L’illustre Théophraste en exposant dans ses préceptes d’agriculture les essences d’arbres susceptibles de greffe, […] loue particulièrement le figuier, comme pouvant recevoir la plus grande variété de greffes étrangères et produire aisément les rejetons de n’importe quel arbre, si l’on en coupe les branches l’une après l’autre[…] : de cette manière souvent un seul figuier présente l’aspect d’un jardin complet : on dirait d’un charmant verger offrant une variété délicieuse de fruits de toute espèce, dont il emprunte son éclat.
Les fruits des autres arbres sont de courte durée et se conservent mal : la figue seule vit au-delà d’une année et voit naître le fruit qui va lui succéder. Ainsi, selon Homère, dans le jardin d’Alcinoüs, les fruits vieillissent en se remplaçant. Ce qui semble fiction poétique; pour la figue seule, est l’expression de l’exacte […].
Telle est en général, selon moi, la figue comme fruit, mais les nôtres sont de beaucoup meilleures comme produit ; car, de même que le figuier est au-dessus des autres arbres, ainsi notre figuier est au-dessus des autres figuiers, et si l’essence du figuier l’emporte sur les autres essences, il s’abaisse devant celui qui croît chez nous, en sorte que cette comparaison même est tout à l’avantage du figuier, dont la supériorité naturelle ne le cède à un seul que pour triompher de tous.
Or, ce n’est pas sans raison que nous jouissons de ce privilège. Il fallait, je le crois, que la vraie ville de Jupiter, l’œil de tout I’Orient, je veux dire la sainte, la vaste Damas, si supérieure en tout, par la beauté des cérémonies, la grandeur de temples, l’heureuse température des saisons, la limpidité des fontaines, le nombre des fleuves, la fertilité de la terre, fût aussi la seule qui possédât un tel arbre pour rehausser l’admiration dont elle est l’objet.
Aussi cet arbre ne souffre-t-il aucun déplacement : il ne dépasse point les limites du sol où il est né, et, par une loi commune aux plantes indigènes, il se refuse à produire en colonie.