurs combats contre les Abdelouadites de Tlemcen. Or, aujourd’hui le chemin de l’Andalousie nous est fermé depuis la conquête totale qui a été faite de ce pays par nos ennemis, les infidèles, et nous n’avons plus de guerres ni avec Tlemcen, ni avec le reste de l’Algérie, depuis que les Turcs se sont emparé de ces territoires. D’ailleurs les gouvernements qui nous ont précédé auraient éprouvé de grandes difficultés, s’ils avaient voulu exécuter l’entreprise que nous méditons, car leurs armées ne comprenaient que des cavaliers armés de lances et des archers ; ils ne connaissaient ni la poudre, ni les armes à feu au brait terrifiant. Encore aujourd’hui les gens du Soudan n’ont que des lances et des sabres, armes qui ne sauraient servir utilement contre les nouveaux engins de guerre. 11 nous est donc aisé de combattre ces peuples et de guerroyer contre eux. Enfin le Soudan est une contrée plus riche que l’ifriqiya, et il nous est plus avantageux d’en faire la conquête que de lutter contre les Turcs, ce qui nous occasionnerait de grandes fatigues pour un médiocre profit. Voici la réponse que j’ai à faire à vos objections. Que l’abstention de nos prédécesseurs ne vous induise pas à regarder comme lointain ce qui est proche et comme difficile ce qui est aisé. Combien d’entreprises les anciens n’ont-ils pas laissées à faire aux modernes ! Combien ceux-ci ont-ils pu accomplir de choses que leurs devanciers n’avaient pu entreprendre ! »
Quand Elmansour eut achevé sou discours, toute l’assemblée approuva la réponse que le commandeur venait de faire et se rangea à son avis, après avoir admiré ses piquantes allusions. « Vous venez, lui dirent les assistants, de consolider ce qui était disjoint ; Dieu vous a inspiré la vérité et personne fie nous n’a plus rien à ajouter, tant il est vrai, comme on l’a dit, que les esprits des commandeurs sont les commandeurs des esprits. »
On se sépara ensuite, après qu’il eût été décidé qu’on enverrait une armée au Soudan, qu’on en combattrait les habi tants et enfin qu’on suivrait de tous points l’avis de Elmansour.
J e ferai remarquer qu’il est deux choses dans l’allocution de Elmansour qui auraient besoin d’éclaircissements : tout d’abord il dit que les Almoravides n’ont point régné sur le Soudan. Or, j’ai appris, dans lbn Khaldoun et d’autres historiens, que les Almoravides ont possédé Ghana et qu’ils ont prélevé des impôts et des tributs sur cette ville, qui était la capitale du Soudan et qui était assise sur les deux rives du Niger. En second lieu, le commandeur dit que la poudre venait d’être inventée et qu’elle n’aurait pas été connue à l’époque où régnaient ces dynasties. Or, voici ce que j’ai lu au sujet de la date de cette invention dans le commentaire que fit de son poème didactique sur les coutumes de Fez, le maître de nos maîtres, l’imam, l’érudit, Abou Zéïd Abderrahman ben Abdelqâder Elfâsi :
« L’invention de la poudre, au dire d’un auteur qui a fait un traité sur la guerre sainte, daterait de l’an 768 (7 sept. 1366 — 27 août 1367) ; cette découverte serait due à un médecin qui s’occupait d’alchimie et qui, ayant vu un mélange qu’il avait composé faire explosion, aurait renouvelé l’expérience; satisfait du résultat, il aurait alors préparé la poudre actuelle. Dieu seul sait si cela est exact. » Dieu, dans son empire, fait tout ce qu’il lui plaît.
ELMANSOUR ENVOIE SON ARMÉE AU SOUDAN
Dès qu’il se fut mis d’accord avec ses conseillers, composés des notables de son royaume, sur l’envoi d’une expédition contre le Soudan, Elmansour choisit parmi ses soldats et ses auxiliaires les hommes les plus vaillants, dont il connaissait la fidélité et le dévouement, et composa ainsi une magnifique armée, qu’il pourvut de vigoureux chameaux, de robustes chamelles, de chevaux de race et de nobles coursiers choisis avec le plus grand soin. Le commandement en chef de ces troupes M confié à un affranchi du commandeur, le pacha Djouder, qui se mit en marche en grande pompe et avec un apparat inusité jusque-là; il quitta Murâkush le 16 dh-H 998 (16 octobre 1590). A ce même moment, Elmansour écrivit au cadi de Tomboucton, qui alors était l’imam, le très docte, Abou Hafs Omar, fils du cheikb Mahmoud ben Amràguît Essenhâdji, et enjoignit à ce magistrat de presser la population afin qu’elle se soumît à ses ordres et qu’elle rentrât dans le giron de la communauté musulmane.
Après avoir quitté Murâkush, Djouder poursuivit sa marche d’étape en étape et, arrivé aux terres fertiles de Tombouctou, il campa dans les environs de cette ville, où il rencontra Ishâq à la tête de ses troupes. Aussitôt qu’il avait appris qu’une armée s’était mise en route pour envahir son pays, Ishâq Sokîa avait rassemblé ses soldats et avait envoyé recruter des hommes dans toutes les villes, en sorte qu’il avait pu réunir des forces considérables qui s’élevaient, dit-on, au nombre de 104.000 combattants bien armés et bien approvisionnés.
Non content, dit Elfichtâli, d’avoir autour de lui une telle multitude, Ishâq avait encore adjoint à son armée de grands magiciens, des souffleurs de noeuds et autres sorciers ; il s’était imaginé que ces gens-là lui porteraient bonheur, mais hélas ! le poète l’a dit :
« Le sabre est plus véridique et mieux informé que les livres ; son tranchant allie le sérieux à la plaisanterie ;
« C’est sur sa blanche lame et non sur des feuillets noirci ; qu’on trouve les textes qui dissipent le doute et dévoilent l’avenir. »
A peine les deux armées en venaient-elles aux mains que, se voyant perdu, Ishâq tourna les talons tandis que ses troupes se débandaient ; cependant la lutte dura depuis le moment du doha (entre fjar et dhor) jusque vers l’heure de ‘asr. Durant ce temps, la guerre broya sous sa meule les Soudaniens et les réduisit à un tel état qu’ils ressemblaient à des tronçons de palmiers dont le coeur aurait été évidé. Entouré seulement de quelques hommes de sa garde, Ishâq s’était enfui. Ses soldats n’avaient d’autres armes que de courts javelots, des lances ou des sabres, et aucun d’eux n’était porteur d’arme à feu ; ces javelots et ces lances ne pouvaient rien contre les fusils, aussi les troupes soudaniennes tournèrent elles le dos immédiatement, se sentant sûrement perdues.
Djouder et ses soldats sabrèrent impitoyablement les nègres, qui cependant leur criaient : « Nous sommes musulmans ! Nous sommes vos frères en religion ! » Cette bataille eut lieu le 16 de jumada de l’année 999 (13 février 1591).
Après la déroute de Ishâq, Djouder s’empara tout d’abord de Tombouctou, des villes et villages avoisinants et expédia à Elmansour un messager chargé de lui porter la nouvelle de son succès et un magnifique présent comprenant entr autres choses 10.000 Mithqâl d’or et 200 esclaves. Puis il se mit à la poursuite de l’ennemi qui, fuyant devant lui, traversa le Niger ; lui-même à la tête de ses troupes il franchit le fleuve et vint mettre le siège devant la ville de Kâghou (Gao), capitale du royaume d’Ishàq, où le commandeur soudanien avait cherché un refuge. Ishâq entra aussitôt en pourparlers avec Djouder ; il demanda la paix, en offrant de payer un tribut annuel et de verser en outre une somme considérable si on le laissait dans la capitale de son royaume. Djouder trouvant ces conditions acceptables, envoya demander à L-Mançûr son avis sur ces propositions. Le sultan les accueillit avec hauteur ; il refusa absolument d’y souscrire, et de sa main écrivit ce qui suit sur le dos de la lettre qui lui avait été adressée : «Vous m’offrez de l’argent, mais Dieu m’en a donné bien plus qu’à vous. Que dis-je? vous êtes déjà tout fier du présent que vous m’avez envoyé. Retournez à l’ennemi et, s’il en est besoin, j’enverrai contre ces noirs des troupes en nombre tel qu’ils ne pourront point leur résister et je les chasserai de leur pays couverts d’opprobre et d’infamie. »
Quand il avait vu que le siège traînait en longueur et que ses soldats, décimés par un long séjour dans ces contrées, se plaignaient vivement de l’insalubrité du climat et des nombreuses maladies qui les accablaient, Djouder s’était replié vers ïombouctou, où il attendait la réponse de Elmansour relativement à la paix que Ishâq avait sollicitée.
Elmansour fut vivement irrité de ce que son armée avait battu en retraite et était revenue sur ses pas, aussi envoya-t-il le pacha Mahmoud prendre le commandement en chef à la place de Djouder, qui fut révoqué de ses fonctions et laissé en sous-ordre.
Chargé du soin de combattre Ishâq et de reprendre le siège de Kâghou, Mahmoud ramena les troupes Murâkushaines devant cette ville, mais entre temps, Ishâq, qui redoutait la prise de la place, avait donné l’ordre d’en retirer les approvisionnements et d’en faire sortir les habitants. Serré de près par l’ennemi, Ishâq s’enfuit de Kâgliou et, pensant qu’on ne le poursuivrait pas, il se retira dans la ville de Koukîa après avoir franchi le Niger, mais l’armée Murâkushaine traversa le fleuve à sa suite et ne cessa de cherchera l’atteindre jusqu’au jour où il mourut, laissant son royaume dans un complet désarroi.
Tous les commandeurs soudaniens se soumirent alors aux ordres de Elmansour, dont l’empire au Soudan s’étendit des confins extrêmes du Maghreb sur l’océan Atlantique au pays de Kano, qui fait partie du Bornou. Le roi de Bornou lui-même, dont les États touchent à la Nubie qui confine au Saïd d’Egypte, fit également sa soumission. «Ainsi, dit Elfichtâli, l’autorité de Elmansour était reconnue dans tout l’espace compris entre la Nubie et la partie de l’océan Atlantique qui avoisine le Murâkush. » C’était là un immense royaume et un puissant empire, tel que personne avant lui n’en avait possédé de pareil. Dieu donne le pouvoir à qui il lui plaît.
A la suite de la conquête des principautés du Soudan, le sultan Murâkushain reçut tant de poudre d’or, que les envieux en étaient tout troublés et les observateurs fort stupéfaits ; aussi Elmansour ne paya-t-il plus ses fonctionnaires qu’en métal pur et en dinars de bon poids. Il y avait à la porte de son palais 1.400 marteaux qui frappaient chaque jour des pièces d’or, et il y avait en outre une quantité du précieux métal qui servait à la confection de boucles et autres bijoux. Ce fut cette surabondance d’or qui fît donner au sultan le surnom de Eddzebebî [Vauriquê).
Aussitôt que ces bonnes nouvelles lui parvinrent, Elmansour éprouva la joie la plus vive ; il donna l’ordre de faire des réjouissances et de pavoiser les rues, matin et soir, pendant trois jours. Il reçut alors de tous côtés des-ambassades qui vinrent le féliciter du triomphe et de l’éclatant succès que Dieu avait procuré à ses armes. Des poètes chantèrent ce glorieux événement et des orateurs le célébrèrent en tous lieux. Parmi les poésies composées à cette occasion, voici celle qui eut pour auteur Abou Fârès Addelazîz ben Mohammed Elfichtâlî :
« L’armée du jour s’est précipitée contre l’armée de la nuit, et la blancheur de celle-là a effacé la noirceur de celle-ci.
« Les étendards de ton armée se sont élevés au dessus des noir et leur masse blanche, qui flottait,
« À brillé dans cet horizon de ténèbres pareille à la colonne de l’aube qui s’élance dans l’obscurité de la nuit.
« Ils se sont ensuite répandus en formant une nuit noire qu’a seule éclairée ton glaive qui, nouveau Dh-l-Fikr’, taillait tout en pièces.
« Tu as envoyé ces étendards comme des fléaux ou plutôt comme des carnassiers qui tenaient chacun entre leurs serres un corbeau qui croassait ;
« Ils ont marché la nuit guidés vers l’ennemi par ton esprit ingénieux et par les pointes de fer aux reflets bleus.
a Les ténèbres de la nuit se dissipaient devant eux grâce à l’auréole prophétique qui brille sur ton front.
« Par eux tu as fait retentir les tonnerres de ton feu ; leur éclat retentissant a fait trembler l’Iraq ; il a foudroyé
« Et mis en pièces le misérable Ishàq et son clan ! Quand il a voulu tirer le glaive, il avait déjà la chaîne au cou ;
« Il espérait échapper au danger, mais comment l’aurait-il pu, alors que derrière lui étaient les cohortes de ton vaillant Djouder,
« Cette armée dont l’arriôre-garde débordait de la porte de ton palais, comme le torrent de Mareb, tandis que Tavant-garde bloquait déjà Kâghou?
« Il n’a pas eu le temps de se reconnaître que les légions du sultan lui offraient le combat et le cernaient de tous côtés.
« Dieu a décrété que tes ennemis serviraient de but à tes traits, que ces ennemis fussent en Orient ou en Occident.
« Ils sont insensés les commandeurs qui veulent rivaliser de gloire avec toi, car personne ne saurait atteindre à ton degré d’illustration.
« Ils veulent t’égaler, toi qui n’as pas ton pareil dans tout l’univers. Comment oser comparer l’argent au mercure !
« Annonce aux rois de la terre que, grâce à ton glaive, tu as conquis les pays les plus lointains
« Et que Dzoulfiqâr se serait émoussé entre tes mains. Sépare ce que d’autres ont joint, et unis ce qu’ils ont séparé.
« Que les oiseaux du bonheur ne cessent de gazouiller pour toi dans le Mochtaha et y fassent éclater la joie,
« Tant que le renom de la gloire durera sur les feuillets de l’éloge ! ô toi qui es la racine de la gloire à laquelle tout le reste se rattache. »
Ibn Elqâdhî, dans son commentaire du Dorret essolouk, dit :
« La conquête du Soudan dont il vient d’être question eut lieu en l’année 999 (1591), date que j’ai indiquée dans le vers suivant d’une de mes qacida :
« Conquête glorieuse dont voici la date : Admire cette conquête qui n’a pas de limites. »
C’est Dieu le Très-Haut qui a dirigé dans la bonne voie notre ami Aboulhasen Ali ben Abderrahman ben Amrân Esselâsi en lui faisant reconnaître la date de la victoire précitée, au moyen du calcul du mm ‘, dans le verset suivant, àla condition d’éliminer les alifs d’union du calcul et de nepoint tenir compte des techdid : « Et Dieu donnera certes la victoire à celui qu’il voudra soutenir, car Dieu est fort et puissant »… jusqu’à ces mots : « Et à Dieu appartient la fin de toutes choses -. » Cette observation est ingénieuse, car on m’a assuré que le commentateur Elkouchî a indiqué le verset qui précède comme un de ceux qui servent à connaître l’avenir.
Après avoir établi solidement son autorité dans ces contrées, Mahmoud renvoya la moitié de ses troupes au Murâkush et adressa en même temps à Elmansour un présent d’une valeur inestimable : il se composait de 1.200 esclaves tant mâles que femelles, quarante charges de poudre d’or, quatre selles en or fin, de nombreuses charges de bois d’ébène, des pots de musc, des civettes et bien d’autres objets rares ou d’un très grand prix. Mahmoud demeura ensuite au Soudan en qualité de lieutenant du sultan et, durant son séjour dans cette contrée, il fit arrêter l’imam, le très docte, le magnanime, l’étendard des étendards, Abboulabbas Ahmed ben Ahmed Baba qui, ainsi que tous les membres de sa famille, fut chargé de chaînes et conduit à Murâkush. Les femmes elles-mêmes furent emmenées prisonnières et les biens du cheikh, ses trésors et ses livres livrés au pillage.
L’auteur du Bedzl elmonâsaha rapporte avoir entendu lecheikh Ahmed Baba dire ces mots : « De tous mes amisj’étais celui qui avais le moins de livres et cependant on m’apris 1.600 volumes. » L’arrestation de cette famille avait eulieu pendant la dernière décade du mois de moharrem del’année 1002 (17-27 octobre 1593) ; les membres qui lacomposaient arrivèrent à Murâkush au mois de ramadhan del’année suivante (10 mai-9 juin 1595) et y demeurèrenten captivité jusqu’au moment où, le malheur cessant enlinde les accabler, ils furent mis en liberté, le dimanche, 21 dumois de ramadhan de l’année 1004 (20 mai 1590); cetélargissement causa une vive satisfaction à tous les Croyants.Lorsqu’après avoir été rendu à la liberté, Ahmed Baba seprésenta au palais de Elmansour, il remarqua que ce commandeurrestait caché derrière un rideau flottant, qui le séparait dupublic, quand il donnait audience : « Dieu, qu’il soit béni etexalté, dit alors le cheikh, a déclaré dans le Coran qu’aucunêtre humain ne pouvait communiquer avec Dieu autrementque par la révélation ou en demeurant caché derrière unvoile : vous imitez donc le Maître des maîtres ; mais si vousavez à me parler, venez vers moi et écartez ce rideau. »Elmansour s’étant alors rapproché et ayant relevé le store,Ahmed Baba lui dit : « Qu’aviez-vous besoin de saccagermes biens, de piller mes livres et surtout de me faire enchaînerpour m’amener de Tombouctou ici ; c’est à cause de ceschaînes que je suis tombé de mon chameau et me suis casséla jambe. » — « Nous avons voulu, répondit Elmansour, fairel’unité du monde musulman et, comme vous êtes un des représentants les plus distingués de l’Islam dans votre pays, votresoumission devait entraîner celle de vos concitoyens. » —
« Pourquoi, dans ce cas, répondit le cheikh, n’avoir pasfondé cette unité avec les Turcs de Tlemcen et des localitésavoisinantes, qui sont beaucoup plus rapprochés de vousque nous ?» — « Parce que, répliqua Elmansour, le Prophète a dit : « Laissez en paix les Turcs tant qu’ils vous laisseront ranquilles, » Nous nous sommes donc conformé à cehadits. — « Cela a été vrai pour un temps, s’écria alorsAhmed Baba ; mais, plus tard, Ibn Abbâs n’a-t-il pas dit : «Ne laissez point en repos les Turcs, même s’ils ne s’occupentpas de vous. » En entendant ces mots, Elmansour se tut, et netrouvant rien à répondre, il mit fin à l’audience.
Devenu libre de sa personne, Ahmed Baba se livra à l’enseignement de la théologie et vit aussitôt la foule accourirpour profiter de ses leçons. Il continua à demeurer à Murâkushjusqu’à la.mort de Elmansour, qui ne l’avait fait sortir deprison qu’à la condition qu’il résiderait dans cette ville. Cefut seulement après la mort de ce souverain qu’il obtint deson fils, Zidân, l’autorisation de retourner dans sa patrie. Ilrentra donc dans son pays qu’il désirait vivement revoir etdont il ne parlait jamais que les larmes aux yeux, bien qu’ileût toujours conservé l’espoir que Dieu l’y ramènerait unjour. Voici quelques-uns des vers qu’il composa pour exprimer l’amour qu’il ressentait pour sa patrie et le désir qu’ilavait de la revoir :
« 0 toi qui vas à Kâghou, fais un détour vers ma ville natale ;murmure mon nom à mes amis et porte-leur
« Le salut parfumé de l’exilé, qui soupire après le sol où résident ses amis, sa famille et ses voisins.
« Console là bas mes proches chéris de la mort des seigneurs quiont été ensevelis dans mon pays, de celle
« De Abou Zéïd,le commandeur des vertus et de l’orthodoxie, le modèlede mes concitoyens, celui à qui je voudrais le plus ressembler.
« A cause de leur disparition, le glaive de la séparation est levésur moi et la mort menace mon soutien et mon appui.
« N’oublie pas Abdallah, l’homme vaillant et généreux. Ma tristesse est profonde depuis que j’ai perdu mes concitoyens et mes amis ;
« Les jeunes gens de ma famille, tous jusqu’au dernier, sont allésrejoindre le Roi des rois pendant mon exil.
« Quelle douleur et quelle tristesse m’envahissent à cause d’eux !0 mon Dieu, fais-leur une large part de ta miséricorde ! »
Au moment de quitter Murâkush pour rentrer dans son pays,Ahmed Baba fut accompagné par les principaux savants de laville, puis, quand on fut sur le pointde se séparer, l’un d’euxprit le cheikh par la main et récita ces paroles du Coran :« Certes, celui quia institué pour toi le Coran, te ramènera àton point de départ 1 », paroles qu’il est d’usage d’adresser àcelui qui part, afin qu’il revienne à bon port. En entendantces mots, Ahmed Baba retira vivement sa main et s’écria :« Puisse Dieu ne jamais me ramener à ce rendez-vous, ni me me faire revenir dans ce pays ! » Cela dit, le cheikh pritcongé des personnes qui l’avaient accompagné et partit pourle Soudan, où il arriva heureusement et sans encombre.
QADIRI :
Ils pénétrèrent ainsi dans les déserts du Soudan, et alors leur guide, conformément à l’autorisation qu’il avait reçue du sultan, s’enfuit, de sorte que, s’égarant dans le désert, ils périrent jusqu’au dernier. L’un d’entre eux cependant, qui put s’échapper, a raconté que, dévorés pur la soif, ils égorgeaient les chameaux pour en presser les ventricules cl tācher de se désaltérer, mais ils finirent par mourir tous de soif. Celui qui échappa s’était égaré dans lo désert, mais rencontra un Arabe Touareg qui le sauva en lui donnant de l’eau et le fil parvenir jusqu’à une tribu nomade. Quant aux approvisionnements de ceux qui avaient péri, ce furent les nomades de ces régions qui s’en emparèrent.
Le sultan équipa aussi un autre camp qu’il envoya, sous le commandement du qā’id Mahmoud, à Ğāġū ??? Quand on fut arrivé à destination, le chef de celle ville sortit el il fut convenu que le combat s’engagerait le lendemain ; mais avant lo lever du jour Mahmoud, feignant de fuir, se relira, et le roi du Soudan, dont la convoitise fut excitée, marcha si vile à sa suite qu’il put camper le soir près de son adversaire ; mais le lendemain Mahmoud repartit encore, toujours poursuivi, el l’entraīna ainsi jusqu’à dix étapes de son pays. Les noirs étaient affaiblis, les fantassins mal nourris et les vivres so faisaient rares quand eut lieu le choc entre les deux armées : une foule innombrable de noirs y péril, car la plus grande partie de leur armement était enfantine et consistait en arcs du genre de celui des Ġuzz en lances en bambou et en sabres, alors que les Maghrébins disposaient de grosses bouches à feu el de canons.
Le camp élait formé de douze mille hommes, qui manifestèrent leur supériorité sur les nègres en les massacrant et les faisanl prisonniers, el la plupart s’enfuirent vers le camp de Mahmoud. Celui-ci le lendemain donna le signal du dépari, puis ce démon revint en arrière et fil massacrer les noirs qui venaient de passer la nuit auprès de ses guerriers, tandis que les malheureux nègres, levant les mains au ciel, invoquaient leur communauté de religion ; mais les barbares continuaient la boucherie, car il n’y a de force el de puissance qu’eu Dieu! si bien que ces criminels mirent à mort sans aucune raison légitime tous ceux qui venaient de passer la nuit auprès d’eux : cela est inscrit dans le Livre de leurs actes et de celui de leur chef, c’est devant Dieu que se réuniront les liligants et que se rencontreront l’oppresseur et l’opprimé !
11 n’échappa que ceux qui s’enfuirent dans le désert, et les victimes, qui étaicnl innocentes de loul acte d’hostilité ou de faute antérieure, représentaient dix fois le chiffre des Maghrébins.
Ceux-ci repartirent alors à marches forcées vers les frontières el trouvèrent des bandes de nègres semblables à ceux qu’ils avaient envoyés à la mort; ces noirs jurèrent qu’ils ne se sauveraient ni ne s’enfuiraient, et s’attachèrent les uns aux autres. Les envahisseurs les entourèrent, puis massacrèrent les uns et réduisirent les autres en captivité.
Ce fut ainsi qu’au prix de nombreux actes d’injustice ils conquirent le pays; mais tout cela esl consigné dans un Livre manifeste ! On adressa alors au sultan des lettres pour lui annoncer la conquête du pays, la prise du prince nègre et de ses bandes, le massacre auquel on s’était livré, ce qu’on avail fait du pays et de ses habitants ; cl il donna l’ordre de procéder malin et soir à des réjouissances pendant trois jours à raison du massacre de créatures humaines qui étaient musulmanes.
Tout cela esl inscrit auprès de Dieu, le juste et souverain Juge !
Les pseudo-Fuqāhā, les officiers, les soi-disant docteurs et les syndics vinrent le féliciter à l’occasion du massacre de musulmans, du butin fail sur eux, do la réduction en esclavage de leurs enfants; cl lui-même, tres satisfait, en témoigna la plus grande joie !
Quand l’obéissance des habitants lui fut acquise, que la cavalerie irrégulière, adula, se fut dispersée, que les richesses, les munitions el les esclaves furent réunis auprès de lui. il ne garda à ses côtés que la moitié du camp el renvoya l’autre moitié avec tout ce bulin à Murrākuš. Quand celle-ci approcha de la ville, les officiers et les grands en sortirent pour se porter à sa rencontre; après quoi l’on introduisit dans le palais du sultan 1200 esclaves tant jeunes filles que jeunes gens, 40 charges d’or, 4 selles en or, de nombreuses charges d’ivoire et d’ébène, des vases de grand prix, des gcneltes et autres objets précieux du Soudan.
Mawlay Ahmed Dhehebi emmagasina lotit cela cl son pouvoir en fut fortifié. Un tribut annuel lui élait envoyé du Soudan, et il reçut ainsi un éléphant femelle qu’accompagnait un guide qui se faisait comprendre de l’animal, lequel fut envoyé à Fās .