L’été suivant vers le temps où le blé monte en épis, 10 vaisseaux de Syracuse et autant de Lokres prirent la mer et abordèrent à Messénè ville de Sicile.
Les Messéniens les avaient appelés : ils quittaient le parti d’Athènes. En procédant à cette occupation de Messénè, les Syracusains voyaient surtout dans cette ville la clef de la Sicile ; ils craignaient que les Athéniens n’en fissent une base d’opérations pour les attaquer avec des forces supérieures. Quant aux Lokriens, ils agissaient en haine de Rhégion, qu’ils voulaient attaquer par terre et par mer. Effectivement ils se portèrent avec toutes leurs forces contre cette ville, pour l’empêcher de secourir les Messéniens. En même temps ils étaient excités par les bannis de Rhégion réfugiés chez eux. C’est que depuis longtemps Rhégion était en proie aux séditions qui la mettaient dans l’impossibilité de résister aux Lokriens : raison de plus pour eux d’attaquer cette ville. Ils ravagèrent son territoire, puis se retirèrent. Pendant ce temps leurs vaisseaux croisaient devant Messénè. D’autres vaisseaux en armement devaient venir mouiller dans le port pour poursuivre la guerre.
24. – Sur ces entrefaites, en Sicile, les Syracusains renforcèrent avec des vaisseaux qu’ils venaient d’équiper l’escadre qui surveillait Messénè. C’est en partant de cette ville qu’ils commencèrent les hostilités. Ils étaient poussés surtout par les Lokriens, ennemis mortels de Rhégion, dont ils venaient eux-mêmes d’envahir le territoire. Leur intention était de livrer un combat sur mer. Car ils étaient assurés que les Athéniens n’avaient en ces parages qu’un petit nombre de vaisseaux et ils savaient que le gros de la flotte destinée à la Sicile était occupé à bloquer l’île de Sphaktérie. En cas de victoire navale, ils espéraient, en l’attaquant par terre et par mer, s’emparer sans difficulté de Rhégion et y asseoir ainsi leur domination. Le promontoire de Rhégion en Italie étant peu distant de Messénè en Sicile, les Athéniens se trouveraient dans l’impossibilité d’aborder et de se rendre maîtres du détroit.
Ce détroit est formé par un bras de mer qui sépare Rhégion de Messénè, à l’endroit où la Sicile est le plus rapprochée du continent. C’est la fameuse Kharybde que, dit-on, Ulysse traversa. Comme le passage est étroit, les eaux des deux mers, la mer Tyrrhénienne et la mer de Sicile, s’y engouffrent avec impétuosité et le passage est considéré à juste titre comme dangereux.
25. – Ce fut dans ce détroit que les Syracusains et leurs alliés se virent contraints, avec un peu plus de 30 vaisseaux, à livrer tard dans la journée un combat, provoqué par le passage d’un bateau de la marine marchande. Ils se heurtèrent à 16 vaisseaux d’Athènes et à 8 de Rhégion. Ils furent vaincus par les Athéniens, perdirent un vaisseau et chacun regagna en toute hâte son camp. On combattait encore à la nuit tombée. Là-dessus les Lokriens évacuèrent le territoire de Rhégion. La flotte des Syracusains et de leurs alliés se concentra et mouilla à Pélôris, ville appartenant à Messénè, où se trouvaient leurs troupes de terre. Les Athéniens et les gens de Rhégion les y rejoignirent ; apercevant les vaisseaux sans équipages, ils foncèrent dessus, mais ils en perdirent un qu’avait accroché une main de fer ; l’équipage put se sauver à la nage. Les Syracusains embarquèrent et au moment où ils halaient leurs vaisseaux en direction de Messénè, les Athéniens les attaquèrent une seconde fois ; mais l’ennemi vira de bord, prévint leur attaque et leur coula un second vaisseau. Ainsi ni dans le trajet ni dans le combat les Syracusains n’éprouvèrent de désavantage ; ils rallièrent ensuite le port de Messénè. A la nouvelle que Kamarina allait être livrée aux Syracusains par Arkhias et ses partisans, les Athéniens s’y portèrent avec leurs navires. Pendant ce temps les Messéniens marchèrent avec toutes leurs forces de terre et de mer contre Naxos la Khalkidienne, qui est limitrophe de leur ville. Le premier jour ils enfermèrent les Naxiens dans leurs murailles et ravagèrent le territoire ; le lendemain leurs vaisseaux remontèrent le cours du fleuve Akésinès pour en ravager les bords, tandis que l’armée de terre prononçait une attaque contre la ville. Mais pendant ce temps, les Sicules descendirent des montagnes pour attaquer les Messéniens. A leur vue les Naxiens reprirent courage et s’exhortèrent les uns les autres, en se disant que c’étaient les Léontins et leurs autres alliés qui venaient à leur secours. Ils sortirent précipitamment de la ville, coururent sus aux Messéniens, les mirent en déroute et leur tuèrent plus de 1000 hommes. Les survivants eurent toutes les peines du monde à regagner leurs foyers.
Les Barbares leur coupèrent la retraite et les massacrèrent pour la plupart. Les vaisseaux, qui avaient abordé à Messénè, regagnèrent ensuite leurs ports respectifs. Pensant que Messénè état hors d’état de se défendre, les Léontins et leurs alliés, renforcés des Athéniens, marchèrent contre cette ville. Ils l’attaquèrent, la flotte athénienne du côté du port, les troupes de terre du côté de la ville. Les Messéniens firent une sortie avec quelques Lokriens, qui sous le commandement de Démotélès après la défaite étaient demeurés comme garnison dans la ville. Ils surprennent les assaillants, mettent en fuite la plupart des Léontins et en tuent un grand nombre.
A cette vue les Athéniens descendirent de leurs vaisseaux pour se porter au secours de leurs alliés ; tombant sur les Messéniens, ils les bousculèrent et les poursuivirent jusqu’à la ville. Ils élevèrent un trophée, puis se retirèrent à Rhégion. Après ces événements les Grecs de Sicile poursuivirent sur terre les hostilités les uns contre les autres, sans la participation des Athéniens.